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Stratégie des opérations et

meilleures pratiques de gestion :


une analyse de quatre cas
d'entreprises de haute technologie

Par Silvia PONCE, André


TCHOKOGUÉ et Nathalie LAMY
Cahier de recherche no 06-05
Mai 2006
ISSN : 0846-0647

Copyright © 2006. HEC Montréal.


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Stratégie des opérations et meilleures pratiques de gestion :
une analyse de quatre cas d'entreprises de haute technologie

Sommaire

À travers cette étude1, nous proposons une analyse des stratégies adoptées par les entreprises de
classe mondiale en matière de fabrication. Plus précisément, l’analyse de quatre études de cas
nous permet de constater que les meilleures pratiques de gestion jouent un rôle non négligeable
dans la mise en place et le déploiement des stratégies manufacturières.

En comparant le degré d’intégration des meilleures pratiques de gestion avec les stratégies
manufacturières de quatre divisions étudiées, on s’aperçoit que le degré d’imbrication
(embeddedness) des stratégies manufacturières de ces divisions avec les stratégies d’entreprise
(Corporate strategies) varie en fonction de la taille des entreprises, de l’incertitude et de la
turbulence de l’environnement. Par ailleurs, la prise en compte du degré d’imbrication des
stratégies, à partir d’une adaptation du modèle de Voss (2005ab, 1995), permettrait d’expliquer
les approches adoptées pour la formulation et la mise en place des stratégies manufacturières. Il
apparaît aussi que la durée de vie des produits influence le degré d’imbrication des stratégies.

Mots clés
Stratégies manufacturières; classe mondiale; meilleures pratiques de gestion; degré d’imbrication
des stratégies.

Abstract

We analyse operations strategies and best practices integration in four world-class high tech
divisions that operate in the industries of semiconductors, aeronautics, transport and
telecommunications.

Our exploratory research shows that the degree of embeddedness to corporate strategy varies
according to the size of the corporations and the uncertainty and turbulence of their environment.
Formulating, implementing and deploying operations strategies has not become simpler since
Skinner’s seminal work stated the fundamentals (1974, 1969). Barnes and Rowbotham (2004)
have observed “that managers have difficulty in assessing the strategic role played by their
operations in an internally consistent and coherent manner”(p. 701). The degree of
embeddedness –conceptualized through an extension of Voss’ model (2005ab, 1995)–, seems to
provide some practical explanations on this matter.

Keywords

Manufacturing strategies; World class; Best practices; Degree of embeddedness of strategies.

1
Une synthèse de cette étude a été présentée à la 17th Annual Conference of the Production and Operations
Management Society, 2006 POMS : OM in the New World Uncertainties, April 28 – May 01, 2006,
Boston, MA, USA.
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Introduction
Dans un contexte de plus en plus incertain et sous la pression de la concurrence sans
cesse accrue, les dirigeants des entreprises sont amenés à repenser leurs stratégies
manufacturières et à restructurer leurs opérations. On voit ainsi de nombreuses
entreprises innovatrices –tant du point de vue de leurs produits que de leur processus de
production et de gestion–, s’engager dans la formation de réseaux d’unités de production
entrainant la délocalisation voire même la fermeture d’usines.

Dans la perspective de la gestion des opérations, l’importance accordée aux pratiques de


gestion, telles l’impartition, l’analyse de la valeur et la mesure de la performance, a dans
une certaine mesure conduit à une institutionnalisation du rôle secondaire de la
fabrication. Par ailleurs, on s’aperçoit que la dynamique induite par l’innovation et la
délocalisation des unités de production est à la base de la reconfiguration du tissu
industriel dans plusieurs secteurs de l’économie mondiale.

L’objectif de cette étude est d’analyser cette dynamique d’innovation et de délocalisation


des unités de production, et ce, dans la perspective de la gestion des opérations. Pour ce
faire nous nous sommes efforcés, dans un premier temps, de cerner les principales
approches utilisées par les gestionnaires et dirigeants d’entreprises, lors de la formulation
de leurs stratégies des opérations. Ce cahier de recherche, le premier d’une série de quatre
à ce sujet, présente les résultats de quatre études de cas réalisées au sein de quatre
divisions d’entreprises de haute-technologie. Les activités de ces divisions relèvent soit
du domaine des transports et matériaux composites (entreprise A), de l’aéronautique
(entreprise B), des télécommunications (entreprise C), et de fabrication des semi-
conducteurs (entreprise D).

Ces études de cas nous ont permis de constater, tel que déjà signalé dans la littérature
pertinente (Voss, 2005ab, 1995; Sohal et al., 1999; Schonberger, 1996, 1986), que les
meilleures pratiques de gestion jouent un rôle non négligeable dans la mise en place et le
déploiement des stratégies manufacturières. En comparant le degré d’intégration des
meilleures pratiques de gestion avec les stratégies manufacturières des quatre divisions,
on s’aperçoit que le degré d’imbrication (embeddedness) de leurs stratégies
manufacturières avec les stratégies d’entreprise (Corporate strategies), varie en fonction
de la taille des entreprises, de l’incertitude et de la turbulence de l’environnement. Par
ailleurs, la prise en compte du degré d’imbrication des stratégies, à partir d’une
adaptation du modèle de Voss (2005ab, 1995), permet d’expliquer les approches adoptées
pour la formulation et la mise en place des stratégies manufacturières. Il apparaît aussi
que la durée de vie des produits influence le degré d’imbrication des stratégies.

Afin de mieux spécifier les différents éléments d’analyse pris en compte dans cette étude,
nous examinons d’abord les principaux modèles qui intègrent des meilleures pratiques en
stratégie des opérations tout en identifiant les variables clés. Par la suite, nous explicitons
d’une part, le cadre conceptuel et la méthodologie de recherche retenue; et d’autre part,
nous présentons nos résultats et procédons à leur analyse. Par la même occasion, nous
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formulons un ensemble de propositions qui constitueront les bases pour nos prochaines
recherches sur la dynamique de l’innovation et la reconfiguration des réseaux de
production.

Stratégie des opérations et meilleures pratiques de gestion


Au cours des trente dernières années, il est apparu que la formulation, la mise en œuvre et
le déploiement des stratégies des opérations sont fortement dépendants des meilleures
pratiques de gestion, ou à tout le moins, sont façonnés par celles-ci. On entend par
«meilleures pratiques de gestion» un ensemble d’activités structurées pour lesquelles une
démarche générique est établie en vue de maitriser un ou plusieurs éléments, ou bien une
ou plusieurs cibles, internes ou/et externes à l’organisation.

Selon Voss et al. (1995, p. 3), les pratiques font référence aux «processus établis et mis
en place par les entreprises» dans le but d’améliorer la manière dont ces dernières gèrent
la fabrication. Quelques auteurs ont cependant remis en question la notion de «meilleures
pratiques» et suggéré plutôt l’utilisation de l’expression «pratiques prometteuses» (Voss
et Huxham, 2004 cité dans Voss 2005b; Leseure et al., 2004). Ungan (2004) souligne
d’ailleurs qu’il n’existe pas une définition du terme «meilleures pratiques» qui recueille
l’assentiment général. En ce sens, il cite Reider (2000) pour qui les meilleures pratiques
sont celles qui permettent l’atteinte des résultats escomptés.

Malgré les divergences, nombreux sont les auteurs qui ont répertorié ou analysé des
meilleures pratiques de gestion appliquées aux activités de production ainsi que leurs
effets sur la performance des organisations. Nous pouvons citer, par exemple, Boyle
(2006), qui a récemment développé un cadre d’analyse et identifié des pratiques
potentielles pour l’implantation de la flexibilité dans la fabrication ; Tu et al. (2001) qui
se sont intéressés aux pratiques axées sur le temps (time-based manufacturing practices),
et ce dans leur rapport à la production correspondant au «sur-mesure de masse»; Shah et
Ward (2003), qui ont analysé des pratiques supportant la production allégée (lean
manufacturing).

Dans cet ordre d’idées, Sohal et al. (1999:301) ont analysé des pratiques de production et
leur contribution au développement des capacités concurrentielles (competitive
capability), alors que Bolden et al. (1997) ont élaboré une taxonomie des pratiques de
soutien à la production. Par ailleurs, diverses approches d’analyse stratégique et de
formulation des stratégies des opérations qui sont proposées s’articulent autour des
meilleures pratiques de gestion, voire des ensembles de pratiques de gestion. L’école
anglaise en stratégie manufacturière, représentée principalement par les travaux de Hill
(2000, 1986) et de Voss (2005ab, 1995, 1992); l’école de Harvard, initiée par Skinner
(1985, 1974, 1969) ainsi que les approches axées sur la consultation, notamment celle de
Schonberger (1996, 1986), soulèvent toutes, de manière plus ou moins explicite, les
meilleures pratiques de gestion.

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Pour Schonberger, en particulier, la fabrication de classe mondiale –l’équivalent, d’après


lui, de l’amélioration continue et rapide–, requiert de la part de l’entreprise, un
engagement sur «un cheminement bien défini» (1986:2) ou «plutôt sur deux chemins en
parallèle : le chemin de la qualité et celui du juste-à-temps» (1986:3). L’auteur soutient
alors qu’il n’est pas possible qu’une entreprise atteigne un niveau de performance
exceptionnel sans les quatre piliers que sont : le contrôle total de la qualité (CTQ), le
juste-à-temps (JAT), la maintenance totale préventive (MPT), et l’implication des
employés (IE) (1986:201).

Hill (2000) apporte néanmoins quelques nuances à ce sujet. Reconnaissant que ces
pratiques contribuent de manière substantielle au succès des entreprises, l’auteur soutient
plutôt que leur «adoption doit être issue d’une décision stratégique cohérente» (Hill,
2000; p.163). Pourtant, la quête d’avantages concurrentiels et de l’amélioration de la
compétitivité qui s’est généralisée dans de nombreuses industries promeut inévitablement
l’adoption des meilleures pratiques de gestion. Les entreprises adoptent ces pratiques non
seulement parce qu’elles y associent des bénéfices, mais également, soit pour se
conformer aux exigences de leurs clients, de leurs partenaires et des règlementations, soit
dans certains cas, par imitation des entreprises à succès (Ungan, 2004; Leseure et al.,
2004).

Par ailleurs, au regard de la variété des pratiques de gestion existante, les entreprises ont à
choisir un ensemble1 de pratiques, ce qui peut, soit entraîner une fragmentation de leurs
actions, soit créer une distorsion ou des incohérences dans leurs directions stratégiques.
En ce sens, les défis majeurs auxquels sont confrontés les gestionnaires lors de l’adoption
des approches normatives (Harrison, 1998) concernent autant la conciliation des
multiples demandes que l’intégration des pratiques aux stratégies poursuivies.

En même temps, le rôle de la stratégie des opérations, analysé et discuté depuis plusieurs
décennies déjà (Swamidass et al., 2001ab; Hayes et Wheelwright, 1984; Skinner, 1969)
évolue vers une plus grande complexité au cours de ces dernières années. D’après
Dangayach et Deshmukh (2001), les principaux éléments qui ont retenu l’attention de ce
point de vue sont : le contenu et le processus de la stratégie des opérations, des évidences
empiriques de non hiérarchisation des stratégies, une tendance prononcée vers l’analyse
du noyau des compétences lors de la formulation de la stratégie des opérations. Il est à
signaler d’ailleurs que l’analyse du noyau des compétences en fabrication, lors de la
formulation de la stratégie des opérations, se rapproche davantage de la théorie des
ressources de la firme (Schroeder et al., 2002).

Dans cet ordre d’idées, il semble nécessaire de mieux comprendre comment les
entreprises articulent aujourd’hui leur dynamique des choix stratégiques en matière des
opérations, et en particulier, de déterminer les facteurs qui facilitent l’intégration des
pratiques dans les entreprises les plus performantes, celles qui relèvent de la «classe
mondiale».
1
Christiansen et al. (2003) ainsi que Shah et Ward (2003) utilisent l’expression «paquets de pratiques»,
traduction de bundles of manufacturing practices et practice bundles, respectivement.
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Caractéristiques des principaux modèles de la fabrication de classe mondiale

La formulation des stratégies des opérations par des dirigeants d’entreprises à la


recherche du niveau de performance le plus élevé –celui de la classe mondiale–, est
davantage basée sur un modèle à caractère normatif dont les composantes sont des
pratiques standards. La notion de «fabrication de classe mondiale», attribuée à Hayes et
Wheelwright (1984) –voir par exemple Harrison (1998)–, et adoptée massivement à partir
de l’année 1985, semble avoir gagné en popularité notamment grâce à Schonberger
(1986) qui a proposé une opérationnalisation de la stratégie par une combinaison de
quatre principales pratiques : le contrôle total de la qualité (CTQ), le juste-à-temps (JAT),
la maintenance totale productive (MTP) et l’implication des employés (IE).
S’il est largement reconnu que Schonberger (1986) est l’auteur qui le premier a
caractérisé comment une entreprise devient un fabricant de classe mondiale, c’est surtout
à Hayes et Wheelwright (1984) qu’on doit la justification de la définition –le pourquoi–
de la catégorie «entreprises de classe mondiale». Suite à l’analyse des résultats des études
effectuées au début des années 1980 –dans des entreprises manufacturières aux États-
Unis, au Japon et en Allemagne–, ces auteurs ont établi quatre niveaux de contribution
des opérations à la compétitivité de l’entreprise. Ce modèle, devenu un classique1, tient
compte du caractère dynamique et évolutif des opérations dans l’analyse stratégique. Le
quatrième niveau, celui dans lequel les opérations et la production constituent une «arme
concurrentielle» fut par la suite nommé la classe mondiale. Selon Hayes et Wheelwright
(1984), les entreprises classées dans la catégorie de classe mondiale présentent les
caractéristiques suivantes :

i) Les dirigeants anticipent le potentiel des nouvelles pratiques et technologies


manufacturières et développent des expertises bien avant l’identification des
bénéfices.
ii) À l’intérieur de ces entreprises, la fonction production est digne de crédibilité
et exerce une influence dans la prise de décisions concernant le potentiel des
opportunités offertes par la fabrication.
iii) Les dirigeants développent des plans d’affaires à long terme pour lesquels ils
s’attendent à ce que les compétences en production jouent un rôle majeur dans
l’atteinte des objectifs stratégiques de l’entreprise. (Hayes et Wheelwright,
1984:399).

Hayes et Wheelwright (1984) reconnaissent néanmoins que deux types d’entreprises


peuvent être classés dans cette catégorie : celles dans lesquelles la stratégie d’affaires
confère un rôle de premier plan à la production dans l’obtention des avantages
compétitifs; mais celles aussi qui cherchent plutôt un équilibre basé sur l’excellence de
toutes leurs fonctions. Pourtant, Barnes et Rowbotham (2004), en testant le modèle, se
montrent plutôt réservés sur sa généralisation, c’est-à-dire, sur son application à «toutes
les organisations et dans tous les contextes» (p.714). Selon ces auteurs, les managers
1
Il est à noter que depuis son introduction, le modèle continue à être étudié, analysé et utilisé; voir par
exemple, Hum et Leow (1996) et Barnes et Rowbotham (2004).
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éprouvent certaines difficultés à déterminer le rôle stratégique des opérations d’une


manière «consistante et cohérente» (p.701).

Toutefois, la notion d’équilibre identifiée par Hayes et Wheelwright (1984) pour les
entreprises de classe mondiale, est davantage développée dans le modèle présenté par
Giffi et al. (1990) et Roth et al. (1992). Tel qu’illustré à la figure 1, ce modèle place la
qualité et le client au centre de toutes les considérations et montre clairement que le style
de management est déterminant. Ce même modèle attribue un rôle clé à la stratégie des
opérations et au développement des compétences en production mettant aussi en évidence
l’importance de la mesure de la performance, de la contribution du personnel ou les actifs
humains, de l’organisation et de la technologie. De plus, bien que la chaîne
d’approvisionnement n’y apparaisse pas de manière explicite, l’analyse des travaux des
auteurs (Giffi et al., 1990; Roth et al., 1992) montre que ces derniers avaient largement
cerné son importance.

Le modèle de Giffi et al. (1990) ou de Roth et al. (1992) devient ainsi un modèle
générique, intégrant des dimensions clés, où les meilleures pratiques de gestion sont
plutôt implicitement intégrées ou sous-jacentes aux dimensions identifiées. Il est à noter
que d’après Roth et al. (1992), le modèle visait à cerner les caractéristiques et les
tendances de la classe mondiale pour le 21e siècle.

Figure 1
Le modèle de la classe mondiale d’après Giffi et al. (1990) et Roth et al. (1992)

Style
de
management

Compétences
Stratégie
(capabilities)
des opérations
QUALITÉ des opérations
et
CLIENT

Mesure
de la Actifs Organisation Technologie
performance humains

Chaîne d’approvisionnement

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Le caractère générique de la classe mondiale est aussi soutenu par Feigenbaum (1992).
Selon cet auteur, les entreprises de classe mondiale présentent les six caractéristiques
communes suivantes :

i) performent bien et de manière consistante quelles que soient les circonstances,


ii) établissent des objectifs agressifs et s’imposent des exigences de performance
dans le but de maintenir leur leadership,
iii) supportent effectivement le personnel et les systèmes afin d’assurer l’atteinte
des objectifs fixés,
iv) font face à la concurrence en adoptant des approches managériales
innovatrices,
v) se vendent aussi bien qu’elles vendent leurs produits et services,
vi) mesurent correctement ce qu’il faut mesurer (Feigenbaum, 1992:10).

Voss et al. (1995) ainsi que Collins et al. (1996) proposent cependant un modèle de la
classe mondiale qui se veut plus précis, voir figure 2. En s’appuyant sur des constats
empiriques, ces auteurs (Voss et al., 1995; Collins et al., 1996) établissent que les
entreprises de classe mondiale se distinguent particulièrement par leurs pratiques dans six
domaines d’action, à savoir : l’organisation et la culture, la logistique, les systèmes de
production, la qualité totale, l’ingénierie simultanée1 et la fabrication allégée, telle que
définie par Womack et al. (1990).

Figure 2
Le modèle de la classe mondiale d’après l’étude de Voss et al. (1995) et Collins et al.
(1996)

QUALITÉ TOTALE
INGÉNIERIE
SIMULTANÉE

FABRICATION
ALLÉGÉE
SYSTÈMES DE Performance
PRODUCTION opérationnelle

LOGISTIQUE

ORGANISATION ET CULTURE

Comparativement au modèle classique de Schonberger, outre le nombre plus élevé de


pratiques, le modèle présenté par Voss et al. (1995), ainsi que par Collins et al. (1996), en
vue de la réalisation des études de benchmarking (étalonnage concurrentiel) en Europe,
1
Il est à noter que Gunn (1987), en signalant le chemin de la fabrication de classe mondiale, intègre tant les
technologies d’information que l’ingénierie simultanée à son approche.
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introduit les systèmes de production en termes génériques. Ainsi, selon ces auteurs, les
entreprises de classe mondiale peuvent développer d’autres systèmes de production que
le juste-à-temps.

L’analyse des principaux modèles de la classe mondiale, d’après la littérature en stratégie


des opérations et, plus précisément, de la littérature portant sur la stratégie
manufacturière, montre également que les entreprises de cette catégorie visent
essentiellement à surmonter les défis de compétitivité en se démarquant tant sur le plan
de la gestion que sur celui des choix et des moyens. Ces entreprises semblent alors
confronter conjointement la complexité accrue des processus de formulation,
d’implantation et du déploiement des stratégies manufacturières (Barnes, 2002) et
l’adoption des meilleures pratiques de gestion.
Compte tenu de cet état de fait, nous nous sommes efforcés, dans un premier temps, de
cerner l’état de l’art relativement aux pratiques en matière de stratégie des opérations.
Pour ce faire, nous avons cherché à comprendre davantage la dynamique d’intégration
des meilleures pratiques aux stratégies dans des entreprises manufacturières de classe
mondiale.

Proposition d’un cadre conceptuel d’analyse et méthodologie de


recherche
En 1990, Skinner estimait qu’entre 1 et 3 % d’entreprises employaient les «approches
managériales développées par les académiciens» en matière de stratégie des opérations
(Skinner, 1992:13). De plus, Voss et al. (1995), au terme d’une étude de benchmarking
réalisée à l’échelle européenne, concluent que très peu de sites étudiés se classeraient
dans la catégorie de la classe mondiale. Pareillement, Collins et al. (1996 :578) signalent
que, après avoir conduit un projet baptisé «Made in Switzerland/Europe», seulement 2,6
% d’entreprises suisses se classeraient dans une catégorie de performance exceptionnelle.
Les mêmes auteurs observent également que seulement 2,8 % d’un total de 800 usines
européennes, se classeraient dans la catégorie de classe mondiale (Collins et al.,
1996:576).
Par ailleurs, Sohal et al. (1999:295) avancent les mêmes chiffres que ceux issus de
l’étude «Made in Britain/Europe» de Voss (1993), qui situe à environ 2 % le nombre de
compagnies britanniques qui pourraient être classées dans la catégorie de classe
mondiale. Il est à remarquer que l’étude de Sohal et al. (1999), portant sur l’analyse des
réponses fournies par plus de 1300 compagnies –un échantillon représentatif des
industries canadiennes–, montre que les entreprises plus performantes accordent la
priorité aux pratiques ciblant la qualité, la réduction des délais (en tant qu’arme
compétitive), les habiletés du personnel ainsi que l’utilisation extensive de l’analyse et
l’amélioration des processus.

Ainsi, bien que les meilleures pratiques soient accessibles à toutes les entreprises, dans
les recherches empiriques il apparaisse clairement que le nombre d’entreprises de classe
mondiale est relativement très faible. Cependant, ces études ne tiennent en compte que
des éléments génériques d’analyse. Aussi, nous proposons ci-après un cadre conceptuel
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d’analyse qui admet également les différences entre les approches utilisées par des
entreprises de classe mondiale.

Logique sous-jacente à la classe mondiale

À l’exception de Laugen et al. (2005), qui signalent que peu d’auteurs démontrent
effectivement que les meilleures pratiques amènent une meilleure performance, les
auteurs sont plutôt unanimes pour reconnaître que ces pratiques visent une meilleure
performance opérationnelle et organisationnelle (Sohal et al., 1999; Harrison, 1998;
Collins et al., 1996; Voss et al., 1995). L’hypothèse de base généralement émise à ce
sujet s’énonce comme suit : Les meilleures pratiques permettent de réaliser la stratégie
des opérations et par conséquence, contribuent significativement à la stratégie
d’entreprise. La figure 3 en donne une illustration.

Cette hypothèse de base est fortement supportée par les données de l’étude empirique de
Voss et al. (1995:14). Les auteurs sont même allés plus loin en définissant la classe
mondiale comme étant le stade où un certain standard est atteint tant en termes de
pratiques que de niveau de performance. D’ailleurs, et tel que présenté à la figure 2, aussi
bien Voss et al. (1995) que Collins et al. (1996) ont nommé leur modèle de la classe
mondiale : le «modèle pratique-performance». Selon Voss (2005ab, 1995), les meilleures
pratiques permettent non seulement une meilleure performance, mais dotent l’entreprise
de meilleures capacités (capabilities) –tel qu’illustré à la figure 3–, favorisant ainsi
l’amélioration de la compétitivité. Il faut noter que ces capacités ou compétences sont
également à la base du modèle de Giffi et al. (1990) et de Roth et al. (1992).

Figure 3
Modèle conceptuel du rapport entre la stratégie des opérations et les meilleures
pratiques

Rétroaction Stratégie d’entreprise


Stratégie des opérations
Formulation et mise en œuvre
Niveau de
Compétences performance
en production
Déploiement Opérations
et
Meilleures pratiques Production
Mise en œuvre et déploiement
Rétroaction

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Sur la même figure 3, et dans la perspective de la gestion des opérations, l’hypothèse de


base implique, d’une part, qu’on accorde une grande importance à l’intégration de la
stratégie des opérations et des pratiques, par opposition à une approche fragmentée des
décisions et actions. D’autre part, considérant que la stratégie des opérations vise la
définition et l’implantation du système de production requis pour l’atteinte des objectifs
stratégiques (Skinner, 1985; Hill, 1986), les éléments de ce système constituent des
leviers permettant l’atteinte de la performance recherchée (Devaraj et al., 2004; Hill,
2000; Miltenburg, 1995; Hayes et Wheelwright, 1984). La compétitivité du système
opérationnel, exprimée en termes de «qualité, délais, coûts, flexibilité et innovation»
(Christiansen et al., 2005; Frohlich et Dixon, 2001; Spring et Dalrymple, 2000;
Miltenburg, 1995:69), autrement dit, des priorités de la compétition, est donc déterminée
par les effets de ces leviers.

Tel qu’illustré à la figure 3, les meilleures pratiques jouent ainsi un rôle central tant au
niveau de la formulation de la stratégie des opérations que de sa mise en œuvre, voire
même sur son déploiement car elles contribuent au développement des compétences
(capabilities) en production. Ces compétences en production sont alors des atouts
organisationnels difficiles à imiter et à transférer (Schroeder et al., 2002; Swink et
Hegarty, 1998).
Il apparaît ainsi d’une part, que l’adoption des meilleures pratiques de gestion est sous-
jacente à la classe mondiale, et que d’autre part, ces pratiques se conforment aux
principes fondamentaux de la théorie des ressources de la firme (Barney et al., 2001;
Barney, 1991) dans le sens qu’elles contribuent au développement des compétences
uniques, difficiles à imiter.

Variables à l’étude

Dans le cadre de cette étude, nous avons utilisé un échantillon par convenance, composé
de quatre entreprises de haute-technologie. Ces quatre études de cas ont été réalisées
suivant la méthodologie de Yin (1994). Compte tenue de la nature exploratoire de ces
études de cas, la taille de l’échantillon a été considérée adéquate (Eisenhardt, 1989). De
fait, l’exploration du sujet de notre intérêt, par l’entremise des études de cas, vise à nous
permettre le développement théorique (Eisenhardt, 1989) nécessaire pour nos recherches
futures qui porteront sur un échantillon représentatif d’entreprises.

À travers les études de cas, nous visons principalement à mettre en évidence les
approches utilisées pour la formulation de la stratégie des opérations par des entreprises
de classe mondiale. Par ailleurs, nous examinons l’état de l’intégration des meilleures
pratiques de gestion dans ces entreprises et analysons les principales caractéristiques des
systèmes de production mis en place et mis en œuvre.

Les principales variables de l’étude sont alors : la stratégie manufacturière, l’intégration


des meilleures pratiques et le système de production. De plus, par souci de mieux
caractériser les entreprises de classe mondiale, nous avons explicité le degré

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d’imbrication des stratégies au regard de l’incertitude et la turbulence les industries dans


lesquelles œuvrent ces entreprises.

Méthodologie de recherche

La question de recherche formulée pour cette étape de notre programme de recherche est
la suivante : «Quelles sont les principales caractéristiques des stratégies manufacturières
des quatre entreprises de classe mondiale retenues dans notre étude ?».

Compte tenue de la complexité des entreprises à l’étude, l’unité d’analyse retenue est la
stratégie manufacturière d’une de leurs divisions. De plus, afin de répondre à la question
formulée, nous avons établi les objectifs de recherche suivants :

i) Caractériser la stratégie manufacturière d’une unité de production de quatre


entreprises de classe mondiale.
ii) Identifier et analyser, dans une perspective systémique, les meilleures
pratiques de gestion contribuant à la stratégie manufacturière de la division.
iii) Identifier ou développer des critères d’évaluation du niveau d’intégration des
meilleures pratiques à la stratégie manufacturière.
iv) Évaluer le niveau d’intégration des meilleures pratiques et de la stratégie
manufacturière des unités étudiées.
v) Évaluer la contribution attribuable à l’intégration des meilleures pratiques et la
stratégie manufacturière au sein de l’entreprise.

Collecte des données

Nous avons recueilli, d’une part, des informations à partir des données secondaires
publiques; et d’autre part, à partir des entretiens semi-structurés avec des responsables et
cadres de la production, voire même des utilisateurs des pratiques pour un des cas étudiés
(Lamy, 2006).

Étant donné que l’unité d’analyse est la stratégie manufacturière d’une des divisions dans
son contexte –à savoir, celui de la stratégie de la société d’appartenance–, la collecte des
données a donc porté autant sur les unités que sur les sociétés mères.

Nous avons ainsi réalisé quatre études de cas exploratoires, en profondeur (in-depth case
studies selon Yin, 1994), au sein d’entreprises de haute technologie appartenant à
différents secteurs. Ces quatre études de cas nous ont permis d’explorer, dans une
certaine mesure, les particularités de chaque secteur industriel concerné.

Résultats et analyse des quatre études de cas


Toutes les entreprises retenues dans l’étude sont classées, même a priori, dans la
catégorie des entreprises de classe mondiale. Ceci est d’autant plus vrai que leurs
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stratégies le mentionnent de manière explicite et que leurs excellentes performances sont


largement reconnues au sein de leurs industries.

Principales caractéristiques des entreprises étudiées

Pour des raisons de confidentialité, les entreprises son nommées ici A, B, C et D. De


plus, nous utilisons une échelle de 1 à 4 pour effectuer les comparaisons : la valeur 1 est
accordée à la division de l’entreprise (ou à l’entreprise même dans son ensemble), qui
représente le niveau le plus faible sur la caractéristique analysée. À titre d’exemple, dans
le tableau 1, et relativement à la taille de l’entreprise, A est la plus petite des quatre
entreprises considérées, alors que D est la plus grande.

Tel que signalé au tableau 1, les paradigmes des décisions stratégiques en matière de
fabrication montrent que différentes approches –qualifiées de classe mondiale– sont
utilisées.
L’entreprise A dans son ensemble, suit l’approche classique de Schonberger en
combinaison avec la focalisation des usines, et ce depuis 25 ans environ.

La division B, par contre, se trouve à un stade de transition avancé vers le «fit»


stratégique, c’est-à-dire, vers la cohérence des décisions stratégiques. L’adoption du
tableau de bord prospectif – le balanced scorecard de Kaplan et Norton (2001) –,
contribue à accélérer le déploiement de cette stratégie centrée sur la cohérence. À son
tour, la division C suit l’approche de Hill (2000), qui se caractérise entre autres par
l’accent mis sur l’intégration des stratégies marketing et de fabrication.

Enfin, la division D se trouve entièrement intégrée à un réseau de production, et fait la


sous-traitance pour le reste des divisions de la société mère mais également pour d’autres
entreprises. La formulation de sa stratégie des opérations n’est donc pas indépendante de
son réseau régional et se concentre notamment sur la flexibilité voire même sur l’agilité,
à savoir, le changement rapide des produits en fonction des exigences des clients, et ce,
dans un contexte d’incertitude élevée.

De grandes différences existent donc entre les approches des divisions analysées.
Toutefois, à partir des données du tableau 1, on peut constater également que les
principaux dénominateurs communs des approches adoptées par les quatre divisions
étudiées sont : le paradigme de la production allégée, la philosophie de l’amélioration
continue (AC), et la flexibilité.

Dans le même ordre d’idées, et dépendamment des caractéristiques de l’environnement et


de l’état de la concurrence, Sahin (2000) a proposé quatre différents systèmes permettant
d’atteindre des niveaux de performance similaires; cette dernière étant exprimée en
termes de qualité, prix, temps de mise en marché, et agilité. Ces systèmes sont : la
focalisation des usines, la fabrication allégée, le sur-mesure de masse ainsi que la
fabrication agile. Notre échantillon montre cependant que la fabrication allégée ne
constitue pas un système en tant que tel, mais plutôt une pratique adoptée pour améliorer
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la performance, comme le suggère le modèle de Voss et al. (1995). L’amélioration


continue est par contre perçue comme une philosophie fondamentale dans toutes les
divisions, ce qui est conforme aux remarques formulées par Sahin (2000). On constate
alors que les approches des divisions étudiées ne rejoignent la typologie de Sahin (2000)
que sur quelques éléments.

Tableau 1 – Description générale des sociétés impliquées dans les études de cas

Taille
Entreprise/ Industrie comparative Paradigme dominant les choix
Division des sociétés en matière de stratégie manufacturière
concernées dans les divisions analysées
1
Transports et (la société la ƒ Approche de Schonberger.
A Matériaux plus petite) ƒ Meilleures pratiques : JAT, CTQ, IE, AC et
composites Près de 15 production allégée.
usines à travers ƒ Focalisation des usines par produits et
le monde connaissances.
ƒ Amélioration continue, focalisation par
produit
ƒ Approche en évolution rapide vers le «fit»
B Aéronautique 2 de la stratégie manufacturière et la stratégie
d’entreprise.
ƒ Nombreuses pratiques dont notamment Six
Sigma, l’ingénierie simultanée, la production
allégée et le tableau de bord prospectif de
Kaplan et Norton
ƒ Approche de Hill.
ƒ Production par lot, très innovatrice,
Télécom- focalisation par produits et sous-traitance des
C munications 3 produits.
ƒ Nombreuses pratiques axées sur la qualité et
l’amélioration continue, la production
allégée et le développement de nouveaux
produits (méthode à jalon); pas de pratique
Six Sigma en tant que telle.
ƒ Sur-mesure de masse.
Semi- 4 ƒ La division effectue de la sous-traitance pour
D conducteurs et le reste de la société voire pour d’autres
ordinateurs (la société la entreprises.
plus grande, plus ƒ Système très flexible voire même agile,
de 1000 unités gestion de la chaîne d’approvisionnement
de production à très développée, diversité de pratiques axées
travers le sur la production allégée et l’amélioration
monde) continue.

On remarque également que la focalisation chez A, B et C, n’exclue pas la production


allégée. D’ailleurs, la société A combine la focalisation à l’approche de Schonberger
alors que ce dernier remettait en question les principes de la focalisation, et plus

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précisément, les arbitrages proposés par Skinner (1974), voir Schonberger (1986:203-
204). Nous pouvons alors formuler notre première proposition comme suit :

Proposition 1 : Les entreprises de classe mondiale adoptent différents


paradigmes en matière de stratégie manufacturière ainsi que des pratiques
diverses se combinant avec la philosophie de l’amélioration continue, la
flexibilité et la production allégée.

Systèmes de production et priorités compétitives

Les systèmes de production des divisions analysées sont partiellement caractérisés dans
leurs dimensions managériales par les approches traditionnelles dont la matrice produit-
processus élaborée par Hayes et Wheelwright (1984:209). Ce cadre d’analyse classifie les
systèmes de production selon les caractéristiques du produit –en termes de volume et de
variété–, et des processus, aménagement et flux des matières. Tel que démontré par
McDermott et al. (1997) et plus récemment Ahmad et Schroeder (2002), ce cadre ne
permet pourtant pas la caractérisation complète de tous les systèmes de production
observés, notamment celui de la division de la société D.

Tel que signalé au tableau 1, l’entreprise A utilise un système de production de type


« Juste-à-Temps » dans toutes ses principales divisions. Les divisions des entreprises B et
C emploient des systèmes de type « gestion par projet » et « par lot », respectivement. Par
contre, le système adopté par la division de l’entreprise D obéit à une logique différente
de production. Rappelons que la production de masse classique répond aux besoins de
production pour un volume élevé et une forte standardisation (faible variété). Le
processus de type « atelier », ou « par lot », répondent aux besoins des petits-moyens
volumes et variété élevée-moyenne. La division de l’entreprise D utilise un système de
production très flexible qui introduit une logique différente en termes de rapport variété-
volume, puisqu’il a été conçu pour tirer les avantages des systèmes classiques, à savoir,
volume et variété élevés. En appliquant la typologie de Sahin (2000) à la division D, on
retrouve plutôt une approche hybride du système agile et du sur-mesure de masse. Il est à
noter que selon Venables (2005), l’agilité comparée à la production allégée, constitue un
«état» qui permet de mieux répondre aux clients. Toutefois, suivant Pine II (1993)
et McCutcheon et al. (1994), le système de production de la division D présente les
caractéristiques du «sur-mesure de masse ».

Il est à noter également que toutes les divisions se concentrent principalement sur le
business-to-business (B2B), c’est-à-dire, que leurs clients sont d’autres divisions ou
entreprises. D’ailleurs, l’entreprise A, fidèle à l’approche de Schonberger (1996) qui
signale que les entreprises de classe mondiale choisiraient leurs clients, privilégie de
manière radicale les clients de classe mondiale. De plus, les quatre divisions cherchent
constamment à améliorer leurs niveaux de service et les délais et, par conséquence, à
diminuer leurs coûts. Toutes les divisions accordent également la priorité à l’innovation,
ce qui était attendu considérant qu’elles exercent dans le domaine de haute technologie.

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La qualité se veut exceptionnelle dans toutes les divisions; celles-ci consacrent des
ressources importantes pour soutenir les pratiques axées sur la qualité. Certes, les
divisions reconnaissent que la qualité leur est essentielle pour rester dans le marché.
Cependant, les dirigeants sont conscients qu’à eux seuls, leurs niveaux de qualité
excellents ne garantissent pas leur succès sur leur marché. Leur performance en termes de
délais, de flexibilité, ainsi que sur le plan de l’innovation, constitue la base de leurs
avantages concurrentiels lorsque les exigences des clients sont satisfaites. Ces exigences
sont donc centrales pour les actions et décisions en ce qui concerne les choix stratégiques
de la fabrication. Le rôle joué par le client vient alors démontrer la pertinence du modèle
de la classe mondiale de Giffi et al. (1990) et Roth et al. (1992).

Les divisions visent pourtant une grande flexibilité quoique sous des formes diverses.
L’entreprise B notamment vise une grande flexibilité par rapport au nombre d’options
offertes pour le produit fini, alors que la flexibilité recherchée par les trois autres
divisions s’exprime plutôt en termes de volume, spécifications et délais. Nous pouvons
alors formuler notre deuxième proposition comme suit :

Proposition 2 : Les entreprises de classe mondiale implantent leurs systèmes


de production en tenant compte du degré de flexibilité requis pour soutenir
leur positionnement stratégique.

Contexte du déploiement des stratégies manufacturières

En dépit des différences existant entre les approches adoptées par les divisions, la logique
dominante en ce qui a trait au déploiement des stratégies manufacturières est la cohérence
et le «fit» stratégique (Hill, 2000; Slack et Lewis, 2001). Les quatre divisions démontrent
clairement la compréhension et l’adoption de cette logique. Toutefois, la taille des
entreprises étant comparativement très différente, l’implication de la haute direction par
rapport à l’adoption des pratiques varie d’une entreprise à une autre.

Le tableau 2 signale le rôle accordé à la production et aux pratiques par les entreprises.
On observe que ces rôles sont plutôt intrinsèques aux paradigmes des approches adoptées
pour la formulation des stratégies manufacturières (tel que décrits précédemment, au
tableau 1). L’approche de l’entreprise A se veut beaucoup plus axée sur la contribution
de la fabrication à la performance de l’entreprise tandis que les approches des divisions B
et C se veulent beaucoup plus managériales et moins centrées sur la production. Dans le
cas de la division C, on fait même appel à la sous-traitance très tôt dans le cycle de vie du
produit.

Pour l’entreprise A, cependant, les choix stratégiques sont définis par les pratiques; alors
que dans la division de l’entreprise B, les pratiques servent à assurer la cohérence, voire
l’intégration de la stratégie manufacturière et de la stratégie de l’entreprise. Dans les
divisions C et D, les pratiques supportent la stratégie manufacturière implantée.

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Tableau 2 – Contexte des décisions stratégiques en matière de fabrication

Degré
Rôle de la d’intégration Durée Turbulence Degré
Entreprise/ Production Rôle des pratiques des pratiques à de vie des de d’imbrication
Division la stratégie principaux l’industrie des stratégies
manufacturière produits

4 Définir la stratégie 4 4 <3 4


A manufacturière.
Assurer la
cohérence et
3 l’intégration de la
3 4 3 3
B stratégie
manufacturière aux
objectifs
stratégiques de la
société.
Supporter la
2,5 stratégie 2 2 4 2
C manufacturière
implantée.
Supporter la
2,5 stratégie 2 1,5 4 1,5
D manufacturière
implantée.

Selon Lawrence et Lorsch (1967) «l’intégration est atteinte grâce à l’unité des efforts des
principaux spécialistes fonctionnels» (p. 86). Ainsi, le degré d’intégration des pratiques à
la stratégie manufacturière varie d’une division à une autre. Plus précisément, ce degré
diminue avec la taille des sociétés : plus la taille de la société est élevée plus faible est le
degré d’intégration. De plus, le degré d’intégration varie dans le même sens que la durée
de vie des principaux produits (core products) (voir cinquième colonne au tableau 2). Ce
portrait pourrait être attribué aux exigences de la fabrication, et notamment aux courts
cycles de fabrication caractéristiques des divisions C et D qui font en sorte que les
gestionnaires ne disposeraient pas suffisamment de temps pour atteindre l’intégration des
pratiques, au pire, que l’attention accordée à cette intégration consommerait des
ressources nécessaires à la flexibilité requise pour le soutien d’un flux constant de
nouveaux produits.

Selon Harrington et al. (2005), la turbulence s’exprime par «l’instabilité reliée au marché
dont des cycles d’innovation et de production plus courts, multiplicité croissante de
produits et horizons de planification plus courts» (p. 450). De plus, Schellenberg et Miller
(1998) observent que les stratégies de type «bureaucratiques», celles qui soutiennent des
structures et des mécanismes administratifs normatifs –propres à la adoption de diverses
pratiques–, s’avèrent moins effectives pour des organisations agissant dans des
environnements turbulents. Ces auteurs signalent :

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«In high-tech fields, work roles tend to be highly specialized and


interdependent. As a worker in one growing high-tech firm mused, “You
can’t know everything; you have to know who knows”. Knowing who knows
becomes more difficult with increasing organizational size, and the problem
is amplified by the high turnover and/or frequent reorganizations common in
these setting. » (p. 206).

Notre échantillon montre alors que plus la durée de vie du produit est courte, plus la
turbulence de l’industrie –caractérisée entre autres par les changements introduits aux
spécifications des produits pendant une courte période de temps–, est élevée. Il est à noter
que les divisions C et D semblent s’accorder aux remarques de Harrington et al. (2005),
qui signalent que les entreprises se doivent d’être «rapides dans leurs stratégies
d’innovation, consistantes dans l’implantation et utiliser la turbulence» pour devancer les
compétiteurs dans le marché (p. 451). Ainsi, d’après notre échantillon, la turbulence de
l’industrie semble constituer un frein à l’intégration des pratiques à la stratégie
manufacturière.

Peu d’études s’intéressent à l’analyse de la turbulence des industries par rapport à la


dynamique d’intégration des stratégies manufacturières et les meilleures pratiques. Une
des rares analyses en ce sens est celle de Sahin (2000) dont les constatations concordent
sur certains aspects avec nos résultats, notamment en ce qui concerne l’amélioration
continue et la flexibilité qui sont des traits communs à tout système. Mais pour certaines
des caractéristiques du contexte de l’étude, et en particulier celles de la production
allégée, l’environnement des divisions étudiées est très différent de celui décrit par
l’auteure comme étant «passablement stable» (Sahin, 2000, p.58). Nous pouvons alors
formuler nos troisième et quatrième propositions comme suit :

Proposition 3 : Dans un environnement turbulent, les entreprises de classe


mondiale adoptent des pratiques pour supporter leurs choix stratégiques en
matière de production.

Proposition 4 : Dans les entreprises de classe mondiale, l’intégration des


pratiques à la stratégie manufacturière dépend du degré de turbulence de
l’environnement. Ce degré d’intégration est plus élevé lorsque
l’environnement est moins turbulent.

Il faut signaler également que Voss (2005ab, 1995) a identifié trois «paradigmes»
distincts en stratégie manufacturière : la concurrence par la fabrication, les choix
stratégiques en fabrication et les meilleures pratiques (voir figure 4, à la page suivante).
D’après l’auteur, la concurrence par la fabrication est l’approche qui soutient que les
compétences de la fabrication (manufacturing capabilities) devraient permettre à
l’entreprise d’affronter la compétition, et que ces compétences devraient s’aligner aux
facteurs de succès, à la stratégie d’entreprise, à la stratégie marketing et aux demandes du
marché. Ce paradigme décrit donc en partie l’approche adoptée par l’entreprise A.

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Le paradigme des choix stratégiques en fabrication, attribué principalement à Skinner,


Hayes et Wheelwright, est relié à la consistance interne et externe des décisions en
matière de fabrication. Plus précisément, ce paradigme concerne les décisions
d’infrastructure –style de management, structure organisationnelle et main d’œuvre,
planification et contrôle de la production– et de structure –installations et équipements,
design de produits et ingénierie, processus. Il s’agit, selon Voss (1995), d’une approche
basée sur les contingences. Tel que signalé à la figure 4, cette approche décrit
relativement bien, les observations faites dans les divisions des entreprises C et D, et sur
certains aspects, rend parfaitement bien au cas de la division de l’entreprise B.

Enfin, le paradigme des meilleurs pratiques, qui selon Voss (2005ab, 1995) a amené le
concept de la classe mondiale, se concentre sur le développement continu des meilleures
pratiques dans tous les domaines de l’entreprise. Selon ce paradigme, un échec dans
l’implantation de la meilleure pratique de son industrie pourrait conduire l’entreprise à la
perte des avantages concurrentiels de la fabrication. Ce paradigme vient alors compléter
la description de l’approche adoptée par l’entreprise A, tel que signalé à la figure 4, qui
illustre également le positionnement des trois autres divisions.

Figure 4
Les cycles de la stratégie manufacturière, d’après Voss (2005a:1220).

A
B
D C

Pourtant, selon Voss (2005a), le chevauchement des trois paradigmes suit un cycle défini,
l’auteur explique :

« A company cannot ignore any of these [paradigms] completely, for it


would risk losing its competitive strength in manufacturing. It is proposed a
continuous loop. Any company needs a strategic vision, since without one
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the other actions may fail. This is the logical starting point and needs to be
revisited at regular intervals. The strategy for competing through
manufacturing will lead to the need to make key strategic choices. These in
turn will require the development of the world-class performance in the
areas chosen and by necessity the development of best in class practices.
The choice and focus of these will be guided in part by previous
approaches. The continuous improvement and development of process and
practice will lead to developing the company’s capabilities. These in turn
may enhance or change the way it chooses to compete through
manufacturing.

This is not an evolutionary cycle as Hayes and Wheelwright’s four steps. It


is a continuous iterative process that will lead to both continuous
incremental improvement and occasional step change…It is consistent with
the Deming “plan, do, check, action” cycle. ». (Voss, 2005a:1219).

Les cas analysés se situent davantage aux zones de chevauchement voire même près du
centre du schéma de Voss (2005a, 1995). La figure 4 en donne une illustration. Ces cas
permettent effectivement de constater un chevauchement des trois paradigmes et pour
certaines des divisions, notamment le cas de l’entreprise A, deux des paradigmes
s’avèrent plus dominants. Par ailleurs, bien qu’ayant exploré les choix stratégiques passés
en matière de fabrication, nous n’avons pas réussi à documenter le processus itératif,
soutenu également par Lewis (2003). Nous constatons, bien évidemment, certains
changements et de l’innovation dans les approches adoptées, et en particulier dans le cas
de la division de l’entreprise B, qui semble être la division qui réussit mieux l’équilibre
entre les trois paradigmes (plus centrale). Les éléments déclencheurs des changements
sont attribués, d’après les dirigeants, aux caractéristiques de l’environnement des
entreprises et non à une itération volontaire ou systématique de l’approche adoptée pour
élaborer la stratégie manufacturière. Nous formulons alors notre sixième proposition
comme suit :

Proposition 6 : Les entreprises de classe mondiale conjuguent de manière


unique les trois paradigmes –la concurrence par la fabrication, les choix
stratégiques en fabrication et les meilleures pratiques– de la stratégie
manufacturière.

Sur la base des constats effectués dans les divisions étudiées, il apparaît également que la
turbulence de l’environnement des entreprises façonne les approches adoptées. Cet
élément n’est pourtant pas considéré dans le schéma de Voss (2005a, 1995). De fait, en
contexte de turbulence, Rigby (2001) signale que la haute direction doit constamment
surveiller trois dimensions : la source et le niveau de turbulence de l’industrie, le
positionnement stratégique de l’entreprise ainsi que sa force financière. Sur cette base, les
entreprises performantes, affirme l’auteur, profitent du contexte turbulent au lieu de le
subir, soit en agissant rapidement, soit en faisant des arbitrages et en se concentrant sur

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un noyau de compétences, soit en assimilant une approche pour détecter la turbulence à


l’horizon et en réalisant des stratégies appropriées à la situation.

De plus, d’après Chakravarthy (1997), les modèles classiques destinés à la formulation


des stratégies s’avèrent inadéquats pour les entreprises agissant dans des contextes
turbulents. Chakravarthy (1997) propose plutôt un cadre à trois éléments : ré-
conceptualisation de la stratégie, plus de partage de responsabilités à l’intérieur de la
compagnie et focalisation sur les capacités organisationnelles en tant que source réelle
d’avantages compétitifs. L’auteur signale :

« To support flexibility, a firm needs to rely more on its front-line


entrepreneurs who are close to the business pulse and can sense the flow of
innovation. Constraining them with top-down strategic intent can be
counterproductive, but their innovative ideas need to be channelled within a
guiding philosophy – a broad vision of opportunities that the firm seeks to
participate in. » (p. 82)

Ainsi, pour comparer l’influence de l’environnement, nous nous sommes appuyés sur le
degré d’imbrication des stratégies manufacturières avec celles des sociétés mères, tout en
considérant que : plus les hauts dirigeants sont impliqués dans les choix en matière de
fabrication, plus le degré d’imbrication est élevé. Tel que présenté au tableau 2 (dernière
colonne à droite), le degré d’imbrication des stratégies des divisions étudiées est similaire
au portrait du degré d’intégration des pratiques à la stratégie manufacturière.

Nos résultats confirment alors les remarques de Chakravarthy (1997). En effet, on


constate que : plus l’environnement de la division est turbulent, moins élevée est
l’imbrication des stratégies. La haute direction donnerait ainsi plus de marge de
manœuvre aux managers du «front-line», tel que constaté dans les divisions C et D. Les
divisions développent donc une sorte de «microstructure de compétences» (Upton et
Kim, 1998; Lewis, 2003) à l’intérieur des réseaux moins décentralisés. Il semble alors
que cette participation des managers des opérations constitue un élément distinctif majeur
des entreprises de classe mondiale.

Il est à noter que les recherches de Swamidass et al. (2001a), effectuées auprès des
entreprises manufacturières, sans mentionner la catégorie de la classe mondiale, montrent
que ces managers n’interviennent pas de manière significative dans les processus
décisionnels stratégiques. Swamidass et Newell (1987) avaient même observé «une
tendance à diminuer le rôle des managers des opérations dans les processus de prise de
décisions stratégiques lorsque l’incertitude de l’environnement augmente» (p. 522). Dans
une étude de trois cas, Swamidass et al. (2001b) constatent également que le processus de
formulation de la stratégie manufacturière n’est même pas formel. Ces auteurs
remarquent alors que la planification stratégique de la fabrication de haut-en-bas (top-
down manufacturing strategy planning) n’est pas évidente. D’ailleurs, Baines et al.
(2005), ont très récemment proposé un processus formel et rationnel pour guider les
manufacturiers dans leurs décisions concernant le positionnement stratégique.
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Au regard de cet état de faits, nous formulons notre septième proposition comme suit :

Proposition 7 : Dans les entreprises de classe mondiale, la turbulence de


l’environnement détermine le degré d’imbrication des stratégies. Les
managers de première ligne se voient accorder plus de marge de manœuvre
lorsque l’environnement est plus turbulent; par conséquent, les stratégies sont
moins imbriquées.

Compte tenue de l’environnement d’innovation et du degré d’imbrication des stratégies,


la figure 5 ci-dessous propose un positionnement de chacune des divisions étudiées. La
décentralisation des décisions semble requise lorsque la durée de vie des produits est
courte et le contexte fortement turbulent : c’est le cas des divisions C et D. Lorsque la
durée de vie des produits est longue, comme c’est le cas pour les divisions A et B, la prise
de décision en matière de stratégie manufacturière serait plus centralisée. Nous formulons
alors notre dernière proposition comme suit :

Proposition 8 : Dans un contexte de très forte turbulence, les entreprises de


haute-technologie de classe mondiale décentralisent les décisions en matière
de stratégie manufacturière.

Figure 5
Degré de turbulence, intégration des stratégies/pratiques et imbrication des stratégies

Élevée

4 D C
Décentralisation
Réseaux locaux
3 Focalisation Sous-traitance
Systèmes agiles
B
Turbulence
A

2 Centralisation
Réseaux globaux
Focalisation
Systèmes flexibles
Faible 1
1 2 3 4
Faible Élevé
Degré d’imbrication des stratégies

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L’étude de Corbett et Campbell-Hunt (2002) portant sur six petites-moyennes entreprises


manufacturières et visant à déterminer comment les entreprises développent leurs
compétences (ou capacités, capabilities) pour la création d’avantages concurrentiels,
conclue qu’il n’y a pas un seul pattern à ce sujet. Nos observations confirment alors ces
résultats, mais uniquement pour des entreprises de classe mondiale. Les divisions
étudiées développent des approches uniques et ce bien que leurs priorités compétitives
soient similaires.

Enfin, bien que nous n’ayons pas été en mesure de déceler le processus de construction
de leurs compétences en production, tel que suggéré par exemple, par Maslen et Platts
(2000), nos résultats supportent les fondements de la théorie de la ressource de la firme
dans son application à la fabrication (Schroeder et al., 2002; Swink et Hegarty, 1998).
Les divisions de classe mondiale étudiées adoptent des meilleures pratiques dans le but
de développer des compétences ou des capacités de production distinctes et non
imitables, et pour intégrer des connaissances externes. Leurs stratégies manufacturières se
composent d’éléments relevant des trois paradigmes identifiés par Voss (2005ab; 1995),
et combinés d’une manière unique, difficile de cerner et, par conséquent, difficile à
copier.

Conclusion
Dans ce cahier de recherche, nous avons essentiellement présenté l’analyse des approches
adoptées par quatre divisions d’entreprises de classe mondiale, en matière de stratégie
manufacturière. Les différences entre les approches observées nous amènent à considérer
que pour atteindre le niveau de performance des entreprises de classe mondiale, les
entreprises n’ont pas à suivre un pattern commun. En effet, les entreprises de classe
mondiale se caractérisent par le développement d’approches plutôt distinctes, qui
combinent d’une manière unique, tout en tenant compte de la turbulence de leur
environnement, les trois paradigmes identifiés par Voss (2005ab, 1995).

Outre l’éclairage de la logique sous-jacente à la notion et les caractéristiques des


entreprises de la «classe mondiale», et malgré les limites méthodologiques relatives à la
taille de l’échantillon, cette recherche vient combler un besoin d’intégration des
connaissances en stratégie des opérations, particulièrement en ce qui concerne la stratégie
manufacturière, les meilleures pratiques et la turbulence de l’environnement des
entreprises.

Finalement, nous avons par ailleurs formulé huit propositions qui constituent une base
pour nos recherches futures visant à mieux caractériser les réseaux de production qui
gagnent de plus en plus en importance dans l’environnement mondial. De ce point de
vue, nous planifions de réaliser une enquête à grande échelle qui nous permettra de
vérifier les propositions issues des résultats des études de cas présentés dans cette étude.
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Références
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Journal of Operations & Production Management, vol. 22, no 1, p. 103-124.
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decision process for manufacturers», International Journal of Operations & Production
Management, vol. 25, no 2, p. 180-201.
Barnes, D. (2002) «The complexities of the manufacturing strategy formation process in
practice», International Journal of Operations & Production Management, vol. 22, no
10, p.1090-1111.
Barnes, D., Rowbotham, F. (2004) «Testing the four-stage model of the strategic role of
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