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Forts des avancées sur une période de l’histoire de la langue (Ashby 2001 ; Ayres-
Bennett 2001 ; Lodge 1993) qui voit s’installer le clivage, nous pensons qu’il est
indispensable de regarder de près comment aborder la question du statut de la langue parlée à
différentes périodes (pour dater la naissance du français, pour spéculer sur l’évolution des
traits linguistiques, pour questionner les données et envisager leur description grammaticale).
Nous voudrions définir les termes selon lesquels il est possible de traiter du rapport entre la
langue orale et la langue écrite, des influences que chaque manifestation peut avoir sur l’autre.
Nous voudrions voir sous quelles conditions on peut prétendre reconnaître un état de langue
orale concurrent d’un état de langue écrite. Pour cela, il faut accorder de l’importance à la
nature des données, à leur origine, à leur statut. Ce sont des conditions nécessaires pour
valider les descriptions linguistiques.
Ce numéro est partagé entre une réflexion théorique sur l’évolution de la langue du
latin à l’ancien français (v. les contributions de Bodelot ; Carlier ; Guillot-Barbance,
Pincemin & Lavrentiev), l’évolution du discours grammatical et des théories linguistiques
entre le XVIIe s. et le XXe s. (v. les contributions de Combettes et Wionet) et des observations
précises conduites sur des données modernes (v. les contributions de Cappeau &
Schnedecker ; Gadet) avec des questions relatives aux corpus, aux outils d’exploitation et de
description, aux choix méthodologiques (v. les contributions de Guillot-Barbance,
Lavrentiev & Pincemin ; Cappeau & Schnedecker ; Gadet). C’est une collaboration à
plusieurs voix qui doit amener à réfléchir, sous des angles différents et quelquefois éloignés, à
la place qu’occupe la langue parlée dans l’histoire. Ces différents travaux mettent en
perspective des résultats nouveaux qui devraient préciser le rapport entre l’oral et l’écrit.
Le non-standard excite plus tard la curiosité des linguistes romanistes qui s’intéressent
particulièrement à l’oral, notamment pour dater l’âge des « fautes » ou estimer l’évolution
plus ou moins lente des traits caractéristiques de l’oral. Mais quel que soit le parti pris, le
clivage entre l’oral et l’écrit s’est installé au fil des siècles et tout est définitivement envisagé
dans un rapport étroit entre le standard, à savoir la norme, et l’écart. Pourtant, depuis quelque
temps, les travaux montrent que ce rapport est plus complexe et qu’un discours nuancé
s’impose. À l’heure actuelle, on sait très bien que la notion de genre a pris, au cours des
dernières années, une importance accrue en linguistique. La connaissance de l’oral peut être
améliorée, moyennant une plus grande sensibilité à des particularités de répartition liées aux
genres. Il convient d’aborder les spécificités de l’oral et de l’écrit par le biais de la répartition
des faits linguistiques dans la langue, par celui des distributions contextuelles et selon les
genres de discours pour mettre en lumière, par exemple, les faits de collocations et le lien
étroit entre grammaire et lexique.
Il est donc important et utile de remettre en question la rupture entre l’oral et l’écrit et
de l’approcher sous l’angle de la diachronie et sous l’angle des données.
Marie-Louise Moreau (1997) rend compte d’un modèle à cinq types fondé sur une
double conceptualisation de la langue – courante en sociolinguistique – qui est à la fois
une pratique (perçue par le locuteur ou autrui comme plus au moins prescrite, contrôlée,
conforme) du discours et à la fois un discours sur la pratique (une capacité à produire dans des
circonstances spécifiques des attitudes langagières, des jugements évaluatifs).
Conclusion
Dans notre culture de littératie, il est difficile de poser un oral indépendant de l’écrit,
car dès l’école nous apprenons à maîtriser l’écrit et l’on peut raisonnablement penser qu’il y a
des interférences. Les travaux sur le français moderne ont bien montré quels étaient les seuils
de comparaison possible entre l’oral et l’écrit, y compris pour les états de français antérieurs.
L’accès aux données attestées a ainsi donné de la crédibilité aux outils de description et aux
analyses.