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MEMOIRES.:: POUR SERVIR A LVHISTOIRE DU. JACOBINISME, Par M. VABBE BARRUEL TOME QUATRIEME. A HAMBOURG, Cuez P. FAUCHE, LiIsRAIReE. 180 3. OBSERVATIONS SUR QUELQUES ARTICLES DU MONTHLY REVIEW, Relatifs aux Mémoires. sur,le Jacobinisme. L est des a dont le suffrage m’est précieux , parce que je connois les services qu’ils rendent, au public, en propageant les bons principes. Il en est dont l’éloge me seroit odieux , parce que, sous le masque des sciences, ils ne servent que la cause de l’impiété et de la rebellion. Je ne lis pas assez habituellement M. Griffith, ou bien son Monehly Review , pour savoir dans quelle classe il faut le ranger , lui ou son lieutenant et son faiseur. Mais il seroit facheux que lon pit en juger par le compte quwils ont rendu de mes Mémoires sur le Jaco- Binisme. Dans l’appendice au vingt-cinquisme volume de lenr Journal ils ont amalgamé des imputations, sur lesquelles je laisserois & tout lecteur le soin de prononcer, ~s’il s’agissoit d’une dispute purement littéraire ; mais j'ai dé- noncé la conspiration la plus redoutable qui ait jamais été tramée contre Ja Religion et la so- ciété ; je dois 4 ma cause, je me dois 4 moi- méme de prouver as ui conviennent les accu- gations de mauvaise » de tours d’adresse et Teme IV, : a (7) Pune perfide ingénuité, Heureusement la tache n’est pas bien difficile. 1.° M. Griffith me fait la grace de trouver sables , satisfaisantes méme , les preuves que je donne de la Conspiration des Sophistes con- tre [ Autel ; mais celles des Sophistes contre le Trone lui semble, nous dit-il, si impar- faitement démontrée , que jusquiici il croit de- voir attribuer Vextinction de la Royauté en France & des circonstances locales, bien plus qu’aux voeux et aux complots des chefs de la Révolution. Ce qu'il y a de vrai, c’est que les Jacobins ne seroit pas fachés que lon s’en tint & cette opinion ; c’est que les Jacobins aussi prétendent avoir le droit de dire & nos Rois: $i nous en voulons & votre Tréne , prenez- yous-en & vous-mémes; ‘ce sont vos perfidies et votre despotisme’ qui, bien plus que Brissot et Syeyes, ont détréné Louis XVI ; qui, bien lus que Péthion et Robespierre , ont fait tom- Fer -sa_téte. C’est sur-tout la tyrannie de Louis. XVI, qui nous a inspiré le voeu si pu- blic, de ne pas laisser un'seul Roi sur la terre. Mais ce qu'il y a de vrai aussi, c’est que M. Griffith aime bien mieux prononcer sur mes preuves que les citer ou les analyser, de peur ue ses lecteurs ne les trouvent demonstratives. Bas ja moindre mention des lettres , des. sys- témes, du club des Sophistes @Holbach, du Comité central, des émissaires du Grand-Orient, des déclamations, des aveux si formels des con- jurés eux-mémes , des adeptes Leroi, Condor- cet, Gudin, Lamétherie , ou des confréres Jour- nalistes du Mercure. Tout cela prouveroit que M..Griffith est difficile en fait de preuves , quand il lui plate de V’étre ; et qu'il sait au moins les ( vj ) taire, sinon les réfuter. Il est tant d’hommes qui jugent sur la parole du Magister, qu’il ne vaut pas la peine de leur donner des raisons, Vous verrez que M. Griffith ne daignera pas faire mention de ce Walpole qui nous parloit si positivement, et il y a si long-temps, de la conspiration des Sophistes contre le Tréne. M. Griffith aime a fermer les ycux, je ne sais pas les faire ouvrir de force. 2.° M. Griffith nous dit aussi que j’ai par- faitement tort en faisant de Vegalité et de la liberté le secret des Macons. Ici j’étois pres- que tenté de ne voir dans M. Griffith qu’un Frére dupe ; mgis ila ses raisons pour parof- tre en savoir plus que moi. Il nous montre des correspondances, des ambassades établies entre les grandes Loges de Londres et de Ber- lin, dés 1776, dans un temps ob celle-ci eroie Je foyer de convergence, le centre dans lequel venoit se réunir tous les rayons de la philo- sophie. moderne ; et puis il ajoute : Ces am- bassades n’étoient~elles que des jeux d’enfans ? ow bien y avott-il quelques Timoléons caches dans les Loges? —J’avouerai franchement que si j’avois con= nu ces ambassades , ces correspondances avec une ‘Loge devenue le centre des Sophistes, au lieu de rétracter.mes preuves sur la conspiration des Franc-Magons, je n’aurois fait qu’y ajouter. Jaurois sur-tout bien moins généralisé l’excep= tion sur la Franc-Maconnerie de la grande Loge de Londres, si j’avois su quelle recélat des Fréres aussi ennemis des Rois que ce Timoléon, assassin de son frére Timophane, comme un premier Brutus \e fut de ses enfans, comme ua second Brutus le fut de son bienfaitear aig ( viij ’) César, et pour la méme cause. Je laisse aux Franc-Macons Anglois le soin de dissiper les soupgons que répand sur eux le Frére Journaliste, Mais on avouera que voila chez M. Griffith une étxange -maniére de prouver que j’ai tort de chercher des conspirations dans les Loges macon- niques, puisqu’au lieu d’accuser faussement les Fréres Magons tout mon tort seroit d’avoir excepté ceux méme qu’on auroit cru le moins coupables. 3.° M: Griffith devient plus étrangement dif ficile & persuader, lorsqu’il s’agit des chers Illu- minés, et de leurs complots contre toute so- ciété, toute propriété , et contre les sciences. Crest ici que les imputations de mauvaise foi, @infidélité , de perfidie coulent sous sa plume. Le lecteur va juger quel est celui qui les mérite. Le Journaliste tire ses grandes preuves de la manitre dont j’ai traduit deux textes de Weis- haupt. J’avoue que le premier m’embarrassa beaucoup, non par la difficulté du langage , par-tout ‘ ailleurs trés-intelligible, mais par la sottise et l’énorme contradiction que présente ce texte dans l’endroit oil se trouve. Pour traduire Weishaupt dans son sens littéral, il falloit lui. faire dire : « peu de besoins ; voild le premier pas vers la » liberte, C’est pour cela que les sauvages et » les hommes les plus savans, ou bien les hom- » mes eclairés au supréme degré , sont peut-étre. » les seuls litres, les seuls indépendans.» Je voyois une grande ineptie 4 donner nos savans pour les hommes qui ont /e ‘moins de besvins ou qui sont le plus libres, le plus independans de la société. Ils ont d’abord besoin d’une for- tune honnéte qui les délivre de tout souci peur 5 1, A . vaquer a étude. Ils.ont besoin que d'autres travaillent 2 les loger, & les nourrir, a les ( iz ) vétir, Ils ont besoin plus que tout autre , de cette paix et de cette tranquillité, si néces~ saires pour le progres des sciences. Ils sont les lus ingrats des citoyens, s'ils méconnoissent ’autorité publique, sans laquelle les sciences n’existeroient pas plus pour eux que pour les Hurons. _ Mettez un Académicien seul d’un coté, dans de vastes campagnes ou foréts ; met- tez de l’autre un simple paysan, ou artisan, “et vous verrez lequel des deux a le moins besoin de l’autre pour se tirer d’affaire. Ce n'est pas tout, Weishaupt vous donne trés- positivement les sciences pour mére de ’escia- vage ; comment concevoir aprés cela que les savans sont les plus libres, les plus indépen- dans des hommes? Pour éviter & Weishaupt ces absurdités , sachant trés-bien ailleurs que, suivant lui, il n’y a point d’hommes veéritable- ment éclairés, si ce n’est les sauvages ou ceux qui veulent nous ramener & V’état des sauvages ; je traduisis : « Peu de besoins, voild le premier » pas vers la liberté., C’est pour cela que les » sauvages sont au supréme degr¢ les plus éclai~ » rés des hommes, et peut~ttre aussi les seuls » libres ; » mais j’eus soin de citer le texte méme de Weishaupt: Darum sind wilde, und in hechsten grad aufgeklarte, vielleicht die ein- zige freye menschen. Je citai ces paroles, afin que chacun pit leur donner le’ sens qu’il juge- roit & propos. M. Griffith a cru mieux faire. Il a cité lui-méme cet autre texte, ot Weis- haupt nous donne trés-positivement les sciences pour mere de. lesclavage ; il ne lui en fait pas moins dire que les savans et les sauvages sont peut-étre les seuls hommes libres. Je ne réclame Point contre cette traduction ; elle rend mieux a Wy : (2) Je sens de la phrase prise séparément : la mienne est plus conforme & V’ensemble du discours. Je consens cependant que l’on mette cet errata: « Tome 3 de ses mém. page 22, ligne 11, » lisez : Peu de besoins, voild le premier pas » vers la liberté, C’est pour cela que les sau- » vages et les savans, ou les. hommes instruits » au supréme degre, sont peut-étre les seuls hommes » libres.» Mais je veux qu’on ajoute : Obser- vez la sottise et la contradiction. 4.° Le second reproche de M..Griffth , par qui j’entends ici lauteur méme de cet article , uisque c’est sur son compte qu'il s’imprime , Re second reproche de M. Griffith sur ma tra- duction est concu en ces termes : “ Le texte » de Weishaupt porte expressément, des for+ » mes actuclles et imparfaites de la société ci= » vile, nous avons d passer a des formes nou- » velles et mieux choisies. —Mais pour attri- » buer & Weishaupt le projet pervers de per- » pétuer l’Anarchie, l’Abbé rend infideHement » unfairly runders, ce passage, comme si le » sens de Weishaupt étoit que nous avons & » revenir & l’état sauvage. » Puis , en fai- sant semblant de pouvoir citer dans mon ou- vrage bien d’autres exemples d’infiddlité, le Journaliste ajoute: « sur Varticlke de la pro- 2 priété, ce sont encore des libertés semblables, 2 Mises en usage avec une ingénuité non moins » perfide. » On the topic of property, similar freedoms have been used with a not less treacherous ingenuity. Sur des reproches de cette nature, M. Griffith, écoutez ma réponse : vous donnez joliment aux autres vos défauts. —Malgré tout ce que vos accusations ont de calomnieux et de révoltant, ( #) je vols avois écrit comme om pourroit le faire aun Journaliste honnéte, qui peut se tromper, mais. qui, aprés de semblables. imputations, ke refusera pas au moins de mettre dans un des Numéros suivans la justification que je lai envoie. Vous m’avez refusé ce moyen de détruire vos odieuses imputations. Je yous pré- venois que dans tous. les cas mon intention m’étoit pas. de laisser Ie Public dans l’erreur ot votre Journal pourroit l’mduire , erreur trop dangereuse dans les. circonstances présentes. Je yous. offrois un rendez-vous , pour vous. montrer dans les. Ecrits originaux les preuves évidentes de vos. calomnies. Vous. avez refusé tous ces moyens de rendre justice & la vérité. Vous n’avez pas plus de droit d’étre ménagé, que vous ne ménagez un homme: qui certainement n’avoit. dang sen travail d’autre vue que |’in- térét publie , et- que certainement yous calom- niez ici contre toute évidence. . Tl vous plait de donner la résolution ot je vous disois étre, de désabuser le Public, pour. une menace risible de vous dénoncer comme- THuminé ;. vous avez ajouté- que j'¢tois bien maitre de vous faire ou ce reproche ou ce com- pliment.. ( Monthly review, June 1798, art. Correspondance. ) Eh bien-, Monsieur, vous étes bien le-mattre vous- méme, de prendre pour un. reproche ou pour un compliment, tout ce que je-vais dire de- yous ou de votre faiseur, mais sans. savoir si vous étes ou non dans les secrets de |’Hluminisme, au moins. est-il biew sQr qw’un veritable Illuminé ne pouveit pas montrer moins de bonne foi, que ne le fait Yauteur de V’article auquel j’ai 4 répondre. Loin de vouloir préter 2» Weishaupt une in- ay ( *f ) , tention qu'il n’ayoit pas, lersqu’il écrivoit ces paroles aus den staaten tretten wir in neue kli- ger Gewehlte, je les ai exactement traduites par celles-ci: de ces soci¢tés(civiles , de ces gou- vernemens ) nous passons @ des veux, a ur choix plus sage ; et comme cette phrase, ni en Allemand, ni en Francois, ne dit par elle- méme rien de précis, je me suis contenté d’a- vertir en note, que la phrase suivante exprimoit assez clairenment ce que c’est que ce choix. (Troisiéme vol. de ces Mém., page 126.) Le Traducteur Anglois a omis cette note, qui dans le fond n’étoit qu’un exces de précaution. (Pag. 131.) Mais Pettal mise comme. moi, qu’en résultoit- il autre chose qu’une attention particulitre & ne point préter 4 Weishaupt un sens contraire a la suite du texte? Est-ce ma faute, & moi, si tout ce qui précéde et tout ce qui suit, démontre évidemment que ce Sophiste veut nous ramener a )’état sauvage? Je ménagefois trop le Journaliste, ou plut6t je n’en ferois wun franc imbécille, si je disois qu'il a pu sy méprendre; car voici cette phrase avec. ce qui la préctde et ce qui la suit : La nature a » tird les hommes de Vetat sauvage et les a réu- » mis en sociétés civiles; de ces sociétés nous » passons d des veux, d un choix plus. sage. » De nouvelles associations s’offrent d ces veux »> et par elles nous revenons a [état dont nous 9 sommes sortis , Ron pour parcourir de nouveau » Lancien cercle 5 mais pour mieux jouir de notre » destinée, » Puisque le Journaliste refuse les rendez-vous que nous lui demandons, pour lui montrer le texte allemand, qu’il le lise ici ; qu'il le traduise ou le fasse traduire par qui bon lui semblera.; je le défie deyant tous les ( xij) interprétes, de prouver que j'ai le moins du monde altéré le passage : Die natur hat das menschengeschlecht aus der wildheit gerissen, und in staaten vereinigt ; aus den staaten tret- ten wir in neue kliger gewahlte, Zu unseren wiinschen nahen sich neue verbindungen und durck diese langen wir wieder dort an, wo wir aus= gegangen sind 3 aber nicht um dereinst den alten zirkul wieder zurtick zu machen, sondem um unsere weitere bestimmung ncher xu erfahren, » Je le demande hardiment : quel est l’esprit assez bouché, assez stupide, assez dépourvu de logique, pour ne pas voir ici, que cet état dont Weishaupt prétend que la natere nous a tirés , et auquel il veut qu’elle nous raméne Par Ses associations ( secrdtes) est Pétat sauvage ? Dvailleurs , Weishaupt ajoute quil va expliquer ce mystére ; comment Vexplique-t-il ? en consa- crant plus de quarante pages 4 nous prouver que f@ but de la nature dans les societes secretes , est de détruire jusqu’an nom de peuple, de prince, de nation, et de patrie. Il nous dit Positivement que c’est ld un de ses grands mys- teres. Le monstrueux sophiste ajoute que le péché ortginel, la chite des hommes, n'est pas autre chose que leur formation en sociétés civi- les, que la Redemption est notre rétablissement dans V’état antérieur 2 la société, C2est ainsi qu'il explique la doctrine méme de YEvangile ; est ainsi qu’il explique la Pierre brute , fendue , polie, des Franc-Magons ; et Yon viendra nous accuser de fraude, de tours d’adresse , d’une ingénuité perfide, lorsque nous dévoilons l’ab- surdité et la scélératesse de son Iluminisme ! M. Griffith, ou vous M. son Lieutenant, pre- mez pour vous ce qui vous appartient ; gardez ( xv ) la frande , les tours Wadresse , la perfidie,, et laissez-nous notre ingénuité. 5.° Qu’est-ce encore que tout le zéle du Jour naliste pour Weishaupe et pour Knigge, ces deux vrais prototypes de PIlluminisme? Pour les justifier , il me parle du Bheisme, et des opinions qu’ils one affecté de soutenir dans leurs productions faites pour le public; il joue le Frere dupe, en se retranchant sur le Socinien Bassedow , que Weishaupt fait lire & ses no- vices. Qu’est-ce que cela fait 2 un homme qui vous parle des opinions secrétes de Weishaupt, de Knigge, et qui vous les montre dans toute la doctrine de leurs mystdres conspirateurs ? A, un homme qui vous fait voir par les lettres méme de Weishaupt et de Knigge , aprés l'étude du Socinien Bassedow, ces deux athées don- nant a leurs adeptes et leur recommandant tou- tes les productions de Vathée Boulanger ,. de Vathée Robinet, de ’athée Helvétius:, de Pathée. Diderot, et tout cet athéisme venant méme plu-. tot que ne Vedt voalu Knigge, dévoiler les secrets de la secte? (Ecrits orig. tome 1, lett. de Spartacus 4 Caton; t. 2, lett, 2 de Philon au méme.J—Que sont encore pour la conspira- tion que je dévyoile toutes les inepties que le Journaliste copie des. Tluminés Alfemands., sur. les Jésuites ; toutes les terreurs Paniques qu'il affecte sur le retour du Catholicisme dans les pays Protestans ; comme si les Protestans et tous les Citoyens d'une religion quelconque: n’avoient pas chacun le. plus grand intérét & déjouer Vflluminisme? Si Yon veut donner le- change 4 l’Angleterre, comme les adeptes l’ont fait quelque temps & PAllemagne , Vartifice est usé, M. Griffith aura beau répéter Mirabeau et (Cw ) Bonneville, ou exalter comme eux les prétendues preuves de la Maconnerie Jésvitique , découvertes par V'Iluminé Lucien N:colai, nous sommes a por- tée de verifier ces grandes preuves. Nous prierons M. Griffith, de nous montrer le fameux Pelican découvert 4 Oxford, et sur-tout de nous dire com- ment ce Pélican se trouve remplace par I’epervier qui se remplume ; et comment Vepervier qui se rem- plume démontre les Jésuites caches deputslong-tems dans les Loges Angloises,et si l’onn’y prend garde, tous préts a en sortir pour faire un terrible ravage. Il voudra bien nous dire aussi, comment la dé- monstration devient évidente, quand on fait atten- tion que Christophe Wren, VArchitecte de S. Paul, étoit 4 Oxford, professeur dans un collége, et que le pélican et l’épervier furent trouvés dams un au- tre collége? Mais quand M. Griffith aura bien développé toutes ces grandes preuves de Nicolai , jai peur que les Anglois ne mettent V’inventeur et le panégyriste sur laméme ligne. (oy. le Monthly Review, Aottt +798, page 4Gv et 461 ; mais voyez aussi toutes ces inepties de Nicolai appré- ciges dans l’ouvrage, Allemand intitulé, Le voile leve sur la Magonnerie, pag. 318 et stite. Et que M. Griffith ne croie pas que tout soit dit, wand nous aurons haussé les épaules sur cette ‘able du Catholicisme et du Jésuitisme cachés dans Ja Franc-Magonnerie, Nous saurons, s'il le faut, produire de nouvelles preuves que toute cette fable n’a été inventée que pour distraire les Protestans de l’attention qu’ils font ou qu’ils doivent faire aux complotsde I’I!uminisme. Nous montrerons les Fréres archi-illuminés , Bruaner, Curé catholique, apostat de Tiefenbach, et l’apostat Nimis, le rai Chabor d’Allemagne, les adeptes Dorsch et Blau , Wreden, fameux illuminés de Mayence et ( 27 ) de Spire et de Bonne, méditant et combinant en- tre eux les moyens de donner 4 cette fable en Alle- magne, le nouveau cours que M. Griffith cherche 4 lui donner en Angleterre. Nous produirons la lettre de Vadepte Brunner d Nimis , découverte dans les papiers de Blau, et envoyée par les Officiers dela Justice 4 ?Evéque de Spire. M. Griffith sait bien des choses sur la Maconnerie et sur] Illuminisme ; il pourroit cependant ignorer l’objet de cette lettre. Il faut qu'il la connoisse : il en concevra mieux le réle qu'il joue, et les services qu'il rend 4 !’Ilu- minisme. La dépéche est datée du g Juin 1792, c’est-4-dire d’un tempsob la coalition des Princes sembloit me~ nacer le Jacobinisme d’une perte prochaine; elle nbus montre tous. ces adeptes fort occupés du plan de donner 4 l’Illuminisme une nouvelle forme pour lui donner aussi de nouvelles forces. Il s’agit dans ce plan de trouver un voile qui , cachant une gran- de machine, donne a ses instrumens la liberté d’agir sans étre vus, et d’atteindre l’objet dela secte, san étre soupgonnés de s’occuper d’Illuminisme. Le voile si propice au projet des Fréres, est une académie des scierices , composée de deux classes d’hommes ; les uns savans connus par leur zéle pour la Religion, et les autres profonds Iluminés. II doit y avoir aussi pour protecteurs des membres hono- raires ; et si Dalbert, ajoute ici l’adepte auteur du rojet, s? Dalbert arrive une fois au Gouvernement la de Suffragant il devient Electeur de Mayence,) c'est de tous les Princes le meilleur pour notre objet. Peut-étre lui dévoilerons-nous tout notre plan , et mettrons~-nous le centre de notre Académie dans Mayence. Pour éviter le soupgon des mysteres caches dans cette Académie, il sera bon que chacun de ses { aij ) membres porte sur la pottrine une médailleayant pour devise RELIGIONI ET SCIENTIS (a la Religion et aux Sciences. )—-Pour mieux cacher encore tout objet secret, il faudroit spécialement engager tous les savans Jésuites , parexemple Sattler, Sailer, Mustchelle , ee les auttes savans Religieux ortho-~ doxes ,tels que Gerbert et Schwartzueber. —Il fau- droit méme faire annoncer Vétablissement de notre Académie, non par un de nos adeptes , mais si on le pouvoit par un Jésuite, Avez-vous 1u cela, M. Griffith? Voyez & pré- sent ce qu’ajoute le Frére auteur du beau projet : « Si avec tout cela on crioit encore contre le Je'suz- » tisme cache et contre les progres du Catholi- » cisme, ce n’en seroit que mieux ; on n’en évite- » roit que mieux le soupson d’une association » secrete, on pourroit ,(observez ces paroles , M. » Griffith) om pourroit soi-méme aider d répandre » cette fausse alarme,» Voici encore le texte Alle- mand; traduisez-le vous-méme dans votre Journal; mais ajoutez-y aussi le texte, afin qu’on voie qui de nous deux est le fourbe, le arfide(le treacherous) » wurde uber heimlichen Jesuitism , oder uber » gasssére aufbreitung des Katholicism geschrien, »» desto besser ; dadurch wiirde aller verdaght einer 9 geheimen verbindung nur um so mehr heseitiget, 9 Man kennte sogar diesen blinden larm selbs~ » schlagen helfen, » —Quand vous aurez, Mon- sieur, bien médité sur ce plan des adeptes , dites- nous , je vous prie , ce que vous pouviez faire de mnieux pour le seconder que ce que vous faites, en rendant compte de l’ouvrage de M. Robison, du mien, et de la polissonnerie imprimée sous le titre de Premiere lettre d’un Franc-Magon a Pabbé Bar- ruel—Observez encore que ce plan des adeptes est de Juin 1792; et je me flatte au moins que ( avitj J vous ne renverrez pas vos lecteurs & Boettiger, pour leur faire croire que depuis 1790 il n’est plus ques~ tion d’Illuminisme en Allemagne, Je me flatte méme qu’en ce moment vous pensez intérieurement comme moi, que vous auriez mieux fait 1.° de ne rien dire sur ces ouvrages, ou d’en parler sur un ton plus vrai et plus honnéte ; 2.° d’ac- cepter invitation que je vous faisois de vous mon- trer les textes originaux ; 3.° de publier la lettre que je vous priois d’insérer dans votre Journal ° 4.° et sur-tout de ne pas prétendre que je vous avois menacé de vous dénoncer comme IIluminé. Car franchement, Monsieur, je n’ai nulle envie de prononcer si les Illuminés vous ont admis, vous ou votre faiseur & leur dernier secret. Vous commen- cez par avouer qu’il existe une conspiration des Sophistes contre |’Autel ; vous finissez par dire sur Jes Illuminés , que quelque extravagantes que puis- sent Etre les opinions de quelques-uns de leurs chefs, objet général des Loges confederdes semble étre le Socinianisme et le Républicanisme , plut6t que Pa- narchie.C’est ayouer au moins qu’il existe dans ces Loges une conspiration contre le Dieu de PEvan- gile et contre tous les trones des Souverains, C’est de plus abandonner la défense des adeptes , ou chefs ou fondateurs de cette confédération des Illuminés, Lorsque vous en venez A ces aveux, j’aurois au moins le droit de vous dire : il valoit bien la peine de m’imputer tant de mauvaise foi pour finir par confesser qu’aprés tout je pouvois trés-bien avoir raison en tout. Car enfin j’ai eu soin de distinguer les grades ; j’ai montré par le code méme des Illu- minés, comment ils se contentoient d’inspirer a la remiére classe la haine des Rois, et cette espéce a Socinianisme qui se rapproche si fort du vrai Déisme. C’étoit 18, ce me semble, avoir deja mor- C az) tré chez eux une conspiration qui mérite Vattéh- tion du Public. Lorsque je les accuse de tendre & Yabsolue anarchie , c’est aux chefs seulementet aux profonds adeptes que je montre ce secret réservé , quoiqu’aujourd’hui leur profond secret leur échap- pe jusques dans les chaires publiques. En général, Monsieur, ils font assez les aveux que vous faites: iis sont méme bien aises que l’on sache que Voltaire et ces hommes qu’on nous donne pour de grands philosophes, ont conspiré contre le Christianisme 5 que d’autres soi-disant philosophes des Loges cons- pirent contre les Rois. Cela peut faire croire au pei- ple qu’il n’aura pas grand tort en se livrant 4 ces conspirations. Mais il est moins aisé de rendre Plausibles des conspirations contre toute propriété et toute société civile ; c’est pour cela qu’en gé~ néral ils cachent avec bien plus de soin le dernier objet de leurs complots, se réservant toujours de décréditer les auteurs qui ne les dévoilent que pour en inspirer Phorreur. Est-ce illusion, Monsieur , est-ce quelque prédilection quinous montre a-peu- pres laméme marche, quand vous avez 4 rendre compte de l’ouvrage de M. Robison ou du mien ? Ne vous attendez pas 4 me voir prononcer. {l me soffit qu’on sache que je suis loin d’avoir exagéré Jes mysttres des Illuminés. Je laisse au Public le droit de juger si tel ou tel Journaliste est leur dupe ou leur complice. N. B. A Vappui des comptes rendus pour le Monthly Review, on m’annonee une réponse de Weishaupt méme. Pour celui-ci la mienne est’ toute préte. Je n’en ai point d’autre 4 lui donner qu’un rendez-vous 4 Munich , aux archives ol se trouvent ses lettres, Mais comme il ne sauroit y paroftre sans s’exposer 4 étre pendu ,il pourra nom- mer un procureur..Qu’il prouve que ces lettres sont (xx ) fausses ; que la Cour et les Magistrats de Bavitre en ontimposé 4l’Univers, en les rendant publiques, en jnvitant chacun 4 les vérifier sur les originaux 3 toute autre apologie de sa part seroit inutile ; et de Ta mienne toute réplique seroit superflue. La ré- ponse & toutes ses nouvelles, comme & toutes ses premitres apologies; est déja dans le code et Vhis- toire de son Illuminisme. Tout ce que j’ai a dire sur lui se réduit & ces mots: lisez et verifiex. Nore sur Montesquieu. Dans le second chapitre du second volume de ces Mémoires, sur le témoignage de M. l’Abbé le Pointe , j'ai cité une lettre attribuée 4 Montes- wieu dans un Journal Anglois, sans pouvoir alors dean Ja feuille ot elle se trouvoit. Je Vai enfin découverte dans VEvening gazette, feuille du 4 Abtit, année 1795.Le Journaliste assure que Mon- tesquieu l’avoit écrite peu d’années avant sa mort. Javoue que j’aurois désiré voir mentionner au moins la personne quil’avoit recue ou celle qui en a Voriginal.. Car une pareille lettre seroit de nature- A changer nos idées sur la modération de Montes- quieu. Elle nous montreroit en lui un des vrais Sophistes conjures ; et nous ne porterons jamais de cet Auteur un pareil jugement sans les preuves les mieux constatées. Mais il faut convenir que si cette lettre n’est pas de Montesquieu , elle est au moins. d’un adepte bien avancé dans les complots ; car_on, le voit tracer fidellement la conduite des Jacobins & Pégard des troupes nationales et .étrangéres , ainsi qu’a V’égard du projet d’arracher l'Irlande & Y Angleterre. CONSPIRATION CONSPIRATION | DES SOPHISTES DE LIMPIETE ET DE L’ANARCHIE: “PARTIE BISTORIQUE. DISCOURS PRELIMINAIRE, Objet et plan de l’ Ouvrage. Exsrante peu d’années avant la Révolution Frangoise, dans les conceptions d’un homme dont toute l’ambition sembloit ensévelie & Ingolstadt dans la poussitre des écoles , comment I'Illumi- nisme, en moins de quatre lustres, devint-il la redoutable Secte qui, sous le nom de Jacobins, compte aujourd’hui pour ses trophées tant d@Autels écroulés, tant de Sceptres brisés ou morcelés, tant de Constitutions renversées, tant de Nations domptées, tant de Potentats Tome IV, A 2 Discours PRELIMINAIRE. tombés.sous ses foignards ou ses poisons ou ses bourreaux, tant d’autres Potentats humiliés gous le joug d’une servitude appelée la paix , au d’une servitude plus flétrissante encore appelée alliance? Sous ce: méme nom de Jacobins , absorbant & la fois tous'les mystéres, tous les complots, toutes les sectes des conjurés impies, des Con- jurés séditieux , des Conjurés désorganisateurs 5 comment |’Iluminisme s’est-il fait cette puissance de la peur, qui, tenant l’univers consterné , ne permet plus. 2 un seul Roi de dire : demain ‘encore je serai Roi ; et pas 2 un seul peuple: demain j’aurai encore mes lois et ma religion; pas a un seul citoyen : demain encore et ma ortune et ma maison seront 4 moi; demain je ne me réveillerai pas entre arbre de da Liberté dun cété, et arbre de la mort, la dévarante guillotine de Vautre? Invisibles moteurs » comment les adeptes secrets du moderne Spartacus ont-ils seuls présidé & tous: les forfaits, & tous les désastres de ce fléau de brigandage et de férocité, appelé Révolution ? Comment président-ils encore & tous ceux que da Secte médite, pour consommer la désolation ‘et la dissolution des saciétés humaines ? En consacrant ces derniers Volumes 2 éclaircir ces questions , je ne me flatte pas de les résoudre toutes avec la précision et les détails des hommes gui auroient eu’ la faculté de suivre la Secte illuminde dans tous ses souterrains , sans perdre “un seul instant de vue les chefs ou les adeptes. ‘Le monstre a voyagé & travers les abymes; “les ténébres nous ont plus d’une fois dérobé sa Discours PRELIMINAIRE. 3 marche. Weishaupt prit pour embléme l’oiseay sinistre de la nuit, parce qu'il en savoit les avantages ; mais le hibou funtbre a aussi son chant lugubre , qui, pergant malgré lui dans les airs, indique son repaire; et malgré lui aussi Yodeur funeste du poison déctle les replis de Vinsecte rampant et venimeux, A travers les foréts, le sang trace la route des brigands jusque dans leur caverne; malgré les scélérats, le Dieu qui veille au-dessus d’eux se joue de leurs secrets; un rayon de lumitre qu’il sait diriger sur leur antre, suffit pour les trahir. Sans doute il est resté dans les ténabres bien des monstruo- sités ; en recueillant les traits qui me sont dé voilés , je n’en aurai pas moins assez pour signaler la Secte par-tout ot les forfaits annoncent sa fatale influence. Une noire vapeur couvre en vain le sommet des volcans; le soufre et‘le bitume qu’elle exhale suffit pour annoncer les feux souterrains, et l’éruption dira l’'abyme ob se travaillent les grandes convulsions. Ainsi, sans espérer de dévoiler toute cette suite de forfaits, qui rempliroient l'histoire de la Secte , tous ces noms mystérieux qui feroient connottre chacun de ses adeptes, en laissant aux téndbres et a Vincertitude ce qui ne peut encore leur étre arraché, en nous bornant 4 ce que des recherches exactes et sévéres ont pu manifester, il est possible d’en réunir assez pour tracer sa marche et ses progrés , depuis son origine jusques 4 ce congrés ob elle appelle en ce moment les Souverains vaincus , bien moins ur mettre un terme aux horreurs des com- ats que pour jouir des terreurs qu’elle inspire A2 4 Discours pRELIMINAIRES au dehars, et se. préparer au dedans des res-. sources pour de nouveaux triomphes ; bien moins pour .assurer aux peuples les débris de eurs lois et de leur religion, que pour aviser aux moyens de ne plus en laisser de vestiges. Jessayerai donc encore ici d’aider ’historien & ne pas s’égarer dans ce dédale, en y suivant les traces de la Secte. Nous avons assez vu ce que dans ses mysteres elle jure de faire contre toute. religion , toute société, toute propriété. Dans, Pétude 4 Présent de ce quelle a déja fait, dans la partie de ses complots qu’elle a _déja remplie ,. puissent les Souverains et les Peuples puiser une nouvelle ardeur et de nouveaux motifs, pour opposer tous leurs moyens, tout leur. cou- rage, & ce qui lui reste encore & faire! C’est pour: en triompher enfin et 4 tout prix, non pour dé- sespérer > qu iil faut étudier les fastes de la Secte. Je jette mes pinceaux , et j’attends tranquillement aussi ma dissolution, mais je gémis sur celle de la société, si je n’ai réveillé mes lecteurs sur: les dangers que pour les voir se replonger dans Papathie , sous prétexte qu'il n’est plus temps de résister et d’éviter le sort que la Secte pré- pare aux Nations, Non , soyez pour le bien aussi zélés qu’elle a su l’étre pour le. mal. Que l’on sache vouloirsauver les peuples ; que les peuples: eux-mémes sachent vouloir sauver leut religion , leurs lois et leur fortune , comme elle sait vouloir les détruire , et les moyens de salut ne manque- xont pas, C’est dans]’espoir seul-de contribuer au moins & leur recherche, que je consens encore & souiller ma mémoire et ma plume de ces noms de Weishaupt, @Illuminés, de Jacobins, et & fouiller encore leurs forfaits dans leurs annales. Discours PRELIMINAIRE.. 5 Vordre que je suivrai pour dévoiler les fastes de la Secte, est celui de ses époques les plus remarquables, La premitre sera celle de Weishaupt jetant les fondemens de son Illuminisme , formant autour de lui ses premiers adeptes , ses premitres Loges 5 essayant ses premiers apétres , et les disposant & de grandes conquétes, La seconde sera celle d’une fatale intrusion , qui valut a Weishaupt des milliers et des milliers @adeptes, et que j’appellerai Vépoque de la Franc-Magonnerie illuminisée. Bien peu d’années suffisent & ces conquétes souterraines ; la foudre des ciewx en avertit la terre; la Secte et ses conspirations sont décou- vertes en Bavitre ; e’est le temps qu’elle appelle de ses persécutions ; les Puissances dans V’illusion le prennent péur celui: de sa mort. Retirée dans ses antres, mais plus actives que jamais, de souterrains en seuterrains elle arrive dans ceux. de Philippe d’Orléans ; avec tous ses arritre- adeptes, il Iui donne toutes les Loges de sa Maconnerié Francoise. De cette monstrueuse association naissent avec les Jacobins tous les. forfaits et tous les désastres de la Révolutien.. Crest la quatritme époque de |Tluminisme ; e’est celle du lion qui sent ses forces arrivées ; il est sorti de sa caverne, il a rugi; il lui faut ses victimes. Les Jacebins Masons illuminés quittent leurs Loges souterraines ; leurs hurle- mens annoncent aux Puissances qu'il est temps jour elles de trembler,. que le jour des Révo- utions est arriyé. A cette époque enfin, la 3 6. Discours PRELIMINAIRE. Secte commence 1’exécution de ses complots:; celui-la seul sait & quel point la terre est con- damnée & les voir s’accomplir, qui permit aux Jacobins de naftre, comme il permet aux dé- mons de la peste d’infecter les Empires, jusqu’a ce que son calice épuisé lait vengé d’une génération d’impies. Je ne suis ni prophéte, ni enfant de prophéte, mais par tout ce que j’ai & dire des forfaits déja commis par la Secte, il ne sera que trop facile d’augurer ceux qui lui restent & commettre , ceux qu’elle commetra , si les legons que ceméme Dieu a voulu nous donner ne disent ni aux Princes, ni aux Peuples ce quils ont affaire eux-méme, pour mériter qu’il mette un terme a ce fiéau, ere en sine netannereseneenerereneareresnruneseesrerreee-] —— CHAPITRE PREMIER. Pramiire Epoque de I'Illuminisme, Deovrs bien des années, et sur-tout depuis que la Franc- Magonnerie avoit pris faveur en Europe, il s’étoit formé en Allemagne , parmi les él&ves des Universités Protestantes, une foule de petites sociétés secrétes, ayant chacune leurs Loges, leurs Vénérables, leurs Mysttres, & instar des Fréres Magons arrivés d’Ecosse .e& d’Angleterre, Tels, tous ces divers Ordres ap= pelés les uns de 2Harmonie , de \’Espérance ; les autres, Freres Constantistes, Freres noirs. Les contestations, les. désordres, les rixes de ces jeunes Fréres excitérent plus d’une fois Yattention des Magistrats ; l’autorité publique fit quelques efforts toujours foibles et par. consés quent toujours inutiles , pour la suppression de ces conventicules, On avoit pas assez refléchi que’ leur abus le plus dangereux et leur résultat le plus nui- sible n’étoit pas d’exciter ces contestations ou mémes ces petites batailles d’écoliers, mais Ak 8 ConsPIRATION DES SOPHISTES @inspirer & la jeunesse amour des retraites inaccessibles & Voeil du Magistrat, deces antres obscurs et ténébreux , dont les secrets se changent si facilement en mysttres d’impiété et en com- plots de rebellion. (*) Il seroit cependant mal aisé de prouyer qu’il se fit encore introduit dans ces petites coteries souterraines , des opinions ou des projets alar— mans, soit pour la Religion, soit pour V’Etat, Ul en étoit au contraire plusieurs dont les prin- cipes connus étoient en général conformes aux bonnes moeurs. Le reméde venoit sans doute ici de la méme source que le mal, c’est--dire de la constitution méme de ces Universités (*) Ces Loges d’écoliers n’étoient pas. inconnues en France aux Sophistes Macgons. Peu d’années avant la destruction des Jésuites , il s'éleva dans leur collége de Tulle une de ces petites Magonneries , dont les jeunes adeptes s’appeloient Chevaliers de la pure vérité. Les Jésuites ne furent pas long-temps & concevoit & quot tendoient cette vérité pure et ses conventicules. Avant que de tenter tout autie moyen , ils en ‘prirent un dont Je succés était 4 peu-prés sfr en France. Un des-Prow fesseurs se chargea de tourner en ridicule les petits Chevaliers; il fit une chanson ; des copies en furent distribuées secrétement & ceux qui_n’étoient pas de la Loge. Les petits Chevaliers’ ne pouvoient plus parottre sans entendre entonner quelques-uns des couplets les plus comiques ; équerres , compas, loge, tout dispartit. DE LIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 9 Protestantes qui, d’un cété, laisse aux écoliers le droit de se choisir leurs maftres dans chaque faculté , et de Vautre ne pourvoit pas assez aux intéréts du. Professeur honnéte, supérieur 2ux petites intrigues de la vanité ou de V’avarice. De 1a il arrivoit qu’un Maitre moins propre & Péducation, mais aussi moins délicat sur Jes moyens d’ajouter 4 sa réputation et 4 sa fortune, nayoit qu’’ se montrer zélé pour quelqu’un de ces petits Ordres, ou bien qu’A imventer lui- méme quelques maystéres plus: attrayans; les écoliers accouroient en foule & ses Loges , lui faisoient un parti parmi eux ; son école comptoit bientét autant d’éléves que ses Loges d’adeptes ; les contributions augmentoient autant que sa réputation. Mais aussi la crainte de ne passer bient6t que pour un corrupteur de la jeunesse, sil efit usé de ce moyen pour la pervertir , étoit un obstacle aux intentions méme qu'il efit pu en avoir. L’autorité d’aitleurs et l'in- fluence qui le suivoient de Pécole & la Loge, servoient de frein aux jeunes adeptes; et c’en étoit communément assez pour empécher les grands abus de prévaloir. (Mémoires d’un Mi- nistre protestant sur les Illuminés.) Le temps n’étoit pas encore arrivé, ob Von auroit des preuves’ du parti que de ‘grands conspirateurs sayent tirer de ces mystérieuses pépinitres. : Yo ConsrIraTION DES SOPHISTES - Lorsqu’en Allemagne le bruit se répandit dun nouvel ordre d’'Illuminés, établi par Weis- haupt dans l'Université ‘d’Ingolstadt , bien des personnes crurent que ce n’étoit la aussi qu’une de ces petites Franc - Magonneries de college , dont tout objet cessoit pour les adeptes, dés quils avoient fini leur cours d’études. On ima- gina méme que par cette institution Weishaupt, dés - lors grand ennemi des Jésuites, n’avoit - cherché qu’a se faire un parti contre ceux de ces Religieux, qui, aprés l’abolition de leur Compagnie , avoient été maintenus 4 Ingolstadt dans leurs fonctions d’Instituteurs publics. ( Jéid.) Les Iluminés n’ont pas manqué d’acréditer avec succés cette opinion, dans une circonstance dont nous verrons un jour leur sort dépendre en Allemagne. Quand la nature de leur code et de leurs mysttres ne démontreroit pas dans leur auteur des intentions et des projets d’une im- portance toute autre pour les Gouvernemens, dés la naissance méme de la Secte, tout dans ses archives porte & l’éyidence la ‘résolution 5 les moyens d’étendre ses complots, et de ne leur donner d’autres limites que celles des Empires. : - Ce fut le premier Mai, année 1776, que Weishaupt jeta les fondemens de son Llumi- nisme. La liste des adeptes trouyée dans leurs DE VIMPIETE EF DE L’ANARCHIE. 11 archives, montre son nom inscrit en ce jour en téte de tous les autres. En ce méme jour on y trouve installés Aréopagites Ajax-Massen- hausen et Tibére-Merz.( Ecrits orig. sect. 4. ) Hest vrai qu’il choisit ces deux premiers adeptes parmi ses éléves étudians en Droit & )’Univer- sité d’Ingolstadt ; mais dans le cours ordinaire des études son école se composoit de jeunes gens de dix -huit & vingt ans; c’est l’age ot les passions se prétent le plus facilement aux so- phismes de Ia séduction. Weishaupt sentit trop ‘bien qu’il pouvoit en faire celni de ses apdtres 5 et les envoyer faire dans leur mission sous sa conduite ce qu’il faisoit lui-méme dans Ingolstadt. Des la premitre année de son Illuminisme , dans son atroce impiété, singeant le Dieu du Chris- tianisme, il congut en ces termes les ordres qu'il donnoit & Massenhausen de répandre son nouvel évangile : « Jesus-Christ n’a-il pas » envoyé ses Apétres précher dans l’univers ? » Vous qui étes mon Pierre, pourquoi vous » laisserois-je oisif et tranquille chez vous ? » Allez donc et préchez, Hat doch Christus » auch seine apostel in die welt geschickt ; und » warum sollte ich meinen Petrus zu hause lassen? » Ite et predicate. » (Ecrits orig. lett. d Ajax, 19 Sept. 1776. ) Le moderne Céphas n’avoit pas méme attenda 12 CoNSPIRATION DES SOPHISTES ces ordres de son mattre, pour lui donner des preuves de son zéle. Dans la premiére ferveur de son enthousiasme et'dés le premier mois de son installation , il avoit déja fait le réle de Frere Insinuant auprés de Xavier Zwack (*). Nous le verrons bientét supplanté par cet éléve , mais cette conquéte lui fit pardonner bien des fautes. Sous le nom de Caton, Xavier Zwack passa sous la direction de Weishaupt mame, et devint l’adepte favori ; il ravit en quelque sorte & son Insinuant lhonneur d’avoir fondé les Loges de Munich. Par ce nouvel apétre la Secte fit dans cette’ ville des progrés que Weishaupt nous peint en ces termes, dans la lettre adressée & Tibére-Merz, le 13 Mars 1778 : - @ Jai un plaisir extreme. & vous apprendre » les heureux progrés de mon Ordre, sachant _ C*) Dans le troisitme volume de ces Mémoires , on lit a la note de ta page 11, que trés-certainement Zwack ne vint que dix mois aprés les deux premiers adeptes ; au lieu de dix, lisez vingt-mois , paree que jentendois par-la son arrivée au grade d’Aréopegite , qui n'eft liew que le 22 Février 1778. ( Ecriss origin. t.1, sect. IV.) Mais il avoit déja été insinud le 29 Mai 1776, suivant Jes tablettes tracées par Ajax. Au reste, il est entre ces tablettes et la liste de la section IV une différence qui sera expliquée , lorsque nous en: serons au Chapitre des premiers adeptes. DE LIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 13 » tres-bien la part que vous :y prenez, et la » promesse que vous m’avez faite d’y contribuer » de tous ves moyens ; écoutez donc. — Sous » peu de jours me voila en état d’établir deux » loges & Munich. La premitre est composte » de Caton et d’Hertel, 2 quij’ai donné le nom » de Marius, et de Massenhausen que nous #nommons Ajaz.. Ceux-la recgoivent directement » de moi leurs instructions. Vous serez aussi » membre de leur. conseil,, quand vous vous » trouverez 4 Munich. II m’a fallu arréter Ajax, » quoiqu’il pit m’étre bien utile; car il est le » premier qui ait eu, connoissance de la chose 5 » et cest lui aussi qui m’a enrdlé Caton. Sila » chose étoit & faire, je ne le prendreis plus ; 2 mais je lui ai-si bien rogné les ongles, quik > ne peut plus me jouer les tours de ses intri- » gues. Je ne lui laisse pas un sou de notre » Caisse entre les mains. Je |’ai confi¢e 4 Marius. 2» — Caton est: 4 Munich, la-cheville ouvriére , » Vhomme qui conduit tout. €’est pour cela.que » désormais il: faut que vous soyez en cornes« »» pondance avec lui. C’est.dans cette Loge que » se régle tout ce qui tient 4 la direction générale » de POrdre.; mais tout me doit étre envoys » pour l’approbation, »» » Au second collége (ou -bien A la seconde » Loge de Munich ) appartiennent -les Fraree 1h CONSPIRATION DES SOPHISTES » ci-dessus, et de plus, Berger sous le nom de- » Cornelius Scipion , et un certain Troponero » que nous nommons Coriolan,: homme excel- » lent pour nous, 4gé de quarante ans, long- » temps dans le commerce 4 Hambourg, trés- » fort sur les finances dont .il tient aujourd’hui » école 4 Munich, » » Aceux-la yont se joindre. bientot Bader et » Werstenrieder , l’un et l’autre encore profes-. » seurs dans la méme ville. Cette. Loge s’occupe » des affaires locales ,'de ce qui peut nous étre » utile ou nous nuire.2 Munich. Claudius » cousin de Caton, et le jeune Sauer apprenti » marchand , sont au Noviciat. Beieramer ap- » pelé Zoroastre , et recu depuis peu de jours , va faire son essai Landshut, o& nous l’en- » voyons sonder le terrain. Michel, sous le » nom de Timon et Hoheneicher vont attaquer » Freysingue. » » Vous connoftrez fort peu de-ceux d’Ei- » chstadt. Il suffit de vous dire que 1a nous » avons pour Directeur, le Conseiller Lang » nommé Tamerlan, Déja son zele nous a valu » Odin, le Tasse, Osiris, Lucullus, Sesostris , i» Moise, Ne sont-ce pas ld d’assex bons progrés? » Nous avons aussi & Munich, notre propre » Libraire. Nous y faisons imprimer, & nos frais, w Alphonse de Vargas , sur les stratagémes et les DE VImpriTé ET pe VANARCHIE. 15 » sophismes des Jésuites (*), yous en aurez » bientOt un exemplaire. Si vous envoyez & » Caton une contribution en argent, comme » vous me J’avez offerte, vous nous ferez plai- » sir ;il vous en fera passer la reconnoissance. » « Oh! si par votre zele et vos dispositions » nous pouyions faire aussi quelque chose en » Souabe, cela nous donneroit une bonne » avance. Je vous conjure, mettez donc la » main & l’ceuvre. Dans cing ans, vous serez » ¢tonné de ce que nous aurons fait, Caton est incomparable. Voila le plus difficile sure » monté, Vous allez nous voir faire des pas de » géant. Oh! mettez-vous y donc aussi. Vous 3 (*) Ce prétendu Alphonse de Vargas , dont Weishaupt ressuscite les invectives contre les Jésuites , est précisé- ment ce Gaspar Sciopplus , bien moins fameux par son éradition que par la grossiéreté de ses diatribes contre quiconque osoit n’étre pas de son avis , et sur-tout contre Scaliger , contre Jacques I." Roi d’Angleterre , qui lui fit répondre en Espagne par une volée de coups de baton. C'est ce méme homme qui sut si bien punir et Casaubon et Duplessis Mornai, ses meilleurs amis , Wavoir osé le contredire sur quelque point d’érudition. Cest enfin ce méme homme appelé par les uns ‘Attila , par les autres le Cerbére, et par d'autres enfin le Bourreau de la littérature. ( Voyez les Dictionnaires de Moreri et de Feller. ) 36 CoNSPIKATION DES SoPHIsTEs attendriex en vain une meilleure occasion d’ac= » quérir de la puissance. Vous avez toutes les » connoissances et toute Vhabileté -qu’il. nous faut pour cela. Ne pas batir dans cet Elysée, quand on le peut, quand on en a V’occasion , cest un double crime. II s’en est trouvé tant » d'autres 4 Eischstadt ; votre patrie ne pourroit- » elle pas aussi devenir un ‘autre Eichstadt. » —(Quant 4 moi, les services que je peux » rendre ici sont bien peu de chose. Répondez au plutét , faites de cette lettre extrait ordi- » naire, et renyoyez-la moi, etc. » L’objet de toutes ces confiderices sur les pro= grés de l'Tiluminisme , étoit bien moins de satis- faire’ la curiosité de l’adepte 4 qui elles s’adres~ soient, que de l’engager 4 imiter lé zéle de ce Caton et Tamerlan, Enréleurs si actifs de la Secte , Pun & Munich, et l’autre & Eichstadt. Tout en reconnoissant que Tibére ne lui avoit pas été inutile, Weishaupt ne se trouvoit que médiocrement payé de Yhonneur qu’il croyoit lui avoir fait, en le créant tout - 2 - la-foisson second Aréopagite et son second. Apétre. Il voyoit avec peine, suivant son expression , que ce second. Apétre n’edt encore dans |’Ordre nz enfant, ni neveu, c’est-a-dire qu’il-n’eft encore fondé aucune Loge et pas méme-enrélé un seul Novice. (Let. 3 d Caton. ) Il Vextiortoit en vain, il » ” ” DE LEmpiété ET DE L’ANARCHTS. 17 Tile faisoit exhorter par Caton, pour échauffer son zéle; plus adonné a ses.plaisirs que jaloux de sa mission , Apotre restoit ‘froid ; il n’en fut pas de méme aprts ces confidences. Weishaupt Tes finissoit par la commission , de chercher un homme adroit que V’on.pit envoyer en Souabe établic une colonie de ordre. Piqué d’émula- tion, Tibre se chargea lui- méme de la com= mission ; il la fit si bien, que peu de temps aprés les annales de la Secte le montrent en Souabe , 4 Ravensbourg , dirigeant cette nouvelle colonie , et remplissant parfaitement.les fonctions de son Apostolat, ( Ecrits origina. t.1 5 let. d Ca- ton, des 25 Aottt ct 2 Sept. méme année.) Tl y eut dans le zéle de ce Tibére, comme dans celui d’Ajax- Massenhausen, bien des va- riations. Celui-ci avoit déja volé ta caisse de ’Or- dre, et Weishaupt se plaignoit qu'il lui avoit fait en argent et:en hommes ua dommage que trois années ne suffiroient pas a réparer..( Ecrits orig. Jet. 3 & Caton.:).Quant & Tibére’, il ‘profita si bien dans la suite des legons d’impiété qu'il recevoit et qu'il donnoit dans.YOrdre , que la . .publicité de ses scandales s’accordant fort peu avec V’hypocrisie dont Weishaupt avoit besoin pour accréditer son Illuminisme ,: nous ‘le ver= rons um jour effacé de ‘la liste. Cette erreur dans le choix des preiniers: apétres n’empécha point: Tome 1¥, B 1§ CONSPIRATION DES SOPHISTES la. Secte. de. leur;.devoir ses deux colonies. dé Munich.et.de Rayensbourg,, lune appelée dzhe- aes et Vautre.Spatte, dans la géographie des Hluminds,. Quant..4: celle d’Zichstad, appelée. Erzerum y elle eut pour fondateur Weishaupt lui+ méme.: IL, profit -des: preutitre vacances que lui dbnnoient ses fonctions bubliques , pour se trans~ poxter dans cette ville; et ls consacrant & son apostolat tout le temps que les instituteurs de la, jeunesse destinent conimunément , & se: reposer de leurs travaux annuels , scrutateur.assidu, il ge mit & observer parmi les citoyens de tout rang, de tout 4ge , cenx dans l’esprit desquels il ponvoit espérer, de, ginsinuer, Lk , d’abord ik jeta les yeux . sur un, des. principaux Magistrats, nominé Leng. Sa cdnquéte lui cofita pen de jours ; ik en fit cet.adepte appelé .Tamerlan , dont nous l’ayons yvis-exalter: le: zt}e et les succés ‘dans sa lettre & Tibtre.. Suiyant ¢et .artifice: dont ib fit une loi: dans. son code,, 3k exerga son role de Frére Insi-. nnant, sut-tout, pres de ces:homimes:qui ,. jouis- ~ sant .d’une certaine consideration et plus habi- tarellement. résidant..ay milien: de leurs .conci~ toyens , peuvent aussi plus: efficacemént influer sux Yopinion.publique. La ,il chercha aussi 4 faire entrer dans ses complots le Chapitre méme de cette wild, Car. c’est ‘dela. qu'il écrivoit : « Je crois ».méme pouvoir en enrdler deux autres, qui DE.VIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 19 » plus est , deux Chanoinés, Si je réussis dans m mes vues sur les Chapitres , c’est alors que m» nous aurons fait un grand pas. » Let. 3 @ Ajax.) Il ne paroft point dans ses lettres que ces Chahoines aient donné dans le pidge, mais on voit Weishaupt s’en dédommager par bien d’au- tres conquétes, C’est d’abord un certain Schleich, gui lui platt infiniment, et qui commence par enrichir la bibliothtque de l’Ordre de ce qui, dans la sienne , semble le plus précieux 4 Weis- haupt. C’est ensuite un certain Lucullus, qui, % peine novice , commence & jouer le réle de Frére © Insinuant auprés du Baron d’£ckert, par ordre de Weishaupt, qui jugeoit la prise excedlente. Ce sont des jeunes gens qu’il engage & venir terminer Jeurs émdes auprés de lui, pour terminer leur édu- cation illuminée. En un mot, dans ’intervalle de quelques mois qu’il passa dans cette colo- nie , il étoit si content’ de ses succts qu’il écrivoit 2% Massenhausen : « J’ai certainement , dans ces » vacances, fait bien plus 4 moi seul que tous » yous autres ensemble.» ( du méme, bet. 4. ) Lorsque ses fonctions le rappellérent & son école publique’, la Loge qu’il laissoit & Eichstade étoit si bien instruite , qu’elle devint bieatét le modéle des autres. Aussi dans’ la suite le voit-on conserver ‘pour elle une prédilection spéciale, et la proposer bien des fois pour exemple aux Ba 20 , CONSPIRATION DES. SOPHISTES adeptes qui se relachent, Elle. est aussi celle qu’il avoit abusée le plus grossiérement sur V’origine de la Secte., et dont on le voit se jouer le plus fran- chement dans ses confidences 4 Xavier: Zwack , lorsqu’il lui écrit :, « Le plus grand de nos mys- » teres doit étre la nouveauté de Ordre. Moins » nous aurons de gens qui la connoissent, mieux »-nos affaires iront.- Jusqu’ici, vous et Merz, » étes les seuls & le savoir ; et je n’ai, pas envie »_ de le dire de long-temps 4 personne autre. De x» nos gens d’Eichstadt il n’en est pas un seul qui 2 le sache , et qui ne jure et la vie et la mort que » notre Ordre est plus vieux que Mathusalem, » (Idem. let. 2. & Philip. Strozzi.) De retour & Ingolstadt, Weishaupt ne cher- cha plus qu’ combiner ses fonctions publiques d’interpréte des lois , avec celle d’instituteur secret d’iine société destinée & renverser toutes les lois. I remplit les premigres avec une assi- duité , avec une apparence de zdle si imposante , qu'il fat élu Recteur de l'Université, Ce surcroft de devoirs publics ne fut pour lui qu’un surcrott @hypocrisie. Cette méme année, loin de perdre de yue ses complots, il établit une école secréte, aut, se dédommageant des lecons qu’il se voyoit forcé de donner en public, il sut se préparer dans une nouvelle esptce d’éléves d’abondantes ressources pour la propagation de son Ilumi- DE VIMPrETE ET DE L’ANARCHIE, 21 nisnie. Professeur et Recteur“de l'Université, il profita de ce double titre pour inspirer la con- fiance aux parens de ses écoliers. II fit de sa mai- son un de ces pensionnats, ob les jeunes gens, plus habituellement sous les yeux de leurs mai- tres, sont aussi sensés plus spécialement & l’abri des dangers de leur age. L’intention de ce mons- trueux pédagogue , offrant,, sous ce prétéxte, sa table et sa maison aux éléves de l'Université ingolstadt , se mamifeste dans plusieurs de ‘ses lettres, Il sollicitoit les’ peres et les meres de lui confier leurs enfans’; et c’est en sé félicitant' d’a- voir obtenu ce précieux dépét; c’est, par exem- ple; en écrivant 4 ses adeptes qu'il auroit 4 sa table le jeune Baron de 5. chroeckenberg et le jeune Hoheneicher quPajoutoif: 2 faudra bien aussi que ces- géns-ld mordent a' Phamegon qui ler sera jett.Cest apres avoir vu combien cette ecole i in- tériewire Ini fournissoit def moyens de sédiicti quil éérivoit ¥ L’annde prochaine aussi je pren chex moides pensionnidires , ‘et cela toyjour's. pout aotre grand objet.(Let.1 & Ajax; 20 4 Caton, t.1.) Sil arrivoit qu’il ne pat obtenir dés parens quel- ques-uns des éléves sur qui il avoit jeté les yeux 5 quelques-uns de ceux-la plus spécialement’ qu'il tenoit déja dans ses filets et qi’il craignoit de voir lai ‘échapper., il avoit autour de lui des mai- sons de confiance ot: il les attiroit , pour ne point B3 a2 CONSPIRATION DES SOPHISTES.- ~ les perdre de vue. C’est ainsi qu'il écrivoit.4. son Ajax: “ Je ne vois plus pour vous, dans mon » voisinage » d’autre logis que chez ma mére. » Je serois enchanté que celui-la pat yous conve- » nix; et-cela, d’autant plus que vous obtien- driez aisément d’elle. la clef de la maison. Je ne vous force pas d’y venir, si vous trouvez quel- * que chose de mieux ; mais ce quil y quroit ‘» ict de bon, c'est quepaurois souvent yn prétexte » Galler dans votre chambre , et que Iq nous poyr- » rions nous entretenvr, plus aisément encore que chez moi, sans que personne en stt riqn, .. Notre » nud en seroit plas secret. » ( Let. 5 & Ajax. ) Qu’on ne s’étonne pas de ‘me voir. entrer dans ces détails ; ils sont cenx d’yne Secte naissante , de ‘Weishgupt formant .aytour:.de lui ses premiers élaves, .Vous pourriez mépriser ses moyens ; ilen sait Vimportance. Jl vous. semble n’agir.aue dans le cercle étroit, de: ses foyers 3 laissez. faixe lalouve au fond des bois ; ses: louyeteaus ¢rotr front, et pour tribut ils i apporteront. bientOt les débris des victimes quelle les forme 4 dévorer, A peine y avoit-il deux ans que Weishaypt.can- sacroit 4 son Hluminisme cette école secrite., et “deja ses dlives, dignes de ses projets, alloignt propager. les complots dans d’autres souterrains, Pour juger Vimportance des moyens par celle des succés, tenons-nous-enencore & lui-méme., et DE VIMPIETE RT DE L’ANARCHIE. 23 meéditons tat ae -en rapporte dans la lettre guivante: ew se « Désormais , ” berit: il a 508 deux grands Arégo- » pagites ,- Caton et Marius’, . désormais’ vous » aurez & prendye 'na autre ton.avec Timon et vw» Hoheneicher. Je leur airévélé le secret ; je-me » suis dévoilé & eux comme auteur de notre » Osdre , et je Vai fait pour bien: des raisang, » -3.° Peres quitl:fant qu’ils devtennent cure » mémes fondeteursd'une-nouvele colonic d Frey * » singse , leurpatrie , et quails. ont -besoin pour » cela de lecons spéciales, qu'il eft été trop » long de-leur-doarier.: pat lettres, sur l’en- » semble de notre systéme et sur natie mar x Che. - Pendant qn’ ils sont encore jci auprés de » moi, je- ae ‘du’ temps peur Jes former & pyteutemcr ces rit ase "Patpe-qu'en: attendant, id fandra quis » ee Boren d’E — et quelques autres wedtudiansa- nth 3°. Parge: que: H—( assez évidemment cé »-méme: Hahehetsher:: qu'il vient de inommer, 2. celui; précisément:'dant il disoit, en l’emme- »-mant-dans'sop pensionnat : il faudra bien gu*il »- horde a-Bhismegan) parce que Hoheneicher con- ss "moissait trop bien: ma maniére de penser et d’é& sere y pour'n’avairpas, tot-ou tard, deviné » que.tout epi tdi mon ouviage. » - B 4 24 CoNSPIRATION DES SOPHISTES 4.° Parce que , dé fous mas pensionnaires de »» Pannée derniére , il étoit le seul qui welt; pas » connoissance-de la chose.» - . ' ° «5% Parce. qu'il s’est offert-de* contribuer % notre bibliotht¢que secréte de Munich, et qu'il sx: nous livrera spécialement-divers objets trés-im= » pertans de celie de Chapisre de‘ Freysingue, » « Enfin , parce qu’aprés trois niois d’instruction »- que j’ai encore & leur: donner;, ils seront Pua wet l'autre en état de nous rendre de grands » services.» ( Ecrits orig. t. vy let. B @ Caton et d Mar.) ' De cette-lettre,: il suit évidemuicht | ° que de tous les jeunes pensionnaires dppelés 4 la:table -de Weishaupt:,.dés la: prenvidre-ann&e .dé” sa conspiration,, pas:un sen] n’avoit:¢chappé 4 bes piéges ; 2.° qu’ils étoient non -seulement::tous initiés & ses secrets, mais méme. gux plus profonds de ses mystéres ; car celui qu’i-leur:dévoile ici; en se donnant & eux pour fondatenr::de ‘son Hluminisme., est précisément le. dernieriet le plus profond des secrets qua son: code réserve:&.5e8 adeptes ; (Ve troisidnre valume de ces. Mémoires, chap. des grands mysteres.’) 3.° Qu’avant méme @’avoir donné sks dernitres legons & Ses. pension« naires, il. se sert d’enx pour enrdéler 4 ses com: plots , ceux: des. autres -élaves ‘de. l'Université qu’il ne peut attirer & sa.table ;.4.° que le mo DE LIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 25 ment ei. Weishaupt rend 2% leurs parens les éléves, dont il a fait ses commensaux y le mo- ment oi ils quittent son école publique , comme ayant terminé leurs tudes des lois de leur pa- trie, est précisément celui ot ‘i les renvoie dans leur patrie ,- munis de tous les principes’, ‘de tous les artifices de 1a conspiration’ contre ces mémes lois , contre celles de tonte ‘société, de toute religion , de toute propricté, 5:° Ce n'est point un larcin indifférent que celui auquel s‘engage ici le jeune Hoheneicher , promettaut d’enlever'& la bibliothéque d’un Chapitre , ces objets impor= tans" qui entreront dans celle de la Secte: C’est le fruit des lecons de son maitre, et’ de-ce'grand principe que nous avons trouvé dans detaorale de Weishaupt que le: larcin utile ne satitoit étre um crime , ow qu'il faut se setvir, ponfarriver au bien’y des‘ moyens ‘que les méchans ‘@hploient pour .arriver-an mal, :C’est ce tide priscipe qti aujourd'hui dévaste les:bibliothtques du Clage, qui'demain:envahira sesidomaines , qui’ ‘pientét sous Je: méme prétexte d’utilité et de’ nécessité pour la révolution mdditée} atnenera les grandes spoliations. des iiobles et ‘des riehies’,--du edn mergant , du jaboureor, dé: Parca’, eb he laissera plus aux différentes ‘classe’ des’ eftoyéns Vespoir, de. consérver “les: plus ~légers’'débtis. de lems; proprietés. Quand-:\’Historien.-atrivera’ at 2G Consprratioy pES SopHistes temps de ces grandes spoliations révolutionnaires, quil remonte 4 la source.. Elle: est dans cette école, ob se forment. les voleurs -pat: Principe. Sous Je nom d’Ilymings » Cest de que Weis- haupt, commence & disperser.dans le. monde - ses adeptes brigands , ses apdtres valeurs; Bientét ous les yerrons, se, wanfer euxmémes. d'autres Spoliatigns ; les legong de V’égole -seerdte s’étenr dront., Jes grands blasphémateure dé. toute -pror priéte , comme cenx de tout gouvernement -et:de fonte -religion , Feconnoltront, -leus maltre dans cette,méme cole, . 1 Les; deux -nouyeater~ Apiitres. que: Weishaupe formoit ayeo tant-.de--soin- dans: le secret. de. sk Redagea® »-recurent-Jeux mission ; et la ville'de Fiocypingue devint, sons le’ nom de; EAdbes., la gpatieme colonie.de. la: Sedtacy Vers emiméme Jempk,das-adeptes d¢ Munich: se: mactptroient ‘si ardengsppur la propagation es mystties, que Weiskpupt caleylant -lehrs, sncedsiet:des-aiegs , hésiminas 2 leur desize+ “ Si-raus ‘cantinings » avec Je.mome- gle» sous-pee datemps nous Psekeus- Jhatines de tosite: Dotre patie}: cestaee Difdise yde toute’ la-Bavitre. 2’ Mend sie-sa: fort fahren wie ecg einiger weit, so pehert in kerger gait, unser nateslabd -ums. (Hcrite-orig. ty 25 Tet, 36,44 Nowy ¥778.;)- Iksfemfallait-bien que sés wes :Se@:-hernassent.&' cdt: Electorat.. - Rieptds: il DE LIMPIETK ET NB VARABCRE. 27 écrivit & ses Aréopagites qu’ils eussent 4 chercher parmi les étrangers qu’yls avoient 4 Munich, des hommes que l’on pit instruire , et envoyer planter aussi des colanjes 4 dugsbourg 3, Ratisy Bonne y Saltzbourg, et Landshug, e¢ dans lg Franconie. (Id. let. 39.) Lorsqu’il fajspit cette demande, il gvoit déja ses missionnaires partig pour le Tirol et VJgafie..(.Id_let..33,) Le rdle, ou pour miexx dire, la multiplicité., la variété des soles qu'il} ‘pyait dans Ingolstadt pour ajonter & ces succés, n’est pgs, facile & congevoir , elle n’en est pas mains réelle, Il nons gn donne qu moins une idée.légdre., lorsque sg prapasant pour modéle & l’adepte Caton, “ Faites comme moi, » lui écyit-il; éloignez- vous des compagnies » nombrenses —r, mais. ne pensez pas ryster-oisif » si-yaus voulez avgir quelque in{hyence, sur ce » monde. Attendez seulement; Vhenre vient , » glle ayzivera bientOs , ob yous aurex. hequcoup x» a faire, Souvepez+ yous de ca Sdjan.,. qui pres ay noatsi bien Vair-d’up femme déscryvré , et qué x faisoit tant de ghases en semblgrt pe rian fairey » Erge. autem Sejanus qtiogo. simillimys.y nihil ».,2gendo. multe ageasen ( Let. & Zaygck,-) Jamais conspixgteur n'avojt-dgnng plus fidellomens je pré~ cepte et laxemple,:,... Trequille en, appayence dans Tngptstadt , et bien mieux. que Séjan pgr son oisiveté , cachant 28 “ CONSPIRATION DES SOPHISTES - ses conspirations par les fonctions mémes dont il sembloit tout occupé , Weishaupt ne se faisoit distinguer en public que ‘par l’assiduité 4 ses devoirs, la plus incompatible en apparence avec ses complots. Ces mémes lois divines et humaines qu'il avoit juré d’anéantir , il les expliquoit ‘avec un étalage de ztle et d’érudition , qui auroit fait penser que‘leur amour et Jeur étude absor- boient et son temps et ses falens, Si nous vou- lons Ven croire, de long-temps |’Univetsité d’In- golstadt n’avoit en un professeur mieux ‘fait pour ajouter 4 la réputation de'son école.: Mais c’étoit peu pour lui-de se dédommager dans le secret de ‘ses foyers , des legons “qu’il étoit‘réduit-& donner en public. Aux ‘fonctions de professeur en roit , c’étoit peu d’ajoitter' célles d’un pédagogue Secret’ de tonte impiété”et dé toute anarchie ;' le professeuir public , le secret pédagogue n’oublioit pas quil-étoit fondatent ; qu’il devoit ‘atte aussi législateurs; qu’en cette qualité il avoit & donnet & sa Secte un code dotit ‘les: lois ‘souterraines le missent “état d’anéantir et “toutes celles qui existorent;; ef tous les ‘Empires qui subsistoient par elles; Ge*code étoir biéti loi encore “dé Vinfernale perfection qu'il’ vevloit tui donner , lorsqu’il initia ses premiers adeptes; ‘et: peutétre méme, si‘l’on véut s’en ‘tenir’ aux’ regles dune prudence: ‘ordinaire’, ‘c’étoit- ‘une. faute “dans DE VIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 29 Weishaupt, que cette ardeur prématurée de fon- der sa Société , d’envoyer ses Apétres lui faire des disciples de cété et d’autre, avant d’avoir fixé les lois qui devoient les régir. Mais cet empres- sement ne fut dans lui ni défaut de prévoyance, ni excés de confiance. Il savoit qu’il auroit besoin et des années et de I'expérience , pour fixer cet ensemble de grades et d’épreuves qu'il destinoit & ses aspirans , pour composer tous ces oracles du sophisme et de l’impiété , & prononcer par ses hiérophantes , pour mettre en ordre ce chaos d’artifices qui devoient servir de régle & ses époptes, & ses. adeptes régens ou directeurs, ou aréopagites. Mais il ne vouloit pas que les années fussent perdues en simples projets. Pour ses essais mémes, il vouloit des triomphes qui lui assu- rassent de plus grandes conquétes, lorsque le jour qu’il prévoyoit seroit venu. Jamais il ne douta qu’il n’arrivat ce jour, ob il auroit donné -& son code toute cette perfection qui n’existoit encore que dans ses conceptions. I] éteit sir de lui-méme ; et il vouloit au temps gu’il prévoyoit, trouver déja tout préts de nombreux. Apétres disposés d’avance a recevoir son nouvel Evan- gile , ou assez avancés pour n’avoir plus besoin que de ses dernitres legons, lorsqu’il faudroit le faire receyoir dans les antres de leurs diverses colonies, 30 CoNsPIRATION DES SOPHISTES C’étoient 14 ses’ ptojets; et sa confiance étoit trop bien foridée sur la certitude de son génie pour le mat’, lorsqu’il écrivoit si souvent a ses premiers éléves : « Mettez~vous pei en peine » des grades & venir. Le‘temps viendra ‘ob vous. \® serez surpris de ce qué j’ai déja fait en ce gen— » tes En atténdant, vous autres , enrdlex-moi du » monde, préparez-mot ‘des capdliers , instruiser- » les , disposez~les , armusez- les 3 reposex-vous » Sur moi du reste, —Tout ce que vous avez 4 _ » faire cest d’ajouter au nombre des fréres. Sui- » vez, obéissez encore un on deux ans, et lais- x» $ez-moi poser res fondemens; car cest-Ia » Dessentiel , et cela personne ne Pentend comme » moi. Sices fondemens sont tne fois posés , faites » ensuite tout ce qu’il vous plaira. Le voulussiex~ »' vous bien vous-mémes dlors*, vous ne viendriex » pas @ bont de detruire mon edifice.» ( Ext. des lett. 8 & Ajax, et passim; des lett. 4 Caton, aux Aréopag. stif-tout lett. 59, t. 1.) Cette marche profonde entratnoit bien des difficultés ; Weishaupt les vainquit toutes. It falloit suppléer par des lois provisoires, par des instructions momentances, 4 ce que les adeptes he trouvoient pas encore écrit dans ses lécons ; il suppléoit & tout, Le plus grand des obstacles lui vint de cenx-la mémes de qui il espéroit plus de secours, des adeptes de son Aréopage. DE L’IMPISTE ET DE L’ANARCHIE, 31 Dans leurs cavernes souterraines , les brigarids ont aussi leurs dissehsions entre eux et leurs combats ; les brigands conjurés contre tout Empire souffrent impatiemment le joug d’un chef. Weishaupt efit bien voulu profiter de leurs lumitres , mais il n’avoit garde de leur céder les siennes; il cofmoissoit trop bien sa supériorité en fait de complots et d’artifices. Il lui falloit des instrumetis bien plus que des conseils, et des co-législateurs. Des jalousies d’autorité , des guerres intestines s’élevérent entre lui et son Aréopage ; tout autre que Weishaupt eat cru voir sa nouvelle société étouffée dés le bercezu ; Weishaupt sut conjurer tous ces orages. “Alter- nativement négeciateur , despote , suppliant , il entroit dans des compositions, il prescrivoit des conditions , il descendoit aux exeuses, aux pritres ; il ordonnoit des soumissions ; i] se mon- troit prét 4 sacrifier le fruit de ses travaux; il menagoit de livrer ses émules 4 eux - miémes , de les abandonner , d’ériger & lui seul une nou- velle société plus forte et plus puissante, pat cela seul qu'il auroit Part de la rendte plus soumise. (Woy. t. 1, lett..25, af, 60; 2, lett. 11, 19, 21 etc.) Au milieu de ces orages » Weishaupt. écrivoit, continuoit ; consommoit ce code des conjurations, qui seul eft absorbé le temps, le génie, les yeilles de vingt Machiavel.’ 32 CONSPIRATION DES ‘SOPHISTES - Au milieu de ses orages , on efit dit, il le disoit lui-méme , que les tempétes ne faisoient qu’ajouter 4 son activité et 4 tous ses succes. « Me voila, mandoit-il 4 son. cher Caton, me » voila de nouveau en guerre avec. tout notre x mionde ; cela ne fait point mal; cela donne la » vie d la machine. Mais si j’entends mon réle , » je ne puis. ni louer les fautes, niles dissimuler. » Cependant nos affaires vont bien; et pourvu » qu’on me suive , Vensemble n’y aura rien » perdu. » (I. 2, lett, 19.) Au milieu de. ces orages , occupé de l’ensemble, occupé des dé- tails, jour et nuit, suivant son expression , écrivant, travaillant, méditant tout ce qui pou- voit fortifier ou propager son Illuminisme, il continuoit son école publique, son école secréte ; il formoit sans cesse de nouveaux adeptes, il surveilloir ses envoyés ; du fond de son sanc- tuaire , il les suivoit dans toutes leurs colonies et leurs missions. Par le moyen de ses. quibus dicet, il entroit dans les plus petits détails sur leur conduite, il les dirigeoit tous, leur. indi-~ quant tout ce qu'il pouvoient faire , et leur reprochant t@ut ce qu’ils ne faisoient pas pour les-progrés de ses complots. La correspondance de Voltaire en ce genre est prodigieuse ; elle n’approche pas de celle de Weishaupt.. Dans ce que la justice a pu en arracher aux ténébres , pas pe Vimprété 2T DE VANARCHIE, 33 ‘pas une seule lettre qui ne montre le profond conjuré; pas un mot qui ne tende au méme but ‘que les mystéres, pas un mot qui tie montre ou bien des artifices & tenter, ou bien des can- didats & enrdéler, des initiés & avancer, des adeptes & ranimer , 4 réprimer , & corriger; des ennemis 4 écarter , des protecteurs 4 rechercher. Ses Apdtres sont sur les lieux; il ne sort pas de son sanctuaire, et on diroit qu’il a connu , quwil voit tous ¢eux qui les entourent. Il leur écrit le rang , la situation politique, civile, souvent méme le nom , le caractére de ceux qu’ils doivent enrdler , les moyens , les personnes dont ils doivent s’aider , les lieux, les sociétés qu’ils deivent fréquenter. Tl leur écrit les fautes quils ont faites , les scandales qu’ils ont donnés , les obstacles qui en résultent pour la marche de son Iuminisme; il les exhorte , il les arréte, il les menace ; il exerce enfin sur eux son ins- pection, comme s7ils étoient encore sous ses yeux dans son pensionnat. Les conquétes que font ses Apétres, il les dirige encore , ou bien il sait comment elles sont dirigées. Il régle les épreuves , ou bien il en dispense les nouveaux candidats ; il assigne l’objet de leurs travaux , les essais , les problémes ; les discours sur lesquels il pourra jaget de leprs talens et des services qu’il pourra s’en promettre ; et parmi les dis< Tome IF’. Cc 34 CONSPIRATION DES SOPHISTES cours qu'il assigne, pas un dont le sujet ne tende & lui manifester le plus ou le moins de disposi- tions de l’éléve aux maximes de Ordre. Il est tour a la fois homme de tout ensemble et Vhomme de tous les détails. Le méme jour le ‘yeit occupé de toutes les parties de sa conspi- vation et de tous ses moyens ; de ses lois 4 donner pour établir son Ordre, des alliances & former pour Vaffermir , des projets de com= ‘merce , et d’un commerce impie , pour l’enrichir. Avec cet art de ’homme qui semble ne rien faire ou ne faire du moins que ce. qu’exigent ses devoirs publics, c’est peu de ces moyens que son génie lui dicte pour ses conspirations , il voudroit réunir & lui seul tous les complots des: autres sociétés ; il se fait Franc - Macon, ib pénetre dans les mystéres des arriéres ~ loges des Rose-Croix , et les refond dans ses complots ; pour s’unir & tous les rebelles ; comme & tous les impies, du fond de la Baviére, par des fils souterrains , et correspond avec les fédérations que préparent les Magons Polonois. Pour ne rien laisser perdre de ce que les Sophistes impies ou rebelles qui l’avoient devancé, ont produit de plus propre & séduire les peuples, il en fait des recherches assidues et des collections immenses , qu'il destine & former les bibliothéques secrétes de ses adeptes. Il calcule pour la caisse de l’Ordre DE-VIMPIETE ET DE VANARCHIE. 35 \e produit des libelles.que font revivre ses presses clandestines. Pour cette méme caisse, il emploie tous les talens des Fréres & ressasser en prose , en vers, en pamphlets, en journaux, tous ces anciens sophismes , toutes ces antiques calomnies; i distribue aux Fréres les sujets des nouveaux libelles & composer; et pour se reposer de ses travaux, il prend sur lui les Prophétes & com- menter , leurs, lamentations 4 tourner.en satyre , histoire de l’Eglise & tourner en roman calom- nieux (*). Ainsi.tout ce qu’ont fait les grands impies, .tout ce qu’ont fait tous les grands conju= rés, ik le fait-& lui-seul. Les livres saints nous parlent d’un démon appelé Legion, sans doute parce que ce génie mauvais peut et fait & lui seul contre le genre humain tout ce que font , tout ce que peuvent faire des légions ennemies ; s'il falloit expliquer tout ce que les lettres de Weishaupt nous le montrent faisant pour é ablir sa secte, je dirois : Ce démon Legion s'étoit emparé de son cce@r, il habitoit dans lui , il agissoit par lui, et c’est & lui qu'il dut tous ses succes, . - (*) Voy. tom. 1, lett. 6 4 Ajax ; & Caton 36 , etc. 4 Phil, A Strozzi, lett. 2 et passim; tom. 2. lett, par sim; Ecrits originaux Ca 36 CoNSPIRATION BES SOPHKTES L’existence de.son Ordre n’étoit pas encore soupconnée autour de lui dans Ingolstadt, et déja pour la Bavitre-seule il comptoit cing loges & Munich; d’autres loges et d’autres colonies étoient établies 4 Freysingue, 4 Landsberg, & Burghau- sen , & Straubing ; il étoit prés d’en établir a Ra- tisbonne et & Vienne; il en avoit déja en Souabe, en Franconie, dans le Tirol; ses Apétres étoient dun cété &.Milan, et:de lautre'en Hollande. Il n’y avoit.pas trois ans que son Illuminisme étoit fondé, et il comptoit déja. plus de mille initids sous ses lois. ( Let. 25 d Caton, t:1, 13 Aben-~ meth 1148, c’est-d-dire 13. Novembre 1778. ) Mais il devoit aussi une partie -de ses succés au zdle et & V’activité qu’il savoit communiquer & ses adeptes. L’historien ne se flattera pas de les con- noftre tous ; je vais lui dire au moins ceux qui dans cette premitre époque se distinguent le plus , aprés Weishaupt , dans la liste des conjurés. DE VIMPIETE ET DE L’ANARCHIE, 37 CHAPITRE IIL Des principaux Adeptes de Weishaupt , sous la premiere, époque de UIlluminisme. Dass cette légion de conjurés ou du moins de Fréres enrdlés, dont Weishaupt, dés la troi- sitme année de son Illuminisme y portoit le nom- bre @ plus de mille , ( Ecrits origin. lett. 25.) le plus remarquable est sans doute ce Xavier Zwack , que nous avons vu appelé l’adepte incom- parable, ¥l fut toujours aussi l’adepte intime.-C’est & lui que sont adressées la plupart des lettres im=- primées sous le titre d’Ecrits originaur ; c'est & lui sur-tout que sont écrites celles ot Weishaupt dévoile ses mysttres avec plus de confiance; c’est enfin lui qui mérita de s’entendre dire par le Fondateur de la secte : «¢ Vous voila dans un » poste ob il n’est que moi ‘seul au-dessus de vous. » Vous étes élevé sur tous les autres Freres, » Un vaste champ s’ouvre & votre puissance et & » votre influence , si nos systémes se propagent. »» ( dd, lett. 27, t. 1.) Tant de faveur et de dis- tinctions supposent bien des titres; pour appré- cier ceux de cet adepte favori, it est un monu- ment qui dispensera lhistorien de toute autre : C3 38 CoNSPIRATION DES SOPHISTES recherche. Ce monument se trouve & la fin du premier volume des Ecrits Originaux, sous le titre de Tablettes de Danaiis tractes par Ajax , en date du dernier Décembre 1776. .Danaiis est ici le premier nom caractéristique donné & Zwack, encore simple Candidat, On n’en sauroit douter , puisque, dés la premitre colonne des Tablettes, le Frére Danaiis est indiqué par son vrai noni. Ajax est Massenhausen , qui joue le role de Frére Scrutateur, Si le tableau qu’il trace n’est rien moins que flatté, on peut croire au moins qu’il mexagtre pas les défauts et les vices du Candi- dat , puisque’ce Frére Scrutateur dit lui - méme devoir & Vamitié la conquéte qu'il a faite; puis- que , tout glorieux de cette conquéte , il conclut son tableau, en présentant le Candidat comme un sage, qui a précisément tout ce qu'il faut pour tre admis dans /’Ordre. Ce monument notis fait d’abord connoitre & quel point Weishaupt, dans Jes premiers jours de son Iluminisme, avoit déja porté l’art de ses Scrutateurs; nous y voyons de plus, par le portrait de son intime adepte, tout ce que nous pouvons augurer des conjurés qu’il jngeoit le plus dignes d’entrer dans ses: confi- dences, Lisons donc ces: tablettes ; triomphons des dégofits qu’éprouve l’ame honnéte & tirer de leur obsurité de.vils et méprisables. conjurés, qui n’ont de remarquable que. leurs vices et leurs DE LIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 39 prétentions au titre de sages. Copions ce por- trait, le modéle de ceux que la Secte exige des Freres qui lui présentent des Candidats. II suffi- roit pour dire au peuple de quel tas de libertins, de vils bandits sans moeurs, il est dupe dans ses réyolutions. . Les tablettes qui vont apprendre & Weishaupt i. Tablern . e . Fi aton ce que c’est que ce Candidat, dont il doit faire Zwack tra- le Caton de l’Ordre , sont divisées en dix - sept Fer'ine, colonnes,distinguées par autant de différens titres, ™"* Sous les unes se trouvent le nom, l’dge, la dignité civile , le signalement , le caractére phy- sique et moral du Candidat ; sous les autres , le genre d’étude auquel il s’est adonné , les services que l’o.dre peut en attendre. D'autres encore sont destinées 4 marquer successivement les pro~ grés qu’il aura faits, les grades qu’ilaura recus, Jes manuscrits ou livres secrets qu’on lui aura confié , les contributioris qu’il aura payées. D’au- tres enfin désignent ses amis, ses protecteurs, ses emnnemis , les personnes avec qui il est en corres- pondance, Au-dessous de ces colonnes est un second ta- bleau, ayant aussi ses divisions, que le Frere Scrutateur a remplies de ses observations sur la famille , et spécialement sur le caractére des pere et mére du Candidat. C4 fo CoNSPIRATION DES SOPHISTES 1." Colonne. D’aprés ces deux tableaux, Fran- « gois-Xavier Zwack, fils de’ Philippe Zwack , » Commissaire de la Chambre des Comptes, est w né 4 Ratisbonne. Au moment de son insinua~ » tion, cest-a-dire, le 29 Mai 1776, il se trouve » 4gé de 20 ans, et a terminé son cours de » collége. » 2.° Colonne; signalement du Candidat, « A » cet Age, la taille de Zwach est d’environ cing » pieds. Tout son corps maigri par la débauche, » tourne au tempérament mélancolique. ( Der » ganze bau seines durch debauche mager geworde- » nen keerper inclinirt nun yum melancholischen 2 temperament, ) Les yeux d’un gri sale , foibles » et languissans; le teint pdle et bléme ; santé » chancelante et altérée par de fréquentes mala~x » dies -- nez alongé , crochu,, nez d’aigle —- che« » veux clair brun —-- marche précipitée --— le » regard habituellement penché vers la terre ~= » au-dessous du nez, et de chaque cété de 1a » bouche , une verrue, » : 3.° Colonne ; caractére moral, religion, cons~ cience, Ici nous lisons; « Le coeur sensible, 2 extraordinairement philantropique ; stoique » dans ses jours de mélancolie ; -- du reste ami » vrai, circonspect ,. réservé , extrémement se~- » cret,--parlant souvent de |pi-méme ayanta= n geusement = enyieux & l’aspect des perfections = DE VIMPIETE ET DE L’ANARCHIE, 41 » des autres ; — voluptueux ; cherchant & se per- » fectionner ; --—~ trés-peu fait pour la grande » compagnie; —-- colére ef emporté , prompt & » s’appaiser ; -— disant volontiers ses opinions se- » crétes , quand on a Ia precaution de le louer en » le contredtsant ; -— aimant les nouveautés ; = » sur lareligionet la conscience, bien ¢loigné des » opinions communes ; pensant précisément comme » tlle faut pour notre Ordre. » 4. Colonne ; études favorites, services qu’il peut rendre. “ Plus spécialement adonné a la » Philosophie ; ayant cependant des connoissan- » ces sur la jurisprudence ; --- parlant trés-cou- » ramment Frangois et Italien; cherchant actuel- » lement & entrer dans les bureaux de la corres- » pondance ; -- maitre parfait dans Tart de se n contrefaire et de dissimuler ; bon pour notre » Ordre , comme spécialement jaloux d’apprendre » & connottre les hommes. » 5° Colonne ; amis’, correspondance, socidtés< Ici le Frére Scrutateur nomme cing & six personnes amies du Candidat ; de leur nombre sont un cer- tain Sauer, et un nommé Berger, que l’on yoit bientét entrer dans la liste des Iluminés, Sous les trois colonnes suivantes, sont simple- ment le nom du Frére Ajaz , comme Enréleur, le jour auquel le Candidat a été insinué, et celui de sa réception, i 4a —_—« CONSPIRATION DES SOPHISTES g9.° Colonne ; maniére de gagner et de conduire le Candidat et s'ilconnoit d’autres Ordres secrets? Ici on voit que “ Zwack étoit déja li¢é 3 d’autres » sociétés secrétes, ce qui a rendu sa conquéte » un peu plus difficile. L'etroite amiti¢ qui régne » entre nous, ajoute l’Enréleur , et sur-tout l’at~ « tention que j’ai eue de prendre lair, le ton x» mystérieux, m’ont applanie les voies. A présent » il montre une grande ardeur et beaucoup de ztle » pour l’Ordre. » 10.° Colonne ; passions dominantes. Celles du Frere Zwack , marquées par le Frére Scrutateur , sont rendues en ces termes : « Orgaeil, amour de » (a gloire , probite , bile chaude, et un penchant » extraordinaire pour le mysttre ; — grande habi- » tude a parler de lui-méme et de ses perfections.» La onziéme Colonne nous dit que le Candidat avoit regu un pensum & remplir ou un discours 4 faire, et qui devoit étre terminé le 26 Avril 1778. La douziéme marquoit la forttne, les reve~ nus du Candidat; V’éditeur a laissé ici le chiffre en blanc. Par les deux suivantes on voit que le jour assigné & Zwack, pour sa contribution, est le 29 Mai pour année 1777, le 1 Avril pour Vannée d’aprés; que le 19 Juillet 1776 ilavoit déja envoyé un ducat de Hollande, et ensuite deux livres de Chimie. Celle ob I'Enréleur écrit les progrés de son Candidat , marque par les pe VIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 43 numéros 1,2, 4 et 95 les livres secrets qu’on lui a fait lire ; les ordres simplement numérotds aussi qu'il a recus , aussi bien que la permission d’enréler d’autres Fréeres.Comme cette colonneest xéservée pour marquer les progres successifs du Candidat , le Frére Enréleur arrive au moment ou Zwack a regu toutes les connoissances néces- saires pour étre admis dans l’Ordre ; et alors il décide qu'il est temps de lui en donner de plus essentielles , de Vayancer & d’autres grades. Jaurois moins insisté sur ces tablettes, si je n’avois cra devoir présenter une fois au moins, dans ces Mémoites, le modéle un peu détaillé de cette inquisition , dont l’Iluminisme fait dépendre si spécialement le choix de ses adeptes et le succés de ses complots. (*) (*) Bien des lectours pourroijent étre curieux du second tableau qui accompagne celui du Candidat; en voici donc lessentiel : Il contient dixcolonnes , sous lesquelles on trouve les noms et dignités des parens de Zwack , Yétat de leurs enfans, de leur fortune, leurs alliés, leurs amis, ennemis, leurs sociétés ordinaires, sur-tout!'édu- cation qu’ils avoient eux-mémes recue, et leurcaractére moral , appelé leur cété fort et leur cété foible. L’Editeur aencore jugé 4 propos de laisser ici quelques articles en blanc. Les deux moins morcelés sont , celui de 7édu- cation, celui du cété fort et foible. Suivant le Frére Scru- tateur, le pére et la mére de Zwack n’ont eu qu'une 44 ConsprraTion pes SopnisTEs Reprenons & présent les principaux traits de ce tableau. Que montre-t-il dans Zwack ? Débau- che immodérée, fatuité extréme, jalousie , dissi- mulation , noire mélancolie. C’en est 1a bien plus qu'il n’en faudroit pour le bannir de toute société honnéte; mais il pense déja comme il le faut & Weishaupt, en fait de religion et de conscience 5 c’est-4-dire , il n’est qu’un franc Athée ; ila de plus pour le secret et pour les nouveantés tout Education a la vieille mode , qui ne vaut pas grand’chose ; les passions du pére’, ou bien son cété fort et son cété foible , sont rendus de la manitre suivante : « Jaloux, » de son honneur , honnéte ,zé1é pour les devoirs de son, » emploi—en apparence dur envers ses inférieurs , mais, » au fond tes aimant & Vexcés—parlant a tout lemonde » en mattre et en pédant — dans sa conduite et ses dis- » cours, d'une franchise impolitique—secretet ménager x jusques ase laisser manquer lui-méme pour son Prince; » le servant avec zéle, sans égards pour les petits or » grands , méme au danger de perdre ses emplois — » sensible, compatissant, mystérieux, officieux , fier de » son expérience—ayant I’ceil & toutes ses affaires , etc.» Quant 4 la mére « c'est une bonne femme de ménage--~ » n'ayant des yeux que pour son cher enfant Xavier Zwack. » —etc.» Bien des choses encore ont été supprimées. dans cette partie du tableau ; mais les parens de tout Iluminé y en verront assez, pour savoir comment ils. sont dépeints par les Fréres Scrutateurs, et & quel. point la Secte a soin de pénétrer dans leur intérieur, de s'instruire de toutes leurs affaires. DEB LVIMPIETE BT DE L’ANARCHIE, 45 cet amour qu’il faut aux conjurés révolutioanai- res. Il est un de ces philantropes qui ne disent aimer le genre humain , que pour détester les lois qui le gouvernent ; c’en est fa plus qu’il n’en faut pour racheter auprés de la Secte tous les vices du Candidat : c’en fut assez pour faire de Xavier Zwack V’adepte favori. Cependant les lecons du Frére Insinuant , join- tes cette noire mélancolie qui dominoit le nou- veau Candidat , faillirent & priver !’Illuminisme de tous les services qu'il pouvoit en attendre. Parmi ces legons, il en est une dont l’objet spé- cial est d’apprendre aux Novices méme 4 mépri- ser la mort , et & se la donner plutét que de tra- hir leurs matftres. Cette lecon est celle que Weis- haupt réduisoit & ces mots : pate! exitus , c’est-2- dire, la porte de la vie & la mort est ouverte, et peut sertir qui veut, sur-tcut quiconque ne se trouve pas bien dans ce monde. C'est la méme lecon que les décrets des Jacobias ont rendue’ en ces termes: La mort n’est qu'un sommeil éternel, Plein de ce principe. et fatigui de son exis- tence, le noyice Zwack se persvada qu’il mour- roit en sage, s'il mouroit de sz propre main. IL rédigea ce qu’il appelle ses penstis sur le suicide, Ce sont les pensées d’un athée , jue ses vices ont rendu malheureux , que son impiété a rendu fou, (Vi ecrits org. t, 1, sect. 20,) Il fit son testa- 46 :CONSPIRATION DES SOPHISTES ment , et’ se mit a écrire au Frére Ajax la lettre suivante : « Munich, le 30 oe 1777: — Ami, je » m’en vais ; c’est le meilleur parti que: j’aie & » prendre. Porte-toi bien ; ne doute pas'de mia pro~ w» bité, n’en laisse pas douter les autres; Confirme » les sages dans le jugement qu’ils vont porter de ma mort ; tegardé avec pitié ceux qui la bla- »»‘meront. Sois honnéte homme ; sonviens-toi de » moi, et ne me laisse pas oublier par le petit % nombre de nos bons amis, Garde-toi de me » plaindre. » Signe ZwACcK. ” Le Post scriptun leguoit un anneau , pour sou venir, au Frere Ajax. et le prioit de faire par- ‘venir aux Freres ‘une seconde lettre, adressée & tout Ordre Illumind. « Et vous aussi, Freres , g je vous salue pour: la derniére fois , disoit ici 'p Zwaok, je veus remercie de vos intentions sur atmoi. Je vousiure que j’en étois digne ;~ je vous »» le jure sur mon honneur, le seul bien que je » possede , le eul sacré pour moi. Honorez ma -» cendre de ‘vatre souvenir; bénissez la , tandis x que la supersition me maudira, Ecldirez-vous » mutuellemen’; travaillez & rendre le genre hu- » main henreix ; estimez la vertu , et recom- » pensez la; pinissez le crime; voyez avec pitié les fautes de Phumanité. Sur le bord de sa » fosse, y des:endant avec reflexion , et choi- DE VIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 47 % sissant la mort par conviction , par démonstra- » tion, la choisissant pour son bonheur ; c’est ainsi » que vous fait ses adieux yotre Frére et ami, » Zwack.» ( Ibid. ) C’en étoit fait pour |’Illuminisme de l’adepte favori, si cette résolution avoit été aussi cons- tante qu'elle étoit sérieuse. On ne sait ce qui vint la changer; mais Zwack choisit de vivre et aujourd’hui encore, poursuivant les complots de la Secte, il a trouvé son protecteur. Comme ‘Weishaupt auprés de son A. S. le Duc de Saxe- Gotha, il vit sous les auspices et Conseiller in- time du Sérénissime Prince de Salm - Kyrbourg ; et il est son agent ordinaire & Wetzlar, auprés de la Chambre Impériale. Au moment ob j’écris , il joue un réle plus important encore , pour son Prince et pour ceux de |’Empire. Au milien de tous leurs Députés ,. et Député lui - méme pour Ja maison de Salm-Kyrbourg, ayant pour Secré- taire et pour confrére de son Illuminisme ; le Sieur d@Ambmann , citoyen de Darmstadt , il traite au Congrés de Rastadt de la paix & con- clure avec les adeptes de son [lluminisme triom- phant dans Paris. L’histoire aura sans doute un jour 2 dire avec quel art il sut y combiner les intéréts de sa Secte avec ceux des puissances , et avec ses sermens de les détruire toutes. Revenons au moment ob Xavier Zwack-ne croyoit pas 48 CONSPIKATION DES SOPHISTES encore que le crédit des Fréres lui préparat ces hautes destinées, et lui valat Phanneur de dé cider celles des Souverains. : Les pensées sur le suicide ne furent pas per» dues , ‘au ‘moins pour la belle-sceur du Candidat. Pleine de ces pensées , elle chercha la mort et se précipita du haut d’une tour. (did. nore. ) Quant & lui, en choisissant de vivre ; offensé du long no- viciat que lui faisoit subir le Frére Ajax , il s’a- dréssa directement 4 Weishaupt, qui le prenant alors sous sa direction, commenga par lui dire qu’ Ajax l’avoit. trompé ,-en laissant ignorer aux Freres la lettre qu’il leur-avoit. écrite. Puisgu’il vous a trompé , ajoutpit Vinstruction, trompez-le - vous-méme. : : i En donnant le précepte, Weishaupt indiquoit Ja maniére. Il, établissoit: Zwack inspecteur de celui-la méme qui croyoit encore Vinspecter. ( Leet. 1, @ Philip. Strozzi.) Zwack sut prouver alors que son Insinuant he s’étoit pas trompé en le donnant pour maitre parfait dans l'art de se.contre+ faire ; car, devenu dés-lors le premier confident de, Spartacus, et bient6t admis aux mystéres de l’Or- dre, iln’en continua pas moins A jouer auprés de son premier Enrdleur le réle de Novice.Il étoit déja au plus haut. des grades; il étoit non - seulement Aréopagite , mais Supérieur méme des Aréopa- gites; il étoit dans une continuelle correspon- dance DE LIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 46 dance avec Weishaupt ; et Ajax continuoit & le regarder comme son écolier ; il imaginoit méme Jui faire une grande faveur, en lui montrant des lettres de Weishaupt, que le prgtendu Novice avoit déj& lues avant de les lui faire parvenir , comme il en avoit la commission de Weishaupt méme. Ce réle de Zwack, dupant son Enrédleur , et inspectant celui qui croyoit l’inspecter , explique seul la différence qui se trouve entre les ta- blettes tracées par Ajax , et la liste des premiers adeptes que l’on trouve dans les Ecrits originaux. CT. pr. sect. 4.) La, Ajax croit Xavier Zwack encore simple aspirant , jusques au 29 Mai 1778; etici, le prétendu Novice est déja Ardopagice sous le nom de Caton, le 22 Février de la méme année ; et peu de mois apres il n’a plus au- dessus de lui que Spartacus. ( Id. let.27. ) Jamais Frere Enrdleur ne fut mieux supplanté par son Novice. , : : Les divers noms sous lesquels se montrent ce Novice dans les Ecrits originaux , ont fait nattre une difficulté qui déja embarrasse certains Lecteurs; mais la prédilection toujours croissante de Weis- haupt , suffi encore pour résoudre l’énigme. Weishaupt avoit d’abord donné & Zwack le nom insignifiant de Danaiis ; ds qwil connut sa haine pour les Rois , il changea ce nom en celui de Tome IV. D So ConsPIRATION DES SOPHISTES Philippe Stroxgi, de ce fameux conjuré Florens tin, quiavoit-assassiné Alexandre Médicis, et qui, pris ensuite les armes 4 la main contre’son Sou- veraini-, senfonca un poiguard dans-le sein, en prononcant ce vers dicté par toutes les fureurs de la vengeance’: : .. Exoriare aliquis nostris ex ossibus ultor. Le suicide manqué de Zwack n’en parut pas moins honorable a Weishaupt ; il crut alors devoir en faire le Caton de la Secte. C'est sous ce der= niér nom que Zwack devint 4 Munich le principal agent des Iluminés, l’adepte favori du Fondateur. Ce qui favorisa toujours leur intimité , fut cette espéce de sympathie qui se trouve entre les: mé+ chans comme entre tes démons , et-qui les: fait toujours concourir au méme but quand il sagit dé nuire. . Sans avoir pour le mal le génie de Weishaupt, Zwack en avoit au moins toute la volonté.: Dés son’ entrée ‘dans YOidre , pour son ‘premier essai 2 il'sé donna pour un parfait athée. (Vy disc. sur les Socittés , Ecrits orig. t. 1 , sect. 22. ) Dbs-lorg il annonce toute ‘sa haine contre les Souverains et toute son admitation pout le peuple qui brise le joug de ses prétendus’ tyrans; ( 77. ‘ses pensces sur le suicide.) On voit bien quelqués-uns dés premiers adeptes de l’EHluminisme , ‘s’étonner de DE VIMPIETE ET DE VANARCHIE: 58 Pimmensité des forfaits et des désastres queWeis- haupt prépare 4 Punivers ; il lui faut quelquefois auprés de ceux-la des ménagemens ; il faut qu’illes prépare , qu'il les dispose , qu’il réponde a leurs réclamations ; son Caton est toujours prét & tout ; il est toujours au niveau des mystéres, 4 mesure que Weishaupt en déroule le code, il ne lui laisse jamais que l’invention. ‘A cette sympathie d’impieté et ‘de. scélératesse s unit encore la profonde politique de Weishaupt. fl lui faut un sénat de conjurés; mais dans ce sénat, ce sont des agens et. non pas des égaux qu il voudroit: se ‘donner.. Pour régner plus effi- cacement sur cet Aréopage, il ne veut pas l’a- voir auprés de sa-personae ; il sait trop bien que dans les sociétés' secrétes plus le despote s'enfonce dans son mystérieux sanctuaire, plus ses ordres sont révérés des Fréres. Si malgré cette espéce d’invisibilité ot il se tient, empire qu’il exerce sur ses Aréopagites doit eneore exciter leur jalousie , il aura du moins auprés d’etix et & leur'téte, ce Caton qui lui doit tout ce qu’il est dans l’Ordre, et dont. tout Vintérét sera de maintenir celui dont il tient lui-méme toute son autorité. C’est pour cela qu’on voit Weishaupt faire tant d’efforts pour le maintenix dans son parti, et descendre avec lui jusqu’a ces pritres : Soutenez-moi~ done , disposez donc les choses et D2 52 CONSPIRATION DES SOPHISTES les esprits, pour que mes dispositions soient rer gues. (V. surtout t. 1, let, 55.) Weishaupt fut peu trompé dans cet espcir. Lors des dissensions que son despotisme fit naftre entre lui et ses Aréopagites , cé fut presque tou- jours par Zwack qu'il vint & bout de les gagner , de ranimer leur zéle pour ses complots et leur res- pect pour sa personne, Ce fut sur-tout & lui que Yilluminisme dut tous ses succés dans Munich ; Caton y jouoit si bien , si efficacement le person~ nage d’Enréleur, que Weishaupt fut obligé , plus dune fois, de réprimer cette ardeur. {]avoit besoin de lui pour le gouvernement de !’Ordre ;. il s’en fit méme aider pour la rédaction de diverses par ties de son code. En un mot, le résultat de leur correspondance. est que Weishaupt n’eut pas un seul Ardopagite, qui entrat mieux que Zwack dans - toutes ses vues et qui jouit plus justement de toute sa confiance. ( V’. toutes les lett, d Caton dans les Ecrits orig. ) : Ti n’en eut pas un seul qui , tout en conspirant contre son-Prince, sa patrie et toute société, affectat et prit mieux tous les airs d’un serviteur zélé pour son Prince , pour sa patrie et la so- ciété. Au milieu de tout ce'qu’il faisoit pour les complots de son Illuminisme, Xavier Zwack réussit & se faire nommer Conseiller de la Cour Conseiller de la Régence , aux appointemens de. DE LVIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 53 vingt mille florins. Enchanté de la promotion de son adepte, Weishaupt se hata de lui éc « Recevez mes félicitations sur la nouvelle dignité. » Je voudrois que tous més Aréopagites fussent » aussi Conseiller intimes avec vingt mille livres » d’appointemens ; mais je voudrois encore plus , » que leur emploi exigeat peu de temps et de » travail. Il leur en wesieroit d’avantage pour le » grand objet. » ( Idem t,2, lett. 2.) La lettre qui portoit ce compliment, est précisément une de celles oh Weishaupt donnoit & ses Aréopagites le plus de ‘détails sur la marche et les succés de sa conspiration, Le second personnage de cet Aréopage fut un Marius ou certain Hertel, Prétre Catholique , appelé Marius Pree . par les Illuminés. C'est de lui que Weishaupt écrivoit & Xavier Zwack : « Notre Marius est » réservé au supréme degré. Dans la plupart » des affaires, il marche en ¢utioriste, Sur les » objets religieux , menageons sa fotblesse. Son » estomac n’est pas encore capable de digerer des » morceaux un peu durs, Sur tout le reste fiez- » vous a lui. Ne le chargez pas de travail, jusqu’s » ce que l’usage lui donne de la facilité et qu’il » prenne du godt pour la chose.. S'tl est une fois » bien stylé il pourra nous rendre de grands » services. »( Ecrits orig. t,1, let, 7d Caton, du 27 Mars 1778.) D3 54 ConsPIRATION DES SOPHISTES Malgré ce prétendu tutiorisme , Hertel , s’étoit laissé entratner dans tous les dangers des sociétés occultes, et il y succomba. Pour tirer parti de cette conscience qu’il apportoit dans POrdre, Weishaupt le fit d’abord caissier , en le chargeant de réparer: par son économie les larcins d’ Ajax. Le Marius I!luminé remplit constamment cette commission , 4 la satisfaction du Fondateur. Les Fréres conjurés le recompensérent de sa fidélité , en lui procurant 2 Munich un Canonicat , par des intrigues qu'il admire Ini-méme et dont il promet de divertir Caton , mais dont il n’ose confier le récit au papier. (. V. let. de Martus @ Caton , 3 Nov. 1783.) Aw moment ot il prit possession de som Canonicat , ces idées religteuses quil avoit d@’abord fallu tant ménager, s’étoient évanouies. HI se dépeint alors Iui-méme passant de ses fonctions ‘religieuses aux Clubs illuminés , se faisant investir publiquement d’un bénéfice ec- clésiastique, et s’aplaudissant en secret dés services qu’il vient de rendre aux Fréres conjurés contre VEglise; services yw’'il appelle encore trop impor tans pour oser les dévoiler par écrit; ( ibid.’) setvices cependant qu’it est aisé de deviner, quand on le voit’, plus qu’auéun autre adepte, partager avec Zwack-les confidences de Weishaupt. Dans la correspondance de celui-ci, i] est une foule de lettres qui leur sont adressées en commun. Il est pE VIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 55 sur-tout des instructions spéciales et provisoires , adressées aux .Aréopagites ; et dans ses instruc~ tions, ce n’est plus le consciencieux , c’est l’apostat Hertel qui doit , aprés Zwack, tenir le premier rang, jouer le premier réle. ( V. surtout les ins= tructions pour Caton, Marius et Scipion. Id. t. 1 y sect, LX.) C’est lui sur-tout , c’est ce malheurenx Prétre , qui semble avoir été chargé plus spéciale- ment dusoin de fournir aux bibliothtques secrétes de Ordre, d’acheter ou de voler pour elles tout Ge qui devoit en faire des arsenaux d’impiété , de corruption et de révolte. (V. id. tc 4, let. 463 t2, tet. 3, etc.) Enfine’est lui que Spartacus trouva parmi les Fréres , le plus digne d’entrer dans la confidence du monstrueux infanticide que nous l’avons vu .méditer, et:c’est lui qui le sert dans cet affreux secret de manitre & mériter ses yemercimrens. ( Id. #:2, let. 3.et 4. } . Mieux encore que cét infame. Prétre, Ie mé- Trotstéme decin Baader: nous montre de quels hommes se ete compesoit cet. étrange Aréopage. H n’est pas Bi" encore. dans ‘V’Ordse, et.onle: voit offrir les plus atroces servites.de: son art ;:ik-est ce trop fameux adepte 5 que. Weishaupt désigndir: sous le:nom de Celse, en parlant % Hertelde Phomme qui ‘lui avoit promis:de Vaider-3- comservér sore honndur par: le’ plus: réyoltant des forfaits: ( 7j:2.:3'-de ces: Méwr,.chap. +, Crest sans.doutes 2-ses offres : D4 56 CONSPIRATION DES SOPHISTES que sont dus l’empressement avec lequel on voit Weishaupt le rechercher , et les dispenses qu'il lui prépare , lorsqu’il écrit & Zwack : « Si je » réussissois 4 enr6ler le médecin Baader, dites- »» moi d’avance quels droits nous pourrions lui » donner parmi nos Aréopagistes. Car, sans cela, » sans quelque dispense particulitte, nous ne le » mettrions pas en activité, » (J. 1, let.29, 30 Dec, 1778.) Cette lettre fut bient6t suivie d’une autre y par laquelle on voit encore mieux le prix que Weishaupt attachoit & cette conquéte, et toutes les intrigues qu’il mit en jeu pour se l’as- surer. “ Pour venir & bout de mon plan dans » Athénes (dans Munich) écrit-il & ses Athéaiens » Bavarois , j’ai encore besoin de deux hommes , » Yun Noble et Vautre Meédecin. Le zble de » Caton nous sert pour l’un et l'autre, et va » nous procurer ainsi. ce.qui nous manque. Le » Comte S..... (Savioli, que ce Caton vient » d’enréler ) s’appellera Brutus. C’est une des plus » importantes prises que nous puissions faire dans » Athénes. Voici la manitre de procéder que » yous .aurez & suivre 4 son égard. Que Caton » continue avec. lui ‘comme il a commencé , et » qu il cherche & s’assurer de son silence. Cela .» fait , qu’il lise nos, statuts réformés yet lui » demande s'il: croit 1a chose utile. et bonne. » Brutys-a-t-il dit oui? Caton demandera encore pE VIMPréTé ET DE L’ANARCHIE. 57 » au Comte s'il veut nous seconder dans nos » travaux. Ensuite il lui dira que, vu les im- » portans services qu’il peut rendre & notre so » ciété, en nous prétant son nom, nous serons » moins sévéres 4 son égard pour les épreuves; » que nous nous haterons de l’admettre aux plus » profonds de nos secrets ; que seulement on » exigera, pour préliminaire , qui nous livre » Baader ou bien quelqu’autre; que nous sa- » vons trés-bien qu’il ne faut pas le surcharger » de travaux; que c’est pour cela qu’on le dis- » pense des exercices prescrits par nos statuts ; » qu'il n’en fera que ce qu’il voudra bien; que » lous Vayons choisi spécialement pour nous » aider dans le gouvernement de Ordre, Sil nous » livre Baad r, celui-ci jouira de la méme dis- » pense, qui ne sera plus accordée & personne x dans Athénes. Vous lirez au Comte le Grade » Minerval et tout ce qui préctde. S’il montre » pour la chose du gofit et de l’activité , vous lui » lirez aussi les statuts du Grade Illumine ; et » lorsqu’enfin il vous aura assuré de son zéle, » lorsqu’é force de nous enrdler du monde, il sera - » absolument lié & nous, vous pourrez lui dévoi- » ler le tout , ainsi qu’a Baader, » ( Tom. 1, let. 33, 11 Déc. 1778.) . Soit que les Fréres de Munich eussent déja préyenu toute cette marche, soit qu’ils y eussent Re te, 58 CoNnsPIRATION DES SOPHISTES suppléé par tout autre moyen, les voeux de Weishaupt sur Baader se trouvérent remplis en peu de temps. Car on le. voit inscrit sur la liste des Aréopagites , dés le 13 Décembre 1778, trois jours aprés la lettre que nous venons de lire. Dans le reste de la correspondance illuminée , son nom est toujours mis au nombre des adeptes les plus actifs, le plus profondément entrés dans les mysttres. ( V. sur-tout t,.2, let. 13 de Spars tacus @ Celse.) . + . : Un nouveau motif de cet empressement. pour enréler Baader, étoit que eelui~ci, donnant ¥ Munich des legons publiques, y pouvoit. aisé« ment jouer auprés des jeunes étudians en Médex cine, ‘le réle que Weishaupt joucit si efficas cement auprés des éléves du.-méme Age, étudiant le Droit 4 Ingolstadt. Le-méme motif Vavoit uatrigme Yendu également ardent & enrdlér-Berger , Profes« réopagi- ipion Berger. seur 4 Munich, mais je ne sais de quelle faculté: Celui-ci est connu dans.l’Ordre sous le nom de Scipion ; i) fut inscrit au nombre des Aréopa~ gites, le 8 Juillet de la méme année. Franc Macon avant que d’étre Illuminé:, il conserva quelque temps pour ses premiéres Loges une prédilection qui lui fit désirer: son .congé. Cette préférence outrageoit Weishaupt ;' sans paroftre vouloir retenir le Frére dégotté , “et ne pouvant encore user des tenaces , il ordonna 4 Zwack DE LIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 59 de lui déclarer, au nom de I’ Ordre, toute la liberté qu’on-lui laissoit de suivre son penchant; mais dans la méme lettre, il réunit tout ce qu’il falloit lui faire entendre sous main, tout ce qu’il falloit sur-tout lui dire de la prééminence et des avan— tages de l’Illuminisme sur la simple Franc-Mason- nerie. Le Professeur Berger fut si bien persuadé , que pour lui donner la préference sur tous les autres Arécopagites , Weishaupt, dans la suite , n’exigeoit de sa part gu’un peu plus Pactivite.(V.t.1, let. 46 et 58. ) Il s’en faut bien que !'Tlluminisme efit jamais Cinquiéms ce défaut d’activité & reprocher & son Coriolan , aie ae _ Cest-a-dire 4 un marchand Hambourgeois retiré tan Trope- & Munich , sous le nom de Troponero, Lorsque celui-ci fut enrdlé parmi les Fréres, il n’occupoit point, encore ce poste, dahs lequel Weishaupt trouvoit tant d’avantages. pour la propagation de ses complots. L’idée d’en faire aussi un professeur de son métier, étoit venue 4 Zwack; 11 Vécrivit 4 Spartacus ; celui-ci répondit: « C’est une chose » trés-bien vue , et pour lui et pour nous , que de » fatre de Cotiolaa un professeur de finance, Faites » seulement tous vos efforts pour lui procurer » des éléves. C’est une bonne occasion de gagner » les jeunes gens. Vous ne feriez pas mal vous- » méme de vous mettre au nombre de ses éco- » liers pour en attirer @autres. » ( Id. let. 3a 60 CONSPIRATION DES SOPHISTES Caton. ) Je ne sais pas si Zwach fut bien jaloux de quitter son Aréopage pour aller se remettre sur les bancs, mais ce que les archives de I’Illumi- nisme ne laissent pas douteux, ce sont les grands services qu’il recut de ce Coriolan, Weishaupt fait bien des fois l’éloge de cet adepte. On voit sur-tout qu'il se servoit de lui pour rendre les aéceptions plus imposantes. Coriolan apportoit dans ces cérémonies toute la gravité du Véné- rable dela Loge; les jeunes éléves sous cette gravi~ té, ne soupgonnoient pas’ méme les arritres= mystéres de Rose-Croix, bien moins encore ceux _ du nouvel Illuminisme. Sizitme et Vers cette méme époque , se trouvent parmi foe les Ardéopagites les deux premiers Iluminés titres te Anai- que Weishaupt ait admis dans ses derniers secrets. ronde Barun -étoit le Baron de Bassus, et lautre le wea ou, Marquis de Constanza, Celui-la eut pour carac- Constanza. téristique le nom d’Annibal, et celui-ci le nom , de Dioméde, Cest sans doute un phénoméne bien étrange dans Verdre moral, que des Barons et des Marquis illuminés ; que des hommes & qui .ce titre seul rappelle & chaque instant , combien ilest intéressant pour eux de maintenir et les propriétés et ordre social , s’enfoncent cepen- dant dans la plus formidable des conspiratious , ourdies contre les propriétés et l’ordre social ; mais qu’on n’oublie ni les embiches du code de DE LIMPIETS ET DE L’ANARCHIE. 67 Weishaupt, ni art avec lequel il sait les ménager. Quoi qu’il en soit, les faits et les archives de PIlluminisme , les lettres, les apologies méme de ces fréres titres , parlent plus haut que toutes les objections. Ce Baron de Bassus , dans sa prétendue justification, convient que c’est lui-méme qui est désigné sous le nom d’Aanibal ( P.6.) et les lettres de ce méme -Annibal le montrent non- seulement illuminé, mais faisant les fonctions d’Apotre Illuminé, rendant compte aux Fréres des succés de son. apostolat 4 Botzen dans le Tirol , se glorifiant des acquisitions importantes qu'il a déja faites dans cette ville, se vantant dy avoir enrélé et rempli d’enthousiame pour Jes Illuminés’, le Président , le Vice-Président, les principaux Conseillers du Gouvernement , le grand Maitre des postes. (Id. t. 1 5 sect. XLV. ) D’autres lettres bientét nous montrent ce méme Annibal ou Baron de Bassus , passant en Italie ; & Milan , ajoutant & ses conquétes son Excellence le. Comte W.. .. Ministre Impérial ; en méditant bien d’autres d Pavie parmi les Professeurs de. PUniversité, et demandant enfin que I’on ajoute & - lagéographie de l’Ordre, pour ajouter.& son apos- tolat.( Id. t.2, sect. IV, let, 1 et 2.) Quant au Frére Dioméde ou au Marquis illu miné, Marquis de Constanza , ce sont encore ses lettres qui nous ‘montrent l’enthousiaste éleyve de ° «Ga CONSPIRATIOM DES SOPHISTES * Weishaupt. Dans ce fondateur de la Secte et de tous ses complots, & quelques fotblessés .insigni- fiantes , & quelques défauts prés , ‘il'a-cru voir le plus parfait , le plus profond , le plus extraor~ dinaire des humatas. Les heures qu’il a eu le bon= heur de passer avec lui sont des heures trop cour- tes; mais elles ont suffi pour le remplir de zéle, et il-conrt l’exercer , tantét & Deux-Ponts, tantdt a Nauplis ou Stranbing, et tantét & Munich. Ny court, tout rempli de ces ruses qui doivent per- suader aux candidats., gu’on ne pense pas méme 2 abuser de leur crédulité. Il y court, pénétré de toute la morale de Weishaupt, et prét'& Vexercer , pour venger la Secte, d’un homme'qui'sans doute commencoit ‘4 dévoiler le complot des mystéres. Ii ne craint point @’écrire au Frére Intime , en par- lant da fanx -Frére ,-:« ah Je gueux ! Ne pourroit- » on pas, ou:pour mieux dire, seroit-ce donc » un-crime’d’envbyer dans I’autre monde un » démon de cette espbce.? O der schurke ! Koennte » man nicht, oder um besser xu sagen, ware es » nicht erlaubt , so-einen- PFeufel in ‘die andere welt » qu schicken, » { Ecrite origi: ter, sect. xiv, let: x-4t 2.) ie : Autres Niles écrits originaux > mi mes correspon- 2Atorasi- dances ne m’apprennent quels sont les vrais titres de PAréopagite Solon. On ne le voir point jouer tn grand réle dats les. fastes de YOrdie. Son DE LIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 63 vrai nom est Miche; il portoit Vhabit ecclésias- tique & Freysingue, Heureux encore , si c’est la ce qui dans la suite semble le rendre 4 peu prés nul pour Weishaupt. Sous le nom d’Alcibiade , se trouve sur la méme liste le sieur Hoheneicher y que sa qualité de conjuré au Sénat de Weishaupt n’empéche pas de prendre place au Sénat de Freysingue , en qualité de Conseiller. L’onzitme de ces Aréopagites, est le Baron de Schreckenstein ; son nom de guerre est Mahomet. Nous le verroris bient6t présider & des Provinces entidres de l’Miminisme. Peu de jours aprés ce Mahomet, se trouve initié un nouvel Aréopagite , sous le nom de Germanicus. Ne pouvant- découvrir son vrai nom, je ne me livre point & de’ simples conjectures (*). Cette méme époque nous offre d’ailleurs , “parmi les simples initiés ‘aux premiets gradés , un assez zrand nombre de Frétes importans. Tel est par exemple ce Magistrat @’Eichstadt appelé Zang, et surnommé dans VOrdre Tamerlan Tel: est (*) Pour savoir le vrai‘nom des,adeptes il:suflit assez souvent de combiner leurs -lettres , celles sur - tout ob Weishaupt. annepce le le nor, quil ine aux candidats , avec ce qu'il en dit ensuite _Sous ce dernier nom.. Les journaux, les écrits allémands et mes cotrespondances m’en ont fait connoitre bien dantres', » sur lesquels il - nest pas le moiddre doute. : 64 CONSPIRATION DES SOPHISTES encore le secrétaire intime appelé Gerser. Je ne sais point le nom caracteristique de celui-ci; mais la lettre de Weishaupt sur l’acquisition qu’il a faite de ce Frére, nous dit tout Vintérét qu’il attachoit 4 des prises de cette espéce, et tout le parti qu'il savoit en tirer pour aceréditer son Hluminisme. Cette lettre est du 10 Juin, 1778. On pent observer, en passant, qu’elle est , dans les Ecrits originaux , la premiére datée dans le style de VEre Persane , du 10 Chardard 1148. « L’acqui- » sition du secrétaire intime Geiser , y-dit Weis- » haupt a son cher Caton, est un évériement si » utile pour nous ,-que nos affaires vont en » prendre une tournure toute autre. Elle fait » sar-tout disparoftre cette apparence beaucoup trop forte de nouveauté. C’est pour cela qu’i} faut nous en féliciter 5 vous, et moi, et tout VOrdre... C’est & présent’ que, nous pouvons nous flatter de faire quelque chose de grand, » En s’unissant a nous, des hommes de cet état , » de cette importance., donnent..bien plus de » poids &: notre objet. Ils servent & tenir nos » jeunes gens sous le frein. Ne manquez pas de » faire & Monsieur le secrétaire intime , mes bien sincéres complimens et. remetcimens. Des gens de cette importance doivent avoir chez nous le droit de choisir eux--mémes leur » caractéristique , ” » ” z ” DE LIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 635 % caractéristique, leur emploi, le genre de travail » qui leur plaa. Ayez soin de m’en instruire, » afin que je prenne les arrangemens convena- » bles.» (I. 1, lett. 13 @ Caton. ) Dans cette classe des Fréres importans , il faut bien mettre encore ici ce Comte Savioli, le Brutus de Weishaupt , le Baron de Maggenhoff dont il fait son Sylla , le Comte de Papeinheim dont il fait son Alexandre, En attendant que nous trouvions dans cette liste des noms plus impor= tans encore, des Ministres , des Princes, écou- tons de nouveau Weishaupt développant ses vues, et mettant ses adeptes en activité, sur-tout quand il s’agit d’attirer dans ses piéges tous ces nobles de V’aristocratie , et d’en faire les premiers ins- trumens, les apdtres et les propagateurs d’une conspiration dont ils doivent étre les premiéres victimes. « N’avez-vous donc point , écrivoit - il » le 10 Pharavardin 1149 ( 31 Mars 1779 )ases wv Athéniens de Munich, n’avez-vous donc point » dans votre Athénes, quelques-uns de ces » étrangers que l’on puisse d’abord admettre » dans notre Ordre, élever au plutét au Grade » Minerval , munir simplement des connoissances ” propres 2 ce Grade, et sans leur en dire da~ » vantage envoyer établir le systéme , nous » faire des disciples dans leur pays, par exem~ * ple 4 Augsbourg, & Ratisbonne , a Saltzbourg, Tome IV. . £ 66 CONSPIRATION DES SOPHISTES »> 4 Landshut et autres villes ? Il faudroit pour » trouver ce monde - 14, vous insinuer un peu » dans les sociétés , et fréquenter les assemblées , » les rendez-vous publics, Puisque vous avez déja fait tant d’autres choses , faites donc » encore celle-la. A Erzerum , ( Eichstadt ) et » dans toute la Franconie, je voudrois faire des » progres extraordinaires , si je pouvois dans ce » pays-ld gagner et mettre dans nos secrets deux » Gentilshommes que je connois trés-bien, tous » deux hommes d’esprit et fort estimés par la no= » blesse. — Cette acquisition nous yaudroit des 2» adeptes du rang de la noblesse , et gens d’esprit , 2» qui recruteroient pour nous, dans leur caste , » par toute la Franconie. — Lorsque nous don- » nerions un nouveau grade dans Athénes, nous » pourrions y appeler ces deux cavaliers pour la » cérémonie. Ce seroient de nouveaux candidats » pour un grade plus haut. — Leur considération » et leur noblesse nous serviroient de plus & ..» dompter un peu Brutus et nos autres nobles. » —Enfin Tamerlan, ou le Conseiller Lang , » qui ne croit pas quil y ait dans Brzerum » d’autres adeptes que ceux qu'il y connoit , » seroit dans l’admiration de trouver dans un » plus haut degré, des hommes qu’il ne savoit pas étre des nétres, des Gentilshommes qu’il » estime infiniment. Voyez, délibérez la-dessuso> ( Tome 1, let. 39.) DE LIMPIETE BT DE L'ANARCHIE. 67 12 Dans les lettres suiyantes on ne voit plus ce jeune Brutus , c’est-a-dire , ce Comte Savioli_ avoir besoin du frein d’un autre Comte. II se fait. aussi apétre dela Secte; il part pour une expé-, dition, dont Weishaupt se promet bien des avan- tages. Onvpeut;juger du zéle avec lequel il rem- plitsa commission , par l’honneur que Weishaupt lui fait,>en le distinguant trés -spécialement des Fréres a renvoyer comme inutiles.. Pour juger encore mieux) des services qu’il étoit disposé & rendre , il suffit de l’entendre exprimer lui-méme sa reconnoissance pour les faveurs qu’il a deja recues de l’Ordre, et comment il se flatte d’en mériter de nouvelles. Sa lettre est adressée aux excellens Supérieurs de |’Illuminisme , et est con- gue en ces termes : « Recevez , Excellens , les témoignages de ma » vive reconnoissance , pour le troisiime grade » dont vous m’avez honoré.. Tout y est beau, » grand , noble; tout y. remplit l’idée que » je m’en étois déja faite par le second. Trés-cer- » tainement je chercherai & mériter votre con- » fiance. Comptez désormais sur la mienre et sur » mon dévonement parfait et sans.réserve. ‘Rien » au monde , non rien‘ne peut désormais me sous: » traire & vos lois et au yoeu d’étre conduit » par yous. » E2 68 ConsPIRATION DES SOPHISTES « Vous m’écrivites, il y a quelque temps , de » ne plus rien ‘chercher a ia Cour, parce que je- 2» n’en pouvois rien: attendre. Je m’ew suis tenu » 4 cet ordre; mais.le Ministre de.la Régence 2 me donnant aujourd’hui quelques preuves de. » considération , mes. affaires ont: pris une autre: » face. La maladie sérieuse:de |’Bmpereur ayant v fait penser au Vicariat de Empire: on-a jeté: m'les yeux sur le:Frére Périclés , et moi pour la » charge ‘de. CoriseiJler dans cette Cour; et j’ai »& présent le plus*grand espoir d’étre fait Con- » seiller intime. S.....s'occupe: spécialement de » moi, et je le ‘dois & Vamitié des Fréres Celse. » et Alfred. Si jamais jarrive a quelque puissance, » c’est alors que-le trés-excellent Ordre verra com- » bien mon ceeur lui est dévoud, combien je lui » appartiens tout entier, Mais jusqu’&’ ce moment » je ne puis vous offrir que des yoeux, etc. » ( Ecrits orig. ‘quibus licet de Brutus , t, 2.) Quoique la faveur. qui avoit: inspiré. tant de- zele A ce Comte Savioli ft encore: loin des der- nliers mystéres , it avoit dans Ordre un free qui sans doute ne’se flattoit pas méme d’arriver & ce troisitme grade. L’adepte Insiauant les avoit dis- tingués; la lettre par laquelle il annonce leur réception & Spartacus >.Va nous dire quelle autre esptce de service YOrdre pouyoit. arendee de: ce dernier : . : pe tilmplsTé ET DE L’ANARCHIE. 69 « Voici :, ‘écrit Caton 4, Spartacus, les nou- ~v.velles espérantes que j'ai pour |’Ordre. Aprés <#:de longs préparatifs j’ai enfin .engagé le jeune wS...6.:{ Savioli. ) Celui- ci -nous livrera son +» frére., qui-peat mettre nos affairgs en train & 1» Angsbourg. Ils-sont tous les deux riches. J’en- ~» gage le premier comme un. sta bend, c’est-de » dire comme ‘yn de ces Fréres que nous devons -m tenir dans lés grades inférieurs. Je l’engage v.:dabord ‘pqurique dans Voccasion il nous préte .*r $a maison trés-coimmode pour nos assemblées , ei et ensuite: ek'sut-tout pour. qu'il nous aide de 1» sa bourse damit er an geld heytraget, ,, mee y — La méme lettre offre, en ces termes, un second sta bend du.méme genre; “ Le Frere Livius s» (Rudarger) doit Atre désormais regardé comme oe ‘appanfenant:ala méme celagse, Tl m’a franche- igs. ment ayedé gu’il n’avoit yni le temps ni la yy Welonte dé.se livrer & tous nos. travaux, mais ‘go qu'il Stoit. peat ¢ cantribuer de son. argent aux » progres dé:|’Qrdre, A nous fournir aussi des »» livres. poux nos bibliothdques et des instrumens » pour les expériences. — Je lui ai donné 4 en- -» tendre’ que says doute 41 ponvoit rester des ‘5, ndtres ; mais senlgment dans Ja.classe de ceux 99 qui naus serveat pour. leur. argent. ,, ( Tome 1, sect, 32. Lett. de Caton a Spart. ) E3 7o ° CONSPIRATION DES. SOPHISTES: “Ainsi Weishaupt tournoit' également ’au profit ‘de'ses complots'ta bourse et-Vignorance , Pim- ‘piété et la sottise de ses’ Matquis, Chevaliers: , ‘Barons, ou Magistrats initi¢s. : Déja il.en comp- “toit’ de cette esptce jusques ‘dans la Chambre - “¥mpériale’ de: Wetzlar.’ Gar-dés le 2g‘Aott 197%, “se voit sur la liste des initiés ce-mémne Afinos , oe ' Ditefurth ,-assesseur si zé\é posyidonner & Ordre des Sceurs Iluminées, ( 77.2.8 de ces‘ Mémoires , “thap; 2) On lé trouve d’abordpfrappé dune ‘sus- * pense ,comme suspect aux Fréres: ( Moy.da liste, “avy Ecrits orig..sect.'4. ) Malsbientét son zéle et sa docilité:en font tout a la fois admiration ‘et Je jouet de Weishaupt. On a vu cet adroit cons-- “pirateur , pour mieux scrutéet led-Freres , exiger *qu’ils ‘tracasserit “eax-méimes-toat le cours..de “leur vie ; quils-fissent -un avew détajlld de leurs “ passions , ‘de lbuts préjugés', de "leurs habitudes. L’assesseut aé ta‘ Chambre Impériale se soumit.6i “ scrupuleusement & cette loi, qué Weishaupt-crut devoir en instruire'en ces termes les: Atéopagites : « Minos , cet homme qui'jouit’ dine si grande ‘9 considération , écrit en ce moment lhistoire de » savie. Ul nen est encoré qu sa dix-septiéme » année, etilen a dGjd quatre-vingt-treize feuilles, » etilaquarante-cing ans. C’estla bienautre chose » que toutes‘les'confessions générales, Voyex ce » quwon peut faire'des hommes quand on sait gagner DE LIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 78 » leur confiance et les bien convaincre de la bunté » de la chose.» (Ecrits orig. tome 2, lett. 7 et 10.) Plein de cette conviction , l’asserseur Impérial apprit si bien l’art de convaincre les »utres, que nous le verrons un jour Provincial de l’Ordre. Quelque zélé que fat Weishaupt pour acquérir 3 son Illuminisme des adeptes de ces premiéres classes de la Noblesse ou de la Magistrature , il recommandoit bien plus spécialement encore & ses Enréleurs de faire leurs recrues parmi les Pro- Sesseurs et les Maitres d’écoles, comme le vrai moyen d’attirer 4 lui la jeunesge de toutes les castes. De la cet Hermés-Trismegiste , de son vrai nom Socher, Supérieur des écoles & Landsberg , chargé de surveiller les Jésuites comme les enne= mis les plus déclarés de l'éducation qu'il doit don- ner 4 ses éléves. (T. 1, let. 28. ) De 1a encore tous les soins que se donne Weishaupt pour rem- plirson université d’Ingolstadt, de Professeurs ota répétiteurs attachés & la Secte ; de 14 toutes ces priéres qu’il adresse aux adeptes de Munich , pour obtenir, par l’intervention de quelque Ministre , qu’on chasse les Jésuites, parce qu’ils ont fait perdre & son parti les quatre Professeurs Scholli- ner, Steingenberger, Wurzer et Schlegel ; parce quil ne lui reste plus dans l'Université que trois confréres pour résister au Jésuitisme. ( T. 1 let. 36,30 Janv. 1778. ) De la toute cette liste de Pro- E4 72 CoNSPIRATION DES SOPHISTES fesseurs Illuminés dans les villes ob la secte s’éta- blit, tels que Krenner , Lemmer, Westenrieder y ayant pour noms de guerre Arminius, Cortez et Pychagore. Celui-ci quitta Ordre , et son nom de guerre fyt donné au bibliothécaire Drexel ; mais comme Profésseur , on peut le remplacer par Kundler et Lolling , et sur-tout par ce Baieram- mer, que Weishaupt surnomme d’abord son Zo~ roastre , dont il fait ensuite son Confucius , et qu’il n’attire enfin dans Ingolstadt que pour se donner un collégue formé de sa main 4 tout l’art de séduire et d’enréler les jeunes gens, ( V, sur- tout, t. 1, lett. 24.) De 1a enfin ce zéle pour envoyer des adeptes dans toutes les maisons d’é~ ducation , et sur-tout ces instances que Weis~ haupt fait & Caron et Marius , en leur demandant s'ils n’auroient pas quelques Fréres stylés au role d’Insinuant , que l’on pit répartir dans les Uniw wersites de Saltzbourg, d’Inspruck , de Fribourg et autres, (Id. let, 40, ) De toutes les conquétes faites par ces Insinuans sur les jeunes étudians, il suffit de nommer ici Eckare et Kapfinder, un certain Mich! et un Riedl, enr6lés sous les noms de Saladin , Thales, Timon et Euclides. Ce n’étoit-la encore que des écoliers de dix-huit ou de vingt ans. Sauer, ou V Attila de YOrdre et son Empereur Claude , ou Simon Zwack, cousin de ’intime Catoz , n’en DE L’IMPIETE ET DE L’ANARCHIE, 73 avoient pas davantage. A cet age ils en étoient ‘alors plus chers 2 Weishaupt; il les trouvoit plus aisés & former. I} s’en falloit bien que les autres adeptes fussent encore tels qu’il edt voulu les voir, c’est-A-dire, n’ayant tous, comme lui, qu’un seul voeu,, qu’un seul objet et qu’un grand intérét , celui de ses complots, II s’en falloit bien dans ces commencemens qu'il leur trouvat 4 tous cette docilité dont il avoit besoin, pour ne voir dans eux que les instrumens de ses projets. Tels qu'il les peint lui-méme, les adeptes de |'aristo~ cratie, par cela seul qu’i/s ¢totent riches, avoient tous les vices de leur état; ils dtoient ignorans 5 orgueilleux, ldéches , paresseux au supréme degre 3 ils ne cherchoient & s’avancer dans les secrets que pour satisfaire leur curiosité, ou. méme pour se jouer de l’appareil de ses grades ; ( T. 2, lete. 1.) et il vouloit des hommes & qui cet appareil en imposat, qu’il remplit d’enthousiasme. Les repro- ches qu’il fait @ bien d’autres adeptes nous mone trent une bande d’Initiés sans moeurs, ne cher- chant dans ce qu’ils font dans l’Ordre qu’a satis- faire leurs passions , leurs intéréts, leur avarice , souvent méme, par leur dissolution et leurs scan- dales , exposant le Fondateur & passer pour un core rupteur de la jeunesse 3 ( V. id. lett. 11. ) et il lui falloit dés hommes qui, sachant comme lui satis« faire en secret les passions les plus infames , 4 ConsPIRATION DES SOPHISTES affectassent en méme temps tout cet extérieur de vertu, de modération et de sagesse dont il avoit besoin pour accréditer son Illuminisme. Nous Vavons vu forcé 4 dévoiler dans ses confidences, -et la turpitude de ses moeurs, et l’atrocité des moyens auxquels il eut recours: pour conserver la réputation de ses prétendues vertus; ce n’en est pas moins lui qui reproche en ces termes & ses premiers adeptes, le tort que faisoit & son Illuminisme la publicité de leur dépravation : «Il » me vient de Thebes (de Freysingue ) des nou- » velles fatales. Ils ont donné & toute la ville le » seandale. d’admettre dans nos-Loges ce Pro- » perce, vil libertin perdu de dettes, détestable ‘» sujet...... Dans cette méme ville encore, le » Frére D.., n’est qu’un méchant homme. Notre '» Socrate qui pouvoit cependant nous rendre de # si grands services, est constamment dans » Vivresse. Notre duguste s'est fait la plus mau= » vaise réputation. Frére Alcibiade' soupire tout » le long du jour, et desstche aupres de son » hétesse, Trbéere a voulu faire violence a la sceur » de notre Dioméde et s’est laissé surprendre par » le mari. Ciel ! quels hommes ai-je donc la pour » Aréopagites ! Nous sacrifions nous autres, au » bien de l’Ordre notre santé, notre fortune , » notre réputation; ces Messieurs se livrent & » leurs plaisirs » 2 toutes’ leurs commodités , se DE VIMPIETE ET DE 1/ANARCHIE. “75 » prostituent, donnent des. scagdales , et n’en >» veulent pas moins savoir tous. nos secrets. Das -» cet instant je, regarde Tibére ( Merz ) comme .»-effacé de nofre.liste. — O, Aréopagistes , Aréo- .»» pagites! Combien..j’aimerois. mjenx n’en avoir » point du:tout, ou du moins en avoir trouvé » de plus‘ actifs et plus soumis | »( Id. tom. 2, lett. 9.) : « Ces.plaintes ne sont pas, a. benitcap prs, : “es -seules: qui. d¢voilent V'idée que Weishaupt avoit » son vrai nom Feder ) venoit.4 savoir quel sas -» de gens sans meeurs , de prostitues, de menteurs, ». de faiseurs. de dettes, de fanfarons, de fous - remplis d’orguetil ,. vous avez-parmi vous; si un » tel homme les voyoit , qu'elle idée se feroit-il de » nous ? Ne se. trouveroit-i- pas tout honteux » d’étre membre: d’ung société dont les chefs .» annoncent de si: grandes chos¢s et remplissent » st mal le plus beau plan ; et tout cela a cause 76 ‘CoNSPrRATION DES SOPHISTES » de leur obstivation’, et parce qu'ils ne savent » rien prendre sur leurs’ plaisirs ? Avouez fran- » chement si je -n’ai :pas: raison. Jagez si pour » garder un homme tel que ce Mare-Auréle Feder, x» dont le nomi'‘seul*hous vaut [élite ‘de [ Alle- ».magne, i] ne faudeoit pas sacrifier et exclure toute votre province'de Gréce , (de Bavitre’) » et les imnocens mémes tout comme les coupd- » bles ?Etsi-j’en ¥enoisla, & qui-seroit la: faute ? » Ne vaut-il- pas bien mieux couper des mem-~ »» bres gangrenés: que de perdre tgut le: corps? » Seriez-vous bien assez injustes pour aimera’ voir » une société d’hommes choisis:se dissoudre:et ‘» abandonner la’ rdforme de. l'univers, et celad » cause du désordte:et des scandales qui régnent ‘® parmi vous ?‘Otv!: cela seroitpire ‘qu’un Eros- » trate, pire que les méchans:de. tous les temps et » de tous -lés mondes. Ceux: donc de vos. Mes- » sieurs.&-quivce plan ne convient: pas , -ceux » qui aiment’ mieux leur propre commodité ou w leurs. mistrables passions’, ceux -enfin qui se » soucient peu‘ de :l’approbation de..ce quil ya » de mieux parmi les hommes,’ et-ceux qui pour 2» la mériter ne veulent, pas travailler avec nous » dhe faire du genrehumain qu’une seule famille s » ceux-1a, je les'enprie; oh! je:lesen conjure, » quiils n’empécheht pds’ au mpoitis nos travaux » et que leurs’ scandales ne nous fassent pas 2 z DE VIMPIETE ET DE LANARCHIE, 77 »> recueillir pour tout fruit la honte et Vinfamie ! » Cela seroit pire que de vrais assassins, pire que » Ja peste. » ( Ecrits orig. t. 25 lett. 10. ) - Quelques fondés que fussent ces reproches , dans le temps oh Weishaupt ne cessoit de les répéter , les progrés de son Illuminisme auroient pu lui prouver que, tout en se livrant & leurs passions , * ses adeptes ne perdoient pas de. vue. le grand objet de ses mysttres. L’historien pourra juger de leurs succes par la note suivante; elle va nous mon~ trer et ces succts et le compte que les Fréres avoient soin de’ s’en rendre a eux-mémes; elle peut commencer & expliquer bien des mysttres de la Révolution. Note sur les progres des Ilumines en Baviere, trouvée dans les papiers de Caton-Zwack, écrite de sa main, et insérée dans le premier volume des Ecrits originaux, Cette note commence par ces mots: Le nombre dans la Gréce consiste en — Soit que Zwack n’efit pas marqué ce nombre des Fréres en Grece , c’est-a-dire en Baviére , soit que l’Edi- teur ait jugé & propos de le laisser en blanc, la phrase n’est pas finie. M. Robison y supplée par le chiffre 600; mais il ne nous dit pas sur quelle autorité; en me contentant de traduire, je vais. continuer avec Zwack: «Nous avons dans Athénes (4 Munich) 1.° une » Loge régulitre’ composée d’Illuminés majeurs; 78 ConsPIRATION DES SOPHISTES 2.° une moindre assemblée d’Illuminés , trés- » » propre A notre objet ; 3.° une ‘grande et rex « marquable Loge magonnique ; '4.°-deux con= » sidérables Eglises ou Académies du Grade Mi- » nerval. » A Thebes (Freysingue ) de méme , une Loge nm Minervale, aussi bien qu’s Mégare ( Lands~: » berg, ) & Burghausen, a Straubing, 4 Ephese: ( Ingolstadt ; ) nous en aurons une dans peu 2- » Corinthe ( Ratisbonne. ) » Nous avons acheté (& Munich) une maison » pour nous, et nous avons si bien pris nos » mesures, que non-seulement les Bourgeois ne » se récrient plus sur nos assemblées , mais qu’ils » parlent de nous avec estime , lorsqu’ils nous » voient publiquement aller & cette maison ou a: » la Loge.. Certainement c'est i beaucoup pour cette ville, ' : « Nous avons dans cette maison un cabinet » Vhistoire naturelle, des instrumens de physi- que , une bibliothéque ; et tout cela de temps a' autre s’accroft des dons des Frétes. + Le jardin est destiné & la botanique. » L’Ordre procure aux Fréres tous les jour- » naux scientifiques. — Par différentes pitces » imprimées , nous avons réveillé Pattention des » Princes et des bourgeois sur certains abus plus remarquables; nous nous opposons aux Reli- = = ” » DE VIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 79 2 gieux de toutes nos forces, et nous avons yu de » bonnes suites de ces travaux. » Nous avons disposé la Loge absolument sui- » yant notre systéme, et nous avons rompu » avec Berlin. » Nous avons non - seulement terns les en- » rélemens des R. C. ( Rose-Croix ; ) mais nous » avons réussi & les rendre suspects. » Nous sommes effectivement en traité d’une » alliance plus étroite avec la Loge de. . et avec » la Loge nationale de Pologne. » Autre note de la méme main sur les progres politiques de [ Ordre : » Par les intrigues de nos Fréres les Jésuites » ont été éloignés de toutes les places de Pro- » fesseurs ; nous avons purgé d’eux ]’Université » d'Ingolstadt. Darch die verwendung der Gebrii= » dern werden die Jesuiten non allen Professor= » stellen entfernt, die Universitet Ingolstade » ganz von ihnen gereinigt, » La Duchesse Douairitre , pour Pinstitut des » Cadets, a tout disposé suivant le plan fait par » notre Ordre. Cette maison est sous notre inspec« » tion 3 tous les Professeurs sont membres de notre » Ordre, Cing d’entre ces membres ont étd bien » pourvus » et tous les dléves seront d nous. _ »Par la recommandation des Freres, Pylade » est devenu Conseiller-fiscal ecclésiastique. En lui 80 ConsPiRATION DES SOPHISTES # procurant cette place, nous avons mis 4 la dis= ». position de ? Ordre Pargent de PEglise. Aussi » avons-nous, par Pemploi de cet argent, déja » réparé la mauvaise administration de nos— » et de— Nous les avons tires des mains des » usuriers, — : « Avec ce méme argent nous soutenons toujours de nouveaux Freres, » Nos Fréres d’Eglise ont été par nos soins » tous pourvus de Bénefices, de Cures, ou de » places de précepteurs. Par nos soins encore, nos Freres Arminius et Cortez sont devenus profes- » seurs dans ? Université d’ Ingolstadt ; dans cette » méme Université nous avons procuré des bour- » ses 4 tons nos jeunes éléves. » A la recommandation de notre Ordre , la Cour fait voyager deux de nos jeunes gens qui se trouvent & présent & Rome. « Les écoles Germaniques sont sous ’inspection de YOrdre, et n’ont pas d’autres préfets que nos Freres. » Nous dirigeons aussi la sociétd de bienfaisance. » LOrdre a procuré & un grand nombre de » Freres qui sont dans les dicastéres , dans les 3 ” 7 2 ” ‘yy Bureaux d’administration , des appointemens et 2 des surcrofts de payé. » Nous avons pourvu nos Freres de quatre chai- » res ecclésiastiquese “ n Sous DE LIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 84 » Sous peu nous serons maftres de toute la » fondation Barthélemique destinée a l’éduca- 2 tion des jeunes Ecclésiastiques. Toutes nos » mesures sont prises pour cela; l’affaire a pris » une bonne tournure. #ar ce moyen nous pour= » rons munir toute la Baviere de Prttres adroits » et convenables (& notre objet). » Nous avons les mémes vues et le méme espoir » sur une autre maison de Prétres, » A force de mesures , d'efforts infatigables, et » parles mendes de divers — par—nous sommes » venus & bout , non-seulement de maintenir le » Conseil ecclésiastique que les Jésuites vouloient » faire sauter, mais de faire attribuer & ce Conseil , » aux Colléges et aux Universités , tous les biens » dont les Jésuites avoient encore l’administration » en Baviére, tels que l’institut de la Mission , » Yaumbne d’or, la maison de retraite et la caisse » des convertis. Nos Illuminés majeurs ont tenu » pour cet objet six assemblées ; plusieurs y ont » passé des nuits entiéres 5 et —» Ce dernier article est encore mutilé par l’éditeur des Ecrits originaux. Il n’a pas pla a la Cour de Baviére de publier le nom de ces divers , soit Ministres , soit autres, qui secondérent si bien Weishaupt et ses adeptes dans cette circonstance. Mais parmi ces divers ( Ministres ) les Jésuites au ‘moins suspectérent beaucoup le Comte de Senseims Tome IV, FE 82 CONSPIRATION .DES SOPHISTES ceux du Colldge Anglois alors établia Liége, crurent, spécialement lui devoir la suppression de dix mille florins qu ils avoient regus jusqu’alors de la Cour de Baviére. Je ne sais & quel point ces soupcons sont fondés; on le concevra peut- étre mieux quand on verra ce Comte de Senseim, sous le nom du Roi Alfred, parottre sur la liste des Fréres ; mais , quoi qu’il en soit, la piéce ori- ginale que je viens de traduire prouve assez que les adeptes ne méritoient pas toujours les reproches @inactivité que leur faisoit Weishaupt. " Telle que je viens de la traduire , de combien de problémes ou d’énigmes cette note nous pré- pare la solution dans Vhistoire de la Révolution ! Malgré la résistance et la constance de la grande ‘partie du Clergé dans cette Révolution , an s’é-. tonne de voir par-tout un certain nombre d’Ecclé-.. siastiques entrainés dans toutes ses horreurs et son impiété. Caton-Zwach nous dévoile ce que cétoit au moins que ces faux Pasteurs. Hypo- crites atroces , c’est 1a Secte elle-méme qui les a formés et choisis dans son sein pour les mettre dans celui de l’Eglise. Elle leur a dit : Simulez pour un temps la pieté, le ztle, le symbole des Prétres ; nous saurons vous procurer leurs béné- fices; nous ferons de vous les Curés et les Pas- teurs des peuples. Vous précherez en public la doctrine de leur Evangile ; vous en ferez & DE VIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 83 Yextérieur toutes les fonctions ; et vous serez des nétres en secret, vous nous préparerez les voies. Il ne s’agit pas de demander ici : comment s’est- il trouvé des monstres qui aient pu consentir % jouer ce réle de serpent dans le Sanctuaire méme ? Caton-Zwack nous les montre ; ils se sont dit ~Curés ou Chanoines, Vicaires , Professeurs ow Docteurs de l’Eglise Catholique ; ils en ont fait autant , nous le verrons, dans l’Eglise Protestante;’ et Pune et l’autre Eglise a eu pour Ministres des hommes conjurés pour sa destruction. : Ce que les conjurés ont fait pour l’Eglise, ils VYont fait pour Etat ; ils V’ont fait dés les pre~ mitres années de leurs complots. C’est encore Caton-Zwack qui nous montre ici les intrigues , les intentions et les succts de la Secte, insinuant ses adeptes dans les dicasttres , les conseils et les bureaux de ladministration publique, soudoyés par les Princes et YEtat; et dans le cdnseil des: Princes, des Etats, portant tous les projets des traftres , toute leur conspiration contre les Princes et l’Etat. . On s’étonne d’une génération qui semble naftre avec tous les principes du Jacobinisme , dans le sein méme de ses écoles fondées par les Princes pour ]’éducation de la jeunesse; ce que Caton nous dit de [institut créé par la Duchesse Douai- rire , explique encore l’énigme. F2 a4 ConsPIRATION DES SOPHISTES Enfin , Vhistorien doit un jour se demander & lui-méme et dire & ses lecteurs, d’oh venoient ala Secte ces trésors prodignés pour la propa- gation de ses principes, pour les courses de ses ap6tres, pour l’entretien ou la fortune de ses adeptes; la voila nous montrant elle-méme ses Novices élevés aux dépens des fondations publi- ques, ses voyageurs payés par des Princes qui croient envoyer 4 la découverte des sciences et des arts chez les Nations diverses , et qui leur envoient des conjurés, La voila sur - tout nous montrant elle-méme ses adeptes introduits dans Yadministration des biens ecclésiastiques, et de ces mémes biens payant les dettes de ses Loges , nourrissant les apdtres de la conspiration , réta~ blissant ses clubs et les multipliant. Que Vhisto- rien pése les conditions auxquelles tant de Fréres sont pourvus de leurs emplois ou de leurs béné- fices , et il verra le trésor de la Secte s’augmenter de toute la portion des revenus qu’elle sait se ré~ server sur ceux qu'elle procure aux Freres , dans Etat ou l’Eglise. Mais il est dans cette méme note des énigmes d’un autre genre. On y voit Caton-Zwack s’ap-= plaudir en méme temps d’une Loge Magonnique érigée dans Munich par les Illuminés, et des triomphes remportés par ces Illuminés sur les Franc-Macons Rose-Croiz. Qu’est-ce tout & la pe Vimprtré et DE LANARCHIE. 85 fois que cette concurrence, ce désir d’imiter les Freres Franc-Macons, et cette guerre déclarée aux plus fameux adeptes de la Franc-Maconne= tie ? Ces questions nous aménent & l’exposition du moyen le plus profondément corigu par Weis- haupt , pour la propagation de ses complots. Elles tiennent & ses premieres tentatives, ala diversité de ses moyens , de ses succts, et enfin.aw triomphe de‘son intrusion dans les Loges Maconniques. Je vais, pour leur solution, réunir dans les chapi- tres ’suivans ce que les archives de la Secte, les lettres, les écrits , les aveux de ses grands adep=- tes, nous offrent de plus instructif-sur ce fameux projet. Son exécution: appariient & la seconde époque de la Secte, a celle qu’il nous est si:mal- heureusement permis d’appeler l’époque de la Frane-Masonnerie Iuminisée, FS 86 COoNSPIRATION DES SOPHISTES CHAPITRE ‘IIL Epoque de la Franc-Maconnerie illuminisée ; Jlessais de. JV eishaupt sur les Loges ma- gonniques.; acquisition de Knigge et ses premiers services. ae pour, un. instant,a Pempire des con- jectures: et, des systémes, tout ce qu ’on sa trouvé dans. ces Mémoires, surja nature, Pobjet et Vori- gine des secrets, Franc-Magonniques; supposons , Sille;faut ,..dans-une obscurité désormais impé- wétrable, leurs fastes primitifs ; laissons méme les Vénérables Fréres exalter_ le mérite et la gloire de leurs ancétres ; trop malheureusement pour les enfans, nous voici 4 |’époque ob toute cette gloire se ternit et s’éclipse, ottleurs orateurs mémes vont s’écrier : « Fréres et Compagnons, donnez » un libre cours. vos regrets. Ils sont passés ces » jours de Vinnocente égalité. Quelque saints » qu’aient éténos mystéres, les loges sont souillées. » Freres et Compagnons, laissez couler vos » larmes; dans vos habits de deuil, venez,. fer- » mons nos temples; les profanes ont su y pé- » nétrer; ils en ont fait l’asile de leur impiété , DE VIMPIETE ET DE L’ANARCHIE, 87 » Yantre de leurs complots: ils y ont médité leuts » forfaits et la ruine des peuples; pleurons sur » nos Légions qu’ils ont séduites. Des Loges qui » ont pu s’ouvrir pour ces conspirateurs doivent » @tre A jamais fermées pour nous, et pour tout » vrai citoyen. » i Elles ne sont pas de moi, ces plaintes lugii- bres, ces désolantes lamentations; je les ai efi- tendues de la houche des Vénérables ; elles sont Yoraison funébre de la Magonnerie , prononcée én présence des Fréres , pour la ‘dérnitre fois asgem- ‘blés dans une Loge Germanique , et réduits & gémir sur la triste destinée de leur Ordre. ( V le discours dun orateur Macon, pour la cloture de sa Loge. ) Malheureusement pour l’honneur’ des Fréres nous pouvons redire leur douleur, nous ne pouvons pas taire combien elle est juste. Quels “que fussent jadis tous ses mysttres, la Franc- Magonnerie est dévenue coupable. Si elle ‘ine l’est point par elle-méme, elle lest par Weishaupt. Elle a fait ou ila fait par elle la plus désastreuse ‘des Révolutions. Cette terrible vérité ne peut ‘rester captive, Vhistoire doit parler et fournir ses preuves. C’est ici la plus grande lecon qu’elle ait encore donnée sur le danger des sociétés secretes. i Dés les premiers jours de son Illuminisme , ‘Weishaupt avoit congu tout le parti qu’il tireroit FA ‘a8 CoNSPIRATION DES SOPHISTES pour ces complots, de la multitude des Franc- Magons répandus en Europe y s'il pouvoit jamais s‘insinuer dans leur alliance. « Que je vous dise y.une nouvelle, écrivoit-il & son adepte Ajax , y des Vannée'1777; avant le carnaval prochain >» je pars pour Munich et me fais recevoir Franc- 5 Magon. Que cela ne yous effraye pas ; notre »» Affaire n’en va pas moins son train; mais d cette yx» démarche nous apprenons d connoitre un lien ou 9) Un secret nouveau, et nous en devenons plus forts 33 que les autres.,,(Ecrits orig. t.1, lett. 6, & Ajax.) Il regut en effet les premiers Grades Maconniques dans la Loge appelée de Saint- ‘Théodore, Il ne vit jusque l& que les jeux d’une innocente fraternité ; mais il vit dans ces jeux Végalité et la Liberté faire tous les délices des Fre- res ; il soupgonna des mystéres ultérieurs. On lui disoit en vain que toute discussion religieuse ou politique étoit bannie des Loges, que tout véritable “Franc-Magon étoit essentiellement fidelle & son Prince et au Christianisme ; il le disoit aussi 4 ses Novices et & ses Minervains , et il sayoit ce que devenoient dans son Illuminisme toutes ces assu- rances. ‘Il crut aisement qu'il en seroit de méme chez les Franc - Masons, Bientét lintime Zwack lui fournit le moyen de pénétrer dans leurs der- niers secrets, sans étre obligé d’en subir les épreuyes, Cet adepte ayoit eu & Augshourg une DE LIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 89 entrevue avec un Abbé appelé : Marotti. Dans cette entrevue, Marottf lui avoit donne les hauts Grades, et ceux mémes des Loges Ecossoises ; il lui en avoit explique’ tous les mystéres absolument fondeés , lui disoit-il, sur la Religion et sur Phis- toire de l’Eglise. Caton-Zwack nous apprend com- bien l’explication devoit étre propice aux complots de son impiété , quand il dit avec quel soin et quel empressement il se fit un devoir d’annoncer sa découverte & Spartacus-Weishaupt. ( V7. le jour- nal de Caton, diarium des Cato , Ecrits orig. , .£, 1. ) Sar la simple nouvelle et avant de savoir les détails de cette’ entrevue , Weishaupt quit avoit aussi fait 'sesrecherches, répondit a l’adepte confident : ‘‘ Je doute que vous, sachiez réelle- » ment le veritable objet de la Franc-Macon- » Rerie ; mais j’ai moi-méme acquis sur cet objet »» des connoissances dont je veux faire usage dans » mon plan, et que je reserve pour nos gradesplus s» avances. ,, ( Ibid. lett. 31, du 2 Déc. 1778. ) Caton rendit bientét &-son maitre les détails de cette explication ; et alors Weishaupt lui écrivit : “ L’importante découverte que vous avez faite & » Nicomédie (& Augsbourg ) dans votre entre- » vue avec l’Abbé Marotti , me réjouit extréme- » ment. Profitex de cette circonstance et tirez-en »2 tout le parti que vous pourrez. ,, ) Id, lett. duG Janvier suivant. ) go CONSPIRATION DES SopHisTEs En lisant toutes ces confidences , chacun se le demande naturellement : Qu’est-ce que cette joie des deux plus monstrueux conjurés qu’il y efit encore dans le monde, sur-la nouvelle seule des mystéres cachés dans les arritre-grades Macon- niques , dans ceux. mémes des Loges les plus chtres aux Fréses-Ecossois ? Weishaupt lui-méme adonc été prévenu par les Franc-Macons , dans Yexplication qu'il donne de leurs symboles , ‘et qu’il a fait entrer réellement dans ses mystéres ? (Vt. 3 de.ces Mém. Grade d’Epopte. ) Il étoit done déja dans ces arriére-Loges Magonniques’, et une impiété et des complots, étrangement préparatoires pour Vimpiété et les complots de Zwach et de Weishaupt ! La conséquence est désolante; mais faut-il s’aveugler soi-méme et sen cacher la réalité ? Pour Phonneur des Franc- ‘Magons faut-il-taire les piéges qu’on leur cache, et qu’on n’en tend pas moins & leur religion et & celle des peuples. (*) Assuré désormais de sa découverte , Weishaupt commenga & presser l’établissement d’une Loge (*) Exceptons encore ici les Macons qui s’en tiennent aux trois premiers grades, et ceux-la sur-tout quj ne voient de vraie Franc-Maconnerie que dans ces trois Brades ; mais que ceux-14 méme n‘oublient pas que ce sont précisément leurs grades qui ont servi de manteau a la grande intrusion. DE LIMPIETE ET DE L’ANARCHIE. 8 Magonnique pour ses éléves de Munich. Il or- donna dés-lors & tous ses Aréopagites de se faire recevoir Franc- Magons. Il fit toutes ses dispo- sitions pour avoir le méme avantage & Evchstade et dans toutes ses colonies, ( Id,-/ett, 32. ) Malgré tous ses efforts en ce genre, ses succes furent lents, Il avoit les secrets des Franc-Magons, et les Franc-Magons n’avoient pas les siens ; les Rose-Croix virent avec chagrin s’élever une nou- velle société ‘secréte , qui ne ;peuploit ses Loges qu’aux.dépens des leurs, et qui commengoit & les décréditer, en se vantant d’avoir seule les vrais secrets de ]’Ordre. Quelque impies que fussent ceux de ces Roses-Croix, et quoique leur systéme conduisit au méme terme, quant ala nullité du. Christianisme , la route qu’ils prenoient pour y conduire étoit toute oppossée & celle de Weishaupt. Il méprisoit toutes les sottises de leur alchimie ; il-détestoit sar-tout leur théosophie. Il se jouoit de ce double principe , de ces esprits bons, de ces esprits mauvais,. de ces démons dont tant de Rose-Croix avoient besoin pour leur science de la magie, de la cabale et de la faculté d’Abrac; (*) en un mot, malgré tout (*) Ce mot d'Abrac , abrégé d' Abraxas , n’est qu'une réunion de lettres, imaginée par Basilide, sophiste d’Alexandrie , et fameux hérésiarque du second sitcle» 92 CONSPIRATION DES SOPHISTES Pavantage que Weishaupt tiroit dans ses mystéres des symboles et des explications magonniques , il n’en livroit pas moins au souverain mépris tout ce qui est purement sottise , réverie cabalis- tique chez les Rose-Croix. Il prenoit chez eux tout ce qui conduit & Vimpiétd y et se jouoit de leur ineptie. C’étoit la lutte de Pimpiéeé tombée d’un cété dans Pabsurde athéisme, et de autre dans Pabsurde superstition. De ta ses dissentions , ces jalousies, ces concurrences, dont on a vu Jes traces dans les progres de PIluminisme traces * ee pour exprimer le nombre des trois cent soixante-cing intelligences ou esprits , dont il faisoit son Dieu. Abra- xas, dit St. Jérdme , est le Dieu fictice de Basilide, exprimé par des nombres ; et en effet les lettres dont e mot est composé rendent précisément:en Gred ce nombte de 363: : : 4,B,R, 4, %, 4; 5%. : 3, 2, 100, 1, 60, I, 200 Basilide fondoit toute sa magie sur le nombre de ses génies; et de li. cette science d'Abrac , pour dire la science de la magie. (V; Hiéron. adv, Lucifer—Augustin lib. de- Hares, — Tertul. de Basilide ) Manes prit de ce Basilide une foule d’erreurs, ét sur-tout ses Eons et sa magie. Cette faculté d’Abrac se retrouve dans le manus- crit magonnique d’Oxford; elle indique des Frétes, il y a trois cents ans , tout aussi occupés de cette faculté que bien des Rose-Croix modernes.

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