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JOUER
A L’ECOLE MATERNELLE
Enjeux et pratiques
DOREAU Loïse
Directeur de mémoire :
Mme COLLIN
INTRODUCTION .............................................................................2
I - Le jeu et l’enfant d’école maternelle...............................................................................3
II - Jouer à l’école...............................................................................................................9
II.1 - Des temps et des lieux propices aux jeux libres ......................................................9
A. Les coins-jeux pendant le temps d’accueil............................................................10
B. Les coins et les jeux pendant les ateliers ...............................................................13
II.2 - Des jeux dirigés et proposés par l’enseignant dans chaque domaine disciplinaire de
l’école maternelle .........................................................................................................14
A. Domaine : Le langage au cœur des apprentissages................................................15
B. Domaine : Vivre ensemble ...................................................................................16
C. Domaine : Agir et maîtriser son corps ..................................................................16
D. Domaine : Découvrir le monde.............................................................................17
E. Domaine : La sensibilité, l’imagination, la création ..............................................18
III - Mises en place de situations d’apprentissages sous forme ludique : les jeux de société
.........................................................................................................................................20
CONCLUSION ................................................................................30
BIBLIOGRAPHIE ..........................................................................31
ANNEXES.……………………………….…………………..……..32
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INTRODUCTION
Ayant été recrutée sur liste complémentaire l’année dernière, je connais déjà un peu la
maternelle car j’ai été affectée pendant 6 mois sur un poste en petite et moyenne sections.
Sans formation, j’ai eu recours dans l’urgence à des fichiers ou photocopies qui étaient faciles
d’accès. En réfléchissant à ma pratique, je me suis rendue compte que cette forme de travail
relevait d’une démarche d’apprentissage qui n’est sans doute pas la plus appropriée à l’âge et
aux besoins spécifiques des enfants de maternelle.
Les même objectifs m’ont donc paru susceptibles d’être travaillés de façon plus
pertinente en utilisant une forme plus adaptée à de jeunes enfants : la forme ludique.
D. Winnicott précise que : « La principale caractéristique de l’enfance est son mode de
vie ludique ». Dans l’enfance, jouer est aussi naturel que se développer, explorer, apprendre,
communiquer mais avec une dimension spécifique : le plaisir.
Le jeu est un mode d’expression du jeune enfant et un facteur de son développement. L’enfant
de maternelle passe la plus grande partie de son temps à jouer. C’est un besoin aussi vital que
manger et dormir.
On considère qu’un enfant de maternelle qui ne joue pas ou qui ne veut pas jouer est un enfant
malade ou perturbé, dont la personnalité ne s’affirme pas. L’enfant implique dans son jeu
toutes ses capacités sensorielles, motrices et verbales.
J. Château ajoute que directement lié au développement de l’enfant, le jeu devient un
élément essentiel de « l’équilibre de l’adulte ».
Le jeu étant une activité spontanée et régulière des enfants, une partie intégrante de leur vie, il
peut permettre d’aborder avec les élèves des domaines ou des notions qui leur sont étrangers
et qui paraissent difficiles tout en les intéressant à ceux-ci.
A partir de cette réflexion, je vais m’interroger sur la place du jeu à l’école maternelle,
son utilité et plus particulièrement en quoi la forme ludique peut être un bon moyen
d’apprentissage et d’éducation à l’école maternelle.
Pour répondre à cela, je m’intéresserai tout d’abord à la place du jeu et des activités
ludiques à l’école et à leurs apports.
Puis j’étudierai les possibilités de jeux à l’école avec les jeux libres présents dans des
lieux et des temps particuliers puis les jeux dirigés par l’enseignant dans chaque domaine de
l’école maternelle.
Enfin, je présenterai et analyserai des jeux de société mis en place dans une classe de
moyenne section.
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I - Le jeu et l’enfant d’école maternelle
A. Définition générale
Selon le dictionnaire Robert, le jeu est une : « activité physique ou mentale, librement
consentie, ayant pour objet unique le plaisir et le divertissement à l’exclusion de toute finalité
productive ou utilitaire ».
Mais une définition précise du jeu échappe encore aux chercheurs. Nombreux auteurs comme
J. Huizinga, R. Caillois, J. Château ou G. Brougère ont essayé de définir ce mot mais la
définition du jeu reste difficile et incomplète.
Cependant, certaines caractéristiques communes à de nombreuses approches sont
observables et permettent de distinguer le jeu d’autres types de comportements et d’activités.
- libre et spontanée, volontaire, librement consentie, choisie. Tout jeu est une
succession de décisions ( s'il y a obligation, le caractère joyeux et divertissant est
perdu et le joueur contraint d’entrer dans le jeu ne joue pas au sens fort du terme).
- séparée de la vie courante, non-littérale, fictive, de second degré. Les scènes de jeu
se caractérisent par un cadre dans lequel la réalité interne prend le dessus sur la
réalité extérieure. Le sens habituel des objets est ignoré et remplacé par des
significations nouvelles, les actions étant exécutées d’une façon différente de celles
qu’elles auraient dans des circonstances autres que le jeu. Le jeu délimite donc
une aire de temps et de lieu spécifique.
- qui en un certain sens est frivole ou futile tout en étant par ailleurs sérieux ; en
effet le jeu n’a pas de conséquence et ne transforme pas le réel, les effets
disparaissent quand le jeu cesse. Le jeu demeure donc dans un monde clos et sans
répercussion importante sur la vie collective et institutionnelle.
- qui est une fin en soi, qui est improductive. Lorsqu’on joue, l’attention est
concentrée sur l’activité même plutôt que sur le but de l’activité. En d’autres
termes, le moyen est beaucoup plus important que le résultat final. On joue pour
jouer.
- qui a des règles propres. Ces règles peuvent être pré-existantes, héritées de la
tradition ou négociées au départ du jeu, crées sur le moment par les joueurs et
n’exister que pendant le jeu (les joueurs se les imposent à eux-mêmes) ou bien
elles peuvent évoluer ou s’inventer au fur et à mesure du jeu.
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- incertaine quant à son déroulement et à sa fin. On ne les connaît pas à l’avance
bien que les joueurs en aient un contrôle interne. En effet, ce sont eux qui font et
déterminent les événements dans le jeu.
- se distingue du travail. L’un et l’autre ont pour rôle de satisfaire des désirs et des
besoins, en particulier ceux de grandir et de se développer. La distinction est que
dans le jeu, la réalisation est immédiate alors que dans le travail, la réalisation est à
échéance. De plus, le jeu comprend une liberté liée à son improductivité alors que
le travail a un caractère contraignant et a pour but la rentabilité.
- se distingue de l’art qui est hautement valorisé et culturellement coté ; alors que
jouer ne laisse aucune trace sauf celle du plaisir pris.
B. Le jeu à l’école
Mais le jeu que pratiquent les enfants dans l’enceinte scolaire est un peu différent du
jeu en général tel que la définition, qu’on en a proposée, le présente. En effet, les différents
lieux d’activités ludiques et les jeux proposés aux élèves ne sont pas là par hasard et sont
pensés par l’équipe éducative.
Selon Gilles Brougère, le jeu est appréhendé à l’école comme moyen pour parvenir à
des fins extérieures, parmi lesquelles l’éducation domine très fortement. Le jeu est alors un
outil en ce sens qu’il est utilisé pour ses qualités distrayantes et mis au service des objectifs
qui visent le développement et la formation de l’individu. On distingue bien ici le jeu libre
(avec choix et libre arbitre) et le jeu organisé mis en place à l’école.
A l’école, certaines caractéristiques du jeu s’effacent, ainsi par exemple la gravité du
jeu et le caractère libre de l’engagement de l’enfant dans son jeu. On peut se demander,
comme le fait Edouard Claparède, si ce n’est pas détruire l’attrait même du jeu que d’imposer
à l’enfant un but à atteindre ; il peut sembler tout à fait inopportun d’intervenir dans les jeux
des enfants puisque, par essence, le jeu est une activité libre et spontanée. Mais cette
intervention, de fait, réussit fort bien, si elle est accomplie avec le doigté désirable ; il ne
s’agit pas d’imposer un but qu’il ne désire pas, mais seulement de l’aider à trouver les moyens
d’atteindre la fin à laquelle il aspire.
La plupart de ces jeux sont appelés jeux éducatifs et constituent l’ensemble des
activités ludiques proposées par l’enseignant dans lesquelles l’objectif pédagogique a pris le
dessus tant dans la conception que dans l’élaboration du jeu. Mais ces jeux éducatifs ne
doivent pas être dénaturés par le maître, ils doivent rester des jeux pour garder toute leur
richesse : un jeu éducatif doit faire oublier au joueur qu’il a été fait pour instruire en
distrayant.
L’utilisation des jeux éducatifs en classe nécessite que l’enseignant détermine les
objectifs de l’apprentissage. Ils peuvent aussi bien appartenir au domaine des compétences
transversales (respecter des règles, coopérer, mémoriser, …) qu’au domaine des compétences
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disciplinaires (identifier des mots, se repérer dans l’espace, …). Il doit alors analyser et
choisir les jeux qui correspondent aux objectifs poursuivis. Ensuite, il doit s’occuper de la
mise en place du jeu dans la classe : l’organisation même du jeu avec ses règles, son lieu de
déroulement, sa durée, son fonctionnement ; les changements à apporter au jeu pour qu’il
remplisse tous les objectifs et soit accessible à tous les enfants.
Pendant le jeu, outre son rôle d’observateur, il stimule la participation et valorise chaque
enfant. Il est surtout une aide pour les enfants pour qu’ils trouvent tous le rôle qu’ils doivent
avoir. Il doit coordonner toutes les phases de l’activité, veiller au respect des règles tout en
évaluant les progrès de chacun.
Les jeux éducatifs sont aussi des outils d’évaluation qui permettent aux maîtres de
contrôler les savoirs-faire et de renforcer les acquisitions de chacun. Et par l’attrait qu’ils
exercent sur les enfants, ils les encouragent à surmonter les échecs et à persévérer dans
l’effort. Ils favorisent un climat où les besoins de chaque enfant pourront être pris en compte
et où l’échec ne sera pas sanctionné : n’est pas là une pédagogie de la réussite qui s’instaure ?
En observant les enfants de maternelle, on constate avec quelle facilité ils passent d’un
jeu à l’autre, ils possèdent donc une instabilité, une incapacité à fixer pendant longtemps leur
attention sans se fatiguer mais il existe une persistance dans un jeu qu’ils ont choisi et peuvent
jouer avec grand sérieux.
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B. Apports du jeu
Tout enfant qui joue se crée un monde à lui, s’inscrit dans l’imaginaire ou plus
exactement transpose les choses du monde où il vit dans un ordre nouveau tout à sa
convenance. Il fait alors semblant, prend l’apparence d’un autre que lui. Par la fiction, l’enfant
modèle ainsi le milieu, les choses palpables et visibles du monde réel comme il veut. Il peut
créer à sa guise et cela lui permet d’extérioriser ses désirs.
Le jeu propose des ruptures avec le réel, les contraintes de l’entourage ou encore avec ses
angoisses et est un moyen de s’évader, de se détacher de la réalité. Il permet à l’enfant de faire
l’expérience de son pouvoir de liberté créatrice.
En effet, l’enfant, par le jeu, apprend à gérer ses erreurs. Dans la vie, lorsqu’on rate
quelque chose, on a le sentiment d’avoir échoué. Dans le jeu, ce sentiment n’existe pas car il
est possible de refaire. Quand les enfants n’y arrivent pas, ils recommencent. L’absence de
sanction sociale évite l’évaluation et l’anxiété qu’elle peut générer.
Le jeu permet donc de faire des essais et d’aller jusqu’au bout de ses erreurs : l’enfant peut
s’approprier la réussite de ses résultats et y engager sa responsabilité.
Le jeu crée par cela un climat propice à l’apprentissage. Il peut résoudre le stress que
provoque, chez certains enfants, la situation scolaire. Il sauvegarde la liberté d’être, de penser,
d’agir, permet de se tromper et d’en rire. Il maintient en éveil la curiosité des enfants et leur
capacité d’étonnement.
Par le jeu, l’enfant entre en relation avec autrui sur le mode simultané de
l’affrontement et de la collaboration, de l’antagonisme et de la coopération. L’adversaire est
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aussi partenaire de jeu. L’enfant apprend à se soumettre à des règles qui organisent sa relation
à autrui, partenaire ou adversaire. Il apprend à la fois la solidarité et l’affrontement avec
l’extérieur du groupe.
Le groupe de jeu brise le comportement égocentrique du jeune enfant en lui faisant prendre
conscience du fait qu’il se situe nécessairement par rapport aux autres et que les autres se
situent par rapport à lui.
Par ailleurs, grâce aux jeux d’imitation, l’enfant intègre le comportement des adultes,
de ceux qui l’entourent ; le jeu est donc un lien d’apprentissage des rôles sociaux
conventionnels (jouer à la poupée pour les filles en est un exemple…).
Le jeu est bien un agent de développement social et de transmission des idées et des
coutumes.
En effet, on sait que le jeu, quoique souvent accompli d’une façon plus intense que le
travail, fatigue beaucoup moins. Il peut également être une activité de loisirs permettant la
récupération.
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II - Jouer à l’école
Depuis Platon qui prônait l’usage des jeux éducatifs pour les jeux enfantins, le jeu a
été considéré tour à tour comme un délassement nécessaire pour mieux travailler, un moyen
de capter l’intérêt de l’enfant, ou encore comme une expression d’un besoin naturel nécessaire
à sa croissance.
Selon Jean-Luc Aubert, psychologue scolaire, c’est parce qu’il est associé au plaisir, que le
jeu se révèle être le moyen d’apprentissage le plus efficace. Mais le jeu n’aide pas seulement
l’enfant dans ses processus d’apprentissage, il constitue aussi une forme d’exutoire, un mode
de libération.
Selon C. Freinet, il faut utiliser toutes les tendances susceptibles de pousser les enfants
à penser et à agir. Or, le besoin de plaisir, de gaîté et notamment la recherche du jeu sont bien
des tendances naturelles, et peut-être parmi les plus fortes, puisque les enfants jouent partout
et toujours, avec un don total d’eux-mêmes et parfois avec un très grand sérieux.
Une éducation respectueuse des lois du développement naturel de l’enfant doit donc
être attrayante. La matière à enseigner doit intéresser l’élève ; le travail qu’il accomplira pour
l’assimiler et s’en rendre maître revêtira alors tout naturellement la forme du jeu.
L’effort que réclame un travail difficile sera d’autant plus vigoureux et efficace que ce travail
revêtira psychologiquement le caractère du jeu.
- le jeu est l’activité essentielle de l’enfant et que ce jeu est en général une activité
qu’il fait avec beaucoup de sérieux ; le jeu est un instrument naturel de l'enfant,
pour réfléchir sur le monde, pour expérimenter, pour apprendre et pour s'exercer.
Ces remarques justifient que le jeu ait sa place dans l’activité scolaire.
Mais les activités ludiques peuvent prendre à l’école deux formes différentes : le jeu libre que
l’enfant choisit et le jeu proposé et dirigé par l’enseignant.
Les jeux libres sont les jeux se déroulant dans l’enceinte scolaire et dont les enfants
maîtrisent l’initiative et la conduite. L’enseignant peut cependant mener une réflexion sur le
choix du matériel, le nombre d’élèves en présence et mettre des jeux à leur disposition, tout
ceci en relation avec les objectifs d’éducation. L’utilisation de ce type de jeu nécessite donc
d’installer concrètement dans un lieu et dans le temps scolaire, un espace ludique dont
l’enfant pourra user : c’est le cas des différents coins présents dans les salles de classe mais
aussi dans les périodes d’accueil. Les locaux sont aménagés de manière à fournir aux enfants
des situations ludiques multiples et variées.
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A. Les coins-jeux pendant le temps d’accueil
Un coin, à l’école maternelle d’aujourd’hui, est un lieu permanent, fermé mais non
clos dans lequel les élèves peuvent se livrer à diverses activités personnelles qui ne sont plus
sous le regard et le contrôle traditionnels de l’enseignant.
Le coin est un espace transitionnel pour aider au passage de la maison à l’école, un espace à la
fois familier et nouveau qui permet une continuité mais aussi des apprentissages, une
ouverture sur le monde, organisé avec des objets transitionnels indispensables à l’adaptation
de l’enfant. Le coin doit pouvoir être perçu comme un refuge.
Dans les coins, on y joue à plusieurs ; ils obligent à un choix, à prendre des initiatives, faire de
nouvelles choses. Les enfants y apprennent à agir en fonction de buts représentés, ils
apprennent l’autorégulation et à utiliser plusieurs types de situations pour agir et résoudre des
problèmes.
Le maître conçoit ces coins avec des objectifs précis, des moyens et des modalités
d’évaluation. Le coin est donc conçu et préparé de façon rigoureuse.
Les enfants qui vont fréquenter ces coins sont contraints de respecter des règles précises
(nombre d’élèves maximum, hauteur de voix, rangement) qui contribuent à la socialisation et
à l’autonomie.
Le fait que le coin ne puisse accueillir que quelques enfants à la fois en facilite l’exploration.
a) Différents coins
Il existe ainsi une grande variété de coins : coin dînette ou cuisine, coin poupée, coin
coiffure, coin marchand, coin bricolage, coin déguisement, coin construction, coin garage,
coin lecture.
Tous ces coins peuvent avoir de nombreux objectifs et favoriser des apports diversifiés :
Le coin construction par exemple, permet de manipuler, d’assembler, d’équilibrer
mais aussi stimule la créativité, l’imagination avec la construction d’objets réels qui sont
ensuite utilisés pour des jeux symboliques.
Le coin cuisine peut servir à faire semblant de faire à manger mais aussi, à l’aide des
objets fonctionnels (les ustensiles), il peut permettre, au travers du jeu symbolique,
l’introduction d’activités comme mettre le couvert, poser la casserole sur le feu, laver la
vaisselle…Ces activités immédiates peuvent être demandées par le maître avec des consignes
et des tâches précises. Il y a donc également matière à apprentissages et ceux-ci doivent être
accompagnés de gestes et de verbalisation.
Le coin coiffure peut, lui aussi, permettre des jeux symboliques (jouer à la coiffeuse)
ou des activités réelles (se peigner, peigner un camarade ou une poupée, mettre des bigoudis,
…).
Le coin chambre ou le coin repos permet de jouer à la maman et au papa (on met les
poupées au lit, on les lève, on leur parle) ou jouer à dormir mais aussi ici, il permet des
activités immédiates comme faire les lits ou habiller, déshabiller, coucher, couvrir la poupée
ou bien se rouler par terre, se reposer.
Le coin bricolage permet aussi deux genres de jeux : les jeux de manipulation (viser,
taper, clouer…) mais aussi des jeux d’imitation.
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b) D’autres apports
Avec l’aide d’un matériel et de certaines actions sur ce matériel, dans une
configuration spatiale qui lui est propice et avec l’aide du langage, l’enfant crée des jeux et
découvre les différents aspects de la réalité, qu’il commence à reconnaître, en les variant et les
transformant.
Les coins de la maison et celui des blocs, par exemple, présentent des situations
complexes propices aux échanges interpersonnels où les jeux symboliques, font saisir à
l’enfant tout le pouvoir des symboles où les êtres, les choses et les événements peuvent être
représentés : un même bloc de bois peut servir tour à tour de téléphone, de support pour écrire
ou d’extension au bras pour rapprocher un objet.
Par son activité et surtout par ses jeux, qui dépassent le simple maniement des objets
qui l’entourent et la communication avec les parents, l’enfant pénètre dans un monde plus
vaste, qu’il s’approprie d’une manière active. Il prend possession du monde concret comme
un monde d’objets humains, avec lesquels il reproduit les relations humaines.
Il s’approprie tous les jouets reproduisant l’environnement : voitures, sujets
miniatures, appareils ménagers, téléphones, outils et panoplies (tout ce qui représente
l’activité de l’homme). Il y a donc une variété d'objets que les enfants utilisent pour jouer et
qui se modifient à mesure qu'ils grandissent. Ils peuvent être des restes industriels, des jouets
simples de représentation explicite (comme par exemple des petites casseroles, des poupées,
des petites voitures et une infinité de miniatures) ; du maquillage ; de la ficelle, de la craie, du
bois,... Les objets définissent le jeu dans la proportion inverse de l'âge de l'enfant : à mesure
qu'ils grandissent, leur capacité de donner un autre sens aux objets se développe, et la
représentation de ces objets devient conditionnée par les idées créées dans le jeu.
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b) La relation au monde extérieur et à soi-même
Les jeux symboliques facilitent aussi l’exploration de nouvelles relations avec les
pairs.
Il faut observer ici que le déroulement du jeu, par sa dynamique, mélange tout le temps des
expériences imaginaires et d'autres réelles, entre les enfants. En même temps que l'histoire se
développe, les enfants intercalent des dialogues vrais entre eux, en essayant de négocier le
déroulement de l'histoire, de manière à ce qu'elle plaise à tous. De même, ils peuvent exercer
leur auto-contrôle, quand ils sont obligés, pendant l'action du jeu, d'adapter leurs propres
actions à celles de leurs pairs et au thème du jeu. En jouant un rôle, l’enfant a la possibilité de
réaliser des actions qui expriment celles du personnage, en même temps où s’établit un
rapport avec ces actions. Les interactions réelles se passent pendant le jeu et se rapportent aux
actions du jeu, par exemple, quand les enfants se mettent d'accord sur le thème du jeu, sur le
lieu, sur les objets qu’ils vont utiliser… et qui peuvent être établies avant ou pendant ce jeu.
Le jeu apparaît comme un facteur d’organisation entre les enfants qui comprennent, pendant
l’activité, le besoin d’une attention et d’actions complémentaires afin de poursuivre celle-ci.
Dans tous ces types de jeux, il y a une chose à mettre en évidence : l'enfant assimile et
s'approprie une réalité physique et sociale qui lui est proposée comme valeur par le contexte
dans lequel il vit. Le jeu de rôle est un signal très fort de ce qui frappe profondément l’enfant,
de ce qui le séduit et de ce qui le trouble. Dans le jeu de rôle, il y a une réflexion sur les
véritables événements ou sur les événements représentés par l'identification d'une dialectique
des idées et des sentiments et la prise de conscience des valeurs éthiques, esthétiques et
sociales. Le jeu de rôle est le miroir du monde que l'adulte donne à la vie quotidienne de
l'enfant, c'est l'écho des valeurs vécues réellement, par la société.
4) Le rôle de l’enseignant
En ce qui concerne l'intervention du maître, elle peut être variée, et change en fonction
des nécessités démontrées par le groupe d'enfants. L'adulte peut aider les enfants à se servir du
coin au début et pendant l’année, il peut se poser comme l'un des participants du jeu, en
introduisant un nouvel objet, ou en questionnant les enfants sur ce qu'ils font, ou à ce qu'ils
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jouent, comment ils jouent, ce dont ils ont besoin pour jouer. Il peut rester comme un simple
observateur pour, en un autre moment, enrichir le jeu par des activités dirigées qui accroissent
les connaissances des enfants. Il peut aider dans le choix du matériel, dans l'organisation de
l'espace et des enfants et faire évoluer le coin.
Il peut faire régulièrement une évaluation de ce qui s’y fait en interrogeant les enfants
sur leurs buts et leurs procédures, en les comparant pour faire prendre conscience à chacun de
ce qu’il fait, de ce qu’il pourrait faire afin de faire évoluer leur pratique des coins, leur
apprendre à conduire eux-même leur activité jusqu’à un but représenté au départ.
Les coins permettent à tous les enfants de faire quelque chose, quelles que soient leur
compétence et leur personnalité ; ils sont un moyen privilégié de développer le concept de soi
et la motivation à apprendre. C’est pour cela qu’il faut disposer d'un espace de jeu et d'un
équipement ludique riche, complexe, renouvelé et partager avec plaisir le jeu de l'enfant en
adoptant et pratiquant une attitude éducative dans la participation au jeu partagé.
1) Les coins
2) Les jeux
L’utilisation des jeux pendant les ateliers se déroulent souvent en plusieurs phases :
- une phase de jeu libre au cours de laquelle l’enfant peut explorer le nouveau matériel et
faire les essais qu’il veut ;
- une seconde phase de jeu organisée par l’enseignant avec des consignes précises et une
organisation particulière.
Le maître peut également présenter, dès le départ, le jeu et son but, ses règles afin que par la
suite les élèves puissent jouer en autonomie.
- qu'il existe des matériaux variés, organisés d'une manière claire et accessible aux enfants de
façon à créer et faciliter leur engagement dans le jeu. L'accès et l'organisation des matériaux
doivent prendre en considération l'âge des enfants et leur utilisation doit être coordonnée par
l'adulte responsable du groupe.
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3) Le rôle de l’enseignant
L’adulte doit être toujours avec les premiers, recevant leurs jeux, répondant à leurs
questions, les aidant à chercher, à comprendre et à agir dans l’espace classe.
Ces périodes de jeu sont un moyen de connaître l’enfant. L’enseignant est alors attentif aux
jeux des élèves qui s’exercent sans l’intervention de l’adulte. Ces périodes constituent une
source considérable de renseignements sur le développement intellectuel, affectif et social des
enfants. Il sera en outre possible d’observer l’enfant dans sa relation aux autres et aux objets,
d’entrevoir les stratégies utilisées, de cerner leurs goûts et leurs habitudes.
Au-delà des connaissances acquises sur l’enfant par l’observation, les jeux libres constituent
des situations d’apprentissage très riches.
Déjà dans les Instructions Officielles de 95, on pouvait lire : « sans être exclusive,
l’activité de jeu est fondamentale à cet égard. Tous les types de jeux n’ont cependant pas la
même fonction et il incombe au maître de définir clairement la nature et la finalité de
l’activité retenue ».
« Le jeu, rappellent les textes des nouveaux programmes, est l’activité normale de
l’enfant. Il conduit à une multiplicité d’expériences sensorielles, motrices, affectives,
intellectuelles… Il permet l’exploration des milieux de vie, l’action dans et sur le monde
proche, l’imitation d’autrui, l’invention de gestes nouveaux, la communication dans toutes ses
dimensions, verbales ou non verbales, le repli sur soi favorable à l’observation et à la
réflexion, la découverte des richesses des univers imaginaires… Il est le point de départ de
nombreuses situations didactiques proposées par l’enseignant. Il se prolonge vers des
apprentissages qui, pour être plus structurés, n’en demeurent pas moins ludiques. »
Le jeu permet d’aborder de nombreux apprentissages dans les différents domaines de l’école
maternelle :
14
A. Domaine : Le langage au cœur des apprentissages
p 79 : « Avant même de savoir lire, l'enfant peut et doit se familiariser avec les
principales fonctions de l'écrit en jouant avec les supports les plus fréquents de celui-ci, de la
signalisation aux affiches et aux livres, en passant par la presse ou les supports
informatiques. »
P 82,83 : en poésie, jeu sur les syllabes, sur les sonorités de la langue : « on peut aller plus
loin en instaurant des jeux visant à allonger un mot d'une syllabe, à le diminuer, à inverser les
syllabes ou à trouver des enchaînements de la dernière syllabe d'un mot à la première du mot
suivant … Ces jeux peuvent tout aussi bien se faire avec des syllabes non signifiantes dans la
mesure où il s'agit précisément de détourner l'attention de la signification. »
« Les jeux consistent à trouver des mots rimant avec un autre, à prolonger des structures
poétiques simples, à transformer des mots en jouant sur des substitutions de syllabes, sur
l'introduction de syllabes, sur l'introduction de syllabes supplémentaires. C'est en jouant de
cette manière que l'on découvre que l'on peut casser les syllabes elles-mêmes et, en définitive,
comparer des mots qui ne différent que d'un phonème. »
« D'une manière générale, toutes ces activités doivent être courtes mais fréquentes et s'inscrire
dans des jeux aux règles claires ou encore dans des moments centrés sur les activités
artistiques. »
En ce qui concernent le langage d’évocation : « Dire ou chanter chaque année au moins une
dizaine de comptines ou de jeux de doigts et au moins une dizaine de chansons et de
poésies ».
2) Activités possibles
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B. Domaine : Vivre ensemble
p98 « on doit aider l’enfant à identifier et comparer les attitudes adaptées aux activités
scolaires, aux déplacements et aux situations collectives, au jeu avec quelques camarades ou
pratiqué individuellement. »
P100 « Les jeux sont également des moments forts qui donnent de la cohésion au groupe. »
2) Activités possibles
Jouer c’est aussi apprendre le respect de l’autre : jouer chacun son tour, ne pas détruire
les constructions des autres, se prêter le matériel, accueillir sans réticence un nouveau joueur,
ne pas abandonner un jeu avant qu’il ne soit terminé, quand on joue à plusieurs, laisser à
l’adversaire le temps de résoudre les problèmes qu’il rencontre. Toutes ces consignes de
« règles de vie » sont à construire ensemble et à rappeler à tous moments, mais pour que les
enfants y adhèrent, il est nécessaire que l’adulte crée des conditions matérielles adaptées.
p106 « l’action de courir se retrouve dans des jeux athlétiques, les jeux collectifs. »
p109 « les rondes et les jeux dansés mettent les enfants au contact d’un patrimoine culturel
qui doit être rassemblé de manière à élargir sans cesse son horizon. »
P110 « les situations sont conçues et organisées comme des jeux. »
P111 « faire découvrir, de manière ordonnée, les différents milieux, les différents matériels,
les différents jeux qui permettent à l’enfant de se familiariser avec les multiples facettes de
l’univers et des activités humaines qui l’entourent. »
« Il s’agit donc de le laisser jouer, c’est-à-dire éprouver son pouvoir sur le monde et les objets
qui l’entourent. »
« Les espaces d’évolution variés sont progressivement délimités, notamment pour des jeux de
poursuite. »
« Des jeux de doigts, des déplacements et mouvements dansés, des jeux d’expression, des
imitations de personnages, d’animaux qui …sont autant de situations très riches pour les tout-
petits. »
P116 « jeux de lutte, d’opposition duelle ; jeux collectifs, jeux de tradition, jeux de poursuite,
jeux de transport d’objets »
P117 « jeux dansés »
16
« Le jeu permet au développement psychomoteur : maîtriser son corps, les choses, les objets
(courir, gambader, sauter : ce sont des actions pour l’action). »
2) Activités possibles
Non seulement les jeux et activités sportives développent les capacités cognitives et
physiques de l’enfant, mais ils transforment sa façon d’entrer en relation : les jeux et les
sports facilitent ses capacités d’adaptation et de socialisation en le faisant communiquer avec
les autres avec, par exemple, un ballon. En acceptant les règles, l’enfant assimile la notion de
contrat : l’acte fondamental d’une démocratie qui est l’acception d’un contrat se retrouve ainsi
dans le jeu. Les jeux provoquent également des situations de rencontre où l’enfant est amené à
jouer des rôles très différents, d’agression, de soutien ou d’entraide, qui lui apprennent à agir
par rapport à autrui. Le jeu sollicite aussi la prise de décision, et enseigne à l’enfant comment
maîtriser la victoire comme l’échec.
p120 « en jouant, en poussant toujours plus avant ses expériences et ses tâtonnements,
l’enfant se constitue un premier capital de connaissances. »
P125 « l’utilisation d’objets techniques variés dans des situations fonctionnelles (vie de
l’école, alimentation et cuisine, communication, jeux…) conduit d’abord à la découverte de
leurs usages et au développement de l’habilité de l’utilisateur. »
« Jeux de construction, jouets »
P129 « découverte des formes et des grandeurs : par des jeux variés, on les conduit à élaborer
des stratégies de dénomination ou de reconnaissance. »
« Ces jeux peuvent conduire à :
La différenciation et la classification d’objets selon leurs formes, en particulier en tenant
compte des caractéristiques de leur contour : droit, courbe, plat, arrondi, … ; la reproduction
d’assemblages de formes simples ; la comparaison d’objets selon leur taille, leur masse ou
leur contenance. »
P130 « approche des quantités et des nombres : progressivement, dans les diverses occasions
offertes par la vie de la classe, dans les jeux, ou pour résoudre les problèmes posés par le
maître, l’enfant élargit l’éventail des procédures de résolution en même temps qu’il
s’approprie de nouveaux outils pour dénombrer les collections d’objets. »
p131 « il s’agit de donner du sens aux nombres par leur utilisation dans des résolutions de
problèmes articulés avec des jeux, des situations vécues, mimées ou racontées oralement. »
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2) Activités possibles
Ces jeux d’exercices sont essentiellement des jeux fonctionnels sensori-moteurs qui
ont des visées manipulatoires et exploratrices. L’enfant manipule, explore, construit,
déconstruit, reprend, passe d’un univers à un autre en innovant et en reproduisant.
Les jeux perceptifs permettent à l’enfant de recevoir des informations de son environnement,
ils constituent un entraînement utile au développement des instruments essentiels au travail de
l’intelligence Ils servent aussi de support aux activités langagières (nommer, décrire,
s’exprimer) et préparent à la pensée mathématique selon les possibilités de l’enfant : d’abord,
il se contente de mots et nomme la qualité reconnue (ex : la couleur) puis il compare, il peut
juger ; enfin il possède déjà des facultés d’attention et de raisonnement, il peut prévoir.
En ce qui concerne les jeux mathématiques et les jeux de sociétés, ils permettent d’aborder de
nombreuses notions dans les 4 domaines mathématiques : logique, nombre, espace et mesure ;
mais nous les verrons dans la troisième partie.
Le regard et le geste :
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La voix et l’écoute :
p147 « les langues offrent les matériaux de nombreux jeux vocaux dans lesquels le travail de
rythme, de l ‘accentuation conduit à une première conscience de la complexité des
caractéristiques sonores du langage. »
p148 « jeux de doigts et jeux de nourrice sont abondamment utilisés avec les plus petits. »
« Jeux vocaux : jouer avec sa voix permet de découvrir la richesse de ses possibilités et de
construire les bases de la future voix d’adulte parlée et chantée en évitant qu’elle ne se réduise
trop rapidement à des usages courants et restreints. L’exploration ludique de la voix combinée
à des jeux corporels en actualise toutes les possibilités expressives et est l’occasion de
premières écoutes comparatives. »
P152 « combinaison progressive des percussions corporelles et instrumentales avec les
comptines parlées, les jeux chantés, les évolutions et les chants. »
P153 « jouer de sa voix pour explorer des variantes de timbre, d’intensité, de hauteur, de
nuance…jouer sur le tempo en situation d’imitation. »
2) Activités possibles
Les jeux concernant le regard et le geste sont des jeux d’explorations et de recherche
des outils et des matières pour adapter son geste aux contraintes matérielles.
Les jeux concernant la voix et l’écoute sont des :
- jeux vocaux (se rapprochent de ceux du langage) ; jeux d’imitation (souffler la
bougie, souffler sur ses mains, gonfler un ballon…).
- jeux dansés (rondes, danses : activités corporelles).
- jeux sur les sons (au niveau auditif) ; avec la voix : sons divers, intonations
différentes
- jeux d’écoute (apprendre le silence, loto sonore, jeu des statues, jeu du
téléphone…)
Pour le regard et le geste, les jeux apportent un « entraînement », des essais, des
recherches qui se rapprochent des jeux d’exercices du domaine de la découverte du monde. Ils
aident à la construction de la motricité fine, la maîtrise et le contrôle du geste et à une
recherche créative.
Pour la voix et l’écoute, les jeux d’imitation préparent la voix avant le chant ou
peuvent introduire au mime tout en permettant de maîtriser sa respiration. Les jeux vocaux et
les jeux sur les sons permettent d’interpréter des chansons simples avec précision et
expression mais aussi de produire et d’identifier les paramètres des sons et leurs variations :
étendue vocale, intensité, durée, hauteur, vitesse et timbre. Les jeux d’écoute permettent
d’être attentif au monde sonore et de discerner, reconnaître quelques caractéristiques du son
ou de localiser une source sonore. Enfin les jeux dansés permettent de se repérer dans l’espace
et dans le temps, maîtriser ses mouvements et réagir en appréciant le temps juste.
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III - Mises en place de situations d’apprentissages sous forme
ludique : les jeux de société
On ne fait pas jouer les enfants pour les occuper. Le jeu est une composante essentielle
de l’apprentissage. Et son corollaire, le plaisir, également.
Les règles pour jouer et celle pour vivre en société sont les mêmes.
Les jeux de société sont tous simples en apparence mais ils supposent de comprendre le but et
la règle du jeu, de respecter son tour, de lire les indications du dé, de se repérer sur la piste,
d’avancer dans le bon sens, de respecter les quantités…
Jouer en société, c’est aussi apprendre à agir selon des règles. Les petits malins qui
trichent ne tardent pas à se faire remarquer par leurs camarades.
Quant à la règle du jeu, elle définit le but du jeu, les critères de réussites, le nombre de
joueurs, les modalités de progression…
Le rôle du maître dans le déroulement des jeux de société est divers : il peut
encourager et sécuriser les plus anxieux, tempérer les leaders et maintenir une relation
harmonieuse dans le groupe. A certains moments, il laisse les enfants s’exprimer, créer ; à
d’autres moments, il intervient pour préciser la règle du jeu quand cela s’avère nécessaire.
Mais voyons maintenant différents jeux de société et leurs apports notamment dans le
domaine des mathématiques puis les jeux mis en place dans une classe de Moyenne Section
de maternelle avec tout d’abord des jeux traditionnels.
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III.2 - Des jeux traditionnels
Les jeux traditionnels sont des jeux avec des règles. Leurs auteurs sont inconnus et ils
se transmettent d’une génération à l’autre.
Les jeux, malgré leur logique stricte et leurs règles obligatoires ne sont pas une simple
application invariable des règles. Dans la limite des règles les joueurs ont suffisamment
d’espace pour un comportement nouveau, une conduite personnelle, inventive et imaginative.
Leur morale est égalitaire : au commencement, les joueurs sont dans une position identique.
Il est remarquable de constater que les jeux de société en usage dans certaines classes
sont pour la plupart fondés sur les notions à aborder dans les nouveaux programmes au niveau
de la découverte du monde dans la partie mathématiques et qu’ils constituent donc un moyen
privilégié pour les aborder et les approfondir :
2) Les dominos
Les dominos nécessitent une analyse de 2 parties, avec un repérage d’une qualité
commune et leur association et un raisonnement par équivalence, une correspondance terme à
terme ; en ce qui concernent les nombres il faut observer des constellations de 1 à 6 qui sont
des configurations identiques à celle des dés mais aussi la découverte du zéro; pour la
structuration de l’espace, il existe une relation de voisinage, de contiguïté.
3) Le loto
4) Le jeu de cartes
Le jeu de cartes traditionnel permet un tri par couleur, par famille, par valeur, une relation
d’ordre, une notion de série et une correspondance terme à terme ; il suscite un comptage de 1
à 10, permet d’établir un ordre croissant et décroissant, des comparaisons des valeurs ; en ce
qui concerne la structuration de l’espace, les figures ont une symétrie axiale et on peut établir
des répartitions des dessins par constellations.
5) Le jeu de 7 familles
Les jeux des 7 familles permettent un tri par famille, par personnage, une correspondance
terme à terme et un raisonnement par déduction ; en ce qui concernent les nombres, il y a de 1
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à 7 familles et de 1 à 6 personnages dans chaque famille ; le domaine des mesures est abordé
dans certains cas par des familles Petit / Grand.
6) Le jeu de mémory
Les jeux proposés ici s’inspirent des règles des jeux de société, qui font découvrir à
l’enfant des notions mathématiques. Les contenus, les règles et les contraintes de ces jeux
proposent des situations opérationnelles qui permettent de comparer, dénombrer, classer,
ranger. De plus, la manipulation et le plaisir de jouer avec l’autre facilitent un premier contact
avec le vocabulaire mathématique (pareil, différent, le premier, trop, beaucoup, un, deux…) et
le raisonnement (découvrir, manipuler, observer, réfléchir pour repérer).
a) Première séance
Les cartes à jouer nécessitent une présentation assez longue qui peut se faire sous
forme de tris : tri par couleur (rouge, noire), tri par famille, par forme (trèfle, cœur, pique,
carreau), tri par valeur. Il faut également présenter les figures en donnant leur nom.
Je commence par une phase d'observation : les cartes sont disposées sur la table et les
élèves doivent me dire ce qui voient. Les enfants repèrent rapidement les figures : « il y a un
roi et une reine ». Je donne les noms spécifiques surtout pour le valet. Je fais remarquer
l'initiale présente sur les cartes (R, D, V) qui permet de retrouver le nom de la figure.
Les élèves s'intéressent ensuite aux autres cartes : le gros as de pique pose question,
« on voit des cœurs, ils sont rouges », puis ils remarquent le pique « ça ressemble à un cœur »
mais je leur fais remarquer qu'il a une « queue », que le « cœur » est retourné et le tout est
noir, je leur donne le nom : « on dit que c'est un pique ».
On s'intéresse ensuite à l'autre carte noire : « on dirait une fleur, un arbre », « on en trouve
dans les parcs », je leur demande quelle est leur couleur : « vert ». Je leur dis que c'est vrai et
que c'est une petite plante qui pousse dans l'herbe. Un enfant trouve : « c'est un trèfle » mais
je leur montre qu'ici il est noir.
La dernière forme est la plus difficile à trouver : « c'est un carré, il est rouge ». Je leur donne
le nom : « on dit que c'est un carreau ».
Je passe ensuite à une phase de tri où les élèves doivent trouver différents critères de
classification : « comment peut-on les ranger? » : « par couleur », le tri par couleur se fait
rapidement et il n’y a que peu d'erreurs.
Ils établissent ensuite un classement par valeur : « on peut mettre les rois ensemble », « et les
reines ensembles ». Je leur demande alors : « et les autres? »; « il y des 2, on peut les mettre
ensemble ».
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Les paquets se mettent en place et chacun choisit un tas au départ puis ils rangent les cartes
qu'ils trouvent devant eux. S’ils trouvent une nouvelle valeur, un nouveau tas est formé.
Les élèves font les tas rapidement et veulent ramasser le plus de cartes possibles. Un
élève perd rapidement le critère de tri et met les rois ensemble. Une autre regarde
attentivement les cartes avant de les placer sur le tas correspondant. Quant à la troisième, elle
est très sûre d'elle et les place rapidement sans faire d'erreurs. La quatrième reste en retrait et
ne pose que peu de cartes.
On reprend les tas et on vérifie si tous sont rangés selon le critère sélectionné au
départ, les erreurs sont dues au changement dans le critère de choix du premier élève.
Je leur demande si un autre rangement est possible. « On peut mettre les rois et les
dames ensemble », « avec les autres », ce sont les valets qui sont désignés : « quel est leur
nom? ». Les élèves ne se souviennent plus, je leur remontre la lettre V : « ce sont des
Valets ». Je les interroge ensuite sur la suite du tri : « et les autres? » , « tous ensemble! ».
Puis j'essaye de les faire parvenir à l'idée de tri par famille qui ne vient pas de lui-
même: « pouvez-vous faire un autre tri? ». Les élèves n'ont cependant pas d'idée. « Vous vous
souvenez, il existe des trèfles, des piques, des carreaux et des cœurs »; « on peut les mettre
ensemble! »,dit un élève. Le nouveau classement est entrepris et se fait très rapidement. Il y a
quelques erreurs surtout dans une même couleur (essentiellement trèfle et pique).
b) Deuxième séance
Une autre séance permet de mettre en place la connaissance des nombres et des
constellations présents sur les cartes. Chaque enfant du groupe a devant lui une assiette ; au
centre de la table, des cartes de 1 à 10 sont retournées faces cachées et un tas de jetons est
placé à la disposition du groupe.
Le but de l’activité est d’associer le nombre présent sur la carte à un nombre de jetons à
prendre pour réaliser une collection. Si le nombre de jetons correspond, ils ont gagné.
Chaque enfant pioche une carte et prend le nombre de jetons correspondant à celui de la carte
et les place dans leur assiette. Puis on retourne les cartes et on vérifie la correspondance terme
à terme.
Les élèves ont peu de difficultés à faire cette activité. Quand le nombre est assez grand,
l’élève prend plus de temps pour recompter son nombre de jetons mais je n’ai pas observé
d’erreurs dans ce groupe d’élèves.
Je procède à une nouvelle partie qui se déroule bien. Je décide alors de compliquer la
tâche en faisant piocher 2 cartes par enfant.
Les élèves tirent alors une carte après l’autre et prennent leurs jetons. Au cours de la
vérification, je leur demande combien de jetons ils avaient en tout. Un élève n’a pris que la
valeur d’une carte ; les autres ont pris les jetons correspondant à une carte puis à l’autre.
Pour répondre à ma question, la plupart des élèves compte le nombre de jetons placés dans
leur assiette et ne met pas en place des stratégies de surcomptage sauf une élève qui, en ayant
une carte de 5 et une de 8, a sur compté à partir de 5 pour arriver à 13.
Dans la suite de cette séance, je propose un nouveau jeu : les petits trains.
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• Les petits trains
Dans ce jeu, on joue avec les as ( appelés 1 pour moins de confusion chez les enfants),
les 2, les 3, les 4, les 5. On place les 4 as qui sont les locomotives au départ de 4 rangées et on
distribue les cartes restantes aux 4 élèves qui participent à ce jeu.
Dans la première phase de jeu, les enfants ne s’intéressent qu’à la famille des cartes
(trèfle, carreau, pique, cœur). Chaque locomotive indique la « couleur » du train à constituer,
on peut ici apprendre aux enfants à jouer chacun à son tour (socialisation), apprendre à
distribuer les cartes, à s’en servir (motricité fine et coordination), à placer les wagons les uns
derrière les autres en les accrochant à la locomotive correspondante (reconnaissance des
formes, des familles). Les gagnants sont ceux qui placent le dernier wagon, la queue de
chaque train.
Dans cette phase de jeu, un élève a du mal à associer les formes et ne s’intéresse qu’à la
couleur et place au départ une carte noire à côté d’une autre carte noire mais les autres lui font
part de son erreur et cet élève comprend vite la consigne et ne se trompe plus.
On peut remarquer que dans la découverte du jeu, les élèves ne mettent pas en place de
stratégies pour gagner rapidement et ne choisissent pas forcément de finir un train alors qu’ils
possèdent la dernière carte ; ils préfèrent placer les cartes des familles qui leur plaisent. Je
répète alors le critère de réussite et de faire plus attention au nombre de cartes déjà placées.
Dans la seconde phase de jeu, j’apporte une précision, une variante au jeu : il faut
désormais ranger les wagons en ordre croissant ( de 1 à 5). La difficulté de cette phase est
pour certains élèves d’associer les différents critères utiles pour choisir la bonne carte. Il faut
en effet associer la couleur, la forme et l’ordre des nombres. Certains élèves placent donc un 4
de trèfle à côté d’un 3 de pique ; souvent le critère forme est oublié. Dans la première partie,
je fais remarquer l’avancement des trains et les cartes qui manquent pour gagner ces trains.
Les élèves sont ainsi plus attentifs à l’évolution du jeu et la plupart choisissent de placer la
queue d’un train plutôt qu’une autre carte.
c) Troisième séance
Dans une troisième séance, après un bref rappel des jeux mis en place aux autres, nous
arrivons à la mise en place du jeu de la bataille.
• Le jeu de la bataille
Nous utilisons les cartes de 1 à 5 des 2 jeux de cartes. L’objectif de ce jeu est de savoir
comparer les valeurs des cartes pour reconnaître la gagnante qui est la plus grande parmi les 5
cartes présentées simultanément. En cas d’égalité, les joueurs concernés reposent une carte
que l’on compare de nouveau ; la plus grande étant la gagnante de toutes les cartes placées sur
la table. Je précise que l’as à valeur de 1 et non de la plus grande carte.
Dans ce jeu, je ne me place plus seulement comme meneur de jeu et observateur mais
je décide de participer.
Les nombres étant de 1 à 5, les comparaisons se font vite et le jeu est rapide comme dans la
version classique du jeu. Certains enfants perdent rapidement toutes leurs cartes mais ils
restent actifs car ils sont très intéressés par le déroulement du jeu et aident les autres en
indiquant qui a la plus grande carte ou quand il y a bataille. Le jeu tourne vite à un tête-à-tête
final entre 2 joueurs qui dure plus longtemps si les grosses cartes sont bien réparties.
Ce jeu motive beaucoup les élèves et de nombreux spectateurs viennent observer et
même participer en annonçant la carte à la valeur la plus élevée et en désignant à chaque fois
celui qui doit ramasser les cartes.
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Le jeu de cartes est très riche au niveau des apprentissages mathématiques et permet
de nombreuses manipulations et des séances d’observation, de tri. Il permet également une
approche des nombres en associant sur une même carte le nombre et la constellation qui lui
correspond et des rangements par ordre croissant par exemple. Les enfants sont fiers de jouer
avec des cartes car il constitue un jeu auquel les adultes jouent sous de diverses formes. Ils ont
donc l’impression de faire comme les « grands ».
2) Les dominos
Les dominos nécessitent également une présentation car les nombres sont sous forme
de constellations comme sur un dé et ils se composent de 2 parties qu’il faut distinguer.
Dans le groupe pris pour cette séance, deux élèves annoncent qu’ils connaissent le jeu. Je leur
demande donc le but du jeu : « Il faut faire toucher 2 parties de dominos pareilles ».
Je leur propose avant de jouer au jeu traditionnel de découvrir ou redécouvrir les dominos à
l’aide d’un classement. Pour cette approche, je n’utilise que les dominos de 0 à 4 ce qui fait
15 dominos.
Dans cette première partie de séance, je souhaite faire une découverte des dominos à
l’aide de classements et de collections. Le premier proposé par les élèves est de mettre les 3
ensemble : ils placent le 3-1, le 3-0, le 3-2, le 3-4 et le 3-3 puis j’induis un classement en
rangeant les dominos en ordre croissant qui permet de comparer les nombres : ils rangent le 3-
1, le 3-2, le 3-3 et le 3-4 mais ils s’interrogent sur la place du 3-0. ils décident de le placer
après le 3-4. J’explique alors que la partie vide du domino représente le zéro ; cela ne les aide
pas et je décide de faire une comparaison en pensant à des bonbons : « si un enfant à 4
bonbons et un autre 0, qui a en le plus ? ». Pour certains, zéro est plus grand que quatre ; mais
une élève fait la remarque suivante : « Zéro, c’est aucun, c’est même pas 1 donc c’est plus
petit que 1 ». Le domino 3-0 est finalement placé avant le 3-1.
Les élèves décident de ranger les 4 : ils placent le 4-0, le 4-1, le 4-2, le 4-4 et le 4-5 puis un
enfant fait remarquer très justement qu’il manque le 4-3. Mais une élève montre qu’il est déjà
dans le premier classement.
Ils trient ensuite les 2 et les 1 et le double zéro reste tout seul.
Puis je propose une nouvelle partie, un jeu intermédiaire mais cette fois-ci, on refait le
parcours mais en jouant les uns après les autres. La notion d’impossibilité est ainsi abordée et
certains doivent donc passer leur tour.
Enfin le jeu classique est mis en place, chaque élève reçoit 2 dominos et les autres sont
retournés sur la table et constituent la pioche. Le jeu permet une approche de l’organisation de
l’espace, des correspondances terme à terme, un rappel des constellations de 1 à 4, l’approche
de la notion de zéro, de celle de double et de celle d’impossibilité.
Ceux qui connaissent le jeu orientent les autres joueurs et le déroulement du jeu se passe bien.
Tous placent ici leurs dominos ; certains ne pensent pas à attendre leur tour et se font rappeler
25
à l’autre par des autres. Il ne reste ensuite plus que la pioche ; je redistribue alors un domino à
chacun et on recommence. A la fin de la partie, le double 3 reste et ne peut être placé ; je dis
alors que le jeu est bloqué et que l’on ne peut plus jouer (notion d’impossibilité). On regarde
juste où il aurait pu être placé : entre deux 3.
Ce jeu est constitué d’un plateau de jeu représentant 6 pistes de course avec départs et
arrivées, de 6 pions en forme d’escargots (vert, rouge, jaune, bleu, rose, orange) et de 2 dés :
un avec les 6 couleurs et un avec des nombres (soit constellations ou chiffres de 1 à 6 ou de 1à
3 selon les objectifs poursuivis).(voir annexe 1)
Le but du jeu est de faire avancer les escargots jusqu’à la ligne d’arrivée en respectant
les couleurs et en associant le nombre du dé au nombre de cases sur le plateau de jeu.
La première partie se fait sans le dé des nombres : il s’agit donc avancer d’une case
l’escargot désigné par le lancer de dé. Mes objectifs ici sont la connaissance des couleurs : les
nommer et associer les couleurs du dé et des escargots à avancer, apprendre à jouer les uns
après les autres et donner un classement final d’arrivée des escargots (idée de l’ordinal du
nombre).
Pour ce jeu, 4 élèves viennent participer. Je leur présente le jeu et donne les règles.
Même après les explications, certains ont envie d'avoir un escargot particulier mais je leur ré-
explique que les escargots n'appartiennent à personne en particulier ; je leur propose de les
supporter et de deviner lequel des escargots va arriver le premier. La première difficulté pour
certains est de ne faire avancer que d'une case, l'escargot désigné par le dé des couleurs ; ils
veulent avancer de plusieurs cases. Le nom des couleurs est donné à chaque fois par les élèves
et je remarque qu'un élève ne connaît pas la couleur orange mais à force de répétitions par les
autres et lui-même, il n'y a plus d'erreurs dans la reconnaissance des couleurs.
L'arrivée des escargots est énoncée et un classement est effectué : « le vert a gagné ; il est
arrivé le premier » ; « et le rouge? » « c'est le deuxième » ; « l'orange est le troisième, le bleu
est quatrième, le jaune cinquième et le rose sixième ».
Le jeu permet donc bien de repérer des connaissances non maîtrisées et grâce à
l'entraide et à la répétition, celles-ci s'acquièrent et se renforcent et sont bien assimilées ; les
notions se concrétisent dans le jeu.
Ce jeu se compose d'un plateau de jeu assez ressemblant à celui des petits chevaux ; il
se répartit en 4 domaines : jaune, rouge, bleu, vert et chaque joueur dispose de pions de la
couleur de son domaine qui se situent au début du jeu dans leur « maison ». La règle est
proche de celle du jeu des petits chevaux car il faut avancer ses pions jusqu'à l’arrivée en
suivant le parcours dans le sens des aiguilles d'une montre. Pour ce faire, les joueurs
n'utilisent pas un dé avec des constellations mais un avec des objets représentés : une poupée,
un ballon, un ourson, un landau, une voiture et un cheval. Les joueurs doivent donc avancer
leur pion jusqu'à la case représentant cet objet. Les joueurs font le tour du plateau pour revenir
dans leur domaine et arriver à leur « escalier » où là, il faut faire tour à tour le symbole
représenté pour parvenir au centre du plateau et donc gagner. (voir annexe 2)
Pour la mise en place de ce jeu, je n’ai utilisé que 2 pions par joueur ce qui réduit le
temps de jeu (trop long dans le jeu initial) pour des Moyens ; en effet, les élèves de cet âge ne
peuvent pas rester trop longtemps concentrés sur la même activité même s’il s’agit d’un jeu.
Après l’explication des règles du jeu, celui-ci démarre. Les élèves abordent ici quelques
notions comme attendre son tour pour jouer, comprendre la règle de l’affectation d’une
couleur par joueur (départ, pion, « escalier »), associer le symbole du dé à celui présent sur le
plateau de jeu et se déplacer sur un parcours orienté (avancer, attendre), établir des stratégies
en choisissant le plus judicieusement le pion à avancer.
La difficulté majeure pour certains élèves est de se déplacer dans le sens proposé par
le jeu. Un joueur a tendance à reculer son pion au lieu d’avancer. Une autre élève le fait de
temps en temps. Mais je remarque que ce comportement s’atténue au long du jeu : le sens du
parcours est intégré au fur et à mesure de l’avancement du jeu. Le comportement le plus
intéressant dans cette partie est l’entraide et l’attention que portent les autres élèves à la
personne qui doit jouer. En effet, un élève en difficulté est aidé par les autres joueurs et
parvient ainsi à comprendre tous les paramètres du jeu et les notions présentes dans le jeu.
Pour un élève, le jeu devient fatiguant et il a du mal à se concentrer du fait de la répétition de
la tâche : lancer le dé et avancer sur la poste jusqu’au symbole identique à celui présent sur le
dé. Mais l’intérêt revient vite dès que l’escalier est atteint et que l’arrivée du jeu est proche.
Les élèves redoublent d’attention et commentent beaucoup les dernières étapes jusqu’à
l’arrivée.
La course aux symboles permet à l’enfant de se concentrer sur son pion ; il ne doit pas
perdre de vue son parcours jusqu’à son arrivée propre. Ce jeu ne permet pas aux élèves de
comparer leur avancement au début du jeu car ils ne démarrent pas d’un endroit commun mais
la compétition apparaît vers la fin du jeu quand les pions sont dans l’escalier final et les
comparaisons peuvent reprendre. Ce jeu est une bonne initiation aux jeux nécessitant un
27
déplacement sur un parcours orienté du type jeu de l’oie et la gestion de plusieurs pions sur un
même plateau de jeu.
Pour ce jeu, je me suis inspirée de "la roue des couleurs" proposée dans Des jeux de
nombres et de logique à la maternelle de M.L Winninger. Il se compose d'une roue avec une
flèche mobile : la roue est partagée en 18 parties de 4 couleurs différentes avec des chiffres et
des constellations de 1 à 6 ; de 4 plaques de jeu représentant des colliers et des jetons ronds de
couleurs identiques à celles de la roue. (voir annexe 3)
Le but de ce jeu est de réaliser un collier à l’aide des jetons. Pour cela, à tour de rôle, chaque
joueur fait tourner la flèche et place sur son collier le nombre de jetons de la couleur
correspondante désigné par celle-ci.
Ce jeu est essentiellement un jeu d’observation où les joueurs doivent associer la couleur
désignée par la flèche et le nombre de jetons à prendre.
Dans ce jeu, 4 élèves jouent ensemble. A chaque tour, le joueur doit annoncer la
couleur et le nombre de jetons à prendre. Une première difficulté est la reconnaissance des
chiffres et des constellations. Un élève confond le chiffre 2 et le chiffre 5. Certaines
constellations sont comptées avec le doigt au début du jeu mais rapidement elles sont
reconnues visuellement.
Mais le principal obstacle est la correspondance entre le chiffre ou la constellation et le
nombre de jetons à prendre. Certains élèves énoncent le bon chiffre mais ne savent pas
prendre le nombre adéquat surtout qu’un paramètre supplémentaire (la couleur) est présent.
Ce phénomène se produit essentiellement pour les nombres supérieurs à 4.
Un élément intéressant tient aux remarques et aux analyses faites par les élèves au
cours du jeu : beaucoup observent la progression du jeu et évoquent le nombre de jetons
manquants sur les différents colliers ou le nombre de jetons restants : « il en faut plus que 3
pour qu’il ait fini ; il ne reste que 2 rouges dans le tas… ». Les quantités sont énoncées
spontanément ce qui montre une observation fine et précise de la situation de jeu.
Le fait le plus marquant dans cette partie est la défection d’un élève après un petit
moment de jeu : il ne veut plus jouer ; ne voulant pas aller à l’encontre d’un des principes du
jeu qui est d’être librement consenti, je le laisse quitter le jeu. Bien qu’il ait décidé de ne plus
jouer, il reste intéressé par le jeu et suit attentivement la suite du jeu en faisant des remarques
sur la progression des joueurs et l’avancement des colliers.
Ce jeu m’a permis de voir si tous les enfants reconnaissaient les chiffres et les
constellations de 1 à 6 ; ce qui n’était pas vraiment le cas en début de jeu mais qui s’est fait au
cours du jeu. Le jeu par ses répétitions permet donc une assimilation des connaissances
mathématiques et leur utilisation concrète.
Ce jeu est proposé dans l’ouvrage Des jeux de nombres et de logique à la maternelle
de M.L Winninger. Il est composé d’un plateau de jeu représentant un chemin dans la forêt :
sur ce chemin sont représentés des nids (avec des chiffres indiquant le nombre d’œufs à
28
ramasser) et des renards ainsi que des cases vides ; d’un dé avec des constellations de 1 à 3
ponts ; des œufs en carton ; des plaques de jeu individuelles représentant un panier pour y
ranger les œufs et un pion par joueur.
Le but du jeu est de ramasser le plus possible d’œufs ; celui qui a le plus d’œufs dans son
panier à la fin du jeu à gagner. Pour ce faire, à tour de rôle, chaque joueur lance le dé et fait
avancer son pion en fonction des indications fournies par le dé. Si le pion s’arrête sur une case
avec un nid, le joueur place dans son panier un nombre d’œufs égal au chiffre écrit dans le
nid. Si le pion s’arrête sur une case avec un renard, le joueur lance le dé pour savoir combien
d’œufs va gober le renard : il enlève autant d’œufs de son panier. Si le pion s’arrête sur une
case renard et que le panier est vide, le joueur relance le dé. (voir annexe 4)
Ce jeu permet d’aborder, outre les notions classiques du jeu comme attendre son tour
ou avancer du nombre de cases établi par le dé, le comptage en ajoutant ou en retranchant des
quantités.
Ce jeu suscite beaucoup d’intérêt de la part des enfants. La taille du plateau de jeu, les œufs et
l’histoire participent à cet enthousiasme.
Le jeu, malgré sa durée un peu longue, ne connaît pas de désintérêt des élèves et la
motivation est présente du début à la fin. Les renards doivent être évités et quand un joueur
tombe dessus, tous compatissent et se demandent combien d’œufs le renard va lui prendre. Il
est intéressant d’observer ici encore les remarques faites par les joueurs au cours du jeu sur
l’évolution du nombre d’œufs présents dans les paniers : certains comptent régulièrement le
nombre d’œufs qu’ils ont et le comparent à celui des autres. Ils ajoutent ou ôtent les œufs : ce
qui est une activité préparatrice aux exercices d’addition et de soustraction qu’ils
rencontreront plus tard.
La situation finale est intéressante car elle permet de faire une comparaison du nombre
d’œufs que chacun possède. Pour savoir qui a gagné, certains comptent instinctivement leur
nombre d’œufs, d’autres comparent la taille des tas d’œufs en les observant mais certains sont
presque identiques. Deux joueurs sont difficiles à départager en observant leurs œufs ; le
groupe décide de les compter. Je désigne les œufs du doigt et les enfants comptent un à un les
œufs : un joueur en a 14 alors que l’autre en a 19. Certains n’arrivent pas à attribuer la victoire
car ils ne savent pas quel est le plus grand nombre des deux. Je leur propose donc de les
comparer terme à terme et de voir ainsi qui a le plus grand nombre d’œufs. Les œufs du
premier joueur sont alignés les uns à côté des autres et on place ceux de l’autre en face de
chaque œuf. On remarque ainsi que le joueur qui en a 19 en a autant que celui qui en a 14
mais 5 en plus. Le vainqueur est ainsi désigné par tous.
29
CONCLUSION
Nous venons de voir que les jeux et l’activité ludique sont des supports motivants pour
les enfants.
Le jeu, que l’enfant utilise beaucoup dans son temps libre, représente, par ses richesses
diversifiées, un formidable moyen d’éducation et d’ouverture sur la vie.
Dans l’éducation, le jeu n’est pas une fin en soi mais seulement un des moyens les
plus efficaces d’élever l’enfant. En effet, le jeu permet de le faire accéder à toutes sortes de
capacités d’ordres physique, logique ou mémoriel, de franchir peu à peu les obstacles. Le jeu
est un moyen d’apprentissage bien adapté aux besoins et aux désirs des jeunes élèves ; il a un
rôle capital et est d’une grande richesse dans le développement de l ‘enfant.
C’est un bon support d’apprentissage car, dans le jeu, les conséquences des échecs se trouvent
atténuées, les erreurs sont dédramatisées.
Le jeu apparaît comme une force dynamisante favorisant le désir de progresser et de
continuer malgré les erreurs, non pas pour produire quelque chose mais pour réussir dans son
entreprise. L’enfant éprouve un sentiment de liberté et peut prendre du recul par rapport aux
autres et donc acquérir une plus grande autonomie.
Certes, on ne peut pas jouer tout le temps. Tout se situe dans une bonne articulation
entre les jeux libres, spontanés, provoqués, induits et les activités construites afin que l’enfant
devienne progressivement un écolier qui aime apprendre.
En revanche, le jeu a quelques inconvénients : pour les enfants, il peut y avoir des
difficultés pour maîtriser ses émotions, pour accepter les règles ; et ce n’est pas forcément
facile pour l’enseignant, cela entraîne beaucoup de bruit, beaucoup d’investissement, de
travail matériel, de préparation des jeux. Il faut du temps et une disposition de salle adéquate.
Du côté didactique, on rencontre les problèmes de l’évaluation et du peu de traces écrites, du
renouvellement du jeu et la perte de vue des objectifs. Il y a toujours par ailleurs la notion de
plaisir à sauvegarder…
Gilles Brougère précise également que, si, dans le jeu, l’enfant est libre de ses
décisions et l’activité est incertaine, ce n’est pas sans poser des problèmes à l’éducateur et
cela ne lui garantit jamais de pouvoir atteindre totalement les objectifs prévus.
De plus, je dirais que l’on peut apprendre beaucoup en jouant mais redécouvrir tout
par le seul moyen du jeu libre, ou d’un jeu sommairement récupéré conduit à l’échec. On
mettrait des milliers d’années s’il fallait tout apprendre en jouant, car le jeu est un procédé
aléatoire, où l’enfant construit sur la méthode de recherches et erreurs son propre programme
interne. Il faut, c’est évident, d’autres apprentissages, que le jeu permettra de rendre efficaces.
Pour finir, je dirais que l’enfant doit retrouver les jeux à l’école à l’extérieur si l’on
veut une réelle consolidation et assimilation des acquis. En effet, la reprise spontanée de
l’apprentissage est une condition importante de sa mise en place et de sa stabilité.
Par cela, plus encore que moyen d’apprentissage, le jeu est moyen d’assimilation. Le
jeu permet de s’approprier ce que l’enfant apprend, de le « digérer », de faire siens des acquis
qui restent trop souvent artificiels.
Le jeu n’est pas qu’un moyen, il est une source, une condition incontournable pour parvenir
aux apprentissages scolaires planifiés.
On peut alors penser que le jeu pourrait avoir une place plus reconnue à l’école
élémentaire et qu’il serait intéressant d’en concevoir les objectifs et les modalités de
réalisation.
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BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES CONSULTES :
ARTICLES CONSULTES :
31
ANNEXES
32
Annexe 1 : Allez les escargots
33
Annexe 2 : La course aux symboles
34
Annexe 3 : le jeu des colliers
35
Annexe 4 : Les renards et les œufs
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JOUER A L’ECOLE MATERNELLE
Enjeux et pratiques
RESUME :
Le jeu est une activité primordiale du jeune enfant, il est donc naturellement présent en
maternelle. Mais quelle est la place exacte du jeu à l’école, son utilité et en quoi est-il un bon
moyen d’apprentissage et d’éducation ? Ce mémoire aborde les apports du jeu, un essai de
définition, étudie la place qui lui est accordée actuellement dans le cadre scolaire et présente
la mise en place de jeux de règles en moyenne section.
MOTS CLES :
- école maternelle
- mathématiques
- jeu
- jeux de société
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