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Déléage l’écriture
www.lesbelleslettres.com
isbn 978-2-251-15001-7
Pierre Déléage
INV E N TE R L’ É CR I T UR E
Rituels prophétiques et chamaniques des Indiens
d’Amérique du Nord, XVIIe-XIXe siècles
Paris
les belles lettres
mmxiii
Introduction
7
Introduction
8
Introduction
9
Introduction
10
Introduction
11
Introduction
Écritures attachées
Une fois cette différence sémiotique entre écritures sélective et inté-
grale précisée, il convient de remarquer que toutes les écritures sélec-
tives doivent être considérées comme des écritures attachées. En effet, si
l’on se penche non plus sur leur sémiotique mais sur les modalités de
leurs usages, on constate qu’elles étaient toutes inséparables des dis-
cours qu’elles étaient destinées à transcrire, et donc de l’institution
rituelle qui faisait usage de ces discours. De ce point de vue, elles dif-
fèrent des écritures intégrales qui, elles, sont susceptibles de trans-
crire n’importe quel genre de discours, rituel ou non, et que, de ce fait,
on peut qualifier de « détachées ». On observera que cette distinction ne
concerne que les modalités d’usage des écritures : la différence entre
une écriture attachée et une écriture détachée n’est pas nécessairement
intrinsèque et il sera montré, en conclusion de ce livre, que certaines
écritures intégrales, potentiellement détachables, purent rester atta-
chées pendant longtemps tandis que d’autres demeurèrent attachées
tout au long de leur histoire10. Ce critère, issu d’une approche pragma-
tique de l’écriture, repose donc sur une relation nécessaire ou constitu-
tive entre une écriture, un genre discursif et une institution. Toutes les
écritures attachées que nous aurons l’occasion de décrire et de déchif-
frer dans ce livre appartenaient à des institutions rituelles – prophé-
tiques ou chamaniques.
Les écritures sélectives remplissaient parfaitement leur fonction :
stabiliser le mieux possible certains genres de discours qui faisaient éga-
lement, dans tous les cas, l’objet d’une transmission orale. De ce point
de vue, certaines d’entre elles, dans des conditions institutionnelles pré-
cises qu’il s’agira de déterminer, acquirent une indéniable stabilité, com-
parable à celle de nombreuses écritures intégrales. Elles ne tendaient
aucunement à devenir des écritures intégrales : de même que les réper-
toires graphiques de type héraldique n’ont aucune tendance interne à
devenir des techniques de stabilisation du discours, les écritures sélec-
tives ne furent pas une étape sur le chemin menant à la transcription de
l’ensemble des sons d’une langue. Contrairement à ce que présupposent
plus ou moins tacitement la plupart des historiens et des linguistes qui
ont daigné s’intéresser aux écritures sélectives11, aucune évolution uni-
linéaire ne conduit des écritures sélectives aux écritures intégrales. Tout
au plus peut-on constater que certaines écritures intégrales emprun-
tèrent quelques aspects de leur graphie aux écritures sélectives, de la
même manière que ces dernières purent parfois faire usage de l’icono-
graphie de traditions graphiques préexistantes. Il ne faut toutefois pas
penser que la seule comparaison possible entre écritures sélectives et
intégrales s’inscrive nécessairement dans un tel schème évolutionniste
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Introduction
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Introduction
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Introduction
15
Introduction
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Introduction
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Introduction
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Introduction
19
Introduction
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cartes
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carte 1
L’écriture de Charles Meiaskaouat, prédicateur montagnais
carte 2
Le grand livre de Neolin, visionnaire delaware
carte 3
La Bible de Kenekuk, prophète kickapoo
carte 4
La charte d’Abishabis et de Wasiteck, prophètes cris
Chapitre 1
L’ÉCRITURE DE CHARLES MEIASKAOUAT,
PRÉDICATEUR MONTAGNAIS
La vision de Charles Meiaskaouat
Autour de 1640, Charles Meiaskaouat, modeste Montagnais de
Tadoussac, se rendit à la résidence jésuite de Sillery afin d’y être bap-
tisé puis de s’y installer à demeure, « en une des maisons bâties à
la Française »1. Les Montagnais étaient alors un peuple algonquien
nomade, vivant au nord du fleuve Saint-Laurent. Pendant la première
moitié du XVIIe siècle, leurs relations avec les autorités coloniales
françaises avaient été tendues. Ces dernières s’étaient immiscées au
sein du commerce de fourrures auquel les Montagnais prenaient part
depuis longtemps. Elles avaient expulsé les marchands protestants,
interdisaient aux contrebandiers, dans la mesure du possible, l’accès
à leur territoire et imposaient un prix unique à la traite. De plus, elles
avaient accru leurs relations avec les Hurons voisins, riches pour-
voyeurs des fourrures les plus lointaines, interdisant aux Algonquins et
aux Montagnais de percevoir un droit de passage sur leur territoire. Il
semble que de ce fait les Montagnais reçurent favorablement les Anglais
à chaque fois que ceux-ci s’emparèrent de la Nouvelle-France.
C’est aussi la résistance de ces populations nomades vis-à-vis de la
sédentarisation qui poussa les jésuites à réviser leur stratégie de réduc-
tion et à lui substituer, du moins auprès d’eux, le principe de la « mis-
sion volante », c’est-à-dire d’une mission limitée aux périodes estivales
durant lesquelles les Montagnais revenaient sur les rives du Saint-
Laurent. Toutefois, à partir des années 1640, on constate un intérêt
nouveau de la part des Montagnais pour les missions catholiques : cer-
tains se sédentarisèrent et le nombre de baptêmes augmenta sensible-
ment. Les facteurs habituels étaient responsables de ce changement
progressif : épidémies sélectives, menace iroquoise, relative dépendance
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chapitre i
« Il nous a raconté qu’étant certain jour dans les bois, il vit un
homme vêtu comme nous et qu’il entendait une voix qui lui disait :
Quitte tes anciennes façons de faire, prête l’oreille à ces gens-là
et fais comme eux ; et quand tu seras instruit, enseigne à tes
Compatriotes ; Je ne sais, disait-il, si c’était la voix du grand Capitaine
du ciel, mais je voyais et concevais des choses grandes.
Je tins au commencement tout ce discours pour une rêverie de
Sauvage et j’ai passé plus d’un an sans y faire autre réflexion que
celle que je ferais sur un songe. Mais enfin voyant que ce bonhomme
s’efforçait de nous imiter le plus près qu’il lui était possible, selon sa
condition, voyant sa ferveur à embrasser et publier la foi, quoiqu’il
en soit de cette vision ou de ce songe, j’ai cru que ces bons effets ne
pouvaient provenir que de la Grâce de Jésus-Christ.
Si tôt qu’il eut entendu cette voix, il quitta de soi-même, sans
nous parler car il était bien loin de nous, toutes les folies de sa Nation,
les festins à tout manger, les chants superstitieux ; il quitta même les
choses indifférentes, comme de se peindre le visage, de s’oindre et
de se graisser les cheveux et la face, à la façon des autres Sauvages, il
quitta le pétun dont les Sauvages sont passionnés au-delà de ce qui
s’en peut dire.
Il se mit à prêcher ses gens, disant, qu’il fallait croire en Dieu,
qu’il nous fallait prêter l’oreille, qu’il fallait faire le signe de la Croix ;
c’est, disait-il, tout ce que je sais ; il le faisait à tout propos sans pro-
noncer aucune parole, n’ayant pas encore été instruit. Il parla si bien
aux Sauvages de Tadoussac et quelques-uns du Sagné qu’ils le délé-
guèrent à Québec pour venir quérir quelque Père de notre Compagnie
afin de leur enseigner des prières, c’est ainsi qu’ils parlaient3. »
28
L’ÉCRITURE DE CHARLES MEIASKAOUAT
29
chapitre i
Le calendrier rituel
En 1640, Meiaskaouat avait déjà commencé son activité de prédicateur,
cependant la réticence des jésuites à son encontre fit que celui-ci fut
gommé de leur Relation. On y trouve pourtant, pour la première fois, la
mention d’un calendrier dont les missionnaires s’attribuent l’initiative :
« Il nous vint demander un papier, nous priant d’y marquer tous
les jours : Marquez, disait-il, les jours de fête, les jours de travail, les
jours qu’on ne mange point de chair, les jours de jeûne, les jours
que vous jeûnez vous autres, et non pas les Compagnés, c’est ainsi
qu’ils nomment les hommes de travail, car je veux faire entièrement
comme vous. Lui ayant donné ce papier, il remarquait fort bien la dif-
férence des jours8. »
30
L’ÉCRITURE DE CHARLES MEIASKAOUAT
Ce passage doit de nouveau être lu entre les lignes. « Ceux qui leur
parlent quelquefois de la prière » sont certainement Meiaskaouat et
les deux « chefs » qui étaient ses disciples12 ; les missionnaires jésuites,
à propos de ces « trois chefs de famille », allèrent jusqu’à écrire qu’ils
« étaient si ardents à se faire instruire qu’ils nous lassaient13 ». On
remarque aussi un usage coordonné des calendriers de papier et des
chapelets ; peut-être qu’à cette époque les premiers étaient réservés
au prédicateur et à ses proches tandis que les seconds étaient diffu-
sés dans l’ensemble de la population. En effet, les jésuites distribuaient
alors beaucoup de chapelets, aussi bien chez les Hurons, où ils avaient
introduit l’usage de leur faire porter « leur chapelet au col comme
une marque de leur Foi14 », que chez les Algonquins et les Montagnais
nomades. Ces derniers avaient certainement remarqué l’analogie entre
ces chapelets et les wampum, les colliers de porcelaine des Hurons et des
Iroquois15, et c’est dans ce contexte qu’il faut interpréter le premier essai
de prosélytisme de Charles Meiaskaouat chez un groupe algonquien
voisin du sien :
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chapitre i
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L’ÉCRITURE DE CHARLES MEIASKAOUAT
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chapitre i
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L’ÉCRITURE DE CHARLES MEIASKAOUAT
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chapitre i
Et lorsque, quelques vingt ans plus tard, ces Abénaquis, chassés par
les Iroquois et les Anglais, vinrent chercher refuge à la résidence de
Sillery, Jacques Vaultier ne put que constater que cette technique s’était
relativement stabilisée, en dehors de tout enseignement missionnaire :
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Chapitre ii
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chapitre ii
Cette lettre de bois nanticoke était peut-être le livre indien aperçu par
John Martin Mack deux semaines plus tôt dans la vallée du Wyoming,
historiquement contrôlée par les Iroquois et naturellement reliée au vil-
lage d’Onondaga. Dans un cas comme dans l’autre, si les missionnaires
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LE GRAND LIVRE DE NEOLIN
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chapitre ii
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LE GRAND LIVRE DE NEOLIN
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chapitre ii
« Je crois avoir déjà mentionné l’imposteur qui est apparu parmi
les Delawares afin de leur montrer le vrai chemin du paradis. Ce plan
est dessiné soit sur une peau préparée, soit sur du papier ; la terre
y est en bas et le paradis en haut, une ligne droite joignant l’un à
l’autre, celle que leurs ancêtres empruntaient pour s’élever jusqu’au
bonheur. Vers le milieu, il y a un genre de grand carré interrompant
perpendiculairement ce chemin vers le bonheur et représentant les
Blancs ; autour il y a un grand carré formé de traits noirs circonscri-
vant l’ensemble à l’intérieur ; et vers la gauche, depuis l’habitat des
blancs, sont figurés plusieurs traits parallèles au carré ou à l’endroit ;
tous ces traits représentent des péchés et des vices que les Indiens
ont découverts à l’arrivée des Blancs et ils doivent maintenant tous
passer par là puisque la bonne route a été bloquée. L’enfer n’en est
pas très éloigné, ils y sont conduits irréversiblement. On dit que la
doctrine qui y est contenue et la manière d’y parvenir consistent à
apprendre à vivre sans commerce ni relation avec les Blancs, à s’ha-
biller et à survivre comme leurs ancêtres ; on dit aussi que l’impos-
teur prédit la survenue de deux ou trois bons conseils suivis d’une
guerre ; ces dires les convainquent tellement qu’ils ont presque tous
arrêté de chasser pour autre chose que pour leur subsistance17. »
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LE GRAND LIVRE DE NEOLIN
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chapitre ii
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LE GRAND LIVRE DE NEOLIN
« Ils disaient que tous ceux qui étaient du côté droit de la sur-
face quadrangulaire, ou monde (représenté sur la planche opposée),
allaient immédiatement au paradis après leur mort – ainsi qu’une
partie de ceux qui étaient en haut à gauche ; ceux qui étaient dans
le carré en bas à gauche étaient ceux qui étaient définitivement
45
figure 1
Le grand livre du prophète Neolin
LE GRAND LIVRE DE NEOLIN
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chapitre ii
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LE GRAND LIVRE DE NEOLIN
Voyez ce que nous avons perdu par notre négligence et notre déso-
béissance, en ne témoignant pas au Grand-Esprit notre gratitude
pour les bienfaits dont il nous a comblés, en négligeant de lui offrir
les sacrifices convenables, en regardant des hommes d’une couleur
différente de la nôtre, et venus d’au-delà du grand lac, comme s’ils
étaient nos frères, en leur permettant de s’asseoir auprès de nous,
en voyant avec indifférence qu’ils s’emparaient non seulement de
notre pays, mais aussi de notre avenue (en montrant sur la carte
l’espace laissé ouvert au nord nord-est), oui, de cette avenue qui
conduit à ces régions délicieuses qui nous étaient réservées. Telle est
la triste condition à laquelle nous sommes réduits. Qu’avons-nous
à faire maintenant, et comment réparerons-nous tous ces maux ?
Je vais vous le dire, mes amis, écoutez ce que le Grand-Esprit m’a
ordonné de vous communiquer ! Il faut que vous offriez des sacri-
fices de la manière que je vous indiquerai, que vous vous défassiez
entièrement des habitudes que vous avez contractées depuis que
les blancs sont parmi nous ; il faut que vous reveniez à cet état heu-
reux qui nous procurait la paix et l’abondance, avant que ces étran-
gers fussent venus nous troubler, et par-dessus tout, que vous vous
absteniez de boire de ce beson mortel qu’ils nous ont apporté, afin
de satisfaire leur avarice et pour diminuer notre population. Alors
le Grand-Esprit fera prospérer nos armes, alors il nous donnera la
force de vaincre nos ennemis, de les repousser de notre territoire et
de reconquérir le passage qu’ils nous ont enlevé et qui conduit aux
célestes régions.” […]
Il concluait ordinairement ainsi : “Maintenant, mes chers amis,
afin que ce que je viens de vous dire reste gravé dans votre esprit,
et pour vous en rafraîchir la mémoire de temps en temps, je vous
conseille de vous pourvoir, au moins dans chaque famille, d’un livre
pareil à celui-ci, j’aurai soin de vous le procurer, pourvu que vous
m’en apportiez le prix qui est seulement une peau de daim, ou deux
peaux de daines.” On apportait le prix demandé et on obtenait le
livre. Dans quelques-unes de ces cartes, il avait placé dans les régions
célestes, ainsi que dans celles du mauvais esprit, la figure d’un che-
vreuil et celle d’un dindon ; mais les premiers paraissaient gras et en
bon état, tandis que les autres n’avaient que la peau sur les os34. »
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chapitre ii
Neolin. Les trois premières relations sont les plus proches les unes des
autres mais il est certain que le missionnaire morave avait vu un docu-
ment semblable, même si son interprétation paraît fantaisiste, ce dont
il ne faut pas s’étonner, nous avons vu pourquoi. Examinons donc l’en-
semble des traits qui sont communs à chacune de ces descriptions.
D’abord de quoi est-il question ? D’un « livre » ou d’un « plan » selon
les mots du commerçant quaker, de « hiéroglyphes » selon l’ancien captif
des Delawares. Quant à Heckewelder, même s’il préfère le terme « carte
géographique », il est le seul à nous offrir la traduction du nom que les
Delawares eux-mêmes utilisaient pour se référer à ces inscriptions : le
« Grand Livre » ou les « Écritures ». On retrouve cet usage dans le récit
de Pontiac qui précise également que ces « écrits » furent directement
transmis par Dieu, par le Maître de la vie, et que l’origine de ces livres
était donc surnaturelle – ce que confirme Heckewelder selon lequel le
prophète avait tracé ces cartes « d’après les ordres du Grand-Esprit ».
À quoi ressemblaient ces livres ? Ils avaient la forme d’une grande
feuille de papier ou d’un parchemin carré ; au centre de ce cadre qua-
drangulaire était dessiné un autre carré ; le tout était orienté selon un
axe vertical et la partie gauche comportait diverses figures. Il s’agit là
des seuls éléments qui font consensus, ensuite les interprétations diver-
gent. Celle de James Kenny nous semble la plus claire, et, dans la mesure
où elle est très proche de celle du pseudo M’Cullough, elle sera utilisée
comme référence. L’axe vertical y réunit la terre au paradis au moyen
d’un chemin eschatologique vertical (« le vrai chemin du paradis ») ; ce
chemin est interrompu par un carré, symbole associé au monde des
Blancs, à partir duquel surgissent une multitude de chemins plus tor-
tueux dont certains se perdent vers la gauche de la carte, c’est-à-dire
vers l’enfer (on pense aux « traits » de la lettre nanticoke et aux « lignes
droites » du livre du vieux prêtre delaware de 1760). Singularité rappor-
tée par Kenny, le paradis comporterait la figuration d’un petit Dieu, pro-
bablement le Maître de la vie – peut-être faut-il la mettre en rapport avec
la mention par Heckewelder des figures de chevreuil et de dindons, gras
au paradis, rachitiques en enfer ; et peut-être aussi avec la figure démo-
niaque du « Mahtan’tooh » (le manitou d’Heckewelder) représentée par
le pseudo M’Cullough. D’une manière générale, la description de ce
dernier s’accorde bien à l’ensemble de ce schème global : unique varia-
tion significative, les chemins menant vers l’enfer, plutôt que nommés
« vices », sont considérés comme des « punitions » par le feu, ordonnées
semble-t-il selon une logique de gradation. Par contre, les commen-
taires pourtant beaucoup plus longs de John Heckewelder diffèrent sur
de nombreux aspects de ces interprétations même si l’apparence maté-
rielle du livre semble globalement être la même35.
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LE GRAND LIVRE DE NEOLIN
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chapitre ii
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LE GRAND LIVRE DE NEOLIN
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Chapitre iii
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figure 2
Carte eschatologique du prophète Kenekuk
LA BIBLE DE KENEKUK, PROPHÈTE KICKAPOO
« Mon père, je vais vous expliquer ce que m’a dit le Grand Esprit –
pour y parvenir, je dois d’abord tracer quelques marques. Le Grand
Esprit dit : Mon père, nous sommes partis de ce point (A). Et mainte-
nant nous sommes ici (B). Quand nous serons là (C), le Grand Esprit
m’apparaîtra de nouveau. Ici (B) le Grand Esprit a béni les Indiens et
leur a dit de dire à Son peuple de jeter ses sacs-médecine et de ne
plus voler, de ne plus mentir, de ne plus tuer, de ne plus se quereller
et de brûler ses sacs-médecine6. S’ils ne le faisaient pas, ils ne pour-
raient plus suivre le droit chemin, ils devraient emprunter le détour
vicieux des damnés, ici (D). Que quand nous atteindrons cet endroit
(la ligne courbe E), nous ne serions pas capables de le traverser à
moins d’avoir tous été bons. C’était du feu. Que nous devrions aller à
cet endroit (E), où tous les chefs rouges seraient réunis, où il y aurait
un grand prêche. Que si nous n’avions pas abandonné toutes nos
mauvaises manières, ces deux extrémités se rencontreraient (D et E),
et alors le Grand Esprit détruirait tout et le monde serait renversé.
Que si nous étions bons et abandonnions nos mauvaises manières,
nous traverserions le feu et nous traverserions l’eau (deuxième
ligne). Nous arriverions alors dans un pays où il n’y a qu’une prairie
et où rien ne pousse. Là le soleil nous serait caché par quatre nuages
noirs. Quand nous atteindrons ce lieu (C), le Grand Esprit nous expli-
quera ces autres marques circulaires7. »
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figure 3
Le prophète Kenekuk
figure 4
Ahtónwetuck, disciple de Kenekuk, récitant sa prière
figure 5
Mashéena, un autre disciple de Kenekuk
figure 6
Onsáwkie, disciple potawatomi de Kenekuk
chapitre iii
Cette fois, élément nouveau, il est aussi question d’un « Livre » que
Dieu a transmis aux Kickapoos de la vallée du Vermillion. De quoi
s’agit-il ? De la Bible chrétienne comme l’imaginaient très certainement
les lecteurs de l’Illinois Monthly Magazine ? Ou de tout autre chose comme
le donne à penser le fait que ni Kenekuk, ni l’immense majorité des
Kickapoos ne savaient lire à cette époque ? Plus loin dans le sermon, un
autre passage fait référence à ce « Livre » :
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figure 7
La Bible kickapoo
chapitre iii
introduits par ses soins dans chacune des familles de la tribu et mis
entre les mains de chaque individu. Et comme c’est à lui que revient
nécessairement la fabrication de ces objets, il les vend au prix qui
lui convient. De ce fait, il ajoute le gain à la renommée et augmente
son influence au sein de la tribu de deux manières essentielles et
efficaces.
Chaque homme, femme et enfant de la tribu, dans la mesure où
j’ai pu m’en rendre compte, a pour habitude de dire sa prière à l’aide
du bâton, en se couchant le soir et également en se levant le matin.
Cela se fait invariablement en plaçant l’index de la main droite sous
le caractère du haut jusqu’à ce qu’ils aient répété une phrase ou deux
qui leur étaient ainsi suggérées ; on faisait ensuite glisser le doigt
sous le caractère suivant, puis celui d’après et ainsi de suite jusqu’à
l’extrémité inférieure du bâton, ce qui prend au total une dizaine de
minutes car le tout est intégralement chanté, ou plutôt psalmodié14. »
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LA BIBLE DE KENEKUK, PROPHÈTE KICKAPOO
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chapitre iii
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LA BIBLE DE KENEKUK, PROPHÈTE KICKAPOO
McCoy opère donc une distinction entre les deux séquences suc-
cessives de la nouvelle cérémonie instaurée par Kenekuk : d’abord un
prêche monologique du prophète, au cours duquel il est tout à fait pos-
sible qu’il traçait sur le sol sa carte eschatologique, et ensuite de longs
chants à l’unisson qui apparaissent comme des lectures des bâtons. On
sait par le témoignage d’Allis que ces chants étaient également accom-
pagnés de danses circulaires au cours desquelles femmes et hommes
étaient rigoureusement séparés : tous « marchaient en cercle, trois ou
quatre fois de suite » ; il n’est, de ce fait, pas impossible que le nombre
de répétitions des chants était corrélé à celui des cercles chorégraphiés.
À la fin de ces danses, les participants se serraient la main24. La descrip-
tion de McCoy se poursuit ainsi :
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chapitre iii
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LA BIBLE DE KENEKUK, PROPHÈTE KICKAPOO
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chapitre iii
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LA BIBLE DE KENEKUK, PROPHÈTE KICKAPOO
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chapitre iii
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LA BIBLE DE KENEKUK, PROPHÈTE KICKAPOO
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Chapitre iv
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chapitre iv
déchiffrer un texte écrit par un Indien qui n’a pas rencontré de mission-
naire depuis notre entretien lundi dernier. Il s’agissait d’un hymne et
les caractères étaient ceux inventés par le révérend J. Evans. Quelques
Indiens de York avaient en leur possession les documents originaux de
Norway House et ceux-ci en étaient la copie qu’ils avaient communiquée
aux Indiens de Severn. […] Je n’eus aucun succès dans mes tentatives de
comprendre cette écriture5 ».
Plusieurs aspects caractérisent cette foudroyante diffusion du syl-
labaire cri. D’abord, l’écriture fut, dans un premier temps, indisso-
ciable du texte qu’elle transcrivait, c’est-à-dire des quelques hymnes
chrétiens traduits par James Evans6. Dans ce contexte où l’écriture
était « attachée », apprendre à écrire, c’était aussi apprendre à chan-
ter. Apparemment enthousiastes, les Cris s’enseignèrent les uns aux
autres, de manière autonome, sans école et dans le cadre familial, l’art
de déchiffrer et de recopier des textes précis qu’ils récitaient ensuite à
voix haute7. Ils écrivaient parfois sur de l’écorce de bouleau, un support
utilisé traditionnellement pour d’autres formes d’inscriptions, de type
cartographique8. Les Cris s’approprièrent donc très rapidement l’art de
l’écriture dans la mesure où d’une part il se substitua à des pratiques
d’inscription traditionnelles et où d’autre part il se transmit en même
temps, et de la même manière, que les autres techniques de subsistance
qui formaient le quotidien de leur existence9.
C’est dans ce contexte qu’il faut replacer le mouvement prophétique
qui se propagea chez les Cris de l’ouest de la Baie James à partir de l’hiver
1842. Dès le 4 septembre, John Cromartie, le commerçant responsable du
poste de Severn House, écrivait : « Ils m’exaspèrent […] parce que chan-
ter des psaumes et peindre des livres ont été leurs seules occupations
depuis trois semaines10. » De quoi s’agissait-il ? Les Cris ne faisaient alors
que recopier les hymnes transcrits dans le syllabaire de James Evans et
cet exercice était associé à une lecture à voix haute, bien évidemment
chantée ; toutefois, le caractère quelque peu obsédant de cette acti-
vité rituelle pouvait déjà sembler intrigant. Mais peut-être que le terme
« livre » ne faisait pas ici référence aux seuls hymnes écrits.
En effet quelques mois plus tard, le 8 juin 1843, George Barnston, offi-
cier de la Compagnie de la Baie d’Hudson en charge de Fort Albany, put,
avec effroi, observer cet enthousiasme cérémoniel se répandre. C’est
alors qu’il vit un Indien qui « se fiait, pour tous ses besoins, aux chartes
qu’il avait en sa possession et qui montraient les chemins conduisant au
ciel et à l’enfer. Ces rayures insignifiantes, faites sur du papier ou du bois,
il ne cessa de les regarder, à compter du moment où il planta sa tente à
l’automne jusqu’à l’heure de sa mort11 ». Alarmé par le danger potentiel
que représentait selon lui cette nouvelle religion, Barnston organisa un
76
LA CHARTE D’ABISHABIS ET DE WASITECK
« L’un d’eux toutefois, plus subtil que les autres, semblable en cela
à Mahomet, eut l’idée d’amalgamer les parties de la révélation dont
il avait pris connaissance avec les ingénieuses inventions de son
propre esprit. Avec l’aide d’un habile complice, il conçut que le règne
déclinant des ténèbres pouvait non seulement être sauvé d’une
ruine définitive, mais qu’il pouvait aussi être magnifié par ces frag-
ments de vérité.
En conséquence, ces deux individus prirent congé de leur société
afin de mûrir leurs plans ; puis, suite à une longue absence, ils se
77
chapitre iv
Les deux prophètes dont il est question dans cette lettre sont connus
par le biais d’autres sources16. Il semble que le plus charismatique fut
Abishabis, celui qui se faisait nommer Jésus-Christ ; de son compagnon
on ne connaît que le nom qu’il s’était donné à la suite de leur vision,
Wasiteck, qui signifie en effet « Lumière » en cri. L’hypothèse de Barnley
était juste : les deux prophètes avaient trouvé leurs noms dans les textes
imprimés par James Evans – ils maîtrisaient donc l’art de la lecture
rituelle.
Dans le Cree Syllabic Hymn Book imprimé et diffusé par Evans en 1841,
le premier chant [figure 8] commençait ainsi :
78
figure 8
Premier hymne du Cree Syllabic Hymn Book
de James Evans (1841)
chapitre iv
80
LA CHARTE D’ABISHABIS ET DE WASITECK
prophètes. C’est pour cela qu’au printemps 1843 il se propagea, par l’in-
termédiaire de deux nouveaux prédicateurs, jusqu’à Fort Albany :
81
Chapitre v
ÉCRITURES DE PROPHÈTES
83
chapitre v
84
ÉCRITURES DE PROPHÈTES
Chacun des mouvements étudiés établit son propre ratio entre ces trois
aspects. Ainsi, Neolin ne fit vraisemblablement guère que recycler la
liturgie traditionnelle de la cérémonie de la Grande Maison qui, à son
époque, connaissait une certaine déshérence. La narration à voix haute
de récits de visions personnelles constituait le cœur de ce rituel3 et il
est probable que celui de Neolin ait été, dans un premier temps, inclus
dans ces séries de récitations. Cependant, il se singularisa rapidement
en acquérant une valeur dépassant largement la seule personne du pro-
phète et sa répétition correcte devint un élément constitutif du nou-
veau rituel collectif. On ne sait pas si le prophète introduisit de nou-
veaux chants distincts de ce récit de vision, mais dans tous les cas il est
clair que la nouvelle vision de Neolin conféra à l’ancienne cérémonie
une nouvelle épistémologie, non traditionnelle, liée aux instructions du
Maître de la vie.
Les cas de Meiaskaouat et des prophètes cris, Abishabis et Wasiteck,
sont quant à eux assez similaires du point de vue de leur liturgie :
ils intégrèrent des chants rituels empruntés aux chrétiens dans un
contexte chamanique qui provenait de leurs propres traditions. La céré-
monie propagée par Meiaskaouat se réduisait pour l’essentiel à la récita-
tion de chants catholiques. On ne sait pas si le récit de sa vision fit par-
tie intégrante de ces cérémonies ; tout au plus est-il possible d’affirmer
que les chants catholiques étaient dotés, dans ce contexte assez claire-
ment chamanique, d’une nouvelle épistémologie : ils étaient désormais
destinés à rendre la chasse heureuse, peut-être à guérir les maladies. Il
ne fait pas de doute que c’était le récit de la vision singulière du prédi-
cateur qui permettait à ses disciples de comprendre à la fois l’autorité
de ces nouveaux chants (qui superposait le prestige relatif des mission-
naires jésuites, l’exotisme de leur Dieu et le charisme du prédicateur) et
la finalité de leur usage (en continuité avec le chamanisme le plus tradi-
tionnel). Deux cents ans plus tard, les prophètes cris firent à peu près la
même chose avec des chants wesleyens, à ceci près qu’ils empruntèrent
aussi l’écriture syllabique avec laquelle ils étaient transcrits et impri-
més ; il est également possible que leur rituel incorpora la répétition
cérémonielle de leur vision prophétique.
Les innovations liturgiques du prophète kickapoo, Kenekuk, sont
plus délicates à cerner. Les missionnaires protestants voyaient dans son
rituel une variante de la messe catholique, ce qui n’est pas impossible
mais à un niveau de généralité extrêmement élevé. Il est par ailleurs
difficile de savoir si la cérémonie entretenait une quelconque forme de
continuité avec des traditions kickapoos faute de données historiques
circonstanciées. De toute façon, il est un peu vain d’essayer de retra-
cer la provenance de chacun de ses éléments rituels. Il importe avant
85
chapitre v
86
ÉCRITURES DE PROPHÈTES
87
chapitre v
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ÉCRITURES DE PROPHÈTES
89
chapitre v
90
Chapitre vi
91
chapitre vi
92
L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
Ils entrent dans la loge par la porte du levant, en font le tour par le
sud, l’ouest, le nord, et reviennent se mettre le long du côté oriental
de la loge, faisant front au centre. Les mizhinaweg prennent les pré-
sents des mains du candidat, et vont les suspendre par deux cordes,
à une certaine distance. La Faculté refait un autre tour dans le même
sens, en chantant un autre air, avec les seuls mots :
93
chapitre vi
L’un des huit fait une harangue sur le pouvoir des manidos de gué-
rir ou de rendre malade, pouvoir donné aux Mide, et transmis d’âge
en âge jusqu’à eux. Après la harangue, le candidat se lève et fait le
tour de la loge, s’arrêtant pour regarder tous les membres, et leur
disant à chacun, un mot de salut qu’il accompagne d’un mouvement
de la main, comme s’il les comptait, ou comme s’il les bénissait. […]
La Faculté se lève, se déplace et chante une chanson :
94
L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
Plus d’un siècle sépare ces comptes rendus et pourtant les deux céré-
monies apparaissent des plus semblables. Ce que décrivaient les deux
auteurs n’était autre que le rituel d’initiation de la société chamanique
des Ojibwas, nommée « Midewiwin ». Plusieurs aspects clefs y étaient
d’emblée présentés : le caractère collectif et hiérarchique de la cérémo-
nie, la loge rituelle (cabane ou enceinte) qui l’accueillait temporaire-
ment, les harangues, les danses, la musique, les chants et surtout, cli-
max de la cérémonie, le meurtre rituel du candidat à l’initiation puis sa
résurrection, l’un et l’autre accomplis par les initiés grâce à un sac-mé-
decine zoomorphe [figure 9]. Nicollet s’attardait également sur les
sueries dans lesquelles le candidat devait se décrasser, sur les présents
qu’il devait distribuer aux initiés et sur le festin que tous partageaient
par la suite. Il ne s’agissait là que de la partie publique, la plus spectacu-
laire, des activités rituelles de la société. Suite à cette initiation, le pré-
tendant devait s’engager dans un long apprentissage au cours duquel lui
étaient transmis de nombreux remèdes et chants chamaniques. Selon
les termes de Nicollet, « être reçu Mide, n’est pas plus pour les sau-
vages, qu’un étudiant qui vient d’être reçu docteur, pour nous. Il faut
une longue pratique, apprendre les mille et mille chansons, les plantes
manidos ou gouvernées par les manidos3 ». C’est dans le cadre de cet
95
figure 9
Le « tir » du migis
L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
97
chapitre vi
98
L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
99
figure 10
Poteaux funéraires armoriés
figure 11
Recensement ojibwa
figure 12
Une carte ojibwa
Cette carte est centrée sur le fleuve et ses affluents. Son auteur appartient aux
personnes représentées dans les trois canoës. Le personnage à la proue du pre-
mier canoë en partant de la droite appartient au clan des Pics et celui à la poupe
au clan des Serpents ; les personnages aux deux extrémités du canoë du milieu
appartiennent respectivement aux clans du Poisson-Chat et de l’Ours ; le per-
sonnage du dernier canoë est du clan du Loup. Ces trois groupes de voyageurs
se sont arrêtés deux nuits à un lieu situé après la jonction du fleuve et de l’un de
ses affluents (trois tentes contenant une marmite et deux traits verticaux) et ont
vu, sur un autre affluent à l’embouchure duquel ils ont laissé un bâton incliné,
trois Sioux dont deux étaient armés de fusils (Densmore 1929, p. 178-179).
chapitre vi
« Quoique les Indiens soient très habiles à tracer des pays sur de
l’écorce d’arbre au moyen de charbon de bois mêlé avec de la graisse
d’ours (ce que les femmes font avec beaucoup d’adresse), il est bon
d’observer que la longueur de la marche d’une journée est cependant
très indéterminée et ne peut en conséquence donner aucun rensei-
gnement géographique. Pour preuve de cette remarque, il suffira, je
l’espère, de considérer que leurs plans consistent surtout en lacs et
en fleuves parce qu’ils font rarement de longs voyages par terre ; et
lorsqu’on y trouve décrite une route par terre, c’est peut-être seule-
ment quelque court portage qu’ils ont à traverser pour pouvoir conti-
nuer le voyage sur leur élément favori22. »
« Le langage figuré des Indiens est purement limité à leurs besoins
quand ils voyagent, ou qu’ils vont à la guerre ou à la chasse, pour
faire connaître ce qu’ils deviennent, d’où ils viennent, où ils vont, ce
qu’ils vont faire, les événements qu’ils rencontrent, les nouvelles du
pays qu’ils traversent.
Ils consignent toutes ces choses, aux embouchures des rivières,
sur les bords des lacs, aux endroits de portages, et toujours dans les
lieux les plus apparents et où il passe le plus de voyageurs qui sont
les messagers de ces dépêches. Le système consiste à faire connaître
où l’on peut être rejoint, retrouvé. […]
Lorsqu’ils veulent faire connaître les personnes, ils tracent près
de chacune d’elles l’animal, ou l’objet qui est la marque de son todem ;
souvent, lorsqu’ils sont pressés, ils se dispensent de dessiner les per-
sonnages, et se contentent de les indiquer par leurs todems23. »
102
L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
« Chacun se fait un Dieu dès son bas âge, qu’il révère ensuite le
reste de ses jours, avec des vénérations superstitieuses et ridicules.
C’est lui qu’ils croient être l’auteur unique de leur bonne fortune,
en toutes leurs entreprises de guerre, de pêche, et de chasse ; aussi
en portent-ils le hiéroglyphe ineffaçable, peignant sur leur peau
comme avec le burin, les figures de la Divinité qu’ils ont choisie24. »
103
figure 13
Emblème de vision peint sur une couverture
figure 14
Figures de gibier
L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
105
chapitre vi
106
figure 15
Un initié copiant un texte sélectif
chapitre vi
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L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
109
figure 16
Texte sélectif gravé sur écorce de bouleau recueilli
par Walter Hoffman (chant d’initiation).
chapitre vi
112
L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
113
chapitre vi
114
L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
115
chapitre vi
Donagani Donagani
Donagani Donagani
Donagani Donagani
Nakwawe Indoshiton
Donagani Donagani
Donagani Donagani
Donagani Donagani
Manidoiyani Manidoiyani
Manidoiyani Manidoiyani
Manidoiyani Eshkote nidowe yo we
Manidoiyani Manidoiyani
Manidoiyani Manidoiyani
116
L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
Kotshihaioni Kotshihaioni
Kotshihaioni Kotshihaioni
Kotshihaioni Kotshihaioni
Kotshihaioni Kotshihaioni
Eshkote waniyo Kotshihaioni
Kotshihaioni Kotshihaioni
Nimegasi Manidowe we he
Nimegasi Manidowe we he
Shagodzhihina
Nimegasi Manidowe we he
Nimegasi Manidowe we he
Ekotshinaha Ekotshinaha
Ekotshinaha Ekotshinaha
Ekotshinaha Ekitshi Manidowe dowe
Ekotshinaha Ekotshinaha
Ekotshinaha hea
Heawinondamani he Heawinondamani he
Heawinondamani he Heawinondamani he
Manido Midewi he Nemadawidzhig
Heawinondamani he he he
Manidoweani he Manidoweani he
Manidoweani he Manidoweani he
Manidoweani he Eshkatoweani he
Manidoweani he Manidoweani he
Heasiwikitte he Heasiwikitte he
Heasiwikitte he Heasiwikitte he
Nasimagot ninde he Heasiwikitte he
117
chapitre vi
Heasiwikitte he Heasiwikitte he
Heasiwikitte he
Cet exercice de restitution des paroles exactes d’un chant n’est ici
accompli que pour donner à voir sa structuration poétique. Hoffman
précise que chaque strophe pouvait être continuée ad libitum par la
simple répétition des énoncés que nous n’avons pas isolés en gras : cette
transcription ne restitue donc que l’ossature minimale de chants dont
la profération pouvait requérir une assez longue durée. Tout au long du
chant, il est clair que le vocabulaire utilisé n’est pas celui de la vie quo-
tidienne, Hoffman le fait remarquer à plusieurs reprises en indiquant
également le terme commun ; souvent il ne s’agit que de différences de
prononciation, une consonne étant remplacée par une autre de manière
systématique (ce qui pourrait d’ailleurs constituer des emprunts à la
phonologie de langues ou de dialectes voisins) ; parfois le chanteur
introduit des syllabes supplémentaires, dépourvues de sens, à l’inté-
rieur des mots. De plus, divers procédés sémantiques devaient com-
plexifier la surface du chant, mais ils nous resteront à peu près inac-
cessibles, faute d’une traduction fiable. Il est par exemple possible que
le terme « esprit » (manido) de la sixième strophe se réfère à un sac-mé-
decine qui a la forme de « l’esprit » d’un animal ou que le terme « feu »
(eshkote) dans les deuxième et troisième strophes fonctionne comme un
substitut comparable à ceux que décrit Skinner pour les chants meno-
minis – Hoffman ne nous en fournit cependant pas la clef. Tout au plus
118
L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
sait-on que le terme « parents » (nikani) désigne ici les membres initiés
de la société chamanique.
Au niveau proprement formel, on observe d’une part l’usage de syl-
labes euphoniques et de répétitions partielles destinées à « remplir » la
structure rythmique du chant68 et d’autre part un parallélisme généra-
lisé. Il est difficile d’affirmer que les unités sonores de « remplissage »
étaient entièrement dénuées de sens, car il est toujours possible d’en
conférer aux syllabes échoïques postposées, surtout dans une langue
à morphologie suffixale comme l’ojibwa. Mais il est clair que des échos
tels que Manidowe nidowe ya opèrent par élision d’une syllabe, ici le
ma de manidowe. Ces enrichissements et appauvrissements de la sur-
face sonore du chant constituaient certainement, selon les mots de
Skinner, de puissantes « techniques destinées à rendre le rituel inintelli-
gible pour les spectateurs69 ». Finalement, la structure globale de chaque
strophe du chant apparaît assez systématisée :
AA
AA
AB
AA
ad lib.
119
chapitre vi
« Mon plat
À midi, je le fabrique
Je suis un esprit
Je suis un esprit, mon esprit de feu
J’ai essayé
En feu, j’ai essayé
Mon esprit Migis
Avec lui, je vaincs la mort
C’est ainsi, mon esprit
Mon esprit
Je suspends
Je suspends mon esprit
Laissez-leur porter
Les esprits, à ces Mide assis en cercle
Celui qui dort
J’apporte un esprit à mon parent
Je suis un esprit
Je suis un esprit, je suis le feu
Il se penche
Mon cœur souffle, il se penche
Parents, j’essaie
Je tiens ce que j’ai apporté
Qui est ce grand Mide, ce Mide peu puissant ?
Qui est ce grand Mide, ce grand Mide ?
Je ne peux l’atteindre
Quand je tourne, quand je suis assis
Je ne peux le tirer, je ne peux le tirer. »
120
L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
121
chapitre vi
122
L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
Les chartes
C’est Johann Georg Kohl qui, au cours de son expédition de 1855, fut le
premier à reproduire et à décrire un second genre d’inscription propre à
la société chamanique du Midewiwin. Mangusid, le chef de la bande de
Fond du Lac, lui montra une charte gravée sur chacune des faces d’une
écorce de bouleau. Le commentaire que Kohl adjoint à la reproduction
de cette charte [figure 18] est significatif : « Je ne le compris pas entiè-
rement, en partie à cause du laconisme de mon mentor qui n’éprouvait
aucun désir de révéler ces mystères et en partie parce que rien, dans
cette affaire, n’est très clair105. » Plus loin, il ajoute : « Lorsque je deman-
dai à Mangusid ce qu’était la figure n°1 [une partie du recto de la charte],
123
figure 17a
Le corpus d’écrits sélectifs publié par Edwin James
Chant de Mide pour la chasse, p. 341-344.
figure 17b
Le corpus d’écrits sélectifs publié par Edwin James
Chant de Mide, p. 345-347.
figure 17c
Le corpus d’écrits sélectifs publié par Edwin James
Chant de Mide pour la chasse, p. 348-350.
figure 17d
Le corpus d’écrits sélectifs publié par Edwin James
Chant pour la chasse, p. 351-362.
figure 17e
Le corpus d’écrits sélectifs publié par Edwin James
Chant pour la chasse, p. 363-368.
figure 17f
Le corpus d’écrits sélectifs publié par Edwin James
Chant pour la chasse, p. 369-372.
figure 17g
Le corpus d’écrits sélectifs publié par Edwin James
Chant thérapeutique, p. 373-375.
figure 17h
Le corpus d’écrits sélectifs publié par Edwin James
Chant thérapeutique, p. 376-378.
figure 17i
Le corpus d’écrits sélectifs publié par Edwin James
nt de guerre, p. 379-380.
figure 18
Charte du Midewiwin publiée par Johann Georg Kohl
L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
131
figure 19
Charte de Red Lake
L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
133
figure 20
Charte d’origine de Sikas’sige
chapitre vi
136
figure 21
Combinaison d’une charte d’origine et d’une charte des quatre degrés
figure 22
Charte d’origine publiée par William Jones
chapitre vi
138
figure 23a
Charte de loge fantôme publiée par Walter Hoffman
figure 23b
Charte de loge fantôme publiée par Ruth Landes
figure 24
Le destin de l’âme après la mort
L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
141
figure 25
Charte de migration
L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
Midewiwin et christianisme
Les chamanes ojibwas nommèrent leurs écrits sélectifs de diverses
manières : selon Schoolcraft, « les indigènes les appellent Nugamoon-un,
c’est-à-dire “chants”133 » ; plus loin, il remarque qu’ils sont parfois nom-
més « cartes », en français dans le texte134. Kohl, quant à lui, écrivit :
« Les Indiens nomment “masinaigan” les morceaux d’écorce de bouleau
employés pour écrire. Le terme dérive du verbe nin masinaige (“Je fais des
signes”) et se réfère à toute chose sur laquelle des signes sont inscrits.
Ils donnent aussi au papier et aux livres le même nom135. » L’ensemble
de ces termes évoque un champ sémantique qui nous est maintenant
familier : si la dénomination « chant » n’est qu’une métonymie, nous
avons à plusieurs reprises rencontré les expressions « carte » et « livres »
(masinaigan) chez les prédicateurs et prophètes algonquiens des siècles
précédents. Si l’on prend cette continuité au sérieux, il convient d’inter-
roger plus avant la relation que le Midewiwin pouvait entretenir avec le
christianisme et ses livres.
Les potentielles influences de l’Église chrétienne sur la société
rituelle hiérarchisée des Ojibwas ont fait couler beaucoup d’encre. Il
n’est par exemple pas impossible que la présence des Jésuites dans la
région des Grands Lacs à la fin du XVIIe siècle ait joué un rôle indirect
au moment de la mise en place de la configuration rituelle de la société
du Midewiwin. Par la suite, au cours du XVIIIe siècle, c’est-à-dire au
143
chapitre vi
144
L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
Midewiwin et Jaasakid
« Dans les anciens temps, les gens de notre peuple n’avaient pas
d’éducation. Ils n’étaient pas instruits par les livres et par les pro-
fesseurs. Toute leur sagesse et tout leur savoir provenaient de leurs
visions » – Une femme ojibwa au début du XXe siècle143.
145
figure 26
Vision de Jaasakid publiée par Henry Schoolcraft
figure 27
Visions de Jaasakid publiées par Walter Hoffman
L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
147
chapitre vi
par le biais d’une vision dont le contenu était hautement variable, per-
sonnel et syncrétique tandis que les Mide apprenaient un savoir doctri-
nal extrêmement stable dans le cadre d’une institution de type scolaire
et à l’aide de techniques d’inscription147. Cette opposition institution-
nelle constitue un phénomène historique : le développement d’un cha-
manisme doctrinal, dans le cadre du Midewiwin, mit progressivement
de côté les expériences visionnaires qui, selon le témoignage de Raudot,
en faisaient encore partie au début du XVIIIe siècle, tandis que les cha-
manes Jaasakid se focalisèrent de plus en plus nettement sur l’étiologie
visionnaire des maladies, délaissant la liturgie thérapeutique aux ini-
tiés Mide. Cette dynamique historique explique aussi, au moins en par-
tie, que la société Midewiwin se soit engagée de plus en plus au cours du
XVIIIe siècle vers un accroissement du savoir rituel transmis, vers une
complexification de ce savoir ésotérique et, surtout, vers une canonisa-
tion de ses discours rituels qui devaient être répétés avec la plus grande
exactitude, à la différence des pratiques discursives des chamanes
Jaasakid qui étaient toujours « inspirées » ou improvisées.
Cette opposition institutionnelle, qui était aussi une complémenta-
rité, permet également de comprendre plus précisément la nature des
techniques d’inscription des discours du Midewiwin. Car les Jaasakid
aussi produisaient parfois des images ; selon les mots de Schoolcraft,
« les symboles du Midewiwin […] sont accessibles à tous ceux qui sont
admis dans la société secrète. Mais l’art des prophètes [les Jaasakid] se
suffit à lui-même. Il est exclusif, singulier, personnel et expérimental148 ».
Ainsi, il arrivait que les Jaasakid dessinent les entités qui peuplaient
leurs visions, avec lesquelles ils étaient capables d’interagir durant leurs
séances de divination – ce faisant, ils ne faisaient que développer la tra-
dition iconographique des emblèmes de vision [figures 26 et 27]149.
Cependant ces dessins, dont la fonction est quelque peu mystérieuse,
demeuraient personnels, souvent secrets, et ne faisaient l’objet ni d’une
transmission, ni d’un usage pédagogique. Tout le contraire des écritures
de chants et des chartes du Midewiwin qui n’existaient que pour accom-
pagner la mémorisation de traditions discursives complexes qu’il s’agis-
sait d’une part de conserver sous une forme canonique et d’autre part de
transmettre de la manière la plus efficace possible.
Les constantes innovations iconographiques des Jaasakid n’eurent
d’égales que celles, potentiellement infinies, d’un « scribe » que rencon-
tra Kohl en 1855 [figure 28]. Voici le récit qu’il en fit :
148
figure 28
Le dessin d’un scribe ojibwa
chapitre vi
150
L’ÉCRITURE ET LES CHARTES DU MIDEWIWIN
figure 29
Transcription alphabétique d’un chant du Midewiwin
151
chapitre vi
152
Chapitre vii
ÉCRITURES DE CHAMANES ET
ÉCRITURES DE PROPHÈTES
Épistémologie et liturgie
On retrouve dans la société Midewiwin les deux dimensions du dis-
cours rituel que nous avons repérées chez les prophètes algonquiens.
Tandis que chez ces derniers les représentations épistémologiques des
rituels étaient transmises dans des récits de vision, les chamanes du
Midewiwin se transmirent ces représentations dans le cadre de l’ap-
prentissage et de la récitation d’un mythe d’origine. Le mythe se subs-
tituait ainsi à la vision : un discours attribué aux ancêtres et aux enti-
tés fondatrices de la cérémonie remplaçait, pour les disciples, un
discours attribué à un prophète vivant. Et en effet, le mythe d’origine
du Midewiwin contient toutes les informations épistémologiques perti-
nentes : il décrit la genèse et les séquences du rituel, les autorités surna-
turelles qui rendent légitime sa transmission et la finalité thérapeutique
de l’institution.
De ce point de vue, les chartes du Midewiwin apparaissent en
continuité avec les cartes des prophètes : toutes permettent de stabili-
ser le schéma narratif du discours épistémologique propre au rituel.
Ce faisant, elles inscrivent les rituels dans une représentation spa-
tiale aux dimensions multiples : chronologiques, cartographiques,
153
chapitre vii
Stabilité et distribution
Les mouvements prophétiques algonquiens furent tous des succès
à court terme. Ils se propagèrent rapidement en peu de temps, signe
qu’ils venaient se loger dans une niche culturelle prête à les accueil-
lir. Meiaskaouat n’hésita pas à franchir des frontières linguistiques et
naturelles afin de diffuser sa prédication chez différents groupes mon-
tagnais et abénaquis. Neolin, s’il excluait les Blancs de la population
cible, semble s’être adressé à l’ensemble des Amérindiens de sa région,
nommant des « ministres » tels que Simon pour optimiser cette diffu-
sion – son message se répandit, au fil des années, jusqu’aux Ottawas du
sud des Grands Lacs. Kenekuk ne convainquit certes qu’une partie des
Kickapoos mais il sut élargir le cercle de ses disciples aux Potawatomis
et il ne cessa d’essayer de convertir ses voisins. Si les prophètes cris
ne disposèrent que de très peu de temps, ils suscitèrent eux aussi des
154
ÉCRITURES DE CHAMANES et DE PROPHÈTES
155
chapitre vii
156
ÉCRITURES DE CHAMANES et DE PROPHÈTES
157
chapitre vii
158
Conclusion
ÉCRITURES ATTACHÉES
159
conclusion
Écritures sélectives
L’invention d’une écriture sélective complexe par les spécialistes rituels
du Midewiwin ne constitue pas un phénomène isolé parmi les peuples
amérindiens. Au moins deux autres sociétés du continent ont connu un
processus semblable à partir de conditions institutionnelles similaires :
les Navajos du Sud-Ouest de États-Unis et les Kunas du Panama. Le cha-
manisme navajo est issu de la rencontre, aux alentours du XVIe siècle,
des populations athapascanes venues du nord et des ancêtres des popu-
lations pueblos de la région. Au cours des siècles, un système cérémoniel
duel se mit en place chez les Navajos. Un premier chamanisme se spécia-
lisa dans la divination et dans l’établissement de diagnostics identifiant
l’origine des maladies. Ces chamanes employaient diverses techniques
visionnaires afin de déterminer les causes des malheurs : ils observaient
le soleil, la lune et les étoiles, leur main tremblait lorsqu’ils visualisaient
des images pertinentes et ils entendaient des indices sonores que nul
autre qu’eux ne pouvait percevoir. Ces techniques ne se transmettaient
pas de maître à disciple : elles étaient innées et pouvaient être révélées
à l’occasion d’un rêve ou d’une vision. Un second chamanisme se mit
160
ÉCRITURES ATTACHÉES
161
figure 30
L’écriture sélective navajo
figure 31
L’écriture sélective kuna
conclusion
164
ÉCRITURES ATTACHÉES
165
figure 32
L’écriture sélective mixtèque
figure 33
L’écriture sélective de l’île de Pâques
ÉCRITURES ATTACHÉES
Écritures secondaires
Nous avons, en introduction, limité le propos aux écritures sélectives et
intégrales. Il existe cependant un troisième et ultime genre d’écriture –
du moins si l’on accepte la définition que nous avons proposée qui fait
de toutes les techniques d’inscription et de stabilisation de discours des
écritures. Ce troisième genre comprend les techniques scripturaires qui
permettent de transcrire un discours en recodant un texte préexistant
en écriture intégrale. Il s’agit donc là d’écritures secondaires qui présup-
posent l’existence d’une écriture intégrale au moins lors du processus
169
conclusion
170
figure 34
L’écriture secondaire micmac
figure 35
Écriture secondaire du Mexique
figure 36
L’écriture sélective du prophète apache Silas John
ÉCRITURES ATTACHÉES
175
figure 37
L’écriture attachée des chamanes nipas
(texte rituel Mizhi de Lava)
ÉCRITURES ATTACHÉES
Écritures intégrales
Le régime d’usage propre aux écritures attachées ne se limite donc pas
aux seules écritures sélectives autonomes : il peut également caracté-
riser adéquatement les usages d’écritures secondaires inventées et uti-
lisées au sein de contextes sociaux dans lesquels circulaient déjà des
écritures intégrales, même si celles-ci restaient l’apanage d’une petite
minorité. Nous allons maintenant montrer que quelques écritures inté-
grales ont, elles aussi, pu être caractérisées par un usage attaché que
certaines d’entre conservèrent tout au long de leur histoire. Un des
exemples les mieux connus est probablement celui de l’écriture secrète
et exclusivement rituelle des chamanes bimo chez les Nipas du Yunnan
[figure 37]. Cette écriture syllabique de 1 200 caractères, très différente
de l’écriture chinoise, n’était destinée qu’à inscrire des genres de dis-
cours rituels bien définis et elle n’était utilisée que dans deux types de
contextes : celui de la transmission de ces discours, de maître à disciple,
et celui de l’accomplissement des rituels pendant lesquels les spécia-
listes psalmodiaient leurs textes manuscrits. Les conditions de l’inven-
tion de cette écriture restent néanmoins assez mystérieuses22.
On connaît toutefois, au cours de l’histoire récente, plusieurs situa-
tions institutionnelles dans le cadre desquelles furent inventées des
écritures intégrales destinées à rester attachées23. Ainsi, en 1927, une
secte chrétienne dissidente apparut au Nigéria : elle s’opposa d’em-
blée aux missionnaires protestants. Les ministres ibibio de cette nou-
velle église, nommée Oberi Okaime, étaient en général lettrés, issus d’une
petite élite de clercs locaux. Ceux-ci s’adressaient néanmoins à des
fidèles qui, dans leur ensemble, ignoraient l’alphabet. Très tôt dans l’his-
toire de cette religion, certains spécialistes éprouvèrent le besoin de se
doter d’une écriture rituelle spécifique et ils notèrent leurs glossolalies
à l’aide de symboles indéchiffrables. Mais c’est en 1933 qu’un des respon-
sables du culte, Michael Ukpong, inventa une nouvelle écriture alpha-
bétique destinée à inscrire les discours liturgiques de l’église. Ukpong
était lettré et son écriture dérivait assez clairement de l’alphabet latin.
Il créa néanmoins une écriture attachée : elle n’était destinée qu’à l’ins-
cription de discours liturgiques proférés dans le seul cadre de la nou-
velle institution [figure 38]. Dans la seconde moitié du siècle, toute une
177
figure 38
L’écriture attachée de l’Oberi Okaime inventée
par Michael Ukpong
ÉCRITURES ATTACHÉES
179
conclusion
180
ÉCRITURES ATTACHÉES
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conclusion
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ÉCRITURES ATTACHÉES
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conclusion
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ÉCRITURES ATTACHÉES
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figure 39
L’écriture logo-
syllabique maya
ÉCRITURES ATTACHÉES
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parvenir au haut de cette montagne qui était droite, sans sentier et unie
comme une glace. Il questionna cette femme sur la façon de s’y prendre
pour monter. Il lui fut répondu que s’il avait vraiment envie de voir le
Maître de la vie, qu’il fallait la monter et ne s’aider que de sa main et
de son pied gauche, ce qui parut impossible au Loup, qui cependant
encouragé de cette femme se mit en devoir de la monter et y parvint
avec bien de la peine. Quand il fut en haut, il fut bien étonné de ne plus
voir personne : cette femme avait disparu. Il se vit seul, sans guide, au
droit de trois villages qui lui faisaient face et qu’il ne connaissait pas, qui
lui semblaient autrement construits que le sien, plus beaux et dans un
plus bel ordre. Après avoir rêvé quelque temps à ce qu’il devait faire, il
s’avança vers celui qui avait à sa vue le plus d’apparence.
Ayant bien fait la moitié du chemin depuis le haut de la montagne,
il se ressouvint qu’il était nu. Il eut crainte d’avancer davantage, mais
une voix qu’il entendit lui ayant dit de continuer, qu’il ne devait point
craindre, que s’étant lavé comme il avait fait il pouvait marcher en assu-
rance. Il ne fit plus de difficulté d’aller jusqu’à un endroit qui lui sem-
blait être la porte de ce village et il s’arrêta pour attendre qu’elle ouvrit
pour entrer. Pendant qu’il examinait la beauté du dehors de ce village, la
porte s’ouvrit. Il vit venir à lui un bel homme vêtu tout en blanc qui le
prit par la main, lui disant qu’il allait le contenter, lui faisant parler au
Maître de la vie. Le Loup se laissa conduire et ils arrivèrent tous deux
dans un endroit dont la beauté n’avait rien d’égal et que le sauvage ne
pouvait se lasser d’admirer, où il vit le Maître de la vie qui le prit par la
main et lui donna un chapeau tout bordé en or pour s’asseoir dessus.
Le Loup hésita de le faire par la crainte qu’il avait de gâter le chapeau.
Mais il lui fut ordonné de le faire et il obéit sans réplique.
Le sauvage s’étant assis, le Bon Dieu lui dit : « Je suis le Maître de la
vie. Comme je sais que tu désires de connaître et à qui tu veux parler,
écoute bien ce que je vais te dire pour toi et pour tous les sauvages. Je
suis celui qui a fait le ciel, la terre, les arbres, les lacs, les rivières, tous les
hommes et tout ce que tu vois, et tout ce que tu as vu sur la terre. Parce
que j’ai fait ceci et parce que je vous aime, il faut faire ce que je dis et ce
que j’aime et ne pas faire ce que je hais. Je n’aime point que vous buviez
jusqu’à perdre la raison comme vous faites. Et quand vous vous battez,
je ne veux pas cela. Vous prenez deux femmes ou bien vous courrez les
femmes des autres, vous ne faites pas bien, je hais cela. Vous ne devez
avoir qu’une femme et la garder jusqu’à la mort. Quand vous voulez aller
en guerre, vous jonglez, vous chantez la médecine croyant me parler ;
vous vous trompez : c’est au Manitou à qui vous parlez. C’est un mauvais
esprit qui ne vous souffle que du mal et que vous écoutez faute de bien
me connaître.
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Cette terre où vous êtes, je l’ai faite pour vous et non pas pour d’autres.
D’où vient que vous souffrez les Blancs sur vos terres, est-ce que vous
ne pouvez pas vous passer d’eux ? Je sais que ceux que vous appelez les
enfants de votre grand-père vous apportent vos besoins. Mais si vous
n’étiez pas mauvais comme vous l’êtes, vous vous passeriez bien d’eux.
Vous pourriez vivre tout comme auparavant que de les connaître. Avant
que ceux que vous appelez vos frères fussent venus sur vos terres, ne
viviez-vous pas à l’arc et à la flèche ? Vous n’aviez pas besoin de fusil ni
de poudre et ainsi du reste et cependant vous attrapiez de animaux pour
vivre et pour vous habiller avec leurs peaux.
Mais quand j’ai vu que vous vous donniez au mal, j’ai retiré dans les
profondeurs des bois les animaux, pour que vous eussiez besoin de vos
frères pour avoir votre nécessaire, pour vous couvrir. Vous n’avez qu’à
devenir bon et faire ce que je veux, je vous renverrai les animaux pour
vivre. Je ne vous défends pas cela de souffrir parmi vous les enfants de
votre père. Je les aime, ils me connaissent et ils me prient et je leur donne
leurs besoins et tout ce qu’il vous apporte. Mais pour ceux qui sont venus
troubler vos terres, chassez-les, faites-leur la guerre. Je ne les aime point,
ils ne me connaissent pas et sont mes ennemis et les ennemis de vos
frères. Renvoyez-les sur les terres que j’ai fait pour eux et qu’ils y restent.
Voilà une prière que je te donne par écrit, pour apprendre par cœur et
pour l’apprendre aux sauvages et aux enfants. » Le Loup fit réponse qu’il
ne savait pas lire. Il lui fut répondu que quand il serait revenu sur terre, il
n’aurait qu’à la donner au chef de son village qui la lirait et la lui appren-
drait par cœur et à tous les sauvages et qu’il fallait la dire soir et matin.
Sans manquer et de faire ce qu’il venait de lui dire et de le dire à tous
les sauvages de la part et au nom du Maître de la vie : de ne point boire
qu’un coup, ou deux tout au plus, par jour ; de n’avoir qu’une femme, et
de ne point courir après les femmes des autres ni après les filles ; de ne
point se battre entre eux ; de ne point faire la médecine, mais la prière,
parce qu’en faisant la médecine on parle au mauvais esprit ; de chasser
de dessus leurs terres ces chiens habillés de rouge qui ne vous feront
que du mal.
« Et quand vous, vous aurez besoin de quelque chose, adressez-vous
à moi et comme vos frères je vous donnerai, comme à eux ; de ne point
vendre à vos frères ce que j’ai mis sur terre pour la nourriture. Bref deve-
nez bons et vous recevrez de rien vos besoins ; quand vous vous rencon-
trez les uns les autres, de vous saluer et de ne vous donner que la main
gauche qui est la main du cœur. Sur toutes ces choses, je te commande
de faire tous les jours matin et soir la prière que je te donne. »
Le Loup promit de bien faire ce que le Maître de la vie lui disait et
qu’il recommanderait bien aux sauvages et que le Maître de la vie serait
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annexe
content d’eux. Ensuite, le même homme qui l’avait amené par la main
le vint reprendre et le conduisit jusqu’au pied de la montagne, où il lui
dit de reprendre tout son butin et de s’en retourner à son village. Ce
que le sauvage Loup exécuta. Où étant arrivé, il surprit bien ceux de sa
nation et de son village qui ne savaient pas ce qu’il était devenu et qui
lui demandèrent d’où il venait. Comme il lui était enjoint de ne parler à
personne avant qu’il n’eut parlé à son chef de village, il se contenta de
leur faire signe avec la main qu’il venait d’en haut. En entrant dans son
village, il alla droit à la cabane du chef à qui il donna ce qui lui avait été
donné : la prière et la loi que le Maître de la vie lui avait données.
193
notes
notes de l’introduction
1 Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’étudier certains de ces systèmes dans la
suite de ce livre.
2 Glassner 2009, p. 13.
3 Alleton 2008.
4 DeFrancis et Marshall Unger 1995 ; Trigger 2004 ; Houston 2004c ; Glassner
2009.
5 Le contre-exemple classique, sur lequel nous reviendrons en conclusion, est
celui de l’écriture sélective mixtèque qui fit un large usage du principe (phono-
graphique) du rébus pour encoder de nombreux noms propres et toponymes
(Smith 1973 ; Boone 2000).
6 On reviendra, au chapitre vi, sur les conceptions d’Edwin James ou de Henry
Schoolcraft concernant les écritures sélectives. Parmi les tout premiers
auteurs à s’intéresser d’un point de vue théorique aux pratiques scriptu-
raires amérindiennes, Edward Tylor (1865) et Garrick Mallery (1881, 1893) envi-
sageaient l’écriture pictographique comme un avant-courrier, primitif et ico-
nique, de l’écriture phonographique dont les signes étaient pensés comme
conventionnels (arbitrairement associés à des sons). Ils ne faisaient ainsi que
développer l’opposition traditionnelle entre écriture des choses et écriture des
mots (Severi 2007, chapitre 2 ; Déléage 2011). Ils y ajoutaient néanmoins l’idée
d’une évolution progressive de ces « moyens de communication » menant de
l’iconisme figuratif à la pure convention – ce qui leur permettait d’établir un
parallèle entre écriture pictographique et langues de signes gestuels. Ces der-
nières, fortement iconiques, étaient à la langue parlée, fortement conven-
tionnelle, ce que l’écriture pictographique était à l’écriture phonographique
(Baynton 1996, chapitre 2 ; Kendon 2004, chapitre 4). Si linguistes et sémioti-
ciens ont depuis les années 1960 entièrement renouvelé l’étude des langues de
signes, les historiens de l’écriture, avant et après Gelb (1973), n’ont guère modi-
fié ces conceptions.
7 Il est clair qu’aucune écriture, pas même l’alphabet phonétique international,
ne permet de coder l’intégralité de la sonorité d’un discours ; le problème n’est
pas là. L’important est que ces écritures ne choisissent pas les parties du dis-
cours qu’elles souhaitent transcrire et que leur seule lecture permet de recons-
tituer aisément l’intégralité de leur discours cible.
195
notes
8 Ces procédés n’étaient les plus répandus et les plus pertinents que du point
de vue de notre analyse : il existait évidemment d’autres procédés stylistiques,
probablement plus efficaces en terme de stabilisation, organisant le contenu de
ces discours rituels (par exemple, Rubin 1995).
9 Cette approche de la sémiotique des écritures sélectives s’inscrit dans la lignée
des travaux précurseurs de Carlo Severi (1994 ou 1996) ; voir aussi Déléage 2011.
Une telle définition a été entrevue par Kramer (1970, p. 67) : « le principe de
base de [l’écriture “pictographique” des Kunas] est le renoncement à la trans-
cription des composants textuels redondants et non pertinents. » Sa formu-
lation a toutefois le défaut de n’être que négative, contrairement à celle de
Barthel (1977, p. 27) : « [l’écriture partielle] consiste à représenter graphique-
ment sur le papier des segments d’une tradition orale plus riche. » La notion
« d’écriture partielle » développée par DeFrancis (1989) en diffère profondément
dans la mesure où elle s’appuie sur la « notation de la pensée » et non sur celle
du discours.
10 Précisons que cette distinction entre écriture attachée et écriture détachée ne
doit pas être pensée en fonction d’un processus d’évolution unilinéaire : les
écritures attachées n’ont pas vocation à devenir des écritures détachées (ce qui
serait une conséquence d’une assimilation trop rapide de ce concept à celui
« d’usage restreint de l’écriture » [restricted literacy] tel que défini par Goody
[1968]). On remarquera d’ailleurs que certaines écritures détachées sont deve-
nues au cours de leur histoire des écritures attachées, par exemple les écritures
batak (Kozok 2000) ou cherokee (Bender 2002) ; ce type de processus tend à
avoir lieu dans des situations culturelles où au moins deux écritures sont dis-
ponibles (Cole et Scribner 1981 ; Unseth 2008).
11 Le plus fameux et le plus influent d’entre eux étant Ignace Gelb (1973).
12 Parmi les nombreux ouvrages récents abordant l’histoire de cette région
d’Amérique au long de la période considérée, on privilégiera White 1991, Dowd
1992 ou Havard 2003.
13 Nous avons choisi d’utiliser dans ce livre les appellations Montagnais (plutôt
qu’Innu), Delaware (plutôt que Lenape ou ses subdivisions) et Ojibwa (plutôt
que Chippewa ou Anishinaabe) afin de maintenir la distance historique qui
nous sépare de ces peuples aux frontières identitaires mouvantes et générale-
ment mal définies dans la littérature des époques qui nous intéressent.
14 C’est pourquoi ils restent relativement étrangers à la problématique historio-
graphique contemporaine du middle ground, c’est-à-dire du fragile terrain d’en-
tente qui conditionna en partie les interactions des Amérindiens et des colons
jusqu’à la fin du XVIIIe siècle (White 1991).
15 Les modalités de transmission de ces règles constituent, pour les anthropolo-
gues, un phénomène extrêmement complexe à étudier : il ne faut surtout pas
penser qu’elles sont toutes enseignées de manière dogmatique par des spécia-
listes accrédités. Si certaines règles sont transmises de manière très explicite,
d’autres s’acquièrent plus tacitement, dans des contextes variés qui vont de la
discussion informelle à la simple participation aux cérémonies.
16 Sur la notion d’épistémologie des discours traditionnels, Déléage 2009a et
2009b.
17 Cette dualité entre chants liturgiques et discours épistémologiques permet
avant tout de circonscrire deux genres discursifs qui sont très bien distin-
gués par ceux qui se les transmettent. Elle ne doit pas être essentialisée : nous
196
introduction-chapitre i
aurons l’occasion de montrer que les chants liturgiques comportent toujours
des éléments dont la teneur est épistémologique.
18 On trouve de beaux exemples de ce type de contradiction entre règles de
transmission et discours épistémologique dans les récits de révélation de
nombreuses traditions rituelles mésoaméricaines ; par exemple chez les
Totonaques (Ichon 1969, p. 250), les Nahuas de la Sierra Norte de Puebla
(Lupo et Signorini 1989, p. 178-179 ; Lupo 1995, p. 60-71), les Tepehuas (Heiras
Rodríguez, à paraître) ou encore les Maya Tzotzil (Holland 1963, p. 133-134, 172)
et Yucatèques (Hanks 2000, p. 197-217).
19 Sur ces techniques cognitives : Déléage 2012.
20 Le problème de l’origine des écritures intégrales a fait couler beaucoup d’encre
et plusieurs perspectives plus ou moins complémentaires ont été explorées.
On s’est par exemple demandé quelles étaient les contraintes cognitives et lin-
guistiques qui pesaient sur la formation de la graphie et les choix de transcrip-
tion de ces écritures (Dehaene 2007, pour une synthèse) ; on s’est aussi inter-
rogé sur les avant-courriers iconographiques des signes des écritures (Glassner
2000, pour une belle étude de l’origine de l’écriture sumérienne) ; on a finale-
ment tenté de déterminer le genre de formations sociales et politiques à l’inté-
rieur desquelles l’écriture est d’abord apparue (Houston 2004a, pour l’état des
recherches actuelles). Tous ces facteurs, cognitifs et environnementaux, sont
évidemment fondamentaux si l’on essaie de comprendre les causes de l’inven-
tion de l’écriture. Toutefois, pour des raisons évidentes de manque d’archives,
il est difficile de reconstruire le contexte détaillé au sein duquel les écritures
intégrales originelles ont été inventées ; nous reviendrons sur ces problèmes
dans la conclusion.
21 Pour une première approche des écritures secondaires : Déléage 2009c, p. 82 sq.
notes du chapitre i
1 JR 24, p. 56 ; sur son mariage quelques années plus tard : Anderson 1991.
2 Beaulieu 1990 et 2008 ; Gardette 2008.
3 JR 20, p. 184-188.
4 Beaulieu 1990, p. 89-94.
5 JR 16, p. 42.
6 Beaulieu 1990, p. 92-93 ; Déléage 2009c, p. 65.
7 JR 18, p. 164-166.
8 JR 20, p. 187.
9 JR 22, p. 44 ; JR 24, p. 58.
10 Les Montagnais les nommaient massinahigan, c’est-à-dire « livre » (JR 26, p. 74),
tandis que les missionnaires, outre « calendrier », utilisaient les termes « cata-
logues » (JR 29, p. 110) et « almanachs » (JR 31, p. 232).
11 JR 26, p. 130. Voir aussi, cette même année, p. 112-114.
12 L’un d’eux était certainement son propre frère, Eustache Koukinapou (JR 22,
p. 96).
13 JR 20, p. 192.
14 JR 26, p. 284.
15 Déléage 2009c, p. 35-37 et p. 56-61.
16 JR 20, p. 192 ; JR 21, p. 102.
17 JR 20, p. 192-194.
197
notes
18 Ibid., p. 192.
19 Sur les usages de l’écriture et des livres par les missionnaires de Nouvelle-
France : Déléage 2009c, p. 50-54 ; et, plus généralement, Gardette 2008.
20 JR 29, p. 140-142.
21 JR 31, p. 230.
22 JR 20, p. 192.
23 JR 24, p. 94. La même scène est esquissée quelques pages auparavant ; l’écri-
ture sélective y est présentée comme une technique proprement autoch-
tone : « Quand le Père commença à les instruire, ils comptaient les points et les
demandes sur leurs doigts. Mais le nombre venant à surpasser celui des doigts,
ils les marquaient sur des écorces faisant certaines figures qui leur représen-
taient le sens de quelques articles et s’appliquaient avec grande contention
pour le comprendre et le retenir et puis l’enseigner aux autres » (JR 24, p. 82).
24 JR 29, p. 110 ; JR 31, p. 232.
25 JR 37, p. 40.
26 JR 23, p. 282 ; JR 24, p. 60 ; cette mission comportait aussi clairement des enjeux
diplomatiques dans le cadre des conflits avec les Iroquois.
27 JR 25, p. 118.
28 JR 38, p. 26.
29 JR 60, p. 240-242.
30 Les Relations jésuites ne mentionnent plus Charles Meiaskaouat après 1644
(JR 25, p. 175-179), alors qu’il tentait de retourner chez les Abénaquis, dans un
contexte de guerre diffuse avec les Iroquois et les Anglais.
notes du chapitre ii
1 Sur les missions moraves en Amérique du Nord : Loskiel 1794 ; Gray 1956 ;
Merritt 2003 ; Wheeler 2008, pp. 84 sqq.
2 Sur les relations entre les Iroquois et les peuples des vallées des fleuves
Delaware, Susquehanna et Ohio : Miller 1974 ; White 1991 ; Dowd 1992 et 2002 ;
Schutt 2007.
3 Loskiel 1794, vol. 2, p. 153-154 ; Johnson 1894, p. 52-53.
4 Merritt 2003, p. 125-126 ; voir aussi Loskiel 1794, vol. 2, p. 154. Sauf mention
explicite, toutes les traductions sont de l’auteur.
5 Sur l’ethnonymie complexe de la région, son historicité et l’importance de ne
pas l’essentialiser : Dowd 2002, p. 22-53.
6 Beauchamp 1917, p. 199-200 ; voir aussi Loskiel 1794, vol. 2, p. 155-156.
7 Parmi les meilleures approches de cette guerre, White 1991 et Dowd 2002.
8 Sur Teedyuscung, Wallace 1949.
9 Grumet 1999, p. 73.
10 Ibid., p. 77.
11 Ce calendrier delaware avait à peu près autant de chance de dériver de tradi-
tions locales (Grumet 2001, p. 29-30 : témoignage de William Penn, 1683, sur
l’importance du nombre douze chez les Delawares – qui va à l’encontre des
hypothèses de Kinietz 1940) que d’une influence missionnaire, en particulier
catholique (Darlington 1893, p. 39, extrait du Journal de Christopher Gist, 1751 :
« L’un d’eux m’apporta son livre [du genre de ceux que les Français leur pro-
curent, dans lesquels les jours de la semaine sont notés de telle manière qu’en
déplaçant un cran chaque matin ils savent assez bien se repérer dans le temps]
198
chapitre i-ii
afin de me montrer qu’il me comprenait » ; Butler Hulbert et Schwarze 1912,
p. 56, témoignage de David Zeisberger : « L’Indien m’a à nouveau rendu visite
le 29 et je lui ai fabriqué un calendrier indien afin qu’il puisse savoir quand
il serait dimanche, car il avait été baptisé à Gachnawage, au Canada, par un
Français »). Les Indiens d’Amérique du Nord, d’une manière générale, dévelop-
pèrent souvent des technologies calendaires dont les rapports avec les divers
computs d’origine européenne restent difficiles à préciser. Un des premiers
témoignages concernant ces techniques vient des Algonquiens de Virginie et
a été publié en 1681 par John Lederer ; il évoquait « certaines roues hiérogly-
phiques qu’ils appellent en leur langage Sag Ko Ko K. Quejacasong, c’est-à-dire
la mémoire des Dieux. Ces Roues sont composées de 60 Rayons dont chacun
désigne une année, comme s’ils avaient voulu marquer l’âge de soixante ans
où va ordinairement la vie de l’homme. Ces Roues sont peintes sur des peaux
que leurs principaux Prêtres conservent dans leurs Temples. Ils marquent sur
chaque Rayon les choses mémorables qui arrivent pendant une année par une
figure hiéroglyphique. Ainsi le sieur Lederer en remarqua une qui ne tient
pas trop du Sauvage, dans un Village nommé Pommaeomek, pour laquelle au
Rayon qui marquait l’année de la première arrivée des Européens en ce pays-là
était dépeint un Cygne qui jetait de la fumée et du feu par le bec. La blancheur
du plumage de cet oiseau et l’eau dans laquelle il se tient toujours désignaient
la blancheur du visage des Européens et leur arrivée par mer dans la Virginie,
et ils avaient mis dans le bec de cet oiseau de la fumée et du feu pour signifier
les armes à feu dont les Européens se servaient » (Feest 1975, p. 150-159).
12 Grumet 1999, p. 56.
13 La cérémonie a été décrite à la fois par Frederick Post et par John Hays.
Témoignage de Frederick Post (Grumet 1999, p. 58-60) : « 24e. Ce fut une très
belle journée et aux alentours de neuf heures ils commencèrent leur grande
cérémonie qui nous fournit l’occasion d’observer leur culte stupide et tragique.
Leurs prêtres ou jongleurs, accompagnés d’une dizaine de femmes, partirent
les premiers dans la forêt afin de se peindre selon leurs goûts. Ils se peignirent
le corps entier de diverses couleurs, certains ajoutant des serpents à sonnettes,
d’autres des écureuils, d’autres des oiseaux arboricoles, etc. Ainsi décorés, ou
plutôt défigurés, ils entrèrent dans le village les uns derrière les autres tout en
chantant. Par exemple l’un d’eux chanta : “J’ai vu deux oiseaux anglais voler
ensemble, amoureux”, ce que tous les autres répétèrent quatre fois ; après quoi
ils partirent en procession quatre fois autour de la maison cérémonielle puis
ils firent face au soleil levant, braillant tous ensemble jusqu’à ce que le souffle
leur manque. Alors ils se serrèrent tous la main et invitèrent tout le monde à
les rejoindre dans la maison où ils continuèrent à marcher, à chanter et à hur-
ler tout le jour et toute la nuit, jusqu’à six heures du matin lorsqu’un certain
esprit les vint trouver, ce qui en fit pleurer amèrement beaucoup. 25e. Ce matin
toute la troupe sortit et s’assembla en rangée face au soleil levant, élevant les
mains en direction des cieux et hurlant six fois de toutes leurs forces ; ils se
serrèrent la main et se rendirent dans toutes les maisons pour souhaiter à cha-
cun une heureuse matinée. » Témoignage de John Hays (Grumet 1999, p. 59) :
« 24. Samedi. Ils ont célébré un genre de culte et ont réunis trois venaisons
et deux ours. Ils sont partis dans la forêt vers dix heures et sont revenus vers
onze ou douze heures, habillés comme au temps du paganisme. Il y avait trois
hommes et deux femmes, et deux hommes et deux femmes, et deux hommes.
199
notes
Et ils avaient de grandes quantités de fleurs sur la tête ; ils étaient nus et peints
plus que de nature. Certains avaient des tiges vertes à la main et des serpents,
des oiseaux et d’autres merveilles peintes sur eux, de toutes les couleurs. Un
homme était blanc et une femme était noire. Ils s’alignèrent les uns derrière
les autres, tous nus à partir de la ceinture, et ils firent le tour de la maison ; ils
entrèrent et dansèrent, sortant parfois et faisant souvent face au soleil levant ;
ils continuèrent toute la nuit en compagnie d’un grand nombre d’Indiens
étrangers qui n’avaient jamais vu une telle cérémonie. 25. Dimanche. Ils chan-
tèrent et vers une heure nous fûmes invités dans la maison pour manger ; nous
nous assîmes pendant qu’il secouait son coquillage, dansait, regardait au ciel,
dansait encore et encore, et récitait une bénédiction à sa manière ; finalement,
il plaça une portion dans la main du chef et il donna une assiette pleine à notre
roi [Teedyuscung]. »
14 Grumet 2001, p. 29 : témoignage de Daniel Denton, 1670.
15 Butler Hulbert et Schwarze 1912, p. 29.
16 Sur le prestige des livres chez les Delawares, la même année : Klett 1962,
p. 67-69 ; et plus généralement parmi les Amérindiens de la région : Rice 2010.
17 Jordan 1913, p. 171-172 ; contrairement à ce qu’il laisse supposer, Kenny n’avait
pas fait mention de cet « imposteur » dans les pages antérieures de son journal.
18 Ibid., p. 173.
19 Ou avec certains Blancs, les seuls Anglais, selon Dowd 2002, p. 96-97.
20 Jordan 1913, p. 175.
21 Hunter 1971 ; White 1991, p. 279-285 ; Dowd 1992 ; Dowd 2002, p. 94-105 ; Sayre
2005, p. 139-152 ; Cave 2006, p. 22-43 ; Irwin 2008, chapitre 4. Autres études
notables sur le mouvement de ce prophète : Mooney 1973, p. 662-669 ; Wallace
1956 ; Champagne 1988.
22 Sur le rôle des visions dans les traditions delawares : Jordan 1913, p. 176 ;
Heckewelder 1822, p. 245-247 ; Newcomb 1956, p. 35 ; Gavaler 1994.
23 Burton 1912, p. 21-33.
24 Les « Loups » étaient l’un des clans des Delawares.
25 Jordan 1913, p. 172.
26 Ibid., p. 188.
27 Burton 1912, p. 33.
28 Jordan 1913, p. 173.
29 Loudon 1808, p. 272.
30 Ibid., p. 272-273.
31 Je remercie Aaron McWilliams, des archives de l’État de Pennsylvanie, pour
cette information.
32 Loudon 1808, p. 275-276.
33 Heckewelder 1822, p. 471-472. Traduction de Du Ponceau.
34 Ibid., p. 471-475. Traduction de Du Ponceau.
35 La reconstruction par Hunter (1971, p. 45) de ce qu’il nomme la Delaware Indian
Bible prend comme point de départ la description d’Heckewelder ; c’est, à notre
avis, faire trop confiance aux souvenirs du missionnaire.
36 Hunter 1971 propose de voir dans le « vieux prêtre » de John Hays et dans ce
Wangomend une seule et même personne.
37 Butler Hulbert et Schwarze 1912, p. 27-28. Identification comme Wangomend :
Heckewelder 1822, p. 476.
38 Butler Hulbert et Schwarze 1912, p. 24-26.
200
chapitre ii-iii
39 Butler Hulbert et Schwarze 1910, p. 132-133.
40 On trouvera des exemples précis dans Jordan 1913, p. 178, ou Klett 1962, p. 67-69.
Pour des études synthétiques de ce phénomène dans la région : Merrell 1999
(chapitre 5) et Round 2010.
41 Dankaerts 1867, p. 150-151, témoignage de 1679 à propos d’un interlocuteur
algonquien : « Il resta silencieux un moment, incapable soit de s’élever si haut
en pensée soit de les exprimer sans aide, puis il retira du feu un morceau de
charbon afin d’écrire sur le sol. Il dessina d’abord un cercle, un petit ovale,
auquel il adjoignit quatre pattes ou pieds, une tête et une queue. “Ceci, dit-il,
est une tortue entourée d’eau” ; sa main décrivit un cercle autour de la figure
et il continua : “ceci n’est ou n’était que de l’eau, ainsi était le monde ou la terre
au commencement, lorsque la tortue fit progressivement émerger son dos
arrondi” » ; voir aussi Warhus 1997 et Malcolm Lewis 1998.
42 Gagnon 1975.
43 Gavaler 1994 pour une synthèse.
44 Dowd 2002, p. 99-100 ; Hultkrantz 1981, p. 187-211.
201
notes
11 Badin 1833 (lettre du 14 janvier 1831), p. 155-156.
12 Hubbard 1831, p. 474.
13 Ibid., p. 475.
14 Catlin 1841, vol. 2, p. 99 ; repris dans Tylor 1865, p. 88.
15 Herring 1988, chapitre 5.
16 Blair 1911, vol. 2, p. 280. Un autre témoignage de l’époque, celui du métho-
diste James Armstrong, confirme que les Kickapoos nommaient leurs bâtons à
prière des « Bibles » (Mooney, p. 699-700).
17 Herring 1988, p. 33.
18 Allis 1887, p. 135.
19 Allis et Dunbar 1915-1916, p. 586.
20 Murray 1839, p. 77.
21 Verhaegen 1839, p. 471 ; voir aussi la remarque du jésuite Nicolas Point, en 1840,
à propos de Kenekuk : « L’autorité de sa mission divine réside en un morceau de
bois de deux pouces de large et de huit de long » (Point 1967, p. 24).
22 Sur les idées et l’action politique d’Isaac McCoy, on consultera les apologies de
Schultz 1972 et de Myrhe 1998.
23 McCoy 1840, p. 457.
24 Une autre cérémonie, généralement organisée le vendredi, comportait confes-
sions et flagellations publiques.
25 McCoy 1840, p. 457-458.
26 McCoy 1840, p. 457-458. On retrouve la même description, dans les mêmes
termes, dans la réédition d’une lettre du jésuite Pierre-Jean De Smet (De Smet
1905, vol. 3, p. 1085-1086). Or ce dernier s’était rendu chez les Kickapoos en
1838 ; les éditeurs du recueil précisent néanmoins qu’ils y ont inclus assez libre-
ment les notes de lecture du jésuite – la publication originale est donc bien
celle d’Isaac McCoy. De Smet est également connu pour avoir substantielle-
ment modifié, en 1843, les échelles catholiques de Blanchet en y introduisant
la figuration d’un « double chemin », l’un menant au paradis, l’autre à l’enfer
(Thiel 2009, p. 56-57 ; Furtwangler 2005) ; il n’est pas impossible que l’idée lui
soit venue de l’observation, cinq ans plus tôt, des cosmogrammes dualistes de
Kenekuk.
27 Redman 1837, p. 198.
28 Les planches à prière de Kenekuk, comme d’ailleurs le calendrier du « vieux
prêtre » delaware, font penser au bâton d’un autre prophète algonquien,
potawatomi celui-ci. Contemporain de Kenekuk et connu sous le nom de
Menominee, il rencontra plusieurs fois Isaac McCoy qui écrivit à son propos :
« Une fois, il me montra un bâton droit sur lequel il avait fait une marque pour
chacun des sermons qu’il avait prêchés » (McCoy 1840, p. 104). Le prophète
et le missionnaire comparèrent ensuite le nombre de sermons qu’ils avaient
respectivement prononcés en se référant l’un à son bâton, l’autre à son livre.
Parmi ces sermons, Menominee professait une variante très singulière du
mythe d’origine des Potawatomis qu’il vaut la peine de citer, à partir des notes
de McCoy : « Le prophète exposa sa propre version de l’immaculée concep-
tion. Dans son interprétation, la Seconde Personne de la Sainte Trinité rendit
visite à la Vierge Marie pour lui annoncer qu’elle aurait un fils. Elle pensa que
c’était impossible, sur quoi la Seconde Personne lui fabriqua, à partir d’argile
et de métal, la statue d’un garçon, d’une taille d’environ quatre pieds de haut.
Marie oublia la statue et la laissa dehors où la pluie la fit fondre. Tandis qu’elle
202
chapitre iii-iv
se débarrassait des restes de la statue, la Troisième Personne de la Trinité lui
apparut soudain, un livre à la main. Elle fabriqua deux autres statues, sem-
blables à la première, et, avec l’aile d’une dinde, elle éventa le livre, provoquant
un courant d’air qui traversa les deux statues : c’est ainsi qu’elles devinrent des
personnes vivantes. L’un des garçons était blanc et il fut placé d’un côté de la
mer, l’autre était rouge et il fut placé de l’autre côté » (Schultz 1972, p. 52).
29 Herring 1988, chapitre 7 ; l’époque, qualifiée par un courant de l’historiographie
américaine de « deuxième grand réveil », a vu les effectifs méthodistes et bap-
tistes croître en flèche, en même temps que leurs ardeurs missionnaires.
30 Par exemple, Clark 1979 ; Murphy 1988 ; Myrhe 1998 ; Schurr 2010.
31 Custer 1918, p. 50.
32 Herring 1988, chapitre 7; sur les écoles baptistes et catholiques chez les
Potawatomis voisins : Murphy 1988, chapitre 8 ; Myrhe 1998, chapitre 5.
33 Custer 1918, p. 53.
34 Ibid., p. 51.
35 Howard 1965a, p. 31 ; l’auteur précisait aussi : « Bien qu’ils ne soient plus utilisés,
[les bâtons à prière] restent conservés par les plus vieux membres de l’église.
J’en ai vu un au service de Pâques auquel j’ai assisté en 1964 et j’en ai observé
d’autres dans les maisons de ces anciens » (Ibid., p. 23).
36 Custer 1918, p. 53.
37 Ibid., p. 53-54.
38 Sur l’alphabet de Meeker : McCoy 1840, p. 471-478 ; Allen et McMurtrie 1930 ;
McMurtie 1931 et 1933 ; Walker 1981 et 1996 ; Grant 2003. Sur Simerwell : Myrhe
1998, p. 178-183 ; sur ses traductions : Pilling 1891, p. 463-466.
39 Sur Christian Hoecken : Myrhe 1998, p. 202-214 ; sur son écriture et ses traduc-
tions : Pilling 1891, p. 232. Maurice Galliand compléta ensuite ce travail en tra-
duisant l’intégralité d’un missel qui fut publié en 1868 (Clifton 1998, p. 445-446).
40 Sur l’écriture potawatomi : Hamilton 1884, p. 72 (« Les Chippewa inventèrent
un système d’écriture et l’enseignèrent à quelques Kickapoos, puis quelques
Sacs l’apprirent d’eux ; il provient certainement de l’anglais puisque les lettres
ressemblent fortement à celles de l’anglais, même si les sons sont différents,
utilisant seize lettres dont quatre sont des voyelles ») ; Walker 1981 et 1996 ;
Justeson et Stephens 1993 ; Goddard 1997.
41 On remarquera qu’entre 1832 et 1867, les jésuites s’approprièrent la technique
du bâton à prière de Kenekuk afin d’évangéliser les Potawatomis : voir la repro-
duction du mystérieux « dessin employant des signes et des symboles indiens
afin d’enseigner le concept de paradis » dans Myrhe 1998, p. 300. Je remercie
Lin Fredericksen, de la Kansas Historical Society, pour ces informations.
notes du chapitre iv
1 Sur James Evans et son écriture intégrale : McLean 1890 ; Pilling 1891, p. 186-
189 ; Young 1899 ; Peel 1974 ; Dorais et Lewis 2003 ; Hengstler 2003. L’invention
de cette écriture venait après celle d’une autre, aux principes similaires,
qu’Evans pensait particulièrement adaptée à la transcription de l’ojibwa ; les
Ojibwas Peter Jacobs et Henry Bird Steinhauer contribuèrent largement à la
création de cette première écriture.
2 Il est possible de considérer cette diffusion non contrôlée de feuilles volantes
sur lesquelles étaient imprimées des traductions d’hymnes et de prières chré-
tiennes comme une spécificité, voire une stratégie, de certains missionnaires
203
notes
protestants (voir sur ce point Harper 1983, p. 15-16 ; Edwards 2005, p. 38-62).
À plusieurs reprises, dans des milieux culturels très différents, cette manière
de faire constitua une niche parfaite dans laquelle se développèrent diverses
formes de prophétismes : par exemple en Guyane britannique (Déléage 2010)
ou chez les Inuits (Laugrand 2002, p. 209-211 ou p. 365-403). Le phénomène
exaspérait au plus haut point les religieux d’obédience catholique (Laugrand
2002, p. 392) mais il fascina durablement le missionnaire anglican Robert Hunt
qui élabora, à la fin du Xixe siècle, un « alphabet syllabique universel », dérivé
de celui d’Evans, pour que les « sept cents millions de païens analphabètes » de
par le monde puissent s’enseigner les uns aux autres les éléments de l’Évangile,
sans l’aide de missionnaires (Hunt 1872, 1873) ; progressivement, Hunt en vint
même à penser que son écriture universelle était l’écriture naturelle d’Adam,
disparue à la suite du Déluge.
3 Murdoch 1981, p. 3-5.
4 Cité par Long 1986, p. 318.
5 Cité par Brown 1982, p. 58 ; voir aussi Long 1986, p. 318.
6 La Bible cri ne sera imprimée, à Londres, qu’en 1861 (Peel 1974).
7 Suzanne McCarthy 1995 ; à comparer aux Inuits : Harper 1983 et Kakkik,
Laugrand et Oosten 2003, p. 8. On retrouve un processus très similaire, où une
écriture est inventée par un missionnaire pour les besoins de l’évangélisation,
puis où elle se diffuse de manière autonome, en dehors de son contrôle, chez
les Micmacs de la fin du Xviie siècle (Déléage 2009c, p. 82 sq.). La transmis-
sion familiale de l’écriture syllabique perdura longtemps, aussi bien chez les
Cris que chez les Inuits : le syllabaire s’apprenait par cœur en chantant ; il ne
semble pas que les procédés mnémotechniques développés par Robert Hunt
pour faciliter son acquisition, fondés sur des configurations des doigts ou des
membres analogues à la forme des lettres, à la manière de la dactylologie ou des
sémaphores aléoutes, furent employés dans les écoles des missions (Harper
1983, p. 156-157).
8 Harmon 1820, p. 370-371 ; Murdoch 1981, p. 54.
9 Ce processus d’appropriation de l’écriture put être considéré comme achevé
lorsque certains groupes cris se transmirent des récits, considérés comme tra-
ditionnels, dans lesquels l’écriture syllabique apparaissait comme un élément
proprement autochtone : par exemple, Bloomfield 1934, p. 19-21, Mandelbaum
1979, p. 180, ou Dusenberry 1962, p. 267-271. Il est vrai que dans les trois cas, il
s’agit de groupes très excentrés, assimilés aux cultures des Plaines ; la docu-
mentation manque pour les autres groupes. Il est d’ailleurs intéressant de com-
parer cette innovation propre à la mythologie cri avec l’un des effets de l’inven-
tion, par le Cherokee Sequoyah, d’une écriture syllabique destinée à transcrire
la langue de son peuple (Sarbauch et Walker 1993, Cushman 2010) : la pro-
pagation de cette écriture, à partir des années 1820, rendit obsolète le récit
mythique qui associait d’un côté l’arc et les flèches aux Cherokees et de l’autre
l’écriture aux Blancs (Bender 2002, p. 26-27). Le récit, dont on peut retrouver
le schème narratif dans de très nombreuses traditions mythiques amérin-
diennes (Déléage 2010, p. 234), avait disparu avant la fin du siècle. Tandis que
les Cherokees oublièrent un récit décrivant l’origine exogène de l’écriture, les
Cris adoptèrent un récit expliquant l’origine endogène de l’écriture.
10 Cité par Brown 1982, p. 53.
11 Ibid., p. 54.
204
chapitre iv-v
12 Ibid., p. 59.
13 Barnley 1845, p. 202.
14 Pour un aperçu synthétique du chamanisme cri avant le Xixe siècle : Morantz
1978.
15 Barnley 1845, p. 202.
16 Sur ce mouvement prophétique : Williamson 1980 ; Brown 1982, 2004 ; Long 1989.
17 Evans 1954, p. 13. Traduction en français à partir de la traduction anglaise litté-
rale du texte cri, lui-même une traduction de l’original anglais.
18 Ibid., p. 14. Nichols 1984 a démontré, à partir d’une analyse de l’évolution de
l’orthographe des différents textes de ce recueil de 1841, que les deux chants
que nous avons isolés sont bien ceux qui furent diffusés sur feuilles volantes
en 1840.
19 Barnley 1845, p. 202-203.
20 Ibid., p. 203.
21 Ibid., p. 203.
22 Ibid., p. 203.
23 Ibid., p. 203.
notes du chapitre v
1 Sur le complexe culturel des visions : Benedict 1923 ; Blumensohn 1933.
On trouve dans les Relations jésuites quelques-unes des premières descriptions
de rêves prédictifs (par exemple JR 10, p. 168-172 ou p. 204-208) et de quêtes
de vision (par exemple JR 54, p. 140-142, ou JR 67, p. 158-160) dans les cultures
amérindiennes du Nord-Est. Pour les Amérindiens de la région des Grands
Lacs, voir Raudot 1904, p. 77-79, ou Baraga 1837 ; pour les Delawares, voir Jordan
1913, p. 176.
2 Sur cette appropriation : Hultkrantz 1981 ; White 1991, p. 280-284 ; Dowd 2002,
p. 99-105.
3 Heckewelder 1822, p. 390-391 ; Grumet 2001.
4 Dowd 1992 a bien décrit cette profusion de prophétismes au XVIIIe siècle.
Le lecteur familier de l’historiographie des prophétismes de cette région
d’Amérique aura remarqué que nous n’avons pas évoqué le mouvement de
Tenskwatawa, le prophète shawnee du tout début du Xixe siècle. C’est que, à
en croire les sources qui nous sont parvenues, ce dernier, même s’il se référa
dans ses visions au « livre de comptes » du Grand Esprit (ce qui rappelle Exode
XXXII, 31-33), ne jugea pas utile d’avoir recours à des techniques d’inscription
(en dehors des traditionnels wampum) pour stabiliser et diffuser ses innova-
tions rituelles (Lambert 1810, vol. 1, p. 395-396). Il n’y a pas de raison valable de
penser que le bâton à prière décrit dans Galloway 1943 (puis dans Howard 1981,
p. 204-207) provienne de ce prophète. S’il n’est pas non plus question du pro-
phète seneca Ganioda’yo (Handsome Lake), c’est que le mouvement qui s’est
réclamé de ses visions s’est construit dans un tout autre contexte, celui d’une
alphabétisation iroquoise inscrite sur une assez longue durée et à propos de
laquelle nous préparons une autre étude (voir néanmoins ce qui semble être
un bâton à prière lié aux révélations du prophète dans Fenton 1950, planche 8).
Quant au calendrier du winnebago Tshizunhaukau, il ne semble pas avoir été
en relation avec une activité rituelle nouvelle (Merrill 1945).
5 À l’ouest des Cris, parmi les sociétés athapascanes, de nombreux « prophètes »
utilisèrent aussi des cartes eschatologiques. Ainsi, vers la fin du Xixe siècle, un
205
notes
prophète Kaska nommé Gusais, reçut un « morceau de peau sur lequel était
dessinée une image représentant des humains suivant une ligne conduisant
au paradis » ; le prédicateur, très favorable au catholicisme, appelait sa carte
un « livre » (Honigmann 1949, p. 47-48). Au cours des années 1920, c’est un pro-
phète Castor nommé Vieux Matoit qui utilisa, pendant ses prédications, une
« grande carte comportant une multitude de chemins. Un de ces chemins était
bon et des élans et des ours se trouvaient dessus. De nombreux mauvais che-
mins, contenant peu d’animaux, déviaient de cette voie. Le prophète mon-
trait du doigt le bon chemin et exhortait son auditoire à continuer à le suivre »
(Honigmann 1946, p. 132-135). Ce genre de « prophétisme » athapascan, utili-
sant des cosmogrammes pour figurer les visions ou les rêves d’un paradis plu-
tôt cynégétique, s’est, à un moment donné, inspiré des échelles catholiques
du Père Lacombe distribuées par les missionnaires oblats (Duchaussois 1928,
p. 328-329 ; voir aussi Martha McCarthy 1995, p. 142). De manière singulière, il
semble s’être stabilisé et, récemment encore, des chamanes « rêveurs », nom-
més « prophètes », utilisaient des cartes du chemin vers le paradis (Brody 1982,
p. 44-48 ; Ridington 1988). Ce complexe prophétique est très largement autoch-
tone et ne partage que peu d’éléments avec les mouvements étudiés dans ce
livre. On remarquera d’ailleurs que les cartes ne dépeignent pas vraiment d’en-
fer (Janes et Kelley 1977 ; Ridington 1988) – comme d’ailleurs certaines cartes
cosmologiques des Cris des Plaines (Cadzow 1926a, p. 26).
6 Severi 1996.
7 On peut observer un phénomène très semblable chez les Inuits de l’Arctique
de l’Est canadien à partir du début du Xxe siècle (Blaisel, Laugrand et Oosten
1999 ; Laugrand 2002, p. 365-403). Comme chez les Cris, des hymnes chrétiens
traduits et transcrits dans une variante du syllabaire d’Evans s’y propagèrent
à une vitesse fulgurante, indépendamment, dans un premier temps, de toute
scolarisation missionnaire – l’art de la lecture à voix haute se transmit donc
dans un contexte pragmatique similaire à celui que nous avons défini ; et, à
nouveau comme chez les Cris, ces textes furent utilisés dans le cadre d’une
série de mouvements prophétiques – par exemple le mouvement collectif de
Tasiujaq, mais aussi ceux initiés par les prophètes Alik Kiktuviak et surtout
Gisiasi.
8 Le taux d’alphabétisation des colons, au moins celui des hommes, était alors
particulièrement élevé en regard des taux observés en Europe (Damon-Moore,
Kaestle et al. 1991, p. 20) ; après la révolution, il connut une explosion sans pré-
cédent (Round 2010).
9 On retrouve un processus tout à fait similaire dans le cadre de plusieurs
autres innovations rituelles amérindiennes. Ainsi, dans la seconde moitié du
xixe siècle, chez les Wanapams de la rivière Columbia, le prophète Smohalla
utilisait un « livre contenant de mystérieux caractères, certains ressem-
blant aux lettres de l’alphabet ; il disait qu’y étaient inscrites ses prophéties »
(Mooney 1973, p. 720 ; Brown et Ruby 1989, p. 34). Plus au nord, dans les tradi-
tions orales recueillies au début du Xxe siècle chez les Salish Stolo, il était éga-
lement question d’anciens prophètes utilisant des livres rituels : le premier,
Twaqpa’met, était connu pour avoir introduit l’écriture chez son peuple aux
alentours de 1840 car il prêchait à partir d’un livre qui lui conférait un savoir
concernant les technologies européennes ; le second, Quitzkanum, possé-
dait, vers la fin du xixe siècle, un parchemin couvert de « hiéroglyphes » qu’un
206
chapitre v-vi
missionnaire oblat s’empressa de brûler – peut-être ce dernier prophète était-il
l’auteur d’un étrange document, de nature très probablement sélective, connu
sous le nom de Dreambook of a Stolo Chief (Thor Carlson 2001).
10 Anderson 1996. La plupart des études concernant les prophétismes delaware
(Wallace 1956 ; Champagne 1988 ; White 1991 ; Dowd 1992 et 2002 ; Cave 2006) et
kickapoo (Herring 1988 ; Cave 2006) insiste sur ces aspects politiques et identi-
taires qui sont, bien évidemment, fondamentaux.
11 Kroeber (1958, p. 15) pensait que toutes les écritures sélectives inventées au
nord du Mexique résultaient d’un tel processus d’émulation ; le prochain cha-
pitre montrera qu’une telle affirmation est très probablement erronée.
notes du chapitre vi
1 Raudot 1904, p. 117-119 ; le réel auteur de ces observations était probablement le
Sieur Chabert de Joncaire.
2 Lind 1979, p. 130-134.
3 Ibid., p. 116.
4 Ibid., p. 118.
5 Pour une description de ces cérémonies thérapeutiques : Lind 1979, p. 126-129 ;
Densmore 1907 ; Casagrande 1960 ; il vaut la peine de remarquer que les céré-
monies de guérison effectuées par les membres du Midewiwin ne différaient
guère de celles des autres chamanes de la région.
6 Hickerson 1963 (l’argumentation d’Hickerson 1988 est beaucoup plus faible) ;
Vecsey 1983a ; Schlesier 1990 ; Angel 2002.
7 Par exemple, JR 54, p. 140-142, ou JR 67, p. 158-160 ; pour de beaux témoignages
tardifs, Densmore 1929, p. 83-86, et Radin 1914 ; pour une synthèse des sources,
Vecsey 1983a, p. 121-143.
8 Par exemple, parmi les premiers témoignages, JR 6, p. 162-172, ou JR 12, p. 16-22
(Montagnais, 1634-1637) ; Lind 1979 (p. 118-121) pour la belle description de
Nicollet ; pour une synthèse régionale et historique, Hallowell 1942. Nous
reviendrons sur ces chamanes Jaasakid à la fin de ce chapitre.
9 « Je leur demandai aussi ce que signifiait une image du soleil que l’un d’eux
avait peinte sur un bout de planche. Cette image était attachée au haut d’une
perche, aussi peinte des plus vives couleurs ; et à cette perche on voyait, à la
hauteur d’un homme, pendre un faisceau de petit bois de cèdre, coupés comme
pour servir à mettre aux filets qu’on emploie à la pêche de l’esturgeon, de
même qu’en France on met du liège à toutes sortes de filets. Je m’informai donc
à quel dessein ils avaient dressé cette espèce d’anathème. Ils me répondirent
que c’était un sacrifice, ou plutôt, selon l’expression propre de leur langue, une
exhortation qu’ils faisaient au soleil pour le prier d’avoir pitié d’eux. Comme
ils croyaient que le soleil était le maître de la vie et de la pêche, le dispensateur
de toutes choses, ils le conjuraient de faire entrer l’esturgeon dans leur rivière
et de favoriser leur pêche » (JR 58, p. 272-274). Accrochés en haut de perches
similaires, Marquette observa une croix (JR 59, p. 102) et Hennepin des wam-
pum ; on se souvient que les Algonquins y avaient placé le texte d’une prière
catholique – Nicollet put, quant à lui, y voir une prière transcrite sélective-
ment (Lind 1979, p. 138-144). En règle générale, on plaçait plutôt, en haut de ces
poteaux cérémoniels, la peau ou les ossements du gibier désiré (par exemple,
Perrot 1968, p. 20, ou Raudot 1904, p. 106-107) – et ce jusque très tard (Skinner
1911, p. 162-164).
207
notes
10 Le « tir » chamanique, nommé aussi « souffle », constituait également un élé-
ment certainement issu d’une ancienne tradition (Havard 2003, p. 716-717).
11 Kohl 1985 ; Hoffman 1891 ; Densmore 1929 ; Landes 1968 ; trois années avant
Nicollet, le révérend James Evans avait rédigé une description assez complète
de la cérémonie (Graham 1975, p. 101-104).
12 Kohl 1985, p. 44 ; Densmore 1929, p. 93 ; Blessing 1977, p. 81.
13 Comme on en trouve abondamment chez les groupes algonquiens qui vivaient
au sud de la région des Ojibwas (les sources sur leur vie cérémonielle, bien que
d’excellente qualité, sont hélas souvent très tardives, nous y reviendrons), dans
le cadre de rituels peut-être apparus à la fin du xviie siècle (Callender 1978 ;
White 1991).
14 Brightman et Brown 1988, p. 58-59.
15 Sur les pétroglyphes de la région et leurs éventuels rapports iconographiques
avec l’écriture sélective du xixe siècle : Rajnovich 1994 ; Lenik 2009.
16 Le terme provient en effet des langues et des cultures de la région ; pour un his-
torique et une discussion polémique de la notion, Brightman et Fogelson 2002.
17 Anonyme 1928 (1736) ; voir aussi Lahontan 1990 (1704), p. 728-732 ; Keating 1824,
p. 119 ; Kohl 1985, p. 149 ; Landes 1968, p. 86.
18 Black Hawk 2008 (1833), p. 46, qui mentionne le coutume de rafraichir la pein-
ture du signe héraldique à chaque passage ; Schoolcraft 1851-1857, vol. 1, p. 335,
p. 355-357 ; Kohl 1985, p. 159 ; Mallery 1893, p. 521-522 ; Hoffman 1896, p. 74 ;
Skinner 1913, p. 67 ; Densmore 1929, planche 29.
19 Schoolcraft 1851-1857, vol. 1, p. 411-421, et vol. 2, p. 222-229 ; D’Avignon, Delâge et
Guillaud 2001 ; Bohaker 2006 et 2010.
20 Par exemple, Feest et Kasprycki 1999, p. 210-211, p. 228-229 ; Nelson 2002, p. 120-
121 ; Harmon 1820, p. 370-371 (Cri).
21 Mallery 1893, p. 259-262 ; Fulford 1992 ; Beal 2007.
22 Long 1980 (1794), p. 101 ; Carver 1781, p. 418-419 ; Hoffman 1888, p. 223-229 ;
Densmore 1929, p. 176-181.
23 Lind 1979, p. 145-150, voir aussi p. 203-205.
24 JR 54, p. 140.
25 Densmore 1929, p. 80-82 ; voir aussi Tanner 1956, p. 164 et p. 315 ; Kohl 1985, p. 58,
p. 296-297 et p. 400-404 ; Landes 1968, p. 38 ; Phillips 1986.
26 Tanner 1983, p. 178-179 (traduction de Pierrette Désy). On remarquera que
Schoolcraft choisit le terme Muzzeniegun, signifiant selon lui « un document
imprimé ou un livre », comme sous-titre de son hebdomadaire publié à Sault-
Sainte-Marie pendant l’hiver 1926-1927, le Literary Voyager (Mason 1997, p. xviii).
Un même terme algonquien (dont nous avons croisé, chez Meiaskaouat, l’équi-
valent en montagnais) désignait donc à la fois les répertoires graphiques, les
livres et, comme nous le verrons, les écritures sélectives.
27 Lind 1979, p. 118-121 (Nicollet) ; Schoolcraft 1851-1857, vol. 1, p. 382-383 ; Hoffman
1883, p. 138-139 ; Skinner 1913, p. 42-43 ; Coleman 1937, p. 39 ; Heye et Speck 1921
(Montagnais) ; Vastokas 1984, p. 435.
28 Voir néanmoins les témoignages réunis dans Déléage 2009c, p. 65-66.
29 Tanner 1956, p. 338-381 ; Nicollet connaissait ce livre (Lind 1979, p. 47) ; sur
Edwin James : Benson 1970 et Kasprycki 1990.
30 Tanner 1956, p. 338
31 Elles furent reproduites, sans mention du nom de leur éditeur original,
dans Catlin 1841, vol. 2, figures 310-311, et dans Schoolcraft 1851-1857, vol. 1,
208
chapitre vi
planches 53 et 58 (ce qu’avait déjà remarqué Tylor 1865, p. 82-83). Constantine
Samuel Rafinesque s’en inspira largement pour forger son Walam Olum
(Brinton 1885 ; Oestreicher 1995 et 2002 ; Boewe 2003) qui, à son tour, fut la
source du dixième chapitre de Copway 1850. Parmi les reproductions qui popu-
larisèrent les écrits sélectifs publiés par Tanner au xixe siècle, on mentionnera
Domenech 1861 ou Mallery 1893.
32 Schoolcraft 1851-1857, vol. 5, p. 415-441.
33 Ibid., vol. 1, p. 351-404 ; sur Schoolcraft : Freeman 1965.
34 Hoffman 1891, p. 288 par exemple.
35 Ibid., p. 165 ; Densmore 1929, p. 90 ; Landes 1968, p. 86.
36 Ibid., p. 174.
37 Kohl 1985, p. 384.
38 Tanner 1956, p. 351 ; voir aussi Lind 1979, p. 205-207.
39 Schoolcraft 1851-1857, vol. 1, p. 366-381.
40 Pour une synthèse des sources et une discussion de la rivalité entre Midewiwin
et Wabeno : Krusche 1981.
41 Thompson 1916, p. 256 ; voir aussi Burton 1909, p. 243-246, pour un témoignage
tardif.
42 Tanner 1956, p. 341.
43 Schoolcraft 1851-1857, vol. 1, p. 361. Dans une lettre de 1849 adressée à E. G. Squier
où il exprime ses doutes quant à l’authenticité du Walam Olum, Schoolcraft com-
plète ainsi sa définition de l’écriture sélective : « Dans le système des tribus du
nord, auquel je me suis intéressé, les finalités de l’art des inscriptions sont :
témoigner d’un exploit singulier, une bataille, la bravoure d’un homme, quelque
chose comme des mémento biographiques, tels que le nombre de scalps, d’ani-
maux sauvages tués, d’objets rituels liés à la prêtrise [du Midewiwin], etc. Cet
art est plus communément utilisé pour consigner les chants de médecine, de
chasse et de guerre. Le système est purement idéographique et mnémonique.
C’est un système de substantifs, les actions restant toujours à inférer. Les vers
des chants sont notés par des images, mais il s’agit, pour ainsi dire, seulement
de thèmes principaux (key-notes), destinés à en réveiller le souvenir. Les mots
doivent nécessairement avoir d’abord été confiés à la mémoire afin d’être réci-
tés avec exactitude » (Weslager 1972, p. 471). Cette définition est l’une des meil-
leures parmi celles qui furent proposées au xixe siècle : Schoolcraft ne se
contente pas de remarquer que ces écritures étaient attachées à des discours
rituels précis qu’il s’agissait d’apprendre par cœur ou que leur sémiotique était
de nature logographique (elles notaient des mots et non de vagues idées). Il
explique aussi, et c’est là l’important, que ces écritures étaient sélectives (tous
les mots du discours n’étaient pas notés) et que cette sélection ne devait rien
au hasard : « C’est un système de substantifs, les actions restant toujours à infé-
rer. » On peut en déduire, correctement comme nous le verrons, que ces écri-
tures ne transcrivaient que certains syntagmes précis, confiant ceux qui leur
étaient prédiqués à la mémoire orale. Le traducteur français de Schoolcraft
compara, quant à lui, la « pictographie secrète » du Midewiwin aux techniques
de mémoire artificielle exposées par Quintilien (Mondot 1858, p. 229).
44 Tanner 1956, p. 334.
45 Ibid., p. 337.
46 Ibid., p. 338.
47 Ibid., p. 338.
209
notes
48 Ibid., p. 341.
49 Lind 1979, p. 190.
50 Schoolcraft 1851-1857, vol. 1, p. 368 sq.
51 Comme l’avait déjà remarqué Tylor (1865), p. 82-83 de l’édition américaine de
1878.
52 Schoolcraft 1851-1857, vol. 1, p. 361.
53 Warren 1984, p. 65-66.
54 Ibid., p. 67 ; voir aussi p. 78.
55 En français dans le texte, Kohl 1985, p. 156.
56 Kohl 1985, p. 43.
57 Ibid., p. 285-290.
58 Hoffman 1888, p. 220.
59 Ibid., p. 214.
60 Même constat chez Densmore 1910, p. 15, ou Landes 1968, p. 119.
61 Skinner 1925, p. 292 ; sur le Midewiwin des Menominis : Skinner 1913, 1920 ; sur
le langage ésotérique des chants de la cérémonie, voir aussi Skinner 1922, p. 69 ;
et sur ce dernier texte, voir Darnell 2001, p. 210-224.
62 Skinner 1925, p. 291.
63 Ibid., p. 291-292.
64 Hoffman était parti chez les Ojibwas, d’abord en compagnie de Mallery, afin de
vérifier l’exactitude des informations de Schoolcraft qui passaient alors, auprès
du public cultivé, pour assez douteuses (Mallery 1882 ; Mallery 1886, p. 17).
Mallery n’obtint que trois rouleaux accompagnés de vagues exégèses arrachées
à force de whisky (Mallery 1893, p. 202-203). Hoffman fit preuve d’une plus
grande persistance retournant régulièrement au Minnesota et au Wisconsin
entre 1887 et 1890 ; sa monographie, malgré ses défauts, reste la principale
source d’information en ce qui concerne le Midewiwin du xixe siècle.
65 Hoffman 1891, p. 207 ; cette différence, dans les travaux d’Hoffman, entre gloses
des textes sélectifs et chants a déjà été notée par Severi 2007, p. 190-194.
66 Angel (2002, p. 141) précise bien que les écrits sélectifs qu’avaient obtenus
Hoffman n’appartenaient pas aux chanteurs qu’il employa (Little Frenchman et
Leading Feather) – dès lors, l’interprétation ne pouvait guère être parfaite.
67 Hoffman 1891, p. 266 sq.
68 Densmore 1910, p. 14-15.
69 Skinner 1925, p. 292.
70 L’essai de retraduction proposé par Fulford (1988, p. 189 sq) s’avère hélas tout
aussi inutilisable.
71 De ce fait les chants « appartiennent » aux Manido (Kohl 1985, p. 160).
72 Kohl 1985, p. 44, les termes « tir » et « souffle » sont en français dans le texte.
73 Il faut même éviter de considérer comme acquise la fidélité des reproduc-
tions des textes sélectifs : s’il est évident que ceux publiés par Schoolcraft ont
été considérablement remaniés, Fulford (1988, p. 85) a montré que ceux d’Hof-
fman pouvaient également être très souvent critiqués. Un mot sur le corpus
rassemblé par Frances Densmore au début du xxe siècle : celle-ci enregistrait
d’abord ce qu’elle considérait comme un chant (c’est-à-dire une strophe) puis
elle demandait au chanteur de dessiner une image correspondant à la strophe
(Densmore 1910, p. 16). Si le chanteur puisait évidemment dans l’iconographie
traditionnelle, ce genre de requête ne pouvait que passer à côté de la logique
sélective et séquentielle de la notation du discours.
210
chapitre vi
74 Si l’analyse s’appuie sur le seul corpus publié par James, les regroupements
ont été inférés à partir d’une étude de l’ensemble des écrits ojibwas publiés
au xixe siècle. Edwin James a publié neuf gloses de chant (en ojibwa et en
anglais) accompagnées de leur notation sélective recueillie et annotée entre
1827 et 1830. Le massif ouvrage de Schoolcraft ne comporte que cinq gloses de
chants inédits (en ojibwa et en anglais) accompagnées de leurs transcriptions
sélectives ; ces dernières ont par ailleurs été très fortement retravaillées, de
telle sorte qu’il ne nous est guère possible maintenant que de tenter de devi-
ner leur apparence originelle. Schoolcraft prétendit avoir pris connaissance de
ces écrits dès 1822 ; il faut donc penser que ses informations furent recueillies
au cours d’une période allant des années 1820 à 1851. En 1855, Kohl fit l’acquisi-
tion de cinq autres textes sélectifs accompagnés des gloses de leurs figures (en
anglais ou en français) ; son livre fut publié en 1859, traduit en anglais quelques
années plus tard, mais il semble n’avoir obtenu aucun écho dans le milieu
savant international (malgré Hoffman 1896, p. 106-108). Hoffman publia vingt-
trois gloses de chants (toutes en ojibwa et en anglais) avec leurs transcriptions
sélectives dans son ouvrage de 1891 et Mallery fit de même, dans sa synthèse
de 1893, pour sept gloses inédites et six reprises du livre d’Hoffman. Il s’agit là
des seuls corpus publiés que nous estimons à peu près fiables.
75 Fig. 17a [1] ; fig. 17b [2] ; fig. 17f [3] ; fig. 17g [1] et [3] ; fig. 17h [2] ; fig. 17i [4].
76 « Maintenant je l’entends, amis du Mide » (Tanner 1956, p. 341) ; « J’entends ce
qui sort de ta bouche, manitou » (Tanner 1956, p. 345).
77 Fig. 17g [1] ; fig. 17h [2].
78 Fig. 17b [5] (« Je suis un manitou », Tanner 1956, p. 346) ; fig. 17c [2], [3] et [8] ;
fig. 17d [4], [5] et [23] ; fig 17e [15] ; fig. 17f [2] (« Mes peintures font de moi un
manitou », Tanner 1956, p. 369).
79 Fig. 17d [1], [2], [3] et [26].
80 Sur l’iconographie de ces figures animales et leurs fréquences, voir Fulford
1989.
81 Fig. 17d [20] ; fig. 17g [4] et [7].
82 Fig. 17a [4] ; « Par cet oiseau, l’homme-médecine fait référence à lui même »
(commentaire d’Edwin James, in Tanner 1956, p. 342) ; fig. 17c [4].
83 Fig. 17b [1], [3] et [4] ; fig. 17e [16] ; fig. 17h [6].
84 Fig. 17e [1].
85 Fig. 17d [11], [13], [16] et [22] ; fig. 17e [14] ; fig. 17h [1], [3] et [5].
86 Fig. 17d [7] et [21].
87 Fig. 17c [9] ; fig. 17d [12].
88 « Je vole » (comme un aigle ou un faucon, Tanner 1956, p. 342) ; « Je marche dans
la nuit » (comme un lynx, Tanner 1956, p. 344) ; « Je suis un lynx » (Tanner 1956,
p. 346) ; « Je marche comme un ours » (Tanner 1956, p. 363) ; « Je suis un castor »
(Tanner 1956, p. 365) ; « Je fais de moi un serpent noir » (Tanner 1956, p. 376).
89 Fig. 17a [2] et [10] ; fig. 17b [4] ; fig. 17c [9] ; fig. 17d [13].
90 Fig. 17a [7], une figure d’ours : « Il s’agit de l’homme-médecine déguisé sous la
peau de l’ours » (commentaire de James, in Tanner 1956, p. 343).
91 Fig. 17e [4] ; fig. 17f [4] ; fig. 17g [2]. Probablement une forme d’acquisition des
pouvoirs des Blancs.
92 Fig. 17d [8], [16] et [18] ; fig. 17e [3] ; fig. 17g [1].
93 Fig. 17b [6] ; fig. 17e [9].
94 Fig. 17d [6] ; fig. 17h [4].
211
notes
95 Fig. 17b [5] ; fig. 17f [3].
96 Fig. 17d [15] ; fig. 17e [8] et [20].
97 « Je tire dans ton cœur, j’atteins ton cœur, ô animal, ton cœur, j’atteins ton
cœur » (Tanner 1956, p. 342) ; fig. 17c [6] ; fig. 17e [10] ; fig. 17f [6].
98 Fig. 17e [5].
99 Fig. 17a [6] et [10].
100 Fig. 17c [7] ; fig. 17e [7].
101 Fig. 17a [7] ; fig. 17d [14] et [27] ; fig. 17e [18] et [21].
102 Fig. 17e [2].
103 Fig. 17a [9] ; fig. 17e [11] et [13] ; fig. 17f [8] et [9].
104 Cette analyse est bien évidemment assez hypothétique. Elle ne permet ni
de comprendre les relations sémiotiques précises qu’entretenaient chants
et textes sélectifs, ni d’analyser l’iconographie dans toute sa richesse. Par
exemple, il semble que certaines figures permettaient de condenser une
double signification : la plume et la plante y apparaissaient comme des flèches
(fig. 17d [15]), le serpent comme le pôle de la loge chamanique (fig. 17d [22]), la
baguette du tambour comme un crucifix (fig. 17f [3]) ou le cœur de l’animal
comme un chaudron (fig. 17d [10] ; fig. 17f [10] ; Tanner 1956, p. 380), raccourci
saisissant traduisant parfaitement l’objectif pratique du chant chamanique.
105 Kohl 1985, p. 150.
106 Ibid., p. 150-151.
107 Le même malentendu se répète un peu plus tard, Ibid., p. 163.
108 On trouve peut-être une référence plus précoce à ce genre de charte dans
Warren (1984, p. 25), où il est question de hiéroglyphes dénotant la Terre d’après
le déluge.
109 Dans un texte tardif (1897, p. 168), Hoffman va jusqu’à affirmer que cette tradi-
tion serait vieille de quatre ou cinq siècles.
110 Hoffman 1888, p. 217 ; 1891, p. 165.
111 Hoffman 1888, p. 218.
112 Hoffman 1891, p. 166-171.
113 Ibid., p. 175-179.
114 Warren 1984, p. 78 ; Landes 1968, p. 95, p. 103.
115 Hoffman 1891, p. 166.
116 Ibid., p. 172.
117 Vecsey 1983b ; cet article étudie et classifie les vingt-six variantes connues du
mythe d’origine du Midewiwin.
118 Hoffman 1891, p. 174.
119 Ces chartes cosmogoniques spécialisées sont nommées « chartes d’origine »
par Dewdney 1975, chapitre 4, et Nelson 1983, p. 221-222. On en trouve différents
exemples diversement développés dans Jones 1919, p. 322 ; Cadzow 1926b, p. 125 ;
Nelson 1983, p. 231.
120 Hoffman 1891, p. 166-167 ; plus explicitement : p. 176-177, dans la narration de
Sikas’sige.
121 Skinner 1920, p. 24-83.
122 On pourra se référer aux nombreux textes édités par Truman Michelson mais
rédigés par des Meskwakis qui transcrivent, à l’intérieur du mythe d’origine de
transmission d’un paquet cérémoniel, une description complète de la liturgie
du rituel ; voir les Bulletins of the Bureau of American Ethnology 72, 85, 87, 89, 95
ou 105.
212
chapitre vi
123 Ces chartes sont les plus souvent reproduites dans la littérature ; par exemple,
Densmore 1929, p. 91, ou Landes 1968, p. 82-83. Elles sont nommées par
Dewdney (1975, chapitre 6) des « chartes de maître » ; voir aussi Nelson 1983,
p. 222-225. Elles étaient parfois séparées en quatre chartes spécifiques, une
pour chaque degré initiatique.
124 Hoffman 1891, p. 170. On retrouve ce chemin figuré différemment dans la
charte de Sikas’sige (Hoffman 1891, planche 4) ou encore représenté seul dans
Densmore 1910, p. 24. Voir aussi Tanner 1956, p. 189.
125 Ces chartes sont nommées « chartes de la loge fantôme » dans la classification
de Dewdney 1975, chapitre 7, et de Nelson 1983, p. 225. Hoffman 1891, p. 279, en
offre la première reproduction connue. Voir aussi Landes 1968, p. 200.
126 C’est très clair dans la charte du chamane nommé Ojibwa (Hoffman 1891,
planche 8).
127 Kohl 1985, p. 215-217.
128 Hoffman 1891, p. 179.
129 Vansina. 1985, p. 23-24.
130 Vennum 1978, p. 761-762.
131 Ibid., p. 768 sq.
132 Ibid., p. 756. On trouvera d’autres reproductions de « chartes de migration »
dans Dewdney 1975, chapitre 5.
133 Schoolcraft 1851-1857, vol. 1, p. 361.
134 Ibid., vol. 1, p. 384.
135 Kohl 1985, p. 145 ; voir aussi Mason 1997, p. xviii.
136 Vecsey 1983a, p. 187-190 ; Peers 1994, p. 168-169.
137 Warren 1984, p. 71.
138 Kohl 1985, p. 163 ; voir aussi, plus tardivement, Densmore 1938, p. 175.
139 Ibid., p. 200.
140 Ibid., p. 200-201 ; on trouve une variante tardive de cet épisode dans Landes
1968, p. 91-92.
141 Lorsqu’il établit la liste des influences possibles du christianisme sur le
Midewiwin, Vecsey (1983a, p. 179-182) inclut l’idée de la Bible dont les écrits
sélectifs chamaniques dériveraient par émulation. S’il est impossible d’ap-
porter la preuve du contraire (les Ojibwas ayant entretenu des relations avec
les missionnaires jésuites depuis longtemps), il nous semble néanmoins que
l’analogie entre Bible et écriture sélective constitua un phénomène a posteriori.
142 Graham 1975 ; Vecsey 1983a, p. 26-58 ; MacLean 2005 ; Servais 2005.
143 Densmore 1929, p. 78.
144 On sait par l’ensemble des sources qui nous sont parvenues que certains indi-
vidus étaient à la fois Mide et Jaasakid ; là n’est pas l’important : ce que nous
souhaitons souligner dans les paragraphes qui suivent (qui reprennent, pour
l’essentiel, les données présentées dans Hallowell 1942), c’est la différence et
la complémentarité des deux configurations institutionnelles. Sur la rivalité
entre Mide et Jaasakid, on consultera Bourgeois 1994, p. 57-58.
145 Certains Jaasakid devenaient célèbres grâce à la pertinence de ces innovations ;
par exemple, Shagwawkosink et Aiskawbawis (Tanner 1956, p. 180-190) ou
Akiwenski et Akojah (Servais 2005, p. 523).
146 L’opposition est proche de celle entre gourou et illusionniste proposée par
Barth 1990 ; néanmoins, si ce dernier en développe les conséquences au
niveau des dynamiques internes de chacun des pôles, dans le cadre d’une
213
notes
anthropologie de la connaissance développée ensuite par Whitehouse 2000,
nous souhaitons ici insister sur la dynamique interactionnelle qui s’établit
entre chaque pôle lorsqu’ils coexistent au sein d’une même société.
147 On remarquera que certaines versions du mythe d’origine du Midewiwin
racontent que la société chamanique a été fondée à la suite d’une vision par un
prophète, parfois nommé Cutfoot – vision fondatrice qui ne put, par la suite,
qu’être récitée et non ré-expérimentée (Landes 1968, p. 109-111 ; Vecsey 1983b,
p. 453-454).
148 Schoolcraft 1851-1857, vol. 1, p. 390.
149 On trouvera des reproductions de dessins de Jaasakid dans Schoolcraft 1851-
1857, vol. 1, p. 390-395 ; Kohl 1985, p. 400-404 ; Hoffman 1891, p. 252.
150 Kohl 1985, p. 385-386. On remarquera la dernière image du dessin : le scribe s’y
est représenté lui-même donnant à Kohl un dessin représentant le contrat
passé entre eux afin que soit élaboré le dessin…
151 Reagan 1922 – l’écriture utilisée est définie comme « possédant des valeurs
phonétiques similaires au français » (p. 332). Sur l’histoire des usages ojibwas
de l’écriture : Corbiere 2003, MacLean 2005 et Servais 2005, p. 36-38.
152 Blessing 1977, p. 38, p. 42 ; Vennum 1978, p. 757.
153 Howard 1965b, p. 143.
notes de la conclusion
1 Il convient de préciser d’emblée que la bipartition entre une écriture des dis-
cours épistémologiques et une écriture des chants liturgiques semble se limi-
ter aux rituels amérindiens dont nous avons reconstitué l’histoire : elle ne réap-
paraît pas de manière évidente dans les autres inventions scripturaires dont
nous avons connaissance, à l’exception du prophétisme des peuples kapon et
pemon des Guyanes (Déléage 2012).
2 Sur les chamanismes des Navajos, on consultera Morgan 1931, Wyman 1936,
Leighton et Leighton 1949, Reichard 1950 et aussi, pour un point de vue
contemporain, Begay et Feltes-Strigler 2010 ; sur leurs peintures de sable,
Wyman 1983, Reichard 1939, Newcomb et Reichard 1937, et Parezo 1991 ; sur
leurs écritures sélectives, Fishler, Newcomb et Wheelwright 1956, et Déléage
2011 ; sur leur attitude vis-à-vis de l’écriture intégrale, qui fut longtemps exclu-
sivement associée à la langue anglaise, Young 1977 et Lockard 1995.
3 Sur les chamanismes et les écritures des Kunas : Nordenskiold 1928-1930 et
1931 ; Holmer et Wassen 1953 et 1963 ; Chapin 1983 ; Severi 1994, 1996 et 1997 ;
214
chapitre vi-vii-conclusion
Howe 2009. Cette écriture sélective a peut-être également été employée par les
Bribris, voisins des Kunas (Guevara-Berger 1993, p. 383-384).
4 Boone 2000 et 2007 (le seul texte concernant un discours rituel religieux qui
nous soit parvenu est contenu dans le Codex Borgia).
5 La « lecture » de ces listes différait très probablement de celle, linéaire, des
autres textes rituels, panégyriques ou religieux ; en effet, elles étaient certai-
nement utilisées pour déterminer, à partir d’une date donnée, une série de pro-
cédures rituelles incluant offrandes et sacrifices (Nowotny 2005). La logique
de cette lecture combinatoire était donc bien plus comparable à celle des
hexagrammes du Yi Jing chinois ou des configurations de cauris dans la divina-
tion ifa des Yorubas.
6 C’est particulièrement clair dans le cas de la lecture du Codex Boturini présentée
dans Johansson 2004.
7 Voir néanmoins Marcus 1992 ou Taube 2000 et 2011.
8 On sait que l’écriture sélective mixtèque utilisa très tôt des principes phono-
graphiques tels que le rébus pour noter les éléments variables (noms propres
et toponymes) des discours ciblés (Smith 1973). Ce fait nous fournit l’occasion
de rappeler que la différence entre écriture sélective et écriture intégrale n’est
pas fondamentalement liée à la présence ou à l’absence d’une notation phoné-
tique : c’est la sélectivité agencée à une structure formelle préalable qui défi-
nit la logique sélective et non le type de relation, médiatisée ou non par une
forme acoustique, qui s’établit entre un signe et son référent. Il est ainsi pos-
sible d’imaginer une écriture sélective dont chacun des signes serait un mot
codé dans une écriture phonographique. C’est d’ailleurs, toutes choses égales
par ailleurs, le cas dans de nombreux monuments aux morts érigés en Europe
à la suite de la Première Guerre mondiale : ils apparaissaient comme une liste
de noms propres transcrits en écriture latine et gravés sur une stèle. Ces noms,
dans le contexte d’un rituel annuel, devaient être récités à voix haute par
des enfants, l’un après l’autre, encadrés par une formule constante (telle que
« mort pour la France » ou « mort au champ d’honneur ») qui n’était enregistrée
que par la mémoire orale (Prost 1984).
9 Fischer 1997 ; voir aussi Guy 1998.
10 Guy 1990.
11 Parmi les autres techniques d’inscription qui trouvent leur place dans ce
champ comparatif, on ne fera que signaler les khipus andins (Brokaw 2003 ;
Déléage 2007), les chapelets émérillons (Déléage 2010) et les cordelettes iatmul
(Severi 2007, chapitre i). On remarquera aussi que des systèmes héraldiques
purent dans certains contextes cérémoniels devenir des écritures sélectives,
par exemple dans le cas des armoriaux peut-être récités par les hérauts dans
le cadre des tournois médiévaux (Van den Neste 1996, p. 117) ou dans celui de
l’appel des chefs dans le cadre de la cérémonie de condoléance de la ligue des
Iroquois (Fenton 1950).
12 Pour une introduction à l’histoire des écritures cryptographiques, Singh 1999.
Durant la Renaissance européenne, de nombreux traités expliquant les règles
de nouvelles écritures universelles reposèrent sur un principe semblable à
celui des cryptographies ; certains érudits s’illustrèrent d’ailleurs aussi bien
dans l’invention de ces polygraphies que dans celle de diverses formes de cryp-
tographies, à l’instar d’Athanasius Kircher (Wilding 2001 ; Godwin 2009). On
remarquera cependant que personne, si ce n’est leur inventeur, n’employa ces
215
notes
écritures universelles qui n’eurent donc jamais l’occasion de se stabiliser.
13 Déléage 2009c, p. 86-90 et p. 111.
14 Schmidt 1997 ; Déléage 2013.
15 Gaillemin 2011.
16 Au contraire des écritures secondaires telles que les techniques cryptogra-
phiques et les codes de communication fondés sur la segmentation phonétique
d’écritures phonographiques (sténographie, dactylologie, morse, braille, etc.)
qui, étant susceptibles de recoder n’importe quel texte, font l’objet d’usages
détachés (Kendon 1988, p. 430).
17 La prédicatrice chrétienne inuit Lily Ekak Savok (Ray 1996, p. 47-52) créa éga-
lement au début du xxe siècle une écriture attachée (développée ensuite par
Edna Kenick – voir Hammerich 1977 et Griffin 2010) en partie comparable à
l’ensemble des écritures secondaires d’évangélisation.
18 Elle fournit aussi l’occasion de faire le point sur les principales caractéristiques
des trois grandes techniques d’inscription du discours que sont les écritures
sélectives, les écritures intégrales et les écritures secondaires – dont une pre-
mière approche a été présentée dans Déléage 2009c. Les écritures sélectives
sont toujours attachées ; elles sont généralement logographiques, même si cer-
taines d’entre elles font usage de divers principes phonographiques. Les écri-
tures intégrales sont toujours phonographiques, même si nombre d’entre elles
(voire toutes) font aussi usage de principes logographiques ; elles sont par-
fois attachées mais toujours potentiellement détachables. Les écritures caté-
chétiques secondaires sont toujours attachées ; elles sont parfois sélectives et
parfois intégrales, et il existe des dynamiques historiques au cours desquelles
certaines écritures secondaires sélectives devinrent intégrales et vice-versa
(Gaillemin 2011) ; elles sont généralement logographiques mais font assez sou-
vent usage de principes phonographiques.
19 Anderson et Basso 1973. Chaque symbole de cette écriture désignait une ligne
du chant, donc l’encodage était d’une part celui de la succession linéaire
et d’autre part celui d’un élément pertinent de la ligne, qui pouvait, mais
pas nécessairement, être une variable au sein d’une courte suite d’énoncés
parallélistes.
20 Kessel 1976, p. 155-177.
21 D’autres écritures sélectives attachées, qui furent élaborées et utilisées dans
des contextes où une ou plusieurs écritures intégrales étaient déjà assez lar-
gement diffusées, sont peut-être analysables selon des termes semblables, par
exemple l’écriture des chamanes naxi du Yunnan (Jackson 1979 ; Hsu et Oppitz
1998) ou celle de certains spécialistes rituels iban à Bornéo (Harrisson 1966 ;
Masing 1997).
22 Névot 2001 et 2008. Depuis les années 1980, le statut de cette écriture s’est sen-
siblement modifié, à l’initiative des instances dirigeantes locales, et elle tend à
devenir détachée.
23 Sur les conditions sociales des inventions récentes d’écritures intégrales (atta-
chées ou détachées) : Kroeber 1940, Dalby 1970, Harbsmeier 1988 ou Monaghan
2008.
24 Abasiattai 1989. Un peu plus tôt dans le même pays, le prophète yoruba
Josiah Oshitelu inventa lui aussi une écriture attachée mais il semble qu’il n’es-
saya pas de la propager parmi ses fidèles (Probst 1989).
25 Culas 2005 ; Smalley et al. 1990, p. 157.
216
conclusion
26 On remarquera que les syllabaires cris, athapascans (Morice 1902 ; Mulhall
1986) et inuits (Harper 1983 et 1985), élaborés par des missionnaires chrétiens
à la suite de James Evans, furent utilisés, au moins dans un premier temps,
comme des écritures attachées (aux prières et aux institutions rituelles chré-
tiennes). On pourrait dire la même chose de l’écriture intégrale inventée en
Alaska par le Yupik Uyaquk, dans la mesure où elle n’était destinée qu’à trans-
crire des discours chrétiens (Schmitt 1951 ; Senft 1955). Il serait même possible
de soutenir que l’entreprise planétaire de traduction de la Bible, par les mis-
sionnaires linguistes formés au Summer Institute of Linguistics, en des langues
dont ils créent, par la même occasion, l’écriture (en utilisant les caractères
latins), participe de ce régime de l’écriture attachée, au moins dans un premier
temps.
27 Par exemple, Goody 1968 ou Houston 2004c.
28 Précisons d’emblée que les réflexions que nous allons présenter à propos de
ces quatre écritures se fondent sur ce qui est connu des textes qui nous sont
parvenus jusqu’à présent. Les biais induits par les modalités hasardeuses de
leur conservation sont innombrables ; c’est pourquoi l’usage du conditionnel
est de rigueur.
29 Houston 2004a, p. 6 ; Houston 2004c, p. 238-239.
30 Sur ces « précurseurs » iconographiques des écritures, on consultera Glassner
2000 et les contributions réunies dans Houston 2004a et Vernus 2011.
31 Daniels 1996, p. 585 ; Boltz 2000. Cependant ni l’égyptien, dont la transcription
phonographique est consonantique, ni le maya, à morphologie affixale et large-
ment polysyllabique, ne correspondent à ce critère.
32 Par exemple, Goody 1994, p. 46, qui synthétise de nombreux travaux sur l’ori-
gine de ces écritures.
33 Houston 1994 ; Postgate, Wang et Wilkinson 1995, dont les données empiriques
peuvent aisément être retournées contre leur thèse ; voir aussi les contribu-
tions réunies dans Houston 2004a et Vernus 2011.
34 Glassner 2011, p. 16-18.
35 Postgate, Wang et Wilkinson 1995, p. 475 ; Glassner 2000, p. 18 ; Houston, 2004a,
p. 12 ; Houston 2004c, p. 234-237.
36 Sur l’écriture cherokee : Sarbaugh et Walker 1993 ; Cushman 2010. Sur l’écriture
vaï : Dalby 1970 ; Kotei 1977 ; Hair et Tuchscherer 2002. Sur l’écriture bamoum :
Dugast et Jeffreys 1950 ; Tardits 1980. Benedict Anderson (1996) fournit un bon
cadre théorique pour interpréter ces inventions.
37 Friedrich 1938 ; Schmitt 1951 et 1963.
38 Harbsmeier 1988.
39 Kroeber 1940 ; Tuchscherer 2007.
40 Dalby 1970 ; Kotei 1977 ; Harbsmeier 1988 ; Cooper 1991 ; Sarbaugh et Walker
1993 ; Anderson 1996 ; Hair et Tuchscherer 2002 ; Cushman 2010. On remar-
quera d’ailleurs que, très souvent, les premiers textes diffusés employant ces
écritures furent des méthodes d’apprentissage de la lecture.
41 Trigger 2004.
42 Damerow 1999, p. 2-3 ; voir aussi Glassner 2000 et Cooper 2004.
43 Baines 1983 et 2004 ; Vernus 2011.
44 Assman 2010.
45 Sur les « maisons de vie » égyptiennes : Baines 1983 ; sur les écoles mésopota-
miennes : Glassner 2005.
217
notes
46 Ce qui pose évidemment le problème du fossile manquant ; il a été proposé de
voir les origines iconographiques de l’écriture chinoise dans certaines tradi-
tions décoratives ou emblématiques.
47 Vandermeersch 1994 ; Venture 2002 ; Bagley 2004.
48 Les textes de San Bartolo (Guatemala) remontent jusqu’à 400 av. J.-C. (Beltrán,
Saturno et Stuart 2006).
49 Houston 2004b.
50 Taube 2000.
51 Houston 1994 et 2000 ; Grube 1998.
52 Houston 2000, p. 150 ; Houston 2008 développe également la notion de « com-
munauté d’écriture ».
53 Même si cette stabilité ne doit pas être exagérée : comme toutes les écritures
intégrales, l’écriture maya connut de nombreuses modifications au cours de
son histoire (Houston 2000 et 2011).
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235
table des illustrations
Figure 1
Le grand livre du prophète Neolin
Source : LOUDON, Archibald (ed.) (1808), A Selection of Some of the Most Interesting
Narratives of Outrages Committed by Indians in Their Wars With the White People, Press of
A. Loudon, Carlisle, tome 1, p. 274.
Figure 2
Carte eschatologique du prophète Kenekuk
Source : MOONEY, James (1973, 1ère éd. 1896), The Ghost-Dance Religion and Wounded
Knee, Dover, New York, p. 694.
Figure 3
Le prophète Kenekuk
Source : Kee-án-ne-kuk, chef de la tribu, 1830, George Catlin, huile sur toile
(73,7 × 60,9 cm), don de Mme Joseph Harriso, Jr. Smithsonian American Art Museum,
Washington D. C.
Figure 4
Ahtónwetuck, disciple de Kenekuk, récitant sa prière
Source : Ah-tón-we-tuck, Le Dindon, récitant sa prière, 1830, George Catlin, huile sur
toile (73,7 × 60,9 cm), don de Mme Joseph Harrison, Jr. Smithsonian American Art
Museum, Washington D. C.
Figure 5
Mashéena, un autre disciple de Kenekuk
Source : Ma-shée-na, Bois de Wapiti, un sous-chef, 1830, George Catlin, huile sur toile
(73,7 × 60,9 cm), don de Mme Joseph Harrison, Jr. Smithsonian American Art Mu-
seum, Washington D. C.
237
table des illustrations
Figure 6
Onsáwkie, disciple potawatomi de Kenekuk
Source : On-sáw-kie, Le Sauk, en train de prier, 1830, George Catlin, huile sur toile
(73,7 × 60,9 cm), don de Mme Joseph Harrison, Jr. Smithsonian American Art
Museum, Washington D. C.
Figure 7
La Bible kickapoo
Source : HOWARD, James H. (1965 a), « The Kenakuk Religion: An Early 19th Century
Revitalization Movement 140 Years Later », Museum News (South Dakota Museum), 26
(11-12), p. 47.
Figure 8
Premier hymne du Cree Syllabic Hymn Book de James Evans (1841)
Source : EVANS, James (1954), Cree Syllabic Hymn Book, Bibliographical Society of
Canada, Toronto, Facsimile Series n° 4, p. 13.
Figure 9
Le « tir » du migis
Source : HOFFMAN, Walter James (1891), « The Midewiwin or Grand Medicine
Society of the Ojibwa », Seventh Annual Report of the Bureau of American Ethnology,
p. 192.
Figure 10
Poteaux funéraires armoriés
Source : SCHOOLCRAFT, Henry R. (1851), Historical and Statistical Information respecting
the History, Condition and Prospects of the Indian Tribes of the United States, Lippincott,
Grambo & Co, Philadelphie, vol. 1, p. 355.
Figure 11
Recensement ojibwa
Source : SCHOOLCRAFT, Henry R. (1851), Historical and Statistical Information respecting
the History, Condition and Prospects of the Indian Tribes of the United States, Lippincott,
Grambo & Co, Philadelphie, vol. 1, planche 61.
Figure 12
Une carte ojibwa
Source : DENSMORE, Frances (1929), « Chippewa Customs », Bulletin of the Bureau of
American Ethnology, 86, p. 178, figure 19.
Figure 13
Emblème de vision peint sur une couverture
Source : DENSMORE, Frances (1929), « Chippewa Customs », Bulletin of the Bureau of
American Ethnology, 86, planche 32 b.
Figure 14
Figures de gibier
Source : TANNER, John (1956, 1ère éd. 1830), A Narrative of the Captivity and Adventures of
John Tanner, Ross & Haines, Minneapolis, p. 182.
238
table des illustrations
Figure 15
Un initié copiant un texte sélectif
Source : HOFFMAN, Walter James (1895), The Beginnings of Writing, Macmillan & co,
Londres, frontispice.
Figure 16
Texte sélectif gravé sur écorce de bouleau recueilli par Walter Hoffman (chant d’initiation).
Source : National Museum of Natural History, Smithsonian Institution, Washington
D. C., Anthropology Collection, numéro de catalogue E153151‑1. Photographie de Pat
Henkle.
Figure 17
Le corpus d’écrits sélectifs publié par Edwin James
Source : TANNER, John (1956, 1ère éd. 1830), A Narrative of the Captivity and Adventures
of John Tanner, Ross & Haines, Minneapolis.
Figure 17 a. Chant de Mide pour la chasse, p. 341-344.
Figure 17 b. Chant de Mide, p. 345-347.
Figure 17 c. Chant de Mide pour la chasse, p. 348-350.
Figure 17 d. Chant pour la chasse, p. 351-362.
Figure 17 e. Chant pour la chasse, p. 363-368.
Figure 17 f. Chant pour la chasse, p. 369-372.
Figure 17 g. Chant thérapeutique, p. 373-375.
Figure 17 h. Chant thérapeutique, p. 376-378.
Figure 17 i. Chant de guerre, p. 379-380.
Figure 18
Charte du Midewiwin publiée par Johann Georg Kohl
Source : KOHL, Johann Georg (1985, 1ère éd. 1855), Kitchi-Gami. Life Among the Lake
Superior Ojibway, Minnesota Historical Society Press, St. Paul, p. 150.
Figure 19
Charte de Red Lake
Source : HOFFMAN, Walter James (1891), « The Midewiwin or Grand Medicine
Society of the Ojibwa », Seventh Annual Report of the Bureau of American Ethnology,
planche 3.
Figure 20
Charte d’origine de Sikas’sige
Source : HOFFMAN, Walter James (1891), « The Midewiwin or Grand Medicine
Society of the Ojibwa », Seventh Annual Report of the Bureau of American Ethnology,
planche 5.
Figure 21
Combinaison d’une charte d’origine et d’une charte des quatre degrés
Source : HOFFMAN, Walter James (1891), « The Midewiwin or Grand Medicine So-
ciety of the Ojibwa », Seventh Annual Report of the Bureau of American Ethnology, p. 174.
239
table des illustrations
Figure 22
Charte d’origine publiée par William Jones
Source : JONES, William (1919), Ojibwa Texts, Publications of the American Ethnologi-
cal Society, New York, vol. 7, 2e partie, p. 322.
Figure 23 a
Charte de loge fantôme publiée par Walter Hoffman
Source : HOFFMAN, Walter James (1891), « The Midewiwin or Grand Medicine Society
of the Ojibwa », Seventh Annual Report of the Bureau of American Ethnology, p. 279.
Figure 23 b
Charte de loge fantôme publiée par Ruth Landes
Source : LANDES, Ruth (1968), Ojibwa Religion and the Midewiwin, University of Wis-
consin Press, Madison, p. 200.
Figure 24
Le destin de l’âme après la mort
Source : KOHL, Johann Georg (1985, 1ère éd. 1855), Kitchi-Gami. Life Among the Lake
Superior Ojibway, Minnesota Historical Society Press, St. Paul, p. 215.
Figure 25
Charte de migration
Source : HOFFMAN, Walter James (1891), « The Midewiwin or Grand Medicine Society
of the Ojibwa », Seventh Annual Report of the Bureau of American Ethnology, p. 179.
Figure 26
Vision de Jaasakid publiée par Henry Schoolcraft
Source : SCHOOLCRAFT, Henry R. (1851), Historical and Statistical Information respecting
the History, Condition and Prospects of the Indian Tribes of the United States, Lippincott,
Grambo & Co, Philadelphie, vol. 1, p. 390.
Figure 27
Visions de Jaasakid publiées par Walter Hoffman
Source : HOFFMAN, Walter James (1891), « The Midewiwin or Grand Medicine So-
ciety of the Ojibwa », Seventh Annual Report of the Bureau of American Ethnology, p. 252.
Figure 28
Le dessin d’un scribe ojibwa
Source : KOHL, Johann Georg (1985, 1ère éd. 1855), Kitchi-Gami. Life Among the Lake
Superior Ojibway, Minnesota Historical Society Press, St. Paul, p. 387.
Figure 29
Transcription alphabétique d’un chant du Midewiwin
Source : HOWARD, James H. (1965 b), The Plains-Ojibwa or Bungi: Hunters and Warriors
of the Northern Prairie, with special reference to the Turtle Mountain Band, University of
South Dakota, Vermillion, p. 143.
240
table des illustrations
Figure 30
L’écriture sélective navajo
Source : The Schøyen Collection, MS 4606, p. 36, Oslo et Londres.
Figure 31
L’écriture sélective kuna
Source : Début du chant du démon ; Carlo Severi, collection personnelle.
Figure 32
L’écriture sélective mixtèque
Source : Codex Zouche-Nuttall, planche 3, recto, British Museum.
Figure 33
L’écriture sélective de l’île de Pâques
Source : Santiago Staff ; FISCHER, Steven Roger (1997), Rongorongo. The Easter Island
Script. History, Traditions, Texts, Clarendon Press, Oxford, p. 451
Figure 34
L’écriture secondaire micmac
Source : Décalogue, première page ; KAUDER, Christian (ed) (1921, 1ère éd. 1866),
Manuel de prières, instructions et chant sacrés en hiéroglyphes micmacs, Micmac Messen-
ger, Restigouche, p. 76.
Figure 35
Écriture secondaire du Mexique
Source : Pater noster, extrait ; Bernand, Carmen (2009), Teotl. Dieu en images dans le
Mexique colonial, Presses universitaires de France / Fondation Martin Bodmer, Paris.
Figure 36
L’écriture sélective du prophète apache Silas John
Source : ANDERSON, Ned et BASSO, Keith H. (1973), « A Western Apache writing
system : the symbols of Silas John », Science, 180 (4090), p. 1014.
Figure 37
L’écriture attachée des chamanes nipas (texte rituel Mizhi de Lava)
Source : Aurélie Névot, collection personnelle.
Figure 38
L’écriture attachée de l’Oberi Okaime inventée par Michael Ukpong
Source : HAU, Kathleen (1961), « Oberi Okaime Script, Texts, and Counting System »,
Bulletin de l’Institut Français d’Afrique Noire, Série B : Sciences Humaines, 23 (1-2), p. 305.
Figure 39
L’écriture logo-syllabique maya
Source : Codex de Dresde, planche 30 ; THOMPSON, J. Eric S. (1972), A Commentary on
the Dresden Codex, The American Philosophical Society, Philadelphie.
241
remerciements
243
table des matières
Introduction 7
Écritures et discours rituels
Cartes 21
Chapitre i 27
L’écriture de Charles Meiaskaouat, prédicateur montagnais
Chapitre ii 37
Le grand livre de Neolin, visionnaire delaware
Chapitre iii 55
La Bible de Kenekuk, prophète kickapoo
Chapitre iv 75
La charte d’Abishabis et de Wasiteck, prophètes cris
Chapitre v 83
Écritures de prophètes
Chapitre vi 91
L’écriture et les chartes du Midewiwin,
une société chamanique ojibwa
Conclusion 159
Écritures attachées
Annexe 189
Récit de la vision de Neolin
Notes 195
Bibliographie 219
Table des illustrations 237
Remerciements 243
Ce ier volume de la collection « Graphê », publié aux Editions Les Belles Lettres,
a été achevé d’imprimer en avril 2013 par Schaubroeck (Belgique)