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10/31/2015 "Le Siècle juif", de Yuri Slezkine

"Le Siècle juif", de Yuri Slezkine : le juif, prototype


de l'homme du XXe siècle ?
LE MONDE DES LIVRES | 05.11.2009 à 11h16 • Mis à jour le 05.11.2009 à 11h17 | Par Samuel Blumenfeld

Le Siècle juif ne raconte pas une histoire comme les autres.


Si son auteur, professeur d'histoire russe à l'université de
Berkeley, montre comment les différentes composantes du
peuple juif ont traversé le XXe siècle, en Union soviétique,
aux Etats-Unis et en Israël , il ne se réduit pas à une histoire
juive.
Dans ce livre qui a rencontré un écho considérable aux Etats-Unis lors de sa publication, en
2004, Yuri Slezkine affirme que le siècle dernier s'est emparé de valeurs cultivées et véhiculées,
selon lui, par le peuple juif. "L'âge moderne est l'âge des juifs, explique-t-il. Et le XXe siècle est le
siècle des juifs. La modernité signifie que chacun d'entre nous devient urbain, mobile, éduqué,
professionnellement flexible. En d'autres termes, la modernité, c'est le fait que nous sommes
devenus tous juifs." Ainsi, pour l'auteur, les valeurs d'éducation et de mobilité deviennent de plus
en plus partagées, mais personne ne les incarnerait aussi bien que les juifs eux-mêmes.

"Nomades fonctionnels"

Selon Yuri Slezkine, il existe dans la plupart des civilisations traditionnelles une dichotomie entre
une majorité d'"apolliniens", et une minorité de "mercuriens". Les premiers descendent d'Apollon,
le patron des paysans et des guerriers ; les seconds descendent de Mercure, le protecteur des
passeurs de frontières et des individus qui vivent de leur agilité d'esprit et de leur art. Or ces
"nomades fonctionnels", vulnérables et persécutés - c'est l'une des idées -forces du livre - ne se
réduisent pas aux seuls juifs. Les descendants de Mercure se trouvent également parmi les
Chinois d'outre-mer en Asie, les parsis et les jains dans le sous-continent indien, les Tziganes et
les Arm éniens en Europe .

Afin d'illustrer la réalité de ce "siècle juif", l'auteur déploie une impressionnante batterie de
statistiques, visant à démontrer la présence des juifs, en Europe et aux Etats-Unis, dans les
secteurs financiers, industriels, universitaires et artistiques. Statistiques qui demanderaient à
être mises en perspective avec d'autres chiffres, où apparaîtrait aussi le dénuement d'une grande
partie des juifs européens. Ainsi, à la veille de l'invasion allemande en 1939, on estimait que 40
% de la population juive en Pologne , soit 1 200 000 personnes, avait besoin de l'aide
d'organisations humanitaires pour vivre .

De manière beaucoup plus pertinente, Slezkine place les juifs au centre des trois idéologies qui
ont dessiné le XXe siècle : le libéralisme, le communisme et le nationalisme. En effet, l'historien
associe le freudisme à une forme de libéralisme non ethnique (ou multiethnique) dont les Etats-
Unis seraient la patrie. Le sionisme, lui, incarnerait un nationalisme juif laïque en Palestine .
Quant au communisme, il représenterait la création d'un monde postnational centré sur Moscou.

Aussi brillante et documentée soit-elle, la thèse de Slezkine ne coule pas de source. Pour
évoquer un "siècle juif", il est indispensable d'interroger la question de l'identité juive, ce qui n'est
pas le cas ici. L'historien ne pose jamais l'équation complexe du juif, à la fois peuple et religion.
Selon lui se trouverait dépositaire de l'attribut "juif" celui qui aurait au moins un grand-parent juif et
ce, quelles que soient ses convictions religieuses ou son sentiment d'appartenance à ce peuple.
A ce compte, presque tout le monde devient juif.

Du reste, la volonté de dissocier le peuple juif de la pratique religieuse ne va pas non plus sans
poser problème. Car c'est bien aussi un univers cultuel et un monde spirituel que les nazis ont
voulu éradiquer . La destruction des juifs d'Europe, ajoutée à l'exil et à la spoliation des juifs dans
les pays arabes, constitue en ce sens le grand impensé du livre. Certes signalés, ces deux
événements ne sont guère développés. Il n'est pourtant pas anodin que le "siècle juif" soit aussi
celui de la Shoah et de la disparition du judaïsme en terre d'Orient.

Enfin, Slezkine déplore le triomphe du sionisme, dont la faute originelle serait de placer les juifs,
peuple "mercurien" par excellence, du côté des "apolliniens", c'est-à-dire d'une idéologie de la
terre, négation des valeurs supposées de ce peuple. Cette conception d'un juif abstrait n'est
jamais remise en cause par son auteur. Pour lui, le royaume du juif ne saurait être la terre. Ce
sont les arts . Mais pas plus qu'il n'y a, dans le vivant historique, séparément, une âme et un
corps, il n'y a, dans le signifiant juif, d'un côté le sionisme, de l'autre les musiciens juifs. Le
peuple juif ne se réduit pas à une opposition entre terriens et intellectuels. Il y a un autre "siècle
juif", irréductible à cette dichotomie, et dont l'histoire reste à écrire .

LE SIÈCLE JUIF de Yuri Slezkine. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marc Saint-Upéry. La
Découverte, 430 p., 25 €.

Samuel Blumenfeld

http://www.lemonde.fr/livres/article/2009/11/05/le-siecle-juif-de-yuri-slezkine_1263009_3260.html 1/1

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