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Ibn ʿArabī
Traduction
Charles-André Gilis
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DÉFINITION DU JEÛNE
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Seigneur" car la joie ne se réjouit pas d'elle-même; elle est ce par quoi l'on se réjouit. Celui dont Dieu est
le regard quand il Le voit et Le contemple, ne se voit lui-même (nafsa-Hu) que par Son Regard : la joie du
jeûneur tient à son rattachement au degré de la "non-similitude" !
Ici-bas, en revanche, il se réjouit de la rupture ( fitr) en accordant son droit à l'âme animale qui, par sa
constitution même, y réclame la nourriture. Lorsque le Connaissant voit ce besoin qu'a son âme animale
et végétative, qu'il voit avec quelle générosité il lui apporte sa nourriture, et que c'est un droit en sa faveur
qu'Allâh lui a mis à charge, il remplit cette fonction en vertu d'une qualité divine; il donne par la Main
d'Allah, tout comme c'est par l'Oeil d'Allâh qu'il voit Dieu lorsqu'il Le rencontre. C'est pourquoi il se
réjouit de Sa Rupture (3) tout comme il se réjouit de Son Jeûne lorsqu'il rencontre son Seigneur.
Le jeûne est attribué au serviteur qui mérite de ce fait le nom de jeûneur; puis, en dépit de cette
attestation, Dieu le lui retire et Se l'attribue à Lui-même en disant: "...à l'exception du jeûne, car celui-ci
est à Moi", c'est-à-dire: "l'Attribut as-Samad, qui indique l'indépendance (tanzîh) à l'égard de la
nourriture, n'appartient qu'à Moi; si Je te l'attribue, il exprime uniquement un aspect conditionné de la
transcendance (tanzih), non la Transcendance absolue qui ne convient qu'à Ma Majesté". C'est Allâh qui
est le Prix du jeûne quand le jeûneur retourne vers son Seigneur et le rencontre avec la qualification "rien
ne Lui est semblable", c'est-à-dire avec le jeûne. En effet, ne peut voir "Celui à qui rien n'est semblable"
que "celui à qui rien n'est semblable" comme l'a précisé Abû Tâlib al-Makkî, l'un des Maîtres des "Gens du
Goût initiatique" (ahl adh-Dhawq). "Celui dans le sac duquel Il sera trouvé servira Lui-même de Prix" :
comme ce verset s'impose en cette occurrence !
La parole prophétique continue par les mots: "et le jeûne est un bouclier ( junna)", c'est-à-dire une
protection (wiqaya); comme dans Sa Parole: "Ayez la crainte pieuse d'Allâh", c'est-à-dire prenez-Le comme
sauvegarde et soyez également une sauvegarde pour Lui ! Il a conféré au jeûne la même fonction
protectrice, celle de "rien ne Lui est semblable", car le jeûne n'a "pas de semblable" parmi les oeuvres
d'adoration. Cependant, on ne dit pas à son sujet: "Rien ne lui est semblable" (c'est-à-dire, littéralement:
"il n'y a pas, comme son semblable, de chose"). En effet, la "chose" est une réalité archétypale (thubûti) ou
actuelle (wujudi) alors que le jeûne est un abandon, c'est-à-dire un concept dépourvu de réalité ('adami)
et un attribut purement négatif. On dit donc qu'"il n'a pas de semblable" non qu'"aucune chose ne lui est
semblable": telle est la nuance relative à la "non-similitude" selon qu'il s'agit d'un caractère divin ou d'un
attribut du jeûne.
Ensuite. le Législateur énonce à l'encontre du jeûneur une interdiction qui marque elle-même un
abandon et une qualification négative, en disant: "qu'il s'abstienne de propos indécents et de cris". Il n'a
pas ordonné un acte mais interdit que l'on accomplisse certains actes. Comme le jeûne est une
abstention, il y a ici une relation significative entre lui et ce qui est ainsi défendu au jeûneur.
Puis, on a ordonné à ce dernier de dire à celui qui l'insulte ou s'en prend à lui: "Je suis jeûneur !", c'est-
à-dire "dans un état où j'abandonne cet acte que tu accomplis toi, ô toi qui t'en prends à moi et qu.
m'injuries !" Sur l'ordre de son Seigneur, il s'élève (nazzaha) au-dessus de la riposte et annonce qu'il
l'abandonne, autrement dit qu'il n'y a chez lui ni insulte ni volonté de combattre.
Il a dit ensuite: "Par Celui qui tient l'âme de Muhammad en Sa Main..." : formule de son serment
-qu'Allâh répande sur lui Sa Grâce et Sa Paix !- "... en vérité l'haleine qui sort de la bouche du jeûneur..."
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c'est-à-dire l'altération de l'odeur de sa bouche qui apparaît uniquement par l'expiration (tanaffus), en
l'occurrence celle que le jeûneur vient d'émettre avec cette parole parfumée qu'il a reçu l'ordre de dire: "Je
suis jeûneur !" ; cette parole, ainsi que tout souffle émanant du jeûneur, "... sera plus parfumée au Jour de
la Résurrection...", "le jour où les hommes seront debout devant le Seigneur des mondes" (Cor.83,6), "...
pour Allâh..." : il a employé le Nom synthétique qualifié par tous les Noms divins ; c'est le Nom qui n'a pas
de semblable car personne, à l'exception d'Allâh -gloire à Sa transcendance !- ne peut le porter : il
correspond donc bien au jeûne qui, lui aussi, n'a pas de semblable ; "... que le parfum du musc" : il s'agit
d'une chose réelle que perçoit celui qui la sent et dont jouit celui qui a une nature saine et équilibrée ;
cependant, l'haleine du jeuneur est pour Allâh plus parfumée encore. En effet, Il perçoit les odeurs d'une
autre manière que celui qui les perçoit au moyen des sens; ce qui est, pour nous, une mauvaise haleine
est pour Lui -qu'Il soit exalté !- une odeur plus parfumée que celle du rnusc car elle émane d'un être qui
n'a pas de semblable. Une bonne odeur n'est pas l'autre. Celle qui procède du jeûneur découle de sa
respiration (tanaffus) alors que celle qui émane du musc ne procède pas de la respiration du musc !
Un événement d'ordre spirituel (waqi'a) m'est arrivé à ce propos. Je me trouvais dans le Haram
mekkois, au minaret situé à la Porte al-Hazwara, auprès de Mûsâ b. Muhammad al-Qabbâb qui y faisait
l'appel à la prière. Il avait amené avec lui une nourriture dont la mauvaise odeur incommodait tous ceux
qui la respiraient. Or, je connaissais l'enseignement prophétique selon lequel "les Anges sont
incommodés par ce qui incommode les fils d'Adam" de sorte que le Législateur a interdit que l'on
s'approche des mosquées avec des odeurs d'ail, d'oignon et de poireau. Je me couchai donc, bien décidé à
dire à cet homme d'ôter cette nourriture de la mosquée à cause des Anges. Dans mon sommeil, je vis le
Dieu Très-Haut qui me dit -qu'II soit glorifié et rrtagnifié ! - : "Ne lui parle pas de cette nourriture car son
odeur auprès de Nous n'est pas semblable à ce qu'elle est auprès de vous". Au matin, (l'homme) vint
auprès de moi suivant son habitude et je lui fis part de ce qui m'était arrivé. Il se mit à pleurer et se
prosterna devant à Allâh pour manifester sa gratitude; puis il me dit: "Sidi, malgré cela, le respect des
convenances à l'égard de la Loi sacrée est préférable !" Il fit disparaître alors cette nourriture de la
mosquée : qu'Allâh lui fasse miséricorde ! Toutes les natures saines, qu'il s'agisse d'hommes ou d'Anges,
sont incommodées par une sensation qui ne leur convient pas et fuient les odeurs mauvaises et
répugnantes. Allâh est seul à percevoir le Visage divin (wajha-l-Haqq) qu'elles renferment ; certains
animaux aussi. qui s'en accommodent, et les hommes dont la nature a une certaine affinité avec celle de
ces animaux, mais en aucun cas les Anges. C'est pourquoi il a dit. "par Allâh", car l'homme dont la nature
est saine déteste lui aussi l'haleine du jeûneur, tant chez lui-même que chez les autres.
De manière figurée, la Loi sacrée a attribué au jeûne la perfection suprême en rapportant que Dieu lui
a réservé dans le Paradis une porte spéciale à laquelle Il a conféré un nom spécial impliquant la
perfection. Les jeûneurs y entrent en effet par une porte appelée "ar-Rayyân"; or, ar-rayy occupe, en
matière de breuvages, le degré de la perfection. Tant que ce degré n'est pas atteint, il s'agit nécessairement
d'autre chose : lorsqu'il l'est, il y a saturation et il n'est plus possible d'absorber quoi que ce soit, qu'il
s'agisse ou non d'une terre peuplé d'êtres vivants. Muslim rapporte ce hadîth, transmis par Sahl b. Sa'd :
l'Envoyé d'Allâh -qu'Allâh répande sur lui Sa Grâce unitive et Sa Paix !- a dit : "En vérité, il y a dans le
Paradis une porte appelée ar-Rayyan: c'est par elle qu'entreront les jeûneurs au Jour de la Résurrection;
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personne d'autre n'y entrera avec eux. L'on dira: "où sont les jeûneurs, pour qu'ils entrent par elle ?"
Lorsque le dernier d'entre eux sera entré, elle sera fermée et plus personne n'entrera plus par là". Il n'a dit
cela pour aucune oeuvre ayant fait l'objet d'un ordre ou d'une défense à l'exception du jeûne. Il a montré
clairement, par cette mention d'ar-Rayyan, que les jeûneurs atteignent la perfection dans le domaine des
oeuvres d'adoration: ils se sont qualifiés, nous l'avons dit, par ce qui n'a pas de semblable et ce qui n'a pas
de semblable est en réalité parfait. Ceux d'entre les Connaissants qui sont "jeûneurs" y entrent (par cette
porte) dès maintenant (de manière cachée) et ils y entreront (dans la vie future) d'une manière dont
toutes les créatures auront connaissance.
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FORME SPIRITUELLE DU JEÛNE
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LE JEÛNE DES CONNAISSANTS PAR ALLAH
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JEÛNE ET PRIÈRE RITUELLE
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jeûne...", cette joie concerne uniquement son esprit animal, "... l'autre, quand il rencontre son Seigneur" :
cette joie là concerne son "âme parlante" (nafs nâtiqa) et son "noyau seigneurial" (latifa rabbaniyya) car le
jeûne amène à la rencontre d'Allâh, c'est-à-dire à la contemplation (mushâhada).
Le jeûne est plus parfait que la prière rituelle car il entraîne la rencontre d'Allâh et Sa contemplation.
La prière est un entretien (munâjat), non une contemplation. Elle implique nécessairement un voile;
Allâh a dit en effet : "Il n'appartient pas à la créature humaine qu'Allâh lui parle si ce n'est par inspiration
ou de derrière un voile" (Cor. 42, 5l). C'est ainsi qu'Allâh a parlé à Moïse et c'est pour cette raison que ce
dernier Lui a demandé la Vision. "S'entretenir", c'est échanger des paroles. (C'est pourquoi) Allâh dit : "J'ai
partagé la prière rituelle en deux moitiés entre Moi et Mon serviteur et ce qu'il demande est à Mon
serviteur ; lorsque le serviteur dit : "Louange à Allâh, le Seigneur des mondes", Allah dit : "Mon serviteur
M'a louangé", etc." Le jeûne, en revanche, ne se partage pas. Il appartient (tout entier) à Allâh et
nullement au serviteur. Bien plus, le serviteur ne reçoit son "salaire" que par le fait même qu'il appartient
à Allâh !
Il y a ici un secret sublime. Nous avons déjà dit que la "contemplation" et l'"entretien" ne sont pas
compatibles. En effet, la contemplation provoque perplexité et stupeur (baht) alors que la parole vise à la
compréhension : quand une parole se présente à toi, ton attention se porte sur ce qui est dit -peu importe
ce dont il s'agit- non sur celui qui parle. Comprends donc le Coran et tu comprendras al-Furqan ! Telle est
la différence entre la prière rituelle et le jeûne... Quant à ce que nous avons dit à propos du fait qu'Allâh
"paie le Prix" du jeûne par la joie que le jeûneur éprouve au moment où il rencontre son Seigneur, le
secret correspondant se trouve dans la Parole divine qui figure dans la Sourate Yusuf : "Celui dans le sac
duquel Il sera trouvé servira Lui-même de Prix" (Cor. l2, 75).
Futuhat, chap.7 l, vol.9, p. 387-389 de l'éd. O. Yahya
"Et certes le dhikr d'Allâh est plus grand !" Quelle que soit l'oeuvre d'adoration pratiquée par le
serviteur, lorsqu'elle comporte le dhikr d'Allâh celui-ci est nécessairement "plus grand" que les actes et les
paroles que cette oeuvre comprend par ailleurs. Le Très-Haut a dit en effet: "La prière rituelle écarte la
turpitude et ce qui est blâmable; cependant le dhikr d'Allâh est plus grand" (Cor.29, 45), c'est-à-dire: celui
qui est pratiqué dans la prière est "plus grand" que les divers actes que celle-ci comporte. Si tu pratiques
le dhikr d'Allâh quand tu accomplis la prière, Il est ton Compagnon ( jalis) dans cette oeuvre, Lui qui a dit
qu'Il était "le Compagnon de celui qui Le mentionne (dhakara-Hu)" ; or, s'Il est ton Compagnon, ou bien
tu es doué de la Vue divine et tu Le contemples (directement), ou bien tu ne possèdes pas ce don et tu Le
contemples par la Foi dans le fait qu'"II te voit".
De même qu'Allâh ne parle à Sa créature que "de derrière un voile" (Cor.42, 5l) -et le voile n'est autre
que Sa Parole même !- de même, tu ne peux, toi, lui parler, te mentionner toi-même ou mentionner un
autre, que de derrière un voile ; il ne peut en être autrement. En effet, la contemplation rend stupide et
muet. Celui qui pratique le dhikr est nécessairement aveugle, même si Dieu est son Compagnon : ce qui le
rend aveugle, c'est son dhikr ! Dieu, pour tout pratiquant du dhikr, est un "Compagnon invisible" ( jalisu
ghaybin) ! Seul réunit la contemplation (mushâhada) et la parole (kalam) celui qui est sous l'emprise
d'une contemplation imaginaire de son Seigneur, indiquée par la parole "comme si tu Le voyais" car c'est
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là une présence qui se manifeste dans l'imagination : dans cet état, le "compagnon" est semblable à toi, ce
n'est pas Celui "à qui rien n'est semblable". Tel était l'état de Shihâb b. Akhî al-Najîb -qu'Allâh lui fasse
miséricorde !- d'après cette parole de lui qui m'a été communiquée de manière sûre : "l'homme peut
réunir la contemplation et la parole". Qu'est donc un tel goût initiatique en comparaison de celui du
"Réalisé Certificateur" (muhaqqiq) Abû-l-'Abbâs as-Sayyârî, qui fait partie des hommes mentionnés dans
la Risala de Qushayrî ? Il a dit en effet: "l'être doué d'intellect n'a jamais tiré aucune jouissance de la
contemplation car la contemplation de Dieu est une extinction ; elle ne comporte aucune jouissance".
Qu'est donc un tel goût initiatique en comparaison de celui de Shihâb ! Comprends donc, car c'est un
point où se trompent même les Gens d'Allâh qui ont obtenu les plus grands degrés de réalisation ; que
dire de ceux qui leur sont inférieurs !
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LE MOIS DE RAMADAN
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et non pas "la vision du Ramadan". Le hadîth de Abû Ma'shar se trouve ainsi confirmé puisqu'à la parole
des savants selon laquelle il doit être retenu en dépit de sa faiblesse s'ajoute l'appui du Coran.
Allâh a rendu le jeûne "qui n'a pas de semblable" obligatoire de façon inconditionnelle uniquement en
ce mois auquel Il a -gloire à Sa Transcendance !- donné un de Ses Noms. Dès lors, ce mois n'a lui-même
pas de semblable car aucun mois de l'année ne porte un des Noms dont Allâh S'est appelé Lui-même à
l'exception du " Ramadan " ; il s'agit d'un nom d'élection, appliqué à un mois bien déterminé. Tel n'est pas
le cas de Rajab en dépit du fait que le Prophète -sur lui la Grâce et la Paix divines !- a dit de lui qu'il était
"le mois sacré d'Allâh" (shahr Allâh al-muharram), car tous les mois sont en réalité des mois d'Allâh : la
qualification particulière de Rajab tient uniquement au fait qu'il s'agit d'un des mois sacrés.
Enfin, Allâh le Très-Haut a révélé le Coran en ce mois au cours de la meilleure des nuits, appelée la
"Nuit de la Valeur" ; Il l'a révélé "comme une guidance pour les hommes " (Il a révélé aussi) des
indications évidentes tirées de la guidance et le Livre discriminateur" (Cor. 2,185) en tant qu'Il est "
Ramadan " ; en revanche, en tant qu'Il est "Nuit de la Valeur", Il l'a révélé comme "un Livre explicite", c'est-
à-dire qu'Il a rendu explicite qu'il s'agit d'un Livre. Entre le fait d'être un Livre, un Coran ou un
Discriminateur (Furqan), il y a des degrés bien distincts que connaissent les Savants par Allâh.
Si l'Envoyé d'Allâh -sur lui la Grâce et la Paix !- a défendu de dire " Ramadan ", c'est à cause de la Parole
"rien ne Lui est semblable". En effet, si l'on appelait (le mois du jeûne) " Ramadan ", Allâh aurait un
semblable sous le rapport de ce Nom. Le terme "mois" est ajouté pour nier l'existence d'une similitude
plus précisément en ce qui concerne l'"ordre mensuel", de sorte que "rien ne Lui est semblable" demeure,
à ce point de vue aussi, au degré qui est le sien.
Allâh a rendu le jeûne de ce mois obligatoire et ses veilles recommandées : il comporte un état de
jeûne (sawm) et un état de rupture de jeûne (fitr) car il comprend la nuit aussi bien que le jour. Le Nom
"Ramadan" s'applique au mois dans ces deux états et demeure ainsi bien distinct de "Ramadan" en tant
que Nom d'Allâh le Très-Haut : le jeûne qui appartient à Allâh n'implique aucune rupture, à la différence
du nôtre qui prend fin à une limite temporelle correspondant à la disparition du jour, à l'arrivée de la nuit
et au coucher du soleil. Le jeûne ne s'applique pas à Dieu de la même manière qu'aux créatures.
Il a recommandé la veille de ses nuits en vue de Sa manifestation théophanique (tajalli), "le jour où les
hommes seront debout (yaqumu) devant le Seigneur des mondes" (Cor. 93, 6). Bien que cette
manifestation s'opère pour Allâh en toute nuit de l'année, elle n'est pas comparable en Ramadân, à un
moment où les jeûneurs ont rompu leur jeûne, à ce qu'elle est à l'égard de ceux qui mangent sans avoir
jeûné : pour les premiers, il y a rupture à la suite d'un "abandon" prescrit par la Loi et décrit comme
" n'ayant pas de semblable" ; quant aux seconds, ils ne sont pas désignés comme ceux "qui ont rompu le
jeûne (muftir) mais comme ceux "qui mangent" (akil). Pour le jeûneur, la rupture est une ouverture
(shaqq) de ses entrailles par la nourriture ; il les ouvre en y faisant circuler nourriture et boisson après
qu'elles ont été "bouchées" par on jeûne, conformément à sa parole -sur lui la Grâce et la Paix !-
"empêchez leur circulation par la faim et la soif".
La veille a lieu la nuit car elle résulte d'une force qui habite le veilleur et qui a son origine dans la
nourriture. Il y a ici une corrélation avec l'invisible (ghayb): la force qui résulte de la nourriture est
invisible car c'est un conséquence qui échappe à l'ordre sensible. Le Ramadan comporte donc le jeûne
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aussi bien que la rupture, la veille aussi bien que son contraire ; c'est pourquoi il est dit dan une tradition
prophétique "Qu'aucun d'entre vous ne dise : j'ai veillé le Ramadan tout entier ou je l'ai jeûné ". Celui qui
rapporte cette donnée ajoute: "Je ne sais s'il a réprouvé par là toute forme d'excès (tazkiya) ou s'il a voulu
dire simplement qu'on ne peut échapper à un certain sommeil ou assoupissement", l'exclusion
s'appliquant alors uniquement à la veille de la nuit, non au jeûne du jour. Ce hadîth est rapporté par Abû
Dâwûd d'après Abû Bakr qui le tenait de l'Envoyé d'Allâh -qu'Allâh répande sur lui Sa Grâce unitive et Sa
Paix ! Du reste, la rupture ( fitr) correspond ici uniquement à la disparition (du jour), à l'arrivée (de la
nuit) et au coucher (du soleil), peu importe que le jeûneur se mette alors à manger où non.
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COMMENTAIRE DES VERSETS RELATIFS AU JEÛNE DU MOIS DE RAMADAN
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jours du mois par dizaines de manière à ne pas invalider la mention (coranique) des "ayyam", en
conformité avec la Parole d'Allâh le Très-Haut. Il a agi ainsi autrement qu'il l'avait fait avec Aïcha à propos
de l'annulation du mariage (al-ilâ); il avait dit alors : "il se peut que le mois soit de vingt-neuf jours"-, et
non "comme ceci et comme cela", comme il le fit pour le mois de Ramadan. Ceci confirme qu'il a voulu
s'exprimer en conformité avec ce que le Très-Haut avait mentionné dans son Livre.
Il a dit ensuite : "Quant à celui d'entre vous qui est malade ou en voyage, (qu'il jeûne) un nombre
d'autres jours (ayyamin)". Ici encore, Il a mentionné des "jours", tout en faisant allusion par (les mots)
"d'entre vous" à ceux auxquels s'adressait Son exhortation, c'est-à-dire ceux qui croient ; "malade", c'est-à-
dire empêché par Dieu ; "ou en voyage" : ce sont les Gens du cheminement initiatique (suluk) dans la Voie
d'Allâh, les Stations (maqâmat) et les états spirituels (ahwal). Le terme "safar" a son origine dans l'"isfa ",
terme qui contient l'idée de rendre visible, manifeste (zuhur). Il sert à désigner le voyage parce que celui-
ci dévoile le caractère des hommes. Ce que la "Station" et l'"état" dévoilent aux initiés dans ce
cheminement, c'est que l'action ne leur appartient pas, bien qu'ils l'accomplissent. Allâh est Lui le seul
Agent ('âmil) en eux; c'est Sa Parole : "Tu n'as pas lancé quand tu as lancé, mais Allâh a lancé" (Cor. 8, 17) ;
"un nombre d'autres jours", c'est-à-dire dans "le temps voilé" ( fi waqt al-hijâb): ils sont "autre" pour que
l'astreinte légale puisse trouver un support temporel qui les rende obligatoires : cette question a été
abordée précédemment ; tu n'as qu'à te référer à ce que nous avons écrit.
Il a dit ensuite: "et, à charge de ceux qui ont la capacité de jeûner, une compensation : la nourriture
d'un pauvre. Celui qui, usant de sa liberté, accomplit un bien, cela est un bien pour lui et que vous
jeûniez est un bien pour vous : si vous saviez ! ", c'est-à-dire : celui qui a la capacité de jeûner, Nous lui
avons donné le choix entre le jeûne et la nourriture (d'un pauvre): (le Très-Haut) est donc passé, pour ce
qui concerne celui qui est soumis à l'astreinte, d'un statut d'obligation déterminée à un statut d'obligation
indéterminée, bien que le choix (du serviteur) soit limité. Allâh savait bien comment il se comporterait !
C'est pour cela qu'Il lui a laissé le choix: aucun des deux termes (de l'alternative) n'étant obligatoire par
lui-même, celui que (le serviteur) aura choisi l'aura été en vertu d'un libre-choix puisqu'il aurait pu tout
aussi bien choisir l'autre. Cependant Allâh a rendu le jeûne préférable car il Lui appartient, de sorte que
(l'homme) réalise l'Attribut de "jeûne" qui, parmi les modes d'adoration, "n'a pas de semblable". Si tu
rétorques que le fait de nourrir est également un Attribut divin car Il est "Celui qui donne la nourriture",
nous répondons que cette idée eut été effectivement possible s'Il n'avait joint faculté de nourrir (un
pauvre) à l'idée de compensation en rattachant (grammaticalement, dans le texte coranique) la première
à la seconde. (Il s'est donc exprimé) comme celui qui est soumis à l'astreinte avait l'obligation de jeûner !
Or, tant selon les convenances que selon la réalisation véritable, rien n'est obligatoire pour Allâh, à
l'exception de ce qu'Il S'est rendu obligatoire à Lui-même: celui qui est soumis à un statut d'obligation en
est en effet le prisonnier et demeure sous sa puissance ! Ici, la compensation a été précisée : c'est le fait de
nourrir. Allâh a donc eu en vue le jeûne et l'a établi comme un bien pour toi car s'agit d'un Attribut qui lui
est propre. Ne vois-tu pas qu'Il a dit aussi : " Et Nous l'avons exonéré au moyen d'une victime
sublime" (Cor.37, 107) : de l'emprise de la mort. " Si vous saviez " : sans doute, la particule in a-t-elle ici un
sens de négation ; c'est-à-dire: "vous ne sauriez pas que le jeûne est meilleur que le fait de nourrir si Je ne
vous l'avais pas appris". Il se peut aussi que le sens soit : "Si vous cherchez à savoir le meilleur terme du
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choix que Je vous ai laissé, Je vous l'apprends", c'est-à-dire les rangs respectifs du jeûne et du fait de
nourrir.
Il a dit ensuite: "Le mois de Ramadan ", de ce Nom divin qui est " Ramadan ", mois qu'Il a relié à Allâh
le Très-Haut à partir de Son Nom "Ramadan ", Nom étrange et singulier ; "dans lequel le Coran a été
révélé ", c'est-à-dire : le Coran est descendu par le jeûne de ce mois précis à l'exclusion de tout autre ;
"comme une guidance". Le Coran, c'est la synthèse ( jam'). C'est pourquoi Il t'a uni à Lui dans l'Attribut de
" samadâniyya " qui est le jeûne ; par sa transcendance, celui-ci appartient à Allâh qui a dit : "le jeûne est à
Moi " ; en revanche, en tant qu'oeuvre d'adoration, c'est à toi qu'il appartient. "Comme une guidance " :
c'est-à-dire un exposé évident ; " pour les hommes " : à la mesure de leur capacité et de la compréhension
qui leur a été donnée car chacun en possède, dans cette oeuvre d'adoration, une certaine part
(shurban). "et des indications évidentes (bayyinât)" : tout être a une évidence qui lui est propre, à la
mesure de sa compréhension du Discours divin ; "tirées de la Guidance", qui est l'Éclaircissement (total:
tibyân) divin, "ainsi que la Discrimination (Furqân)" : après t'avoir uni à Lui par le "Coran", Il te
"discrimine", afin que tu te distingues de Lui au moyen du "Livre discriminateur", car si tu es "toi, toi", Il
est "Lui, Lui" en application de ce qui a été dit, à savoir que tu fais usage d'une chose qui Lui appartient et
qui est le jeûne ; celui-ci lui appartient du point de vue de sa transcendance alors qu'il est à toi en tant
qu'oeuvre qui n'a pas de semblable ; le Seigneur est ainsi distingué du serviteur, après qu'ils ont été
associés tous deux dans le nom de "jeûne".
"Celui d'entre vous qui a la vision du mois, qu'il le jeûne", c'est-à-dire: celui d'entre vous qui se trouve
avoir une réputation auprès du commun des gens, qu'il jeûne à cet égard ; qu'il restreigne son âme dans
cette notoriété, qu'il la domine au moyen de l'abaissement et la dépendance de sorte que sa joie soit
intense au moment de la rupture.
"Celui qui est malade", en état de déséquilibre (mâ'ilan), car la maladie est un déséquilibre, ou
d'emprisonnement, car le malade est le prisonnier de Dieu, "ou en voyage", cheminant parmi les Noms
divins pour connaître le " goût initiatique " (dhawq), ou encore allant de Lui vers les créatures, "qu'il jeûne
un nombre d'autres jours" : des jours comptés, sans en ajouter sans en retrancher. "...Allâh veut pour vous
la facilité (yusra)..." en vous exhortant à la douceur dans l'accomplissement de l'astreinte légale , "et il ne
veut pas pour vous la difficulté" c'est-à-dire ce qui vous est pénible, confirmant par là cette autre Parole :
"Il n'a pas mis de gêne à votre charge dans la Religion". En outre, Il déterminé ici al-yusra au moyen de
l'alif et du lâm, faisant allusion ainsi à la " facilité " mentionnée, cette fois en mode indéterminé, dans la
Sourate " N'avons-nous pas ouvert ta poitrine " -; c'est-à-dire : telle est la facilité que Je veux de vous, celle
de la Parole: "En vérité, avec la difficulté, il y a une facilité (yusran)...", ce qui veut dire: dans la difficulté
de la maladie, il y a la facilité de ne pas jeûner; puis: "En vérité, avec la difficulté, il y a une facilité
(yusran)" ce qui veut dire: dans la difficulté du voyage il y a également la facilité de ne pas jeûner ; "Puis,
quant tu en auras terminé" avec la maladie et le voyage " établis " ton âme dans l'oeuvre d'adoration qu'est
le jeûne, c'est-à-dire "accomplis-le !" -; "... et dirige-toi ardemment vers ton Seigneur" pour demander Son
aide. Notre Maître Abû Madyan -qu'Allâh lui fasse miséricorde !- disait à propos de ce verset : "quand tu
en auras terminé avec les créatures, fixe (ou établis) ton coeur dans la contemplation du Tout-
Miséricordieux et dirige-toi ardemment vers ton Seigneur pour toujours ; c'est-à-dire, quand tu entres
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dans une oeuvre d'adoration, n'entretiens pas ton âme du moment d'en sortir en disant: " Ah ! Si
seulement elle pouvait déjà être terminée ! "
" ... et achevez le nombre (prescrit)" : par la vision du croissant ou l'achèvement des trente jours ; "et
magnifiez Allâh" : témoignez de Sa Grandeur et qu'elle Lui appartient à Lui seul ; ne la Lui disputez pas,
car elle ne convient qu'à Lui : gloire à Sa Transcendance ! Magnifiez-Le par rapport à toute qualification
de facilité ou de difficulté, car Il a dit à propos du renouvellement : "et cela Lui est très facile". Il sait
parfaitement ce qu'Il dit ; prends garde à tes interprétations car tu aurais à en répondre: magnifie-Le par
rapport à ces dernières ! "pour vous avoir guidés", c'est-à-dire vous avoir donné la réussite dans
l'accomplissement de Ses prescriptions et vous avoir montré clairement votre part de ce qui Lui revient :
qu'Il soit exalté ! "peut-être serez-vous reconnaissants" --: Il a fait de tout cela une grâce dont nous devons
Le remercier ; nous pouvons en effet toujours recevoir davantage, ce qui est la preuve la plus évidente de
notre état de "manque". La reconnaissance (shukr) est un Attribut divin car "Allâh est Reconnaissant,
Savant" (Cor.4, 147). Par cet Attribut, par le fait qu'Il est Lui-même Reconnaissant, Il nous demande
toujours davantage; Il a dit en effet : "Et si vous êtes reconnaissants, je vous donnerai un surcroît" (Cor.14,
7) ; Il nous a indiqué ainsi ce que nous assure la reconnaissance, afin que nous accroissions nous-mêmes
nos oeuvres !
"Et si Mes serviteurs t'interrogent à Mon sujet", du fait que tu es le "gardien de la porte", "en vérité, Je
suis Proche" en ce que Nous avons de commun avec eux : la reconnaissance et le jeûne qui
"M'appartient". Nous leur avons ordonné de jeûner tout en leur faisant savoir que c'est à Nous, et non à
eux, qu'il appartient. Celui qui s'en revêt revêt une chose qui Nous est propre (khass) et fait partie des
Gens de l'Élection (ahl al-ikhtisas), tout comme -"les Gens du Coran sont les Gens d'Allâh et Son Elite
(khassatu-Hu)" ; "Je réponds à l'appel de celui qui appelle" selon une vision subtile (basira), "lorsqu'il
M'appelle" c'est-à-dire : de même que Nous t'avons fait appeler les hommes "à Allâh selon une vision
subtile (basira)", de même Nous donnons à celui qui Nous appelle à lui une vision subtile du fait que
Nous lui répondons, du moins tant qu'il ne dit pas : "Il ne me répond pas !" ; "qu'ils répondent à Mon
Appel ( fa-l-yastajibu ly)"-, c'est-à-dire quand Je les appelle à Mon obéissance et à Mon adoration, car "Je
n'ai créé les Jinns et les Hommes que pour qu'ils M'adorent" (Cor.51, 56) ; Je les convoque par la bouche de
Mes Envoyés ainsi que dans les Livres révélés avec lesquels Je les ai envoyés vers eux. (Allâh) a renforcé le
terme istijâba par le sîn car Il connaissait notre refus et notre répugnance à Lui répondre. "pour Moi (ly)",
c'est-à-dire : à cause de Moi (seul) ; ne faites pas cela dans l'espoir d'obtenir ce qui est auprès de Moi), car
vous seriez alors les serviteurs de Ma Grâce, non Mes serviteurs à Moi. Ils sont en effet Mes serviteurs
"bon gré, mal gré" (Cor. 13, 15); ils ne peuvent se sortir de là ! "et qu'ils croient en Moi" : qu'ils aient foi en la
réponse que Je leur donne quand ils M'appellent; qu'ils aient foi en Moi, non en eux-mêmes. Celui qui a
foi en lui-même et non en Allâh, sa foi ne comporte pas ce qui Me revient ; au contraire, si c'est en Moi
qu'il croit, il fait parfaitement ce qu'il doit et donne à toute chose son droit : c'est celui qui a foi dans les
données traditionnelles dans leur ensemble, alors que celui qui a foi en lui-même croit uniquement dans
les preuves dont il dispose. Ce en quoi J'ordonne d'avoir foi contredit les preuves rationnelles et oscille
entre l'analogie (tashbih) et la transcendance (tanzîh). Celui qui a foi en lui-même croit en certaines
choses et non en d'autres ; il ne les repousse pas mais les interprète (ta'wilan). Celui qui interprète a foi en
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sa raison ('aql) et non en Moi. Celui qui prétend dans son for intérieur être plus savant que Moi-même à
Mon propre sujet ne Me connaît pas et ne croit pas en Moi ; c'est un serviteur qui Me déclare menteur
dans ce que Je Me suis attribué à Moi-même, et que J'ai exprimé de la meilleure manière. Lorsqu'on
l'interpelle, il répond : j'ai voulu respecter la transcendance. En réalité, son attitude procède de la ruse de
l'âme, de la conscience qu'elle a de sa propre valeur ('izza), de sa volonté d'indépendance, de son refus de
se conformer. "peut-être seront-ils bien dirigés"--, c'est-à-dire : suivront-ils le bon chemin (rushd) comme
le font ceux qui réussissent, ceux qui le suivent dès qu'ils l'aperçoivent. (Dieu) les conduit ainsi à la
félicité éternelle : elle est la réponse de Dieu lorsqu'ils L'appellent, ainsi que le terme de leur route qui
réjouit leurs âmes en leur rendant permis ce qui leur avait été interdit durant le jeûne, depuis le début du
jour jusqu'à sa fin.
Il a dit ensuite: "Il vous a permis la nuit du jeûne", c'est-à-dire la nuit à laquelle aboutit votre jeûne,
non celle au matin de laquelle vous êtes en état de jeûne car il s'agit là d'une particularité qui vous
accompagne jusqu'à la nuit de la Fête et de la Rupture du jeûne ('Id al-Fitr). Si la "nuit du jeûne" évoquée
dans ce verset se rapportait au jour suivant, elle ne concernerait pas la nuit de la Fête puisqu'au matin du
jour qui suit vous ne jeûnez pas et que, si vous jeûniez, vous seriez désobéissants. En revanche, cette
particularité n'a pas de sens pour la première nuit de Ramadan puisque la nourriture et les autres choses
interdites (durant le jeûne) demeurent permise qu'il n'y a donc là aucun changement de statut: c'est
pourquoi, nous attribuons la nuit dont il s'agit au jour qui précède ; "ar-rafatha"-, c'est-à-dire l'union
sexuelle ( jima') "avec vos femmes (ila nisa'i-kum)" Il a employé le terme nisa' -Il n'a pas dit "vos épouses"
ou quelque chose d'approchant- car ce terme contient une idée de "retardement" : en effet, la possibilité
(hukm) l'union sexuelle a été " retardée " pendant le temps du jeûne jusqu'à la nuit ; quand celle-ci vient,
l'interdit prend fin. C'est donc comme s'II disait "jusqu'à ce (que devienne possible ce) qui a été retardé
pour vous et pour elles", qu'il s'agisse de vos épouses ou de vos concubines, moins de celles avec
lesquelles l'union sexuelle est permise ; "elles sont un vêtement pour vous et vous êtes un vêtement pour
elles", c'est-à-dire qu'il y a entre vous une corrélation (munasaba) véritable, ce qui n'est pas le pour ce
dont Nous vous avons revêtus dans votre jeûne quand vous vous êtes qualifiés au moyen d'un attribut qui
"M'appartient " et qui est le jeûne: vous n'êtes pas un vêtement pour Moi dans Ma Parole : "le coeur de
Mon serviteur Me contient" et Je ne suis pas un vêtement pour vous dans Ma Parole : Allâh "entoure toute
chose" (Cor.41, 45) car le vêtement entoure ce qu'il couvre et le cache. "... Allâh savait que vous vous étiez
fait tort à vous-mêmes..." à cause du témoignage que J'ai pu porter contre vous du fait que vous avez
accepté le "Dépôt de Confiance" quand Je vous l'ai proposé ; J'avais dit alors de celui qui l'avait accepté
"En vérité, il est très injuste et très ignorant" : "très injuste" à l'égard de son âme car il a mis à sa charge
une chose dont il ignorait, au moment de son acceptation, ce que comportait la Science d'Allâh qui lui
correspondait ; et " très ignorant " de la valeur réelle de ce Dépôt et du blâme qu'encourrait celui qui le
trahirait. Comme le " très ignorant " est aveugle, qu'il ne sait trouver sa route, ni où ni comment poser le
pied, Il a dit : " Allâh savait que vous vous étiez-- fait tort à vous-mêmes" du fait des prohibitions dont
vous étiez devenus l'objet; "Il vous a cependant rendu Sa Grâce", c'est-à-dire qu'Il est revenu (taba) vers
vous. "... Il vous a exempté...", c'est-à-dire, par le peu qu'Il vous a rendu licite durant le temps de la rupture
de l'interdit, qui est la nuit. Nous disons "le peu " puisque l'interdiction des relations sexuelles subsiste
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sans conteste pour celui qui fait retraite dans une mosquée -ailleurs les avis sont partagés- et aussi pour
celui qui pratique le jeûne continu (al-muwasil); "à présent approchez-vous donc d'elles", c'est-à-dire
durant le temps du Ramadan où le jeûne est rompu, " et aspirez à ce que Allâh vous prescrit" : recherchez
ce qu'Allâh vous a enjoint par égard pour vous, prenez connaissance de tout ce qu'II a mentionné dans ce
verset et oeuvrez en conséquence; " ... mangez et buvez...": Il t'ordonne de donner à ton âme le droit qui
lui revient, et qui est à ta charge, pour ce qui concerne le manger et le boire "jusqu'à ce que devienne
évidente pour vous (la distinction) du fil noir..." qui est le recul de la nuit " ... par (l'apparition) de
l'aube..." : l'irruption de la clarté à l'horizon.
"Et ensuite, achevez complètement le jeûne jusqu'à la nuit. Et n'approchez pas de vos femmes alors
que vous faites retraite dans les mosquées" : l'interdiction de l'union sexuelle subsiste en ce cas ; de même
celle qui concerne le manger et le boire dans le cas de celui qui désire pratiquer le jeûne continu (wisal).
Il a dit en effet -qu'Allâh répande sur lui Sa Grâce unitive et Sa Paix !- : "Que celui qui pratique le jeûne
continu le poursuive jusqu'aux premières lueurs de l'aube (sahar)", c'est-à-dire le moment où la clarté et
les ténèbres sont mêlées, celui où apparaît la "queue du loup" : entre les deux aubes, celle qui s'élargit à
l'horizon et celle qui s'élève. (On rapporte que) 1'Envoyé d'Allâh -qu'Allâh répande sur lui Sa Grâce unitive
et Sa Paix !- a pratiqué avec ses Compagnons un jeûne ininterrompu de deux jours, puis ils virent le
croissant. "... telles sont les limites fixées par Allâh...", celles qu'Il vous a ordonné de respecter ; "ne vous en
approchez pas" : ne regardez pas ce qu'il y a au-delà ! Il y a ici une science cachée (ghamid) que connaît,
seul, celui qui en a reçu le goût par l'effet d'une sollicitude divine, comme Khidr et d'autres, car un pied
peut glisser après avoir été ferme, et vous en éprouveriez du mal ; "de cette manière, Allâh expose
clairement Ses Signes", c'est-à-dire Ses "indicateurs" (dala'il),"aux hommes" , par des suggestions (ishara)
qui leur servent de Rappel, "peut-être auront-ils la crainte pieuse": prendront-ils ces indicateurs comme
une protection contre le conformisme (taqlid) et l'ignorance ; le "conformiste " ne possède, en effet, ni
évidence de la part de son Seigneur ni preuve. (Allâh) a donné en outre (à ces derniers mots) un sens
d'espoir car celui qui a reçu un " indicateur " ne parvient pas forcément à ce qu'il indique et celui qui a
obtenu une science ne réussit par forcément à oeuvrer en conséquence, dans le cas où il s'agit d'une
science dont la finalité est précisément l'action.
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