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Dans la scène 4, acte 2 de la pièce Dom Juan, le spectateur assiste à une véritable scène
de comédie : Dom Juan, séducteur invétéré, se trouve face à deux femmes qu’il a charmées et
auxquelles il a promis le mariage : Mathurine et Charlotte. Une dispute éclate entre les deux
paysannes, à l’issue de laquelle, ces dernières exigent de connaître le nom de la future épouse de
Dom Juan. Le célèbre séducteur va alors se tirer, avec un certain brio, de ce mauvais pas.
La lecture du texte nous invite à nous demander en quoi la dispute des deux paysannes
fait-elle naître le comique.
Cette scène possède de nombreux ressorts comiques : la dispute entre les deux paysannes,
la complicité entre le public et DJ, le double jeu de celui-ci. DJ apparaît comme un fin
manipulateur. Le conflit, alors, entraîne le rire du spectateur. Pourtant, il n’est pas toujours
synonyme d’humour comme cela est le cas dans Rhinocéros d’Eugène Ionesco où la querelle de
Jean et Béranger va révéler deux visions opposées de l’humanité.
Extrait : du début jusqu’à “je viens vous retrouver dans un quart d’heure”
Introduction
1. Situation du passage
3. Axes de lecture
A. Comique de situation
• Mariage proposé aux deux femmes, et confrontation = situation gênante (soulignée par le “ah
ah” de Sg au début de la scène = amusement, crainte ? double jeu de Sg possible ici), proche de
celle de “l’arroseur arrosé”.
• DJ pris au piège met en place une situation de communication comique en elle-même : là aussi
comique de situation : le séducteur parvient malgré à “embrouiller” les deux paysannes.
• Comique encore dans le fait qu’il leur coupe la parole (de façon répétitive), puis qu’il les induit
en erreur, puis qu’il s’en sorte : il parvient à ne jamais fournir l’explication attendue par les femmes
mais aussi par les spectateurs = prouesse qui amuse. Situation qui évolue sans jamais se
résoudre, et dont le protagoniste sort indemne. Rire qui naît du retardement continuel qu’on
prolonge à l’extrême.
B. Comique de caractère
C. Comique de mœurs
Ce que cherche la farce : l’efficacité. Le rire immédiat. D’où le recours à des procédés directs,
simples, répétitifs = une certaine mécanique.
A. Mécanique verbale
• Convention théâtrale : Dj peut parler à l’une des deux paysannes sans se faire entendre de
l’autre. Or elles ont toutes deux la même revendication : celle d’être une promise du beau
monsieur qu’est DJ.
• Dj parle pour empêcher de parler / pour discréditer chaque femme aux yeux de l’autre (“souffler
sur le feu”). Reprise des mêmes idées en termes différents --> rire typique de la farce.
• Emploi récurrent de l’impératif : « Ne lui dites rien, c’est une folle / Laissez-la là, c’est une
extravagante /Laissez-la faire / laissez-la dire = parallélisme syntaxique (présentatifs en 1),
lexical (folle / extravagante).
2. Vivacité du rythme
• Répliques de plus en plus courtes notamment l’accélération finale avant la tirade = tension
dramatique.
• Tirade de DJ = contraste, rupture du rythme = surprise = rire.
• Tirade elle-même construite sur la mécanique de l’échange, avec des répliques brèves
adressées “bas” à chacune des deux paysannes à l’intérieur même du discours (changements
brusques et rapides de situation d’énonciation au sein même de la tirade = là aussi surprise,
décalages et rire).
B. Mécanique scénique
1. Première partie
• Nécessaire prise en compte des déplacements de M et C dans leur tentative de se parler.
• DJ au milieu. Leurs mouvements de tête (elles tournent autour) à elles / ses mouvements à lui
? Interprétation totalement ≠ suivant qu’il bouge ou pas. Si on veut faire ressortir le manipulateur,
il bouge peu, et elles bougent. Si on veut insister sur le fait que l’action risque de lui échapper,
c’est lui qui bouge.
2. Deuxième partie
• Progression nécessaire : M et C cherchent à se parler et y parviennent. Donc rapprochement
nécessaire.
• Position de DJ qui doit à ce moment-là évoluer. Centre, mais mise en valeur de la confrontation
des deux f, et retrait de DJ.
• Là aussi, plusieurs choix : mettre en valeur sa distance, ou au contraire son habileté. Peut-il par
exemple se mettre du côté de l’une d’elle ou de l’autre ?
3. Troisième partie
• DJ pris au piège. C’est donc aussi un piège physique qui doit être mis en place, et pas seulement
verbal. → Où et comment, sur scène, le personnage va-t-il se retrouver “coincé” ?
• Piège dont il échappe. Où/comment se trouve-t-il pour pouvoir s’esquiver ? Quelle issue lui
ménage-t-on ? Passe-t-il entre les deux femmes ? Reste-t-il derrière ?
→ Chacune des solutions scéniques choisie influe directement la façon dont on va percevoir le
personnage. Justement, on peut s’intéresser au décalage qui s’opère avec sa propre tirade de
l’acte I.
B. Ambiguïté du personnage de DJ
Conclusion
• Scène qui marque apogée du comique dans l’acte II. Pas seulement un comique de
divertissement.
• Contribue à rendre difficile la catégorisation de la pièce. Comédie, tragédie, farce ?
• Enrichit l’ambiguïté du personnage.
• Ambiguïté qui renvoie le lecteur / spectateur à lui-même quant à l’attitude attendue vis-à-vis
du personnage : nous fait-il rire des deux paysannes, ou rit-on des ridicules du séducteur ? =
rejoint la “grande” comédie, celle qui pousse à la réflexion. Qu’est-ce que les dévots y condamnent
: leurs propres peurs de se voir, dans le fond, comme DJ ?