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J.-J. ROUSSEAU
Author(s): Lerminier
Source: Revue des Deux Mondes (1829-1971), PREMIÈRE SÉRIE, Vol. 3/4 (1831), pp. 421-438
Published by: Revue des Deux Mondes
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/44688173
Accessed: 14-05-2020 16:43 UTC
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Revue des Deux Mondes (1829-1971)
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J.-J. ROUSSEAU.
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422 REVUE DES DEUX MONDES.
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JEAN - JACQUES ROUSSEAU. 423
sceptre de la philosophie, ce n'est, pour aiusi dire, que malore
lui, et poussé par une insurmontable fatalité. Pendant que Vol-
taire, seigneur de Ferney, fertilise ses terres, entend la messe
dans sa chapelle, et correspond avec les rois de l'Europe, Rous-
seau, au cinquième étage, copie de la musique; c'est l'homme du
peuple ; il en porte dans son cœur toutes les misères et tous les
droits. Que de contradictions se pressèrent dans son ame pour la
déchirer! 11 travaille pour les hommes , il les hait et les fuit; il
émancipe son siècle, etil le maudit: philosophe, il tonne contre la
philosophie; novateur audacieux , il condamne et combat la réforme
qu'accomplissait Voltaire; penseur indépendant, il se brouille
avec Diderot, Hume et d'Alembert. Toujours malheureux, tou-
jours défiant, il a écrit quelque part qu'il étouffait dans la nature;
il étouffait aussi dans la société, où il ne voyait autour de lui que
trahisons, embûches et calomnies, t Non, je ne serai point accusé,
écrit-il à M. de Saint-Germain, point arrêté, point jugé, point
puni en apparence; mais on s'attachera, sans qu'il y paraisse, à
me rendre la vie odieuse, insupportable, pire cent fois que la
mort : on me fera garder à vue; je ne ferai pas un pas sans être
suivi; on m'ôtera tout moyen de rien savoir et de çe*qui me re-
garde, et de ce qui ne me regarde pas; les nouvelles publiques les
plus indifférentes, les gazettes même me seront interdites : on ne
laissera courir mes lettres et paquets que pour ceux qui me tra-
hissent, on coupera ma correspondance avec tout autre; la réponse
universelle à toutes mes questions sera toujours qu'on ne sait pas;
tout se taira dans toute assemblée à mon arrivée; les femmes n'au-
ront plus de langue ; les barbiers seront discrets et silencieux , je
vivrai dans le sein de la nation la plus loquace comme chez un
peuple de muets. Si je voyage, on préparera tout d'avance pour
disposer de moi partout où je veux aller: on me consignera aux
passagers, aux cochers, aux cabaretiers; à peine trouverai-je à
manger avec quelqu'un dans les auberges, à peine trouverai-je un
logement qui ne soit pas isolé; enfin, l'on aura soin de répandre
une telle horreur de moi sur ma route, qu'à chaque pas que je
ferai, à chaque objet queje verrai, mon ame soit déchirée : ce qui
n'empêchera pas que, traité comme Sancho, je ne reçoive partout
cent courbettes moqueuses avec autant de compiimene, de respect.
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424 REVUE DES DEUX MONDES.
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JEAN-JACQUES ROUSSEAU. 423
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426 REVUE DES DEUX MONDES.
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JEAN -JACQUES ROUSSEAU. 427
ductioDs, sa culture , sa division par districts, le nombre et le cré-
dit du clergé, s il y a des maisons anciennes, des corps privilégiés
et de la noblesse : si les villes ont des droits municipaux et en sont
fort jalouses ; les mœurs du peuple , ses goûts , ses occupations
et ses amusemens, l'histoire de la nation jusqu'à ce moment, les
lois, les statuts , l'exercice de la justice, les revenus publics, l'or-
dre économique, la manière de poser et de lever les taxes. « En
général, dit Rousseau, tout ce qui fait mieux connaître le génie
national ne saurait être trop expliqué. Souvent un trait, un mot,
une action , dit plus que tout un livre, mais il vaut mieux trop que
pas assez. » Pour un théoricien , Jean-Jacques se montre pas mal
désireux de connaître les faits. Au surplus, la Corse avait frappé
son imagination par l'héroïque insurrection qui l'avait affranchie
des Génois : « Il est encore en Europe un pays capable de légis-
lation , c'est l'île de Corse , écrit-il dans le Contrat social (1). La va-
leur et la constance avec laquelle cfebrave peuple a su secourir
et défendre sa liberté, mériterait bien que quelque homme sage
lui apprît à la conserver. J'ai quelque pressentiment qu'un jour
cette petite île étonnera l'Europe. » En 1772, dans la même année
où fut signé, à Saint-Pétesbourg, le 25 juillet, en vieux style , le
partage de la Pologne , Rousseau écrivait sur le gouvernement et
la réformation de ce pays pour lequel aujourd'hui la bouche man-
que de louanges et les yeux n'ont plus de larmes. Pressé par le
comte de Wielhorski d'indiquer les moyens et les institutions qui
pouvaient donner aux Polonais les véritables mœurs de la liberté,
il leur recommande de garder dans le cœur l'amour de l'indépen-
dance et de leur république au milieu des plus accablantes dis-
graces. Vous ne sauriez empêcher que les Russes ne vous englou-
tissent, faites au moins qu'ils ne puissent vous digérer
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428 REVUE DES DEUX MONDES.
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JEAN-JACQUES KOUSSEAU. 429
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430 REVUE DES DEUX MONDES.
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JEAN -JACQUES ROUSSEAU. 431
réponse. Voyez les livres des philosophes avec toute leur pompe :
qu'ils sont petits près de celui-là ! Se peut-il qu'un livre à la fois si
sublime et si simple soit l'ouvrage des hommes? Se peut-il que ce-
lui dont dont il fait l'histoire ne soit qu'un homme lui-même?
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i7rl revue des deux mondes.
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JEAN - JACQUES ROUSSEAU. 45 5
membres qui le composent
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434 IŒ VUE DES DEUX MONDES.
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JEAN- JACQUES ROUSSEAU. 435
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45C) KEVUE DES DEUX MONDES.
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JEAN -JACQUES ROUSSEAU. 457
que durant l'élection des membres du parlement. Sitôt qu'ils sont
élus, il est esclave; ilj n'est rien. Dans les courts momens de sa
liberté, l'usage qu'il en fait mérite bien qu'il la perde (1). > Voilà
le côté faible et insuffisant de notre philosophe; c'est l'intelligence
de l'histoire, la méconnaissance de la sociabilité européenne et
des raisons du gouvernement représentatif. Prononcer, en vertu
du principe logiquement déduit de la volonté générale , qu'aujour-
d'hui ni l'Angleterre ni la France ne jouissent de la liberté poli-
tique sous le gouvernement représentatif, c'est nier le grand jour
de l'histoire. Vingt-cinq millions d'hommes ne peuvent tous, déli-
bérer ensemble sur leurs affaires; ils nomment des représentons :
ces délégués représentent-ils la volonté de chaque homme? impos-
sible. Représentent-ils davantage la volonté générale séparée de
toute règle? non plus. Ils représentent, ils doivent représenter ce
concours et ce mélange de vues et de passions, d'idées et de vo-
lontés, qui constituent un peuple comme ils constituent un homme.
Ils représentent l'individualité sociale, qui n'est pas une sorte de
squelette que peut monter et démonter à son plaisir la dialectique,
mais qui , douée de la vie , conçoit , veut et marche comme un seul
homme. Le gouvernement représentatif donne la liberté à la con-
dition d'être véritablement représentatif. Les modernes ne peuvent
s'entasser sur la place publique d'Athènes et de Rome. L'intérêt
vrai de la liberté n'est pas de nier la représentation , mais de l'é-
tendre, et de la mesurer sur la civilisation même.
Rousseau finit le Contrat social en épousant tous les préjugés de
Machiavel contre la religion chrétienne. Il faut dire aussi que,
considérant surtout la religion comme un sentiment individuel et
libre du cœur, il était conduit à l'oubli de son rôle social , et à l'in-
justice à l'égard du catholicisme.
Jean- Jacques mourut en 1778, onze ans avant l'ouverture des
États-Généraux. Il n'y avait pas au côté gauche de la Constituante
un homme qui ne fut, à vrai dire, son disciple; et jamaisphiloso-
phie n'obtint une exécution si complète de ses maximes. Cette in-
contestable influence a été généralement salutaire. Otez Jean-Jac-
ques du xviii6 siècle, n'y laissez que Montesquieu et Voltaire, vous
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458 REVUE DES DEUX MONDES.
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