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DOSSIER

INSUFFISANCE
RÉNALE AIGUË
DOSSIER ÉLABORÉ
SELON LES CONSEILS
SCIENTIFIQUES
DU PR ÉRIC RONDEAU,
Urgences
néphrologiques
et transplantation
rénale, hôpital Tenon,
AP-HP, Paris, France.
eric.rondeau@aphp.fr

É. Rondeau n’a pas


transmis de
déclaration d’intérêts.

© COLL. A. KARRAS

Néphropathie à cylindres myélomateux, avec présence dans les lumières tubulaires de cylindres (*) composés de chaînes
légères d’immunoglobulines et de protéine de Tamm-Horsfall, générant une réponse inflammatoire macrophagique.

L’
insuffisance rénale aiguë est une affection grave dont l’incidence est en augmentation constante
dans les pays industrialisés, quels que soient les classes d’âge ou le sexe. La démarche
diagnostique doit être menée rigoureusement et méthodiquement pour identifier les différentes
formes d’insuffisance rénale aiguë – fonctionnelles, organiques ou obstructives –, les compli-
cations métaboliques menaçantes éventuelles – acidose métabolique, hyperkaliémie, surcharge –, les
indications à dialyser en urgence et les causes nécessitant un traitement spécifique – néphropathies
glomérulaires ou vasculaires aiguës notamment. Le pronostic vital est rapidement engagé dans les
insuffisances rénales aiguës sévères nécessitant le recours à la dialyse. L’insuffisance rénale aiguë
a aussi un impact à long terme puisque, malgré une guérison initiale, elle peut favoriser le développement
ultérieur d’une insuffisance rénale chronique. Éric Rondeau
SOMMAIRE

f P.152 Démarche diagnostique f P. 156 Nécroses tubulaires aiguës f P. 160 Néphropathies


glomérulaires f P. 166 Insuffisance rénale aiguë d’origine vasculaire f P. 170 Néphropathies interstitielles
aiguës f P. 175 Critères de mise en dialyse f P. 178 Messages clés

Vol. 68 _ Février 2018 151

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

Démarche diagnostique devant une insuffisance rénale aiguë

Évaluer la menace vitale


et éliminer d’abord
une cause pré- ou post-rénale

L’
YANIS TAMZALI* insuffisance rénale aiguë désigne une baisse stade 2 implique que la créatininémie ait doublé, le
SARAH DROUIN**, # aiguë (dans les 7 jours précédents) du débit stade 3 qu’elle ait triplé. En soins intensifs, la diurèse
RAPHAELE de filtration glomérulaire (DFG). À l’état peut également permettre de définir une insuffisance
RENARD-PENNA#, ## d’équilibre, ce dernier est estimé par des rénale aiguë à condition d’avoir éliminé une cause uro-
ALEXANDRE index mathématiques intégrant la concentration de logique qui expliquerait une « rétention » d’urine plus
HERTIG*, # créatinine plasmatique (créatininémie) ; en situation de qu’une oligurie.
* Service d’urgences déséquilibre (insuffisance rénale aiguë), il est impossible Cette classification moderne et corrélée à la mortalité
néphrologiques à estimer. À titre d’exemple caricatural : un sujet dont la hospitalière permet de prendre au sérieux des variations
et transplantation créatininémie s’élèverait de 60 à 200 μmol/L en 24 heures minimes de la créatininémie, a fortiori chez des patients
rénale, après une binéphrectomie aurait évidemment une fonc- dont la valeur de base est peu élevée. La créatininémie à
** service d’urologie, tion rénale nulle (il est devenu anéphrique), mais le l’équilibre est en effet dépendante de la masse musculaire
#
service de calcul de son DFG donnerait l’impression erronée qu’il du sujet (elle est basse chez des sujets amyotrophiés),
radiologie, hôpital garde une fonction résiduelle. Ce n’est qu’avec le temps de son état de dilution (grossesse, expansion volémique
Tenon, Paris, France que sa créatininémie serait en plateau à une valeur très en réanimation, etc.) ou en cas d’insuffisance hépatique
##
Sorbonne élevée, et que l’estimation de son DFG serait juste (nul). associée (la créatinine étant un déchet musculaire pro-
Universités, UPMC L’insuffisance rénale aiguë n’est donc pas définie par duit par déshydratation de la créatine qui est, elle, de
Université Paris 06, une baisse du DFG estimé, mais par une élévation rapide source hépatique).
UMR-S 1155, de la créatininémie, en pratique d’au moins 0,3 mg/dL Avant d’entamer une démarche à la recherche de la
Paris, France (26,5 μmol/L) en 48 heures, ou de 50 % de la valeur de base cause de l’insuffisance rénale, la recherche et le traite-
alexandre.hertig (si elle est connue) en moins d’une semaine. C’est le ment des urgences néphrologiques (hyperkaliémie,
@aphp.fr stade 1 de la classification des Kidney Disease : Improving œdème pulmonaire de surcharge, acidose métabolique)
Global Outcomes (KDIGO) établie en 2012 (tableau 1).1 Le sont incontournables.

Y. Tamzali et S. Drouin
déclarent n’avoir
aucun lien d’intérêts. CLASSIFICATION KDIGO DE L’INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË
Stade Créatinine Diurèse
R. Renard Penna
déclare des liens 1 1,5 - 1,9 x la baseline < 0,5 mL/kg/h pour 6-12h
ponctuels avec ou
Takeda, Ipsen, augmentation ≥ 26,5 µmol/L
Astelles et Janssen.
2 2,0 - 2,9 x la baseline < 0,5 mL/kg/h pour ≥ 12 h
A. Hertig déclare 3 3,0 x la baseline < 0,3 mL/kg/h pour ≥ 24 h
avoir des liens ou ou
ponctuels avec augmentation ≥ 353,6 µmol/L anurie pour ≥ 12h
Sanofi et Astellas. ou
début de l'épuration extrarénale
ou
chez patient < 18 ans, diminution du DFGe < 35 mL/min/1,73 m2
Tableau 1. DFGe : débit de filtration glomérulaire estimé ; KDIGO : Kidney Disease: Improving Global Outcomes.

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

ARGUMENTS BIOLOGIQUES ORIENTANT VERS UNE INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË PRÉRÉNALE


Argument biologique IRA fonctionnelle IRA organique
Urée / créatinine plasmatique* > 100 < 50
Nau < 20 mmol/L > 20 mmol/L
Na/K urinaire <1 >1
Fraction excrétion du sodium** <1% >2%
U/P osmolarité >1 <1
U/P créatinine*** > 30 < 30
U/P urée > 10 < 10
Fraction excrétion de l’urée**** < 35 % > 35-40 %
Tableau 2. IRA : insuffisance rénale aiguë ; * exprimées en μmol/L ; ** (Na /Na )/créatinine U/créatinine P) ;
u p

** attention aux unités, la créatinineu est en mmol/L et la créatininep en micromoles ; *** (uréeu/uréep)/créatinine U/créatinine P) ;
**** à utiliser en cas de prise de diurétiques.

L’algorithme diagnostique devant une insuffisance neux et siège de nombreux kystes (polykystose rénale)
rénale aiguë comprend plusieurs volets et intègre sont des indices d’insuffisance rénale chronique
anamnèse, clinique, radiologie, biologie sanguine et ancienne. La mauvaise différentiation entre le cortex
urinaire, et évolution dans le temps. et la médullaire rénale est également un signe non
spécifique de chronicité.
Déterminer si l’insuffisance rénale
est aiguë ou chronique Insuffisance rénale aiguë post-rénale
(obstructive)
L’élévation de la créatininémie implique de disposer
d’une valeur antérieure. S’il existe des dosages récents, La première cause à rechercher devant une insuffisance
on peut affirmer sans difficulté que l’insuffisance rénale rénale aiguë est l’obstruction car, en cas d’obstacle sur
est aiguë. Si ce n’est pas le cas, il faut considérer qu’une les voies urinaires, leur drainage permet de faire régres-
élévation de la créatininémie est aiguë jusqu’à preuve ser l’insuffisance rénale aiguë et peut mettre à l’abri des
du contraire. Au-delà de 3 mois d’élévation de la créati- urgences néphrologiques.
ninémie, on parle d’insuffisance rénale chronique. La Les causes des insuffisances rénales obstructives
classification de KDIGO permet de faire le diagnostic sont dominées par les causes tumorales bénignes ou
d’insuffisance rénale aiguë sur insuffisance rénale malignes (prostate, vessie, tumeurs gynécologiques
chronique (cette dernière est d’ailleurs un facteur de [col de l’utérus et ovaire]), les lithiases et les causes
risque majeur d’insuffisance rénale aiguë). neurologiques (défaut de vidange vésicale). Il faut donc
La recherche de dosages antérieurs de créatininémie différencier l’origine et l’obstacle : sus- ou sous-vésical.
implique souvent de contacter la famille, le médecin Si la vessie est pleine, on parle de rétention aiguë d’urines
traitant, voire les laboratoires, cliniques et hôpitaux par obstacle sous-vésical. Si la vessie est vide mais que
où le patient aurait été soigné préalablement. les cavités pyélocalicielles sont dilatées, il s’agit alors
En l’absence de valeurs antérieures disponibles, d’une anurie avec obstacle sus-vésical.
les arguments (non spécifiques) qui font pencher le diag- L’insuffisance rénale aiguë obstructive est le plus
nostic vers une insuffisance rénale chronique plutôt que souvent anurique, mais on peut observer des mictions
vers une insuffisance rénale aiguë sont : par regorgement en cas d’obstacle sous-vésical (par
– la notion chez le patient ou son entourage de « maladie exemple adénome de la prostate), une diurèse conservée
rénale » chez lui ou dans sa famille, et ses comorbidités en raison d’un obstacle incomplet, ou une diurèse « rési-
(diabète, hypertension artérielle) ; duelle » si les reins natifs d’un patient greffé excrètent
– la présence d’une anémie normocytaire normochrome encore de l’urine. Il faut donc systématiquement cher-
arégénérative et d’une hypocalcémie ; cher un globe vésical, des signes fonctionnels urinaires
– surtout la taille des reins, évaluée par un échographiste obstructifs (dysurie, mauvaise vidange vésicale) ou
expérimenté ou sur une tomodensitométrie. Leur taille irritatifs (pollakiurie). Dans le doute et en l’absence de
est à rapporter à la taille du patient, mais des reins atro- signes infectieux, un sondage vésical d’épreuve peut être
phiques (7 cm voire moins) ou au contraire très volumi- indiqué. Dans tous les cas il faut disposer d’une imagerie

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TABLEAUX CLINICO-BIOLOGIQUES EN FONCTION DU COMPARTIMENT RÉNAL IMPLIQUÉ


Compartiment Clinique Protéinurie Sédiment Autres
Vasculaire Hypertension < 1 g/g de créatinine Hématurie Stigmates de micro-angiopathie
sur échantillon thrombotique
Glomérulaire Œdèmes > 1 g/g avec > 50 % Hématurie abondante Hypo-albuminémie
Signes extrarénaux d’albumine (> 200 GR/µL d’urine)
avec cylindres hématiques
Tubulo-interstitiel Polyurie < 1 g/g Leucocyturie aseptique Troubles ioniques (syndrome
Signes extrarénaux de Fanconi, hypomagnésémie…)
Hyperéosinophilie si allergie
Tubulaire seul (NTA) Hypotension ou prise < 1 g/g Inactif
de néphrotoxique (ni hématurie abondante
ni leucocyturie)
Tableau 3. GR : globules rouges ; NTA : nécrose tubulaire aiguë.

rénale à la recherche d’une dilatation des cavités pyélo- cortical, l’absence de reprise de fonction est de mauvais
calicielles : idéalement par échographie (non irradiante), augure.
sinon par une tomodensitométrie abdomino-pelvienne
effectuée sans injection. Attention à ne pas confondre Insuffisance rénale aiguë prérénale
dilatation et hypotonie (par exemple un greffon rénal
n’est pas innervé au receveur et sa voie urinaire n’a donc Une fois l’obstruction éliminée, la cause dite « fonction-
pas de « tonus »). Si les cavités sont dilatées de façon nelle » doit être évoquée. Il s’agit d’une altération de la
unilatérale, alors l’obstruction ne peut être responsable fonction rénale par défaut de perfusion rénale, en
d’une insuffisance rénale aiguë qu’en cas de rein fonc- contexte d’hypovolémie vraie ou « relative » : hypotension
tionnel unique. compliquant une insuffisance cardiaque ou hépatique
Une absence de dilatation n’élimine pas totalement évoluée, par exemple.
une cause obstructive. Là aussi, si la présomption est très Le contexte (troubles digestifs, pathologie de fond)
forte (par exemple lithiase dans les cavités d’un rein et l’examen clinique (déshydratation en cas d’hypovo-
unique), il ne faut pas hésiter à répéter les imageries. lémie vraie, ou au contraire hyperhydratation en
En effet, la dilatation des cavités peut apparaître secon- cas d’hypovolémie efficace) aident à poser le diagnostic.
dairement. Dans certains cas on peut même discuter un Le tableau 2 résume les anomalies biologiques attendues
drainage d’épreuve par sonde urétérale ou néphrostomie. dans les tableaux « fonctionnels ». L’effondrement de
Enfin, la dilatation peut être absente en cas de fibrose la natriurèse et l’inversion du rapport Na/K urinaire
rétropéritonéale, cause rare mais au cours de laquelle traduisent l’activation du système rénine-angiotensine-
les uretères enserrés dans la fibrose ne peuvent pas aldostérone, et la concentration des urines (élévation
se dilater. franche des rapports urine/plasma des concentrations
En cas d’obstacle sous-vésical, le drainage des urines de l’urée et de la créatinine) ainsi que celle de la vasopres-
est effectué par sondage vésical ou par cathétérisme sine. Néanmoins, il existe des faux positifs et des faux
sus-pubien en cas de prostatite, sténose urétrale ou échec négatifs à tous ces tests biologiques  : par exemple, une
de sondage urétral. insuffisance surrénalienne avec hypo-aldostéronisme
En cas d’obstacle sus-vésical, le drainage consiste donne une natriurèse conservée (c’est le mécanisme de
en la mise en place de sonde(s) urétérale(s) par voie la déshydratation) ou une glomérulonéphrite aiguë qui
endoscopique rétrograde ou en la mise en place de est associée à un effondrement de la natriurèse alors
néphrostomie(s) percutanée(s). que la volémie est normale. C’est donc l’évolution de la
Le drainage des urines est le plus souvent rapide- fonction rénale après correction de l’hypovolémie
ment efficace et peut permettre d’éviter l’épuration qui permet d’établir un diagnostic d’insuffisance rénale
extrarénale en l’absence de situations d’urgence vitale. aiguë fonctionnelle.
Il peut toutefois se compliquer d’un syndrome polyuro- Certains médicaments jouent un rôle aggravant
polydipsique (dit « de levée d’obstacle ») qui doit imposer au cours des insuffisances rénales aiguës fonctionnelles.
une surveillance très rapprochée de la diurèse afin En situation d’hypoperfusion rénale, le maintien de la
de compenser les pertes dans les 48 premières heures. filtration glomérulaire requiert ainsi l’action de pros-
En cas d’obstacle chronique, avec amincissement taglandines vasodilatant l’artériole afférente (dont la

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

production est empêchée par les anti-inflammatoires


non stéroïdiens), et l’action de l’angiotensine 2 dont la
production et l’effet biologique sont respectivement em-
Découverte
pêchés par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et
d'insuffisance rénale
les antagonistes du récepteur de l’angiotensine 2. En blo-
quant un site de réabsorption du sodium, les diurétiques
gênent la réponse rénale adaptée à une hypovolémie. En
pratique ces médicaments sont souvent associés… Urgence Traitement médical
néphrologique ? en urgence
Insuffisance rénale aiguë
parenchymateuse

Une fois les causes pré- et post-rénales éliminées, on Insuffisance rénale Oui Y a t-il une
retient l’atteinte organique du parenchyme rénal, dans chronique ? composante aiguë ?
un ou plusieurs compartiments : tubulaire, vasculaire,
glomérulaire, ou interstitiel. Le tableau clinique, la quan- Non Oui Non
tité et la qualité de la protéinurie, l’activité du sédiment
urinaire et la présence ou non de signes extrarénaux
Insuffisance rénale Prise en charge en
permettent, en milieu spécialisé, de formuler des hypo-
aiguë milieu néphrologique
thèses causales (tableau 3).
En l’absence de signe extrarénal, a fortiori en cas
d’hypotension récente (état de choc, chute de pression
artérielle pendant une anesthésie générale, etc.) ou de
prise de médicament néphrotoxique, il s’agit le plus Dilatation des cavités
souvent d’une nécrose tubulaire aiguë (le tube proximal pyélocalicielles Oui Insuffisance rénale
est situé dans une zone physiologiquement peu oxygénée, bilatérale ou aiguë obstructive
et est donc très sensible aux agressions). L’imagerie unilatérale
(par résonance magnétique et échographie de contraste) sur rein unique
a un intérêt pour rechercher des causes vasculaires,
infarctus et nécrose corticale. Dans tous les autres cas, Non
la biopsie rénale est discutée pour poser un diagnostic
et établir une attitude thérapeutique. Critères cliniques Oui Insuffisance rénale
et biologiques aiguë fonctionnelle
UNE DÉMARCHE STÉRÉOTYPÉE d'hypoperfusion probable
L’algorithme diagnostique (v. figure) devant une insuf-
fisance rénale aiguë consiste donc, après avoir recherché Non
une menace vitale, en l’élimination de causes pré-
et post-rénales accessibles à des traitements simples
Insuffisance rénale
(drainage, réhydratation, etc.). Si ces deux causes sont
aiguë organique
éliminées, la détermination d’une cause parenchyma-
teuse (largement dominée en pratique par la nécrose
tubulaire aiguë, notamment en contexte hospitalier)
Nécrose tubulaire Contexte clinico-biologique non évocateur de
repose sur un faisceau d’arguments cliniques, radio-
aiguë nécrose tubulaire aiguë (v. tableau 3) : avis
logiques et biologiques, rénaux et extra-rénaux. La
spécialisé et discussion de la biopsie rénale
- 80 % des cas
biopsie rénale reste le plus souvent indispensable cha-
- Contexte évocateur
que fois que l’insuffisance rénale aiguë est parenchy-
- Clinique pauvre
mateuse et qu’une nécrose tubulaire aiguë est jugée
- protéinurie faible, sédiment inactif
improbable. V

Figure. Algorithme devant une insuffisance rénale aiguë.

RÉFÉRENCE
1. Kidney Disease Improving Global Outcomes. PMID : 25018915. https://www.theisn.org/kidney-disease-improving-global-outcomes-kdigo

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

RÉSUMÉ DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE DEVANT protéinurie faible et sédiment urinaire inactif. Dans tous les autres cas, is eventually made. In that case AKI is in most cases due to an acute
UNE INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË un avis néphrologique est urgent, et la biopsie rénale est discutée. tubular necrosis, which implies to collect positive and negative signs:
L’insuffisance rénale aiguë a aujourd’hui une définition simple et uni- a recent history of hypotension, intake of toxic drugs, etc.; proteinuria
verselle, fondée sur l’élévation de la créatininémie sur un temps court. SUMMARY A DIAGNOSTIC PROCEDURE FOR should be low, i.e. < 1 g/L, and urinary cells in normal count. In the
Elle peut représenter une menace vitale, et il est prioritaire de l’évaluer ACUTE KIDNEY INJURY presence of extra-renal symptoms, and of urinary abnormalities such
avant toute démarche étiologique. Cette dernière requiert une analyse The definition of acute kidney injury (AKI) is universal since 2011. It as abundant proteinuria and hematuria or leucocyturia, a specialized
clinique, biologique et radiologique, et elle est stéréotypée : on cherche is simple, based on the increase in serum creatinine on a short time care is urgently needed and a renal biopsy often indicated.
dans un premier temps un obstacle sur les voies urinaires, puis une period. AKI may be life-threatening, which is why the priority is to rule
insuffisance rénale par défaut de perfusion efficace, et enfin, par éli- out hyperkalemia, pulmonary edema, or severe acidosis. Then, a panel
mination, on aboutit au diagnostic d’insuffisance rénale aiguë « orga- of clinical, biological and radiological analyses is required to establish MOTS-CLÉS
nique ». Le cas échéant, la cause la plus fréquente, a fortiori en réa- the mechanism of AKI and treat it appropriately. Basically, a three steps insuffisance rénale aiguë, créatininémie.
nimation médicale, est la nécrose tubulaire aiguë ischémique qui est process is suggested: an obstruction of the urinary cavities is looked
un diagnostic par défaut qui implique la présence d’un contexte évo- for; circumstances of renal hypoperfusion are considered, and urinary KEY-WORDS
cateur, et de plusieurs signes négatifs : absence de signes extrarénaux, electrolytes measured; by elimination, a diagnosis of parenchymal AKI acute kidney injury, serum creatinine.

Insuffisance rénale aiguë par nécrose tubulaire aiguë

Un pronostic souvent favorable


mais un facteur de risque
d’insuffisance rénale chronique

E
MATTHIEU JAMME* n 1941, E. G. Bywaters et D. Beall publient une rapeutique spécifique et d’une évolution naturelle
LAURENT MESNARD** série de 4 patients admis pour un syndrome spontanément favorable. Le diagnostic est alors évoqué
* Urgences de compression traumatique des membres in- devant une anamnèse évocatrice (instabilité hémo-
néphrologiques férieurs lors des bombardements de Londres.1 dynamique, rhabdomyolyse, iatrogénie avec recours
et transplantation Il y est décrit, de façon similaire pour les 4 patients, une aux substances tubulotoxiques) et l’association d’une
rénale, hôpital Tenon, évolution fatale en quelques heures, avec l’installation insuffisance rénale aiguë de profil organique, d’un
AP-HP, faculté de d’une insuffisance rénale aiguë oligurique et des lésions sédiment urinaire calme (absence de leucocyturie,
médecine, université histologiques rénales tubulaires prédominantes dans absence d’hématurie) et d’une protéinurie de faible débit
Pierre-et-Marie-Curie, la région médullaire marquées par : un amincissement inférieure à 1,5 g/24 h sans albuminurie. La diurèse est
Paris, France de l’épithélium tubulaire avec desquamation cellulaire, le plus souvent conservée. Le caractère réversible de
** Unité mixte un œdème interstitiel péritubulaire, des lumières tubu- l’insuffisance rénale confirme le diagnostic de nécrose
de recherche laires faisant le siège de nombreux débris cellulaires et tubulaire aiguë.
UMRS 1155, Inserm, de dépôts pigmentés brunâtres. Si des lésions rénales Par cette définition, la prévalence historique rappor-
Paris, France similaires, acquises lors d’accidents hémolytiques trans- tée des nécroses tubulaires aiguës au sein des insuffi-
laurent.mesnard fusionnels avaient déjà été décrits avant ce rapport,2 il sances rénales aiguës est d’environ 70-80 %.3 Cependant,
@aphp.fr s’agit de la première description d’une entité patholo- ces données ont récemment été soumises à controverse
gique responsable d’insuffisance rénale aiguë paren- à la vue de résultats issus à la fois de modèles animaux4
chymateuse sévère, la nécrose tubulaire aiguë. et d’études autopsiques de patients décédés d’état de
choc septique.5 La prévalence des lésions de nécrose
Anamnèse évocatrice tubulaire aiguë serait en réalité moindre, aux alentours
de 20-40 %.
Si le diagnostic de nécrose tubulaire aiguë ne peut être Concernant le pronostic global, une récente étude de
retenu définitivement que par le biais d’un examen ana- cohorte multicentrique s’intéressant à l’épidémiologie
tomo-pathologique du rein, l’examen histologique ne de l’insuffisance rénale aiguë en réanimation notait un
s’impose pas compte tenu de l’absence de sanction thé- taux de mortalité d’environ 50 % pour les patients au

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

stade le plus sévère d’insuffisance rénale aiguë selon


la classification KDIGO.6 Ajustée sur l’ensemble des
TABLEAU. PRINCIPAUX MÉDICAMENTS RESPONSABLES DE NÉCROSE
TUBULAIRE AIGUË TOXIQUE
défaillances d’organes associées (hémodynamique,
respiratoire, neurologique et hématologique), la sur- Antibiothérapie Aminosides
venue d’une insuffisance rénale aiguë sévère multiplie Céphalosporines de 1re génération
le risque de décès par un facteur 3. Sulfamide
Vancomycine
Quels mécanismes ? Antiviraux Aciclovir
Foscarnet
Les lésions de nécrose tubulaire aiguë sont dues à plu- Cidofovir
sieurs mécanismes associant une ischémie et/ou une Ténofovir
atteinte tubulaire par une substance toxique et/ou un
sepsis. Antifongiques Amphotéricine B
Produits de contraste iodés
Nécrose tubulaire aiguë ischémique
En situation physiologique, le rein assure une production Anti-inflammatoires non stéroïdiens
de plus de 150 L par jour d’urine primitive et réabsorbe
plus de 99 % de la charge filtrée grâce à un mécanisme Chimiothérapie Cisplatine
actif dépendant d’ATP. Pour cela, on estime qu’environ Méthotrexate
25 % du débit cardiaque est distribué vers le rein, ce Anticalcineurines Ciclosporine
qui induit une consommation d’O 2 importante. En Tacrolimus
situation d’ischémie rénale, certains segments tubu-
laires comme la partie terminale du tube contourné Bisphosphonates Acide zolédronique
proximal et la branche large ascendante de l’anse de
Henlé, sont les premiers à souffrir, expliquant la prédo-
minance des lésions de nécrose tubulaire aiguë dans la (stress oxydatif, diminution de fonction enzymatique).
médullaire externe dans les modèles animaux. Ces mécanismes sont le plus souvent associés et à l’ori-
De façon très synthétique, l’ischémie rénale est à gine d’un dysfonctionnement tubulaire et d’apoptose.
l’origine de modifications structurelles et fonctionnelles Des mécanismes indirects, telle qu’une vasoconstriction
des cellules épithéliales tubulaires7 et des cellules endo- artériolaire réflexe, ou une obstruction tubulaire par le
théliales.8 Au niveau tubulaire, un déficit en O2, substrat toxique lui-même, s’ajoutent aux mécanismes directs
principal à la synthèse d’ATP, entraîne une diminution augmentant l’intensité de la toxicité.10
des transports membranaires. De plus, l’accumula-
tion intracellulaire de calcium, secondaire au défaut Description histologique
de réabsorption tubulaire, entraîne une activation de Si les nécroses tubulaires aiguës ont des particularités
plusieurs voies moléculaires pro-inflammatoires. Les histologiques, la ponction-biopsie rénale n’est à ce jour
cellules épithéliales perdent leur capacité de transport pas recommandée à visée diagnostique si l’ensemble du
et sont aussi à l’origine d’un processus inflammatoire tableau anamnestique et clinico-biologique est évoca-
locorégional. Elles entraînent également une obstruction teur. L’indication d’un examen anatomo-pathologique
tubulaire du fait de leur desquamation. se pose en cas de recherche d’un diagnostic différentiel
Au niveau endothélial, l’ischémie est responsable modifiant la prise en charge thérapeutique (glomérulo-
d’une augmentation de la synthèse d’agents vasomoteurs, pathie, néphrite interstitielle aiguë, microangiopathie
telle l’endothéline, responsable d’une vasoconstriction thrombotique …). Par ailleurs, il faut noter qu’il n’existe
importante. De plus, l’ischémie modifie l’expression de pas de corrélation entre la gravité de l’insuffisance rénale
certaines molécules d’adhésion des polynucléaires à la et l’importance des lésions histologiques observées.
surface endothéliale, augmentant ainsi l’adhérence de Il n’y a pas d’atteinte glomérulaire dans les nécroses
ces derniers et de fait la production de radicaux libres tubulaires aiguës isolées : les lésions « classiquement »
source d’une diminution du débit sanguin rénal aggra- observées sont localisées au niveau tubulaire, plus fré-
vant le processus initial. quemment au niveau des néphrons superficiels. On peut
observer un aspect de lumière tubulaire trop bien visible
Nécrose tubulaire aiguë toxique à faible grossissement, une dénudation de la membrane
Le rein, du fait de sa capacité de filtration et de son im- basale faisant parfois le siège de rupture, un détachement
portante perfusion, est particulièrement vulnérable aux de certaines cellules épithéliales avec un gonflement
substances toxiques (v. tableau). Certains toxiques sont des autres cellules encore fixées et enfin la présence
ainsi responsables d’une précipitation tubulaire et/ou in- intratubulaire de débris cellulaire, et de cylindres hya-
tracellulaire,9 de modifications cellulaires structurelles lins et pigmentés composés de protéine de Tamm-Hors-
(inhibition de la synthèse protéique) et fonctionnelles fall (uromoduline). L’interstitium peut être le siège d’un

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

œdème inflammatoire modéré et d’infiltrats de cellules Prise en charge thérapeutique


M. Jamme déclare polymorphes.
avoir été pris en Les lésions de nécroses tubulaires aiguës isché- Actuellement, les mesures thérapeutiques en cas de
charge par Alexion miques sont parfois subtiles et difficiles à mettre en nécrose tubulaire aiguë sont limitées au traitement
et Baxter pour évidence. Même segmentaires, les lésions intéressent symptomatique des complications de l’insuffisance
des déplacements plus fréquemment le tube contourné proximal dans sa rénale, notamment la correction des désordres hydro-
à Brest et Marseille. partie droite ainsi que la branche large ascendante des électrolytiques et de la surcharge hydrosodée et les
anses de Henlé. troubles acidobasiques sévères.20 Une éviction de tous
L. Mesnard déclare Les lésions de nécroses tubulaires aiguës d’origine produits néphrotoxiques est primordiale (anti-inflam-
n’avoir aucun toxique ont la particularité d’être plus étendues, plus matoires non stéroïdiens, produits de contraste iodés).
lien d’intérêts. uniformes et plus sévères que celles observées dans les L’épuration extrarénale est indiquée en cas de mise
nécroses tubulaires aiguës ischémiques. En fonction de en jeu du pronostic vital21 (hyperkaliémie > 6 mmol/L
l’agent toxique incriminé, certains signes spécifiques avec signes électrocardiographiques, insuffisance respi-
peuvent être observés (inclusions intracytoplasmiques ratoire par surcharge hydrosodée, acidose métabolique
éosinophiliques avec les anticalcineurines, inclusions sévère définie par un pH < 7,15) et ne concernant donc
intranucléaires au décours d’une intoxication au plomb, que les formes sévères de nécrose tubulaire aiguë. Enfin,
cylindres intratubulaires fortement pigmentés en cas de des mesures préventives, telles que l’adaptation poso-
rhabdomyolyse…). logique de médicaments à élimination rénale prédo-
minante, l’apport calorique satisfaisant pour lutter
Le concept de « réparation anormale » contre la dénutrition et une protection gastrique médi-
camenteuse sont à discuter au cas par cas.
Il est communément observé une récupération de la fonc- Au décours de l’épisode aigu, un contrôle strict de
tion rénale au décours d’un épisode de nécrose tubulaire l’ensemble des facteurs de risque cardiovasculaire
aiguë après un délai de 15 à 21 jours. Si les mécanismes (hypertension artérielle, néphropathie diabétique), une
impliqués dans les processus de réparation sont encore éradication de tout produit néphrotoxique s’imposent
non parfaitement élucidés, il semble qu’une implication ainsi qu’une surveillance régulière de la fonction rénale,
à la fois des cellules souches mésenchymateuses d’ori- y compris en cas de récupération d’une fonction rénale
gine médullaire11 et des cellules tubulaires restantes12 normale.
soit importante dans le processus de réparation tubu- Compte tenu des récentes avancées physiopatho-
laire. Les cellules souches mésenchymateuses peuvent logiques notamment sur les processus de réparation
coloniser l’interstitium et, par un effet paracrine, pro- tubulaire, l’utilisation de précurseurs métaboliques
mouvoir la croissance des cellules épithéliales tubulaires vitaminiques (vitamine B3) ou de récepteurs activés par
non détruites, et diminuer la réponse inflammatoire les proliférateurs du péroxysome (PPARγ) intervenant
intrarénale. dans le métabolisme lipidique pourrait être prometteuse
Néanmoins, à la suite d’observations issues de larges dans l’amélioration de la réparation tubulaire. Cela reste
études de registres épidémiologiques, il est dorénavant cependant du domaine de la recherche expérimentale
acquis qu’un épisode de nécrose tubulaire aiguë, y com- et ne peut être recommandé en pratique clinique
pris suivi d’une récupération complète ad integrum quotidienne.
clinique, à savoir l’obtention d’une créatininémie iden-
tique à celle précédant l’épisode d’insuffisance rénale, SURVEILLANCE AU LONG COURS
expose à un surrisque, d’un facteur 3 à 10, d’insuffisance La nécrose tubulaire aiguë est la principale cause
rénale chronique dans les années suivantes.12-15 d’insuffisance rénale aiguë, le plus souvent de nature
De ces observations épidémiologiques a découlé le ischémique. Si son évolution à court terme est la plupart
concept de « réparation anormale » de la nécrose tubu- du temps favorable, la récupération rénale s’accompa-
laire aiguë. Plusieurs mécanismes, tels qu’un blocage gne de mécanismes profibrosants exposant à un risque
du cycle cellulaire des cellules épithéliales tubulaires d’évolution vers l’insuffisance rénale chronique, y
régénérées16 ou un déficit dans le métabolisme lipidique17 compris pour les épisodes les plus modérés. Dans
et vitaminique,18 ont récemment été identifiés comme l’attente d’un traitement spécifique à la phase aiguë,
profibrosants et favorisant l’installation d’une insuffi- une prise en charge symptomatique, l’application des
sance rénale chronique post-insuffisance rénale aiguë. mesures simples de néphroprotection et une surveillance
Par ailleurs, certains auteurs ont suggéré l’acquisition régulière de la fonction rénale au décours de l’épisode
de marquages épigénétiques19 au sein des nouvelles cel- constituent les fondements du traitement. V
lules épithéliales, faisant acquérir aux tubules réparés
une susceptibilité accrue à toute autre agression rénale.
L’insuffisance rénale aiguë est donc aujourd’hui
identifiée comme un facteur de risque majeur de déve-
loppement d’une insuffisance rénale chronique.

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

RÉSUMÉ INSUFFISANCE toxicité augmentant ainsi le risque de maladie rénale med the diagnosis of acute tubular necrosis. The progno-
RÉNALE AIGUË PAR NÉCROSE chronique. Si aucun traitement spécifique n’est actuellement sis mimics that of the AKI and is often severe. Despite a
TUBULAIRE AIGUË recommandé dans la prise en charge curative de la nécrose functional recovery, the cellular repair is abnormal. This
La nécrose tubulaire aiguë est la première cause d’insuffi- tubulaire aiguë, une surveillance régulière de la fonction “maladaptive repair” phenomenon leads to accelerated
sance rénale aiguë chez l’adulte. Survenant secondairement rénale associée aux mesures de néphroprotection simples renal aging and increase the susceptibility to nephrotoxi-
à une ischémie et/ou une toxicité tubulaire, les lésions pourraient être bénéfiques au décours des nécroses tubu- city. Consequently, the risk of chronic kidney disease
histologiques communément trouvées sont une desquama- laires aiguës les plus sévères, y compris celles ayant fonc- becomes more important. Actually, no specific treatment
tion cellulaires épithéliales tubulaire et des dépôts intratu- tionnellement récupérées. of the acute tubular necrosis exists, however, because the
bulaires hyalins. L’insuffisance rénale observée est à diurèse “maladaptive repair” phenomenon, for patients exposed to
le plus souvent conservée, de profil organique associée à SUMMARY ACUTE RENAL FAILURE more severe acute tubular necrosis, including those that
une protéinurie de faible débit inférieure à 1,5 g/24h sans BY ACUTE TUBULAR NECROSIS have functionally recovered, a regular monitoring of renal
albuminurie, ni hématurie ou leucocyturie. L’association à In adults, acute tubular necrosis is the leading cause of function associated with simple nephroprotection’s mea-
une anamnèse évocatrice à la réversibilité de l’insuffisance acute kidney injury (AKI). Secondary to ischemia and/or sures are recommended over the course of AKI.
rénale confirme le diagnostic de nécrose tubulaire aiguë. Le tubular toxicity, the commonly found histological lesions
pronostic mime celui de l’insuffisance rénale aiguë de are desquamation of tubular epithelial cells and hyaline
l’adulte et est le plus souvent sévère en termes de mor- intra-tubular deposits. AKI is frequently observed with a MOTS-CLÉS
bi-mortalité. Malgré la récupération de la fonction rénale non-altered urine output and associated with a proteinuria insuffisance rénale aiguë, nécrose tubulaire aiguë.
antérieure, cette dernière est anormale sur le plan cellulaire. less than 1.5 g/24h without albuminuria, hematuria or
Ce phénomène de réparation anormale expose à un vieillis- leucocyturia. The association of an evocative clinical KEY-WORDS
sement accéléré et à une susceptibilité accrue à la néphro- context and a spontaneous improvement of the AKI confir- acute renal failure, acute tubular necrosis.

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

Insuffisance rénale aiguë d’origine glomérulaire

Deux grands cadres à identifier


pour une prise en charge
spécifique et souvent urgente

L
es néphropathies glomérulaires représentent 15 jours ou d’un impétigo précédant de 4 à 6 semaines
ÉRIC THERVET environ 10 % des causes d’insuffisance rénale l’atteinte rénale. Un syndrome néphritique aigu s’ins-
Service de aiguë de l’adulte. Si cette proportion est faible, talle brutalement avec au premier plan un tableau de
néphrologie, la reconnaissance des causes est primordiale rétention hydrosodée. Les examens biologiques notent
département puisqu’elles nécessitent une prise en charge spécifique une hématurie, macroscopique dans 30 % des cas. Il
hypertension et souvent urgente. existe une protéinurie composée d’albumine (< 3 g/24 h).
artérielle, prévention De façon schématique, les insuffisances rénales aiguës En cas de suspicion, sont demandés la recherche d’anti-
et prise en charge d’origine glomérulaire peuvent présenter deux grands corps antistreptococciques (ASLO) [positive chez 80 %
des affections rénales tableaux clinico-biologiques : le syndrome néphritique des cas] et le dosage du complément (baisse du CH50,
et cardiovasculaires, aigu et la glomérulonéphrite rapidement progressive. du C3 et un C4 normal ou peu abaissé).
Hôpital européen Le syndrome néphritique aigu associe une insuffi- Une biopsie rénale n’est effectuée que si le tableau
Georges-Pompidou, sance rénale aiguë organique, une oligurie, avec un aspect n’est pas typique, en cas de doute, ou si l’insuffisance
Assistance « bouillon sale » des urines. Les signes de rétention sodée rénale continue d’évoluer. L’examen en microscopie
publique-Hôpitaux sont au premier plan, avec un syndrome œdémateux optique montre une glomérulonéphrite avec une proli-
de Paris, université généralisé et une hypertension artérielle souvent sévère fération endocapillaire aiguë touchant les cellules
Paris-Descartes pouvant entraîner des signes de défaillance cardiaque. mésangiales et une infiltration du mésangium par des
Paris, France Les glomérulonéphrites rapidement progressives cellules circulantes. Il existe des dépôts immuns gra-
eric.thervet@aphp.fr se caractérisent par une insuffisance rénale s’installant nuleux sur le versant externe de la membrane basale
en quelques semaines, avec une hématurie marquée glomérulaire qui sont appelés des humps. L’examen en
rarement macroscopique, une protéinurie modérée d’ori- immunofluorescence met en évidence des dépôts glomé-
É. Thervet déclare gine glomérulaire (albuminurie d’environ 1 g/24 h) et rulaires de C3 et d’immunoglobulines (Ig) de type G.
n’avoir aucun une pression artérielle souvent normale. Les principaux En cas d’infection steptococcique bien documentée,
lien d’intérêts. examens complémentaires en cas de glomérulonéphrite un traitement par pénicilline (macrolide en cas d’allergie)
rapidement progressive sont résumés dans le tableau 1. Il pour traiter l’infection et pour prévenir la contamina-
existe souvent, histologiquement, des lésions extraca- tion des proches peut être indiqué. Le traitement de la
pillaires avec diverses causes selon l’aspect des dépôts glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique est prin-
d’immunoglobulines en immunofluorescence (tableau 2). cipalement symptomatique (hospitalisation en cas d’hy-
pertension artérielle sévère ou d’insuffisance cardiaque) :
Glomérulonéphrite aiguë traitement de la surcharge hydrosodée (diurétiques de
post-infectieuse l’anse) et blocage du système rénine-angiotensine en
cas de protéinurie abondante. Chez la majorité des pa-
Les glomérulonéphrites post-infectieuses sont des glo- tients, l’évolution est favorable, avec une augmentation
mérulonéphrites secondaires à des mécanismes immu- de la diurèse en moins d’une semaine, une disparition
nologiques causées par des infections bactériennes non de l’insuffisance rénale et de l’hypertension artérielle en
rénales (à la différence des pyélonéphrites aiguës). La quelques jours. Les glomérulonéphrites aiguës post-strep-
forme la plus classique est la glomérulonéphrite aiguë tococciques ne sont responsables que de 1 % d’insuffi-
post-streptococcique de l’enfant, mais elle est souvent sance rénale terminale après un suivi de plus de 15 ans.2
remplacée par des formes touchant l’adulte âgé avec des
comorbidités, et d’origine staphylococcique.1 Glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse
non streptococcique
Glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique Chez l’adulte, elles touchent en particulier les immuno-
Le diagnostic de glomérulonéphrite survient dans les déprimés avec des germes, des sites et des durées d’infec-
suites d’une infection streptococcique. Il s’agit typi- tion variables. Dans les pays développés, l’incidence
quement d’une angine à streptocoque précédant de 7 à est estimée à 6 et 0,3 par 100 000 patients/années respec-

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

tivement chez les adultes et les enfants.3 Chez les adultes,


EXAMENS COMPLÉMENTAIRES À RÉALISER EN PREMIÈRE INTENTION
les infections à staphylocoque sont les plus fréquentes
EN CAS DE TABLEAU CLINICO-BIOLOGIQUE DE GLOMÉRULONÉPHRITE
avec des infections cutanées, des voies aériennes supé-
RAPIDEMENT PROGRESSIVE
rieures, du poumon, stomatologiques et des voies uri-
naires.3 Il existe une prédominance masculine de 1,4 à 3. Systématique
Des antécédents d’immunosuppression sont présents dans
Complément sérique et ses fractions C3, C4
environ 50 % des cas (diabète, alcoolisme, antécédents
carcinologiques, etc.).3 Les manifestations cliniques sont Anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles
le plus souvent un syndrome néphritique aigu avec une
rétention hydrosodée marquée. La protéinurie est le plus
Anticorps antinucléaires
souvent de l’ordre de 1 g/j, mais un tiers des patients Recherche et typage d’une cryoglobulinémie
ont un syndrome néphrotique. Tous les patients ont une
hématurie microscopique (macroscopique chez 40 %) et Sérologie de l’hépatite C
60 % ont une leucocyturie. La manifestation extrarénale Hémocultures
le plus fréquente est le purpura (20 % des cas). Les symp-
tômes extrarénaux sont nombreux en cas d’endocardite Selon le contexte
aiguë ou subaiguë ou d’infection de shunt ventriculo-
Anticorps anti-ADN natif
atrial. Une hypocomplémentémie est présente chez 60 %
des patients, avec une diminution du C3 associée ou non Anticorps anti-ENA
à une diminution du C4. Ces anomalies se normalisent en
2 mois, sauf s’il persiste une infection. Les germes en Anticorps anti-membrane basale glomérulaire
cause sont extrêmement variables,4 avec des streptocoques Facteur rhumatoïde
dans les pays en développement et des staphylocoques
dorés dans les pays développés. Les bactéries à Gram né- Dosage pondéral des immunoglobulines
gatif représentent 10 % des causes de glomérulonéphrite
Après avis spécialisé et en l’absence de contre-indication
post-infectieuse (Escherichia coli le plus souvent).
La biopsie rénale montre en microscopie optique une Biopsie rénale
glomérulonéphrite proliférative endocapillaire diffuse
avec de nombreux polynucléaires neutrophiles intraca- Tableau 1. GR : globules rouges ; NTA : nécrose tubulaire aiguë.
pillaires.3 Les proliférations extracapillaires sont beau-
coup plus rares ainsi que les glomérulonéphrites chant les capillaires glomérulaires et/ou pulmonaires
membrano-prolifératives, surtout lors des infections avec la présence d’anticorps anti-MBG. 5 L’atteinte
ventriculo-atriales ou de shunt. En immunofluorescence, pulmonaire provoque des hémorragies pulmonaires
il existe des dépôts granuleux de complément dans le graves et l’atteinte rénale provoque une gloméruloné-
mésangium et les parois vasculaires glomérulaires avec phrite nécrosante et à croissants. Le syndrome de Good-
une prédominance de C3 et dans 50 % des cas des dépôts pasture associe les deux atteintes. La fréquence des
d’Ig qui prend typiquement un aspect en ciel étoilé. À vascularites à anti-MBG est estimée à 0,5 à 1 cas par
côté du traitement symptomatique de la surcharge, des million d’habitants par an. Il existe deux pics d’incidence
troubles hydro-électrolytiques, le premier traitement est (3e et 7e décennies) sans prédominance sexuelle. Les
l’éradication de l’infection. La recherche du site doit être patients développent des auto-anticorps contre le do-
complète (cardiaque, dentaire et sinusien). Le traitement maine non collagénique 1 de la chaîne a3 de collagène
repose sur une antibiothérapie adaptée, et si nécessaire de type IV (COL4A3 NC1) exprimée dans quelques
un geste chirurgical.4 Environ 30 % des patients adultes membranes basales spécialisées dont le glomérule et
gardent une dysfonction rénale et 15 % évoluent vers l’alvéole pulmonaire.6 Des agents environnementaux ont
l’insuffisance rénale chronique terminale. Les facteurs été mis en cause : des cas ont été publiés en relation avec
de mauvais pronostic sont l’âge avancé, l’existence d’un une infection virale, un traitement par lithotritie, par
diabète, l’importance de l’insuffisance rénale, les lésions D-pénicillamine, une exposition à des agents chimiques,
chroniques, en particulier tubulo-interstitielles.4 tels que des solvants organiques et la fumée de cigarette.
C’est une urgence diagnostique et thérapeutique.
Glomérulonéphrite rapidement Le tableau typique est un syndrome pneumo-rénal. La
progressive (GNRP) plupart des patients signalent des prodromes tels que de
la fatigue et un malaise général. La pression artérielle
GNRP avec dépôts linéaires est en général normale. Les symptômes de l’atteinte
d’immunoglobuline : vascularite à anticorps pulmonaire comprennent une toux, une dyspnée, une
anti-membrane glomérulaire hémoptysie, des douleurs thoraciques et de l’hypoxie. Le
La définition de la vascularite à anticorps anti-membrane tableau néphrologique est celui d’une insuffisance rénale
basale glomérulaire (anti-MBG) est une vascularite tou- rapidement progressive, voire aiguë. La protéinurie est

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

sance rénale avancée.6 Le risque vital pulmonaire justifie


PRINCIPALES CAUSES DES GLOMÉRULONÉPHRITES
à lui seul le traitement.
EXTRACAPILLAIRES SELON L’ASPECT DES DÉPÔTS D’IMMUNOGLOBULINE
EN IMMUNOFLUORESCENCE
GNRP avec dépôts granuleux
Dépôts linéaires d’immunoglobuline G le long de la membrane basale d’immunoglobulines
glomérulaire Il s’agit d’un groupe hétérogène comprenant des patho-
logies multiples. On peut très schématiquement propo-
Syndrome de Goodpasture
ser les cadres nosologiques du lupus systémique, des
Vascularite à dépôts antimembrane basale glomérulaire
cryoglobulinémies, et du purpura rhumatoïde. La des-
Dépôts granuleux d’immunoglobulines cription de chacune de ces maladies dépasse le cadre de
cette revue et nous ne ferons qu’évoquer les formes
Immunoglobulines G rénales.
– Lupus érythémateux disséminé
– Glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique Lupus systémique
– Glomérulonéphrites post-infectieuses
– Cryoglobulinémie Le lupus est l’archétype de la maladie auto-immune pou-
– Glomérulonéphrite primitive vant affecter tous les organes. En France, son incidence
– Glomérulonéphrite membrano-proliférative et sa prévalence sont estimées à 5 et 40 pour 100 000 avec
– Glomérulonéphrite extra-membraneuse une prédominance féminine nette (d’un facteur 9). La
– Autres glomérulonéphrites prévalence de l’atteinte rénale au moment du diagnostic
de lupus est de 15 % (protéinurie > 0,5 g/24 h, anomalies
Immunoglobulines A du sédiment urinaire, élévation de la créatininémie). Ce
– Vascularite à IgA ou purpura rhumatoïde n’est que dans 1 à 2 % des cas que le lupus est responsable
– Glomérulonéphrite à dépôts mésangiaux d’IgA (maladie de Berger) d’une insuffisance rénale aiguë grave.
– Glomérulonéphrite postinfection staphylococcique Les signes cliniques et d’atteinte rénale lupique
peuvent être dissociés rendant impossible d’établir un
Absence de dépôts immuns diagnostic précis de l’atteinte rénale sans biopsie ré-
Micropolyangéite microscopique nale. Il faut rechercher les anomalies immunologiques
Granulomatose avec polyangéite (anticorps anti-ADN natif, baisse du complément).
Granulomatose éosinophile avec polyangéite En cas d’insuffisance rénale aiguë, la biopsie met
souvent en évidence une glomérulonéphrite proliféra-
Tableau 2. IgA : immunoglobuline de type A. tive endo- et extracapillaire, volontiers associée à des
lésions nécrotiques (classe IV),7 définie comme une
généralement modeste, mais il peut exister un syndrome néphropathie lupique diffuse avec des lésions extra-
néphrotique. Il existe dans la quasi-totalité des cas une capillaires actives intéressant 50 % des glomérules ou
hématurie souvent macroscopique. La radiographie tho- plus. En immunofluorescence, on note constamment
racique montre une atteinte bilatérale avec des images des dépôts glomérulaires de fibrine d’IgG et de C1q, très
alvéolaires constituées de nodules denses de 1 à 4 mm, de évocateurs du diagnostic. Le traitement des formes
répartition bilatérale et symétrique. La tomodensitomé- graves repose classiquement sur l’administration de
trie thoracique peut montrer l’importance des lésions. En bolus de stéroïdes suivie d’une corticothérapie par voie
cas de doute, la pratique d’un lavage bronchoalvéolaire orale et de bolus de cyclophosphamide pendant 6 mois.8
peut être indiquée. La recherche en urgence d’anticorps Un traitement par mycophénolate mofétil peut égale-
anti-MBG est primordiale. La gravité et le pronostic sont ment être utilisé.
corrélés avec le niveau d’anti-MBG. La biopsie rénale
est systématique et montre généralement une atteinte Cryoglobulinémie
extensive de tous les glomérules (en tout cas > 80 %) sous
la forme d’une glomérulonéphrite extracapillaire et des Elle est définie par la présence, dans le sérum, d’im-
nécroses du floculus plus ou moins étendues. La corréla- munoglobulines précipitant à basse température et se
tion est bonne entre le pourcentage d’atteinte gloméru- dissolvant lors du réchauffement. Cette anomalie est
laire et le pronostic. L’immunofluorescence est typique, souvent asymptomatique mais peut se révéler par une
avec un dépôt linéaire d’IgG (et souvent de C3) le long des vascularite des vaisseaux de petit calibre. La cryoglo-
capillaires glomérulaires associé à des dépôts de fibrine buline peut donner des manifestations systémiques
dans la chambre urinaire. (vascularite cutanée, articulaire, neurologique), et ré-
Le traitement standard comporte l’association de nales, sous la forme d’une glomérulonéphrite membrano-
fortes doses de stéroïdes, de cyclophosphamide et des proliférative. L’identification de la cryoglobuline passe
échanges plasmatiques, mais son efficacité est souvent par la mise en évidence d’un cryoprécipité lorsqu’on met
modeste sur le plan rénal lorsque le patient est en insuffi- le sérum à une température de 4 °C. Puis sont réalisées

162 Vol. 68 _ Février 2018

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

CLASSIFICATION DES CRYOGLOBULINES


Type Composant monoclonal Composant polyclonal Activité facteur rhumatoïde
Cryoglobulinémie de type I + – –
Cryoglobulinémie de type II + + +
Cryoglobulinémie de type III – + +
Tableau 3.

une quantification de la cryoglobuline (en g/L) et une Au plan immunologique, l’hypocomplémentémie fré-
caractérisation de la composition (IgG, d’IgM ou d’IgA, quente prédomine sur la fraction C4 et CH50, témoignant
et composé monoclonal avec prédominance de chaînes d’une activation de la voie classique du complément. Au
légères kappa ou lambda). Selon cette composition, elles plan histologique, la cryoglobulinémie mixte est une
sont divisées en trois classes (tableau 3) :9 cryoglobulines glomérulonéphrite à complexes immuns, prenant dans
de type I, composant monoclonal, le plus souvent de type la grande majorité des cas la forme d’une gloméruloné-
IgM ; cryoglobulines de type II, composant monoclonal (le phrite membrano-proliférative. En microscopie optique,
plus souvent de type IgM, possédant une activité facteur on observe une prolifération des cellules mésangiales
rhumatoïde ou anticorps anti-IgG) et une partie polyclo- ainsi que des dépôts endomembraneux et mésangiaux
nale, faite surtout d’IgG ; cryoglobulines de type III, com- avec un aspect de double contour. La formation de crois-
posées uniquement d’immunoglobulines polyclonales. sants épithéliaux, signant la prolifération cellulaire
Les causes des cryoglobulinémies varient selon leur extracapillaire, est observée dans 15 % des cas. La glomé-
type. Les cryoglobulinémies de type I (6 à 25 %) sont en rulonéphrite de la cryoglobulinémie est caractérisée par
rapport avec une maladie hématologique. Les types II et une hypercellularité endocapillaire importante, consti-
III sont appelés aussi les cryoglobulinémie mixtes. Pour tuée de macrophages. Elle s’accompagne dans près de
les cryoglobulines de type II, près de 60 à 90 % sont secon- 50 % des cas de thrombus intracapillaires obstruant la
daires à une infection virale chronique en particulier liée lumière vasculaire avec nécrose fibrinoïde et infiltrat à
à l’hépatite C. On trouve aussi d’autres pathologies infec- polynucléaires neutrophiles. En immunofluorescence,
tieuses (hépatite B, infection par le virus de l’immuno- les dépôts endomembraneux et les thrombus intralumi-
déficience humaine, endocardite subaiguë, surinfection naux (véritables « bouchons ») fixent les sérums anti-IgG
de shunt, syphilis, glomérulonéphrite aiguë post-strepto- et anti-IgM, et les fractions C3 et C4. Pour les cryglobu-
coccique), des hémopathies malignes (lymphomes B de lines de type I, l’étude en immunofluorescence montre
bas grade, leucémies lymphoïdes chroniques, maladie de que les dépôts sont constitués exclusivement de l’immu-
Waldenström et lymphomes du manteau). Elles peuvent noglobuline monoclonale qui compose le cryoprécipité.
aussi être présente en cas de syndrome de Gougerot- En l’absence de traitement spécifique, la néphropathie
Sjögren, la cirrhose biliaire primitive, le lupus, les thy- évolue souvent par poussées itératives, associant signes
roïdites auto-immunes et la polyarthrite rhumatoïde. extrarénaux et aggravation de la fonction rénale, pouvant
Les atteintes sont nombreuses. L’atteinte cutanée aboutir à l’insuffisance rénale terminale. Le traitement
est la plus fréquente, sous la forme d’un purpura vas- des cryoglobulinémies de type I repose sur la prise en
culaire survenant par poussées et souvent déclenché par charge de l’hémopathie sous-jacente visant à la dispari-
le froid, l’orthostatisme ou l’effort physique, le syndrome tion du composé monoclonal, soit par une chimiothérapie
de Raynaud, les ulcérations digitales distales, les ulcères classique, soit par rituximab. Pour les cryoglobulinémies
suspendus supramalléolaires ; la biopsie cutanée montre de type II, la prise en charge est mixte, causale (souvent
une vascularite leucocytoclasique. L’atteinte articulaire antivirale) et immunologique, en particulier avec l’uti-
avec des arthralgies bilatérales, symétriques et intermit- lisation du rituximab.10
tentes, ou de réelles arthrites. La neuropathie périphé-
rique se présente comme des polyneuropathies distales, Purpura rhumatoïde
des mononévrites, ou des multinévrites.
L’incidence de la néphropathie est évaluée entre 2 et Vascularite systémique des vaisseaux de petit calibre
50 % parmi les patients ayant une vascularite secondaire en rapport avec des dépôts immuns prédominants d’IgA,
à une cryoglobulinémie mixte.10 Le tableau clinique est il est caractérisé par l’association de signes cutanés, arti-
variable, nous ne verrons ici que les insuffisances rénales culaires et gastro-intestinaux, par poussées successives.
aiguës. Il peut exister un réel syndrome néphritique Une atteinte rénale est parfois associée. La fréquence de
aigu. Dans la majorité des cas, l’hypertension artérielle cette atteinte est extrêmement variable selon les séries.
est sévère et résistante aux traitements. Dans tous les Le purpura rhumatoïde peut se manifester à tout
cas, l’hématurie, micro- ou macroscopique, est constante. âge (de 5 mois à 89 ans), mais atteint principalement

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

l’enfant entre 3 et 15 ans. Chez l’enfant, l’incidence an- radiographie). Il existe souvent une asthénie, une perte
nuelle de cette maladie est de l’ordre de 6 à 22 cas pour de poids, de la fièvre, des arthralgies, un purpura et une
100 000 enfants par an et chez l’adulte de l’ordre de atteinte neurologique. L’atteinte rénale se traduit par
0,1 pour 100 000 adultes.12 Le diagnostic repose sur une une glomérulonéphrite rapidement progressive.
association extrêmement évocatrice de signes cliniques. Au plan histologique, les micropolyangéites font
En 2010, l’European League Against Rheumatism a partie des vascularites associées aux anticorps anti-
proposé une définition pour distinguer le purpura rhu- cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA)
matoïde des autres vascularites : chez un enfant ayant caractérisées par une vascularite nécrosante des petits
un purpura, au moins un des quatre critères suivants vaisseaux et pas ou peu de dépôts immuns. Dans la peau,
doit être présent : douleurs abdominales ; présence d’IgA il existe une vascularite leucocytoclasique. Dans le rein,
à l’histologie ; arthrite ou arthralgie ; atteinte rénale. il peut exister des croissants. Le traitement par stéroïdes
Brièvement, l’atteinte cutanée quasi constante se carac- et cyclophosphamide, ou actuellement le rituximab ont
térise par un purpura vasculaire symétrique, non pruri- modifié le pronostic avec une survie à 1 et 5 ans respecti-
gineux, prédominant aux zones de pression et aux extré- vement égale à 82 % et 76 %.16, 17 Une insuffisance rénale
mités ; les manifestations articulaires se traduisent par terminale survient dans environ 30 % des cas avec, dans
des oligo-arthralgies d’horaire inflammatoire touchant ce cas, une mortalité de 50 %. Le traitement d’attaque
principalement les chevilles et les genoux ; les manifes- repose principalement sur le cyclophosphamide, les sté-
tations digestives sont des douleurs de type colique voire roïdes et parfois l’adjonction d’échanges plasmatiques.
des hémorragies digestives parfois gravissimes enga- Le traitement de maintenance est important en raison
geant le pronostic vital. Il n’existe aucun signe biologique du risque de rechute avec une supériorité du rituximab.18
spécifique de la maladie, avec un taux sérique d’IgA élevé
dans 60 % des cas. Granulomatose avec polyangéite
La biopsie cutanée en peau lésée montre une vascu-
larite leucocytoclasique des vaisseaux dermiques, avec C’est une vascularite auto-immune des petits vaisseaux
en immunofluorescence des dépôts granuleux d’IgA poly- dont les manifestations cliniques comprennent une
clonale, de C3 et fibrinogène. Une atteinte rénale survient vascularite nécrosante systémique, une inflammation
dans 20 à 54 % des cas de purpura rhumatoïde chez l’en- granulomateuse nécrosante et une glomérulonéphrite
fant et dans 45 à 85 % des cas chez l’adulte. Il peut s’agir nécrosante. L’incidence annuelle de granulomatose
d’une insuffisance rénale aiguë principalement sous la avec polyangéite est de 5 à 10 cas par million d’habitants,
forme d’une glomérulonéphrite rapidement progressive. sans prédominance de sexe ; le pic d’incidence se situe
L’hématurie, le plus souvent microscopique, est le signe dans la 7e décennie de la vie. Il a été rapporté des associa-
le plus constant  ; peut s’y associer une protéinurie de tions avec des causes infectieuses, environnementales,
débit variable, pouvant être néphrotique.11, 13, 14 La né- toxiques ou pharmacologiques et une part possible de
phropathie du purpura rhumatoïde est une néphropathie prédisposition génétique.19 Il faut noter la pollution, le
glomérulaire à dépôts d’IgA avec des dépôts de fibrine. tabac, des toxines ou des chimiques inhalés, l’exposition
Les lésions histologiques sont surtout de gloméruloné- à des métaux comme le mercure ou le plomb, des médica-
phrites prolifératives diffuses endo- et extra-capillaires. ments (antibiotiques comme céfotaxime, minocycline),
Le traitement curatif pour des formes avec insuf- des antithyroïdiens, des anti-tumor necrosis factor, la
fisance rénale aiguë propose une prise en charge de type clozapine, l’allopurinol, etc.). Les patients dont la gra-
« vascularite à ANCA » (v. infra). nulomatose est cliniquement active peuvent avoir des
signes généraux. Les signes cutanés sont un purpura,
GNRP sans dépôts d’immunologlobulines : des ulcères cutanés et/ou de la gangrène et, de façon
vascularite à ANCA plus évocatrice, des ulcères buccaux, des lésions gra-
Les glomérulonéphrites rapidement progressives sans nulomateuses orales, et des atteintes oculaires variées.
dépôts d’immunoglobulines ou glomérulonéphrites ex- Les atteintes oto-rhino-laryngées sont fréquentes, avec
tracapillaires pauci-immunes compliquent soit une mi- des sécrétions nasales tachées de sang, des croûtes na-
cropolyangéite, soit une granulomatose avec polyangéite sales, ou une ulcération nasale. Une tomodensitométrie
(syndrome de Wegener), soit une granulomatose éosino- sinusienne sans injection peut aider au diagnostic. L’at-
phile avec polyangéite (syndrome de Churg et Strauss).15 teinte rénale se présente comme une glomérulonéphrite
rapidement progressive sans particularité. Le diagnos-
Micropolyangéite tic se fait sur l’ensemble de la clinique, la positivité des
ANCA de type protéinase 3 et la présence d’un granulome.
Les vascularites nécrosantes de type micropolyangéite Le traitement se différencie entre induction et mainte-
surviennent entre 40 et 60 ans, avec une légère prédomi- nance. Les traitements proposés sont schématiquement
nance masculine. Les atteintes sont nombreuses, avec les mêmes que ceux des micropolyangéites (v. supra). Le
une prédominance pour les signes rénaux et pulmonaires traitement de maintenance est très important, puisque
(dyspnée, hémoptysie avec syndrome alvéolaire à la l’incidence des rechutes est importante.

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

Granulomatose éosinophile infiltrats éosinophiles dans les tissus et des granu-


avec polyangéite lomes. Une caractéristique est son association chez
environ 30 à 40 % des patients à des ANCA de type
C’est l’une des vascularites les plus rares touchant les myéloperoxydase. L’hyperéosinophilie est souvent
vaisseaux de petit et moyen calibre. Elle se caractérise supérieure à 1 500/mm 3. Divers agents environne-
par rapport aux autres vascularites par la présence mentaux ont été impliqués dans l’apparition d’une gra-
d’un asthme sévère et d’une hyperéosinophilie. 20 Sa nulomatose éosinophile avec polyangéite, y compris
prévalence varie de 10,7 à 13 cas/million d’habitants, des agents infectieux, des médicaments, une désensi-
avec une incidence annuelle de 0,5 à 6,8 nouveaux cas/ bilisation ou une vaccination. Le traitement de la gra-
million d’habitants. Elle peut se produire à tous les nulomatose éosinophile avec polyangéite repose prin-
âges, avec un âge moyen au moment du diagnostic de cipalement sur les corticoïdes et, si nécessaire, sur des
48 ans, sans prédominance sexuelle. Elle se caractérise médicaments immunosuppresseurs, en particulier le
par la présence d’une vascularite nécrosante avec des cyclophosphamide. V

RÉSUMÉ INSUFFISANCE RÉNALE examens complémentaires dépendent du contexte mais glomerulonephritis is characterized by a renal failure that
AIGUË D’ORIGINE GLOMÉRULAIRE doivent comprendre l’étude du complément et les anticorps settles in a few weeks, with marked hematuria. Blood tests
Dix pour cent des insuffisances rénales aiguës de l’adulte anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA). depend of the context but include complement study and
sont d’origine glomérulaire. Elles nécessitent une prise en Il existe des lésions extracapillaires avec des dépôts va- ANCA. Histologically, extracapillary lesions are present
charge urgente spécifique. Les tableaux sont le syndrome riables d’immunoglobulines. with various immunoglobulin deposits.
néphritique aigu et la glomérulonéphrite rapidement pro-
gressive. La glomérulonéphrite aiguë associe une insuffi- SUMMARY ACUTE RENAL FAILURE
sance rénale aiguë organique avec une rétention sodée OF GLOMERULAR ORIGIN
au premier plan. Les germes retrouvés sont les strepto- Glomerulopathies account for about 10% of acute kidney MOTS-CLÉS
coques, les staphylocoques et parfois Escherichia. coli. Le injury (AKI) in adults. They often require urgent care. The insuffisance rénale aiguë, glomérulonéphrite aiguë,
traitement est l’éradication de l’infection. Les glomérulo- clinico-biological presentations are acute nephritic syn- néphropathies glomérulaires.
néphrites rapidement progressives se caractérisent par drome (GNA) and rapidly progressive glomerulonephritis.
une insuffisance rénale s’installant en quelques semaines, GNA combines an organic AKI with signs of sodium re- KEY-WORDS
avec une hématurie marquée, une protéinurie modérée et tention. The most commonly found germs are streptococ- acute renal failure, acute glomerulonephritis,
une pression artérielle souvent normale. Les principaux ci, staphylococci and Escherichia coli. Rapidly progressive glomerular nephropathy.

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

Insuffisance rénale aiguë d’origine vasculaire

La prise en charge urgente doit


systématiquement inclure le
contrôle de la pression artérielle

U
FRANCK POURCINE, ne insuffisance rénale aiguë liée à des troubles – le syndrome hémolytique et urémique dit « typi-
CAMILLE vasculaires aigus représente un groupe hété- que » ou postdiarrhéique, secondaire à l’agression
PETIT-HOANG, rogène de maladies dont le dénominateur de l’endothélium par une shiga-like toxin (ou véro-
VINCENT AUDARD commun est l’atteinte de vaisseaux rénaux de toxine) sécrétée par certaines souches d’Escherichia coli
Service de néphrologie différentes tailles. (en particulier la souche O157:H7) ou d’autres germes
et transplantation, producteurs de vérotoxine. 2 Les vérotoxines peuvent se
CHU Henri-Mondor, Atteinte des vaisseaux intrarénaux lier aux cellules endothéliales par le biais d’un récepteur
université Paris-Est de petit calibre membranaire (Gb3). Cette forme typique, qui représente
Créteil, Créteil, France 90 % des syndromes hémolytiques et urémiques de l’en-
vincent.audard Microangiopathie thrombotique fant, est la première cause d’insuffisance rénale aiguë
@aphp.fr Quel qu’en soit le mécanisme causal, la microangiopa- chez l’enfant de 1 à 3 ans ; elle survient le plus souvent par
thie thrombotique est l’expression d’une dysfonction épidémie et se manifeste initialement par un tableau de
de l’endothélium vasculaire conduisant à la formation diarrhée dysentériforme parfois glairo-sanglante associé
F. Pourcine déclare de thrombus fibrino-plaquettaires dans les vaisseaux à une insuffisance rénale aiguë et à une microangiopa-
n’avoir aucun de petit calibre. Ainsi, dans le rein, l’atteinte prédomine thie thrombotique biologique. La souche bactérienne
lien d’intérêts. au niveau de la paroi des capillaires glomérulaires (qui peut être mise en évidence sur une coproculture, mais le
a un aspect en double contour du fait d’un élargissement diagnostic repose le plus souvent sur la mise en évidence
C. Petit-Hoang de l’espace sous-endothélial) et des artérioles préglomé- par polymerase chain reaction de la toxine dans les selles.
déclare participer rulaires. La microangiopathie thrombotique se traduit Le pronostic rénal est généralement bon (évolution vers
à des essais cliniques biologiquement par une anémie hémolytique mécanique une insuffisance rénale chronique dans 9 à 30 % des cas
Akebia et Chiesi, (avec présence de schizocytes sur le frottis sanguin) selon les études) sans récidive, mais le pronostic global
et avoir été prise associée à une thrombopénie périphérique. On distingue est grevé d’une mortalité non nulle (< 5 % chez l’enfant).
en charge lors de classiquement deux tableaux cliniques : le purpura Le traitement repose essentiellement sur des mesures
congrès par Novartis. thrombotique thrombocytopénique où l’atteinte neuro- symptomatiques (contrôle tensionnel strict, dialyse…).
logique centrale prédomine et le syndrome hémolytique L’antibiothérapie n’est pas recommandée en l’état actuel
V. Audard déclare et urémique où l’atteinte rénale est au premier plan sous des connaissances ;
des interventions forme d’une insuffisance rénale aiguë.1 La distinction – le syndrome hémolytique et urémique dit « atypi-
ponctuelles pour entre ces deux entités ne préjuge pas forcément de la que », lié à la dérégulation des protéines de la voie alterne
Addmedica, Shire, cause et semble de plus en plus dépassée en raison d’un du complément soit par mutation d’un gène codant une
Roche et Amgen ; mécanisme physiopathologique commun. On préfère protéine du complément, soit par le biais d’un anticorps
et avoir été pris actuellement distinguer comme principales causes de dirigé contre l’une de ces protéines ; 2
en charge lors microangiopathie thrombotique : – les autres causes de syndrome hémolytique et uré-
de congrès – le déficit en ADAMTS13 (congénital de transmission mique peuvent être regroupées en causes infectieuses
par Shire, Amgen autosomique récessive [10 % des cas] ou acquis par le (infections par le virus de l’immunodéficience humaine,
et Sanofi Genzyme. biais d’un auto-anticorps [90 % des cas]) qui est classique- par le virus influenza, le pneumocoque…), dysimmuni-
ment responsable du tableau de purpura thrombotique taires (lupus systémique, syndrome des antiphospholi-
thrombocytopénique. L’ADAMTS13 est une métallopro- pides, sclérodermie), paranéoplasiques (cancers métas-
téase permettant de cliver le facteur de von Willebrand tatiques), toxiques (anticalcineurines, mitomycine C,
en multimères de plus faible poids moléculaire. En cas gemcitabine, anti-vascular endothelial growth factor, clo-
de déficit enzymatique, des multimères de haut poids pidogrel…) ou liées à l’hypertension artérielle maligne. 2
moléculaire s’accumulent, favorisant ainsi la survenue Chez l’adulte, le diagnostic de microangiopathie throm-
de microthrombus capillaires ; botique est suspecté sur les données clinico-biologiques,

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

la ponction-biopsie rénale permet le diagnostic de Crise aiguë sclérodermique


certitude et a un intérêt pronostique. La prise en charge, La sclérodermie systémique est une maladie du tissu
outre les mesures symptomatiques, repose sur la conjonctif des artérioles et des microvaisseaux se carac-
plasmathérapie en urgence (les échanges plasmatiques térisant par une diminution de la lumière des vaisseaux
permettant l’échange de volumes de plasma plus impor- de petit calibre, liée à l’accumulation de collagène dans
tants) et sur l’éculizumab, anticorps humanisé anti-C5, leur paroi et à la prolifération intimale. Elle touche
inhibant la formation du complexe d’attaque membra- préférentiellement les femmes (sex-ratio 1/4) entre 40 et
naire essentiellement en cas de syndrome hémolytique 50 ans. La crise rénale sclérodermique s’apparente à
et urémique atypique. un tableau d’HTA maligne avec microangiopathie throm-
botique. 4 Elle survient chez environ 10 % des patients,
Néphroangiosclérose maligne souvent favorisée par une corticothérapie supérieure à
La néphroangiosclérose maligne est la conséquence 15 mg/j et est plus fréquente en cas d’atteinte cutanée
rénale de l’hypertension artérielle maligne (HTA sé- diffuse. Le diagnostic repose essentiellement sur les
vère avec une pression artérielle diastolique supérieure signes cliniques (sclérodactylie, télangiectasies, syn-
à 130 mmHg) compliquée d’un retentissement viscéral drome de Raynaud, anomalies à la capillaroscopie,
ischémique aigu. La biopsie rénale est contre-indiquée fibrose interstitielle pulmonaire diffuse, atteinte œso-
tant que les chiffres de pression artérielle ne sont pas phagienne…) et la mise en évidence d’auto-anticorps
contrôlés. La néphroangiosclérose maligne se traduit de la maladie (antitopo-isomérase I, anti-polymérase III,
sur le plan histologique par l’oblitération accélérée des anticentromères [au cours du CREST syndrome]). La
vaisseaux de petit calibre secondaire à une hyperplasie prise en charge de la crise aiguë sclérodermique est une
myo-intimale réalisant classiquement des lésions en urgence thérapeutique et repose sur l’administration
« bulbes d’oignon ». 3 Les glomérules ont un aspect is- d’un bloqueur du système rénine-angiotensine-aldosté-
chémique et des lésions de microangiopathie thrombo- rone (IEC). En cas de nécessité d’épuration extrarénale,
tique peuvent être observées. Sur le plan clinique, on peut dans le contexte d’insuffisance rénale aiguë, une récupé-
observer une déshydratation extracellulaire secondaire ration tardive est possible dans les 18 premiers mois.
à une polyurie induite par une natriurèse inadaptée,
dite « de pression ». Cette déshydratation extracellulaire Maladie des emboles de cholestérol
induit la stimulation du système rénine-angiotensine- Cette maladie, d’incidence sous-estimée (environ 7 %
aldostérone et entretient une pression artérielle élevée, des causes d’insuffisance rénale aiguë dans les séries
selon un cercle vicieux. Les autres signes cliniques asso- autopsiques), correspond à la libération dans la circula-
ciés sont liés au retentissement viscéral de cette hyperten- tion générale d’emboles dits de cholestérol à partir de
sion maligne  : rétinopathie hypertensive, insuffisance la rupture d’une plaque d’athérome conduisant à une
ventriculaire gauche, encéphalopathie hypertensive… atteinte systémique liée à une thrombose des artères de
Sur le plan biologique, l’insuffisance rénale aiguë petit calibre provoquant une angéite microcristalline
peut s’accompagner de stigmates de microangiopathie avec inflammation locale. Cette rupture de plaque sur-
thrombotique ou d’un tableau d’hyperaldostéronisme vient classiquement chez un patient athéromateux au
secondaire. Le sédiment urinaire habituellement pauvre décours d’un geste de chirurgie vasculaire ou d’un acte
dans la néphropathie vasculaire peut être le siège d’une radiologique artériel invasif (en moyenne dans un délai
protéinurie, dite de « pression » et d’une hématurie. L’hy- de 8 jours, mais parfois après plusieurs semaines). 5 Chez
pertension artérielle maligne touche préférentiellement un patient polyvasculaire, elle peut être spontanée
les sujets de phénotype africain ou afro-américain. Dans ou favorisée par la prescription d’un traitement anticoa-
deux tiers des cas, elle est liée à une HTA essentielle gulant ou thrombolytique. La maladie des emboles de
négligée mais doit faire rechercher une hypertension cholestérol survient préférentiellement chez les hommes
secondaire (sténose de l’artère rénale dans 20 % des cas). (sex-ratio 6/1) avec de nombreux facteurs de risque
La prise en charge de l’HTA maligne est une urgence cardiovasculaire.
et consiste en un contrôle progressif de la pression La clinique est liée à l’ischémie tissulaire engendrée
artérielle avec pour objectif une diminution de 25 % par l’obstruction des artérioles : ischémie cutanée ou
sur les premières heures par titration d’un traitement musculaire (livedo réticulaire, orteils pourpres [blue-toe
antihypertenseur par voie intraveineuse (urapidil ou syndrome], nécrose cutanée, myalgies), ischémie mésen-
nicardipine). Paradoxalement, la perfusion de sérum térique, ischémie du territoire carotidien (troubles de la
salé isotonique, en l’absence d’insuffisance cardiaque vision, accident vasculaire cérébral, syndrome confu-
gauche, peut permettre de casser le cercle vicieux de sionnel). L’atteinte rénale est retrouvée chez 50-75 % des
l’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone, patients avec une maladie des emboles de cholestérol
en restaurant la volémie. Le traitement antihyperten- systémique. Le tableau classique est celui d’une insuf-
seur au long cours doit comprendre l’administration d’un fisance rénale aiguë ou subaiguë hypertensive qui peut
inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou d’un anta- s’accompagner d’une protéinurie de faible débit et d’une
goniste des récepteurs de l’angiotensine II. hématurie microscopique (80 % des cas). Les signes

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

biologiques évocateurs sont la présence d’un syndrome Le traitement varie selon la cause. En cas de périar-
inflammatoire accompagné de façon inconstante par térite noueuse associée au VHB, le traitement repose sur
une hyperéosinophilie (60-80 % des cas) et d’une hypo- le traitement antiviral, la corticothérapie et les échanges
complémentémie (notée dans 20-40 % des séries). Une plasmatiques ; en cas de forme grave idiopathique,
augmentation des créatines phospokinases et des lacti- le traitement repose sur la corticothérapie associée à
codéshydrogénases (LDH) peut être observée en cas des immunosuppresseurs (cyclophosphamide).
d’ischémie rénale ou digestive étendue. La biopsie rénale
est rarement nécessaire, le diagnostic reposant sur la Atteinte des vaisseaux de gros calibre
triade patient polyathéromateux-facteur déclen-
chant-signes cliniques systémiques (notamment cuta- Infarctus rénal
nés). En cas de doute diagnostique, il est relativement L’infarctus rénal est un événement vasculaire artériel
peu invasif de mettre en évidence des cristaux de choles- aigu qui entraîne un défaut de perfusion à l’origine d’une
térol au fond d’œil ou sur la biopsie cutanée ; si ces deux ischémie et d’une nécrose tissulaire dans un territoire
examens sont négatifs, la biopsie rénale montre une oc- plus ou moins étendu du rein. Il s’agit d’une pathologie
clusion des artérioles de petit calibre par des cristaux de rare mais probablement sous-diagnostiquée (prévalence
cholestérol (« fantômes » biconvexes liés à la dissolution de 14 pour 1 000 dans une série autopsique) et souvent
des cristaux lors de la fixation) avec une réaction inflam- prise en charge avec retard car le tableau clinique typique
matoire au contact qui peut contenir des éosinophiles. amenant les patients à consulter (douleur abdominale
Le pronostic de la maladie est sévère, lié en partie au et/ou lombaire) se rapproche de pathologies beaucoup
terrain et à la récidive fréquente des poussées, avec une plus fréquentes que sont la lithiase urinaire et la pyélo-
mortalité comprise entre 60 et 80 % à 1 an. La prise en néphrite aiguë. L’infarctus rénal est secondaire à une
charge thérapeutique est essentiellement symptoma- thrombose de l’artère rénale ou d’une de ses branches.
tique. Les statines pourraient prévenir la rupture de Il est lié soit à une anomalie pariétale (thrombose sur
plaque et, chez ces patients, la place des corticoïdes à athérosclérose ou fibrodysplasie, dissection artérielle,
faible dose reste débattue. rupture de plaque), soit à une cardiopathie emboligène
(arythmie cardiaque par fibrillation auriculaire...), soit
Atteinte des vaisseaux à une thrombophilie héréditaire ou acquise (syndrome
de moyen calibre des antiphospholipides, hyperhomocystéinémie, héma-
turie paroxystique nocturne). Dans une étude récente,
Périartérite noueuse l’origine de l’infarctus restait indéterminée dans 28,7 %
Cette vascularite nécrosante des artères de moyen des cas.7 Les données de la littérature retrouvent un âge
calibre (> 150 µm microns) est caractérisée sur le plan moyen au diagnostic d’environ 63 ans, avec une discrète
histologique par des lésions segmentaires d’âges dif- prédominance masculine (56 %). Le diagnostic est sou-
férents de nécrose fibrinoïde de la média des vaisseaux vent fait avec un certain retard, 5,4 +/- 6,5 jours entre l’ap-
de moyen calibre associées à un infiltrat inflammatoire parition des symptômes et la confirmation radiologique.
périvasculaire parfois granulomateux.6 Elle est liée Le tableau clinique associe des douleurs lombaires
au virus de l’hépatite B (VHB) dans 10 % des cas mais (parfois fébriles) dans 90 % des cas. Les signes urinaires
est le plus souvent idiopathique. Le diagnostic repose peuvent être présents sous la forme d’une oligurie chez
sur un faisceau d’arguments cliniques et sur l’examen 15,7 % des patients ou d’une hématurie microscopique
histologique d’une biopsie neuromusculaire ou cutanée. chez 65 % et d’une protéinurie dans environ 62,6 % des
En l’absence de documentation histologique, une angio- cas. L’hypertension artérielle est quasi constante, ré-
graphie peut mettre en évidence des micro-anévrismes actionnelle et secondaire à la stimulation du système
(de 1 à 5 mm sacciformes) de la circulation rénale et/ rénine-angiotensine-aldostérone. Dans 80,5 % des cas,
ou digestive. La présence d’anévrismes artériels rénaux l’infarctus rénal est unilatéral ; il est le plus souvent bila-
contre-indique la biopsie rénale. Le tableau clinique est téral en cas de thrombophilie comme cause sous-jacente.
souvent floride, avec une altération marquée de l’état Les signes biologiques associent classiquement
général, souvent fébrile, parfois associée à une mono- une élévation des LDH, une hyperleucocytose à poly-
ou multinévrite, à une atteinte ostéo-articulaire (arthral- nucléaires neutrophiles et, de façon plus aléatoire, une
gies ou arthrite vraie), à une atteinte cutanée (livedo, élévation de la créatinine. L’insuffisance rénale aiguë
nécrose distale), à une atteinte cardiaque (40 % des cas), est présente dans 40 % des cas. Le diagnostic repose
à une atteinte digestive (ischémie ou infarctus mésen- sur l’angiotomodensitométrie rénale (ou l’imagerie par
térique) et du tractus urinaire (orchite). L’atteinte rénale résonance magnétique [IRM] en cas d’insuffisance ré-
se traduit par la présence d’infarctus rénaux segmen- nale aiguë contre-indiquant l’injection d’iode). La prise
taires ou d’anévrismes artériels intraparenchymateux en charge est une urgence qui repose sur une anticoa-
pouvant se compliquer d’hématomes. Outre l’insuf- gulation curative et éventuellement une revasculari-
fisance rénale aiguë et l’HTA associée à l’atteinte vas- sation, qui reste possible soit par voie endovasculaire
culaire, une hématurie peut être présente. (angioplastie transluminale, thrombolyse), soit par voie

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

chirurgicale uniquement dans les premières heures RÉSUMÉ INSUFFISANCE RÉNALE size of the injured vessel that include the small vessels
après la survenue de l’infarctus. Le traitement causal AIGUË D’ORIGINE VASCULAIRE (thrombotic microangiopathy, kidney injury due to malignant
est nécessaire dans un second temps, justifiant souvent Un large spectre de maladies vasculaires caractérisées par une hypertension, scleroderma renal crisis, and cholesterol crystal
un traitement anticoagulant. En l’absence de cause iden- atteinte primaire des vaisseaux peut être associé à une insuf- embolism disease), the medium vessels (polyarteritis nodosa)
tifiée (30 %), une anticoagulation curative est souvent fisance rénale aiguë. Ces maladies sont habituellement classées or the large size vessels (acute renal infarction). Regardless
proposée, dont la durée reste à déterminer. V en fonction de la taille du vaisseau blessé, incluant les petits of the primary pathogenic mechanisms and/or the size of the
vaisseaux (microangiopathie thrombotique, lésion rénale due involved vessels, increased of blood pressure associated with
à une hypertension artérielle maligne, crise rénale de scléro- acute kidney injury is a major and common feature of these
dermie et maladie des emboles de cristal de cholestérol), les acute renal disorders. A prompt diagnosis of the vascular
RÉFÉRENCES Nephrology. 2016;12:678-91 vaisseaux moyens (panartérite noueuse) et les vaisseaux de disease causing acute kidney damage is required to reduce
1. Noris M, Mescia F, Remuzzi G. 5. Meyrier A. Cholesterol crystal grande taille (infarctus aigu rénal). Indépendamment des the risk of morbi-mortality due to renal impairment and to
STEC-HUS, atypical HUS and TTP are embolism: diagnosis and treatment. mécanismes étiopathogéniques sous-jacents et/ou de la taille the systemic consequences of the underlying disease and to
all diseases of complement activation. Kidney Int 2006;69:1308-12. des vaisseaux impliqués, l’augmentation de la pression artérielle start an appropriate therapeutic management that should
Nat Rev Nephrol 2012;8:622-33. 6. Pagnoux C, Seror R, Henegar C, et associée à une insuffisance rénale aiguë est une caractéristique systematically include blood pressure control.
2. Fakhouri F, Zuber J, Frémeaux-Bacchi al.; French Vasculitis study group. majeure et commune de ces maladies rénales. Un diagnostic
V, Loirat C. Haemolytic uraemic Clinical features and outcomes in rapide de la maladie vasculaire provoquant l’insuffisance rénale
syndrome. Lancet 2017;390:681 96. 348 patients with polyarteritis aiguë est nécessaire pour réduire le risque de morbi-mortalité MOTS-CLÉS
3. Cremer A, Amraoui F, Lip GY, et al. nodosa: a systematic retrospective due à l’insuffisance rénale et aux conséquences systémiques insuffisance rénale aiguë, maladie vasculaire,
From malignant hypertension to study of patients diagnosed between de la maladie sous-jacente et pour débuter une prise en charge microangiopathie thrombotique, hypertension artérielle
hypertension-MOD: a modern 1963 and 2005 and entered into the thérapeutique appropriée qui devrait systématiquement inclure maligne, sclérodermie, maladie des emboles de
definition for an old but still French Vasculitis Study Group le contrôle de la pression artérielle. cholestérol, infarctus rénal, périartérite noueuse.
dangerous emergency. J Hum Database. Arthritis Rheum
Hypertens 2016;30:463-6. 2010;62:616-26. SUMMARY ACUTE KIDNEY KEY-WORDS
4. Woodworth TG, Suliman YA, Li W, 7. Bourgault M, Grimbert P, Verret C, et INJURY RELATED TO ACUTE acute kidney injury, acute kidney failure, vascular
Furst DE, Clements P. Scleroderma al. Acute renal infarction: a case VASCULAR DISORDERS disease, thrombotic microangiopathy, malignant
renal crisis and renal involvement in series. Clin J Am Soc Nephrol A broad spectrum of vascular disease characterized by pri- hypertension, scleroderma renal crisis, cholesterol
systemic sclerosis. Nature Reviews 2013;8:392-8. mary vessel involvement may be associated with acute renal crystal embolism disease, acute renal infraction,
failure. These diseases are usually classified according to the polyarteritis nodosa.

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

Insuffisance rénale aiguë d’origine interstitielle

D’évolution lente et fréquente,


mais à la prévalence sous-estimée

L
ALEXANDRE KARRAS es néphropathies interstitielles aiguës repré- La présence de signes extrarénaux dépend de la
Service de sentent une cause fréquente d’insuffisance ré- cause. Les signes généraux comme la fièvre ou l’alté-
néphrologie, nale aiguë, dont la prévalence est probablement ration de l’état général peuvent se produire dans les
hôpital européen sous-estimée. Elles sont définies par la présence causes infectieuses ou auto-immunes, les signes cuta-
Georges-Pompidou, de lésions histologiques touchant essentiellement l’in- néo-articulaires ou hépatiques dans les néphropathies
AP-HP, faculté terstitium du parenchyme rénal, même si l’atteinte des interstitielles aiguës immuno-allergiques, les signes
de médecine tubules est souvent associée. Ces lésions, associant infil- ophtalmologiques dans le syndrome TINU (v. infra), la
Paris-Descartes, tration inflammatoire et œdème interstitiel, se tra- sarcoïdose ou le syndrome de Gougerot-Sjögren, les
Paris, France duisent par une détérioration de la fonction rénale, peu adénopathies ou l’hépatosplénomégalie dans les néphro-
alexandre.karras bruyante et évoluant à bas bruit, pouvant évoluer vers pathies interstitielles aiguës néoplasiques.
@aphp.fr la néphropathie interstitielle chronique.
Le diagnostic de certitude de la néphropathie intersti- Quelles causes ?
tielle aiguë nécessite par définition la réalisation d’une
A. Karras déclare biopsie rénale ; néanmoins, il est souvent évoqué devant Voir le tableau ci-contre.
des activités un tableau clinico-biologique fortement évocateur, et la
de conseil auprès confirmation histologique est souvent absente. De ce fait, Néphropathies tubulo-interstitielles aiguës
de Gilead et avoir l’incidence précise de cette pathologie est difficile à préci- médicamenteuses
été pris en charge ser. En se fondant sur des séries rétrospectives, le diagnostic Tubulopathies par toxicité médicamenteuse directe
lors de congrès par de néphropathie tubulo-interstitielle aiguë est retenu dans La cause la plus fréquente est la tubulopathie aux pro-
Alexion et Amgen. 1 à 5 % des examens histologiques rénaux en général et dans duits de contraste iodés, notamment chez des patients
10 à 35 % des biopsies réalisées dans un contexte d’insuf- ayant une dysfonction rénale sous-jacente. Les autres
fisance rénale aiguë.1 causes impliquent des agents antiviraux (ténofovir, adé-
fovir, cidofovir), anti-infectieux (amphotéricine B, ami-
Quels signes ? nosides) ou antinéoplasiques (sels de platine, ifosfamide,
méthotrexate). Ces pathologies s’apparentent plutôt à
Le tableau néphrologique de la néphropathie interstitielle une nécrose tubulaire aiguë (v. p. 156).
aiguë est assez pauvre sur le plan clinique et assez proche Néphropathie par précipitation intratubulaire
de la nécrose tubulaire aiguë. On ne note ni hypertension de médicaments
artérielle, ni syndrome œdémateux, ni hématurie macros- Dans certains cas, et notamment en cas de surdosage, des
copique, et le débit urinaire est le plus souvent préservé. médicaments cristallisent dans la lumière tubulaire, pro-
L’insuffisance rénale aiguë est nue, d’évolution assez voquant une obstruction de la partie distale du néphron
lente dans la majorité des cas. La protéinurie est de faible et une réaction inflammatoire de l’interstitium, au contact
débit (< 1 g/L) et contient peu d’albumine (< 50 %). Elle de ces cristaux. Cette toxicité se manifeste par une insuf-
est constituée de protéines constitutives des cellules fisance rénale aiguë avec parfois une anurie et une héma-
tubulaires, mais aussi de protéines de bas poids molé- turie macroscopique. Elle a essentiellement été décrite
culaire, telles la bêta-2 microglobuline, l’alpha-1 micro- avec certains sulfamides (sulfadiazine), des bêtalacta-
globuline ou la retinol-binding protein (RBP), qui passent mines (amoxicilline) ou des antiviraux (atazanavir) mais
normalement la barrière de filtration glomérulaire mais aussi avec des solutés riches en phosphate de calcium,
sont usuellement réabsorbées par le tubule contourné utilisés pour une préparation colique avant endoscopie.
proximal. Lorsque ce segment du néphron est atteint, une Néphropathies interstitielles aiguës
protéinurie de bas poids moléculaire apparaît, parfois immuno-allergiques
associée à d’autres signes de tubulopathie proximale, Elles sont secondaires à une réaction immunitaire dé-
comme la glucosurie euglycémique ou le diabète phos- clenchée par un médicament, aboutissant à une infiltra-
phoré, définissant le syndrome de Fanconi. Le sédiment tion du tissu interstitiel par des cellules mononucléées.
urinaire montre fréquemment une leucocyturie asep- Cliniquement, elles se caractérisent par la survenue
tique et parfois une discrète hématurie. fréquente, mais inconstante, de signes extrarénaux tels

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

DIFFÉRENTS MÉCANISMES ET CAUSES DES NÉPHROPATHIES TUBULO-INTERSTITIELLES AIGUËS


Type Mécanisme Cause
Nécrose tubulaire aiguë ischémique Hypoperfusion rénale — Choc vasoplégique ou hypovolémique
— Syndrome cardiorénal ou hépatorénal
Néphropathies médicamenteuses/toxiques Toxicité directe — Aminosides
— Produits de contraste iodés
— Chimiothérapies (sels de platine, ifosfamide)
— Antiviraux (ténofovir, cidofovir)
— Anticalcineurines
— Champignons (cortinaires)
— Acide aristolochique
Immuno-allergique — Bêtalactamines
— IPP
— Fluoroquinolones
— AINS, allopurinol…
Précipitation intra-tubulaire — Sulfadiazine
— Amoxicilline
— Antiviraux (aciclovir, indinavir, atazanavir)
— Préparation colique (phosphate de calcium)
— Éthylène-glycol

Néphropathie par toxique endogène Toxicité directe — Rhabdomyolyse


— Hémolyse
— Cholestase ictérique
Précipitation intra-tubulaire — Tubulopathie myélomateuse
— Néphropathie oxalique
— Syndrome de lyse tumorale
Néphropathie d’origine infectieuse Bactérienne — Pyélonéphrite
— Infection hématogène
— Leptospirose
— Mycobactéries
Virale — Hantavirus
— Polyomavirus (BK virus)
— VIH
— Autres (CMV, EBV…)
Fungique/parasitaire — Candidose disséminée
— Histoplasmose, toxoplasmose, leishmaniose
Néphropathie interstitielle immunologique Auto-immunité — Syndrome de Gougerot-Sjögren
— Sarcoïdose
— Syndrome TINU
— Maladie à IgG4
Allo-immunité — Rejet cellulaire (transplantation rénale)
Néphropathie interstitielle néoplasique Hémopathie — Lymphome malin et maladie de Waldenström
— Lymphoprolifération post-transplantation
Cancer solide — Métastases rénales

Tableau. AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens ; CMV : cytomégalovirus ; EBV : virus d’Epstein-Barr ; IgG : immunoglobuline
de type G ; IPP : inhibiteurs de la pompe à protons ; syndrome TINU : syndrome associant néphropathie interstitielle et une uvéite aiguë ;
VIH : virus de l’immunodéficience humaine.

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

qu’une fièvre (30 %), une éruption cutanée maculopapu- néphropathie à cylindres myélomateux peut survenir
laire (21 %), des arthralgies (45 %), une hépatite aiguë, lors de l’évolution d’un myélome connu, mais peut aussi
une hyperéosinophilie (25 %).2 Une douleur lombaire le révéler. Le tableau est souvent évocateur (altération
est parfois notée (20 %), sans autre signe fonctionnel de l’état général, douleurs osseuses, hypercalcémie,
urinaire. L’intervalle séparant l’introduction du médi- hyperprotidémie), mais doit être confirmé par la mise
cament de la survenue de la néphropathie est variable, en évidence d’un composant monoclonal sanguin (élec-
habituellement 8-10 jours. Les médicaments les plus trophorèse et immunofixation des protides plasmatiques,
fréquemment associés à cette pathologie sont les antibio- dosage des chaînes légères libres plasmatiques) ou uri-
tiques (bêtalactamines, fluoroquinolones, rifampicine), naires (recherche de protéine de Bence-Jones). Il existe
les inhibiteurs de la pompe à protons, les anti-inflamma- une protéinurie abondante, dépassant souvent les 3 g/L,
toires non stéroïdiens (AINS), l’allopurinol, l’acide 5-ami- non constituée d’albumine (avec une classique négativité
nosalicylique (5-ASA). L’histologie rénale montre un de la bandelette réactive) mais uniquement de chaînes
infiltrat inflammatoire mononucléé, associé à un œdème légères libres. Le traitement spécifique repose sur
et parfois une fibrose interstitielle avec atrophie tubu- l’hyper-hydratation et l’alcalinisation des urines, la
laire. Ces cellules sont habituellement des lymphocytes T correction de l’hypercalcémie, associées à une chimio-
et des monocytes, mais on peut trouver des polynu- thérapie visant l’arrêt rapide de la production des chaînes
cléaires, des macrophages, voire de réels granulomes. légères libres.4
Le traitement repose sur l’éviction du médicament l Le syndrome de lyse tumorale peut survenir au cours

néphrotoxique, mais aussi sur l’instauration d’une de certains cancers à fort renouvellement cellulaire (leu-
corticothérapie précoce.3 Même si aucun essai n’a étudié cémie aiguë, lymphome de Burkitt) ; il peut être spontané
de façon contrôlée la dose et la durée optimales, on ou provoqué par la chimiothérapie. Le relargage massif
recommande une corticothérapie initiale entre 0,5 et de phosphate et d’acide urique peut conduire à une in-
1 mg/kg/j de prednisone, avec une diminution rapide suffisance rénale aiguë par précipitation intratubulaire.
et un arrêt après 6 à 8 semaines. La prévention passe par une hydratation abondante
et une diurèse forcée (en évitant l’alcalinisation qui ag-
Néphropathie tubulo-interstitielle induite grave la précipitation de phosphate de calcium), l’utili-
par des toxiques endogènes sation d’agents hypo-uricémiants (rasburicase, fébuxos-
Néphropathie par toxicité directe tat ou allopurinol), mais aussi parfois par une dialyse
Le tubule rénal est ici agressé par un composant endo- précoce, pour épurer les composés néphrotoxiques.
gène se trouvant en quantité anormalement élevée dans l La néphropathie oxalique se rencontre lorsque de

le sang et les urines. Les circonstances les plus fréquentes grandes quantités d’oxalate sont éliminées par voie uri-
sont la rhabdomyolyse, résultant de la lyse massive naire, précipitant avec le calcium dans la lumière tubu-
de fibres musculaires striées et provoquant la libération laire et à l’intérieur de la cellule tubulaire. Cette anomalie
de myoglobine, l’hémolyse aiguë intravasculaire, avec du métabolisme des oxalates peut être d’origine géné-
relargage d’hémoglobine libre, la cholestase hépatique, tique, dans l’hyperoxalurie primaire, ou acquise, comme
avec augmentation de la bilirubinémie, pouvant devenir cela se voit dans les hyperoxaluries digestives (absorption
néphrotoxique à très hautes concentrations. trop importante des oxalates alimentaires, suite à une
Néphrotoxicité par précipitation intratubulaire insuffisance pancréatique externe, un grêle court, une
Elle se rencontre également en cas de production massive maladie digestive chronique avec malabsorption, une
d’un composant de faible poids moléculaire, se trouvant chirurgie bariatrique [bypass jéjuno-iléal ou gastrique]).
en très grandes quantités dans la lumière tubulaire.
l La tubulopathie myélomateuse (ou néphropathie à Néphropathie tubulo-interstitielle
cylindres myélomateux) survient essentiellement lors d’origine infectieuse
du myélome multiple, liée à une production excessive de Néphropathie interstitielle aiguë bactérienne
chaînes légères libres d’immunoglobulines. La toxicité ou fungique
tubulaire est directement liée à ces chaînes qui, arrivées Il s’agit le plus souvent d’une infection du tissu rénal par
dans la partie distale du néphron, vont se lier à la protéine des germes pyogènes et l’infiltration par des neutrophiles.1
de Tamm-Horsfall (uromoduline) et former les cylindres L’origine peut être urinaire ascendante (pyélonéphrite)
caractéristiques visibles à la biopsie rénale (v. figure p. 151). ou systémique, d’origine hématogène. L’insuffisance ré-
Cette co-précipitation est favorisée par certaines circons- nale aiguë ne survient que lorsque la pyélonéphrite est
tances (déshydratation, hypercalcémie, prise d’AINS ou bilatérale ou si elle survient sur un rein fonctionnellement
d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion [IEC], acidose unique, comme cela est le cas pour un greffon, au décours
métabolique, produits de contraste iodés), qui modifient d’une transplantation rénale. La palpation des reins est
les conditions locales (pH urinaire, concentrations in situ, douloureuse et on note un syndrome infectieux avec fièvre
etc.). L’insuffisance rénale aiguë est à la fois secondaire et frissons, associé à un syndrome inflammatoire biolo-
à l’obstruction tubulaire et liée à l’inflammation locale, gique. L’examen cytobactériologique des urines montre
activée par l’afflux des monocytes-macrophages. La une leucocyturie et une bactériurie, associées à la présence

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

de cylindres leucocytaires. L’imagerie permet d’écarter Figure.


une infection urinaire sur obstacle et montre un aspect Néphropathie
hétérogène du parenchyme rénal, avec de multiples foyers interstitielle
de pyélonéphrite, voire des micro-abcès disséminés. aiguë immuno-
Le traitement repose sur la mise en route d’un traitement allergique.
antibiotique adapté. L’interstitium
Plusieurs types d’infections bactériennes, fungiques rénal est infiltré
ou parasitaires à dissémination systémique peuvent s’ac- pas des cellules
compagner d’une néphropathie interstitielle aiguë. Ainsi, mononucléées,
la leptospirose s’accompagne d’une invasion hématogène respectant les
du rein par les spirochètes, associée à un ictère, une rhab- glomérules et
domyolyse fréquente, un syndrome hémorragique et conduisant au
parfois une atteinte neuroméningée, pulmonaire ou car- développement
diaque.5 De la même façon, une miliaire tuberculeuse peut progressif d’une
s’accompagner d’une atteinte rénale, caractérisée par fibrose interstitielle
une néphropathie interstitielle granulomateuse. et à une atrophie
tubulaire
Néphropathie interstitielle virale Néphropathie interstitielle aiguë d’origine progressive.
La plus connue est l’infection à Hantavirus,6 transmise par immunologique
les rongeurs et se manifestant par un syndrome grippal, Pathologies auto-immunes systémiques
des douleurs abdominales, une myopie aiguë, une throm- l La sarcoïdose rénale est rare mais parfois très sévère.

bopénie périphérique et une insuffisance rénale aiguë. Le L’atteinte rénale, le plus souvent granulomateuse, est
diagnostic est évoqué devant le caractère endémique essentiellement observée dans les formes disséminées,
et l’exposition potentielle du patient au virus, et devant avec atteinte pulmonaire, ganglionnaire, hépatique
la suffusion hémorragique au sein du parenchyme rénal ou neurologique. Le diagnostic est évoqué devant une
à la biopsie. La confirmation bactériologique nécessite une hypercalcémie, une lymphopénie, une hypergammaglo-
sérologie spécifique. Le traitement est symptomatique, avec bulinémie, une élévation du taux de l’enzyme de conver-
une récupération rénale dans un délai de 3 à 6 semaines. sion de l’angiotensine.7 La corticothérapie permet une
La néphropathie à polyomavirus (BK virus ou JC virus) récupération au moins partielle de la fonction rénale
est une pathologie du patient transplanté rénal. Il s’agit de et une disparition des anomalies urinaires.
virus ubiquitaires, infectant l’urothélium humain, sans l Le syndrome de Gougerot-Sjögren est une pathologie

conséquence pathogène chez le sujet immunocompétent. auto-immune caractérisée par une infiltration de divers
En cas d’immunosuppression sévère, la prolifération virale organes (dont les glandes salivaires et lacrymales) par des
peut aboutir à une cystite hémorragique (chez le greffé de lymphocytes B et des plasmocytes polytypiques. L’atteinte
moelle) ou à une réelle néphropathie interstitielle aiguë rénale est rare mais souvent insidieuse, se révélant par
(chez le transplanté rénal). L’insuffisance rénale aiguë une insuffisance rénale aiguë nue et lentement progres-
survient quelques mois après la transplantation et s’ac- sive ;8 avec, dans quelques cas, des troubles hydroélectro-
compagne d’une leucocyturie faite de « decoy cells », cellules lytiques (acidose métabolique, hypokaliémie, hypercal-
urothéliales desquamantes ayant des altérations nu- ciurie avec néphrocalcinose). Le diagnostic positif repose
cléaires caractéristiques. La biopsie rénale montre une sur l’association de signes cliniques évocateurs (xérosto-
inflammation interstitielle lymphocytaire pouvant, à mie, xérophtalmie) et de stigmates immunologiques
tort, faire évoquer un rejet aigu cellulaire d’allogreffe. (hypergammaglobulinémie polyclonale, positivité du
Le diagnostic repose sur la polymerase chain reaction facteur rhumatoïde ou de la cryoglobuline, auto-anticorps
virale sanguine. Le traitement est fondé sur la diminution anti-SSA ou anti-SSB). Le traitement repose sur une cor-
du traitement antirejet, permettant un meilleur contrôle ticothérapie dont la durée empirique est de 3 à 6 mois.
de la prolifération virale par le système immunitaire. l Le syndrome TINU (néphrite tubulo-interstitielle avec

Plusieurs autres virus ont également été associés à uvéite) associe des signes généraux (altération de l’état
des néphropathies tubulo-interstitielles aiguës telles que général, syndrome pseudogrippal), à des signes ophtal-
le virus de l’immunodéficience humaine, le cytomégalo- mologiques et néphrologiques. L’uvéite est habituel-
virus, le virus d’Epstein-Barr, les adénovirus. Il n’est pas lement bilatérale et touche le segment antérieur, se
rare qu’une infection virale soit suspectée (contexte de manifestant par un œil rouge et douloureux, une vision
syndrome grippal, parfois avec des signes extrarénaux trouble, une photophobie. L’insuffisance rénale aiguë
[adénopathies, hépato-splénomégalie, perturbations est quasi constante et parfois sévère, la leucocyturie est
du bilan hépatique]) sans que les tests sérologiques notée dans 50-60 % des cas. L’histologie rénale montre
ne puissent identifier l’agent pathogène. Le pronostic une néphropathie interstitielle aiguë inflammatoire, le
est excellent, avec disparition des signes cliniques et ré- plus souvent (85 %) sans granulome, qui répond bien à
cupération d’une fonction rénale en quelques semaines. une corticothérapie systémique.9

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

l La maladie à immunoglobulines (Ig) de type G4 est centage (> 40 %) de plasmocytes exprimant l’IgG4. Cette
caractérisée par une infiltration tissulaire pseudotumo- pathologie est particulièrement corticosensible, mais
rale par des lymphoplasmocytes polyclonaux. Elle est les séquelles rénales peuvent être sévères lorsque le
responsable de pancréatite chronique, de sialadénite ou diagnostic est tardif. Le rituximab semble avoir une cer-
de dacryosérite, de polyadénopathies, de cholangite sclé- taine efficacité, permettant une épargne cortisonique.
rosante, de fibrose rétropéritonéale avec ou sans péri-aor- Réaction allo-immune (rejet cellulaire d’allogreffe)
tite, de manifestations thyroïdiennes. L’atteinte rénale Cette pathologie est spécifique à la transplantation ré-
est plus rare (15-20 % des cas) mais se manifeste par une nale. Le rejet aigu cellulaire est une réaction allo-immune
néphropathie interstitielle aiguë riche en lymphoplas- liée à une infiltration tubulo-interstitielle du greffon
mocytes et très fibrosante, avec un aspect caractéristique par des lymphocytes T du receveur, reconnaissant des
de cette fibrose, dite en « motte de foin ».10 Le diagnostic antigènes correspondants aux allèles HLA (human leu-
est évoqué devant l’élévation des IgG4 sériques (> 85 % kocyte antigens) du donneur. La biopsie rénale permet
des cas), la présence au sein de l’infiltrat d’un fort pour- de confirmer le diagnostic, de grader la sévérité du rejet
selon la classification de Banff, d’écarter les diagnostics
différentiels (toxicité des anticalcineurines, néphropa-
RÉSUMÉ INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË characterised by infiltration of renal interstitial tissue by in- thie à BK virus). Le pronostic du rejet cellulaire est
D’ORIGINE INTERSTITIELLE flammatory cells, leading to oedema, tubulopathy and subse- globalement bon, avec une bonne réponse aux corticoïdes
La néphropathie interstitielle aiguë représente 10 à 30 % des quent fibrotic lesions. There are multiples causes, such as et à l’augmentation de l’immunosuppression.
insuffisances rénales aiguës organiques documentées histologi- drug-induced nephropathy (either from direct toxicity or im-
quement. Elle est caractérisée par une infiltration de l’interstitium muno-allergic reaction), infectious diseases, auto-immune Néphropathie tubulo-interstitielle d’origine
rénal par des cellules inflammatoires, aboutissant à un œdème, processes or malignancy-associated kidney involvement. néoplasique
des lésions tubulaires et une évolution vers la fibrose. Les causes Extrarenal symptoms are often absent and proteinuria is Hémopathies lymphoïdes
sont multiples, d’origine médicamenteuse (par toxicité directe usually mild with no albuminuria, associated with aseptic Plusieurs types de lymphoprolifération maligne peuvent
ou mécanisme immuno-allergique), toxique, infectieuse, auto-im- leukocyturia. Treatment of this condition frequently requires s’accompagner d’une infiltration de l’interstitium rénal
mune ou néoplasique. Les signes extrarénaux sont souvent corticosteroids, together with withdrawal of nephrotoxic drugs, par des cellules néoplasiques. C’est essentiellement le cas
absents, la protéinurie est tubulaire et de faible débit, associée initiation of anti-infectious agents or cytotoxic chemotherapy, pour des lymphomes B à petites cellules et les lymphomes
à une leucocyturie fréquente. Le traitement repose souvent sur depending on the cause of nephropathy. lymphoplasmocytaires (maladie de Waldenström). La
une corticothérapie, associée au traitement spécifique : arrêt des dysfonction rénale est souvent isolée, ou associée à une
médicaments néphrotoxiques, traitement anti-infectieux dans les leucocyturie et une protéinurie tubulaire.
causes bactériennes ou virales, chimiothérapie dans les cancers. MOTS-CLÉS Tumeurs solides
insuffisance rénale aiguë, néphropathie interstitielle Beaucoup plus rarement, une infiltration du rein par des
SUMMARY ACUTE INTERSTITIAL aiguë. cellules cancéreuses peut survenir dans un contexte de
NEPHRITIS cancer solide. Il peut s’agir de métastases à distance, ou
Acute interstitial nephritis represents 10 to 30% of all KEY WORDS d’une atteinte par extension directe d’un organe envahi,
biopsy-proven acute kidney injury cases. This disease is acute kidney injory, acute interstitial nephritis. contigu au rein (tractus digestif, surrénale, ganglion
rétropéritonéal). L’insuffisance rénale aiguë est rare car
l’envahissement est souvent focal et unilatéral.
RÉFÉRENCES Nephron Clin Pract 2009;112:c25-30.
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A retrospective study on 196 consecutive patients. Kidney Int 2013;84:826-33. phie tubulaire qui peut avoir des conséquences fonction-
nelles, surtout en cas de répétition des épisodes. V

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INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

FOCUS
Prise en charge d’une insuffisance rénale
aiguë : critères de mise en dialyse

L
es techniques d’épuration extra- mètres (créatininémie, urémie, diurèse) expose les patients aux risques d’in- JULIEN ANIORT*
rénale sont fréquemment utilisées et valeurs seuils, souvent choisis de stabilité hémodynamique et de modi- ALEXANDRE
pour suppléer la fonction rénale façon arbitraire, ont été utilisés pour fications rapides de l’osmolarité qui LAUTRETTE**
en cas d’insuffisance rénale aiguë. On définir une épuration extrarénale « pré- compromettent les chances de récupé- * Service de
distingue deux situations suivant la coce » ou « tardive ». Dans les études ration de la fonction rénale et possible- néphrologie
présence ou non de complications plus récentes, c’est la classification ment de survie du patient. ** Service
de l’insuffisance rénale mettant en jeu KDIGO (Kidney Disease Improving de médecine
le pronostic vital. Global Outcomes) (v. p. 152) qui est DONNÉES DE LA LITTÉRATURE intensive-réanimation
employée pour définir la sévérité de Études rétrospectives et de soins intensifs
Insuffisance rénale aiguë l’insuffisance rénale au moment de La plupart des études rétrospectives néphrologiques
compliquée l’instauration de l’épuration extrarénale. ont montré une augmentation du risque CHU Montpied,
L’épuration extrarénale doit être débu- Des recommandations françaises de décès chez les patients épurés tar- Clermont-Ferrand,
tée en urgence en cas de complications d’experts proposent de définir une divement par rapport aux patients épu- France
de l’insuffisance rénale aiguë mettant initiation « précoce » de l’épuration ex- rés de façon précoce. Cependant, une alautrette@
en jeu le pronostic vital 1 comme trarénale si elle est débutée au stade valeur sanguine d’urée ou de créatinine chu-clermontferrand.fr
l’œdème aigu du poumon résistant au KDIGO 2 ou dans les 24 heures suivant plus élevée pour le groupe tardif au mo-
traitement diurétique, l’hyperkaliémie le diagnostic d’une insuffisance rénale ment du début de l’épuration extraré-
supérieure à 6 mmol/L associée à des aiguë dont la réversibilité semble peu nale peut aussi être en rapport avec une Les auteurs déclarent
anomalies de l’électrocardiogramme, probable. Une initiation « tardive » est insuffisance rénale aiguë plus sévère, n’avoir aucun
l’acidose métabolique grave (pH < 7,15), définie par l’initiation de l’épuration elle-même associée à un pronostic plus lien d’intérêts.
l’acidose lactique à la metformine, l’hy- extrarénale à plus de 48 heures de la défavorable. Cela introduit un biais en
permagnésémie supérieure à 4 mmol/L survenue d’une insuffisance rénale défaveur des groupes tardifs.
associée à une aréflexie tendineuse et aiguë au stade KDIGO 3 ou en cas Pour pallier ce problème, une nou-
les complications de l’urémie telles de survenue de complications de l’in- velle définition du moment de l’instau-
que la péricardite, l’encéphalopathie suffisance rénale aiguë. ration du traitement par épuration extra-
ou l’hémorragie digestive (v. figure). Dans rénale a été utilisée. Les patients ont été
une étude rétrospective finlandaise RATIONNEL D’UNE ÉPURATION classés comme débutant une épuration
conduite à partir des données de EXTRARÉNALE « PRÉCOCE » extrarénale de façon « précoce » ou
17 services de soins intensifs, le risque OU « TARDIVE » « tardive » en fonction du délai entre le
de décès à 90 jours était près de 4 fois Il existe un rationnel physiologique pour moment où les patients remplissaient
plus important lorsque l’épuration ex- débuter précocement une épuration un critère et le début de l’épuration ex-
trarénale avait été débutée plus de extrarénale lorsqu’une récupération trarénale. Ainsi dans une récente étude
12 heures après l’apparition d’une rapide de la fonction rénale est peu brésilienne, les patients qui avait atteint
complication de l’insuffisance rénale probable. Ainsi une épuration précoce le stade KDIGO 3 étaient classés
aiguë par rapport au début d’une épu- permet de faciliter le contrôle de la ba- dans le groupe épuration extrarénale
ration extrarénale dans les 12 heures. lance hydrosodée, diminue l’exposition « précoce » si une épuration extrarénale
Ces situations font consensus mais du patient aux toxines urémiques et était débutée dans les 24 heures
restent cependant minoritaires. prévient l’hyperkaliémie et l’acidose. ou « tardive » dans les autres cas. Chez
Néanmoins, plusieurs points ne plaident les patients dont la fonction rénale de
Insuffisance rénale aiguë pas en faveur d’un début précoce de base était normale, la mortalité était
sans complications l’épuration extrarénale. Le traitement plus basse dans le groupe épuration
En l’absence de complications de l’in- nécessite la pose d’un cathéter de extrarénale « précoce ».2
suffisance rénale, le moment idéal pour dialyse, qui représente un risque d’in-
débuter une épuration extrarénale reste fection supplémentaire pour le patient. Essais cliniques
incertain. L’anticoagulation du circuit sanguin, Plusieurs essais ont été conduits pour
systémique par héparine ou régionale tenter d’établir les circonstances opti-
DÉFINITIONS D’UNE par citrate, présente le risque d’acci- males pour débuter une épuration ex-
ÉPURATION EXTRARÉNALE dents hémorragiques dans le premier trarénale en l’absence d’indication
« PRÉCOCE » OU « TARDIVE » cas et de désordres électrolytiques conventionnelle. Leurs résultats sont
Dans la littérature, différents para- dans le second. L’épuration extrarénale discordants et difficiles à comparer.

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Figure. Algorithme
des indications KDIGO 3
d’initiation
d’une épuration
extrarénale.
EER : épuration Indication d’EER urgente
extrarénale ; Oui
IRA : insuffisance - Œdème aigu du poumon résistant aux diurétiques
- Hyperkaliémie > 6 mmol/L avec anomalies de l’électrocardiogramme
rénale aiguë ; Débuter une EER
- Acidose métabolique pH < 7,15
KDIGO : Kidney
- Hypermagnésémie et aréflexie tendineuse
Disease: Improving - Complication de l'urémie : hémorragie, coma, péricardite urémique
Global Outcomes.
Non

Évolution prévisible
- Cause
- Insuffisance rénale chronique préexistante
- Réponse après stabilisation hémodynamique
- Biomarqueur/furosemide stress test ?

IRA transitoire IRA prolongée

?
Stratégie d’attente Stratégie préventive
ou « EER tardive » ou « EER précoce »

- Œdème aigu du poumon / balance hydrosodée positive ?


- Augmentation de la kaliémie
- Aggravation de l’acidose
- Oligurie persistante
- Urémie > 40 mmol/L

Considérer l’initiation d’une EER Débuter une EER dans les 6 heures

En effet, ces études ont été réalisées lésion rénale NGAL (Neutrophil Gela- AKIKI4 a inclus 620 patients de soins
chez des patients, avec des causes tinase-Associated Lipocalin). Pour les intensifs atteints d’insuffisance rénale
d’insuffisance rénale et des définitions patients du groupe « précoce », une aiguë de stade KDIGO 3. Dans le
différentes des groupes « tardif » et épuration extrarénale devait être groupe « précoce », une épuration ex-
« précoce ». À titre d’exemple, citons débutée dans les 12 heures du stade trarénale était débutée dans les
les résultats des deux derniers essais KDIGO 3 ou en cas de complication, 6 heures. Dans le groupe « tardif »,
cliniques publiés en 2016. d’urémie supérieure à 35 mmol/L ou l’épuration extrarénale était débutée
L’essai monocentrique allemand d’oligurie. Dans cette étude, la mortalité uniquement en cas de complication,
ELAIN3 conduit dans une unité de soins observée à 90 jours fut moindre dans d’urémie supérieure à 40 mmol/L ou
intensifs post-chirurgie cardiaque a le groupe « précoce » (39 %) en com- d’oligo-anurie de plus de 3 jours.
inclus 231 patients avec une insuffi- paraison au groupe « tardif » (53 % ; Aucune différence de mortalité à
sance rénale aiguë de stade KDIGO 2 p = 0,03). 60 jours ne fut observée entre les deux
et une élévation du biomarqueur de L’essai français multicentrique groupes (48 % vs 49 % ; p = 0,79).

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Dans une récente méta-analyse, il potentiels de l’épuration extrarénale patients ayant une insuffisance rénale
n’est pas observé de différence signifi- dans le groupe « précoce ». La mortalité aiguë, une balance hydrosodée positive
cative entre une stratégie d’épuration des patients du groupe « tardif » non pourrait être un argument d’initiation de
extrarénale « précoce » ou « tardive » épurés étaient de 37 % contre 61 % l’épuration extrarénale.6 Cependant, les
avec la limite d’interprétation de l’hété- en cas de recours à l’épuration extra- effets d’une telle stratégie n’ont pas
rogénéité des études analysées.5 rénale. L’inclusion de patients qui encore été suffisamment évalués.
n’avaient finalement pas besoin d’épu- Un algorithme précisant les indica-
Prédiction du besoin d’épuration ration extrarénale s’est faite au bénéfice tions d’initiation d’une épuration extra-
extrarénale de la stratégie « tardive » et possible- rénale est proposé à la figure ci-contre.
L’évolution prévisible à court terme de ment au détriment de la stratégie « pré-
la fonction rénale semble un élément coce ». L’évolution de l’insuffisance ré- En conclusion, une épuration extrarénale
important dans la décision de débuter nale aiguë dépend de la présence d’une doit être débutée au plus vite en cas de
l’épuration extrarénale. En effet, il appa- insuffisance rénale chronique préexis- complication de l’insuffisance rénale
raît inutile, voire délétère, de débuter tante, de la cause et de la sévérité aiguë mettant en jeu le pronostic du pa-
une épuration extrarénale chez un des lésions tissulaires qui pourrait être tient. Dans les autres cas, les données
patient ayant de fortes chances de évaluée à l’aide de biomarqueurs. de la littérature sont discordantes en
récupérer rapidement. On peut ainsi raison de l’hétérogénéité des études. La
remarquer que dans l’essai AKIKI4 seuls Balance hydrosodée positive prise en compte de l’évolution attendue
51 % des patients du groupe « tardif » Les études observationnelles ont per- de la fonction rénale à court terme est
ont été traités par épuration extrarénale. mis de mettre en évidence une relation probablement intéressante pour prendre
Cela suggère qu’autant de patients ont entre la mortalité et l’existence d’une la décision de débuter une épuration
été exposés inutilement aux risques balance hydrique positive. Chez les extrarénale, mais reste à démontrer. V

RÉFÉRENCES 3. Zarbock A, Kellum JA, Schmidt 5. Wierstra BT, Kadri S, Alomar S, MOTS-CLÉS
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À RETENIR

Insuffisance rénale aiguë : messages


clés pour le médecin traitant
ÉRIC RONDEAU,
Urgences 1 La démarche diagnostique devant une insuffisance rénale aiguë doit être systématique : recher-
néphrologiques cher un obstacle sur les voies excrétrices, identifier une hypovolémie réelle ou efficace, et caractériser
et transplantation le syndrome anatomoclinique qui oriente vers une nécrose tubulaire aiguë, ou plus rarement une néphro-
rénale, hôpital Tenon, pathie glomérulaire, vasculaire ou interstitielle.
AP-HP, Paris, France.
eric.rondeau@aphp.fr 2 Le diabète, l’hypertension artérielle et l’âge sont des facteurs de risque d’insuffisance rénale
aiguë, qui survient fréquemment sur une insuffisance rénale chronique préexistante.

É. Rondeau n’a pas 3 L’insuffisance rénale aiguë peut rapidement entraîner des désordres ioniques potentiellement
transmis de dangereux : acidose métabolique et hyperkaliémie principalement, auxquelles peuvent s’associer surcharge
déclaration d’intérêts. circulatoire et œdème pulmonaire. Toutes ces anomalies nécessitent un traitement urgent en milieu hos-
pitalier.

4 L’association inhibiteur de l’enzyme de conversion ou antagoniste des récepteurs de l’angioten-


sine II, diurétiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens est particulièrement à risque de provoquer
une insuffisance rénale aiguë sévère, souvent rapidement réversible après réhydratation et arrêt des mé-
dicaments incriminés.

5 Le sepsis, les états de choc et les produits néphrotoxiques expliquent la majorité des insuf-
fisances rénales aiguës des patients hospitalisés en réanimation, caractérisées par des lésions de nécrose
tubulaire aiguë principalement. Ces lésions peuvent régresser spontanément en 2 à 3 semaines, permettant
une récupération de la fonction rénale. La biopsie rénale n’est pas indiquée dans ces cas.

6 L’insuffisance rénale aiguë par nécrose tubulaire aiguë qui nécessite le recours à la dialyse
a une mortalité globale d’environ 50 % à 60 jours. C’est donc une maladie grave, non pas du fait des
complications métaboliques de l’insuffisance rénale mais de la maladie causale et du terrain sur lequel elle
est survenue.

7 Le recours à l’épuration extrarénale, continue (hémodiafiltration ou hémofiltration continue)


ou intermittente (hémodialyse itérative), est nécessaire en urgence en cas d’acidose métabolique ou
d’hyperkaliémie menaçante, ou de surcharge pulmonaire. En l’absence de telles complications, il semble
possible de temporiser, certains patients récupérant sans avoir besoin d’être dialysés.

8 Le pronostic rénal des patients qui sortent de réanimation est lui aussi péjoratif, puisque le
risque de développer une insuffisance rénale chronique terminale est multiplié par 5 à 10 dans les années
qui suivent l’épisode aigu, même s’il y a eu, initialement, une « guérison » apparente de l’insuffisance rénale
aiguë.

9 Les insuffisances rénales aiguës liées à des atteintes vasculaires (micro-angiopathies


thrombotiques), glomérulaires (vascularites nécrosantes, lupus systémique, cryoglobulinémie
notamment) ou interstitielles aiguës (immuno-allergiques principalement) doivent être reconnues
précocement, car elles peuvent nécessiter des traitements spécifiques urgents, après réalisation d’une
biopsie rénale à visée diagnostique. La mise en route de ces traitements est souvent, dans ces cas, la seule
chance de permettre une récupération de la fonction rénale.

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