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doi.org/10.1016/j.lpm.2016.04.010
Dossier thématique
Mise au point
Hypertension et grossesse. Le post-partum
Disponible sur internet le : Hôpital Port-Royal, unité de gynécologie médicale, 53, avenue de l'observatoire,
75014 Paris, France
Correspondance :
Geneviève Plu-Bureau, Hôpital Port-Royal, unité de gynécologie médicale, 53,
avenue de l'observatoire, 75014 Paris, France.
genevieve.plu-bureau@aphp.fr
Résumé
La période du post-partum, dans un contexte de désordres hypertensifs de la grossesse, nécessite
des adaptations dans différents domaines. Ainsi, en cas d'allaitement, le choix du traitement anti-
hypertenseur doit tenir compte de son impact sur la santé de l'enfant. Les conséquences de
l'allaitement sur la santé de la mère à court et moyen terme doivent aussi être discutées. En cas
d'allaitement artificiel, il est important de rappeler que certains traitements inhibiteurs de la
lactation sont formellement contre-indiqués, tout particulièrement dans ce contexte. Par ailleurs,
le choix de la meilleure stratégie contraceptive en post-partum fait appel le plus souvent aux
contraceptions progestatives ou mécaniques. Cependant, ce choix dépendra de la stabilisation ou
de la normalisation des chiffres tensionnels en post-partum immédiat et à court terme. Enfin,
différentes consultations doivent être proposées, en particulier, une consultation d'information et
d'annonce afin d'expliquer les conséquences à moyen et long terme de ces désordres hypertensifs
gravidiques et d'organiser le suivi pluridisciplinaire. Une consultation pré-conceptionnelle prend
toute sa place afin d'anticiper le risque de récidive d'une éventuelle pré-éclampsie et de pro-
grammer une future grossesse dans des conditions optimales.
Summary
Hypertension and pregnancy: Post-partum period
Post-partum period is associated with specific characteristics in women with gestational disorders or
preeclampsia. For breastfeeding women, the choice of antihypertensive treatment should take into
account the impact on child health. The impact of breastfeeding on health mother must be also
discussed. Moreover, for lactation inhibition, bromocriptine should not be used, especially in the
context of gestational disorders. In post-partum period, the best contraceptive strategy is only-
progestin contraception or non-hormonal contraceptives use. However, this choice will depend on
the stabilization or normalization of blood pressure in early post-partum period. Finally, several
consultations should be suggested: an information and announcement to explain the consequences
of these gestational disorders and organize their multidisciplinary management and follow-up. A
preconceptional consultation takes its place to anticipate potential recurrent preeclampsia or
gestational hypertension and to schedule a future pregnancy in optimal conditions.
http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2016.04.010
© 2016 Publié par Elsevier Masson SAS.
LPM-3076
Pour citer cet article : Hugon-Rodin J, Plu-Bureau G. Hypertension et grossesse. Le post-partum. Presse Med. (2016), http://dx.
doi.org/10.1016/j.lpm.2016.04.010
J. Hugon-Rodin, G. Plu-Bureau
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l'allaitement semble avoir un effet protecteur sur la survenue crise d'épilepsie) et d'accidents psychiatriques (hallucinations,
d'une hypertension post-ménopausique [9]. L'étude très épisodes maniaques).
récente de Maloma Countouris analyse l'impact de l'allaitement L'EMEA a conclu que la bromocriptine est effectivement efficace
sur les chiffres de pression artérielle en post-partum (en dans la prévention et la suppression de la lactation mais qu'un
moyenne 8 mois après l'accouchement) en fonction de l'exi- lien avec les effets indésirables graves cités ci-dessus ne pouvait
stence ou non de désordres hypertensifs pendant la grossesse être exclu. L'EMEA ainsi que l'ANSM [11–13] recommandent donc
[10]. Elle ne confirme pas les résultats des études précédentes que :
puisque aucune modification des chiffres de pression artérielle la bromocriptine soit uniquement utilisée pour prévenir ou
(systolique ou diastolique) n'a été observée chez les femmes supprimer la lactation pour raison médicale après l'accouche-
normotendues qui allaitent ou ont allaité (comparativement aux ment (comme en cas de décès intra-utérin, de décès néonatal,
femmes qui n'ont pas allaité). Il en est de même pour les d'infection VIH de la mère,. . .) ;
femmes ayant eu une pré-éclampsie. Par contre, les femmes l'utilisation de la bromocriptine n'est pas recommandée en
ayant eu une hypertension gravidique semblent avoir un effet routine pour l'inhibition de la lactation ou pour le soulagement
bénéfique de l'allaitement d'une durée supérieure à 6 mois. Ces des douleurs après l'accouchement et les douleurs de l'engor-
résultats, même s'ils doivent être confirmés par d'autres études gement, qui peuvent être traitées de manière adéquate par
plaident en faveur d'un effet bénéfique de l'allaitement. une intervention non médicamenteuse ;
En pratique pendant l'allaitement, les médicaments potentiel- la bromocriptine est contre-indiquée chez les patientes ayant
lement utilisables sont ceux utilisés pendant la grossesse, en une hypertension non contrôlée, des troubles hypertensifs de
dehors de la classe des inhibiteurs de l'enzyme de conversion. la grossesse (tels que l'éclampsie, la pré-éclampsie ou l'hyper-
Le maintien ou la modification, pendant la période de l'allai- tension liée à la grossesse) et une hypertension survenant au
tement, d'un traitement anti-hypertenseur doit tenir compte de moment de l'accouchement ou peu après. Elle est aussi
plusieurs facteurs : contre-indiquée chez les patientes ayant des antécédents
de l'efficacité et de la tolérance du traitement anti-hyperten- de maladie coronarienne ou d'autres affections cardiovascu-
seur suivi pendant la grossesse ; laires graves, ou des symptômes/antécédents de troubles
de l'existence d'un traitement anti-hypertenseur préalable à la psychiatriques graves ;
grossesse, de son efficacité, de sa tolérance ; la pression artérielle des patientes doit être soigneusement
de la durée limitée dans le temps de la période de céphalée sévère, progressive ou sans rémission (avec ou sans
l'allaitement. troubles visuels) ou dans le cas du développement d'une
Enfin, sachant qu'immédiatement après l'accouchement et les toxicité du système nerveux central, il est recommandé d'arrê-
mois qui suivent, chez une femme ayant présenté des désordres ter le traitement par bromocriptine et d'examiner la patiente
hypertensifs pendant la grossesse, représentent une période rapidement.
d'instabilité tensionnelle, il importe de surveiller fréquemment
le niveau tensionnel pendant l'allaitement, notamment chez les Contraception
patientes normotendues avant la grossesse, afin de réduire Nous avons à notre disposition différents types de contracep-
autant que nécessaire (voire d'arrêter) les anti-hypertenseurs ; tions à la fois hormonales et non hormonales. Parmi les contra-
ou encore, plus rarement, de devoir augmenter le traitement ceptions hormonales, il faut distinguer les contraceptions
anti-hypertenseur. combinées (associant une molécule d'estrogène et une molé-
cule de progestatif) et les contraceptions progestatives ne
Médicaments suppresseurs de la lactation comportant pas de molécule d'estrogène. Ces contraceptions
Dans le contexte des désordres hypertensifs de la grossesse, les peuvent être administrées par différentes voies d'administra-
recommandations concernant les médicaments suppresseurs de tion ; orale, transdermique (patch), vaginale (anneau), pour les
la lactation sont d'importance. En effet, l'agence européenne contraceptions combinées et orale, sous-cutané (implant), intra-
des médicaments (EMEA) a récemment réévalué la balance musculaire, intra-utérine pour les contraceptions progestatives.
bénéfice risque des agonistes dopaminergiques et, en particu- Par ailleurs les dispositifs intra-utérins existent sous différentes
lier, la bromocriptine en raison de la notification par l'ANSM de formes. Ils sont soient au cuivre (non hormonal) soit ils délivrent
l'augmentation du nombre d'accidents graves en relation avec de faibles doses d'un progestatif (lévonorgestrel).
cette utilisation chez les femmes désirant supprimer la lactation La contraception de la période du post-partum immédiat fait
[11–13]. Il s'agissait d'accidents vasculaires graves (hypertension appel à des méthodes particulières. En effet, le risque throm-
artérielle maligne, infarctus du myocarde, accident vasculaire boembolique veineux est majoré dans la période du post-par-
cérébral ischémique), d'accidents neurologiques (convulsion tum immédiat. L'incidence de la MTEV est estimée entre 0,5 et
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3 pour 1000 grossesses, ce qui correspond à une augmentation compétitivement avec l'aldostérone au niveau du rein avec un
de 4 à 10 fois par rapport à l'incidence rencontrée dans une effet natriurétique dose-dépendant. Les progestatifs de syn-
population appariée non enceinte [14]. Lors de la première thèse norstéroïdes augmentent la synthèse hépatique d'angio-
semaine du post-partum, l'incidence estimée est de 60,0 tensinogène favorisant, comme les estrogènes, la rétention
(47,2–76,4 ; intervalle de confiance [IC] à 95 %) pour 10 000 per- hydrosodée. Ainsi, le risque relatif de développer une HTA après
sonnes-années, puis l'incidence décroît progressivement pour le début de l'utilisation d'une contraception combinée est de
atteindre une incidence de 5,2 (2,9–9,4) 10 000 personnes- 1,5 à 3 selon les études. La plupart des études concernait
années à la 8e semaine du post-partum [15–17]. Ce risque est cependant les pilules de première génération comportant sou-
significativement augmenté jusqu'à 6 semaines avec un vent 50 microgrammes d'ethinyl-estradiol, voire plus. Il n'existe
maximum de risque à 3 semaines. Une seule étude récente que peu de données concernant les pilules plus faiblement
[17] suggère une augmentation persistante de ce risque entre dosées en estrogènes ni pour les voies d'administration non
6 et 12 semaines mais avec un niveau de risque moins élevé. orales. Cependant, le mécanisme physiopathologique à l'origine
Le choix de la contraception à utiliser en post-partum a fait des altérations tensionnelles est vraisemblablement le même
l'objet de recommandations du Collège national des gynéco- pour les plus faibles dosages et les voies extra-digestives [28].
logues et obstétriciens français en décembre 2015 [1,2]. Pour En cas d'HTA non contrôlée, l'impact des stéroïdes, même
l'ensemble des femmes, la contraception estroprogestative à petites doses, est mal évalué. Dans ce contexte, seules les
est contre-indiquée en raison de l'augmentation du risque de contraceptions microprogestatives sont autorisées et restent la
thrombose veineuse. Ce risque est dû à la fois à la situation contraception la plus utilisée en post-partum immédiat [29]. En
propre du post-partum et à l'impact de la contraception effet, ce type de contraception n'est pas associé à des modifi-
combinée. En effet, la contraception combinée modifie les cations significatives métaboliques et vasculaires. Le tableau I
paramètres de la coagulation quelle que soit la voie d'admi- résume les recommandations de plusieurs sociétés savantes
nistration (orale, transdermique, vaginale) [18]. La contracep- émises dans le contexte de l'HTA et HTA gravidique [30–34].
tion combinée est associée à une augmentation significative Les stratégies contraceptives à distance de l'accouchement (plus
du risque de thrombose veineuse [19–21]. Le risque de throm- de 6 semaines) dépendent de la normalisation de la pression
bose artérielle en post-partum est aussi augmenté mais le artérielle (avec ou sans traitement). Si la pression artérielle est
niveau de risque est beaucoup plus faible [22]. Ce risque normalisée sans traitement, toutes les contraceptions hormo-
artériel est néanmoins deux fois plus important chez les nales ou non hormonales sont autorisées. Si la pression arté-
femmes ayant eu une HTA pendant la grossesse comparati- rielle reste élevée, seules les contraceptions mécaniques ou
vement aux femmes normotendues [23] avec une incidence progestatives seules (en dehors de l'acétate de médroxypro-
respective de 30,1 et de 12,8 pour 10 000 personnes-années gestérone) sont autorisées. Les contraceptions estroprogestati-
(OR 2,04 [1,18–3,51]). Comme pour le risque veineux, la ves sont contre-indiquées. Enfin, si la pression artérielle est bien
contraception combinée augmente le risque d'accident arté- contrôlée avec un traitement et que la patiente n'a pas d'autres
riel [24]. Une récente méta-analyse ne montre pas d'augmen- facteurs de risque vasculaire, les recommandations ne sont pas
tation de risque mais la sélection des études proposées par les consensuelles. Selon les recommandations américaines (basées
auteurs n'a pas tenu compte des études montrant les risques sur l'OMS), une HTA contrôlée ou une élévation modérée de la
les plus élevés [25]. La prudence s'impose donc. Les contra- pression artérielle (140–159/90–99 mmHg) devraient contre-
ceptions progestatives semblent neutres à la fois sur le risque indiquer toutes les COC ; les risques dépassant alors les béné-
veineux (sauf pour l'acétate de médroxyprogestérone qui fices d'une telle contraception. Une HTA même traitée et bien
multiplie par 3 ce risque) et artériel [20,24]. contrôlée impose donc une extrême vigilance et doit faire
Sur le plan tensionnel, la contraception combinée élève de façon préférer une contraception sans estrogènes quel qu'en soient
quasi constante les chiffres tensionnels mais n'entraînerait une la molécule, le dosage et la voie d'administration [1,30]. Les
HTA authentique que chez 5 % des femmes normotendues contraceptions non hormonales bénéficient d'une place privi-
initialement [26]. Cette altération de la pression artérielle est légiée en cas d'HTA avérée ou suspectée. DIU au cuivre, pré-
principalement attribuée à sa composante estrogénique qui servatifs, spermicides ou toute autre méthode barrière sont
modifie l'équilibre du système rénine-angiotensine-aldostérone autant de choix contraceptifs à utiliser dans le respect de leurs
[27]. Le mécanisme physiopathologique principal par lequel contre-indications et efficacité respectives.
agissent les estrogènes, qu'ils soient endogènes ou exogènes, Concernant le dispositif-intra-utérin (DIU), si la patiente souhaite
est en rapport avec leur impact hépatique : ils stimulent la ce type de contraception, il n'existe aucune contre-indication
synthèse hépatique de l'angiotensinogène (substrat de la dans le contexte d'HTA gravidique pour l'ensemble des sociétés
rénine). En ce qui concerne la composante progestative, son savantes. Seule se discute la question du délai de pose par
rôle sur la pression artérielle est extrêmement variable selon le rapport à l'accouchement (10 min, > 48 h ou > 4–6 semaines).
progestatif utilisé et son dosage. La progestérone naturelle agit Par ailleurs, une étude récente [35] a analysé le risque de
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TABLEAU I
Les recommandations internationales pour la contraception chez les femmes (qui allaitent ou pas) en post-partum immédiat
Type de contraception OMS1 États-Unis1, Centers for Disease Royaume-Uni1 Canada France, HAS
Control and Prevention
Contraception 3 3 3 non non
estroprogestative 4 si TA non contrôlée
Contraception progestative 2 1 1 oui < 21 jours Non
par voie orale > 21 jours Oui
DIU lévonorgestrel < 48 h 2 < 10 min 2 48 h–4 sem 3 < 6 sem Non < 4 sem Non
48 h–4 sem 3 10 min–4 sem 2 > 4 sem 1 > 6 sem oui > 4 sem Oui
> 4 sem 1 > 4 sem 1
DIU Cuivre < 48 h 1 < 10 min 1 48 h–4 sem 3 10–15 min Oui < 4 sem Non
48 h–4 sem 3 10 min–4 sem 2 > 4 sem 1 4–6 sem Oui > 4 sem Oui
> 4 sem 1 > 4 sem 1
Définition des recommandations OMS : (1) État où l'utilisation de la méthode contraceptive n'appelle aucune restriction ; (2) État où les avantages de la méthode contraceptive
l'emportent en général sur les risques théoriques ou avérés ; (3) État où les risques théoriques ou avérés l'emportent généralement sur les avantages procurés par l'emploi de la
méthode ; (4) État équivalent à un risque inacceptable pour la santé en cas d'utilisation de la méthode contraceptive.
1
Dans un contexte d'hypertension gravidique.
pre-éclampsie associé à l'utilisation d'un DIU. À l'aide d'une Elle doit permettre aussi d'effectuer un bilan biologique spéci-
étude cas-témoins analysant les données de plus de fique en dehors du bilan étiologique de l'hypertension, et de
14 000 femmes, ces auteurs montrent une discrète diminution vérifier le contrôle de la pression artérielle.
du risque de pre-éclampsie associé à l'utilisation d'un DIU (OR :
Bilan biologique spécifique
0,76 [0,58–0,98]). Plus globalement, les différents avantages et
inconvénients ont fait l'objet d'une revue de la littérature Thrombophilies biologiques constitutionnelles
récente, mais qui ne concerne pas spécifiquement le contexte La question d'un bilan biologique (en dehors du bilan étiolo-
de la femme ayant eu une HTA gravidique [2]. La prescription et gique de l'hypertension) doit être discutée. Il n'est en effet pas
l'organisation de la pose du DIU pour la consultation post-natale recommandé d'effectuer en routine un bilan à la recherche de
est programmée en général à la sortie de la maternité. thrombophilies constitutionnelles de la coagulation. La récente
étude de cohorte de l'équipe de Marc Rodger analysant plus de
Consultations du post-partum : information 7000 femmes n'a pas montré d'association significative entre la
et annonce présence de la mutation du Facteur V Leiden ou de la mutation
Annonce et information de la prothrombine et le risque de pré-éclampsie (RR 1,14
Les dispositifs d'annonce sont maintenant bien structurés et [0,70–1,85]) [43]. De plus, cet auteur a effectué une méta-
évalués dans le domaine de la cancérologie (http://www. analyse de l'ensemble des études publiées. Ainsi le risque de
e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Parcours-de-soins- pré-éclampsie associé à la mutation du facteur V Leiden est
des-patients/Dispositif-d-annonce/Un-temps-fort-du- estimé, à partir de 10 études à 1,21 (0,92–1,61) tandis que pour
parcours-de-soins). Plusieurs études ont montré le bénéfice la mutation de la prothrombine, ce risque est de 1,15 (0,70–
apporté par ce type de dispositif et en particulier la consultation 1,89) estimé à partir de cinq études. Ces résultats sont en accord
dédiée d'annonce et d'information afin d'optimiser le suivi avec les recommandations internationales suggérant de ne pas
coordonné initial et à long terme (Institut national du cancer). réaliser de recherche de thrombophilies constitutionnelles dans
Dans le contexte de l'HTA gravidique et de la pré-éclampsie, ce contexte [44–46].
aucune étude n'a malheureusement été effectuée. Cependant Biologies anti-phospholipides
les recommandations européennes et américaines [36–39] En cas de désordres hypertensifs de la grossesse, se pose la
insistent sur l'importance à la fois d'une consultation et d'un question de la détection d'un syndrome biologique des anti-
suivi prolongé et pluridisciplinaire de ces femmes à risque. Cette phospholipides. Trois tests biologiques sont effectués pour le
consultation permet d'insister, à distance de l'accouchement, sur détecter. Il s'agit de la recherche d'un anticoagulant circulant, du
l'importance d'une hygiène de vie favorable ainsi que sur le dosage des anticorps anti-cardiolipines et des anticorps anti-
contrôle de l'ensemble des facteurs de risque [36,39–42]. b2GP1. Plusieurs études à la fois cas-témoins et de cohorte ont
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J. Hugon-Rodin, G. Plu-Bureau
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TABLEAU II
Association entre biologie anti-phospholipides et pré-éclampsie (adapté de référence [47])
Nombre d'études Odd ratio (IC à 95 %) Nombre d'études Risque relatif (IC à 95 %)
Anticorps anti-cardiolipines
IgG/IgM 14 1,52 (1,05–2,20) 7 1,78 (0,39–8,16)
été publiées. La synthèse de l'ensemble de ces études a été pré-éclampsie associée aux longs intervalles entre les grosses-
réalisée sous forme d'une méta-analyse par l'équipe de Marc ses. Cet intervalle est variable d'une étude à une autre rendant
Rodger en 2011 [47]. Cette méta-analyse détaille le risque de difficile l'évaluation de l'intervalle seuil entre deux grossesses au-
pré-éclampsie associé aux trois tests biologiques séparément. delà duquel le risque de pré-éclampsie devient significatif. Cepen-
Le tableau II résume les résultats de cette analyse et montre une dant, il apparaît qu'un délai de plus de 5 ans est associé à une
association positive entre ces tests et le risque de pré-éclam- augmentation de 60 à 80 % du risque de pré-éclampsie [57].
psie. Il est donc recommandé dans un contexte d'antécédent de L'étude de cohorte anglaise très récente analysant 120 492 gros-
pré-éclampsie de réaliser ce bilan spécifique [48]. sesses monoembryonnaire dont 2704 pré-éclampsie confirment
Consultation pré-conceptionnelle ces résultats [58].
Compte tenu du risque de récidive d'une HTA gravidique ou
d'une pré-éclampsie lors d'une future grossesse [49–52], si une
En pratique
nouvelle grossesse est envisagée, une consultation pré-concep-
tionnelle est fortement recommandée, ce d'autant que la Toutes les femmes ayant eu des désordres hypertensifs de la
patiente a des facteurs de risque de récidive : apparition précoce grossesse, devraient bénéficier en post-partum :
de l'HTA au cours de la première grossesse et HTA persistante au- d'une contraception efficace afin de préparer de façon optimale
delà des cinq semaines du post-partum [53]. une éventuelle future grossesse ;
Son intérêt, en termes de diminution de la morbidité materno- d'un bilan étiologique d'hypertension artérielle, à la recherche
fœtale, a été souligné par diverses études et recommandations d'une cause secondaire d'HTA, notamment rénale ;
[46,54–56]. Cette consultation permet d'évaluer et de contrôler d'une évaluation et d'une prise en charge des autres facteurs
les facteurs de risque associés aux hypertensions artérielles de
de risque cardiovasculaires et rénaux, et d'une approche globale
la grossesse. Elle permet de vérifier le contrôle de la pression
de prévention cardiovasculaire et rénale ;
artérielle et d'adapter les traitements autorisés pendant la
d'un suivi tensionnel de durée non limitée, même en cas de
grossesse. Elle permet aussi d'informer la patiente sur l'utilité
d'un traitement par aspirine à doses anti-aggrégantes pour retour des chiffres de pression artérielle à la normale après
prévenir la récidive de pré-éclampsie (voir article de Vassili l'accouchement ;
d'un suivi spécifique en cas de future grossesse.
Tsatsaris même numéro de la presse médicale). Cette future
grossesse doit être programmée et l'intervalle entre les gros-
sesses doit être discuté. En effet plusieurs études ont analysé
l'association entre l'intervalle entre les grossesses et le risque de
pré-éclampsie. Il s'agit de cinq études transversales, une étude Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de
cas-témoins et une étude de cohorte très récente. Toutes liens d'intérêts.
rapportent une augmentation significative du risque de
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