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des colites à Clostridium difficile, les
infections à anaérobies sont rares (seu-
lement 2 cas d’infection à Bacteroides
dans l’étude RESIST).
Signification pronostique
péjorative
Les résultats de l’étude RESIST vont Prévention primaire de Norfloxacine 400 mg/j PO chez les patients à haut risque :
l’infection du liquide d’ascite cirrhose Child C + protéines dans l’ascite <15 g/l
dans le même sens : chez les patients
infectés, la mortalité hospitalière et à Autres mesures
3 mois était de 18 % et 33 %, versus 3 % • Utilisation appropriée et surveillance des cathéters veineux, des sondes urinaires et
gastriques ; respect des mesures d’hygiène et d’asepsie en cas de procédure invasive
et 14 % chez les patients non infectés. • Prescription des IPP dans le cadre strict de leurs indications
• Traitement d’une carence profonde (< 10 ng/ml) en vitamine D
On distingue habituellement deux • Vaccinations antipneumococcique et antigrippale
stades, compensé et décompensé, à la • Informer le patient et son médecin traitant du risque d’infections bactériennes
et de la nécessité de consulter sans tarder en cas de syndrome fébrile
cirrhose. En 2006, D’Amico a voulu affi-
218
donc cibler ces germes en priorité tout Autres mesures tion, qui ne coûte rien, peut lui sauver
en respectant la flore anaérobie. Pour la vie en permettant la mise en route
cela, on utilise préférentiellement la Cathéters, sondes, précoce d’une antibiothérapie avant la
norfloxacine, qui est une quinolone et autres gestes invasifs survenue d’un sepsis sévère et d’une
faiblement absorbable. Étant donné le ACLF.
risque de sélection de bactéries résis- Attention aux cathéters : il faut les sur-
tantes, cette antibioprophylaxie doit veiller, les changer régulièrement, et
les enlever dès que possible, afin de
être restreinte aux situations à haut Antibiorésistance
risque d’infection [9]. prévenir la survenue d’infections
locales et de bactériémies. Attention
aux sondes urinaires : il faut réévaluer Les antibiotiques sont probablement
Hémorragie digestive quotidiennement leur indication et les médicaments qui ont permis de
éviter les sondages abusifs. Attention sauver le plus de vies humaines.
En cas d’hémorragie digestive haute, Malheureusement, leur utilisation
environ la moitié des patients cir- aux sondes gastriques, rarement utiles,
mais qui peuvent favoriser une pneu- massive a conduit à l’apparition de bac-
rhotiques vont développer une infec- téries résistantes. Le cas actuellement
tion bactérienne dans la semaine qui mopathie d’inhalation. Attention à
toutes les procédures diagnostiques et le plus préoccupant est celui des enté-
suit. L’antibioprophylaxie permet de robactéries – précisément en cause
réduire ce taux d’infection à 10-15 %, thérapeutiques invasives, pour les-
quelles les règles d’hygiène et d’asepsie dans la majorité des infections du
de diminuer l’incidence de la récidive patient cirrhotique – avec la sélection
hémorragique et d’améliorer la sur- doivent être scrupuleusement respec-
tées. de souches productrices de bêtalacta-
vie [10]. Elle repose sur la norfloxa- mases à spectre étendu (EBLSE) [22].
cine per os (400 mg × 2/j). Cependant, Leur incidence est en augmentation
chez les patients à très haut risque – Inhibiteurs de la pompe à protons constante depuis 15 ans pour certaines
c’est-à-dire ayant une cirrhose grave (IPP) espèces comme E. coli et Klebsiella
avec ictère, ascite et/ou encéphalo- pneumoniae (Figure 2) qui deviennent
pathie – il est préférable d’utiliser Le rôle favorisant des IPP dans la sur-
venue d’une infection du liquide d’as- ainsi résistantes aux C3G [23]. Plus
une céphalosporine de 3e génération menaçante encore est l’émergence de
(C3G) par voie intraveineuse [11, 12]. cite est controversé [17-19]. Dans le
doute, il convient de ne les prescrire souches d’entérobactéries productrices
L’antibioprophylaxie doit être débutée de carbapénémases (EPC), encore rares
le plus tôt possible et se limiter à la que dans le cadre strict de leurs indica-
tions et jamais de façon prolongée, a – bien qu’en progression (Figure 3) – en
période hémorragique. Elle est proba- France [24], mais dont l’incidence est
blement inutile chez les patients Child fortiori si la cirrhose est décompensée.
déjà catastrophique dans certains pays
A [12, 13]. européens comme l’Italie et la Grèce
Carence en vitamine D (Figure 4) [22].
Prévention secondaire de l’infection Il a été suggéré qu’une carence en vita-
du liquide d’ascite mine D pourrait favoriser la survenue Colonisation par des bactéries
Chez les patients qui ont survécu à une d’infections bactériennes chez le résistantes
infection du liquide d’ascite, le risque patient cirrhotique [20, 21]. Si cela est
de récidive dans l’année est estimé à loin d’être établi, il est néanmoins pro- La survenue d’une infection à bactérie
60-70 %. Une prophylaxie secondaire bable qu’une carence profonde résistante se fait habituellement en
(norfloxacine 400 mg/j) est donc (<10 ng/ml) est délétère et il est raison- 2 temps (Figure 5). Il faut avoir été pré-
recommandée tant que persiste l’ascite nable de la corriger. alablement colonisé par cette bactérie.
[9, 14]. Avant de l’interrompre, il faut Les infections faisant immédiatement
s’assurer de la disparition complète de Vaccinations suite à une contamination sont beau-
l’ascite par une échographie. coup moins fréquentes. Deux facteurs
La vaccination contre le pneumocoque vont concourir à cette colonisation :
est recommandée chez les patients cir- l’exposition aux antibiotiques et le
Prévention primaire de l’infection rhotiques. Elle repose sur l’administra- séjour en établissement de santé [25].
du liquide d’ascite tion d’une dose de vaccin conjugué
13-valent suivie huit semaines plus Pression de sélection
La prophylaxie primaire de l’infection
tard d’une dose de vaccin polyosidique
du liquide d’ascite est plus controver-
non conjugué 23-valent. Il n’y a pas Un traitement antibiotique a pour but
sée. Elle doit être réservée aux patients
lieu de faire de rappel ultérieurement. de détruire les bactéries pathogènes
HÉPATOLOGIE
219
de sélection. La résistance peut être
acquise par sélection d’un mutant
résistant à l’antibiotique (résistance
chromosomique) ou par transfert de
matériel génétique mobile (plasmide,
transposon) entre bactéries de même
espèce ou d’espèces différentes (ces
structures mobiles accumulant sou-
vent des gènes de résistance vis-à-vis
de plusieurs familles d’antibiotiques).
Tous les antibiotiques sélectionnent. Il
n’y a pas d’antibiothérapie « sans
risque ».
Pression de colonisation
Effondrement de la résistance
à la colonisation
220
démiologie des infections bactériennes
Antibiotiques du patient cirrhotique. Ils observaient
Pression de sélection alors deux modifications principales :
+ effondrement de la résistance d’une part, une augmentation de la
à la colonisation fréquence des infections à CGP, en rap-
port avec l’augmentation des procé-
dures invasives notamment en réani-
Contamination ➡ Colonisation ➡ Infection mation, et d’autre part, l’émergence des
infections du liquide d’ascite à germes
Pression de colonisation résistants aux quinolones chez les
patients sous antibioprophylaxie au
Séjour en établissement de santé long cours par la norfloxacine. En
revanche, à cette époque, seulement
Figure 5. Phases de l’infection à BMR. 1,2 % des infections à entérobactéries
étaient résistantes au céfotaxime.
Dix ans plus tard, les choses avaient
tantes. Le phénomène est particulière- catégories. Il faut donc en ajouter une bien changé. Dans une deuxième
ment marqué avec les antibiotiques à troisième, que l’on appellera comme étude publiée en 2012 [3], la même
effet anti-anaérobies (C3G, amoxicil- dans la littérature [3, 9] : infection asso- équipe faisait le constat de l’émer-
line-acide clavulanique, fluoroquino- ciée aux soins (faute de mieux car, dans gence rapide des infections à BMR. Les
lones [FQ]) et/ou à élimination biliaire la terminologie officielle française, les EBLSE en étaient la première cause,
(ceftriaxone). Cette colonisation par infections associées aux soins devant Pseudomonas aeruginosa,
des bactéries résistantes va perdurer englobent, de façon très large, tout évè- Staphylococcus aureus méti-R (SARM)
plusieurs semaines à plusieurs mois nement infectieux en rapport avec un et Enterococcus faecium. Ces infections
après l’arrêt du traitement antibio- processus,une structure,une démarche à BMR étaient plus fréquentes en cas
tique. de soins, et donc les infections nosoco- d’infection nosocomiale (35 %) qu’en
miales [26]). Cette troisième catégorie cas d’infection associée aux soins
Distinguer 3 (et non pas 2) est caractérisée par un risque d’infec- (14 %) ou communautaire (4 %). Elles
tion à bactérie résistante intermédiaire avaient une évolution plus sévère,
catégories d’infection bactérienne
entre celui (faible) d’une infection com- caractérisée par la survenue plus fré-
On distingue classiquement les infec- munautaire et celui (élevé) d’une infec- quente d’un choc septique (26 vs 10 %)
tions communautaires (et on com- tion nosocomiale. Doivent y être ran- et une mortalité plus élevée (25 vs
prend par là : apparues en dehors de gées toutes les infections apparues en 12 %). Leurs facteurs prédictifs étaient
l’hôpital et habituellement sensibles dehors d’un établissement de santé, l’origine nosocomiale de l’infection (HR
aux antibiotiques usuels) et les infec- mais chez un patient à haut risque 4,43), une antibioprophylaxie par qui-
tions nosocomiales (c’est-à-dire : sur- d’avoir été colonisé par des bactéries nolones (HR 2,69), un traitement par
venues à l’hôpital et à haut risque de résistantes, c’est-à-dire un patient bêta-lactamines au cours des 3 der-
bactéries résistantes). Ce qui précède ayant récemment reçu un traitement niers mois (HR 2,29) et une infection à
nous permet de comprendre que cette antibiotique et/ou été hospitalisé. BMR au cours des 6 derniers mois (HR
dichotomie est simpliste et inadaptée. (Tableau II). 2,45).
Ainsi, un patient cirrhotique hospita- De nombreuses études, prospectives et
lisé pour une infection apparue à son rétrospectives, ont confirmé ces don-
domicile, 1 mois après un premier Infections à bactéries nées [27-30]. Sur tous les continents
séjour de 10 jours pour une hémorragie résistantes et cirrhose (Europe, Amérique, Asie), la prévalence
digestive durant lequel il a reçu une des infections à BMR augmente. En
antibioprophylaxie par ceftriaxone, a corollaire, le taux d’échec de l’antibio-
très probablement été colonisé et a Études internationales thérapie classique basée sur les C3G
donc un risque augmenté d’infection augmente et la mortalité associée à ces
à bactérie résistante. À l’évidence, il En 2002, Fernandez et al. ont publié infections est élevée. Ces infections à
n’est pas possible de classer son infec- une première étude prospective [2] sur BMR sont associées, d’une part, au
tion dans l’une ou l’autre de ces deux les changements survenus dans l’épi- caractère nosocomial ou associé aux
soins de l’infection, et d’autre part, à
HÉPATOLOGIE
221
portion de SARM dans les infections
invasives à S. aureus était de 1,2 % aux
Pays-Bas, 10,3 % en Allemagne, 25,8 %
en Espagne et 50,5 % en Roumanie.
Pour ce qui est des souches d’E. coli
résistantes aux C3G, leur taux attei-
gnait 30 % en Italie quand il était infé-
rieur à 10 % dans les pays scandinaves
et en Angleterre. Enfin, dans la plupart
des pays européens, moins de 1 % des
souches de K. pneumoniae étaient
résistantes aux carbapénèmes, contre
34 % en Italie et 67 % en Grèce.
Étude RESIST
222
Tableau III. Recommandations EASL 2014 d’antibiothérapie probabiliste
des infections bactériennes au cours de la cirrhose [9].
CHU que dans les CHG (46,2 % vs qui est des infections communautaires,
29,1 %). Pour autant, les patients ne Stratégie thérapeutique l’antibiothérapie probabiliste reste
différaient pas entre les CHU et les actuelle basée sur les C3G (et l’amoxicilline-
CHG, que ce soit en termes de gravité acide clavulanique). En revanche, pour
de la cirrhose ou de fréquence des les infections nosocomiales et cer-
infections nosocomiales/associées aux Antibiothérapie taines infections associées aux soins, il
soins. Les cultures étaient positives est maintenant recommandé de recou-
dans 63 % des cas, permettant d’isoler rir d’emblée à une antibiothérapie à
L’antibiothérapie probabiliste des large spectre. Différentes stratégies
un total de 263 bactéries. Les BGN
infections bactériennes du patient cir- antibiotiques ont été proposées en
étaient prédominants (53 % vs 39 %
rhotique a longtemps reposé sur les fonction de la prévalence des EBLSE et
pour les CGP). La sensibilité des bacté-
C3G qui couvraient la grande majorité des SARM dans les centres.
ries aux C3G diminuait de 78 % pour
des germes en cause tout en ayant une
les infections communautaires à 65 %
grande sécurité d’emploi. L’émergence Les données de l’étude RESIST nous ont
pour les infections associées aux soins
des infections à BMR a changé la permis d’évaluer ces recommandations
et à 57 % pour les infections nosoco-
donne. En 2014, un groupe d’experts de à partir de l’analyse des antibio-
miales (p<0,04), sans différence signi-
l’EASL a formulé de nouvelles recom- grammes des germes isolés
ficative entre les CHU et les CHG. Il en
mandations (Tableau III) [9]. Pour ce (Tableau IV). Les C3G couvraient 90 %
était de même pour l’association
amoxicilline-acide clavulanique et
pour les FQ. Les BMR représentaient
14,3 % des bactéries isolées, sans diffé- Tableau IV. Évaluation des recommandations EASL 2014 pour l’antibiothérapie
rence entre les CHU et les CHG (14,2 % probabiliste chez le patient cirrhotique à partir des données de l’étude RESIST.
vs 14,4 %). Il s’agissait principalement Cette évaluation était basée sur les résultats de l’antibiogramme des germes isolés chez les
d’EBLSE. Ces infections à BMR étaient patients ayant : 1) une infection classique (infection du liquide d’ascite, bactériémie, infection
urinaire, pneumonie, infection des tissus mous) ; 2) un sepsis ; et 3) une culture positive.
plus fréquentes en cas d’infection
nosocomiale (19 %) ou associée aux
HÉPATOLOGIE
223
des germes isolés en cas d’infection Tableau V. Bon usage des antibiotiques : la règle des 3 temps.
communautaire. En revanche, ce pour-
1. Évaluation initiale en cas de suspicion d’infection bactérienne
centage tombait à 67 % pour les infec-
tions associées aux soins et à 60 % pour • Examen clinique complet à la recherche de signes locaux
les infections nosocomiales. La pipéra- • Dosage des marqueurs biologiques d’infection : leucocytes, CRP, procalcitonine
• Prélèvements bactériologiques systématiques (sang, urines, ascite), même s’ils ont
cilline-tazobactam permettait d’élargir déjà été faits récemment
la couverture à 80 % des germes isolés
Si la réalité de l’infection reste incertaine, évaluer l’état clinique du patient et le risque que
en cas d’infection nosocomiale. De lui ferait courir de laisser évoluer une infection :
même, elle permettait de couvrir 88 % – S’il est faible, surseoir à l’antibiothérapie, surveillance étroite, et réévaluation à 12-24 h
des germes isolés lors des infections (clinique, marqueurs biologiques)
– S’il est élevé, antibiothérapie probabiliste selon les recommandations EASL 2014
associées aux soins. Hormis certaines
infections nosocomiales, notamment 2. Réévaluation systématique à 48-72 h
en réanimation, on peut donc considé- – Infection confirmée (évolution clinique et biologique, résultats des cultures) :
rer qu’en France une antibiothérapie • poursuite de l’antibiothérapie
probabiliste basée sur l’association • en l’adaptant aux résultats de l’antibiogramme : choisir l’antibiotique ayant le
spectre le plus étroit (désescalade thérapeutique)
pipéracilline-tazobactam, en accord
avec les recommandations EASL 2014, – Infection non confirmée :
permet de couvrir la grande majorité • arrêt de l’antibiothérapie
des infections bactériennes associées 3. Réévaluation à J5-J7
aux soins et nosocomiales des patients – Adapter la durée de l’antibiothérapie à l’évolution clinique : 7 jours sont suffisants dans la
cirrhotiques. majorité des cas (5 jours en cas d’infection du liquide d’ascite sans signe de sepsis)
La prescription de l’antibiothérapie
doit respecter les règles de bon usage
et, en premier lieu, celle des 3 temps :
évaluation initiale, réévaluation à
48-72 h, réévaluation à J5-J7 également le germe mais ayant un est récemment alarmée [41]. Pour pré-
(Tableau V). L’évaluation initiale vise à spectre plus étroit. L’objectif étant de server et mieux utiliser les antibio-
réunir les arguments en faveur de réduire les pressions de sélection et de tiques dont nous disposons, plusieurs
l’existence d’une infection bactérienne, colonisation exercées sur le microbiote axes de recherche ont été proposés [9] :
à déterminer son site, à la documenter du patient tout en conservant l’effica- développer des stratégies prophylac-
sur le plan microbiologique, et in fine, cité du traitement. tiques non antibiotiques ; trouver des
à décider de l’indication d’une antibio- biomarqueurs plus efficaces pour le
Enfin une deuxième réévaluation doit diagnostic précoce d’infection bacté-
thérapie probabiliste. Il faut absolu-
être faite à J5-J7 pour apprécier l’évo- rienne et du pathogène responsable ;
ment éviter les antibiothérapies inu-
lution de l’infection sous traitement et restaurer la fonction immunitaire du
tiles, qu’il s’agisse d’un pic fébrile isolé,
déterminer la durée de celui-ci. Dans la patient cirrhotique et protéger ses
d’une infection virale, ou qu’elles
majorité des cas, un traitement de organes contre la dysfonction induite
soient à visée respiratoire (bronchite
7 jours est suffisant. Il peut même être par l’infection. Mais cela demandera
aiguë, infection pulmonaire incer-
réduit à 5 jours en cas d’infection du du temps. En attendant, que faire ? La
taine), urinaire (bactériurie asympto-
liquide d’ascite sans sepsis associé. situation de l’Italie interroge. Alors que
matique) ou cutanée (dermohypoder-
mite non infectieuse). ce pays est confronté à des niveaux de
Utilisation de l’albumine résistance bactérienne quasi sans équi-
Si une C3G est prescrite, il est préfé- valents en Europe, des équipes ita-
rable de choisir le céfotaxime. En effet, L’intérêt des perfusions d’albumine est liennes publient des études encoura-
l’impact des antibiotiques sur le micro- bien démontré dans les infections du geant la prescription d’antibiothérapie
biote anaérobie ne dépend pas exclu- liquide d’ascite. Elles permettent de probabiliste à très large spectre chez
sivement de l’étendue de leur spectre réduire l’incidence du syndrome hépa- les patients cirrhotiques [42, 43] en le
bactérien. Les antibiotiques à excrétion torénal et la mortalité [37]. Toutefois, justifiant par des arguments écono-
biliaire favorisent la colonisation du seuls les patients les plus graves (bili- miques [44]. Ailleurs, en Espagne, on
microbiote par les EBLSE. Cela a été rubine 70 µmol/l et/ou créatinine réfléchit à prévenir les infections bac-
bien démontré pour la ceftriaxone [35, 90 µmol/l) en tirent un réel bénéfice tériennes du patient cirrhotique par
36]. Par ailleurs, les infections à anaé- [38]. En ce qui concerne les autres infec- une décontamination intestinale à la
robies étant rares chez le patient cir- tions bactériennes, deux études réali- colistine. Fuite en avant ? Il semble que
rhotique, il est inutile de vouloir les sées chez des malades non sélection- tout cela ne puisse que conduire à la
couvrir par une prescription associée nés se sont révélées négatives [39, 40]. multiplication des souches de bactéries
de métronidazole. multi-, hautement – et pan-résistantes.
Une première réévaluation doit être
faite à 48-72 h. Si l’infection n’a pas été Et demain ?
confirmée, l’antibiothérapie doit être Conclusion
arrêtée. En revanche, si les cultures L’avenir est peut-être sombre. Les pers-
sont positives, il faut désescalader si pectives en termes de nouveaux anti- Les patients ayant une cirrhose évoluée
l’antibiogramme le permet, c’est-à-dire biotiques sont plus que réduites, les sont à haut risque de développer des
remplacer l’antibiotique initialement situations d’impasse thérapeutique infections bactériennes. Le diagnostic
prescrit par un antibiotique couvrant devraient se multiplier, et l’OMS s’en de ces infections est parfois difficile car
224
des signes importants comme la fièvre usage des antibiotiques, et sur la pres- individualizing care for portal hypertension.
peuvent manquer et leur expression sion de colonisation, par un strict res- J Hepatol 2015;63:743-52.
peut se résumer à une altération de pect des mesures d’hygiène. Cela afin 13. Pauwels A, Mostefa-Kara N, Debenes B, et al.
l’état général ou à une encéphalopa- d’éviter de « pourrir » leur microbiote Systemic antibiotic prophylaxis after gas-
thie. Leur évolution peut cependant par des BMR et des BHR ... Ce qui, à des trointestinal hemorrhage in cirrhotic patients
with a high risk of infection. Hepatology
être rapide vers une ACLF ou un choc hépato gastroentérologues, pourrait 1996;24:802-6.
septique, et leur mortalité est élevée apparaître comme la moindre des
14. Gines P, Rimola A, Planas R, et al. Norfloxacin
dès lors que la prise en charge est tar- choses. prevents spontaneous bacterial peritonitis
dive et que l’antibiothérapie initiale- recurrence in cirrhosis: results of a double-
Remerciements : L’auteur remercie
ment prescrite n’est pas adaptée. blind, placebo-controlled trial. Hepatology
vivement les Drs Amélie Carrër- 1990;12:716-24.
L’émergence des infections à BMR nous
Causeret, Gabriela Chitic, Karine
amène à changer nos stratégies théra- 15. Fernandez J, Navasa M, Planas R, et al.
Gourlain, Abdelkrim Medini et Agathe
peutiques et à prescrire d’emblée une Primary prophylaxis of spontaneous bacterial
Simo pour leur relecture du texte, leurs peritonitis delays hepatorenal syndrome and
antibiothérapie probabiliste à large
remarques et leurs suggestions. improve s sur vival in ci rr hosis.
spectre en cas d’infection nosocomiale Gastroenterology 2007;133:818-24.
ou associée aux soins. Ne pas le faire
serait une perte de chance pour nos 16. Thevenot T, Degand T, Grelat N, et al. A French
patients. Références national survey on the use of antibiotic pro-
phylaxis in cirrhotic patients. Liver Int
2013;33:389-97.
Pour autant, il existe une autre forme 1. Gustot T, Fernandez J, Szabo G, et al. Sepsis
in alcohol-related liver disease. J Hepatol 17. Miozzo SA, Tovo CV, John JA, et al. Proton
de perte de chance pour le patient, bien 2017;67:1031-1050. pump inhibitor use and spontaneous bacte-
moins visible, mais tout aussi réelle. rial peritonitis in cirrhosis: An undesirable
2. Fernandez J, Navasa M, Gomez J, et al. association? J Hepatol 2015;63:529-30.
Celle qui consisterait à être hospitalisé Bacterial infections in cirrhosis: epidemiolo-
dans un service hospitalier où les gical changes with invasive procedures and 18. Dam G, Vilstrup H, Watson H, et al. Proton
germes résistants seraient multiples norfloxacin prophylaxis. Hepatology pump inhibitors as a risk factor for hepatic
dans l’environnement, où les mesures 2002;35:140-8. encephalopathy and spontaneous bacterial
peritonitis in patients with cirrhosis with
d’hygiène seraient mal respectées, où 3. Fernandez J, Acevedo J, Castro M, et al.
ascites. Hepatology 2016;64:1265-72.
des cures d’antibiotiques inutiles et/ou Prevalence and risk factors of infections by
prolongées lui seraient prescrites. Tout multiresistant bacteria in cirrhosis: a prospec- 19. Nahon P, Lescat M, Layese R, et al. Bacterial
tive study. Hepatology 2012;55:1551-61. infection in compensated viral cirrhosis
cela augmenterait pour lui la probabi- impairs 5-year survival (ANRS CO12 CirVir
lité d’être colonisé, puis de développer 4. Merli M, Lucidi C, Giannelli V, et al. Cirrhotic
prospective cohort). Gut 2017;66:330-341.
patients are at risk for health care-associated
une infection à BMR pour laquelle bacterial infections. Clin Gastroenterol 20. Anty R, Tonohouan M, Ferrari-Panaia P, et al.
l’antibiothérapie pourrait être en Hepatol 2010;8:979-85. Low Levels of 25-Hydroxy Vitamin D are
échec, avec en corollaire une morbidité 5. Pauwels A, Meunier L, Boivineau G, et al. Independently Associated with the Risk of
et une mortalité élevées. De cela aussi, Resistant bacterial infections in cirrhosis: a Bacterial Infection in Cirrhotic Patients. Clin
nous devons être particulièrement French observational prospective multi- Transl Gastroenterol 2014;5:e56.
soucieux. centre nationwide study (RESIST study). J 21. Finkelmeier F, Kronenberger B, Zeuzem S, et
Hepatol 2017;66:S131-S132. al. Low 25-Hydroxyvitamin D Levels Are
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n’est pas une fatalité. Il n’y a qu’à voir 2015;10:e0132119.
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5
Les Cinq points forts
Les infections bactériennes sont une complication tardive de la
cirrhose, survenant chez des patients ayant une maladie évoluée.
Leur signification pronostique est très péjorative en cas de cirrhose
décompensée.
Leur prévention repose sur l’antibioprophylaxie dans deux situations
à haut risque : l’hémorragie digestive et l’ascite. D’autres mesures sont
également importantes : prévention de la iatrogénicité, vaccinations,
information du patient.
Les infections à bactéries multirésistantes (BMR), en progression
constante, sont fréquentes en cas d’infection nosocomiale ou
d’infection associée aux soins. L’antibiothérapie probabiliste doit être
adaptée au contexte.
Le traitement des infections communautaires repose sur les C3G. En
revanche, pour les infections nosocomiales et certaines infections
associées aux soins, il est maintenant recommandé de recourir
d’emblée à une antibiothérapie à large spectre.
Il est crucial de réduire le risque de colonisation des patients par des
BMR en respectant strictement les règles de bon usage des antibiotiques
et les mesures d’hygiène et d’isolement.
226
Questions à choix unique
Question 1
Parmi les propositions suivantes concernant la prévention des infections bactériennes chez le patient cirrhotique, laquelle
est fausse :
❏ A. En cas d’hémorragie digestive chez un patient ayant une cirrhose grave avec ascite, ictère et/ou encéphalopathie, l’anti-
bioprophylaxie repose sur les C3G par voie intraveineuse
❏ B. La prophylaxie secondaire de l’infection du liquide d’ascite par la norfloxacine 400 mg/j doit être poursuivie jusqu’à la
disparition de l’ascite vérifiée par échographie
❏ C. La prévention primaire de l’infection du liquide d’ascite par la norfloxacine 400 mg/j est indiquée dès lors que le taux de
protéines dans l’ascite est inférieur à 15 g/l
❏ D. Les cathéters veineux doivent être surveillés quotidiennement et retirés dès que possible
❏ E. La vaccination contre le pneumocoque est recommandée
Question 2
Parmi les propositions suivantes concernant les infections à bactéries multirésistantes (BMR), laquelle est fausse :
❏ A. L’incidence des infections à BMR est en progression constante depuis 15 ans
❏ B. En France, la proportion de souches d’Escherichia coli résistant aux céphalosporines de 3e génération (C3G) est mainte-
nant supérieure à 10 %
❏ C. Dans la grande majorité des cas, une infection à BMR nécessite une colonisation préalable par cette BMR
❏ D. Les deux principaux facteurs prédictifs d’infection à BMR sont, d’une part, un séjour récent en milieu hospitalier et, d’autre
part, une exposition récente aux antibiotiques
❏ E. Le traitement des infections à BMR devrait bénéficier prochainement de la mise sur le marché de nouveaux antibiotiques
Question 3
Parmi les propositions suivantes concernant l’antibiothérapie probabiliste des infections bactériennes du patient cirrhotique,
laquelle est fausse :
❏ A. Le choix de l’antibiothérapie probabiliste nécessite d’avoir préalablement classé l’infection bactérienne dans une des
3 catégories suivantes : communautaire, associée aux soins ou nosocomiale
❏ B. L’antibiothérapie probabiliste des infections communautaires reste basée sur les C3G
❏ C. Le traitement probabiliste des infections nosocomiales nécessite de recourir d’emblée à une antibiothérapie à large
spectre
❏ D. Certaines infections associées aux soins doivent être traitées comme les infections nosocomiales
❏ E. En cas de sepsis sévère, les perfusions systématiques d’albumine diminuent l’incidence de l’insuffisance rénale et
améliorent le pronostic quel que soit le site de l’infection bactérienne
HÉPATOLOGIE
227
Notes