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Université Sorbonne Nouvelle Paris 

Institut de Linguistique et de Phonétique Générales et Appliquées


Licence mention « sciences du langage »

Histoire des idées


linguistiques
(L6F07 – Travaux Dirigés)

Enseignant: Manuel Gustavo Isaac


– / Semestre 
Table des matières

I Prolégomènes méthodologiques 
 Histoire et idées linguistiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
. La pratique de l’histoire des idées linguistiques . . . . . . . 
. Disciplinarisation de l’histoire des idées . . . . . . . . . . . 
. La temporalité et l’histoire des idées . . . . . . . . . . . . . 

 Histoire et épistémologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
. Sciences, histoire, épistémologie . . . . . . . . . . . . . . . . 
. Les principes théoriques de l’objectivité . . . . . . . . . . . 
. Les principes pratiques de l’objectivité . . . . . . . . . . . . 

 Dimensions anthropologique et technologique . . . . . . . . . 


. Anthropologie et savoirs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
. L’émergence des savoirs linguistiques . . . . . . . . . . . . . 
. De l’épilinguistique au métalinguistique . . . . . . . . . . . 
. L’hypothèse technologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 

II Thème local : la “querelle” de l’arbitraire 


 La localisation historique du débat . . . . . . . . . . . . . . . . . 
. La mise en débat de l’arbitraire . . . . . . . . . . . . . . . . 
. L’horizon de rétrospection du débat (e s.) . . . . . . . . . 
. Les paradigmes théoriques (e s.) . . . . . . . . . . . . . . . 

 Le principe sémiologique saussurien . . . . . . . . . . . . . . . 


. Principe de la sémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
. Le modèle sémiotique binaire . . . . . . . . . . . . . . . . . 
. Du signe au système de la langue . . . . . . . . . . . . . . . 


TABLE DES MATIÈRES 

 Le signe linguistique chez Benveniste . . . . . . . . . . . . . . . 


. L’évaluation du principe saussurien . . . . . . . . . . . . . . 
. Le nature du signe selon Benveniste . . . . . . . . . . . . . . 
. Les preuves de la nature du signe . . . . . . . . . . . . . . . 

 Pour ou contre l’arbitraire du signe . . . . . . . . . . . . . . . . 


. Contre l’arbitraire du signe linguistique . . . . . . . . . . . 
. Pour l’arbitraire du signe linguistique . . . . . . . . . . . . . 
. Un problème philologique ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . 

III Thème étendu : la notion de « généralité » 


 La généralité de la grammaire générale (–es s.) . . . . . . . 
. Les principes philosophiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 
. Le programme théorique classique . . . . . . . . . . . . . . 
. La théorie de la proposition . . . . . . . . . . . . . . . . . . 

 La généralité de la linguistique générale (–es s.) . . . . . . 


. La généralité au tournant du e siècle . . . . . . . . . . . . 
. Trois variantes du thème de la généralité . . . . . . . . . . . 
. Meillet, Saussure et la généralité . . . . . . . . . . . . . . . . 

 La généralité et la disciplinarisation de la linguistique . . . . . 


. Les acceptions de la généralité (-es s.) . . . . . . . . . . 
. La généralité comme motif de discorde . . . . . . . . . . . . 
. L’unité problématique de la linguistique . . . . . . . . . . . 

A Annexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 

B Annexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 

C Annexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 

Université Sorbonne Nouvelle (ILPGA)


Histoire des idées linguistiques (LF)
Enseignant: Manuel Gustavo Isaac
Première partie

Prolégomènes
méthodologiques
Chapitre
1
Histoire & idées linguistiques :
les enjeux de la rétrospection

Sommaire
. La pratique de l’histoire des idées linguistiques . . . . 
.. L’objet théorique de l’histoire des idées . . . . . . . 
.. HIL / objets (théoriques) : un rapport paradoxal . 
.. Le travail de l’historien . . . . . . . . . . . . . . . . 
. Disciplinarisation de l’histoire des idées . . . . . . . . 
.. Les usages de l’histoire dans les idées linguistiques 
.. L’exemple du Cours de linguistique générale () . 
.. La naissance de l’histoire des sciences du langage . 
. La temporalité et l’histoire des idées . . . . . . . . . . . 
.. Chronologie, histoire, temporalité . . . . . . . . . . 
.. Histoire et historicité . . . . . . . . . . . . . . . . . 
.. HIL : temporalité, explication, causalité . . . . . . 


. La pratique de l’histoire des idées

.. L’objet théorique de l’histoire des idées


Histoire des idées ou des théories ?

· La notion d’idée. Objectif : prise en compte de la variété/diversité (Ob-


jets de HIL : concepts, procédures, techniques)
· Objet d’étude. Caractéristique : extension temporelle et géographique
· Plan épistémologique. Principe : conception non normative (détermi-
nation du domaine d’objets) (voir remarque .)

Exemples de différents types d’objets

· Théories historiquement anciennes. Étude des connaissances produites,


des concepts élaborés, etc.
· Problèmes historiquement localisés. Étude des modalités de position
des problèmes (controverses spécifiques, etc.) – voir Partie II
· Problématiques épistémologiques générales. Perspective historique-
ment transversale (e.g., la question de l’arbitrarité du signe, l’opposition
de la nature et de la culture dans le langage, l’évolution de la notion de
syntaxe, etc.) – voir Partie III

.. HIL / objets (théoriques) : un rapport paradoxal


Problème . (Science, vérité, temps) Mise en contradiction
des préjugés communs avec les principes déterminant la pra-
tique de l’histoire des idées, des théories ou des sciences

· Vérité et temps, science et vérité. Les préjugés du sens commun


• Caractérisation de la vérité. Caractérisation par l’intemporalité
— Corollaire. Vérité non affectée par le temps (versus a-temporalité)
• Caractérisation de la science. Assimilation de la science à la vérité
ou à un système de représentations vraies


CHAPITRE . HISTOIRE, IDÉES LINGUISTIQUES, RÉTROSPECTION 

— Corollaire. Impossibilité pour une science d’être fausse


· Science et temps. Gestion par l’histoire des idées/sciences
• Postulat. Condition de constitution des théories scientifiques : déter-
mination fondamentalement historique
• Démonstration. Constat empirique de la possibilité d’une dévalua-
tion de la scientificité d’une science avec le temps
• Conclusion. Modification temporelle possible de la valeur d’une vé-
rité (enjeux : contextualisation et explication)

Remarque . (Scientificité et discipline) Critère de scienti-


ficité d’une discipline : devoir avoir une histoire et des modali-
tés de reproduction déterminées pour pouvoir être considérée
comme une science (condition nécessaire non suffisante)

Proposition . (Scientificité et discipline) Processus de con-


stitution d’une discipline scientifique = processus temporel /
historique de disciplinarisation

La longue durée et la notion de progrès

Proposition . (La notion de progrès) Condition constitu-


tive de la temporisation et de l’historicisation des sciences : dis-
tinction entre un passé et un présent de la science (de consis-
tances inégales) 1

· Les contraintes du progrès. Deux facteurs de limitation : finitude (de


la cumulation) et oubli
• Cumulativité. Facteur de productivité dans le processus d’élabora-
tion des théories scientifiques
• Oubli (, falsification ou péremption). Facteur dynamique de créati-
vité dans le processus d’élaboration des théories scientifiques
. Remarque. Importance de l’institutionnalisation de la notion de progrès – fondation
de l’université allemande (Humboldt à Berlin) ; idéologie du progrès : Auguste Comte
(lois des trois états).

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Histoire des idées linguistiques (LF)
Enseignant: Manuel Gustavo Isaac
CHAPITRE . HISTOIRE, IDÉES LINGUISTIQUES, RÉTROSPECTION 

· Conséquence de la notion de progrès. Constitution d’un horizon de


rétrospection (résultats, problèmes, concepts,. . .)

Horizon de rétrospection et histoire des sciences

Définition . (Horizon de rétrospection) Ensemble de con-


naissances antérieures encadrant l’émergence d’une théorie
(scientifique)

Remarque . (Horizon de rétrospection) Indice du rapport


constitutif du processus d’élaboration des théories scientifiques
à la temporalité (versus connaissance instantanée ou sponta-
née) : établissement d’un lien au passé historique 2 ou non-
historique 3

· Mode d’existence. Donation sous la forme de champs de co-présence :


mobilisation théorique directe propre au cadre d’un ensemble de sa-
voirs ou de connaissances
· Modalités d’usage. Système de références implicites ou explicites (au-
teurs, courants, problématiques, . . .)
· Principe de constitution. Gestion de l’héritage historique : sélection et
oubli (opération non nécessairement délibérée)

Remarque . (Histoire et mémoire) Fonctionnement de l’ou-


bli : résultat de l’effacement (délibéré ou involontaire) de la co-
présence d’un ensemble donné de connaissance

Remarque . (Histoire et oubli) Conséquence directe de l’ou-


bli : restructuration de l’horizon de rétrospection ; conséquence
indirecte : historicisation progressive des connaissances
. Condition de la dimension historique de l’horizon de rétrospection : notion de pro-
grès (conscience de l’irréversibilité de l’histoire des sciences).
. Exemplairement : les grammairiens de l’Encyclopédie Générale et Raisonnée (Dumar-
sais et Beauzée) traitent les grammairiens de l’Antiquité comme leurs contemporains.

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CHAPITRE . HISTOIRE, IDÉES LINGUISTIQUES, RÉTROSPECTION 

.. Le travail de l’historien


Présentation Production d’informations fiables selon des perceptives ou
focales variées : construction de représentations théoriques susceptibles
d’être corroborées et invalidées par des données empiriques (textes, tech-
nologies, instruments techniques ou conceptuels, . . .)

· Enjeu. Gestion de l’historicité des résultats de la science (i.e., des “idées”)


· Principe. Faire l’histoire de la connaissance du vrai (, vrai “en soi”)
· Méthode. Étude des procédures et des stratégies de définition du vrai
– i.e., de ce qui est considéré comme étant vrai
• Instrument théorique. La notion d’horizon de rétrospection
· Écueil. L’illusion rétrospective : projection de concepts et/ou de caté-
gories actuels sur le passé historique 4
· Solution. Définition “matérialiste” (empirique) de la science

Définition . (Sciences) Systèmes sociaux composés de re-


présentations (présupposées vraies) dont le nombre peut varier
dans le temps par disparition/apparition de certaines compo-
santes (concept, objets techniques/technologiques, . . .)

Les objectifs du travail de l’historien

· La constitution d’un horizon de rétrospection. Identification, distinc-


tion et scansion de la temporalité et des types de réception (motivations,
périodisation, etc.) : détermination du régime de circulation des savoirs
linguistiques
• Effet du travail historique. Constitution d’une histoire cumulative et
sérielle, non cyclique (ou téléologique)
• Corollaire du travail historique. Évitement de la reproduction de
mêmes erreurs (e.g., la question de l’origine du langage et des langues)
. Exemple : application de l’opposition descriptif / prescriptif aux grammaires de la
Renaissance française ← Ni descriptif, ni prescriptif : focalisation sur un usage normatif
(versus pure description factuelle ou pure prescription grammaticale).

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Histoire des idées linguistiques (LF)
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CHAPITRE . HISTOIRE, IDÉES LINGUISTIQUES, RÉTROSPECTION 

· La structuration des horizons de rétrospection. Multiplicité des prin-


cipes de structuration des horizons de rétrospection : traitement indis-
tinct comme connaissances communes (notion d’“air du temps”) ; in-
dexation des connaissances (dates, auteurs, écoles,. . .) ; etc.

Remarque . (Limites des catégorisations) Périodes his-


toriques de brouillage des principes de classement : critères
chronologiques classiques, géographiques et doctrinaux (dis-
tinction des disciplines, notion d’auteur, textes anonymes)

. Disciplinarisation de l’histoire des idées

.. Les usages de l’histoire dans les idées linguistiques


· Pourquoi. Objectifs stratégiques : institution de traditions ou situation
dans telle ou telle tradition constituée
· Comment. Position (rétrospective) d’ouvrages fondateurs ou piliers
• Ouvrages fondateurs. Ouvrages théoriquement majeurs et non né-
cessairement initiaux ← Critère d’évaluation du caractère fondateur :
histoire de la réception du texte
— Exemples. Panini, Ashtadhyayi (e siècle av. J.-C.) ; Saussure, Cours
de linguistique générale () : constitution en héritage, usage com-
me texte de référence
• Ouvrages piliers. Rôle circonstanciel de fondation (, objectif de dé-
part) : fonctionnement comme modèle de description en raison, no-
tamment, de leur adaptabilité et/ou de leur facilité d’emploi (non de
la qualité scientifique de l’ouvrage)
— Exemple. Donat, Ars grammatica (e siècle) : parton du processus
de construction des grammaires des vernaculaires européens (–
es siècles) – description scientifiquement moins fine que celle de
Priscien

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Histoire des idées linguistiques (LF)
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CHAPITRE . HISTOIRE, IDÉES LINGUISTIQUES, RÉTROSPECTION 

· Quand. Réception immédiate, institution rétrospective, revendication


ou rejet postérieurs : indices de la variabilité de la temporalité des ré-
ceptions de l’ouvrage fondateur/pilier

.. L’exemple du Cours de linguistique générale ()


Quatre réceptions distinctes

. Publication (). Réception critique / rejet : traitement comme per-


version abstraite et spéculative du Saussure comparatiste (versus Per-
ception de la dimension novatrice ou fondamentale)
– Exception. Sechehaye () : inventaire des concepts saussuriens
structurant l’ouvrage
. CIL, la Haye (). Constitution d’un héritage : utilisation stratégique
du CLG par la périphérie à la conquête des institutions centrales (fonc-
tion coordonnée aux Manifestes)
– Déplacement. De Leipzig/Paris vers Copenhague/Prague
. –. Diffusion hors du cercle des linguistes : dénomination gé-
nérale du structuralisme (Cassirer, ) et constitution du structura-
lisme “élargi” (philosophie, anthropologie, psychanalyse)
. –. Naissance de la philologie saussurienne : mouvement de retour
aux sources manuscrites (auditeurs, étudiants, autographes)
– Godel (), De Mauro (), Engler (-)
– Starobinski () : Anagrammes et Légendes germaniques
– La “phonétique” des Manuscrits de Harvard (Parret, ) et la ques-
tion de la continuité du Mémoire au Cours (Marchese, )
– Les Écrits de  (Bouquet-Engler,  ; Amacker, )

.. La naissance de l’histoire des sciences du langage


Les causes de la disciplinarisation

Changement de dimension du domaine théorique (faits, objets, sujets) des


sciences du langage

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Histoire des idées linguistiques (LF)
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CHAPITRE . HISTOIRE, IDÉES LINGUISTIQUES, RÉTROSPECTION 

· Renaissance. La Révolution technologique de la grammatisation (Auroux,


a) et un accroissement massif de la population des “savants” trai-
tant de phénomènes linguistiques
· –es siècles. Naissance d’institutions consacrées à la gestion sociale
et scientifique de l’objet linguistique (sociétés savantes, académies), créa-
tion de périodiques consacrés à la linguistique

Définition . (Grammatisation) Processus historique d’instru-


mentation technique de la théorisation/description linguistique
des langues (grammaires, dictionnaires, etc.) 5

Première conséquence

Des objets à la discipline Structuration consciente/réflexive des hori-


zons de rétrospection : mise à distance du champ de co-présence (i.e., dis-
tinction entre un passé et un présent de la science)
· Moyen. Datation : identification et inscription des découvertes dans un
horizon de rétrospection
• Exemple. e siècle : conscience doxographique claire du processus
historique de constitution des catégories grammaticales
· Effets. Composition de la dimension cumulative des sciences du langage
• Exemple. Émergence de la notion de progrès

Proposition . (La notion de progrès) Condition de la pos-


sibilité de concevoir la cumulativité des sciences : saisie de l’ir-
réversibilité des entités théoriques (concepts, techniques et tech-
nologies) émergeant selon des régimes d’historicité propres

Deuxième conséquence

De la discipline aux objets Extériorisation de la réflexion historique par


rapport à l’horizon de rétrospection : mise à distance de l’objet-science par
la théorie de la science
. Nota bene. Notion élaborée à propos du cas du traitement des vernaculaires euro-
péens entre les e et e siècles (Auroux, a).

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CHAPITRE . HISTOIRE, IDÉES LINGUISTIQUES, RÉTROSPECTION 

· Objectivation. Cassure dans l’horizon de rétrospection


• Corollaire. Traitement distinct : éléments du champ de co-présence
(références actuellement mobilisées) / éléments historiques
· Temporalisation. Marquage temporel des éléments historiques : traite-
ment comme “passé” (daté/datable)
• Corollaire. Modification du statut cognitif des éléments historiques :
absence de prise en considération directe de leur valeur de vérité ac-
tuelle des connaissances passées

. La temporalité et l’histoire des idées

.. Chronologie, histoire, temporalité


Le temps Facteur productif dans l’élaboration des idées/savoirs linguis-
tiques (, milieu passif de la chronologie : simple cadre des théorisations
linguistiques)

Deux types de temporalité

· Temporalité externe. Traitement de la temporalité comme dimension


indifférente dans laquelle adviennent les objets (théories, événements,
etc.) et/ou dans laquelle le sujet de la connaissance se les représente
• L’objet historique. Traitement des théories comme pures descriptions
d’un passé révolu (type : historiographie)
· Temporalité interne. Traitement de la temporalité comme caractéris-
tique interne et essentielle d’une domaine d’objets (théories, techniques,
événements) : facteur de productivité et de créativité
• L’objet historique. Constitution de régimes d’historiciation/historicité
propres (i.e., relatifs) à un cadre théorique spécifique

Proposition . (Critère de l’historicité) Un fait/objet est his-


torique s’il n’a pas d’existence sans un autre fait/objet qui le
précède dans une séquence irréversible

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CHAPITRE . HISTOIRE, IDÉES LINGUISTIQUES, RÉTROSPECTION 

Remarque . (Les séquences historiques) Caractéristique :


production de propriétés ou de configurations totalement nou-
velles et largement imprédictibles

.. Histoire et historicité


Les connaissances ne sont pas des événements et donc,
n’ont pas de date ; ce sont leurs éventuelles apparitions
qui en ont. Encore n’est-ce pas si facile, puisque pour
attribuer une date, il faut construire une permanence
ou une identité aux connaissances.
(Auroux, c : )

La contextualisation : une approche modulaire

Définition . (Le principe du contexte) Description contex-


tualisée des formes de représentation des différents états de la
connaissance linguistique

· Positionnement. Description interne au système étudié


· Démarche. Multiplication des perspectives thématiques
• Effet. Multiplication des découpages théoriques (périodisations,. . .)
· Résultats. Variabilité dans la constitution sémantique de noyaux de ra-
tionalité comme ensembles cohérents de connaissance(s)
• Exemples de modules unitaires. Modules épistémologique (e.g., la
question de la grammaire comme science), sémiologique (les concep-
tions du signe dans telle conjoncture historiquement définie), philo-
sophique (le rapport à l’ontologie et à la psychologie dans le cadre de
telle conception historique du langage), etc.

L’objectif de la commensurabilité

Le fait de la variation Variations historiques et géographiques : modifi-


cation des concepts
· Principe. Pouvoir comparer les textes malgré leur diversité (contraintes :
langues-objets, pratiques culturelles, moyens techniques)

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CHAPITRE . HISTOIRE, IDÉES LINGUISTIQUES, RÉTROSPECTION 

· Objectif. Analyser ensemble la variété des descriptions théoriques com-


me description générale du langage : travail de traduction et de recons-
truction

Remarque . (Traduction et reconsctruction) La traduc-


tion n’est pas qu’une simple affaire de terminologie, mais de
reconstruction de concept (exemple : les termes de synonymie
et d’homonymie chez Aristote ne sont pas identiques à leurs
acceptions contemporaines)

· Enjeu. Évitement du relativisme historiciste radical

Problème . (Le relativisme historiciste radical) Circularité


herméneutique : le principe de relativité est lui-même histori-
quement déterminé, et donc relatif

.. HIL : temporalité, explication, causalité


Rappel (Le travail de l’historien) Travail de reconstruction, de replace-
ment (ou contextualisation) et d’interpolation selon des procédures véri-
fiables : explication/construction de séries (problèmes, concepts, etc.) cau-
salement ordonnées

Remarque . (Analyse des documents) Fonction de preuve

· Motif de la restructuration historique. Sciences du langage : percep-


tion non immédiate de la cohérence cognitive des théories 6
· Finalité de la restructuration historique. Visée explicative : construc-
tion de modèles d’évolution susceptibles d’expliquer le changement
• Ni pure description (historiographique). “Passé” égale “histoire”
• Ni explication téléologique (idéologique). Tentative de légitimation,
ou simplement d’explication, du présent par le passé
. Typiquement : en raison des prétentions hégémoniques de tels courants ou de telles
écoles à un moment donné.

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CHAPITRE . HISTOIRE, IDÉES LINGUISTIQUES, RÉTROSPECTION 

· Conséquence de la restructuration historique. Description des chan-


gements théoriques par l’explication du conditionnement causal de leur
enchaînement
• La conception causale de l’histoire. Transition entre états de la connais-
sance (du passé au présent/futur)

Remarque . (Questions typiques) Sous quelles formes se


constitue dans le temps le savoir linguistique ? Comment et
pourquoi ces formes se créent-elles, évoluent-elles, se trans-
forment-elles, ou disparaissent-elles ?

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Histoire des idées linguistiques (LF)
Enseignant: Manuel Gustavo Isaac
Chapitre
2
Histoire & épistémologie

[L’épistémologie est la philosophie


des sciences,] c’est-à-dire, l’étude
critique des sciences, considérées
comme données, dans leurs
développements et leurs résultats.

Auroux et Weil ()

Sommaire
. Sciences, histoire, épistémologie . . . . . . . . . . . . . 
.. Les différents types d’épistémologie . . . . . . . . 
.. Science et épistémologie : un rapport ambivalent . 
.. Le cas des sciences du langage . . . . . . . . . . . . 
. Les principes théoriques de l’objectivité . . . . . . . . 
.. Une définition phénoménologique de l’objet . . . . 
.. La neutralité épistémologique . . . . . . . . . . . . 
.. Un historicisme modéré . . . . . . . . . . . . . . . 
. Les principes pratiques de l’objectivité . . . . . . . . . 
.. Positionnements méthodologiques . . . . . . . . . 
.. Histoire et représentations de l’histoire . . . . . . . 


. Sciences, histoire, épistémologie

.. Les différents types d’épistémologie (Auroux, )


[J]e ne pense pas qu’il y ait de véritable principe de dé-
marcation entre les différentes orientations de l’épisté-
mologie, pas plus qu’entre l’épistémologie et la science
qui est son objet. <[En note] L’absence de solution de
continuité (de principe de démarcation) est un thèse
essentielle de la forme d’empirisme que je défends.>
(Auroux, a : )

L’épistémologie normative : dimension méthodologique

Principe Traitement concret des sciences comme un ensemble de savoirs


théoriques et pratiques (ou savoir-faire) à structurer en droit : démarche
émanant de la pratique des scientifiques
· Démarche. Détermination normative/prescriptive des principes de fonc-
tionnement de l’activité scientifique d’une science donnée
• Objets exemplaires. Établissement de protocoles de validation des
résultats d’une science : principes régulateurs (non-constitutifs)
· Rôle et utilité. Compte rendu et examen des principes de fonctionne-
ment (implicite et/ou explicite) d’une science : mise en évidence des
conditions de la cohérence effective des théories scientifiques

Remarque . (Sur la notion de méthode) Possibilité de ca-


ractériser alternativement la méthodologie par son aspect ana-
lytique et non prescriptif : analyse et détermination non norma-
tive des principes régulateurs d’une science (Kerszberg, )

L’épistémologie évaluative : dimension critique/transcendantale

Principe Traitement abstrait des sciences comme ensembles de connais-


sances (pratiques et/ou théoriques) à évaluer en fait (cf. sous-section ..)
· Démarche. Identification et détermination des critères et des condi-
tions de constitution de la scientificité spécifiques à une science donnée


CHAPITRE . HISTOIRE ET ÉPISTÉMOLOGIE 

• Objets exemplaires. Détermination du statut des données (question


du corpus), de la valeur du recours à l’intuition (cas des jugements
d’acceptabilité), etc. : principes constitutifs (non-régulateurs)
· Rôle et utilité. Dotation ou mise en évidence de paramètres néces-
saires à la reconnaissance de la valeur des théories scientifiques et à
leur évaluation – importance du fonctionnement par exclusion (cf. re-
marque .)

L’épistémologie historique : dimension descriptive 1

Principe Traitement des sciences comme faits, c’est-à-dire en tant qu’en-


sembles de savoirs théoriques structurés empiriquement constitués et ma-
tériellement déterminés

· Démarche. Prise en compte de trois dimensions : intra-théorique, pra-


tique et (anthropo-)sociologique 2 ← Traitement sur la longue durée :
histoire sérielle
• Objets exemplaires. Cf. sous-section ..
· Rôle et utilité. Développement d’une réflexion critique sur le processus
historique concret au principe de la constitution d’une science (cf. cha-
pitre )

Définition . (Histoire des idées linguistiques) Histoire et


épistémologie des sciences du langage : conjonction des épisté-
mologies évaluative et descriptive avec la dimension empirique
temporelle

.. Science et épistémologie : un rapport ambivalent


Le paradoxe historiographique (Auroux, )

· Proposition . Absence d’incidence de la valeur de vérité d’une pro-


position de type historique utilisée dans le cadre d’une argumentation
. Notion d’histoire (étymologie) : compte rendu des faits fondé sur l’observation.
. Aspects théoriques externes : cf. chapitre .

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CHAPITRE . HISTOIRE ET ÉPISTÉMOLOGIE 

scientifique actuelle (preuves, démonstrations, etc.) sur la valeur (de


vérité) de cette même argumentation
• Preuve. Possibilité d’une référence erronée sans modification de la
valeur de vérité d’une théorie actuelle

Remarque . Le paradoxe (au sens littéral) formulé par Au-


roux () correspond strictement à la proposition 

· Proposition . Impact direct de la valeur de vérité d’une proposition de


type historique utilisée dans le cadre d’une argumentation scientifique
actuelle (preuves, démonstrations, etc.) sur le mode de représentation
actuelle de la science et partant, sur le fonctionnement et le mode d’histo-
ricisation de telle théorie scientifique actuellement en construction
• Preuve. Constat empirique du caractère déterminant de la structu-
ration des horizons de rétrospection sur la pratique actuelle de la
science et sur la production des connaissances
· Conséquences. Niveau de la théorie (niveau ) : irrelevance de l’épis-
témologie historique (i.e., de la valeur de vérité des propositions asser-
tées) ; niveau méta-théorique (niveau ) : relevance de l’épistémologie
historique (i.e., de la valeur de vérité des propositions assertées)
• Paradoxe. Détermination partielle mais fondamentale (i.e., structu-
ration profonde) du niveau  par le niveau  3

Position commune sur l’épistémologie

Principe Communauté scientifique : admission générale des épistémo-


logies normative et évaluative (régulation et constitution critique néces-
saires à l’activité scientifique), rejet de l’épistémologie descriptive
· Motif. Conception discontinuiste de la science : fonctionnement de la
science par destruction de son passé (ruptures ou “révolutions” théori-
quement incommensurables)
. Récapitulatif. Le paradoxe reformulé : ce qui est supposé sans importance (la valeur
de vérité des propositions historiques dans le cadre d’une argumentation scientifique)
détermine (par la médiation de la représentation historique que la science se fait d’elle-
même) ce qui est important (savoir, la production actuelle des résultats scientifiques).

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CHAPITRE . HISTOIRE ET ÉPISTÉMOLOGIE 

• Conception de l’histoire. Perspective anti-cumulative


— Versus. Conception de l’élaboration des savoirs théoriques par la
structuration d’un horizon de rétrospection selon une stratégie
mémorielle (organisation du passé, gestion par choix et oubli)
· Modèle kuhnien (). Alternance cyclique et notion de paradigme 4
. Science normale. Subordination à un paradigme
. Science en crise. Centralisation d’un problème marginal
. Rupture/révolution. Institution d’un nouveau paradigme historique-
ment incommensurable
• Conséquence (du modèle kuhnien). Transition d’un état de science
normale à un nouvel état de science normale : insistance mise sur
l’incommensurabilité des théories

Problème . (Relativisme radical [Feyerabend]) Rejet


strict de la comparabilité des théories (Auroux, a : )

Remarque . (Idéologie et histoire des sciences) Dis-


tinction d’états scientifiques et pré-scientifiques : insistance
des ruptures (conceptions discontinuistes de la science) 5

· La notion de paradigme (Kuhn, ). Trois dimensions : environne-


ment d’une science (organisation des connaissances, des valeurs collec-
tives, des discours constituant tel milieu scientifique) ; valeurs et atti-
tudes composant une “communauté scientifique” spécifique (modalités
d’apprentissage et transmission des contenus de savoirs) ; ensemble de
problèmes considérés comme essentiels (Rieu, )
• Corollaire (de la notion de paradigme). Ouverture sur les facteurs
de détermination externes de la science : dimensions sociologique,
technique, etc.
. Modèles français (dits d’épistémologie historique) : Bachelard (notion de rup-
ture épistémologique) ; Canguilhem (notion d’idéologie scientifique) ; Foucault (notion
d’épistémè) ; Koyré, Duhem, etc.
. Exemple de fonctionnement par distinction entre un état de préscience et un état
de scientificité : distinction entre une grammaire préscriptive non-scientifique et une
linguistique descriptive scientifique (lieu commun dans les années ).

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CHAPITRE . HISTOIRE ET ÉPISTÉMOLOGIE 

Proposition . (Apport de l’épistémologie historique) Mode


d’historiciation de la science : intrication forte de la constitution-
structuration de l’horizon de rétrospection et de la temporali-
sation des objets (techniques ou technologiques) de la science

.. Le cas des sciences du langage


Historicité des savoirs linguistiques Nature essentiellement historique
des théories sur les langues et le langage : concepts et outils théoriques ou
techniques mobilisés, faits représentés, objets théorisés, etc.

Historicité des savoirs linguistiques : les motifs

· L’objet de la description (les langues). Représentations construites par


les descripteurs : absence d’existence indépendante comme objets en soi
• Principe. Modification de l’objet décrit par l’activité (normative) de
la description 6 (versus Entités naturelles à l’identité “atemporelle”)
· Les faits théorisés. Produits de l’activité des descripteurs du passé :
corpus d’exemples, paradigmes,. . .
· Les outils théoriques. Disponibilité résultant de processus de trans-
mission : cumulativité sur le long terme (concepts, notions, . . .)

Remarque . (La cumulativité) Conséquence de la dimen-


sion technologique des savoirs linguistiques : surdétermination
de leur constitution historique par accrétion (accumulation de
couches de savoirs éventuellement en contradiction)

Historicité des savoirs linguistiques : effets pratiques

· Modalités de la cumulation. Transmission d’héritage sous la forme de


transferts technologiques ← Principe : “conserver ce qui marche, ne pas
inventer de toutes pièces”
. Exemplairement : avec pour objectif de constituer en idiome codifié (c’est-à-dire, en
langue) en ensemble de dialectes d’usage commun, le processus de grammatisation des
vernaculaires européens à la Renaissance les modifie de faits (embellir, réduire, standar-
diser, etc.) – soit : “décrire, c’est prescrire” (inversement : pour prescrire, il faut décrire).

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CHAPITRE . HISTOIRE ET ÉPISTÉMOLOGIE 

• Transmission inconsciente. Héritage opaque : constitution par accré-


tion dans la mémoire collective
• Transmission consciente. Héritage assumé : emploi conscient de con-
naissances sédimentées ou délibérément mobilisées 7
· Le problème de l’inertie. Permanence des outils descriptifs (stock lexi-
cal métalinguistique) : possibilité d’incohérences
• Exemples d’incohérences. Analyse des prépositions à et de comme des
déclinaisons casuelles du nom en français, abus de l’opposition verbo-
nominale pour décrire les langues amérindiennes 8 , etc.
· Dynamiques de la cumulation. Appropriation de l’héritage : traduc-
tion et adaptation contextuelle ← Prinicpe : “conserver ce qui marche,
ne pas inventer de toutes pièces mais adapter”
• Possibilité d’innovations. Nouvelle langue-objet : développement de
connaissances à partir de l’ancien (nouveau métalangage, nouveau
système de représentations, etc.), etc. 9

Historicité des savoirs linguistiques : conséquences épistémologiques

· Deux types phénomènes historiques. Phénomènes de permanence et


phénomènes de changement ou émergence (théories, concepts)
· Hiérarchisation des deux types phénomènes. Sciences du langage :
« continuités plus essentielles que les ruptures » (Colombat, Fournier
et Puech,  : )
· Conséquence de la hiérarchie. Caractérisation des sciences du langage :
discipline(s) à faible taux de réinscription (Auroux, )
. Dès le e siècle : connaissance relativement précise des opinions des prédécesseurs
en termes de théories du langage (e.g., sur la genèse des parties du discours).
. Exemplairement : de type polysynthétique (cas de “mots-phrases”).
. Exemplairement : construction de la notion polysynthétique (Humboldt, ) par
emprunt à la chimie et sur la base d’une typologie dichotomique des langues en isolantes
et flexionnelles – cette dernière catégorie se subdivisant en agglutinantes et flexionnelles
(ou synthétiques) ; remarque similaire à propos de la notion de transitivité empruntée à
la physique et utilisée pour spécifier une catégorie grammaticale de verbes.

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CHAPITRE . HISTOIRE ET ÉPISTÉMOLOGIE 

Définition . (Taux de réinscription) Mesure de l’intégra-


tion de ses acquis par une discipline : perspective historique-
ment globale (versus point de vue d’un courant/d’une école)

• Variation inverse. Importance du nombre de rupture(s) théorique(s) /


Niveau du taux de réinscription d’une discipline

Proposition . (Conclusion) Sciences du langage : intérêt théo-


rique direct des états antérieurs de la discipline

. Les principes théoriques de l’objectivité

.. Une définition phénoménologique de l’objet


Principe Admission et traitement du savoir tel que donné dans la facti-
cité de sa manifestation (Auroux,  : )

Il faut situer notre objet par rapport seulement à un


champ de phénomènes, saisissable au ras de la consci-
ence quotidienne : soit le langage naturel, pris dans
la diversité des langues ; des savoirs se sont constitués
là-dessus : tel est l’objet de l’historien des savoirs lin-
guistiques [. . .].
(Auroux, a : )

· Application. Éviter les pré-catégorisations (e.g., terminologie) du champ


de savoir(s) à traiter
• Exemples types. Distinction entre emploi substantif et adjectival (épi-
thétique) du terme linguistique dans : histoire de la linguistique, des
théories linguistiques ou des idées linguistiques (sous-section ..)

Remarque . (Le terme de lingustique) Apparition du


terme de linguistique dans un journal édité par Vater à Wei-
mar (Archiv für Ethnographie und Linguistik, ) – re-
pris d’un néologisme daté de  et traduit en français
en  ; constitution comme forme de savoir pratique et

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CHAPITRE . HISTOIRE ET ÉPISTÉMOLOGIE 

théorique dans un contexte historique aux objets détermi-


nés (l’apparentement comparatif et historique des langues) 10

· Difficulté. Enjeux de la rétrospection (versus Projection) : « penser ce


qu’on a pensé avant l’apparition et la stabilisation d’un concept » (Co-
lombat, Fournier et Puech,  : )
• Dangers. Ethnocentrisme, anachronisme,. . .

.. La neutralité épistémologique


Positionnement méta-théorique Absence d’évaluation normative en ter-
mes de scientificité théorique 11

Remarque . (Pondération) « L’information historique n’est


connectée avec le travail scientifique que par le biais de l’épis-
témologie évaluative. » (Auroux,  : )

Une neutralité engagée (épistémologie évaluative)

Principe Évaluation vériconditionnelle / vérificationniste : détermina-


tion de la valeur d’un savoir en fonction de son adéquation à un but donné

· Modalités internes de l’évaluation. Variation des critères de la valeur


d’un savoir linguistique en fonction des buts visés par la théorie
. Savoirs à finalité pratique. Exemplairement : améliorer l’efficacité
de la parole (rhétorique, dialectique), rendre possible la lecture de
textes (philologie et grammaire), efficacité politique (constitution de
langue commune) ou didactique (apprentissage des langues)
– Principe. Valeur de la méthode déterminée par son efficacité réelle
. Nota bene. Le paradigme comparatiste : construction de l’identité disciplinaire de
la linguistique par opposition à la grammaire (tradition de la grammaire générale : pré-
servation durant tout le e siècle) ; fin e : institutionnalisation de la linguistique dans
le syntagme linguistique générale.
. Nota bene. Appartenance du terme même de science au registre du langage-objet
– et non au métalangage propre de l’historien (emploi en un sens minimal : notion de
sciences du langage).

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CHAPITRE . HISTOIRE ET ÉPISTÉMOLOGIE 

– Critère. Importance de la pertinence pragmatique (impact sur la


réalité extérieure)
. Savoirs à finalité spéculative. Évaluation sémantique : critère d’adé-
quation/correspondance représentationnelle
– Principe. Valeur de la description déterminée par sa valeur de vé-
rité en termes adéquationnistes/correspondantistes
– Critère. Importance de la cohérence théorique interne
· Modalités externes de l’évaluation. Mesure des effets des théories (sa-
voirs à finalité pratique et/ou spéculative) : évaluation par comparaison
(historique)
• Principe. Perfectionnement de théories antérieures (gain, pertes, éco-
nomie d’un système théorique, etc.)
• Critère. Importance de la cohérence théorique externe (évaluable par
comparaison avec les noyaux de rationalité concurrents)

Remarque . Fonctionnement possiblement coordonné des


modalités d’évaluation interne et externe 12

· Test de l’évaluation. Mesure à l’aune de son devenir historique


• Preuve de l’évaluation. Détermination des régimes de causalité des
savoirs théoriques (compatible avec l’ordre chronologique) : restituer
l’intrigue des événements historiques
• Conséquence. « Pratiquer une histoire “hypothético-confirmative” »
(Auroux,  : ) : anti-téléologisme historique

Des compétences théoriques / pratiques

Principe et fonctionnement Enracinement de l’épistémologie dans la


science par l’apprentissage des compétences nécessaires à la pratique de la
. L’exemple des relatives : prendre pour critère de distinction entre relative déter-
minative/restrictive et explicative la présence d’une virgule après les secondes est un
contre-sens épistémologique, puisque de fait, l’obligation typographique (placer une vir-
gule après les explicatives) est postérieure à – et suppose – la stabilisation de l’opposition
conceptuelle entre les deux types de relatives (Girard, ).

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CHAPITRE . HISTOIRE ET ÉPISTÉMOLOGIE 

science (versus Considération purement externe : perspective du courant


sociologique)
· Principe : le « principe de récurrence » (Desanti). Aptitude de l’histo-
rien : réeffectuation des classes d’actes, reproduction des énoncés consti-
tutifs d’un état des lieux à traiter
· Conséquence : le « principe d’immanence ». Reconnaissance de la mo-
tivation interne de l’enchaînement des énoncés d’une discipline : pos-
sibilité de réactivation de la valeur et du sens d’un énoncé scientifique
historicisé 13

Remarque . (Limitation de l’engagement) Double clause :


ne pas proposer de solution, ne pas proposer d’énoncés scienti-
fiques (en tant qu’historien des théories)

.. Un historicisme modéré


Principe et fonctionnement Traitement du savoir comme produit his-
torique résultant de sa mise en interaction avec un environnement déter-
miné (traditions, cultures, techniques,. . .)

Le relativisme et ses problèmes (deux écueils)

· Un relativisme de principe. Condition de la reconnaissance de l’histori-


cité des phénomènes traités par l’histoire des idées linguistiques : ins-
cription discursive contextuelle
• Méthode. Restitution de l’ensemble de définitions, réseaux termino-
logiques, ensembles de règles et d’exemples, conditionnant les mani-
festations théoriques des concepts
· Les problèmes du relativisme. Deux écueils majeurs
• Le présentisme. Anachronisme par réduction de l’étude historique à
la recherche de précurseurs (histoire de type téléologique)
. « C’est en quelque sorte là que se manifeste le type d’universalité particulier à la
connaissance scientifique : ni totalité close, ni principe hiérarchisé et immobile, mais
immanence à la temporalité propre d’une classe d’actes, de la possibilité ouverte à tous
de les effectuer. » (Auroux,  : )

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CHAPITRE . HISTOIRE ET ÉPISTÉMOLOGIE 

• Le relativisme radical. Mythe de l’incomparabilité des connaissances


renfermées dans des paradigmes spécifiques (cf. problème .)

Le principe de modération : un réalisme méthodologique

· Réalisme des phénomènes. Reconnaissance de l’existence des phéno-


mènes indépendante des savoirs (cf. sous-section ..)
· Réalisme des savoirs. Reconnaissance de la consistance des savoirs in-
dépendantes des phénomènes (cf. sous-section ..)
· Conséquence. Limitation/modération du relativisme historiciste

Proposition . (Limites de la temporalisation) Uniques ob-


jets affectés par le temporalité : connaissances et croyances en
la vérité de telles connaissances (versus Relativisme historique
radical)

. Les principes pratiques de l’objectivité

.. Positionnements méthodologiques


. Anhistoriographie. Distance critique envers l’érudition pure
• Problème de la représentativité. Notions suspectes : primauté, pré-
curseurs, influence, filiation,. . .
. Dimension sociologique. Ancrage social et institutionnel des théories
scientifiques : impact direct sur leurs conditions d’émergence
. Dimension technologique. Traitement de la matérialité des théories
• De l’importance des outils linguistiques. Prise en compte des mé-
dias techniques à travers lesquels se concrétise l’expression formelle
de la théorie abstraite (versus Réduction aux pures idéalités théo-
riques constituées) 14
. Traitements d’outillage technique : étude de l’émergence et de la persistance de
certains concepts (e.g., la transitivité) et de certaines catégories techniques (e.g., l’optatif) ;
prise en compte d’entités notionnelles annexes (e.g., paradigmes, règles, exemples,. . .).

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CHAPITRE . HISTOIRE ET ÉPISTÉMOLOGIE 

. “Anti”-ethnocentrisme. Ouverture aux traditions non-occidentales se-


lon le principe d’une commensurabilité possible des théories et des des-
criptions des langues (en tant que descriptions générales de la langue)
• Le « principe de commensurabilité ». Comparabilité des traditions
au-delà de l’hétérogénéité apparente : mise en évidence d’analogies
dans la structuration des stratégies cognitives 15
• Le « principe de traduisibilité ». Notion de noyaux de rationalité :
existence de points de contact entre types/formes de savoirs divers
et variés émergeant dans des traditions hétérogènes

.. Histoire et représentations de l’histoire


Constitution des représentations historiques Cinq dimensions consti-
tuant la trame de l’histoire des sciences : principe de consistance du récit
historique des sciences
. Système d’objets. Représentation de l’histoire construite à partir d’un
domaine d’objets considérés comme objets historiques et caractérisé par
l’émergence de nouvelles entités et l’irréversibilité des séquences émer-
gentes (cf. sous-section ..)
. Paramètre temporel. Localisation temporelle relative de la donnée his-
torique : inscription dans une époque et inscription de l’époque dans
une chaîne chronologique causale (importance de la périodisation)
. Paramètre spatial. Localisation géographique relative de la donnée
historique : importance de la diffusion/dispersion des savoirs (notion
de régime de circulation)
. Paramètre externe. Système de paramétrage reliant le système d’objets
à son contexte spatio-temporel (paramètres  et ) – i.e., fonctionne-
ment comme méta-paramètre
. « Les phénomènes sont ce qu’ils sont et les stratégies cognitives, pour multiples et
différentes qu’elles soient, ne varient pas à l’infini. C’est pourquoi on peut reconnaître,
par-delà la diversité, des analogies : dans des circonstances analogues phénomènes ana-
logues donnent lieu à des connaissances analogues. [. . .] Ce sont les analogies de ce type,
et non les intuitions d’un quelconque précurseur génial, qui expliquent que certains élé-
ments historiques paraissent récurrents dans le long terme. » (Auroux,  : XV-XVI)

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CHAPITRE . HISTOIRE ET ÉPISTÉMOLOGIE 

. Système d’interprétants. Système d’interprétation constitutif de la si-


gnification relative (i.e., historiquement déterminée) des représenta-
tions du savoir et des connaissances scientifiques 16

· Structuation des représentations historiques. Mise en relation des cinq


dimensions constitutives des représentations historiques : choix de pon-
dération variable de chacun des paramètres
• Exemple de pondération. Hypertrophie du paramètre externe : ap-
proche purement sociologique

Quoiqu’il en soit de la diversité d’historicisation, écrire


une histoire consiste à homogénéiser le divers [je sou-
ligne]. Tout travail d’historien consiste à projeter des
faits dans un hyper-espace comportant essentiellement
trois dimensions : une chronologie universelle, un géo-
graphie, et un ensemble de thèmes. La grille chrono-
logique donne à l’ensemble des faits une structure de
pré-ordre. Il n’y a véritablement histoire que lorsqu’on
construit un ordre, en sélectionnant un thème et en
restituant une succession en grande partie causale, c’est-
à-dire en adoptant une intrigue ou un récit. Sur un en-
semble de faits suffisamment grands, non seulement il
existe une quantité d’ordres possibles [je souligne], mais
quoi qu’on fasse, il y aura toujours des lignes d’histoire
indépendantes. [. . .] Tout travail historique commence
donc par des choix dont on souhaite qu’ils correspon-
dent à une structuration intrinsèque de l’ensemble des
faits.
(Auroux, a : )

. Par exemple : les pré-conceptions (d’ordre psychologique subjectif et/ou collectif)
relatives à la structure du domaine d’objets réels (d’ordre ontologique).

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Chapitre
3
Dimension anthropologique &
dimension technologique

Sommaire
. Anthropologie et savoirs . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
.. « Représenter, connaître, savoir[s] » . . . . . . . . . 
.. Les trois composantes des savoirs (scientifiques) . 
. L’émergence des savoirs linguistiques . . . . . . . . . . 
.. La question des conditions d’apparition . . . . . . 
.. Trois réponses possibles . . . . . . . . . . . . . . . 
. De l’épilinguistique au métalinguistique . . . . . . . . 
.. Le processus d’externalisation . . . . . . . . . . . . 
.. L’activité épilinguistique . . . . . . . . . . . . . . . 
.. La compétence métalinguistique . . . . . . . . . . 
. L’hypothèse technologique . . . . . . . . . . . . . . . . 
.. Objets techniques, outils et savoirs linguistiques . 
.. Les révolutions « techno-linguistiques » . . . . . . 
.. Le cas de l’écriture : un outil, un instrument . . . . 


. Anthropologie et savoirs

.. « Représenter, connaître, savoir[s] »


· Les représentations. Productions (spécifiquement) humaines fonction-
nant comme substituts des objets du monde extérieur/de la pensée
• Principe. Principe de conscience : « [P]our que quelque chose soit une
représentation, il faut que nous soyons capables de reconstruire sa
signification. » (Auroux, c : )
• Structure. Réflexivité constitutive des représentations : représenta-
tion d’autre chose (fonction de substitut) et représentation/donation
de soi-même comme représentation (matérielle, réelle)
• Résultat. Constitution de systèmes symboliques (langues et langages,
systèmes graphiques, etc.)
· Les systèmes symboliques. Ensembles (consistants) des médias externes
de la représentation
• Résultat. Constitution d’univers d’externalités cognitives (machines
à calculer, bibliothèques, etc.)
• Conséquence. Dépassement des capacités individuelles au moyen d’ins-
truments : collectivisation et publicité des savoirs techniques
• Corollaire. Importance de la gestion (politique) des savoirs publics
· Les savoirs (publics). Modalités de gestion : construction, stockage,
transmission/diffusion, changements, usages
• Impact sociologique. Institution de communautés de savants : com-
position de la science comme phénomène social

.. Les trois composantes des savoirs (scientifiques)


· Composante théorique. Ensemble de structuré de représentations (con-
cepts, procédures, observables, résultats)


CHAPITRE . DIMENSIONS ANTHROPOLOGIQUE ET TECHNOLOGIQUE 

• Principes de structuration. Établissement de protocoles de construc-


tion des représentations : détermination des critères de sélection/ab-
straction des données empiriques (cf. sous-section ..)
· Composante pratique. Ensemble de valeurs et de normes déterminant
les finalités de la recherche : dimension appliquée ou pure de l’activité
scientifique (e.g., caractère désintéressé du savoir, intérêt sociétal de la
recherche, etc.)
· Composante sociologique. « Formation et organisation de la main-d’œu-
vre scientifique » : limitation de la (diffusion de la) pratique des savoirs
à des sous-parties organisées de la société

Remarque . (Sciences et extériorité) Dimension norma-


tive des communautés de savoirs : fonctionnement par sanc-
tions (reconnaissance et exclusion) selon des protocoles de
validation/légitimation du savoir ; position de principes de
limitation délimitant (par exclusion) ce qui est extérieur au
champ d’investigation d’un savoir donné 1

. L’émergence des savoirs linguistiques

.. La question des conditions d’apparition


· Constat empirique. Existence de conditions anthropologiques d’appa-
rition des savoirs métalinguistiques conscients – indices de la stabilisa-
tion de savoirs épilinguistiques (cf. sous-sections .. et ..)
· Postulat. Apparition de savoirs métalinguistiques : condition de possi-
bilité de la naissance et du développement des traditions grammaticales

. Exemplairement : article  des statuts de  de la Société linguistique de Paris


(disqualification de la question de l’origine du langage et des langues et du problème de
la langue universelle).
. Notion de tradition. Acception commune : notion réservée aux arts et aux religions
et qualifiant des environnements réfractaires aux changements (i.e., opposées au progrès
et vouées à la préservation/reproduction des habitudes) ; usage épistémologique : quali-

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CHAPITRE . DIMENSIONS ANTHROPOLOGIQUE ET TECHNOLOGIQUE 

Remarque . (Les traditions grammaticales 2 ) Toutes les


cultures dans lesquelles se sont construits des savoirs méta-
linguistiques stabilisés n’ont pas pour autant constitué sur le
long terme des traditions grammaticales instituées 3

· Problème. Expliquer l’idiosyncrasie des cultures à tradition gramma-


ticale : rendre compte de la transition du métalinguistique au savoir
grammatical consistant et stable
De quelle nature sont les conditions d’émergence de
réflexions métalinguistiques suffisamment organisées
(comment ?) pour donner naissance à des traditions
grammaticales repérables sur le long terme [. . .] ?
(Colombat, Fournier et Puech,  : -)

.. Trois réponses possibles


L’explication “culturaliste”

· Principes. Existence de conditions purement culturelles au principe


de l’émergence des traditions grammaticales dans tel environnement ;
orientation des savoirs en constitution selon des considérations pure-
ment spéculatives
• Exemple. Monde grec ancien : mise en relation des préoccupations
grammaticales avec la problématique de la relation du langage à la
vérité (importance du mythe, etc.)
Remarque . (Histoire des idées et idéologie 4 ) Explica-
tion “culturaliste” = idéologisation de la culture ← Limite :
valeur descriptive faible et absence de valeur explicative 5
fication d’environnement de savoirs autochtones (indépendantes des échanges) rendant
compte du changement et de la continuité.
. Six traditions de savoirs métalinguistiques (quatre traditions grammaticales) :
suméro-akkadienne ( av. J. C.), égyptienne ( av. J. C.), indienne/sanscrite (e s.
av. J. C.), gréco-latine (e s. av. J. C.), chinoise (e s. av. J. C.), arabe (e s. ap. J. C.).
. Nota bene. Emploi indéterminé et composite du terme idées dans le syntagme His-
toire des idéesB “histoire des ensembles de préconceptions abstraites et immatérielles qui
gouvernent l’action d’une culture humaine sur son environnement”.
. Exemplairement : l’idée d’un “miracle grec” chez Renan () construite sur le
modèle de la “révélation rationnelle”.

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Enseignant: Manuel Gustavo Isaac
CHAPITRE . DIMENSIONS ANTHROPOLOGIQUE ET TECHNOLOGIQUE 

· Problème. Circularité de l’argument (pétition de principe) : émergence


de théorisations du langage dans le cadre de sociétés traitant le langage
comme objet théorique. . .

L’approche socio-historique

· Principe. Focalisation sur les conditions sociologiques, politiques, his-


torique de l’émergence de tel type de savoirs dans tel cadre culturel ←
Conditions de possibilité d’émergence de traditions grammaticales =
conjonction de trois facteurs
. Politique. Stabilisation d’une langue commune (transmission et ap-
prentissage)
. Anthropo-sociologique. Conscience de la variation linguistique : dias-
tratique (comparaison de registres et niveaux de langue) et diato-
pique (comparaison avec des langues étrangères)
. Historique. Conscience de la variation linguistique : diachronique
(comparaison d’états ou de faits de langue successifs : dimension
temporelle des langues)
· Thèse. Naissance des arts/techniques du langage : préséance des consi-
dérations pratiques sur les considérations purement théoriques (i.e., étude
de la langue en termes de règles)
• Types de savoirs. Sophistique et rhétorique, logique et dialectique
• Fonction des savoirs. Convaincre/persuader, argumenter ; connaître
et produire le vrai ; lire les textes (fonction de la philologie)
· Problème. Spécification extrême des cas de mutations socio-historiques
susceptibles d’expliquer l’émergence des traditions de savoirs linguis-
tiques (i.e., valeur restreinte à l’explication du cas gréco-latin)

Remarque . (Apport de l’approche socio-historique) Mise


en évidence des conditions techniques (et non purement spécu-
latives – cf. approche “culturaliste”) au principe de l’émergence
des savoirs linguistiques

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Enseignant: Manuel Gustavo Isaac
CHAPITRE . DIMENSIONS ANTHROPOLOGIQUE ET TECHNOLOGIQUE 

L’explication technologique

· Principe. Reprise et prolongement de l’approche socio-historique (re-


marque . 6 )
· Thèse. Fonction de l’émergence des savoirs linguistiques : “formalisa-
tion” de pratiques métalinguistiques préexistantes
• Effet théorique. Formulation et codification des pratiques métalin-
guistiques sous forme de règles
— État antérieur. Constitution en “savoir-dire” ou en “savoir-faire”
• Conséquence pratique. Instrumentation technique des pratiques : pro-
cessus de construction d’outils linguistiques (listes, paradigmes, gram-
maires, dictionnaires,. . .) 7
— Impact social. « Modification pratique de l’espace public de la com-
munication » (Colombat, Fournier et Puech,  : )
· Conclusion. Statut des outils linguistiques : marquage du seuil dans
le passage d’une attitude épilinguistique à la construction de savoirs
techniques métalinguistiques 8
• Modalité de la transition. Externalisation de l’objet de savoir
• Facteur de la transition. Rôle crucial de l’instrumentation (Explica-
tion technologique = thèse externaliste)

Définition . (Externalisme épistémologique) Prépondéran-


ce des facteurs externes dans la détermination de l’élaboration
et de l’évolution des savoirs scientifiques 9
. Approche technologique : considérer que l’approche socio-historique explique la
transition des savoirs épilinguistiques aux savoirs métalinguistiques – non la transition
des savoirs métalinguistiques à la constitution de traditions grammaticales stabilisées sur
le long terme.
. « Pour que les savoirs métalinguistiques codifient des pratiques, ils doivent se
constituer en véritables outils [. . .]. » (Colombat, Fournier et Puech,  : )
. Nota bene. Élément de réponse au problème de la sous-section ...
. Versus. Internalisme : focalisation sur les facteurs internes des connaissances scien-
tifiques (logique et contenus des propositions scientifiques, méthodes scientifiques) pour
en expliquer l’évolution – par sélection “naturelle” (Popper, Karl (). La logique de la
découverte scientifique).

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CHAPITRE . DIMENSIONS ANTHROPOLOGIQUE ET TECHNOLOGIQUE 

. De l’épilinguistique au métalinguistique

.. Le processus d’externalisation


· Principe du processus. Objectivation de l’objet d’un savoir : traitement
de l’objet comme ob-jet
• Critères de l’objectivation de l’objet. Publicité des savoirs sur l’objet
(transmission exotérique) ; contrôle et rectification des définitions de
l’objet ; formalisabilité de l’objet de savoir (voir page )
· Conséquence sur l’objet-langue. Rupture de son fonctionnement réfé-
rentiel : traitement métalinguistique
· Conséquence sur le sujet linguistique. Positionnement “externe” : rup-
ture envers la singularité des compétences épilinguistiques subjectives

.. L’activité épilinguistique (Culioli 10 )


Principe Singularité et subjectivité : activité langagière ordinaire et quo-
tidienne du locuteur (spontanée ou sollicitée par élicitation 11 )
· Performance spontanée. Activité épilinguistique : ensemble de repré-
sentations internes, immédiates et intuitives à la pratique d’une langue
• Exemples. Activité de définition ; expression de jugements sur la ou
les langue(s) 12 ; catégorisation et reconnaissance d’unités linguis-
tiques, de relations sémantiques ; etc.
· Compétence inconsciente. Activité épilinguistique : “représentations”
métalinguistiques non théoriquement conscientes (ni totalement contrô-
lées, ni totalement contrôlables)
. Culioli, A. (–). Pour une linguistique de l’énonciation,  T. Paris : Ophrys.
. Définition. ÉlicitationB stratégie de recherche en linguistique (expérimentale) : ap-
pel à la compétence/performance du locuteur (statuer sur des hypothèses) en vue de
connaître sa réaction spontanée.
. Exemplairement : jugements d’acceptabilité, d’interprétabilité, de pertinence
(contextuelle) ; jugements sur la simplicité ou la logique d’une langue ; etc.

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CHAPITRE . DIMENSIONS ANTHROPOLOGIQUE ET TECHNOLOGIQUE 

• Exemple. Fonctionnement par gloses (objectifs : spécification séman-


tique d’un énoncé proféré 13 ) et usage d’un métalangage inchoatif

Remarque . (Usages théoriques) Matériau et/ou sources


de renseignements pour le linguiste (e.g., locuteur-informateur)

.. La compétence métalinguistique


La fonction métalinguistique (Jakobson,  14 )

Principe Possibilité de se servir du langage/d’une langue pour traiter du


langage/de telle langue : viser le médium de la référenciation (le langage)
et non plus son objectif (le monde/la pensée)

· Réflexivité de l’instrument métalinguistique. Prendre le langage pour


objet du langage par le (méta)langage (i.e., faire du langage l’objet de sa
propre représentation)

Remarque . (La fonction métalinguistique) Exemplifi-


cation type de la réflexivité/duplicité structurelle des repré-
sentations (sous-section ..) : domaine archétypique des
représentations

· Le point de vue de l’épistémologie historique. Traitement de la fonc-


tion métalinguistique en tant que facteur d’externalisation de l’objet-
langue
• La langue, une réalité empirique. Dimensions historique, socio-cul-
turelle et technologique
. Typiquement (dans une situation d’échange linguistique) : objectif de désambiguï-
sation, de réorientation et/ou renforcement argumentatifs.
. Six fonctions du langage coordonnées aux différents facteurs du schéma de la com-
munication : référentielle (contexte), émotive (destinateur), conative (destinataire), pha-
tique (contact), métalinguistique (code), poétique (message). Voir : Jakobson, R. (),
« Closing statements : linguistics and poetics ». In : Style in language. T. A. Sebeok (éd.),
New York – trad. in : Essais de linguistique générale. Paris : Minuit, , pp. -.

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CHAPITRE . DIMENSIONS ANTHROPOLOGIQUE ET TECHNOLOGIQUE 

L’activité métalinguistique (Culioli)

Finalité Construction de systèmes de représentation du langage

· Réflexivité dynamique. Activité consciente déterminée par des finali-


tés théoriques (pratiques ou purement spéculatives) 15

Remarque . (L’activité métalinguistique) Satisfaction ex-


emplaire du principe de conscience (sous-section ..) : do-
maine archétypique des représentations

· Le point de vue gnoséologique. Définition de la compétence de langage


comme activité réglée/régulée par sa propre représentation via des mé-
dias technologiques
• Dimension critique constitutive. Remise en cause permanente des
normes de la représentation (en l’occurrence : du langage) 16

Proposition . (De l’épi- au méta-linguistique) Seuil versus


rupture : transition en puissance dans la structure de la faculté
de langage (aptitude à l’auto-représentation) ; processus actua-
lisé selon des contingences contextuelles (historiques, sociales,
politiques, etc.)

. L’hypothèse technologique


Préambule Section consacrée au développement de l’hypothèse techno-
logique (sous-section .., page ) en vue d’expliquer les conditions de
la stabilisation de savoirs métalinguistique et l’émergence circonstancielle
des traditions grammaticales
. Exemple-type : activité du linguiste = faire travailler le langage sur lui-même au
moyen du métalangage.
. Exemples : (ré)évaluation constante de l’adéquation de la théorie aux faits décrits
et des protocoles d’établissement des résultats (= “épistémologisation” normative intrin-
sèque de la science/à la pratique de la science).

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CHAPITRE . DIMENSIONS ANTHROPOLOGIQUE ET TECHNOLOGIQUE 

.. Objets techniques, outils et savoirs linguistiques


Remarque sur la notion d’outil

· Domaine d’appartenance. Registre techno-culturel et socio-historique


· Fonctionnement. Institution de médiation entre le corps propre du su-
jet et le monde des objets (i.e., choses de la réalité) 17
· Effets concrets. Modification de l’objet du savoir (i.e., de l’objet théorisé)
et du sujet théorisant (i.e., de la pratique du savoir)
• Exemples de modification. Rapport aux données : objectivation, abs-
traction, établissement de protocoles de découverte et d’exposition

[L]es descriptions des langues, les théories gram-


maticales et linguistiques peuvent certainement ac-
quérir une dimension abstraite et spéculative émi-
nente, elles n’en restent pas moins des prothèses de
l’expertise humaine qui transforment cette dernière
au moins autant qu’elles la reflètent.
(Colombat, Fournier et Puech,  : )

Les objets techniques comme instruments théoriques

· Statut des objets techniques. Concrétisation de mutations des apti-


tudes cognitives (objets techniques = indices des mutations)
· Effets des objets techniques. Mise à distance du médium linguistique :
traitement de la langue comme objet

Remarque . (Cas des savoirs linguistiques) Existence des


objets techniques : condition de l’ouverture de la possibilité
de l’émergence du processus de grammatisation des langues
(cf. sous-section ..)
. En référence à la conception de l’outil comme prolongement de la main.

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CHAPITRE . DIMENSIONS ANTHROPOLOGIQUE ET TECHNOLOGIQUE 

Conséquences “extra-théoriques” des objets techniques

Principe Modification des régimes de développement des savoirs (trans-


mission, innovations, circulation) : ouverture de la possibilité de l’émer-
gence de traditions de savoirs et/ou de techniques linguistiques
· Forme de l’institution de traditions. Constitution d’un ensemble de
savoirs et de savoir-faire transmissible et adaptable (grammaires, dic-
tionnaires, appareils d’apprentissage,. . .)
· Modalités de l’institution de traditions. Cumul des connaissances et
évolution dans le temps ; réduction et stabilisation de l’objet-langue ; trans-
ferts de technologies
· Finalité de l’institution de traditions. Transmission de compétences
métalinguistiques (restreinte à certains groupes d’une société)

.. Les révolutions « techno-linguistiques »


Les trois révolutions technologiques des savoirs linguistiques

. La scripturisation du langage ( av. J. C.). Invention de l’écriture :


condition empirique nécessaire (mais non suffisante) à l’apparition des
traditions grammaticales
• Principe. Voir page .

Remarque . (Écriture et savoirs linguistiques) Statut


de l’outillage graphique : seuil de la grammatisation des
langues (i.e., condition nécessaire, non suffisante)

. La grammatisation des langues (–). Doter les langues du


monde d’un outillage technique (grammaires, dictionnaires)
• Principe. Fixation d’un état de langue circonstancié : processus de
normation des pratiques langagières (standardisation et “réduction”)
– Corollaire. Rupture des représentations spontanées du langage 18
. Mise en évidence des limites de l’opposition simpliste entre “grammaire normati-
ve” traditionnelle et “grammaire descriptive” scientifique (décrire = réduire = prescrire).

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CHAPITRE . DIMENSIONS ANTHROPOLOGIQUE ET TECHNOLOGIQUE 

. La mécanisation/automatisation du langage (–. . .). Traitement Au-


tomatique du Langage et des Langues
• Principe. Développement de la mécanisation et de l’automatisation
du traitement des langues naturelles à partir de protocoles et de
connaissance construits pour des langages formels 19
• Problème. Automatisation (simulation artificielle de l’intelligence
humaine) : possibilité d’une autonomisation de l’outil (versus Défi-
nition de l’outil propre aux techniques linguistiques antérieures)

Proposition . (Les trois révolutions techno-linguistiques)


Scripturisation, grammatisation, automatisation (langage et/ou
langues) : seuils successifs d’un même processus d’objectiva-
tion, d’externalisation et de formalisation des pratiques langa-
gières humaines 20

.. Le cas de l’écriture : un outil, un instrument


L’écriture comme outil pratique

Principe Technique de transposition notationnelle de la parole vive 21 :


production d’un univers de rationalité 22
· Première caractéristique. Indépendance envers le corps propre de l’énon-
ciateur – cf. thème de l’écrit orphelin (Platon, Phèdre : c-d)
. Exemples : construction d’analyseurs syntaxiques informatisés traitant de textes
formalisés (i.e., exprimés dans un langage formel selon les règles d’une grammaire for-
melle) ; logiciels de traduction automatique (à base de règles ou statistiques) ; automati-
sation de la communication (serveur vocal, etc.) ; etc.
. « Si la formalisation a tant d’importance, c’est évidemment parce que l’action
humaine, dans bien des domaines, n’est pas naturellement formelle. La formalisation
concerne les actes répétitifs, ceux que l’on peut rendre indépendants des circonstances et
de la multitude indéfinie des variations possibles. Il n’est pas étranger à sa nature que le
langage soit l’activité humaine qui se prête le mieux à la formalisation et si précocement :
comment concevoir l’échange communicationnel, sans qu’il y ait déjà un minimum de
stabilité ? » (Auroux, a : )
. Possibilité de systèmes de transposition alternatifs (geste, langages sifflés, etc.)
usant de supports variés (corps, signaux visuels, etc.).
. Voir Goody, Jack (), The domestication of the savage mind : développement de
la notion de raison graphique (trad. fr. [] : La raison graphique. La domestication de la
pensée sauvage).

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CHAPITRE . DIMENSIONS ANTHROPOLOGIQUE ET TECHNOLOGIQUE 

· Deuxième caractéristique. Bi-dimensionnalité du support graphique :


mise en forme tabulaire/paradigmatique de l’information linguistique
· Troisième caractéristique. Permanence (relative) du support graphique
– cf. thème de l’écrit mortifère (Platon, Phèdre : c-d)

L’écriture comme instrument théorique

Principe Produit de l’univers de la rationalité graphique : objectivabilité


et formalisabilité du langage/de la langue

· Deuxième propriété. Délinéarisation de la séquence énonciative : pro-


jection de la successivité temporelle stricte de la chaîne parlée dans les
deux dimensions externes de l’espace
• Exemple. Apparition des paradigmes à partir de pratiques de listage
(onomastiques,  av. J. C.) 23
· Première propriété. Décontextualisation possible des énoncés
• Exemple. Valeur autonymique des exemples (emploi du signe lin-
guistique en mention) : possibilité d’un traitement théorique (voir pro-
priété suivante)
· Troisième propriété. Catégorisation métalinguistique : résultat de ma-
nipulations empiriques opérées sur les unités linguistiques en tant qu’ob-
servables parce que graphiquement représentées (permanence : stabilité,
objectivité)
• Exemple. Émergence de la phonologie (savoir métalinguistique) à par-
tir de l’écriture phonétique (“bricolage” épilinguistique)

Remarque . (Les trois propriétés de l’écriture) Fonction-


nement conjoint des trois propriétés de l’écriture dans le pro-
cessus de stabilisation des savoirs métalinguistiques ; relation
. – av. J. C. (Sumériens et Akkadiens) : listes lexicales comportant des suites
de parties du discours (pronoms et adverbes) dont les occurrences sont classées selon un
ordre régulier (cas des pronoms : personne et nombre) ; – av. J. C. (Sumériens
et Akkadiens) : listes lexicales bilingues comportant des paradigmes verbaux complets.

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d’interdépendance constitutive entre la rationalité des tradi-
tions grammaticales et la catégorisation métalinguistique des
faits de langues 24

Proposition . (Écriture et savoirs linguistiques) L’écriture


comme seuil (ordre causal de dérivation) : indice de la préces-
sion et de la continuité de l’épilinguistique sur/avec le métalin-
guistique (a fortiori, de traditions grammaticales)

Conclusion : La thèse technologique Condition de l’émergence des tra-


ditions grammaticales à partir d’un ensemble de savoirs métalinguistiques
= externalisation/matérialisation du savoirs métalinguistiques en outils
techniques ← Condition de la pérennité (constitution de traditions) : effi-
cience, utilité et efficacité des outils techniques pour la maîtrise objective
de leur objet (les langues)

. « Pour que naisse véritablement un savoir linguistique encore faut-il que la mise
du langage en position d’objet, qui est un effet automatique de l’écriture, s’accompagne,
sinon toujours d’une discussion utilisant des termes métalinguistiques, au moins d’une
indication claire que l’on est en présence d’un traitement métalinguistique. » (A. Cavi-
gneaux – cité par Auroux, a : )


Deuxième partie

La “querelle” de l’arbitraire
du signe
Chapitre
4
La localisation
historique du débat

Sommaire
. La mise en débat de l’arbitraire . . . . . . . . . . . . . . 
.. Nature et statut du débat . . . . . . . . . . . . . . . 
.. La structure du débat . . . . . . . . . . . . . . . . . 
.. Les prémices du débat . . . . . . . . . . . . . . . . 
. L’horizon de rétrospection du débat (e s.) . . . . . . . 
.. Contexte biblio-chronologique . . . . . . . . . . . 
.. Contexte idéologico-philosophique . . . . . . . . . 
.. Contexte institutionnel et scientifique . . . . . . . 
. Les paradigmes théoriques (e s.) . . . . . . . . . . . . 
.. Le naturalisme de la grammaire comparée . . . . . 
.. Le positivisme des néogrammariens . . . . . . . . 
.. Le paradigme socio-historique . . . . . . . . . . . . 


. La mise en débat de l’arbitraire

.. Nature et statut du débat


· Caractérisation historique. Dimension immémoriale de la question de
l’arbitraire du signe – dans l’histoire de la philosophie occidentale (Par-
ménide, Sur la nature ou sur l’étant ; Platon, Cratyle ; . . .)
• Enjeu (Histoire et épistémologie). Identification des permanences et
des changements : thèses et arguments, modalités de problématisa-
tion de la question, etc.
• Spécificité théorique. Absence d’enracinement disciplinaire strict :
mise en jeu de questions générales relatives à la théorie de la connais-
sance et du langage
· Problématique corrélée. Question de l’origine du langage
• Enjeu. Mise en place de la dichotomie nature / culture
• Dimension épistémologique (évaluative). Détermination du statut
et/ou de la légitimité (scientifiques) de la linguistique : science de
la nature versus science de la culture

Remarque . (Statut de l’arbitraire) Principe de démarcation


entre deux domaines : la nécessité des lois de la nature versus la
contingence de la liberté humaine (Auroux, a)

Réactivation de la question (e siècle)

Motif Réception de la théorie du signe et de la conception de la langue


développées dans le Cours de Saussure ( : re partie, chap. ) : rela-
tion entre l’arbitraire sémiotique et le système de la langue (i.e., la langue
considérée comme système)

· Enjeu (Histoire de la linguistique). La question de l’arbitraire du signe :


principe crucial déterminant la réception française du structuralisme et
l’appropriation du Cours () par le structuralisme français


CHAPITRE . LA LOCALISATION HISTORIQUE DU DÉBAT 

Remarque . (La question sémiologique) Topos post-struc-


turaliste : réduire la linguistique saussurienne à une théorie
du signe – versus : « le signe n’est pour Saussure qu’un passage
obligé vers la langue » (Puech,  : ), un moyen, non une
finalité

.. La structure du débat (–)


Principe Prises de positions pour ou contre l’arbitraire du signe

. Prémices. Publication de l’ouvrage Des mots à la pensée. Essai de gram-


maire de la langue française : opposition au principe de l’arbitraire du
signe (Damourette et Pichon, - : introduction/t., §)
. Entame. Affirmation de l’opposition (Pichon, )
. Poursuite. Relecture du principe saussurien (Benveniste, )
. Cristallisation. Confirmation de l’opposition (Pichon, )
. Réaction. Défense du principe saussurien : aboutissement au manifeste
« Pour l’arbitraire du signe » (Bally, Sechehaye et Frei, )

.. Les prémices du débat (–)


Des mots à la pensée (Damourette et Pichon, -)

· Une position “déterministe”. Interdépendance des formations de la


langue et de l’esprit d’un peuple (grammaire de la langue et pensée
dans la langue)
• Notions/thèmes afférent(e)s. Hypothèse du langage traduction de la
pensée

La richesse d’une langue en formes grammaticales


est toujours l’image de sa richesse de pensée. Un
idiome peut se définir un mode de pensée spéci-
fique.
(Damourette et Pichon, -
– cités par Esnault,  : )

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CHAPITRE . LA LOCALISATION HISTORIQUE DU DÉBAT 

· Conséquence épistémologique (normative). Condition subjective de


l’analyse linguistique par le grammairien : posséder en soi les principes
inconscients régissant le système linguistique à analyser
• Notions/thèmes afférent(e)s. Thème de l’inconscient linguistique, de
la langue maternelle et de la langue nationale 1
Pour faire la grammaire française que nous conce-
vons, il fallait donc être Français. Nous le sommes.
(Damourette et Pichon, -
– cités par Esnault,  : )

· Conséquence épistémologique (évaluative). La thèse de l’arbitraire


comme résultat d’une faute de raisonnement (e.g., induit par le bilin-
guisme)
• Notions/thèmes afférent(e)s. Spectre de l’arbitraire généralisé (valeurs
morales, esthétiques,. . .)

. L’horizon de rétrospection du débat (e s.)

.. Contexte biblio-chronologique


Points de repères centraux Traduction du Cratyle (Cousin ) : po-
sition de l’alternative entre langage “par nature” (phusei) et langage “par
convention” (thései) ; publication de l’Origine du langage (Renan )
· Question cardinale. Matrice du débat sur la nature du signe (arbitraire
ou non) : la question de l’origine du langage
• Traitement de la question. Concept d’“origine” : « jamais historique »
— Latitude des solutions possibles. Origine humaine, divine, conven-
tionnelle, motivée et réfléchie, naturelle et spontanée,. . .

Remarque . Possibilité de conciliation de thèses ap-


paremment opposées : origine naturelle et convention-
nelle, motivée et conventionnelle, etc. (Auroux, b)
. « [M]a lecture me laisse l’impression d’une œuvre géante, géante et agile, agile et
profonde, profonde et supérieurement gauloise. » (Esnault,  : )

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CHAPITRE . LA LOCALISATION HISTORIQUE DU DÉBAT 

• Statut de la question. Fonction de fiction rationnelle (, pure fiction) :


pis-aller d’une histoire impossible
• Objectif de la question. Détermination des conditions abstraites au
principe de la possession du langage par l’homme et identification de
la nature du langage
· Impact de la question. Séparation de la nature et de la culture : do-
maine déterministe des lois physiques / domaine contingent de la li-
berté humaine
• Statut de l’arbitraire. Principe de démarcation : nature / culture
• Corollaire. Teneur idéologique du débat sur l’arbitraire linguistique

.. Contexte idéologico-philosophique


Définition . (Le sensualisme, –es siècles) Thèse empi-
riste anti-innéiste (idées et capacités mentales 2 ) : arbitrarité ra-
dicale de la pensée et a fortiori du langage

La réaction anti-sensualiste

Principe Défense d’un naturalisme linguistique (position cratylique) :


motivation naturelle des mots du langage par adéquation à leurs signifi-
cations 3
· Les thèmes. Ensemble d’arguments généraux à connotation idéologique
• La quête de l’originarité. Antériorité essentielle du naturel sur le
conventionnel : arbitraire du signe secondaire et dérivé
• Le mythe de la parole intérieure. Hypothèse du langage-traduction
(de la pensée) : dérivation et motivation de la parole par la pensée
• L’argument de la langue maternelle. Preuve de la naturalité du lan-
gage : apprentissage sans effort
. Principe de la co-extensivité de la connaissance des sensations et des connais-
sances : jugement, réflexion, etc. = sensation mémorisée, modifiée, comparée à d’autres
sensations,. . .
. Deux types de cratylisme (variation de l’objet visé) : cratylisme historique classique
focalisé sur le mot ; cratylisme “moderne” focalisé sur le verbe et le pronom.

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CHAPITRE . LA LOCALISATION HISTORIQUE DU DÉBAT 

• Le spectre de l’arbitraire généralisé. Objets touchés : valeurs esthé-


tiques, morales, scientifiques (vérité), etc.

La contre-réaction culturaliste

Principe Défense d’une arbitrarité fondamentale du langage : institu-


tion conventionnelle et immotivée des significations des signes linguis-
tiques

· Les thèses de l’anti-motivationnisme. Argumentaire spéculatif visant


à dévaluer la légitimité scientifique du programme naturaliste (e.g., re-
lativement à la quête des origines)
• Origine / commencement. Distinction : traitement empirique d’un
phénomène (commencement) et son appréhension rationnelle (origine)
• Corollaire. Dualisme entre l’ordre des faits empiriques (historiques
et matériels) et la sphère du sens

Problème . (« La circularité des origines 4 ») Problè-


me de l’impossible relation de causalité (donc, de préces-
sion temporelle) entre l’histoire biologique et sociale de
l’humanité et la structure du langage : « Quelque chose
n’a du sens qu’à l’intérieur de ce qui a du sens. » (Auroux,
a : )

.. Contexte institutionnel et scientifique


Un débat à deux enjeux épistémologiques

· L’enjeu de l’objet. Détermination de l’objet des sciences du langage


· L’enjeu de la scientificité. Institution de la linguistique comme science :
fondation de la légitimité du statut scientifique par exclusion de pra-
tiques concurrentes (philologie, pédagogie, etc.) (Auroux, )
. Titre d’un numéro spécial de la Revue internationale de philosophie (.) en .

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CHAPITRE . LA LOCALISATION HISTORIQUE DU DÉBAT 

Deux thèses théoriques en confrontation

· La thèse naturaliste (cratylique). Position à l’usage de la grammaire


historique et comparée (prolongement et fondement des développe-
ments/découvertes du e siècle) : conception de la linguistique comme
science de la nature
· La thèse culturaliste. Défense de l’autonomie de la linguistique comme
science sociale : disqualification de la question de l’origine du langage
(Société linguistique de Paris, statuts de  : art.  5 ) et dimension
“axiomatique” de la nature sociale du langage (via l’arbitraire du signe)
dans l’École de Paris (Bréal, Saussure, Meillet)

Proposition . (L’autonomie des sciences sociales) Impact


de la distinction origine / commencement et de la position de
la circularité des origines : « l’aboutissement de l’interdit de la
question des origines [. . .] correspond à la conception d’une dé-
marcation nette entre la nature et la culture et, par conséquent,
d’une autonomie des sciences sociales. » (Auroux, a :  6 )

L’objet exemplaire de l’enjeu

L’arbitraire des racines Renouvellement du débat : focalisation sur la


question du monosyllabisme originaire des racines indo-européennes

· Les trois aspects du débat. Description épistémologique des modalités


de position du débat
• Démarche historique. Théorie des origines à prétention historique :
tentative de reconstruction de la genèse factuelle des signes du lan-
gage
— Rejet de la psychologie des facultés. Démarche purement spéculative
et non empirique “à la Rousseau”
. « ART. . – La Société n’admet aucune communication concernant, soit l’ori-
gine du langage soit la création d’une langue universelle. » (disponible sur url :
http://www.slp-paris.com/spip.php?article5)
. Nota bene. Citation tronquée.

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CHAPITRE . LA LOCALISATION HISTORIQUE DU DÉBAT 

• Démarche épistémologique (normative). Importance de la représen-


tation de la temporalité dans la théorisation du devenir des langues
(e.g., arbres généalogiques des langues)

Remarque . (Nature et histoire) Possibilité de combi-


naison : formation temporelle des signes du langage et na-
turalité de leur origine (versus corrélation immédiate de
l’historique et de l’articifialité)

• Démarche épistémologique (évaluative). Détermination du statut des


lois régulant les faits : lois naturelles et/ou historiques, nécessaires ou
contingentes (sic), etc.
— Enjeu. Détermination du statut de la scientificité de la linguistique

. Les paradigmes théoriques (e s.)


Statut de la section . Détermination du champ de co-présence dans
lequel s’inscrit l’élaboration de la théorie saussurienne du signe (??) ; dé-
limitation de l’horizon de rétrospection de la querelle de l’arbitraire du
signe (–)

.. Le naturalisme de la grammaire comparée (début e)


Un modèle biologique/organiciste (Auroux, a ; HEL )

Principe de la démarche Assimilation de la langue à un organisme trai-


table comme entité naturelle par la grammaire historique et comparée
comme “science naturelle” : étude et établissement des relations de pa-
renté/filiation entre les langues par comparaison 7
· Schéma. Conception de la langueB règne autonome de la nature
• Schémas adjacents. Typologie : arbre généalogique des langues (no-
tion de famille et de parenté) ; morphologie : bases-racines / désinences-
bourgeons
. Orientation comparatiste en synchronie ou historique en diachronie.

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CHAPITRE . LA LOCALISATION HISTORIQUE DU DÉBAT 

• Objectifs sous-jacents. Recherche de proto-langues (prototypes hy-


pothétiques) légitimant l’idée de primitivité et instauration de filia-
tion : langues-mères / langues-filles (versus Saussure, a)
· Thème latent. Explication de l’origine du langage : restitution de la
motivation primitive des signes linguistiques 8
• Thèse implicite. Position évolutionniste avant la lettre (Darwin ) :
classement des langues (isolantes < agglutinantes < flexionnelles) ori-
enté selon une progression des capacités intellectuelles et expressives

Remarque . (L’homogénésation du paradigme) Unifica-


tion tardive de la diversité des positions partisanes du motiva-
tionnisme () : opération tributaire de la diffusion du darwi-
nisme et fonction de dimensions institutionnelle, idéologique
et méthodologique 9

Naturalisme, histoire et changements

· Modalité de traitement du changement. Érosion accidentelle de la mo-


tivation originelle : recherche de survivances (phénomènes résistants)
dans les « langues historiques » en vue de reconstruire la « langue pre-
mière » (par la méthode comparative)
· L’objet du changement. « La lettre » (= phonème) : observation des mu-
tations phonétiques et de leur propagation à l’ensemble des occurrences
dans une langue données (impact “systémique” des changements)
• Rupture. Modalités de comparaison antérieure : liste canonique de
mots (localisation “atomique” des changements) 10
. Classification des types de théories (Jespersen, ) : origine onomatopéique (bow-
wow theory), interjective (pooh-pooh theory), physique-active (yo-he-ho theory), phonéti-
quement symbolique (ding-dong theory) – n.b. Saussure ( : -) : contestation de
la motivation des onomatopées et des interjections (voir page ).
. Scansion usuelle (Meillet) : première période tantôt comparatiste (grammaire com-
parée de Bopp et Rask à Scleicher), tantôt historique (Grimm) ; seconde période orientée
sur la vie des langues (Withney et néo-grammariens).
. Conséquence exemplaire : opposition à la pratique de l’étymologie sémantique
(obstacle à la scientificité linguistique).

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CHAPITRE . LA LOCALISATION HISTORIQUE DU DÉBAT 

· Le principe du changement. Continuité de l’évolution des langues (ab-


sence de rupture brusque) et régularité des changements phonétiques
(modification dans le même sens de toutes les réalisations d’une pho-
nèmes ou d’un groupe de phonèmes)
· Modification de l’objet de la linguistique. Appréhension de la langue
comme système en soi et pour soi

Proposition . (Méthode comparative) Comparaison = con-


dition nécessaire mais non suffisante de la reconstruction d’états
de langue passés : nécessité de les inscrire dans l’histoire des
langues alors conçue comme une succession d’états (Saussure,
 : introduction, chap. )

.. Le positivisme des néogrammariens (/)


Principe de la démarche Contextualisation historique de la méthode
comparative : placement de tous les résultats de la comparaison dans la
perspective de l’histoire des langues (scansion d’états successifs) – versus
limitation à la comparaison et l’établissement de relations de parenté 11

· Re-définition épistémologique. Statut de la linguistique = science his-


torique (versus science de la nature)
· Re-définition du problème théorique. Traitement privilégié du phéno-
mène de changement (diachronie hypertrophiée / synchronie dévaluée)
• Déplacement de focale. De l’objectif de la comparaison de langues
attestées par référence à un prototype (paradigme de la grammaire
comparée) à l’objectif de la reconstruction de l’évolution des états de
langues et de l’explication du processus de dialectalisation
· Re-définition de l’objectif théorique. Motivation nomologique du phé-
nomène de changement : “fatalité sans exception” des lois phonétiques
(en fonction du contexte morphologique en synchronie)
. « La méthode comparative en elle-même n’implique aucun recours à l’histoire de
l’évolution des langues. » (Mounin,  : )

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CHAPITRE . LA LOCALISATION HISTORIQUE DU DÉBAT 

• Modification de l’objet théorique. Déréalisation et/ou abstraction de


la langue (versus langue comme entité naturelle) : “algébrisation” du
traitement des sons
• Conception de l’évolution phonétique. Processus autonome et indé-
pendant : extériorité du système de la langue (en soi et pour soi) en-
vers les sujets parlants, ou du moins, envers les groupes sociaux 12

Remarque . (Deux motifs de discorde) Problème de l’ab-


sence d’exception des lois phonétiques : recours à l’analogie et
introduction de lois ad hoc 13 ; statut de la reconstruction : rap-
port aux langues-mères et à la langue-mère

.. Le paradigme socio-historique (fin e)


Facteurs négatifs d’unification du paradigme () Anti-naturalisme/
anti-motivationnisme articulé à la défense de la thèse de l’arbitraire du
signe (linguistique)

· Conséquences épistémologiques (normatives). Refus de la réduction de


la linguistique à l’étude des changements phonétiques
· Conséquences épistémologiques (évaluatives). Rejet de la naturalisa-
tion des lois phonétiques

Les variantes internes au paradigme

Facteur de la variation Pondération des paramètres externes ou internes


des systèmes linguistiques

· Paramètre anthropologique. Thème des progrès de la conscience et


thème de la volonté humaine au principe du fait des changements de
langue (Bréal, )
. Conception à pondérer par le recours systématique à la psychologie (facteurs psy-
chiques individuels – non collectifs ou sociologiques) pour expliquer l’évolution histo-
rique des langues.
. Exemplairement : le principe de la dissimilation des aspirées (explication en
termes de phonétique articulatoire).

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CHAPITRE . LA LOCALISATION HISTORIQUE DU DÉBAT 

• Thèse. Emprise des communautés parlantes (conscience linguistique)


sur le devenir des langues
· Paramètre “institutionnel”. Thèse de l’arbitraire par convention : insti-
tution contractuelle des langues, et donc des significations linguistiques
(Whitney, )
• Thèse. Emprise des communautés parlantes (conscience linguistique)
sur le devenir des langues
• Statut. Fonctionnement comme principe explicatif de l’historicité des
langues, de leur variabilité spatio-temporelle et de l’évolution non
synchronisée des changements sémantiques et phonétiques
· Paramètre sociologique. Principe de la co-variance langue / société
(Meillet,  [](b))
• Programme théorique. Re-motivation des changements de structure
linguistique à partir des changements de structures sociales
· Paramètre systémico-sémiologique. Conception de la langue (phéno-
mène social) comme un système de signes immanent à la masse par-
lante (Saussure, )

La mise en place du paradigme saussurien

· Opposition au conventionnalisme (Withney). Système sémiologique


Déf.
de la langue B “institution sans analogue” (Saussure, b)
• Principe. Système-langue : contrainte arbitraire toujours déjà insti-
tuée (constitution en héritage)
• Corollaire. Impossible fondation rationnelle de la langue
· Opposition au sociologisme (Meillet). Détermination de l’usage social
de la langue – i.e., à son usage dans et par la masse parlante – par le
système sémiologique de la langue comme ordre propre : arbitraire et
historique (chapitre A)
· Opposition à l’“anthropologisme” (Bréal). Détermination de l’usage
individuel d’une langue – dans l’acte de parole – par la totalité des com-
binaisons syntagmatiques possibles en puissance dans la langue (« tré-
sor mental »)

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Enseignant: Manuel Gustavo Isaac
CHAPITRE . LA LOCALISATION HISTORIQUE DU DÉBAT 

Proposition . (Arbitraire, langue et histoire) Mouvement


historique de la langue : processus permanent de démotiva-
tion / remotivation systémique de l’arbitraire absolu et premier
de la sémiologie de la langue selon les contingences de l’histoire
(ni accident, ni nécessité)

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Enseignant: Manuel Gustavo Isaac
Chapitre
5
Le premier principe
sémiologique saussurien

Sommaire
. Principe de la sémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . 
.. Les problèmes de la langue-nomenclature . . . . . 
.. Le rejet du nomenclaturisme . . . . . . . . . . . . . 
. Le modèle sémiotique binaire . . . . . . . . . . . . . . . 
.. La duplicité des unités linguistiques . . . . . . . . 
.. Le principe de l’arbitraire du signe . . . . . . . . . 
. Du signe au système de la langue . . . . . . . . . . . . . 
.. Unité des unités sémiologiques et système-langue 
.. La valeur des signes dans le système de la langue . 


Rappel (Circonstances éditoriales) Intrication singulière : ré-
daction des éditeurs (Bally, Sechehaye) et notes des auditeurs
(Riedlinger, Gautier,. . .) ⇐ Mise en évidence : travail philolo-
gique (Engler)

Situation du principe dans le Cours ()

· Structure générale du Cours. Une introduction et cinq parties


re partie. Principes généraux (chap.  : Nature du signe linguistique)
e-e parties. Linguistique synchronique, diachronique, géographique
e partie. Questions de linguistique rétrospective. Conclusion
· Composition de l’introduction. Sept chapitres et un appendice
Chapitre I. Coup d’œil sur l’histoire de la linguistique.
Scansion de l’histoire des idées linguistiques en trois phases : gram-
maire grecque (subordination à la logique) ; philologie (focalisa-
tion sur l’écrit) ; découverte de la méthode comparative puis his-
torique : de la grammaire comparée (Bopp, Grimm, Schleicher,. . .)
aux néo-grammairiens (Brugmann, Osthof, Paul, Leskien) 1
Chapitre II. Matière et tâche de la linguistique.
Étude des manifestations du langage humain (description histo-
rique et comparée, établissement des lois générales de l’évolution
des langues) ; auto-détermination de la linguistique comme science
– en rapport avec les sciences/disciplines connexes (physiologie,
philologie, etc.)
Chapitre III. Objet de la linguistique.
Définition de la langue, du rapport de la langue aux faits de lan-
gage et des faits de langage aux faits humains, mise en place de la
sémiologie
. Transition : d’une conception de la langue comme organisme externe aux sujets
parlants à la langue comme « produit de l’esprit collectif des groupes linguistiques » ()
– n.b. Objectif des éditeurs : assignations de la filiation néo-grammairienne de Saussure.


CHAPITRE . LE PRINCIPE SÉMIOLOGIQUE SAUSSURIEN 

Chapitre IV. Linguistique de la langue et linguistique de la parole.


« L’étude du langage comporte donc deux parties : l’une, essen-
tielle, a pour objet la langue qui est sociale dans son essence et in-
dépendante de l’individu ; cette étude est uniquement psychique ;
l’autre, secondaire, a pour objet la partie individuelle du langage,
c’est-à-dire la parole y compris la phonation : elle est psycho-phy-
sique. » ()
Chapitre V. Éléments internes et externes de la langue.
Distinction de deux linguistiques : linguistique interne et linguis-
tique externe (i.e., étude des phénomènes externes au système de
la langue)
Chapitre VI. Représentation de la langue par l’écriture.
Indépendance de la langue envers l’écrit ; secondarisation de l’écri-
ture par rapport à la langue (fonction de représentation) et déva-
lorisation (irrationalité, etc.)
Chapitre VII. La phonologie.
Définition de la phonologie comme étude non historique et phy-
siologique des sons (non de la lettre) et rapport de la phonologie à
l’écriture
Appendice. Principes de phonologie.

Remarque . (Rôle de l’introduction) Dimension fonda-


mentalement épistémologique (cf. sous-section ..) : histo-
rique (chap. ), normative (chap. , ,  et App.) et évaluative
(chap. -)

· re partie. Principes généraux. (outre le chapitre  : chap.  « Immu-


tabilité et mutabilité du signe linguistique » ; chap.  « La linguistique
statique et la linguistique évolutive »)
• Chap.  : « Nature du signe linguistique ». Trois paragraphes
Paragraphe . Signe, signifiant, signifié. (-)
Paragraphe . Premier principe : l’arbitraire du signe. (-)
Paragraphe . Second principe : caractère linéaire du signifiant. ()

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CHAPITRE . LE PRINCIPE SÉMIOLOGIQUE SAUSSURIEN 

. Principe de la sémiologie

.. Les problèmes de la langue-nomenclature


Nomenclature Concevoir la langue comme une liste de termes corres-
pondant à des choses distinctes et la nomination comme un étiquetage
(Saussure,  : , a : .)

Remarque . (Type de l’erreur) Traitement philosophique du


langage : le modèle du nomothète chez Platon et le modèle du
signe ternaire chez Aristote 2

· Réalisme des idées. Supposer la préexistence des idées aux mots


· Réalisme des choses. Impliquer l’existence distincte et indépendante
des choses du monde
D’abord l’objet, puis le signe ; donc (ce que nous nie-
rons toujours) base extérieure donnée au signe et fi-
guration du langage par ce rapport-ci [ : Adam
“nomothète”] :
[]  


 ∗−−−a  

 
objets  ∗ − − − b noms
 
 

 
∗−−−c 
 

alors que la vraie figuration est : a — b — c, hors de


toute <connaissance d’un rapport effectif comme ∗ — a
fondé sur un objet>.
(Saussure, a : , N  [=])

.. Le rejet du nomenclaturisme (Isaac, )


· Enjeu fondamental. Condition constitutive de la définition de la na-
ture de la linguistique (voire condition de possibilité de l’institution
. « Les sons émis par la voix sont les symboles des états de l’âme, et les mots écrits
sont les symboles des mots émis par la voix. Et de même que l’écriture n’est pas la même
chez tous les hommes, les mots parlés ne sont pas non plus les mêmes, bien que les
états de l’âme dont ces expressions sont les signes immédiats soient identiques chez tous,
comme sont identiques aussi les choses dont ces états sont les images. » (Aristote, De
l’interprétation : a, -)

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CHAPITRE . LE PRINCIPE SÉMIOLOGIQUE SAUSSURIEN 

scientifique de la linguistique ?)
· Prise de position. Exclusion de la question de la référenciation

Si un objet pouvait, où que ce soit, être le terme sur


lequel est fixé le signe, la linguistique cesserait ins-
tantanément d’être ce qu’elle est, depuis <le som-
met> jusqu’<à la base> [. . .].
(Saussure, a : , N  [=])

• Spécification de l’exclusion. Rejet de l’onymique


• Argument. Onymique = pathologie du signe : référenciation sous-
traite à la loi du signe en tant que visant un objet extérieur défini

Définition . (Onymique) « Type d’association entre un si-


gnifiant et un signifié lié lui-même par la conscience du sujet
parlant à un objet extérieur nettement défini [pour les sens]
(v. nom). Ce cas particulier a pu faire croire que la langue est
une nomenclature. » (Engler,  :  – en réf. à Saussure,
a : .)

Remarque . (Point positif du “nomenclaturisme”) Mise


en évidence de la duplicité des unités linguistiques (rappro-
chement de deux termes)

. Le modèle sémiotique binaire

.. La duplicité des unités linguistiques


· Déplacement de la dualité. De la dualité chose / nom à la dualité
concept / image acoustique (Saussure, a : .)
· Nature (de termes) de la dualité. Union opérée « dans le cerveau » par
association entre deux termes purement psychiques interdépendants et
réciproquement constitutifs selon deux perspectives (sens des flèches 3 )

. Deux perspectives : sémasiologique = du mot à son sens (bas-haut) ; onomasiolo-


gique = du sens au mot (haut-bas).

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CHAPITRE . LE PRINCIPE SÉMIOLOGIQUE SAUSSURIEN 

Concept

Image
acoustique

Figure  – Schéma du signe

• Ambivalence de l’image acoustique. Double dimension


— Empirique. Empreinte psychique du son matériel physique
— Idéaliste. Représentation du mot comme fait de langue virtuel –
hors actualisation en parole (n.b. lieu commun du langage mental)
• Nature du concept. Dimension psychique “plus abstraite” (i.e. plus
abstraite que l’image acoustique)
· Terminologie. Objectif : indiquer l’interdépendance et l’opposition des
deux parties au sein d’un tout (.. : Godel,  :  ; Saussure,
 : .)
• Signifiant. Équivalent de l’image acoustique
• Signifié. Équivalent du concept abstrait
• Signe. Désignation de la totalité unifiée (signifiant / signifié)

.. Le principe de l’arbitraire du signe


Perspective historique Situation au-delà de la “coupure” néo-grammai-
rienne : affirmation de l’imposition sans conteste de l’arbitraire du signe
dans le cadre de « la linguistique de la langue » – les unités linguistiques
étant conçues comme éléments d’un système (Saussure,  : ,  :
.,, – cf. annexe B)

Définition de l’arbitrarité : objet, sens, extension

· L’objet de l’arbitraire du signe. Lien unissant signifiant et signifié


• Application par extension. Arbitraire du signe comme unité-totalité

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CHAPITRE . LE PRINCIPE SÉMIOLOGIQUE SAUSSURIEN 

— Corollaire. Rejet de la notion de symbole : naturalité/motivation


minimale du lien interne (e.g., balance / justice)
· Le sens de l’arbitrarité du signe. Caractériser la relation signifiant /
signifié par son immotivation : absence de rapport interne/naturel (réel)
• Exemples. Sons [s - œ - K] / idée-“sœur” ; sons [b - œ - f] / idée-“bœuf”
• Preuve. Variations géographiques et diversité des langues : différentes
suites de sons aux signifiés identiques (/b - œ - f/ et /O - k - s/)

Problème . (Auto-contradiction) Position “nomencla-


turiste” : réalisme des idées et des choses (cf. page , cha-
pitre  et chapitre )

· Extension de l’arbitrarité du signe. Généralisation : caractère de tout


signe linguistique (e.g., onomatopées et exclamations)

Remarque . (Statut de la linguistique) Étude du système de


signes archétypiquement arbitraire : « patron général de toute
sémiologie » (Saussure,  : )

Définition . (La sémiologie) Étude des systèmes d’expres-


sion fondés sur l’arbitraire du signe (Saussure,  : )

. Du signe au système de la langue


De l’arbitraire au système Enjeu fondamental de l’anti-motivationnisme
généralisé : théoriser le processus de signification sémiotique sans recourir
à l’idée d’une valeur intrinsèque (naturelle/référentielle) des signes

.. Unité des unités sémiologiques et système-langue


· Natures des unités. Entités non-perceptibles, inexistantes
• Statut ontologique. Pures formes sans substance
• Détermination. Éléments du système de la langue

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CHAPITRE . LE PRINCIPE SÉMIOLOGIQUE SAUSSURIEN 

· Conception de la langue. « Entité psychique à deux faces » (recto-verso)


• Statut de la langue. Interface de masses amorphes : pensée / sons 4
• Fonctionnement de la langue. Articulation des deux masses : décou-
page d’unités articulées (= signes linguistiques) 5
· Principe d’unification (signes). Stabilisation des dualités signifiant /
signifié : intégration dans le système sémiologique de la langue
• Fonctionnement. Système-langue : principe de fixation des règles (con-
ventionnelle) d’usage des signes dans la langue
• Modalité. Facteur de contrainte : notion d’habitude collective

Remarque . (Arbitraire vs libre-arbitre) Indépendan-


ce/indifférence de l’institution de l’arbitraire envers « le
libre choix du sujet parlant » (Saussure,  : )

· Clôture du système-langue. Détermination de l’identité des unités sé-


miologiques = fixation systémique réciproque de la valeur des signes
sans imposition d’élément externe au système (Saussure,  : ,
)

.. La valeur des signes dans le système de la langue


· La notion de valeur. Productions émanent du jeu du système sémiolo-
gique de la langue : détermination de l’élément par la totalité 6
. « Le rôle caractéristique de la langue vis-à-vis de la pensée n’est pas de créer un
moyen phonique matériel pour l’expression des idées, mais de servir d’intermédiaire
entre la pensée et le son, dans des conditions telles que leur union aboutit nécessairement
à des délimitations réciproques d’unités. La pensée, chaotique par sa nature, est forcée de
se préciser en se décomposant. Il n’y a donc ni matérialisation des pensées, ni spirituali-
sation des sons, mais il s’agit de ce fait en quelque sorte mystérieux, que la “pensée-son”
implique des divisions et que la langue élabore ses unités en se constituant entre deux
masses amorphes. » (Saussure,  :  – je souligne)
. « [C]haque terme linguistique est un petit membre, un articulus où une idée se fixe
dans un son et où un son devient le signe d’une idée. » (Saussure,  : )
. Démarche anti-atomistique/compositionnaliste : « En outre, l’idée de valeur, ainsi
déterminée, nous montre que c’est une grande illusion de considérer un terme simple-
ment comme l’union d’un certain son avec un certain concept. Le définir ainsi, ce se-
rait l’isoler du système dont il fait partie ; ce serait croire qu’on peut commencer par les

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CHAPITRE . LE PRINCIPE SÉMIOLOGIQUE SAUSSURIEN 

• Deux points de vue. « aspect conceptuel » 7 et « aspect matériel » 8


(Saussure,  : IIe Partie, chap. , §§ , )
• Application. Totalité des éléments de la langue : mots lexicaux et
mots grammaticaux (Saussure,  : IIe Partie, chap. , § ) 9
· L’évaluation. Détermination de la valeur selon deux dynamiques
• Intra-sémiotique. Échange contre du dissemblable (signifiant-signifié)
• Inter-sémiotique. Comparaison externe avec du similaire (signifiant-
signifiant, signifié-signifié ; signe-signe)
· Signes et valeur. Définition purement et uniquement relationnelle des
éléments du système sémiologique de la langue (signifiant, signifié et
signe) : différence, négativité et opposition 10

Remarque . (Forme et substance) Détermination pure-


ment relationnelle des unités sémiologiques de la langue (re-
lations intra- et inter-sémiotiques) → conception de la langue
comme forme sans substrat matériel ou conceptuel fixe (ver-
sus langue comme substance) (Saussure,  : , )

• Principe. « [Ê]tre ce que les autres ne sont pas » : langue = système de


« différences sans termes positifs » (Saussure,  : , )
termes et construire le système en en faisant la somme, alors qu’au contraire c’est du tout
solidaire qu’il faut partir pour obtenir par analyse les éléments qu’il renferme. » (Saus-
sure,  : )
déf.
. Valeur conceptuelle (i.e., valeur du signifié) B « élément de la signification », c’est-
à-dire, élément du processus sémasiologique (du signifiant au signifié) en considérant le
mot comme unité-totalité (ou atome indépendant) (Saussure,  : ).
. Valeur matérielle (i.e., valeur du signifiant) : « [D]ans son essence, [le signifiant]
n’est aucunement phonique, il est incorporel, constitué, non par sa substance matérielle,
mais uniquement par les différences qui séparent son image acoustique de toutes les
autres. » (Saussure,  : ).
. Exemple lexical. « Le français mouton peut avoir la même signification que l’anglais
sheep, mais non la même valeur, et cela pour plusieurs raisons, en particulier parce qu’en
parlant d’une pièce de viande apprêtée et servie sur la table, l’anglais dit mutton et non
sheep. La différence entre sheep et mouton tient à ce que le premier a à côté de lui un
second terme, ce qui n’est pas le cas pour le mot français [!]. » (Saussure,  : )
. Schématiquement : différenceB relation signifiant / signifié ; négativitéB relation
signifié-signifié ou signifiant-signifiant ; oppositionB relation signe-signe.

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CHAPITRE . LE PRINCIPE SÉMIOLOGIQUE SAUSSURIEN 

• Fonctionnement. Positivation de la négativité/différence de départ


par la combinaison des deux éléments des signes : dynamique op-
positionnelle de la langue 11
• Opérativité. Mécanisme de la langue : association et syntagmation 12

· La notion d’arbitraire relatif. Motivation relative de l’arbitraire des


signes en système (Saussure,  : IIe Partie, chap. , § )
• Rôle. Limitation de l’arbitraire radical (de principe)
• Situation. Analyse morphologique : rapports syntagmatiques et as-
sociatifs (Saussure,  : IIe Partie, chap. , )
• Fonctionnement. « Mouvement de la langue » : remotivation de l’im-
motivation des signes (lexicologie) par les règles de construction (mor-
phologie et syntaxe) 13

Proposition . (Les types d’arbitraire) Arbitraire radical : im-


motivation transcendante des unités sémiologiques considérées
atomiquement ; arbitraire relatif : motivation immanente des
unités sémiologique dans le système de la langue ; arbitraire glo-
bal : relation référentielle du système sémiologique de la langue
avec la réalité

. « Bien que le signifiant et le signifié soient, chacun pris à part, purement différen-
tiels et négatifs, leur combinaison est un fait positif [. . .]. Dès que l’on compare entre
eux les signes – termes positifs – on ne peut plus parler de différence ; [. . .] deux signes
comportant chacun un signifié et un signifiant ne sont pas différents, ils sont seulement
distincts. Entre eux il n’y a qu’opposition. Tout le mécanisme du langage [. . .] repose sur
des oppositions de ce genre et sur les différences phoniques et conceptuelles qu’elles im-
pliquent. » (Saussure,  : -)
. Point de vue de la production : différences/négativité (signifiants et/ou signifiés) >
oppositions (unité-totalité des signes) ; point de vue sémasiologique : oppositions (unité-
totalité des signes) > différences/négativité (signifiants et/ou signifiés).
. Idéologie sous-jacente : plus une langue est « grammaticale », plus elle est motivée ;
plus une langue est « lexicologique », plus elle est arbitraire (Saussure,  : ).

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Chapitre
6
Le signe linguistique
chez Benveniste

Sommaire
. L’évaluation du principe saussurien . . . . . . . . . . . 
.. Le sens saussurien de l’arbitraire du signe . . . . . 
.. L’erreur de la conception saussurienne . . . . . . . 
.. Le motif de l’erreur de Saussure . . . . . . . . . . . 
. Le nature du signe selon Benveniste . . . . . . . . . . . 
.. Signe et nécessité chez Benveniste . . . . . . . . . . 
.. « La zone de l’“arbitraire” » chez Benveniste . . . . 
. Les preuves de la nature du signe . . . . . . . . . . . . 
.. Mutabilité et immutabilité du signe . . . . . . . . . 
.. La notion de valeur et l’arbitraire . . . . . . . . . . 
.. La notion de valeur et la nécessité . . . . . . . . . . 


Présentation analytique de la structure du texte
Incipit (§). L’arbitraire en héritage du Cours de Saussure ()
• Objets. Question de l’essence du langage, des modalités du discours,. . .
• Statut. Point de départ / passage obligé de toute réflexion linguistique
• Usages. Évidence apparente et/ou invocation constante
Thème. « La nature du signe linguistique » : critique du modèle saussurien
Problématique (§). Le signe linguistique est-il arbitraire ?
Enjeux (§§,). Détermination du sens du principe saussurien (← Loca-
lisation du principe) : évaluation de la cohérence du principe et de sa
validité (selon « la nature de [ses] preuves »)

Partie I. La nature du signe chez Saussure (selon Benveniste)


. Le principe (§). Signe et arbitraire chez Saussure : signe = arbitraire
(sous-section ..)
. Incohérence (§). Une erreur de raisonnement (sous-section ..)
. Invalidité (§). Le motif de l’erreur (sous-section ..)
Partie II. La nature du signe selon Benveniste : signe = nécessaire
. Cohérence (§). Thèse : signe et nécessité (sous-section ..)
. Validité (§§,). Corollaire : délocalisation de la « zone » de l’arbitraire
(sous-section ..)
Partie III. Évaluation et comparaison selon la « nature des preuves » :
signe arbitraire ou signe nécessaire (Saussure versus Benveniste) 1
. Les « conséquences » (§). Mutabilité et immutabilité (signe ou langue)
(sous-section ..)
. La « confirmation » (§§,). La notion de valeur et la conception du
système (sous-sections .. et ..)
. Enjeu. De quelle conception du signe (Saussure versus Benveniste) les preuves cen-
sées « manifester » (§) le principe de l’arbitraire sont-elles les preuves ?


CHAPITRE . LE SIGNE LINGUISTIQUE CHEZ BENVENISTE 

. L’évaluation du principe saussurien

.. Le sens saussurien de l’arbitraire du signe


· Localisation du principe. Lien unissant les deux composants du signe
(lien sémiotique interne : signifiant / signifié)
• Par extension. Arbitraire du signe comme duplicité unifiée
· Caractérisation du principe. Arbitraire = Immotivation : absence d’« at-
tache naturelle dans la réalité » du signifiant avec le signifié
• Vérification. Variations spatio-temporelles de la relation entre une
« notion » et ses « expressions »

.. L’erreur de la conception saussurienne


· La confusion de Saussure. [En principe] Localisation de l’arbitraire : re-
lation sémiotique interne ← [En fait] Traitement référentiel inconscient
et subreptice : relation sémiotique externe (i.e., du signe aux choses)
Remarque . (La manipulation de Benveniste) Localisa-
tion de l’arbitraire : lien du signe (duplice) avec le signifié
entendu au sens de référent (chose de la réalité) 2

· Problème du principe. Condition de l’établissement de la thèse de l’ar-


bitraire : introduction du thème de la réalité (e.g. : [bœf, sœK])
· Auto-contradiction. Devoir concevoir la langue comme nomenclature
pour établir l’arbitraire du signe linguistique
• Versus. Sémiologie saussurienne : rejet de l’onymique (section .)
Il y a donc une contradiction entre la manière dont
Saussure définit le signe linguistique et la nature
fondamentale qu’il lui attribue.
(Benveniste,  :  3 )
. « Il est clair que le raisonnement est faussé par le recours inconscient et subreptice à
un troisième terme qui n’était pas compris dans la définition initiale. Ce troisième terme
est la chose même, la réalité. » (Benveniste,  : )
. Nota bene. Sur la possibilité d’une interprétation alternative du problème de Saus-
sure, se reporter à Bally, Sechehaye et Frei () – texte analysé au chapitre .

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CHAPITRE . LE SIGNE LINGUISTIQUE CHEZ BENVENISTE 

.. Le motif de l’erreur de Saussure


· Statut de l’erreur. Traitement de la référenciation : conception relati-
visme et historiciste
· Motif de l’erreur. Formulation de la conception saussurienne du signe
← Champ de co-présence : paradigme comparatiste (fin e : néo-gram-
mairiens à Leipzig)
· Fonctionnement de l’argument. Constat des variations spatio-tempo-
relles → Arbitraire des langues corrélat de l’arbitraire des cultures
• Pauvreté de l’argument. Relativité de fait des cultures/langues : évi-
dence « peu instructive » 4
• Faiblesse de l’argument. “Point de vue de Sirius” : devoir s’extraire
de son propre système pour pouvoir affirmer l’arbitraire généralisé 5

. Le nature du signe selon Benveniste

.. Signe et nécessité chez Benveniste


· L’unité structurale du signe. Unité bifide : signifiant (image acous-
tique, ensemble phonique) / signifié (concept, représentation mentale)
· La nature de lien sémiotique. Interdépendance réciproquement consti-
tutive (signifiant / signifié) : « l’esprit ne contient pas de formes vides,
de concepts innommés. » (Benveniste,  : )
• Types de la relation. Identité et évocation réciproque ; symbiose, con-
substantialité ; incorporation ; traduction ;. . . 6
. « [L]’infinie diversité des attitudes et des jugements amène à considérer que rien
apparemment n’est nécessaire. De l’universelle dissemblance on conclut à l’universelle
contingence. » (Benveniste,  : )
. Cf. Argument du cercle herméneutique (sous-section .., page ).
. « Le signifiant et le signifié, la représentation mentale et l’image acoustique, sont
donc en réalité les deux faces d’une même notion et se composent ensemble comme l’in-
corporant et l’incorporé. Le signifiant est la traduction phonique d’un concept ; le signifié
est la contrepartie mentale du signifiant. Cette consubstantialité du signifiant et du si-
gnifié assure l’unité structurale du signe linguistique. » (Benveniste,  : )

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CHAPITRE . LE SIGNE LINGUISTIQUE CHEZ BENVENISTE 

• Preuve. Théorie saussurienne de la langue : recto-verso d’une feuille 7


— Corollaire. Impossible séparation et traitement distinct (par la lin-
guistique) des deux composants sémiotiques 8

Remarque . (Langue et sémiologie) Réduction de la


théorie saussurienne de la langue à une théorie du signe

· La modalité du lien sémiotique. Lien nécessaire (signifiant / signifié)


au niveau de la conscience/esprit

Remarque . (L’erreur de Saussure) Selon Benveniste : iden-


tifier le type du lien sémiotique comme la radicalité d’un non-
lien (= arbitraire radical) entre les deux faces du signe

.. « La zone de l’“arbitraire” » chez Benveniste


· Délocalisation-relocalisation du principe. Situation de l’immotivation
(ou contingence) au niveau du fonctionnement référentiel du signe
• Généralisation du principe. Arbitraire-langue : application de tel signe
à tel élément de la réalité
• Reformulation du problème. Question d’adéquation référentielle :
accord monde / esprit (phusei ou thései)
— Solution instinctive du sujet parlant. « Adéquation complète » du
signe à la réalité : recouvrement, commandement, identification
· Réévaluation du principe. Définition purement internaliste de la na-
ture du signe : limitation à la relation signifiant / signifié (Benveniste =
Saussure) → Rapport au référent (phénomène/objet matériel) sans inci-
dence « sur la constitution propre du signe » (Benveniste,  : )
. Rappel. Définition saussurienne de la langue comme principe de l’articulation de
la pensée (chaos sans idées délimitées) et des sons (masse amorphe) → Production de
formes par la combinaison et le découpage des deux matières/substances a-morphes
(son / pensée) en unités linguistiques réciproquement articulées = conception de la
langue comme forme (sous-section ..).
. N. B. Deux rejets par principe (Saussure) : phonologie pure (= phonétique) et psy-
chologie pure.

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CHAPITRE . LE SIGNE LINGUISTIQUE CHEZ BENVENISTE 

• Conséquence. Relégation du domaine de l’arbitraire « hors de la com-


préhension du signe linguistique » (Benveniste,  : )
— Corollaire. Inutilité des contre-objections à l’objection des onoma-
topées ou mots expressifs 9

Proposition . (Cause de l’arbitraire) Conclusion négative :


absence de relation causale entre la bipartition du signe et la
thèse de l’arbitraire du signe – c’est-à-dire que : « la bipartition
du signe étant admise, [. . .] il [ne] s’ensuit [pas] qu’on doive ca-
ractériser le signe comme arbitraire. » (Benveniste,  : ) 10

. Les preuves de la nature du signe

.. Mutabilité et immutabilité du signe


Enjeu de la confrontation Conséquence de la conception de l’unité struc-
turale du signe (sous-section ..) et de la définition de la portée de l’ar-
bitraire (sous-section ..) : nouvelle détermination de la nature du signe
selon deux de ses propriétés fondamentales (en l’occurrence : la mutabilité
et l’immutabilité)
· Les deux propriétés chez Saussure. Mutabilité et immutabilité : consé-
quences de l’arbitrarité du signe (Saussure,  : Ire Partie, chap. )
• Immutabilité. Impossible remise en cause rationnelle de l’articulation
du signe (versus conception conventionnaliste de la langue)
• Mutabilité. Possibilité permanente d’altération du lien sémiotique in-
terne en fonction de facteurs historiques contingents
· Les deux propriétés chez Benveniste. Déplacement de l’application
des deux propriétés : immutabilité/mutabilité = détermination de la
référenciation (relation signe / objet)
. Explication. Situation analogue aux signes ordinaires du système (en dépit de leurs
spécificités : sphère d’emploi limitée, effet subjectif et transitoire) : allusion à la réalité
par convention symbolique (i.e., arbitrarité référentielle des onomatopées, etc.).
. Question. Conclusion positive (par contraposition) : arbitraire du signe → modèle
sémiotique non-binaire (soit : ternaire) ?

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CHAPITRE . LE SIGNE LINGUISTIQUE CHEZ BENVENISTE 

• Enjeu. Motivation objective de la désignation : détermination de la


signification (versus détermination de la structure interne du signe)

.. La notion de valeur et l’arbitraire


Non seulement les deux domaines [domaine des sons
et domaine de la pensée] reliés par le fait linguistique
sont confus et amorphes, mais le choix qui appelle telle
tranche acoustique pour telle idée est parfaitement ar-
bitraire. Si ce n’était pas le cas, la notion de valeur per-
drait quelque chose de son caractère puisqu’elle con-
tiendrait un élément imposé du dehors. Mais en fait les
valeurs restent entièrement relatives, et voilà pourquoi le
lien de l’idée et du son est radicalement arbitraire.
(Saussure,  :  11 – je souligne)

Explicitation de l’argument de Saussure

· Principe. Le signe linguistique est arbitraire (c’est-à-dire immotivé)


• Portée. Relation sémiologique interne : signifiant / signifié
• Opérativité. Délimitation des unités (signifiant et signifié) au sein des
masses amorphes (sons et pensée)

Remarque . (Conclusion implicite) L’arbitraire du signe


signale l’interdépendance de ses deux composants → [Consé-
quence] Aucun des deux composants du signe ne peut fonc-
tionner indépendamment de l’autre comme facteur de moti-
vation de l’autre

· Hypothèse. Le signe linguistique n’est pas arbitraire (soit : est motivé)


• Condition. Le facteur de motivation doit être externe au composé sé-
miologique (voir remarque .) : indexation par un élément absolu
• Conséquence. Les valeurs des signes ne seraient plus relatives – c’est-
à-dire, relatives les unes aux autres au sein du système sémiologique
de la langue (sous-section ..) –, mais absolues
. Citation partielle en Benveniste ( : -).

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CHAPITRE . LE SIGNE LINGUISTIQUE CHEZ BENVENISTE 

Les enjeux de l’argument de Saussure

Interprétation du passage Point-clé : détermination/identication de l’« élé-


ment imposé du dehors » (type, nature, statut ?)
· Détermination de l’extériorité. « Dehors » = extérieur au système (clos)
de la langue ← Alternative : substance sonore (voire, psychique) ou do-
maine des référents
• Interprétation personnelle. Élément externe = substance sonore 12
• Interprétation de Benveniste. Élément externe = référent 13
· Arbitraire radical et valeur relative. Relation d’implication : relativité
des valeurs → arbitraire du lien sémiotique (idée / son)

Problème . (Contre-sens éditorial) « [L]’arbitraire radi-


cal vient d’abord, la relativité des valeurs signifiantes et si-
gnifiées (des articuli dans les deux masses amorphes) en est
la conséquence (Saussure,  : - B/E). Dans la ré-
daction des éditeurs, la relativité passe d’abord [. . .]. » (Saus-
sure,  : , note  de T. De Mauro)

.. La notion de valeur et la nécessité


Objectif de Benveniste Remotivation structurelle (i.e., au niveau de la
langue) des systèmes sémiologiques apparemment arbitraires d’un point
de vue externe (i.e., en termes de référenciation)

La relativité des valeurs selon Benveniste

· Problème. Relativité des valeurs : comment et par rapport à quoi ?


. Cf. Question de l’origine des signes de la langue ← Position motivationniste natu-
raliste : onomatopéisme, interjectionnisme, etc. (voir chapitre , note ).
. Justification. Selon Benveniste, la notion d’élément extérieur au système de la
langue (et à l’évaluation dualité du signe) est un indice du traitement référentiel incons-
cient de Saussure qui, croyant démontrer l’arbitrarité du lien sémiotique interne, dé-
montre en fait l’immotivation de la relation de référenciation (signe / chose-objet) : « En
réalité, Saussure pense toujours, quoiqu’il parle d’“idée”, à la représentation de l’objet
réel et au caractère évidemment non nécessaire, immotivé, du lien qui unit le signe à la
chose signifiée. » (Benveniste,  : )

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CHAPITRE . LE SIGNE LINGUISTIQUE CHEZ BENVENISTE 

· Argument. Principe et structure du raisonnement


• Prémisse . Valeur = « élément du signe » 14
• Prémisse . Signe , Arbitraire (motivation du signe)
Conséquence (, ). Relativité des valeurs non dépendante de l’ar-
bitrarité du signe
• Prémisse . Omission de l’adéquation référentielle (signe → réalité)
Conséquence (). Valeur : attribut de la forme, non de la substance
· Thèse. Conclusion des deux conséquences de l’argument
• Réponse au “par rapport à quoi”. Sens de la relativité des valeurs :
relativité réciproque (valeur , propriété d’un signe isolé)
• Réponse au “comment”. Niveau de la langue (système de signes) :
caractérisation modale des valeurs par la nécessité

Proposition . (La relativité et la nécessité) Ré-évaluation


des conséquences de la relativité des valeurs : implication de
la nécessité du lien sémiotique du point de vue du système

Signe et système selon Benveniste

· Nature de la langue. Structure transcendant et expliquant ses éléments


• Réalisation de la transcendance systémique. Définition relative et
réciproque des valeurs : opposition et différence
• Preuve de la transcendance systémique. Conditionnement mutuel
des modifications d’ensemble et élémentaires
· Modalité(s) de la langue. Immanence de la nécessité au niveau systé-
mique / transcendance de la nécessité au niveau élémentaire (Langage ,
« conglomérat fortuit de notions erratiques et de sons émis au hasard »)
• Réalisation de la nécessité. Définition relative et réciproque des va-
leurs par opposition et différence : maintien des unités sémiotiques
dans « une relation de mutuelle nécessité » interne (lien : signifiant /
signifié) et externe (lien : signe – signe)
. Versus Saussure ( : IIe Partie, chap. , § ) : valeur (« aspect conceptuel ») =
élément de la signification (chapitre , note ).

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CHAPITRE . LE SIGNE LINGUISTIQUE CHEZ BENVENISTE 

• Opérativité de la nécessité. « [R]elation de mutuelle nécessité » : in-


terne (lien signifiant / signifié) et externe (lien signe – signe)

Remarque . (Conséquence globale) Portée de la contin-


gence de la langue = dénomination : arbitraire de « la langue
comme symbole phonique de la réalité » (Benveniste,  : )

Remarque . (Conséquence locale) Consubstantialité du


signifiant et du signifié = « caractère absolu du signe linguistique » :
résultat du « conditionnement interne du système de la langue »
(Benveniste,  : )

Proposition . (Nécessité et relativité) “Absoluité” du signe


linguistiqueB principe structural de la langue résultant de la
relativité systémique des valeurs de unités linguistiques (dia-
lectique de « valeurs en constante opposition »)

Conclusion synthétique et ouverture


Récapitulation des thèses sur la nature du signe
. Saussure (selon éditeurs). Relativité systémique des valeurs ⇒ Ar-
bitrarité du lien sémiotique interne (signifiant / signifié)
. Benveniste (vs Saussure). Relativité systémique des valeurs ⇒ Né-
cessité du lien sémiotique interne (signifiant / signifié) → Nécessité
systémique (définitions réciproques des unités sémiotiques)
. Saussure (selon les cahiers d’étudiants). Arbitrarité du lien sé-
miotique interne (signifiant / signifié) ⇒ Relativité systémique des
valeurs (≡ Motivation relative)

Remarque . La motivation relative de Saussure corres-


pond grosso modo à la nécessité de Benveniste ; la relation
d’implication de l’item  résulte d’un contre-sens éditorial

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Chapitre
7
Pour ou contre
l’arbitraire du signe

Sommaire
. Contre l’arbitraire du signe linguistique . . . . . . . . 
.. Une stratégie d’argumentation polémique . . . . . 
.. Motif théorique du rejet de l’arbitraire du signe . . 
.. La motivation psychologiste contre l’arbitraire . . 
. Pour l’arbitraire du signe linguistique . . . . . . . . . . 
.. L’enjeu de la pensée saussurienne . . . . . . . . . . 
.. Le système théorique saussurien . . . . . . . . . . 
.. La thèse des opposants et l’anti-thèse des partisants 
. Un problème philologique ? . . . . . . . . . . . . . . . . 
.. Les mobiles de la “querelle” . . . . . . . . . . . . . 
.. La question de l’erreur et de la confusion . . . . . 
.. La question de l’auto-contradiction . . . . . . . . . 


. Contre l’arbitraire du signe linguistique

.. Une stratégie d’argumentation polémique


· Position de l’article. « Complément à l’article de M. Benveniste » (Ben-
veniste,  : ouverture de l’anti-arbitrarisme au cercle des linguistes)
· Fonction de l’article. Stratégie : mise en perspective historique du dé-
veloppement du mouvement d’opposition à l’arbitraire du signe
. Charles Damourette et Édouard Pichon (-). Des mots à la
pensée. Essai de grammaire de la langue française.  t. Paris : d’Artrey
. Gaston Esnault (). « Linguistique ». In : Mercure de France. Re-
vue de la quinzaine CCLX., pp. – (compte rendu de (Da-
mourette et Pichon, -))
. Édouard Pichon (). « La linguistique en France. Problèmes et
méthodes ». In : Journal de psychologie normale et pathologique XXXIV,
pp. –
· Statut de l’article. Manifeste contre l’arbitraire du signe : unification
nationale (psychologues, gallicistes) et internationale (comparatistes)
de la diversité disciplinaire du mouvement d’opposition
• Mot d’ordre. « Le signe linguistique n’est pas arbitraire. » (Damourette
et Pichon, - : t. , § )

.. Motif théorique du rejet de l’arbitraire du signe


L’erreur de Saussure : un problème de localisation
« L’erreur de Saussure est à mon sens éclatante. Elle
consiste en ce qu’il ne s’aperçoit pas qu’il introduit
en cours de démonstration des éléments qui n’étaient
pas dans l’énoncé. Il définit d’abord le signifié comme
étant l’idée générale de bœuf ; il se comporte ensuite
comme si ce signifié était l’objet appelé bœuf. . . »
(Pichon,  – cité par Pichon,  : )


CHAPITRE . POUR OU CONTRE L’ARBITRAIRE DU SIGNE 

· Erreur de Saussure. Localisation de l’arbitraire : lien sémiotique interne


(signifiant / signifié)
• Confusion. Question de la convenance des signes linguistiques (si-
gnifiant) avec les idées (concept) / Question de l’adéquation des idées
avec le monde extérieur (référenciation)
• Conséquence. Démonstration de l’arbitrarité du lien sémiotique ex-
terne (non de l’arbitrarité du lien sémiotique interne)
· Problème de Saussure. Devoir traiter de la réalité pour pouvoir dé-
montrer de l’arbitraire (référentiel) du signe

• Conséquence. Introduction implicite d’un troisième terme extérieur


à la définition binaire du signe
• Contradiction. Rejet par principe l’objet hors de la structure du signe
binaire : conception “anti-onymique” du signe linguistique (section .,
page )

Proposition . (Auto-contradiction ()) Thèse de l’arbitraire


du signe = thèse de l’arbitraire de la référenciation → Traite-
ment de la langue comme nomenclature d’objets

L’auto-contradiction de Saussure : une incohérence théorique


La faute que nous paraît contenir ce raisonnement de
Saussure est de croire à l’équipollence absolue de deux
vocables appartenant à des langues différentes, comme
Ochs et bœuf. Jamais l’extension de deux sémièmes dans
deux idiomes différents n’est exactement la même ; ja-
mais deux vocables ne se recouvrent absolument quant
à leur domaine sémantique. Les idées auxquelles ils
correspondent sont donc différentes, et l’on peut dire
en toute certitude que jamais à une idée claire, dis-
tincte et identique à elle-même n’ont correspondu deux
signes linguistiques.
(Damourette et Pichon, - : )

Remarque . (Isomorphisme : langue ≡ pensée) Deux corol-


laires : ) Variation diatopique : cas exemplaire d’une variation

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CHAPITRE . POUR OU CONTRE L’ARBITRAIRE DU SIGNE 

des mots ou « vocables » exprimant la variation des idées ou


« sémièmes » propres à telle nation de locuteurs ; ) Antithèse
du “langage-traduction” : inexistence de pensée universelle ex-
primable à l’identique dans des langues différentes (cf. sous-
section ..)

· Postulat de Saussure 1 . Existence autonome de la pensée (hors-langage)


• Réalisation sémiotique. Stabilité et universalité des signifiés indé-
pendante de la variation des signifiants linguistiques
· Corollaire. Démonstration de l’arbitrarité du lien sémiotique interne
basée sur une conception de la langue comme nomenclature noétique 2
· Problème de Saussure. Rejet de toute assimilation de la langue à une
nomenclature d’idées
• Principe. Interdépendance du signifiant et du signifié (i.e., pas d’exis-
tence indépendance des signifiés sans les signifiants)

Proposition . (Auto-contradiction ()) Thèse de l’arbitraire


du signe (où “arbitraire” = arbitraire du lien sémiotique in-
terne) → Traitement de la langue comme nomenclature d’idées

.. La motivation psychologiste contre l’arbitraire


· Position psychologiste. Valeur psychologique généralisée de tout spé-
cimen de langage : « Le langage, s’il n’est pas toute la pensée, est du
moins de la pensée, et c’est comme tel que nous l’étudions. »
• Finalité du langage. Orientation focalisée sur l’expression séman-
tique (en l’occurrence, l’expression de la pensée)
• Dualité dépendante. Perspective théorique (Damourette et Pichon,
-) : faits phonétiques < expression de la pensée
. Nota bene. Postulat de Saussure selon (Damourette et Pichon, -) lisant le
Cours (). Sur la position de Saussure à ce sujet, se reporter à la section ..
. Par distinction. Benveniste () et Pichon () : autocontradiction de la théorie
saussurienne du signe = nomenclature ontologique.

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CHAPITRE . POUR OU CONTRE L’ARBITRAIRE DU SIGNE 

Proposition . Relation de fait : dualité entre la langue


(formes grammaticales) et les modes de pensée / Relation
de droit : subordination de la langue à la pensée

· Motivationnisme psychologiste. Imposition de la nomologie du psy-


chisme aux règles du langage : contradiction de l’arbitraire (du signe)

[L]e langage est le produit d’une pensée vivante et


en mouvement. Tout s’y passe selon les lois du psy-
chisme, ce qui s’oppose à l’arbitraire du signe.
(Damourette et Pichon, - : § )

• Nota bene. Relativisme des lois du psychisme : adéquation à l’esprit


de chaque peuple

Proposition . (La pathologie de Saussure) Explication na-


tionaliste de la thèse de l’arbitraire : duperie causée par le bi-
linguisme d’un Suisse

. Pour l’arbitraire du signe linguistique


Présentation en Manifeste « Cette déclaration a été rédigée à la suite
d’une décision prise par le Comité de la Société genevoise de Linguistique,
le  juin  » (Bally, Sechehaye et Frei,  : )

L’horizon bibliographique de rétrospection

· Les textes opposants. Contre l’arbitraire du signe


. Charles Damourette et Édouard Pichon (-). Des mots à la
pensée. Essai de grammaire de la langue française.  t. Paris : d’Artrey
. Gaston Esnault (). « Linguistique ». In : Mercure de France. Re-
vue de la quinzaine CCLX., pp. –
. Émile Benveniste (). « La nature du signe linguistique ». In :
Acta linguistica I., pp. –

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CHAPITRE . POUR OU CONTRE L’ARBITRAIRE DU SIGNE 

. Eugen Lerch (). « Vom Wesen des sprachlichen Zeichens ». In :


Acta linguistica I., pp. –
. Édouard Pichon (). « Sur le signe linguistique. Complément à
l’article de M. Benveniste ». In : Acta linguistica ., pp. –

Les textes dont on trouve ci-dessus la liste repré-


sentent dans leur ensemble une sorte de campagne
dont le but est de contredire la pensée saussurienne
et d’ébranler un des points important du système.
(Bally, Sechehaye et Frei,  : )

· Les textes partisants. Pour l’arbitraire du signe


. Charles Bally (b). « Sur la motivation des signes linguistiques ».
In : Bulletin de la Société Linguistique de Paris XLI, pp. –
. Charles Bally (a). « L’arbitraire du signe, valeur et significa-
tion ». In : Le français moderne 

.. L’enjeu de la pensée saussurienne


[L]e vrai problème, c’est [. . .] de savoir comment la pen-
sée revêt une forme dans la langue.
(Bally, Sechehaye et Frei,  :  3 )

· Apport théorique (de Saussure). Explicitation de la connexion entre le


développement de la langue et le développement de la pensée humaine
· Enjeu théorique. Détermination de l’objet de la science linguistique
• La langue objet factuel. Traitement de la langue comme « institution
sociale [sans analogue] au service de la parole » (Bally, Sechehaye et
Frei,  :  [je souligne])
• La langue objet théorique. Conception de la langue comme forme
pure : système de signes différentiels non motivés 4
. N. B. Reformulation du « vrai problème » de Benveniste ( : ).
. Cas des onomatopées (ou « mots expressifs ») = cas de motivation partielle : signes
affectés ou dérivés d’une expressivité naturelle en raison de leur sonorité ou de leur forme
abstraite.

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CHAPITRE . POUR OU CONTRE L’ARBITRAIRE DU SIGNE 

.. Le système théorique saussurien


Note Présentation du système théorique de Saussure par Bally, Seche-
haye et Frei ()

La nature des unités linguistiques

· Détermination factuelle. « Produits contingents de la vie collective » :


établissement conjoncturel de la signification des unités sémiotiques
· Caractérisation de la mise en relation. Unités linguistiques : constitu-
tion de formes pures à deux faces (phonique et intellectuelle)
• Caractérisation négative. Absence de fondation des unités linguis-
tiques sur une relation naturelle : ensemble phonique / idée ou objet
• Caractérisation positive. Recouvrement exact du signifié par le si-
gnifiant l’exprimant 5 → Dualité de la langue : identité de la forme
articulée avec la forme de la pensée exprimée
· Caractérisation du lien. Nécessité du lien signifiant / signifié

Proposition . (Signes et système) L’articulation interne


des signes linguistiques est un lien nécessaire parce que les
signes linguistiques sont des éléments d’un système sémio-
logique (la langue) → Nécessité du lien sémiotique ≡ Moti-
vation relative

Les unités linguistiques et le système de la langue

· Principe. Fonctionnement purement différentiel des unités linguistiques


au sein du système de la langue (oppositions, différences, négativité)
· Thèse. Interdépendance : Nécessité du lien sémiotique interne du point
de vue du système ⇔ Arbitrarité du signe du point de vue élémentaire
· Justification. Distinction de deux procédés d’expression sémiotique
. Remarque. Position similaire à celle Pichon () !

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CHAPITRE . POUR OU CONTRE L’ARBITRAIRE DU SIGNE 

• Modèle sémiologique de la langue = Conventionnalisme (θσι). Im-


position par la contrainte sociale d’un système oppositionnel de signes
→ Détermination/institution du lien (nécessaire) de l’association sé-
miotique : irrelevance de l’expressivité naturelle du signifiant
• Nomenclature ou symboles = Naturalisme (ϕυσι). (Signifiant natu-
rellement motivé par un lien avec la chose signifiée → Signifiant ex-
pressif par lui-même (= signifiant autonome) : indépendance envers
tout système formel d’encadrement

.. La thèse des opposants et l’anti-thèse des partisants


La thèse des opposants

· Principe. Maintien de la thèse de la nécessité du lien interne (signifiant /


signifié) des unités sémiotiques au sein du système et rejet de (l’assimi-
lation de ce lien à) l’arbitraire du signe
· Conséquence. Identification d’une contradiction « entre la manière dont
Saussure définit le signe linguistique et la nature fondamentale qu’il lui
attribue » (Benveniste,  :  – cité par Bally, Sechehaye et Frei,
 : )

Opposants versus partisans : le cas de l’arbitraire référentiel

L’arbitraire référentiel Dénominations linguistiques : arbitraire de fait


et incontestable de la langue comme « symbole phonique de la réalité »

· Problème fondamental. Mise en forme de la pensée dans la langue et


adéquation esprit / monde : « les signes de la langue sont-ils de conve-
nance ou de convention ? » (Bally, Sechehaye et Frei,  : )
· Enjeu général. Détermination du statut théorique de l’arbitraire réfé-
rentiel (impact sur la définition de la nature du signe)
• Position des opposants. Arbitraire référentiel = point de vue de Si-
rius : principe sans incidence sur la nature du signe → solution sans
apport pour/sans rapport avec la linguistique

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CHAPITRE . POUR OU CONTRE L’ARBITRAIRE DU SIGNE 

• Position des partisans. « [S]olution de bon sens » opposée aux visées


métaphysiques affranchies du cadre de la science objective : question
des limites de la compétence des linguistes (Benveniste,  : ) 6

L’anti-thèse des partisans

· Statut de l’arbitraire sémiotique interne. Principe premier/fondamental


du fonctionnement de la signification des signes
· Preuve du statut de l’arbitraire sémiotique. « Conséquence de l’arbi-
traire du signe » (Benveniste,  : ) : mutabilité inéluctable du dé-
placement des rapports signifié / signifiant
• Inconséquence de Benveniste. Accord avec les conséquences du prin-
cipe de l’arbitraire (reconnaissance de la mutabilité et l’immutabilité
des signes linguistiques) : « On ne saurait être plus saussurien [. . .]. »

En vérité nous n’arrivons pas à voir en quoi la


doctrine de l’arbitraire du signe a été entamée :
on l’attaque ouvertement, mais quand on en vient
au fait et au prendre, on concède en passant tout
ce qui la constitue.
(Bally, Sechehaye et Frei,  : )

Rappel (Benveniste,  : ) Localisation de la muta-


bilité et de l’immutabilité au niveau du processus de réfé-
renciation (sous-section ..)

Ouverture Reconnaissance du principe de l’arbitraire du signe et de ses


conséquences effectives (mutabilité / immutabilité) = « condition néga-
tive » du traitement théorique de la référenciation linguistique 7
· Modalité. Traitement de la parole : acte de désignation 8
. « Mal préparés pour discuter des rapports entre la pensée et le monde, mous re-
fusons d’entrer, comme notre partenaire nous y invite, sur un terrain où d’ailleurs il ne
s’aventure pas lui-même [. . .]. » (Bally, Sechehaye et Frei,  : )
. « Et comment enfin parler de ces attributions [de noms aux (concepts d’)objets] sans
faire entrer en ligne de compte l’arbitraire du signe qui en est la condition négative ? »
(Bally, Sechehaye et Frei,  : -)
. Cf. L’idée d’une “linguistique de la parole” chez Saussure ( : Intro., chap. ).

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CHAPITRE . POUR OU CONTRE L’ARBITRAIRE DU SIGNE 

· Fait. Fonctionnement de la parole : actualisation constante de la « con-


frontation des signifiants avec les objets et concepts d’objets qu’ils peuvent
servir à désigner. » (Bally, Sechehaye et Frei,  : )
· Conséquence. À partir de l’arbitraire et par la médiation de ses consé-
quences : retour « sur la terre en plein dans la réalité concrète de la
langue vivante. » (Bally, Sechehaye et Frei,  : )

. Un problème philologique ?

.. Les mobiles de la “querelle”


Modalités d’accusation Chefs d’inculpation récurrents

· De l’erreur à la confusion. La localisation interne de l’arbitraire sémio-


tique ⇒ Conséquence : croire établir l’arbitrarité du lien sémiotique
interne / établir de fait l’arbitrarité de la référenciation
· L’auto-contradiction. Incohérence de Saussure : soutenir la thèse de
l’arbitraire du signe / présupposer une conception de la langue comme
nomenclature (référentielle ou noétique)

Le nerf de la “querelle”

· Explication du motif de la “querelle”. Incompréhension de la motiva-


tion relative de l’arbitrarité du signe en système (différentiel, opposi-
tionnel et négatif)
· Enjeu fondamental de la “querelle”. La relation : éléments du système
(i.e., unités sémiotiques) / système (i.e., la langue)

Proposition . (L’excuse de la “querelle”) Base de l’inter-


prétation de (Benveniste, ) : contre-sens éditorial

Ces définitions [du signe de langue] ne sont pas par-


faites et il faut les mettre sur le compte des condi-
tions dans lesquelles l’œuvre a été publiée. Elles sont
remplacées d’ailleurs, dans d’autres passages du même

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CHAPITRE . POUR OU CONTRE L’ARBITRAIRE DU SIGNE 

livre, par d’autres formules plus parfaites et à la lu-


mière desquelles il convient d’interpréter les premières.
(Bally, Sechehaye et Frei,  : )

.. La question de l’erreur et de la confusion


Référence Annexe B (page )

· Constat de fait. Situation sans ambiguïté de l’arbitraire au niveau du


lien sémiotique interne (articulation : image acoustique / concept) ver-
sus question de référenciation
· Constat de droit. Statut du lien sémiotique interne : principe de déter-
mination de la valeur du signe (i.e., constitution de la sémioticité du
signe) (Saussure,  :  [III C  , D  ])

Proposition . (« La nature du signe ») Arbitrarité = “natu-


re du signe” → Arbitraire du signe = principe premier de la
sémiologie

.. La question de l’auto-contradiction


Référence Annexe C (page )

· Arbitraire et relativité des valeurs. Arbitraire radical du lien sémio-


tique interne = principe de la relativité des valeurs au niveau du sys-
tème de la langue (i.e., de la langue considérée comme système)
· Relativité, valeurs, système. Relativité des valeurs au niveau du sys-
tème = principe de (re)motivation des unités sémiotiques en tant qu’élé-
ments du système (e.g. : la syntagmation)

Définition . (Arbitraire-nécessité) Arbitraire relativement


et/ou systémiquement motivé → arbitraire sive nécessité

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La correction philologique
. Saussure (selon éditeurs). Relativité systémique des valeurs ⇒ Ar-
bitrarité du lien sémiotique interne (signifiant / signifié)
. Saussure (selon les cahiers d’étudiants). Arbitrarité du lien sé-
miotique interne (signifiant / signifié) ⇒ Relativité systémique des
valeurs (≡ Motivation relative)

La dernière phrase de l’alinéa 9 est un exemple de ré-


daction malheureuse de l’authentique pensée saussu-
rienne. Les sources connues des éditeurs (d’ailleurs con-
firmées par les cahiers de Constantin) donnaient : “Mais
les valeurs restent parfaitement relatives parce que le
lien est parfaitement arbitraire” ( B Engler). En
d’autres termes, l’arbitraire radical vient d’abord, la re-
lativité des valeurs signifiantes et signifiées (des arti-
culi dans les deux masses amorphes) en est la consé-
quence. On écrit encore plus nettement dans -
 E Engler : “Si ce n’était pas arbitraire, il y aurait
à restreindre cette idée de valeur, il y aurait d’abord
un élément absolu. Sans cela les valeurs seraient dans
une certaine mesure absolues. Mais puisque ce contrat
est parfaitement arbitraire, les valeurs seront parfaite-
ment relatives.” Dans la rédaction des éditeurs, la re-
lativité passe d’abord, “et voilà pourquoi”, ajoutent-ils,
“le lien. . . est. . . arbitraire.”
(Saussure,  : , note  de T. De Mauro)

. Passage cité en épigraphe de la sous-section ...


Troisième partie

La notion de « généralité »
Chapitre
8
La généralité de la grammaire
générale aux –es siècles

Sommaire
. Les principes philosophiques . . . . . . . . . . . . . . . 
.. Le modèle sémiotique général . . . . . . . . . . . . 
.. L’hypothèse du langage-traduction . . . . . . . . . 
.. Le statut théorique du langage . . . . . . . . . . . . 
. Le programme théorique classique . . . . . . . . . . . . 
.. Grammaires générales / particulières . . . . . . . . 
.. Deux types de généralité . . . . . . . . . . . . . . . 
.. Deux modes de généralisation . . . . . . . . . . . . 
.. La grammaire générale, la raison, les langues . . . 
. La théorie de la proposition . . . . . . . . . . . . . . . . 
.. Opérations de l’esprit, langage, signe . . . . . . . . 
.. La structure de la proposition . . . . . . . . . . . . 
.. Grammaire et logique . . . . . . . . . . . . . . . . . 


L’horizon de rétrospection
L’émergence des considérations générales sur le langage

· Grammaires spéculatives médiévales. Traitement du latin comme une


langue abstraite (, traitement comme une simple langue-objet)
• Motif. Objet véritable de la spéculation : “l’énoncé en général”
• Corollaire. Rupture de la distance : langue-objet / métalangage
· Grammaires latines (Renaissance). Processus de grammatisation des
vernaculaires (européens) sur le modèle du Donat : émergence du “souci
de la généralité” à partir du constat de la variation
· Grammaires générales. L’École de Port-Royal () : instauration de
la proposition en objet central des préoccupations grammaticales (cf. sec-
tion .)

. Les principes philosophiques

.. Le modèle sémiotique général


· Processus de digitalisation. Rupture avec le postulat adéquationniste
des idées et des choses : possibilité de l’arbitraire référentialiste 1

Remarque . (Non-oblitération du référent) Traitement


de la question du référent au niveau (de la logique) des idées,
et non à celui des signes linguistiques

• Conséquence. Unique problème de la sémiotique classique : relation


des représentations aux choses de la réalité (i.e., au représenté)

Les unités sémiotiques de la langue

· Restriction du modèle sémiotique. Modèle ternaire (réalité, pensées,


signes) modèle binaire (sons / pensées)
. Versus. Foucault () : rupture fondamentale de l’âge classique = représentation
de la représentation (processus de mise en abîme).


CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

• Principe de la restriction. Focalisation : sons ≡ signes des idées


· Type des unités sémiotiques. Signes linguistiques = signes sonores 2
• Motif. Sonorité des signes : commodité et efficacité d’usage
• Effet. Créativité linguistique/puissance combinatoire : infinie variété
de mots à partir d’un nombre limité d’éléments (sonores)

Définition . (Les mots) Mots ≡ signes des idées : « sons dis-
tincts et articulés dont les hommes ont fait des signes pour si-
gnifier leurs pensées. » (Arnauld et Lancelot,  [] : )

L’arbitraire des unités sémiotiques

Principe de l’arbitrarité Institution des signes linguistiques par la libre


volonté humaine (arbitraire du libre arbitre : invention à dessein)

· Localisation de l’arbitraire. Situation au niveau des signes sonores com-


me représentants des significations de la pensée
· Statut de l’arbitraire. Arbitraire de représentation : manière de repré-
senter la pensée dans les signes des langues 3
· Conséquence. La duplicité des signes linguistiques 4
• Nature matérielle. Sons / graphies : statut arbitraire et contingent
• Fonction et usage idéels. Signification de la pensée : désignation de
l’universel
. Remarque. Explication de l’invention des signes graphiques (dérivés de l’oral) : pal-
lier le caractère transitoire (sans fixité) des signes oraux.
. Position classique : « Les sons émis par la voix sont les symboles des états de l’âme,
te les mots écrits les symboles des mots émis par la voix. Et de même que l’écriture n’est
pas la même chez tous les hommes, les mots parlés ne sont pas non plus les mêmes, bien
que les états de l’âme dont ces expressions sont les signes immédiats soient identiques
chez tous, comme sont identiques aussi les choses dont ces états sont les images. » (Aris-
tote,  :  [a, -])
. Nota bene. D’une manière générale, la reconnaissance d’un dualisme fonctionnel
n’engage pas nécessairement la reconnaissance d’un dualisme ontologique (exemples de
dualité fonctionnelle : sons / sens ; volonté / actions).

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CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

.. L’hypothèse du langage-traduction


[. . .] la théorie du langage-traduction est la condition
nécessaire (mais non suffisante) de la possibilité de la
grammaire générale classique.
(Auroux, a : , note )

· Fonctionnement du langage. Traduction de la pensée, c’est-à-dire ex-


tériorisation de l’intériorité du sujet dans l’acte de communication
• Locuteur-émetteur. Production de signe sonore équivalent à une idée
• Auditeur-récepteur. Transformation du signe sonore en idée
· Processus de signification. Deux niveaux de correspondance
• Niveau structurel. Isomorphisme : langage / pensée
• Niveau atomique. Correspondance terme à terme : mots / idées

Remarque . (Universalité de la pensée) Statut : fonction-


nement comme étalon de la correspondance des langues (re-
présentants arbitraires de la pensée)

.. Le statut théorique du langage


Principe Langage = expression en mots des processus internes à l’esprit :
« Parler, [c’]est expliquer sa pensée par des signes [. . .]. » (Arnauld et Lan-
celot,  [] : )
· De la pensée au langage. Un rapport d’analyse
• Actes d’intellection. Indivisibilité et extra-temporalité
• Actes d’énonciation. Linéarité, discrétion et temporalité du langage
· Statut du langage. Instrument d’analyse de la pensée (double sens)
• Sens atomique. Représentation d’une pensée décomposée en éléments
exprimés successivement (i.e. : les mots) constituant un jugement
• Sens structurel. Représentation des opérations d’enchaînements (com-
position / décomposition) constituant la suite du raisonnement
· Du langage à la pensée. Mode d’établissement de la correspondance

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CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

• Hiérarchie-dérivation. Subordonation : langage < pensée


• Langage-médium. Moyen d’accès à la pensée en tant que re-présentant,
substitut de la pensée

Si toute langue est une méthode analytique, et toute


méthode analytique une langue, c’est parce que toute
langue représente une pensée analysée, et qu’inverse-
ment l’analyse de la pensée n’est possible que dans
l’élément du langage.
(Auroux, a : )

Remarque . (La relation de représentation) Rapport : réa-


lité – esprit – langage ⇐ Question de la structuration du do-
maine des idées et de l’esprit

. Le programme théorique classique

.. Grammaires générales / particulières


Remarque . (Science, art et pratique) « Le XVIIIe siècle dis-
tingue science, art et pratique : la science est la connaissance de
l’universel, la pratique est l’activité productrice. L’art est un mi-
lieu entre les deux : l’art n’est pas une pratique c’est une théorie,
ou mieux, l’universalité appliquée à la particularité. Dans son
application, qui est l’art, la science perd son universalité et sa
rigueur parce que le domaine de la particularité est le domaine
de la contingence, c’est-à-dire dans le cas des langues le do-
maine de l’arbitraire et de l’usage. » (Auroux,  : , note )

Base de la démarche de Port-Royal () Caractérisation de deux types


de grammaires fondamentalement distincts (objets et statuts)

· Grammaires particulières. Arts : traitement de la particularité 5


. « Une grammaire particulière est l’art d’appliquer aux principes immuables et géné-
raux de la parole prononcée ou écrite les institutions arbitraires et usuelles d’une langue
particulière. [. . .] une Grammaire particulière est un art, parce qu’elle envisage l’applica-

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CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

• Motif de la particularité. Prise en compte de l’arbitraire de l’usage


• Modalité de la particularité. Adaptation de l’immuabilité et de la
généralité des principes à l’arbitraire particulier de l’usage
· Grammaire générale. Science : traitement de la généralité 6
• Titre complet de Port-Royal (). Grammaire générale et raisonée
contenant Les fondements de l’art de parler ; expliqués d’une manière claire
et naturelle ; Les raisons de ce qui est commun à toutes les langues, et des
principales différences qui s’y rencontrent ; Et plusieurs remarques nou-
velles sur la langue française.

.. Deux types de généralité


· Généralité par extension. Application empirique : statut de la gram-
maire générale = méta-grammaire (nota bene : lecture propre aux Idéo-
logues)
· Généralité de fondation. Nature spéculative : « Réflexions sur les vrais
fondements de l’art de parler » (Arnauld et Lancelot,  [] : )
· Point commun. Une méthode inductive (modalités variables)
• Principe. Grammaire générale par abstraction des faits langagiers con-
signés dans les grammaires particulières
• Conséquences. Focalisation sur la mise en évidence des principes ra-
tionnels structurant la grammaire des langues
tion pratique des institutions arbitraires et usuelles d’une langue particulière aux prin-
cipes généraux de la parole (voyez Art [cf. remarque .]). » (E.R.M., Encyclopédie. . ., art.
« Grammaire »,  A,  – dans : Auroux,  : )
. « La grammaire générale est donc la science raisonnée des principes immuables et gé-
néraux de la parole prononcée ou écrite dans toutes les langues. [. . .] La Grammaire géné-
rale est une science parce qu’elle n’a pour objet que la spéculation raisonnée des principes
immuables et généraux de la parole [. . .]. » (E.R.M., Encyclopédie. . ., art. « Grammaire »,
 A,  – dans : Auroux,  : )

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CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

.. Deux modes de généralisation


Remarque . (Les premières grammaires générales) Intro-
duction à la pédagogie des langues 7 ← résultat du processus
de grammatisation (confrontation de la diversité à la nécessité
d’une unité/universalité)

La généralisation “conceptuelle” (abstraite)

Principe Idéalisation des faits linguistiques concrets

· Point de départ. Faits grammaticaux donnés sous formes de signes


· Principe d’abstraction. Traitement abstrait des faits grammaticaux en
tant que représentant des idées régression aux fondements noétiques
des faits grammaticaux
· Objectif spéculatif. Déduction (calcul) du rapport des idées aux objets
réels à partir de la considération idéelle des faits grammaticaux 8

Remarque . (Statut des parties du discours) Universalité =


structure d’arbre : toutes catégories observables empiriquement
est soit une catégorie branchante, soit une feuille d’une caté-
gorie branchantes → Conception en compréhension des caté-
gories (Beauzée) : grammaire générale 3 nécessaire (possibilité
de reconstruction des catégories de toutes langues à partir du
nom-substantif, du verbe-substantif et de. . .).
. Structure standard des ouvrages : présentation des catégories métalinguistiques,
puis grammaires singulières de vernaculaire(s).
. « Soit un ensemble de faits grammaticaux ; si on peut les replacer à l’intérieur des
rapports qui unissent l’idée de signe à l’objet de l’idée représentée par ce signe et si on
parvient à les en déduire, on aura constitué tout en s’adressant à une seule langue une
grammaire générale et raisonnée. » (Arnauld et Lancelot,  [] : ? ? – cité par
(Auroux, a : ), note )

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CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

La généralisation inductive (empirique)

Principe Traitement abstrait de la diversité théorique des langues (, con-


frontation directe à la diversité linguistique empirique 9 )

Remarque . (Statut des parties du discours) Conception


extensionnelle des catégories grammaticales (Condillac) : gram-
maire générale 3 universel (empirique ?).

· Point de départ. Recherche des propriétés/caractéristiques communes


et/ou distinctives des langues particulières 10
· But spéculatif (et pratique). Identification des raisons de la parole :
connaissance/maîtrise des conditions générales de la pratique du lan-
gage 11 (topos : GrammaireB “Art de (bien) parler”)
· Application. Objectif pratique latent = prolégomènes à une méthode
universelle d’apprentissage 12

Proposition . (Statut de la particularité) Base historique /


théorique préalable nécessaire à l’élaboration de grammaires
générales

.. La grammaire générale, la raison, les langues


· Universalité et données empiriques. Conformation des langues au même
patron noétique (universel et immuable)
. Manifestation des limites du programme : ouverture au traitement de la diversité des
langues (e siècle : Beauzée, ), puis tentative d’articulation du projet comparatif au
modèle de Port-Royal (e siècle : échec).
. « L’engagement où je me suis trouvé [. . .] de travailler aux grammaires de diverses
langues, m’a souvent porté à rechercher les raisons de plusieurs choses qui sont com-
munes à toutes les langues, ou particulières à quelques-unes. » (Arnauld et Lancelot,
 [] : )
. Principe : « faire par science, ce que les autres font seulement par coutume. » (Ar-
nauld et Lancelot,  [] : )
. Sous-titre à la première édition () : « Grammaire générale et raisonnée. Avec les
nouvelles méthodes pour apprendre facilement et en peu de temps les langues italienne
et espagnole. »

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CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

• Argument. Universalité = condition de la possibilité de la communi-


cation (cf. sous-section .. 13 )
• Démarche. Articulation de considérations empiriques/factuelles avec
des éléments d’une théorie (des opérations) de l’esprit 14

La grammaire et les structures de la pensée

· Principe. « Fonder le fonctionnement du langage sur [s]es opérations


intellectuelles sous-jacentes. » (Auroux,  : )
· Démarche. Traitement des mécanismes de pensée à la base de la forma-
tion du discours : « Que la connaissance de ce qui se passe dans notre esprit,
est nécessaire pour comprendre les fondements de la Grammaire [. . .]. » (Ar-
nauld et Lancelot,  [] : )
• Motif. Fonction des motsB faire connaître les pensées (voir ..)
• Conséquence. Condition de la compréhension des significations des
motsB compréhension de la structuration des pensées (voir ..)

. La théorie de la proposition

.. Opérations de l’esprit, langage, signe


· Duplicité de la parole. Parole comme signe matériel / parole comme
expression spirituelle (cf. duplicité des signes : sous-section ..)
· Duplicité de la représentation. Représenté = opérations de l’esprit /
représentant = langage

Proposition . (Enjeu “sémiotique”) Mise en relation de la


structuration des deux ordres de phénomènes (langage et pen-
sée) : adéquation du médium de la représentation (le langage)
au domaine représenté (la pensée)
. Conception alternative : fondement de l’universalité de la pensée sur l’unicité du
monde (Aristote).
. Remarque. Comparaison avec les grammaire générales allemandes du début du
e siècle : application des catégories kantiennes des opérations de l’entendement aux
langues.

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CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

La théorie des opérations de l’esprit

. Concevoir. Simple regard de l’esprit sur les choses (concrètes/abstraites)


. Juger. Affirmer ou nier l’être-tel (ou non) de la chose conçue
. Raisonner. Utiliser deux jugements pour en produire un troisième

Remarque . (Le raisonnement) Mise en relation de deux


unités inférieures (prémisses) pour composer une unité su-
périeure (conclusion) = « simple extension » de l’opération
de jugement

La proposition comme objet d’analyse

· Raison fondamentale du langage. Expression de jugements sur les choses


conçues (et non pas simplement : expression des choses conçues)
· Fonction de la proposition. Représentant linguistique du jugement
• Corollaire. Valeur théorique de la proposition : « [représentation de]
l’opération la plus essentiellement impliquée dans l’activité de lan-
gage » (Colombat, Fournier et Puech,  : )
· Statut de la proposition. Objet privilégié de l’analyse grammaticale
• Méthode. Analyse de la structuration interne de la proposition : com-
position du jugement à partir des conceptions élémentaires

.. La structure de la proposition


Analogie fondamentale Opérations de l’esprit : jugementB affirmation
de quelque chose sur quelque chose ; Représentations linguistiques : pro-
positionsB mise en relation de deux termes (choses conçues)

Les trois composants propositionnels

· Chose conçue . Sujet : support de l’opération de jugement (“ce dont est


affirmé quelque chose”)
· Chose conçue . Attribut : propriété affirmée du support (“ce qui est
affirmé à propos de quelque chose”)

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CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

· Mise en relation (-). Verbe-copule : instrument du jugement (opéra-


tion d’union des deux conceptions)

Le traitement de la copule

· Le statut du verbe être. Outil linguistique représentant purement et


uniquement l’opération de jugement : affirmation portant sur une com-
position de deux conceptions
• Statut des autres verbes. Décomposition en : attribut + affirmation
· Le verbe substantif. Modalité de traitement paraphrastique des verbes
autres que le verbe être : explicitation du contenu implicite des verbes
en général

.. Grammaire et logique


Logicisation de l’analyse syntaxique

· Impact de l’analyse propositionnelle. Modèle « S est P » : changement


de la perspective des analyses grammaticales
• Anciennes conceptions. Perspective morphologique sur le verbe (ana-
lyse des cas héritées de la grammaire latine)
• Nouvelle conception. Perspective “logique” : analyse des relations entre
les constituants propositionnels
· Conséquence théorique (métalangage). Modification des catégorisa-
tions syntaxiques : détermination selon leur “fonction” sémantique
• Classe . Catégories signifiant les objets de pensée : noms, articles,
pronoms, participes, prépositions et adverbes
• Classe . Catégories signifiant les manière/formes des pensées : verbes,
conjonctions, interjections

« Logique des idées » et « syntaxe sémantique »

· Les idées. Composition interne : deux dimensions constitutives

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CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

• Compréhension. Ensemble des attributs nécessaires à la composition


d’une idée et impossible à supprimer sans détruire l’idée en question
• Étendue. Ensemble des objets auxquels s’applique l’idée (référents ou
catégories idéelles subordonnées)
· Enjeu : calcul des idées. « Déterminer une idée, c’est indiquer quelle
est son extension » (Colombat, Fournier et Puech,  : )
• Statut logique du jugement. Lieu de détermination de l’extension
(i.e., de la signification) des idées par leur mise en relation

Théorème  (La loi de Port-Royal) Variation en propor-


tion inverse : compréhension / étendue (Arnauld et Ni-
cole,  [] : ) 15

• Applications. Théorie de la référence et interprétation de certaines


relations syntaxiques de l’énoncé

Remarque . (Carré extension / compréhension) Variation


de la latitude d’étendue (i.e., de la compréhension) : qualifica-
tion ; variation de l’étendue (i.e., des éléments auxquels telle
expression est appliquée) ⇒ Distinction de deux catégories lin-
guistiques : adjectifs qualificatifs et adjectifs déterminatifs (dé-
terminants)

Exemple de référenciation Le cas de l’article dit “indicatif” (Beauzée) :


facteur déterminant la variabilité de l’extension du nom commun (en fonc-
tion des circonstances de son emploi)

· Phrases type. « L’homme est mortel » versus « Les hommes sont mé-
chants » : variation de l’extension du terme “homme” en fonction de
l’article (proposition universelle / proposition particulière) ; « Le Roi
. Remarque (Beauzée). Extensionnalisation de la loi de Port-Royal : « l’étendue d’un
terme n’est plus constituée par les inférieurs d’un terme général, c’est-à-dire aussi bien
des espèces que des individus, mais uniquement par des individus. Les classes déno-
tés par les termes sont chez Beauzée des classes d’individus. » (Colombat, Fournier et
Puech,  : - – en réf. à Auroux, b).

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Enseignant: Manuel Gustavo Isaac
CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

désire la paix » : détermination de l’extension du terme “Roi” en fonc-


tion des circonstances énonciatives (Louis XIV, Frédéric II, etc.)

Remarque . (Renversement de la théorie PR) Inter-


prétation de la proposition non (uniquement) déterminée par
l’extension (indépendante) du terme sujet

Exemple de syntaxe Le cas des relatives (déterminatives versus explica-


tives) : question de la modification ou non du de l’extension des termes
par la modification du contenu de compréhension des termes (ajout de
propriétés)

· Phrases type. Explicative (explicitation du contenu du terme sans mo-


dification de l’extension) : « Dieu invisible a créé le monde visible » '
« Dieu qui est invisible a crée le monde qui est visible » ; déterminative
(indication d’une restriction de l’extension) : « les corps transparents »
' « les corps qui sont transparents »

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Enseignant: Manuel Gustavo Isaac
Chapitre
9
La généralité de la linguistique
générale au tournant du e siècle

Sommaire
. La généralité au tournant du e siècle . . . . . . . . . 
.. Horizon de rétrospection et cadre historique . . . 
.. L’hétérogénéité de la notion de généralité . . . . . 
.. L’unification de la notion de généralité . . . . . . . 
. Trois variantes du thème de la généralité . . . . . . . . 
.. Le fondationnalisme saussurien . . . . . . . . . . . 
.. L’extensivisme de Meillet . . . . . . . . . . . . . . . 
.. Interdisciplinarité et transdisciplinarité . . . . . . 
. Meillet, Saussure et la généralité . . . . . . . . . . . . . 
.. Le programme de Meillet (-) . . . . . . . 
.. Le Cours () comme paradigme . . . . . . . . . 


. La généralité au tournant du e siècle

.. Horizon de rétrospection et cadre historique


· e - e siècle. Déplacement de la conception de la généralité
• Grammaire générale. Arrière-fond : grammatisation des vernaculaires
• Linguistique générale. Arrière-plan : grammaire historique comparée

Remarque . (La notion de linguistique générale) Paul,


Hermann (), Prinzipien der Sprachgeschichte : émergence
du projet d’une linguistique générale et formulation de l’ex-
pression „allgemeine Sprachwissenschaft“

· Histoire de la linguistique générale. Scansion des développements de


la production en linguistique générale (Bloomfield, ) : identifica-
tion de la nature conceptuelle des écrits listés (-)

.. L’hétérogénéité de la notion de généralité


· Le problème de la notion. Ambiguïté du thème et du statut de la géné-
ralité : à la fois point de ralliement et lieu de malentendus

[La notion de linguistique générale] n’est pas la no-


tion d’un contenu disciplinaire effectif, mais celui
d’une discipline programmatique, dont on doute
même, parfois, qu’elle puisse parvenir à l’existence
[. . .].
(Auroux,  : )

• Conséquence. Difficulté à stabiliser les sens du thème de la généralité

· Typologie de la notion. Variabilité des acceptions du syntagme de “lin-


guistique générale” dans les productions - (Auroux,  : -
)
. Manuels-cours. Introduction / synthèse des résultats de la science
. Ouvrages de vulgarisation. Thématiques “grand public”


CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

. Encyclopédie. Répertoire des langues à valeur bibliographique


. Ouvrages méta-théoriques généraux. Discussion méthodologique sur
les principes de la linguistique
. Monographies méta-théoriques. Traitement critique des catégories
utilisées par les sciences du langage (par exemple : le genre, l’alter-
nance phonétique, l’analogie, le changement linguistique, etc.)

Problème . (Définition de la généralité) « Si la linguis-


tique générale est une discipline, [. . .] elle doit avoir un objet
propre, une méthode, des résultats. En particulier, nous de-
vons être capable d’assigner avec précision ce que “général”
signifie dans son projet. » (Auroux,  : )

.. L’unification de la notion de généralité


Sens schématique et non contraignant “Général” ≡ « non restreint à
une langue quelconque » (Auroux,  : )

· Sens général de la “généralité”. Classement de trois types de proposi-


tions scientifiques relevant de la linguistique générale
. Principes méthodologiques. Assertions portant sur la manière d’étu-
dier les langues (et non sur les langues elles-mêmes) et sur la déter-
mination épistémologique de l’objet d’étude (la/les langue/s)
– Par exemple. “La langue est un système où tout se tient”, “la ques-
tion de l’origine des langues n’est pas un problème linguistique”
. Prédications générales élémentaires. Assertions portant sur des élé-
ments linguistiques indépendamment de leur appartenance à une
langue quelconque : expression de propriétés tendancielles générales
susceptibles d’exception
– Par exemple. « Ce qui s’emprunte, ce sont essentiellement des élé-
ments de vocabulaire. » (Meillet,  – cité par Auroux,  :
)

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CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

. Propositions universelles sur le “langage”. Formulation d’assertions


supposément valables pour toutes les langues en tant qu’exemplaire
d’une même classe conceptuelle (i.e., en tant qu’éléments de l’en-
semble “langage”) : expression de tendances universelles traitées comme
des vérités substantielles
– Par exemple. « Toutes les langues tendent à distinguer le nom et le
verbe. » (Meillet,  – cité par Auroux,  : )
· Enjeu du sens de la généralité. Représentation disciplinaire (tournant
du e siècle) : renégociation permanente de l’autonomie et des limites
de l’autonomie de la linguistique comme discipline scientifique (cf. ??)

. Trois variantes du thème de la généralité

.. Le fondationnalisme saussurien


· Type de la généralité saussurienne. Dimension épistémologiquement
normative et théoriquement transcendantale
• Principe. Indissociabiltié affirmée : théorie de la langue et réflexion
épistémologique/méthodologique sur la théorie de la langue

Préoccupé surtout depuis longtemps de la classi-


fication logique de[s faits de langage], de la clas-
sification des points de vue sous lesquels nous
les traitons, je vois de plus en plus [. . .] l’immen-
sité du travail qu’il faudrait pour montrer au lin-
guiste ce qu’il fait, en réduisant chaque opération
à sa catégorie prévue [. . .].
(Godel,  :  1 )

· Objet de la généralité saussurienne. Orientation : extraction des prin-


cipes théoriques généraux conditionnant la possibilité d’une descrip-
tion scientifique de langues
. Nota bene. L’extrait est tiré d’une lettre à A. Meillet (non datée : ∼).

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CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

• Conséquence. Statut et fonction de la généralité : accroissement et


solidification de la compréhension des principes de la science (versus
extension de l’application de la science)

.. L’extensivisme de Meillet


· Type de généralité. Démarche épistémologiquement inductive et à vi-
sée théoriquement encyclopédique (importance du point de vue histo-
rique)
• Modalité. Abstraction et généralisation des résultats des linguistiques
“particulières” : « toutes les langues à toutes les périodes » (Meillet,
 :  – cité par Colombat, Fournier et Puech,  : )
· Réalisation de la généralité. Généralité domaniale de la discipline lin-
guistique : intégration d’un projet d’anthropologie générale (conglomé-
rat de sciences humaines : psychologie, sociologie,. . .)
• Impact. « [R]enouvellement complet des méthodes et des idées » (Meillet,
 :  – cité par Colombat, Fournier et Puech,  : )

.. Interdisciplinarité et transdisciplinarité


Charnière e-e siècles Mutation socio-historique : redistribution des
enjeux théoriques parmi les disciplines en phases d’institutionnalisation
(définition/redéfinition de leurs objets, de leurs champs d’investigation,
etc.)

Sociologisme et interdisciplinarité

· Paradigme sociologiste. Thème centraux : la socialité linguistique et la


langue comme fait social
• Objets d’étude. Rapport langage / pensée ou rapport langue / so-
ciété, pathologies du langage, théorie de l’apprentissage,. . .
• Conséquence disciplinaire. Généralisation du domaine des disciplines
traitant du langage : langage objet de la psychologie, de la sociologie,
de la philosophie, de la pédagogie, de la médecine clinique, etc.

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CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

• Conséquence méta-théorique. Transformation de la linguistique gé-


nérale en “problème généraux d’ordre linguistique”
· Statut du langage. Détermination de l’essence de l’homme et du lien
social dans et par le langage
• Représentation théorique du langage. Conception de l’activité langa-
gière comme expression symbolique de l’individu en société

[Une telle dispersion disciplinaire est constituée]


par une tentative “générale” de se représenter l’ac-
tivité langagière comme manifestation concrète,
“réelle” et observable des individus et des groupes
dans l’espace complexe et infiniment variable de
leurs relations, [manifestation de] la dynamique
productive de leurs rapports mutuels.
(Colombat, Fournier et Puech,  : )

· L’interdisciplinarité théorique. Condition de la définition du champ


théorique de la généralité des faits : perspective multi-disciplinaire 2
• Constitution de l’interdisciplinarité. Régulation de la communauté
d’experts par leur égalisation hiérarchique (absence de prérogative de
tel savant – exemplairement, du linguiste – en vertu de compétences
objectives)

La transdisciplinarité de G. Tarde ()

· Principe. Métissage des points de vue sur le langage : perspective pan-


optique
· Objet. Définition de la langue comme fait social
· Théorie. Conception de la généralité du langage comme socialité
• Dimension synchronique. Traitement de la généralité de la pratique
langagière médiatisé par une anthropologie de la croyance et du désir
. Au nombre des auteurs relevant de cette perspective “générale” éclectique sur
le langage : Walter Benjamin (-), Karl Bühler (-), Lucien Lévi-Bruhl
(-), Nicolas Marr (-), Joseph Vendryès (-) – voire sous un
autre angle, les travaux de Rudolf Carnap (-), d’Edmund Husserl (-),
de Jean Piaget (-), de Lev Vygostky (-).

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CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

• Dimension diachronique. Généralité de la pratique langagière : scan-


sion des étapes de la socialisation humaine
· Conséquence. Désolidarisation : thème de la généralité / question de
l’autonomie disciplinaire de la linguistique (versus Meillet et Saussure)

. Meillet, Saussure et la généralité

.. Le programme de Meillet (-)


Le projet de la généralité

· Dimension programmatique. Présentation de la linguistique générale


comme un projet, une discipline en évolution, ou encore un thème nou-
veau (Meillet,  [](b))
· Mise en œuvre. Stratégie : re-négociation de l’horizon de rétrospection
• Moyens. Admission de l’hégémonie du comparatisme allemand, affir-
mation du déplacement de la recherche scientifique (Europe et États-
unis) et passage d’alliance avec des traditions non germaniques
• Finalité. Institution et reconnaissance de la spécificité de l’École fran-
çaise : paradigme socio-historique et paradigme de la linguistique gé-
nérale comme avénement scientifique de la linguistique
· Statut de la linguistique générale. Revendication de la place de l’an-
cienne grammaire générale 3
. Sur la stratégie d’un retour possible à la généralité de la grammaire générale contre
le comparatisme (ou plutôt en vue de s’assimiler les résultats de la comparaison histo-
rique), voir la Leçon de Bréal au Collège de France en  : « Il y a un autre ordre
d’études qu’on distingue habituellement de la grammaire comparative et qu’on a été
quelquefois jusqu’à lui opposer. C’est cet assemblage de principes et d’observations dont
Port-Royal a donné le premier modèle, et qui est connu sous le nom de grammaire gé-
nérale ou philosophique. Mais puisque la grammaire générale se propose de montrer le
rapport qui existe entre les opérations de notre esprit et les formes du langage, comment
pourrait-elle se trouver en opposition avec une science dont l’objet est d’analyser ces
formes ? Il est bien plus vrai de dire qu’elle trouvera dans les observations de la linguis-
tique un surcroît d’intérêt et de solidité. En effet, ou bien les théories de la grammaire
générale seront confirmées par l’examen scientifique des divers idiomes parlés sur la
surface du globe, et alors les travaux des philologues seront la justification ou la contre-

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Histoire des idées linguistiques (LF)
Enseignant: Manuel Gustavo Isaac
CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

Remarque . (L’échec de la grammaire générale) Expli-


cation de Meillet : inadaptation de la logique à la linguistique
et des catégories de la logique aux langues (chapitre )

L’objet de la généralité

· Orientation de la linguistique générale. Recherche des lois générales


(morphologiques et phonétiques) de toutes les langues en tant que sou-
mises au changement historique
· Objectif de la linguistique générale. Superposer une doctrine d’en-
semble, un système, aux faits historiques particuliers : formuler des lois
générales valant pour l’ensemble du développement des langues
• Rejet/opposition. Lois restreintes à un moment du développement
d’une langue (e.g., lois phonétiques ou formules analogiques)
· Conséquence. Caractérisation de la linguistique générale comme disci-
pline empirique → falsifiabilité des assertions de la linguistique générale
• Problème. Concilier la recherche de lois avec la nature historique de
leurs objets ← Postulat : reconnaissance d’universaux substantiels du
développement historique (cf. sous-section ..)
• “Solution”. Démarche de la linguistique générale : regroupement des
faits historiques singuliers (mis en évidence par la linguistique histo-
rique) et extraction des lois ces mêmes faits par induction

Type, fonction et statut de la généralité

· Type des lois générales. Détermination des possibles (c’est-à-dire des


virtualités) du développement historique des langues
épreuve de cette philosophie du langage ; ou bien, sur certains points, il y aura désaccord
entre les opérations de notre esprit, telles que la psychologie et la logique les décrivent,
et les procédés du langage constatés par l’analyse philologique, et ce sera pour nous un
avertissement de remonter jusqu’à l’origine de cette divergence et d’en trouver le prin-
cipe. Une pareille recherche ne peut manquer d’être féconde, et tout dissentiment entre
la grammaire philosophique et la grammaire expérimentale doit conduire à des idées
nouvelles sur la nature du langage ou sur le développement de l’esprit humain. » (Bréal,
 : -)

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CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

• Corollaire. Dépassement des faits et constitution de la linguistique


générale comme science a priori (voir infra : “Sens ”)
· Fonction des lois générales. Sens () de la détermination des possibles
• Sens . Détermination de degré de possible : expression de tendances
• Sens . Discrimination du possible et de l’impossible : formulation de
nécessité (dépassement du domaine empirique des faits !)

Remarque . (Lacune épistémologique) Explication du


manque de clarté du statut de linguistique générale chez
Meillet (empirique versus apriorique) : difficulté à com-
prendre le rapport des lois aux faits

· Statut épistémologique des lois générales. Assimilation implicite des


lois de la linguistique générale à des lois de la nature

La généralité, sa discipline

· Originalité de Meillet. Scientisme linguistique (tradition rationaliste


française) : analyse des phénomènes observables (i.e., les faits linguis-
tiques) à partir des méthodes et selon les exigences des sciences de la
nature
• Corollaires. Intérêt pour la phonétique expérimentale (Rousselot -
) et rejet de la linguistique générale (“à la Saussure”) considérée
comme discipline autonome consistant fondamentalement en des as-
sertions méthodologiques non-falsifiables (sous-section ..)
· Statut de la discipline. Linguistique générale : forme intermédiaire et
sans valeur propre dans l’ensemble des savoirs linguistiques
• Les savoirs sur la langue. Répartition des principes explicatifs
— Grammaire historique et descriptive. Sciences des faits particuliers
— Linguistique générale. Usage des faits pour établir des lois géné-
rales
— Anatomie, psychologie, physiologie. Uniques facteurs d’explication
des lois générales formulées par la linguistique générale

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CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

— Sociologie. Saisie des conditions spécifiques à un état social déter-


miné selon lesquelles se réalise telle possibilité formulée au ni-
veau des lois générales formulées par la linguistique générale
· Rapport à la sociologie. Affirmation de la détermination des faits lin-
guistiques (i.e. de l’actualisation de leur virtualité) par des causes so-
ciales

Le langage est une institution sociale dont les condi-


tions d’existence et de développement ne sauraient
être conçues qu’à un point de vue sociologique.
(Meillet,  : )

• Corollaire. Institution de Meillet en père de la sociologie linguistique


(et non de la linguistique générale ← Paradigme : le Cours de Saus-
sure)

.. Le Cours () comme paradigme


Statut du Cours Configuration en ouvrage de référence rétrospective et
projective : produit d’une série de contingences historiques instituant le
texte en ouvrage fondateur

Proposition . (Une fondation paradoxale) Produit du tra-


vail philologique (i.e., de l’interprétation sur la base de note
d’étudiants) des rédacteurs du Cours – eux-mêmes non audi-
teurs des trois cours de -

La configuration du Cours de linguistique générale ()

· Chronologie. Situation historique de crise des sciences


· Objectif. Fondationnalisme : démarche réflexive / critique du projet et
cadre de pensée anthropologique (recherche de l’unité des productions
culturelles humaines)
· Style. Minimalisme : système de dichotomies conceptuelles (i.e., d’op-
positions binaires : langue / parole, synchonie / diachronie, etc.)

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CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

· Réception. Précocité d’une grille de lecture privilégiant les thèses au dé-


triment des démarches (sous-section ..) : écrasement de la diversité
complexe des continuateurs du projet saussurien extérieurs au structu-
ralisme (Bally, Guillaume, etc.)

La généralité du Cours, la langue et la structure

· Statut de la langue. Objet de la linguistique générale comme science


· Traitement de la langue. Procédure d’abstraction : fonctionnement par
renvois de concepts internes à la théorie
• Exempli gratia. Définition de la langue comme “système d’expres-
sion doublement articulé en phonèmes et morphèmes” (Martinet,
) ← Fonctionnement du concept de langue comme explanans de
la théorie

Proposition . (Clôture internaliste) Concept structural


de langue : source de renvoi et but des éléments concep-
tuels du système théorique (e.g., concept de “signe”, de
“système”, de “valeur”, . . .)

• Conséquence. Rapport à l’expérience : condition de l’intégration des


objets empiriques dans le concept structural de langue = adéquation,
vérification, confirmation de la conjonction des propriétés abstraites
définissant le concept de langue par les objets à intégrer (Hjelmslev,
) → Traitement abstrait, apriori et formel des entités linguis-
tiques
· Réalisation de la généralité. Conception formelle de la généralité :
unité systémique générale dérivée de principes-axiomes
• Modalité. Promotion du point de vue synchronique : conception de la
généralité comme construction, c’est-à-dire produit de la théorie

La langue est un système serré, et la théorie doit être


un système aussi serré que la langue. Là est le point
difficile, car ce n’est rien de poser à la suite l’une de

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Enseignant: Manuel Gustavo Isaac
CHAPITRE . LA GÉNÉRALITÉ (–es S.) 

l’autre des affirmations, des vues sur la langue ; le


tout est de les coordonner en un système. [. . .]
Pour le moment, la linguistique générale m’apparaît
comme un système de géométrie. On aboutit à des
théorèmes qu’il faut démontrer.
(Godel,  : - 4 )

. Nota bene. Les deux extraits proviennent de relation d’entretiens avec Saussure,
respectivement, par A. Riedlinger (en date du  janvier ) et L. Gautier (en date du
 mai ).

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Chapitre
10
La notion de généralité &
la disciplinarisation de la
linguistique

[L]a science consiste dans la


connaissance de l’universel. [. . .] il
n’y a de science que du général.

Aristote, An. Post. (I, , b)

Sommaire
. Les acceptions de la généralité (-es s.) . . . . . . . 
. La généralité comme motif de discorde . . . . . . . . . 
. L’unité problématique de la linguistique . . . . . . . . 


. Les acceptions de la généralité (-es s.)
· La généralité des grammaires générales. Extraction et/ou abstraction
des structures noétiques (universelles et nécessaires) sous-jacentes à
l’organisation syntaxique de toutes les langues (particulières, contin-
gentes et arbitraires)
· La généralité de la linguistique générale. Thème de dispersion de re-
cherches théoriquement unifiées (i.e., conception et traitement du lan-
gage comme abstraction) : mise en jeu de la disciplinarisation de la lin-
guistique comme science humaine

. La généralité comme motif de discorde


· Tension. Tournant du e siècle : la généralité comme thème de disper-
sion de recherches théoriquement unifiées
• Motif de convergence. Recherche d’un point de vue théorique général
sur les faits de langage comme objets socio-historiques
• Divergences. Objets (notions de “faits” et de “linguistique”), exten-
sion du domaine d’objets (définition d’un type précis de productions
humaines), méthode d’analyse des objets
· Régulation de la tension. Reconstitution de l’unité du divers : traite-
ment rétrospectif de la notion de « généralité » au niveau d’un ensemble
de possibilités stratégiques d’analyses dispersées (Foucault, )
Remarque . Par opposition : postuler la consistance propre
d’un mouvement théorique – e.g., le “structuralisme”

• Problématique unificatrice. Le rapport du langage aux langues


• Champ notionnel. “Langue”, “signe”, “structure”, “arbitraire”, . . .
• Style unifié. Traitement du général par abstraction (de l’empirique ou
purement spéculative)
· L’enjeu de la tension (-es s.). Condition de la disciplinarisation de
la linguistique comme science : définition de l’objet de la linguistique


CHAPITRE . CONCLUSION : LA LINGUISTIQUE ET LA GÉNÉRALITÉ 

. L’unité problématique de la linguistique


· La linguistique et les sciences humaines. Lieu commun : la linguis-
tique comme “science pilote”
• Le dilemme des sciences humaines. « ou assumer un statut scienti-
fique faible pour arriver à des résultat marquants, ou assumer un sta-
tut scientifique fort pour arriver à des résultats négligeables » (Ginzburg,
 – cité par Colombat, Fournier et Puech,  : )
• La sortie du dilemme. « Seule la linguistique est parvenue à se sous-
traire à ce dilemme devenant un modèle pour d’autres disciplines. »
(Ginzburg,  – cité par Colombat, Fournier et Puech,  : )
· Le cas du “souci de généralité. Problème (HESL) : inexistence de sortie
du dilemme unique et irréversible ← Preuve : le “souci de généralité” en
linguistique

Remarque . (Actualité du problème) Le syntagme “sci-


ences du langage” : la pluralisation comme indice du “souci
de généralité”

• Moyen-long terme. “Souci de généralité” : chronologie ni linéaire, ni


téléologique (enchaînement de fondation et de filiation)
• Court terme. “Souci de généralité” : champ de préoccupations hété-
rogènes et de modalités d’investigation variées

· Solution (HIL). Prise en compte de l’histoire longue (des théorisations)


de la description linguistique : connaissance des modalités variables de
réalisation de la généralité = condition réflexive nécessaire à la défini-
tion d’une généralité programmatique
• Enjeu théorique transversal. Le rapport du langage aux langues et
question de l’unité problématique des sciences du langage
Que serait une science de « la langue » sans la connais-
sance de la diversité des langues ? Une science du lan-
gage fondée sur l’universalité des opérations de la pen-
sée sans la prise en compte des particularités des sys-
tèmes linguistiques qui en rendent possible l’exercice ?

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CHAPITRE . CONCLUSION : LA LINGUISTIQUE ET LA GÉNÉRALITÉ 

Une science des langues sans la prise en compte de


la variation infinie des actes concrets de parole et de
leurs conditions de réalisation effective ?
(Colombat, Fournier et Puech,  : )

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Chapitre
A

L’arbitraire dans la terminologie saussurienne

arbitraire (adj.) = conventionnel, temps (solidaire au passé) met en échec


libre (→ liberté, nullité, vacuité ; l’arbi- à chaque instant la puissance de l’arbi-
traire du signe – s.m. – ), dans un traire’  > E /). Le terme ar-
sens sémiologique, abstraction faite des bitraire qualifie alors précisément α) le
facteurs temps et masse sociale, hors signifiant par rapport au signifié (‘qua-
de toute idée de choix, cf. a) langue ˚ lité arbitraire du symbole phonétique
‘conventionnelle, donc arbitraire, tota- qui n’a aucun rapport avec la signifi-
lement destituée d’un rapport naturel cation du mot’  > E /) ; β)
avec l’objet, absolument libre et sans loi ‘le lien unissant le signifiant au signi-
par rapport à lui, ˚ en elle-même le fié’  > E / (‘non seulement
produit non arbitraire et non libre de les deux domaines réunis par le fait
ce qui a précédé dans ce genre’  ; linguistique sont confus et amorphes,
– b) ‘le signe linguistique est arbitrai- mais le choix du lien entre les deux,
re’  > E / (mais : ‘le signe le mariage entre les deux est parfaite-
n’est pas arbitraire au sens où de dépen- ment arbitraire’  > E / ; γ)
dant du libre choix de l’individu ; il est peut-être, par extension, le signe par
arbitraire par rapport au concept’  rapport au → sons ou à la → suite
> E / ; ‘par rapport à l’idée, le de sons prélinguistiques (‘le rapport
signe apparaît comme librement choisi, par lequel en linguistique le son éveille
est arbitraire ; en revanche, par rapport l’idée, ou réciproquement, est un rap-
à la société humaine, qui est amenée à port arbitraire dans sa première ori-
l’employer, le signe n’est pas libre mais gine, au lieu que le lien du mouve-
imposé’  > E / ; ‘puissance ment physiologique avec le son [. . .]


ANNEXE A. ANNEXE 

reste tout le temps réglé par une loi -, Godel -.
physique’ . ; ‘le concept sœur n’est
lié par aucun rapport intérieur avec la . arbitraire (adj.) = immotivé.
suite de sons qui forme l’image acous- ‘Une partie seulement des signes seront
tique correspondante’ ) et le signe radicalement arbitraires, chez d’autres
par rapport à l’objet (extralinguistique, signes intervient un phénomène au
voir supra ) mais → objet, chose nom duquel on peut distinguer [des
peut valoir signifié, et → signe signi- degrés] d’arbitraire. [. . .] Le lien fon-
fiant, ainsi  : ‘il n’y a pas de rap- damental entre signe et idée arrive à
port entre le signe et la chose à dési- être relativement motivé - >
gner’ et ,  ‘objet à désigner’ ; – → E /. – l’arbitraire relatif . –
système, valeur. – Engler CFS , , Godel 
Rudolf Engler (). Lexique de la terminologie saussurienne.
Utrecht / Anvers : Spectrum : -

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Enseignant: Manuel Gustavo Isaac
Annexe B
Ferdinand de Saussure (). Cours de linguistique générale. Sous la dir. de Rudolf Engler. T. . Wiesbaden : O.
Harrassowitz : -

D  [suite de ] SM III  J  III C  [suite de ]
 Le signe linguistique est arbitraire.  Le signe linguistique est ar-  Le signe linguistique est arbitraire. Le

[] Le lien qui relie une image acous- bitraire. Cette phrase même pour- lien qui relie une image acoustique don-
tique donnée avec <un> concept déterminé rait évoquer la question de termi- née avec un concept déterminé et qui lui
et lui confère valeur de signe est lien radi- nologie et que nous tranchons par : confère sa valeur de signe est radicalement
calement arbitraire. [suite ] Le lien qui unit au concept l’image acous- arbitraire. [suite ]
tique. [suite ]
D  [suite de ] SM III  III C  [suite de ]
 <Personne ne contredit cette vérité>. J  [suite de ]  Tout le monde est d’accord.

Il est important de constater <cette vérité>  En effet, dans bien des occasions, ce  La place hiérarchique de cette vérité-là

et de lui donner la place qui lui revient, sa n’est pas difficulté de saisir les choses. est tout au sommet.
place hiérarchique. L’important est seulement de les consta-  Ce n’est que peu à peu que l’on finit
 Cette vérité qui paraît cre- ter pour donner à chaque fait sa valeur par reconnaître combien de faits différents


ver les yeux est tout au sommet, hiérarchique. ne sont que des ramifications, des consé-
 et toutes les conséquences n’appa-  La place de cette vérité-là quences voilés de cette vérité-là.
raissent pas avec une aussi grande évi- est tout au sommet. Si elle ap-
dence, car elles existent jusque dans une paraît comme crevant les yeux, III C  [suite de ]
foule de détails. [suite ]  nous ne voyons pas du premier coup  Le signe est arbitraire, c’est-à-dire que

toutes ses conséquences. C’est après bien le concept sœur par exemple n’est lié par
D  [suite de ] SM III  des détours que l’on distingue jusque dans aucun caractère, <rapport> intérieur avec
 Ainsi le concept sœur n’est lien par une foule de choses des effets voilés de cet la suite de sons s + ö + r /[] qui forme
aucun rapport intérieur avec la suite de axiome. [suite ] l’image acoustique correspondante. < Ce
sons qui forme image acoustique corres- concept pourrait tout aussi bien être re-
pondante. Ce concept pourrait tout aussi J  [suite de ] présenté par n’importe quelle autre suite
bien être représenté par n’importe quelle  Il n’y a aucune raison qui unit la suite de sons : il suffit de songer aux différentes
autre suite de sons : il suffit de songer aux de sons /[] s + ö + r au concept de sœur. langues.> En passant d’un langue à l’autre,
différentes langues. C’est ce qui explique que le concept bœuf on voit que le concept bœuf est aussi repré-
peut se dire Ochs ou bœuf. senté par la suite de son bos.
Annexe C
Ferdinand de Saussure (). Cours de linguistique générale. Sous la dir. de Rudolf Engler. T. . Wiesbaden : O.
Harrassowitz : 

D  [suite de ] SM III  S . [suite de ] III C  [suite de ]
 Il y avait quelque chose à ajouter au fait  Les choix qui appelle telle tranche  Il y a même quelque chose à ajouter au

lui-même ; nous y revenons maintenant. acoustique pour telle idée est arbitraire. fait lui-même, et j’y reviens maintenant.
 Non seulement ces deux domaines

entre lesquels se passe le fait linguistique


sont amorphes, <mais le choix du lien entre
les deux,> le mariage <entre les deux> qui
créera la valeur est parfaitement arbitraire.
 Non seulement les deux domaines  <Si ce n’était pas arbitraire, il y aurait à
réunis par le fait linguistique sont confus restreindre cette idée de valeur ; il y aurait
et amorphes, mais le choix du lien entre les un élément absolu.> Sans cela, les valeurs
deux, le mariage entre les deux, est parfai- seraient dans une certaine mesure absolues.
tement arbitraire.  Mais puisque ce contrat est parfaite-


ment arbitraire, les valeurs seront parfaite-
ment relatives. [suite ]

 Si ce n’était pas arbitraire, il y aurait à


restreindre cette idée de valeur ; il y aurait
un élément absolu. / []

 Mais les valeurs restent parfaitement


relatives parce que le lien est parfaite-  Aussi les valeurs sont-elles relatives.
ment arbitraire. [suite ] [suite ]
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