Cas clinique
Femme de 55 ans vue après cholécystectomie laparoscopique
Ph. Wind
Service de Chirurgie Générale et Digestive, Hôpital Avicenne – Bobigny.
Correspondance : Ph. Wind, Service de Chirurgie Générale et Digestive, Hôpital Avicenne, F 93009 Bobigny Cedex.
Présentation du cas clinique
Cette observation a été présentée au 103e Congrès Français de Chirurgie à Paris, le
5 octobre 2001, dans le cadre des dossiers de pathologie hépato-biliaire.
Le modérateur (Henri Bismuth) a confié cette observation au présentateur (Philippe Wind) qui
la traite en s’aidant du résumé de l’observation et de l’iconographie. La salle et les experts
(Laurence Chiche, Daniel Jaeck et Yves Panis) sont encouragés à prendre la parole.
Mots-clés : Voies biliaires. Traitement. Plaie biliaire. Cas clinique.
Henri BISMUTH : Nous allons
commencer la séance de discussion de
dossiers. Vous connaissez la formule :
des chirurgiens, de jeunes collègues,
ont reçu des dossiers de malades qu’ils
ne connaissent pas, avec un résumé
d’observation et quelques documents,
364
qui doivent leur permettre de faire
une proposition diagnostique et une
proposition thérapeutique. Ces pro-
positions seront inscrites sur un
transparent. Les experts l’approuve-
ront ou en formuleront d’autres et en-
suite on demandera son avis à la salle.
Philippe W I N D : « L’observation
concerne une femme de 55 ans qui a
comme antécédent une mastectomie bi-
latérale pour un cancer en 1996. L’his-
toire de sa maladie commence par une
cholécystectomie en 1999 sous cœliosco-
pie. Au 19e jour postopératoire, elle est
réopérée pour une collection biliaire
péri-hépatique et lors de cette interven-
tion, il est découvert une plaie du canal
hépatique commun qui est décrite
comme une « lacération ». Il est réalisé
une hépatico-jéjunostomie sur une anse
en Y. On n’a aucune information sur les
suites opératoires ni de compte-rendu
opératoire précis.
Un an et trois mois après, elle est rehos-
pitalisée pour un abcès hépatique. Nous
disposons d’un scanner abdominal et
d’une IRM qui ont été faits à cette occa-
sion. Le scanner abdominal montre une
aérobilie dans des voies biliaires intra-
J Chir 2001;138:364-373
hépatiques gauches qui sont assez bien
visibles (figure 1a). Une collection hy-
podense est située dans le secteur posté-
rieur du foie (figure 1b). Il existe égale-
ment une aérobilie dans les voies
droites, plutôt dans le secteur antérieur
du foie droit. L’anse montée est opaci-
fiée par l’ingestion de produit de
contraste (figure 1c). On voit aussi un
canal, très certainement biliaire, et un
canal segmentaire postérieur. Après in-
jection, on distingue une veine hépati-
que médiane (figure 1d). La veine hé-
patique droite, de petite taille, pourrait
témoigner soit d’une atrophie du secteur
postérieur, soit de l’existence d’une vei-
ne inférieure droite (figure 1d). Après
injection on note que cette collection ne
prend pas le produit de contraste
(figures 2a, 2b) ; elle se réhausse en pé-
riphérie (figure 2c). La veine hépatique
médiane est aussi visible. L’aérobilie à
droite est au-dessus du plan du hile,
donc elle occupe la partie supérieure du
secteur postérieur (figure 2c). Elle occu-
pe ainsi la quasi totalité du segment
VII. L’artère hépatique est visible ainsi
que la veine porte et sa branche droite,
les canaux biliaires du segment VI, qui
sont dilatés (figure 2d). Sur le scanner
entier, on voit un volumineux canal bi-
liaire dilaté qui est certainement le ca-
nal sectoriel postérieur du foie droit – le
latéral –, très certainement une atro-
phie modérée du secteur postérieur par-
ce qu’il existe un débord à droite de cette
projection hilaire (figure 3). Sur l’IRM
en T1, sans injection de gadolinium, on
retrouve à peu près les mêmes données
que sur le scanner, c’est-à-dire une col-
lection située dans le secteur postérieur
du foie droit, dans le segment VII
(figure 4a) ; la veine hépatique moyen-
ne et a priori la droite. La volumineuse
collection, qui mesure 5 cm, occupe la
totalité du segment VII (figure 4b) et
puis un volumineux canal biliaire déjà
noté sur le scanner, qui est distendu
(figures 4c, 4d). Après injection de ga-
dolinium la veine hépatique moyenne
est visible, ainsi qu’un réhaussement en
Comité de rédaction
Rédacteur en chef
périphérie de cette collection hépatique
F. Lacaine (Paris)
J.-P. Bail (Brest)
(figure 5a), les voies biliaires qui sont
J. Belghiti (Clichy)
distendues et la veine porte (figure 5b).
J. Chipponi (Clermont-Ferrand)
B. Dousset (Paris)
On voit très bien le canal sectoriel posté-
H. Mosnier (Paris)
S. Msika (Colombes)
rieur avec un trajet probablement ex-
C. Vons (Clamart)
Conseil scientifique
tra-hilaire (figures 5c et 5d) . Sur la
J.-P. Arnaud (Angers), J.-G. Balique (Saint-Etienne), J. Baulieux (Lyon),
H. Bismuth (Villejuif), J.-P. Campion (Rennes), M. Carretier (Poitiers), G. Champault
bili-IRM on peut noter le duodénum, le
(Bondy), D. Cherqui (Créteil), L. De Calan (Tours), B. Descottes (Limoges), J.-J. Duron
(Paris), D. Elias (Villejuif), J. Escat (Toulouse), P.-L. Fagniez (Créteil), G. Fourtanier
(Toulouse), D. Franco (Clamart), A. Gainant (Limoges), J.-L. Gouzi (Toulouse), J. Gu-
canal de Wirsung, la partie terminale
genheim (Nice), J.-M. Hay (Colombes), D. Houssin (Paris), C. Huguet (Monaco), D.
Jaeck (Strasbourg), P.-A. Lehur (Nantes), C. Letoublon (Grenoble), Y.-P. Le Treu (Mar-
seille), G. Mantion (Besançon), J. Marescaux (Strasbourg), F. Michot (Rouen), B. Millat
de la voie biliaire principale avec la
(Montpellier), J. Mouiel (Nice), R. Parc (Paris), C. Partensky (Lyon), J.-L. Peix (Lyon),
D. Pezet (Clermont-Ferrand), P. Quandalle (Lille), G. Samama (Caen), B. Sastre (Mar-
seille), A. Sauvaunet (Clichy), P. Segol (Caen), A. Sezeur (Paris), P. Tenière (Rouen),
jonction bilio-pancréatique, ainsi que
J.-P. Triboulet (Lille), P. Valleur (Paris)
Masson périodiques
l’anse montée en Y, au niveau de la
Édition
F. Weise
convergence supérieure (figure 6). On
Tél. : 01 40 46 62 80
Fax : 01 40 46 62 31
distingue le canal hépatique gauche et le
Abonnements
secteur antérieur du foie droit
SESJM
BP 22 - 41354 Vineuil
(figure 6a), la collection intra-hépati-
Tarifs 1998
France : 710 FF
que (figure 6b) et puis ce volumineux
Internes et chefs de clinique : 355 FF
(sur justificatif)
canal qui correspond très certainement
Institution : 1 200 FF
au canal vu précédemment sur les cou-
Autres pays : 1 440 FF
Tél. : 02 54 50 46 12
pes scanographiques et sur l’IRM, et qui
Fax : 02 54 50 46 11
Prix de vente du numéro : 265 FF
est donc un canal postérieur latéral, très
Publicité
M.C. Ribeyre
certainement en situation de variation
Tél. : 01 44 46 62 30
anatomique, avec un glissement, et un
Fax : 01 40 46 62 21
Directeur de la publication
abouchement qui doit se faire un peu
C. Binnendyk
© Masson, Éditeur, Paris, 2001
plus bas sur la voie biliaire principale
Commission paritaire : 54175
Imprimé en France par Bialec s.a.
(figures 6c, 6d). Donc la voie biliaire
54012 Nancy
principale est interrompue. On la re-
Indexé dans : Current Contents (Clinical Medicine), EMBASE (Excerpta Medica), Me-
dline (Index Medicus), Pascal (INIST-CNRS), SCI Search, Research Alert.
trouve un tout petit peu plus haut ainsi
qu’un canal postérieur, avec des grosses
JCHIR
12
dilatations au niveau du secteur du seg-
2001
ment VI (figures 7a, 7b). On voit aussi
Vol.138 ;n° 6
Bialec
bien la convergence supérieure, ce volu-
© Masson, Paris, 2001
mineux canal qui est interrompu en
extra-hilaire. Au niveau du hile le canal
© Masson, Paris 2001
J. CHIR., 2001, 138, N° 6
© MASSON, PARIS, 2001 Cas clinique

a b

c d
Figure 1 : Tomodensitométrie abdominale (sans injection).
365

a b b

c d
Figure 2 : Tomodensitométrie abdominale (après injection).
 Femme de 55 ans vue après cholécystectomie laparoscopique Ph. Wind

sectoriel droit a un long trajet extra-hi-
laire (figures 7c, 7d). Sur des coupes en
T2, qui sont des coupes frontales, sont
visibles la collection du segment VII ; le
volumineux canal est probablement le
canal biliaire du VII (figure 8a). Il sem-
ble écrasé, refoulé par la collection
(figures 8b, 8c). La collection ainsi que
la dilatation des canaux au-dessus et
au-dessous sont visibles. Le canal sem-
ble moulé par la collection (figures 8b,
8c). Sur une coupe sagittale, qui passe
par le pédicule latéral du foie droit, la
366 Figure 3 : Tomodensitométrie abdominale.
voie biliaire, la veine porte et des élé-
ments artério-portaux sont visibles
(figure 8d). Sur deux coupes frontales,
l’une avec injection en T1, l’autre en T2,
montrent la volumineuse collection
(figure 9a), une voie biliaire dilatée au-
dessus, le canal biliaire dilaté
(figure 9b). La voie biliaire est certaine-
ment dilatée au-dessus et la collection.
Trois semaines après son admission
pour le scanner et l’IRM, la malade est
traitée par une antibiothérapie et un
drainage percutané. Le drainage per-
cutané est fait dans le volumineux canal
biliaire dilaté, qui est donc le canal
du secteur postérieur du foie droit
(figure 10). On note ici une sorte d’em-
preinte sur la partie terminale. Il n’y a
aucune communication avec l’anse grê-
le montée. Deux clips sont visibles et
certainement une image de clip sur la
partie terminale de ce canal. Vers le
haut on a l’impression d’avoir une sorte
de fuite, ou de flaque, de produit de
contraste.
Cette malade a donc eu une cholécystec-
tomie, avec une plaie des voies biliaires
certaine, qui a été constatée lors de la
réintervention. A priori il semble qu’elle
ait eu deux lésions, une ligature du canal
sectoriel postérieur droit, très certaine-
ment favorisée par une variation ana-
tomique, qu’est le glissement de ce canal,
et une plaie de la voie biliaire principale,
qui a été réparée par une anastomose
hépatico-jéjunale. Mais cette anasto-
mose hépatico-jéjunale a dû concerner
la convergence du canal antérieur droit
et du canal gauche. Il y a très certaine-
ment une absence de radiographie per

a b

c d
c

Figure 4 : Imagerie par résonance magnétique (coupes en T1).

J. CHIR., 2001, 138, N° 6
© MASSON, PARIS, 2001 Cas clinique

a b

c d

Figure 5 : Imagerie par résonance magnétique (après injection de gadolinium).

367

a b

d
c d

Figure 6 : Bili-IRM (Imagerie par Résonance Magnétique).

 Femme de 55 ans vue après cholécystectomie laparoscopique Ph. Wind

a b

c d

Figure 7 : Bili-IRM (Imagerie par Résonance Magnétique).

368

a b

c d

Figure 8 : Imagerie par résonance magnétique (coupes en T2).

J. CHIR., 2001, 138, N° 6
© MASSON, PARIS, 2001
Figure 9 : Imagerie par résonance magnétique (coupes en T1 -a- et en T2 -b-).
opératoire 1. La réintervention s’est faite
vers le 18e jour, probablement dans des
conditions assez difficiles, assez inflam-
matoires. Le canal sectoriel postéro-
droit a probablement été pris pour le ca-
nal cystique et n’a pas été dérivé. On a
très peu de données dans la littérature
sur l’évolution de ces secteurs non drai-
nés. La plupart du temps ces secteurs non
drainés doivent évoluer vers l’atrophie et
on ne s’en rend pas compte. Dans le cas
Figure 10 : Cholangiographie par le drain percutané.
a b
Figure 11 : Échographie hépatobiliaire.
1. Voir à ce sujet l’article de ce même numéro dans Images en chirurgie : « Cholécystectomie : attention au glissement d’un éperon sectoriel ! ».
Cas clinique
a b
qui nous intéresse il y a eu une évolution
vers une angiocholite, un abcès hépati-
que, une infection ; peut-être cette infec-
tion a-t-elle été favorisée par une isché-
mie. Nous ne disposons pas
d’artériographie, ni d’écho-doppler.
Mais il n’y a pas de lésion vasculaire
visible sur les examens dont nous dispo-
sons. Elle a eu une antibiothérapie, un
drainage biliaire externe du secteur
exclus.
Deux mois et demi après ce traitement
percutané elle consulte à l’hôpital Paul
Brousse. On note un drain basi-thoraci-
que droit qui donne 100 ml de bile par
jour, qui est donc productif. Elle n’a pas
d’ictère, elle n’a pas de cholestase et elle
a une échographie. La biologie est la
suivante : bilirubine totale normale ;
gamma-GlutamylTranspeptidases très
modérément élevées, que seule la
présence du drain biliaire suffit à expli-
quer ; glycémie modérément élevée ; 369
créatinémie très modérément élevée. On
peut dire qu’elle a un bilan hépatique
normal et qu’elle semble aller très bien
avec un drainage biliaire qui donne
100 ml par jour. L’échographie dont j’ai
disposé, j’ai eu beaucoup de mal à la lire
(figure 11). Deux planches m’ont sem-
blé intéressantes. Il existe une aérobilie,
probablement aussi un petit résidu de la
collection vue sur les examens précé-
dents.
Le traitement va dépendre de l’évolu-
tion du secteur postérieur exclu, qui est
maintenant drainé. Peut-il se produire
 Femme de 55 ans vue après cholécystectomie laparoscopique
un tarissement, au bout d’un certain
nombre de mois ? En cas de canal exclu
non drainé, on sait que l’on peut obser-
ver un tarissement, une atrophie du sec-
teur hépatique correspondant. Dans le
cas présent, le canal est drainé depuis
2 mois. On aurait tendance à penser
qu’en laissant le drain on risquerait
d’avoir, à terme ou à distance, une in-
fection chronique avec la possibilité de
lithiase intra-hépatique, d’angiocholite,
et à terme une fibrose ou une sténose des
voies biliaires, une atrophie de ce secteur
et, éventuellement très à distance, une
cirrhose voire même, mais c’est plus le
cas des lithiases intra-hépatiques, un
cholangiocarcinome.
Mes quatre propositions thérapeuti-
ques sont donc : 1) l’abstention, en at-
tendant un tarissement, ma réponse est
non pour les raisons décrites précédem-
ment ; 2) le traitement endoscopique,
mais je ne vois pas très bien ce que l’on
pourrait faire. Le traitement percutané
a déjà été fait, j’imagine mal un traite-
ment endoscopique sur ce type de
lésions ; 3) On pourrait éventuelle-
370 ment en hospitalisation, après avoir vé-
rifié la bactériologie de la bile, faire un
clampage du drain, qui pourrait per-
mettre à la fois de dilater le canal pour
favoriser une dérivation bilio-digestive
et voir si on ne pourrait pas entraîner
une atrophie forcée de ce secteur. Mais
la malade a quand même déjà été in-
fectée, elle a eu un abcès. Je serai donc
réticent vis-à-vis de cette technique ; 4)
enfin il y a le traitement chirurgical qui
est possible avec deux options, la déri-
vation bilio-digestive, en utilisant l’an-
se montée qui est déjà là, ou la résection
hépatique.
L’indication est fonction de différents
facteurs, essentiellement l’état des voies
biliaires, le degré d’atrophie hépatique.
Je demanderai un nouveau bilan pré-
thérapeutique, j’aurai besoin d’une
nouvelle cholangiographie par le drain
pour voir comment est le canal biliaire.
Est-il dilaté, est-il normal, que se passe-
t-il au niveau de ce canal ? Une étude
des vaisseaux, au minimum un écho-
doppler voire une artériographie, nous
permettrait de prévoir des difficultés de
revascularisation au niveau du hile, s’il
existe des lésions vasculaires et, éven-
tuellement, une anatomie vasculaire
pour permettre une réintervention plus
aisée.
1. En faveur de la dérivation bilio-di-
gestive, il y a l’atrophie, mais elle est re-
lativement modeste. Le foie donne
100 ml par jour, ce n’est pas tout à fait
le volume de 2 secteurs mais il donne
quand même 100 ml par jour. Il n’y a
pas de lithiase visible, si la voie biliaire
est normale, on a une partie terminale,
sectorielle postérieure qui est extra-hi-
laire donc facilement abordable. On
pourrait discuter le clampage du drain
pour obtenir une dilatation, mais là en-
core en faisant vraiment très attention,
et je lui demanderai une artériographie
pré-opératoire.
2. Enfin la sectoriectomie postérieur
extra-hilaire, je ne la proposerai pas
chez cette patiente. Elle a des indica-
tions qui sont relativement limitées
dans les plaies per opératoires des voies
biliaires. Il faudra voir les anomalies des
voies biliaires, avec des sténose, lithiase
intra-hépatique ou une atrophie, un
abcès (ici, j’ai l’impression sur l’écho-
graphie que les choses se sont bien ar-
rangées) ou le développement d’un
cholangiocarcinome, mais ce n’est pas le
problème chez cette patiente. »
DIAGNOSTIC : double plaie biliaire, à
la fois ligature de la branche secto-
rielle postérieure droite, qui a été pri-
se pour le canal cystique, et lacération
de la voie biliaire antérieure réparée
par une anastomose hépatico-jéju-
nale.
T RAITEMENT : après une cholangio-
graphie par le drain, si le canal biliai-
re a le même aspect, s’il est normal, ou
s’il est dilaté proposition d’une déri-
vation bilio-digestive.
Docteur Laurence CHICHE : « Sur les
examens deux choses sont importantes.
La première, sur l’IRM il y a des abcès
angiocholitiques également dans le VI.
On voit une grosse dilatation mais aussi
des petits abcès angiocholitiques. Pour
moi, il y a de multiples abcès, le gros
que l’on voit au scanner et des petits
dans le VI. Je suis d’accord sur l’impor-
tance du problème artériel. En revan-
che, je ne crois pas que l’échodoppler
soit intéressant parce que l’on peut
avoir une revascularisation, et qu’en
échodoppler, que l’on ait un flux arté-
riel dans le secteur postérieur, celà ne
voudra rien dire. Là où je suis plus per-
plexe ce sont sur les clichés d’IRM, où
l’on aperçoit une espèce de gros canal
Ph. Wind
qui semble en effet être un glissement
du canal postérieur, qui aurait été lié.
On peut noter tout de même qu’il y a
un long délai entre le moment de la
plaie biliaire et l’abcès angiocholitique,
il y a plus d’un an (la réintervention
date d’avril 99 et, en juillet 2000, elle
fait l’abcès angiocholitique). Cela peut
arriver. L’autre hypothèse est qu’il y ait
eu une réparation sur un canal prenant
ce canal postérieur qui a fini par se sté-
noser, et qui est en communication
avec l’anse montée ce qui peut expli-
quer l’infection. »
Philippe WIND : « Une sténose est en
effet la deuxième possibilité. Mais ce qui
m’a fait reculer sur ce diagnostic de sté-
nose, c’est que l’on voit un clip. On a
une image de clip et je ne vois pas très
bien ce qui a été réparé. Pourquoi y
aurait-il un clip sur la partie terminale
du secteur postérieur si une dérivation a
été faite ? »
Docteur Laurence CHICHE : « Je trou-
ve un peu dur de n’avoir donné que
l’échographie comme examen pour
prendre une décision... Ce n’est pas
suffisant ! Il faut refaire une cholan-
gio-IRM ou un scanner, pour moi ce
n’est pas suffisant. »
Philippe WIND : « On a un drain dans
la voie biliaire qui peut être utilisé pour
faire une cholangiographie. »
Docteur Daniel JAECK : « Je partage les
analyses qui ont été présentées. Je me
pose simplement la question de savoir
pourquoi vous avez cité le cholangio-
carcinome ? Je ne vois pas ce qu’une tel-
le hypothèse vient faire. »
Philippe WIND : « Non, ce n’était pas le
problème de cette patiente. À terme on
peut se poser la question, mais dans ce
cas nous sommes à un stade très précoce.
On peut imaginer que si un cholangio-
carcinome devait survenir sur des
lésions biliaires, avec lithiase intra-
hépatique, ce serait vraiment plusieurs
années après et non pas si précocement.
Je ne l’ai cité que pour être exhaustif, sur
le devenir éventuel. Il fallait avoir des
arguments pour réintervenir et non pas
pour attendre. Peut-être certains sont-
ils partisans d’attendre. Ce qui va
contre l’attente chez cette patiente c’est
qu’elle s’est déjà compliquée, et on peut
donc penser que tout traitement autre
que chirurgical risquerait à terme, de
J. CHIR., 2001, 138, N° 6
© MASSON, PARIS, 2001
nouveau, d’aboutir à des abcès
angiocholitiques. »
Docteur Daniel JAECK : « La deuxième
chose qui me surprend aussi, c’est le
délai très long. Elle a eu la réparation
trois semaines après la plaie biliaire et
elle fait un abcès plus d’un an après
cette réparation. Que s’est-il passé dans
l’intervalle ? N’avez-vous pas d’autres
documents ? »
Philippe WIND : « Non je n’ai aucun
autre document. »
Docteur Yves P ANIS : « Je suis d’ac-
cord avec le diagnostic. J’avais l’impres-
sion, mais peut être fausse, qu’il y avait
une atrophie assez importante du sec-
teur postérieur du foie droit. Je ne serai
pas non plus pour l’abstention. Mais
j’avais aussi l’impression, comme disait
Laurence Chiche, qu’en cholangio-
IRM les voies biliaires n’étaient pas du
tout normales. Donc au risque de cho-
quer, je ne vois pas pourquoi on ne peut
pas discuter aussi une résection hépati-
que, une sectoriectomie postérieure. »
Docteur Laurence CHICHE : « Sur la
cholangiographie percutanée on a
l’impression de noter une espèce
d’empreinte. J’ai l’impression qu’il y a
du matériel dans la voie biliaire, ce qui
est un argument de plus pour la
résection. »
IV
III
V 2 cm
II
I Fréquence des traumatismes biliaires (expé-
Figure 12 : Les différents degrés de traumatismes biliaires.
Henri BISMUTH : « Le docteur Panis
propose une résection. »
Docteur Yves PANIS : « J’ai l’impres-
sion que : 1) les voies biliaires ne sont
pas tout à fait normales. Ne prend-on
pas un risque ? Je ne sais pas ? ; et 2) le
foie est déjà très atrophique dans le sec-
teur concerné. Donc quel intérêt y a-t-il
à réanastomoser la voie biliaire ? »
Philippe W IND : « Il est atrophique,
c’est certain. »
Docteur Daniel JAECK : « Je pense que
l’artériographie donnera des argu-
ments, soit pour la résection soit pour
l’anastomose. »
Henri BISMUTH : « Et comme traite-
ment que proposez-vous ? »
Docteur Daniel JAECK : « Si il y a une
lésion artérielle, la résection. »
Henri BISMUTH : « Et pourquoi ? »
Docteur Daniel JAECK : « Parce que on
peut imaginer que le foie en question
n’est plus vascularisé et les voies biliai-
res non plus, et donc l’anastomose ne
sera peut être pas... »
Henri BISMUTH : « ...on est à un an et
3 mois. »
Philippe W IND : « Je crois que ça va
dépendre de l’état des voies biliaires sur
une nouvelle cholangiographie. »
Cas clinique
Henri BISMUTH : « Je pense que tout le
monde est d’accord sur le diagnostic. Il
n’y a pas de problème diagnostique et
c’est principalement le traitement qui
se discute chez cette malade. »
Question de la salle : « Pourquoi voit-
on au scanner l’anse montée ? »
Philippe WIND : « Oui on la voit. Peut
être est-elle assez courte. On sait que du
liquide digestif peut refluer jusqu’à
50 cm en amont d’une anse grêle. »
Question de la salle : « Qu’est devenue
la fistule pleurale ? »
Philippe WIND : « Il n’y a pas de fistule
pleurale. Il y a un drain basi-thoracique
droit après le traitement percutané,
avec un drain qui donne 100 ml de bile
pour drainer un secteur postérieur. »
Henri BISMUTH : « Elle a fait un abcès
du foie. Ils ont mis une aiguille. Ils ont
retiré du pus, je pense car on ne le sait
pas, et ensuite de la bile, et enfin ils ont
mis un drain. »
Question de la salle : « Pourquoi ne
pas proposer effectivement une résec-
371
tion hépatique sectorielle. Parce
qu’avec une anastomose, on va exposer
la malade à « traîner ». Elle a déjà traîné
pas mal. Une anastomose risque de se
sténoser. Reprendre sur une sténose di-
gestive, est-ce la meilleure solution ? Ne
faut-il pas faire une résection, pour lui
donner plus de chances de réussite ? »
Philippe WIND : « Si la voie biliaire est
saine et dilatée avec le trajet extra-
hilaire qu’elle présente, elle est tout à fait
dérivable. Si le foie est très atrophique
avec une voie biliaire anormale, c’est sûr
qu’on ne pourra pas la dériver. »
Question de la salle : « Mais on n’est
pas sûr de l’état de la voie biliaire. »
Philippe WIND : « Je n’ai pas de cho-
langiographie au moment où elle a été
admise, tous les documents dont je dis-
pose, sont les documents disponibles au
moment de l’abcès du foie. »
Tableau 1
rience du centre hépato-biliaire, Hôpital
Paul-Brousse).
Fréquence (%) Type
13 I
26 II
III
 Femme de 55 ans vue après cholécystectomie laparoscopique Ph. Wind

13a 13b

14 15

372

16 17a 17b

Figure 13 : Cholangiographie percutanée.

Figure 14 : Cholangiographie par le drain.
Figure 15 : Schéma de la situation opératoire.
Figure 16 : Cholangiographie et calque du montage peropératoire.
Figure 17 : Tomodensitométrie abdominale, coupes de même niveau à 4 ans d’intervalle.
J. CHIR., 2001, 138, N° 6
© MASSON, PARIS, 2001
Henri BISMUTH : « Vous allez voter
sur le traitement : 1) abstention ;
2) anastomose, c’est-à-dire répara-
tion biliaire en réimplantant le canal
dans l’anse en Y qui est déjà montée,
comme l’a dit le Dr Wind ou ; 3) résec-
tion hépatique du segment hépatique
postéro-latéral. »
(les résultats du vote de la salle sont
d’environ 50 % pour l’hépatectomie et
50 % pour la réimplantation biliaire...)
Henri BISMUTH : « Je peux vous de-
mander, quel est le geste le plus
simple ? »
Docteur Yves PANIS : « L’abstention ! »
(rires dans la salle…)
Henri B ISMUTH : « Ah ! comme ils
sont paresseux ! Non, je veux dire
entre l’hépatectomie et la réimplanta-
tion biliaire. »
Réponses de la salle : « L’hépatectomie. »
Henri BISMUTH : « Vous pensez que
la sectoriectomie postérieure, chez un
malade qui a eu un abcès du foie, est
plus facile ! Alors là je ne suis pas d’ac-
cord. Je pense, je peux vous dire que
c’est la réparation biliaire, l’interven-
tion la plus simple.
Le diagnostic est donc un trauma-
tisme biliaire de type V, puisqu’il y a
un canal biliaire exclu (figure 12). Il
existe une convergence étagée. Lors-
que le chirurgien a fait le traumatis-
me de la voie biliaire principale, du
fait de la convergence étagée, dans la
ligature ou dans le clip il a pris en
même le canal et la voie biliaire prin-
cipale. En terme de fréquence cette
complication est rare (tableau 1). Elle
ne concernait dans notre série que
5 % des cas [1]. Mais c’est un danger
réel, un cas sur 20. Le point particu-
lier est que lorsque la malade est ve-
nue nous voir, elle avait un drain en
place et nous avons commencé par
nous poser une première question : si
on envisage de faire une réparation
biliaire, comment ça passe dans les
voies biliaires de l’autre coté ? Je vous
rappelle qu’elle a eu une réparation
précoce deux semaines après le trau-
matisme biliaire ; vous avez dit vous
même dans des conditions sans doute
difficiles, ce qui est toujours vrai
quand on opère deux semaines après
une plaie biliaire. Faisons d’abord
une cholangiographie percutanée
pour vérifier s’il y a un bon passage
(figure 13). L’anse est visible cette in-
formation est utile. Vous l’avez très
bien noté en analysant le scanner. On
voit le moignon dans sa partie extra-
hilaire, sortant dans le hile. Ça c’est
très important pour le choix théra-
peutique. On voit très bien les deux
branches gauches et la branche anté-
rieure, mais il n’y a pas de dilatation
des voies biliaires à ce niveau là
(figure 13). Ensuite dans le même
temps de cholangiographie, pas par
ponction percutanée mais par le
drain, on a opacifié ce qui est le moi-
gnon biliaire qui n’a aucune
communication avec la voie biliaire.
Il s’agit donc vraiment d’une inter-
ruption (figure 14). C’est sur cela que
l’on doit discuter. D’ailleurs vous
l’avez dit très justement, nous
n’avons pas fait l’artériographie, nous
n’avons pas fait d’IRM, nous n’avons
rien fait d’autre que cet examen et
nous pensons que c’est suffisant.
Pourquoi ?
Parce que si la malade a une fistule
biliaire cela veut dire que le foie est
fonctionnel. On n’a pas à se poser de
question. L’abstention c’est pérenni-
ser la fistule biliaire. Il faudrait atten-
dre très longtemps l’atrophie, qu’elle
n’a pas actuellement, et le fait que le
foie soit fonctionnel suffit pour indi-
quer le geste à faire. Pour nous il est
facile de poser l’indication d’une répa-
ration biliaire. Voici le schéma
(figure 15), c’est un calque de la cho-
langiographie peropératoire qui a été
faite (figure 16). L’intervention a été
de réimplanter le moignon biliaire
dans l’anse monté, par un geste très
simple, d’autant plus simple, qu’on a
laissé le drain en place. À l’interven-
tion après simple dissection de la face
inférieure du foie, au palper on a trou-
vé le cathéter métallique que l’on avait
mis à la place du drain et, sur ce cathé-
ter métallique, on a pu inciser le moi-
gnon et le réimplanter, simplement.
Cas clinique
Le recul n’est pas très long : un an.
Elle est asymptomatique, les gamma-
Glutamyl-Transpeptidases sont nor-
males ainsi que l’échographie (nous
suivons les malades de cette façon).
Alors maintenant pourquoi pas
l’hépatectomie ? L’hépatectomie, se-
rait certes arrivée au même résultat.
Elle aurait supprimé le facteur qui en-
tretient la fistule biliaire, en suppri-
mant le territoire. Mais vraiment il
s’agit là d’un geste plus compliqué que
la simple réimplantation biliaire.
Pourquoi pas l’abstention ? Parce
qu’elle a un abcès. Elle a une fistule bi-
liaire, l’abstention peut se discuter
chez les malades totalement asympto-
matiques. Mais à partir du moment où
il y a un abcès, une bile infectée on ne
peut pas proposer l’abstention.
Dans les cas favorables où les mala-
des sont asymptomatiques on peut
proposer l’abstention. Voici un docu-
ment (figure 17a), concernant un ma-
lade que j’avais opéré, 4 ans avant le
deuxième scanner (figure 17b). Sur le
premier scanner il n’y a aucune atro- 373
phie à droite (figure 17a). Le problème
est qu’il avait une plaie biliaire très
haute, de type IV (tableau 1). Je n’ai pu
trouver que le moignon gauche, le
moignon droit avait totalement
disparu ; même par ponction du foie,
impossible de le trouver. Alors certes
on pourrait dire : faites une hépatecto-
mie droite. Je n’ai rien fait : le malade
était asymptomatique, et 4 ans après
l’évolution s’est faite vers une hépa-
tectomie fonctionnelle (figure 17b). Le
malade s’est fait son hépatectomie
droite fonctionnelle lui-même… Cer-
tes cet exemple est un cas extrême car
il s’agit de plus d’un secteur postérieur
qui n’entraîne aucune symptomatolo-
gie. Mais il est destiné à illustrer le fait
qu’en cas d’absence de symptôme on
peut se dispenser de tout geste.
Référence
1. BISMUTH H, LAZORTHES F. Traumatismes
opératoires de la voie biliaire principale.
Monographie de l’Association Française de
Chirurgie (83e congrès français de chirur-
gie). Masson. Paris 1981.