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FULCANELLI
Une biographie impossible

SERVICE DES AFFAIRES


CULTURELLES
DE LA PROVINCE DE LIEGE

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BIBLIOTHEQUT
DES ADULTES
QUELQUES TITRES CHEZ LE MEME EDITEUR :

DE IVIEMOIRE D'ES SÉITMN


L'auEe visage de Jésus
LE VOYAGE A SHAMBHALLA
Un pèlerinage vers soi
LES ROBES DE LUMIERE
Lecture d'Aura et soins par I'Esprit
CHEMINS DE CE TEMPS-LA
De Mémoire d'Essénien tome 2
de Anne & Daniel Meurois-Givaudan
LA SCIENCE SPIRITUELLE DU KRIYA YOGA
De Goswami Kriyananda
GIORDANO BRUNO LE VOLCAN DE VENISE
de Yvonne Caroutch -
AUTOGUÉRISON, MA VIE, MA VISION
de Meir Schneider
LE ZEN EN CHAIR ET EN OS
de Paul Reps
TANTRA, YOGA ET MEDITAIION
. de Erik Bruijn
D'ETOILE EN ETOILE
de Serge Reiver
RENCONTRE AVEC L'AGM YOGA
de Vicenæ Beltran Anglada
LA I\,TEMOIRE DES CHOSES
de Jean Prieur
LES OTSEAUX MESSAGERS COSMTQUES
de Christine Dequerlor

Le Catalogue des Édiüons Arista est adressé franco sur simple demande
Editions ARISTA
24580PLAZAC - Té1. 53 5079 54
Luis Miguel Martinez Otero

FULCANELLI
Une biographie impossible

traduit du Castillan
par Cristina Sans

ÉnrrroNs ARrsrA
NOTES POUR
UNE BIOGRAPHIE IMPOSSIBLE
DE
FULCANELLI

qui permettent aussi


quelques réflexions sur

L'ART HERMÉTQUE

Inclus dans son "explicit"


en guise d'exemple
des textes du

MYSTERE DES CATHÉDRALES

en accord avec la conduite véridique du

GRAND GUVRE

par

Luis Miguel Martinez Otero.


Peinture de couverture : Dominique Le Nouaille
@ Luis Miguel Otero, 1986
@ Éditions Obelisco, S.A., 1986
@ Éditions Arista, 1989, pour la version française
Tous droits réservés.
A Jaime Cobreros, qui
au pélerin
par ses conseils nous a conigé et orienté
dans la rédaction de notre liwe de même que
(à son insu) il nous a aidé et
fait grandir dans notre vie.

L'auteur, apprenti.

Aussi
à mon fils David
à l'élève de 3b du Lycée Maurice Ravel
de Saint-Jean de Luz
et qui poursuit lEoile.

Son père.
Au lecteur français et curieux de Science

PREFACE

Il n'est pas inutile de dire que I'Alchimie n'occupe pas aujour-


d'hui en Espagne les mêmes territoires que ceux déjà conquis
en France. Même si ce liwe que vous avez entre les mains a
déjà su traverser la mer océane pour atteindre les Amériques, il
n'a par contre jamais espéré franchir les Pyrénées.
Cette "biographie" impossible n'a eu à faire jusqu'ici qu'à des
lecteurs d'une qualité certaine et philosophique, ceci n'étant pas
dû au mérite de son auteur mais aux exigences de la matière.
Mais voici mon pauwe liwe parmi les vignes de la France,
courageusement désarmé et sans défense, empli d'une impor-
tance subite... I sait très bien qu'il est soudain annobli, ami
français, entre tes mains.
Son auteur, plus triste et pessimiste, pense qu'il s'en trouvera
dans les Gaules plus de deux pour le passer sévèrement au

11
crible. Je le voudrais pourtant digne d'habiter tes bibliothèques
et je conserve l'espoir qu'il trouvera comme pire destinée celle
d'alimenter le feu des alambics.
Me voici donc en France, doux pays qui mérita toujours le
meilleur dans le panorama mondial de I'Alchimie. I1 n'y a pas
de doute : tout étudiant étranger doit beaucoup à l"'artiste" fran-
çais qui chemine, lui ouwant le pas. Que ces lignes soient donc
en premier lieu une reconnaissance de dette envers celui qui
avance en laissant sa trace. Car c'est parmi les alchimistes
français, mes frères, que j'ai senti mon cæur s'accroître.
L'histoire de I'Alchimie nous parle d'une transmission de
maître à disciple, de bouche à oreille. C'est ce qui est ortho-
doxe. Mais I'on peut ajouter pour les déserts I'initiation
- -
supérieure, connue comme étant celle d'Elie Artiste. Car
I'Esprit souffle où il veut. Il est pourtant bien souvent vrai qu'à
force d'étude ardente, de travail et de prière, l'âme finit par
jouer de la flûte "par hasard". Si je résume, je vois qu'en Alchi-
mie il n'y a que deux initiateur3 possibles : le maître et lEsprit.
Nous devrons attendre le XVIII' siècle tardif pour trouver
des sociétés discrètes (rosicruciennes, obédiences maçon-
niques) qui liberaient certains "membres" choisis par coop-
tation pour se consacrer à plein temps au Grand (Euwe. Il est
vrai que nous avons eu connaissance de sociétés plus anciennes
celles-ci "secrètes" pour qui la "disciplina arcanii" n'était
- -
pas tout à fait étrangère aux déshabillages de Notre Dame.
Dans un auüe ordre de choses et aux antipodes de tant de
sérieux, nous imaginons très bien, sous 1es ponails de Notre-
Dame et de St Merry, les réunions de philosophes, savoureuses
et achamées ; ou bien sur les pawis des Universités de Sala-
manque ou de Tolède. Il me plaît d'envisager que la Dame
aristocratique était souvent traitée avec une totale irrévérence.
Je me sens divisé entre I'attraction pour ce tumulte qui partage
avec le pain et le vin I'ultime découverte, et I'attraction pour
I'état monastique d'une vie parfaitement cachée.

t2
Quel est le panorama "réel" de l'Alchimie en France ? Rien
ne s'est perdu. J'en connais quelques uns à Paris qui savent
beaucoup, dont le visage est allumé par leq feux. Ils ne se mani-
festent jamais, ou très peu. Ils auraient de longues choses à
nous raconter bien qu'ils assurent lslsquren les interroge
- -
(et sûrement par lucidité) qu'ils n'ont "rien à dire". J'assure que
la fréquentation de ces personnages est hautement enrichis-
sante, communicative et plaisante. Pour une plus grande joie,
cette relation gagne en largeur et en profondeur après les plai-
sirs de la table. Ils sont les descendants véridiques de leurs
aînes dans l'Art. Si Dieu le veut, I'un d'entre eux contemplera
un jour les éclats magiques de la Pierre.
Nous aimons moins le panorama "officiel" de l'Alchimie
dans la France d'aujourd'hui. Nous craignons fort que ne soient
apparues des "chapelles" sectaires, imbues de dogmatisme et
d'autres infaillibilités pontificales, prestes pour adjuger des
bulles d'excommunion. Ceci, plus le ton hautain, (surtout le ton
hautain), nous ennuie à mort. Nous sommes aussi excédé de
voir que I'on puisse privilégier I'une des possibles "voies" de
I'Alchimie en méprisant les autres.
L'Alchimie comprend toutes ces voies sans être plus spécia-
lement I'une d'entre elles.
Cette critique fraternelle (sûrement injuste) ravivera la sévé-
rité de l'étuüant français avisé... Que voulez-vous : cet auteur
qui aime la diplomatique, la pratique bien peu ici. Portez-le au
crédit de sincérité de celui qui se croyant peu de chose ne veut
se comparer à personne. Car il aime et fréquente certains
"média" et personnalités de la France qui sont I'orgueil de
I'Alchimie, mais qu'il voudrait contempler davantage embellis
par I'humble manteau du philosophe. Comme toujours, le mot-
clé est "humilité".
Je veux aussi me joindre à la clameur de tout ce monde des
"curieux de Science" qui rendent hommage à celui que j'ai
appelé dans mon livre, affectueusement, "le terroriste de

t3
Savignies" : le maître Eugène Canseliet qui repose en paix. Son
Guvre personnelle est énorme et nous ne saurions épuiser son
mérite. Son temps humain achevé, Eugène Canseliet a aujour-
d'hui accédé au secret, il connait enfin toutes les choses.
Nous devrons, eux comme nous qui voyons dans I'Alchi-
mie un outil si éLevé pour toute fin -
réfléchir sur I'opération
-
manuelle royale et théurgique. Il sera peu utile de se croire
important si nous ne savons pas prêter nos mains à I'Invisible.
En effet, vrais amants de la Sagesse, nous céderons nos mains
d'artistes aux élans de I'Esprit.
Veuille le lecteur me tendre sa main amie ; j'en ai besoin pour
lui offrir le chant intérieur qui est le sien et que je transcris si
maladroitement par les mots.
Et Fulcanelli ? Etait-ce le monsieur âgé et d'un air ancien,
dont le visage resplendissait et qui me demanda I'aumône de
timbres usés pour les Missions ? Il me visita une deuxième fois
et me confia, ou ne me confia pas, d'étranges choses.
Vale.*

A Biriatou - Hendaye
Fête des Rois Mages'- 1989
L.M.M.O.

* Salutation d'adieu qui signifie en latin "conserve-toi en bonne santé".

t4
Avant propos

Cette æuwe introduit le lecteur au contact avec la sphère qui


touche la pointe (apparemment) extrême du naturel : les états
de prolongement de la vie humaine et surtout une mu-
- -
tation de la perception ontologique, lorsque celle-ci gravit une
marche de l'échelle de I'Etre.
Cela, ardu en soi, est contemplé dans I'insurpassable peda-
gogie de I'exemple offerte par Fulcanelli. Il sera peut-être
susceptible d'éveiller notre souvenir intime, I'ordre de possi-
bilités auquel nous sommes invités, les mers ou les hauteurs où
nous pouvons plonger.
Et qu'importe si cela peut nous conduire à oublier les
connaissances profanes, à nous asseoir sur les bancs d'une autre
école... !
Car une fois qu'il aperçoit le but, à l'horizon de l'effort, le
jeune élève de cette école qui le forme dans I'art d'être un

15
homme-véritable s'avance, coûlme dans un utérus, dans l'ano-
nymat qui I'incube et le protège en vue de cette transformation,
de cette (comme une naissance) métamorphose de I'Etre.

L.M.M.O.

t6
INCIPIT

CHAPITRE I

La destinée de Fulcanelli

e Fulcanelli l'on ignore le nom, la condition, l'état civil,


le jour et le lieu de naissance, tout ce qui fonde les é1é-
ments biographiques d'une personnb.
Seuls subsistent la trace de son pseudonyme qui témoigne
d'une investiture supérieure, et ses deux æuwes mémorables
qui ont pour titre "I* Mystère des Cathédrales" et "Les De-
mcures P hilosophales" . (l)
Dans la ville des hommes, entre deux siècles, peu importent
lesquels, sa fonction sociale reste plongée dans I'ombre pro-
fonde. L'impénérable mystère s'apparente, pour certains, à la
pure inexistence. Par contre, à nos yeux, qui regardent sans
voir, le choix volontaire d'une vie cachée, témoigne d'une déli-
vrance secrète et nocturne, dont la renommée est parvenue
jusqu'à nous.

L7
Elle est donc vaine, la tentative de biographie à laquelle plus
personne ne peut prétendre. Où qu'il soit, en terre des Hes-
pérides, avec une existence encore corporelle, ou bien avec son
corps en putréfaction et lui radicalement Eansmuté, Fulcanelli
ne trahira pas le secret qu'il a si jalousement gardé avant l'évé-
nement, à cette époque où il pouvait encore êre séduit par les
artifices des apparences trompeuses.
Il ne voulut nous donner que le noyau de compréhension
nécessaire et suffisant de sa philosophie chimique. Mais pour
l'âme exigeante et assoiffée d'exemple subsiste une conjecture
légitime, alimentée au hasard d'informations vraies ou fruits
d'une intoxication occulte.
Nous essayons de répondre à cette conjecture dans ce liwe
engagé qui est, en vérité, "sec comme du sparte, dépourvu
d'invention et d'un sÿle simplifié".*
Pour ce travail nous utiliserons I'empreinte laissée par le phi-
losophe, cornme un reflet, sur ce siècle et sur quelques per-
sonnes qui furent marquées de façon indélébile.
Nous ne soupçonnions pas que nous nous retrouverions un
jour à faire ces recherches (même si cela nous déplaît).
Le coupable est notre éditeur et bn ami Julio Peradejordi,
qü un jour de printemps, à San Sébastian, nous induisit subrep-
ticement à perpétrer cette "biographie" laquelle est maintenant
une colrmande. La faute, üsons-nous, vient de notre bon ami
et maîtne Jaime Cobreros, d'érudition réputée et de mérite sin-
gulier (2) qui nous a alimenté grâce à ses encouragements suffi-
sants et qui a adopté l'étrange idée comme étant sienne.
Certains, en d'autres pays, ayant plus de savoir, ont
déconseillé notre travail, puisqu'étant susceptible d'incider dans
le "secretum". Ils nous ont prévenu de possibles "risques".
Nous ne les craignons pas, à cause de notre intention per-

r' uDon
Quichotte". Cervantes.

18
sonnelle, et des Temps qui courent. Ceux-ci sont empreints
d'aveuglement spirituel ; nous ne cherchons que la lumière
incréée dans les choses et les affaires.
"Lecteur désæuwé, tu peux me croire sans se[nent car je
souhaite que ce liwe"* soit le véhicule et le support de cette
lumière qui gît à I'intérieur de moi. Le liwe sera comme je suis,
et quoi demander de plus. Si ma lumière rencontrait ta lumière
éblouissante, mes recherches seraient superflues, d'autant plus
qu'elles sont une lourde tâche et que j'ai peu de temps à leur
accorder, mes journées étant déjà occupées par des activités
profanes.
Que ne puis-je te donner d'une manière instantanée ma
conviction sur Fulcanelli, sur l'horizon immense que nous
ouwe I'Alchimie !
Peut-on écrire une biographie de Dante à travers Béatrice ?
Béauice est la vie qui palpite en Dante, et la "Divine Comédie"
est une glose de Béatrice. Béatrice est en effet la divine
sagesse. Nous raconterons mieux I'homme en racontant quel est
son amour et quelle est sa quête plutôt qu'en comptant §a
for[rne... Mais nous disions et là se situe notre tâche que
pour l'âme avide de I'exemple- d'un autre, subsiste le désir- légi-
time de connaître le cadre civil qui n'empêcha pas I'acquisition
de la perle.
Nous devrons rechercher ce que Fulcanelli voulut laisser
dans I'oubli, nous donnant ainsi une leçon supérieure. I1 se
masqua derrière son æuwe. Il s'oublia, pour laisser uniquement
le relief de son témoignage sur le frontispice de I'Art. Nous
pÉtendons jeter les fondements de la raison profonde de cette
ascèse qui, à contre-courant, entraîna l'Adepte de I'individualité
vers I'impersonnel. Cela fut déjà implicite au moment même où

t Phrase inaugurale du prologue du "Don Quichotte" & Cervanæs.

19
I'Artiste alluma son feu, comme symbole ou nécessité pour
accéder à I'universalité de la lumière et de l'Esprit du Monde.
Et déjà au Présent, contemplant cette lumière catholique et
réalisant des æuvres providentielles, I'Adepte confirme
l'anonymat absolu.
Une partie indispensable de notre travail actuel sera de
rechercher ce que Fulcanelli voulut laisser dans I'oubli. Ce sera
sans doute la partie superficiellement attirante bien que la
moins intéressante. Ce serait peu, si nous ne pouvions rien
donner d'autre ; et cela, compte tenu de notre volonté pour
n'offrir aucune page de "remplissage" : grande tentation celle-ci
dont les livres montrent les fruits stériles. En fin de compte,
écrire un liwe est un travail ingrat qui, semble-t-il, d'après
témoignage, intéressait bien peu Fulcanelli. Mais en tant que
père nous voulons alimenter notre fils, le livre, avec une bonne
nourriture, ne pas le gaver de feuilles mortes et de paille,
comme s'il s'agissait d'un goret.
Si notre fils grandit en minceur, que sa maigre chair, soit au
moins substantielle et que le lecteur puisse la déguster avec
appétit.
Nos sources sur la "vie occulte" de Fulcanelli, sont multiples
et nous porurons difficilement utiliser certaines d'entre elles qui
sont confidentielles. Nous ne voulons pas par là offrir la main
en fermant le poing, ni suggérer, ou cesser de le faire, que nous
soyons en possession du "seÆret". IL estjuste et digne que celui
qui détient le secret taise le contenant et le contenu. Plus sim-
plement : nous affirmons que nous possédons des nouvelles de
Fulcanelli, celui d'hier ou de maintenant, auxquelles nous avons
accédé par amitié, par confiance ou expressément "sub rosa" ;
et je serai piètre individu si je rahis cela.
Pourtant, tout hameçon trouvera appât abondant, dans ces
témoignages, hypothèses et même divagations qui ont déjà été
publiés en différents milieux. Cela nous centrerait dans un Paris
disparu dont subsiste la nostalgie.

20
"Tout temps passé fut meilleur" prêchent les vers de Jorge
Manrique. Et pour ce travail de compilation de données qui
mettra à jour I'existence de contradictions, nous serons impar-
üal et le plus exhaustif possible. N'oublions pas, de surcroît,
que Fulcanelli nous parle de lui-même dans deux de ses
(Euvres, même si cela se passe de façon inaudible, nous obli-
geant à une gymnastique auditive sévère.
Comment ne pas puiser ici, avec un fruit assuré, dans les
textes dont Antoine de Saint-Exupéry nous régala avec son
"Petit Prince", par rapport au problème de personnalité qui
nous occupe ! Cela exprimera notre point de vue mieux que de
faibles raisons. Il nous dit :
(...) "les grandes personnes aiment les chiffres. Quand vous
leur parlez d'un nouvel ami, elles ne vous questionnent jamais
sur I'essentiel. Elles ne vous disent jamais : "Quel est le son de
sa voix ? Quels sont les jeux qu'il préfère ? Est-ce qu'il
collectionne les papillons ?" Elles vous demandent : "Quel âge
a-ril ? Combien a-t-il de frères ? Combien pèse-t-il ? Combien
gagne son père ?" Alors seulement elles croient le connaître. Si
vous dites aux grandes personnes : "J'ai vu une belle maison en
briques roses, avec des géraniums aux fenêtres et des colombes
sur le toit..." Elles ne parviennent pas à s'imaginer cette maison.
tr faut leur dire : "J'ai vu une maison de cent mille francs."
Alors elles s'écrient : "Comme c'est joli !"
"Ainsi si vous leur dites : "La preuve que le Petit Prince a
existé c'est qu'il était ravissant, qu'il riait et qu'il voulait un
ûrouton. Quant on veut un mouton, c'est la preuve qu'on existe"
elles hausseront les épaules et vous traiteront d'enfant ! Mais si
vous leur dites : "La planète d'où il venait est I'astéroideB 612"
alors elles seront convaincues, et elles vous laisseront tran-
quilles avec leurs questions..." (3)
Ainsi le nom patronymique, l'état civil, tout ce que préci-
sément nous ne connaissons pas de Fulcanelli, n'est pas
lbssentiel ; pourtant, nous serons obügés d'en parler. L'état de

2t
sa fortune, aisée ou de peu de moyens, selon les témoignages
contradictoires de celui qui fut son disciple, selon la per-
sonnalité qui lui est adjugée par I'un ou I'autre, n'est pas
I'essentiel. L'essentiel est le timbre de sa voix, ses jeux préférés
et s'il parlait aux oiseaux.
L'essentiel est I'amour qu'il mit dans la Science et le destin
chariable qu'il sollicita: le "don de Dieu".
Et c'est seulement en cela que nous pourrons trouver
I'exemple vivant pour notrs vie, et des informations sur I'Art,
waiment sûres. C'est le regard "traditionnel" sur les hommes et
les choses qui nous intéresse.
Iæs choses se passent de telle manière qu'au début des temps
on jugeait les hommes par leur "quantité d'être" qui est la défi-
nition même du qualitatif. Ensuite, par leur quantité d"'avoir"
en accord avec I'adage "Tu as tant, tu vaux tant". Et dans ces
derniers temps misérables, I'on ne juge plus que par le "pa-
raître" qui uniformise définitivement I'homme pour qu'il
marche au son du clairon, comme un fantassin prussien.
Et les "modes", patrimoine classique féminin pour soi-disant
contenter I'homme, envahissent le monde robotisé masculin
pour satisfaire le nombnilisme et combler les dictateurs de la
mode, seuls survivants de la phase antérieure. L'espèce hu-
maine, qui, en dehors de toute taxinomie, était représentée par
l"'homo religiosus",l'a été ensuite taxinomiquement par l"'ho-
mo faber possesivus", et aujourd'hui par l"'homo vacuus",
marqué sur le front par les rythmes modernes et post-modernes
et les marques de registre commercial. Merveilleuse planète !
Mais bien sûr, nous ne parlons pas de toi, lecteur, ni de ton
voisin qui garde I'empreinte de la royauté à laquelle il est infati-
gablement appelé. Nous faisions uniquement référence au Mal,
au triomphe provisoire du Mal, à sa capacité de séduction...
Quant à nous, procédons d'une autre manière. Cherchons en
premier lieu la qualité essentielle de l'être chez Fulcanelli, en
qui nous voyons la somme de tous les Adeptes qui furent ses
22
prédécesseurs. On appelle "Adepte, de façon appropriée, celui
qui conquit la Toison d'or et assuma l'élixir de vie, accédant, à
la condition atemporelle, au Présent, pour une louange
"parfaite" (nous préférons le mettre entre guillemets) de Dieu
et pour le bien public. Allié au prince des Milices Célestes,
notre étendard "contra nequitias et insidias diaboli", pour la
charité (4).
Nous savons par Fulcanelli lui-même quel sera le destin de
I'Adepte. Cela nous situe au "niveau de conversation" qui est
propre à I'art alchimique. Il nous dit : "Enfin quand le succès
aura consacré tant d'années laborieuses, quand ses désirs seront
accomplis, le sage, méprisant les vanités du monde, se
rapprochera des humbles, des déshérités, de tout ce qui
travaille, souffre, lutte, désespère et pleure ici-bas. Disciple
anonyme et muet de la Nature éternelle, apôtre de l'éternelle
charité, il restera fidèle à son væu de silence." (5)
Etant donné son résultat ultime, nous devons dès à présent
oerner le problème de l'Alchimie, intimement lié aux résidus
impalpables que la surperabondance du Logos dépose sur cette
superabondance divine qu'est la CÉation. L'alchimiste fuit le
tumulte, s'enferme dans son cabinet. A I'intérieur de celui-ci,
même en plein soleil et en plein mois d'Août, il fait nuit, même
physiquement, car toute lumière est tamisée. Quand ses frères,
les hommes, vivent leur troc social quotidien, I'alchimiste
s'enferme dans la solitude qui, soudain, I'accable. Dans ce
silence, dans le diamant de son être, son logos vibre, se
réveille, se révèle créateur, même si sa conscience naturelle
reste plongée dans la tristesse de sa solitude et de sa mise à
l'écart volontairement acceptées. La particule du Logos, qui
Éside dans le feu intérieur de sa matière, entre en résonance,
puissamment attirée par I'irradiation que I'artiste contemple et
oomprend dans la rareté chimique.
Etant inférieur à I'homme saint, soumis, capable d'un r€non-
oement infini, I'alchimiste est entré en dialogue inaudible avec

23
la matière qui l'accompagne dans sa quête et qui sera plongée
dans une plus grande nuit.
Ce dialogue entre celui qui est la tête de la Création et sa
dernière ombre dans la matière vile, a ses propres règles
sémantiques que la raison ne comprend plus. Les deux inter-
locuteurs, I'artiste et le minéral, s'acceptent en secret comme
supports inertes de la même vie du Logos, par qui et pour qui
tout fut fait. Ils annulent leur résistance mondaine pour que le
Logos puisse parfaire en eux son æuwe de conquérant. La ré-
sistance du minéral est sa friction avec le temps, avec la durée ;
la résistance de I'artiste est son égoiisme, la racine du pêché.
Lors de la première et novice approche de I'Alchimie, I'Aft
apparaît comme un songe. Dès que celui-ci est accepté par
l'étudiant rêveur, I'Alchimie apparaît cornme un pouvoir. Cela
centre l'étudiant dans son égoisme et cautionne ainsi la né-
cessité du silence de I'Adepte qui est ici un voile de charité.
La première obligation de I'artiste est la recherche de soi sans
égoïsme, par la prière. Cela le fait entrer en une dialectique
pennanente avec lui-même, qui, bien orientée, sera susceptible
de le conduire au triomphe avec sa matière, dont les qualités
nouvelles l'éloignent de la matière de ce monde.
Quant à celui qui, élu de Dieu, ne connaît pas l'égoïsme, dont
la destinée apparente est celle que nous connaissons cornme
étant naturelle chez I'homme, il n'aura, lui, aucun besoin de
I'Alchimie.
La technique répond à I'ontologie du Logos, éminent chez
I'homme, oéateur actif comme icône de I'Etre. Cela oblige encore
I'Adepæ au silence, car cette capacité de l'êtne appartient au bon
conrme au méchant et le Logos peut être profané. Il y a donc un
art indigne qui conduit à la pierre philosophale et que, pour autant
que nous sachions, personne n'a possédé. Et un seul art beni de
Dieu, que les Adeptes de cette science veillent et magnifient.
Nous tenons à préciser que le meilleur chemin, le meilleur
choix, n'est pas celui que suivit I'Adepte : il y en a d'autres, aux

24
profondeurs abyssales et intimes de la Providence... Certains
choisirent une plus grande dignité ou une meilleure partie
corrme Charles de Foucauld ou Teresa de Calcutta. Mais Allah
est plus sage !
Lorsque nous ne pouvons choisir le chemin de Teresa parce
que les circonstances de la vie nous ont amenés sans retour où
nous sommes, I'Alchimie semble êne une quête souhaitable et
courageuse, pour autant qu'en son seuil nous ayons pour but la
charité et le refus de l'égoïsme. Si mille lecteurs nous lisent,
nous ne voudrions agir devant aucun comme séducteur. Pour le
peu que nous pensions savoir, I'Alchimie ne peut rien offrir à
p€rsonne, puisque rien n'aura celui qui à la fin réussit à n'ête
rien pour lui-même. Si l'Alchimie n'était pas cela, nous renie-
rions publiquement tout ce que nous avons dit et écrit sur I'Art.
Nous aurions été alors un séducteur public et nous craindrions
donc terriblement pour notne salut.
Nous nous référions à la possibilité assurée de profanation du
Logos, en tant qu'inversion absolue de l'état d'Adepte que Ful-
canelli revêt. Par dessous cet état qui réalise en I'homme les
'petits mystères", I'Alchimie donne aussi des fruits honorables,
dus aux propriétés de la pierre transmutatoire : la connaissance
de la Nature, un cæur bienfaiteur (6), une vie dépourvue de ma-
ladies et I'acquisition d'une fortune modeste mais croissante.
Tout cela est, disons-nous, honorable ; il y a abondance de
témoignages lapidaires de ces réussites mineures qui sont pour-
ulnt aussi le sel du monde. Mais cela, pourtant suffisant pour
soi-même, véritable bénédiction pour ceux qui entourent ce
démiurge de la pierre de troisième ordre (7), n'a pas le caractère
nrpérieur et universel proprc à "l'homme wai" qui, pendant tout
l'(Euwe eût besoin de parcourir jusqu'au bout toute l'échelle de
cette "dialectique" dont le philosophe fut le protagoniste.
Mais il y a une leçon positive en Alchimie que I'on peut
appüquer à la vie elle-même : c'est par I'effort et la tension de
I'artiste philosophe pour son union avec le Logos que I'esprit

25
s'illumine et que se produisent tous les miracles dans son vase
microcosmique. Tout le mérite est dans cette tension, dans cette
quête, car le don n'appartient qu'à Dieu.
Lorsque sa vie sera écoulée, elle se prolongera durant le
temps que Dieu permettra, (sans que nous voyons spéciale
difficulté à concevoir que cela puisse inclure plusieurs géné-
rations, le "tout" étant d'accéder au Présent), I'Adepte, même
Fulcanelli, passera par la destinée cornmune de la mort, assu-
mée avant lui par le premier né, le Iogos incarné, dont I'imi-
tation, au-delà de toute science, doit êre no[e seul objectif.
Nous disons publiquement que c'est bien cette imitation-là que
nous voudrions réussir, entreprise où nous n'échouons que par
notre faiblesse, et non par défaut de la Grâce.
Cela nous amène à contempler brièvement dans cet incipit,
les suppositions de prolongement de la vie humaine au-delà des
limites ordinaires, puisqu'on prétend que tel est le destin que vit
Fulcanelli, en ce moment même où tu lis ceci.
La durée moyenne de vie (nous parlons de "quantité") aug-
mente avec le cours des siècles, selon la science statistique et
démographique. Nous ne voulons pas entrer dans ce sujet, sur
lequel il y aurait pourtant beaucoup à dire. Il semble qu'en notre
merveilleux présent, la durée moyenne de vie chez l'homme
(d'Occident, on ne tient pas compte de I'autre !) soit autour, à
vue d'æil, de soixante-dix ans, et un peu plus chez la femme.
Selon de fréquentes informations journalistiques, en certains
lieux privilégiés du Caucase ou de Géorgie existent des per-
sonnes âgées de plus de cent vingt ans, là-bas, sur les terres de
non-Occident. Une émission de la télévision espagnole, "fn-
forme Semanal" (Août 1985) diffusa une entrevue de la famille
d'un vieillard japonais de cent cinquante ans, en sa présence...
Dans notre pays, nous fêtons nos centenaires, qui sont la
üspersion remarquable de cette moyenne (la "mamie" de celui
qui écrit est née au ciel à ses cent cinq ans, au maximum de sa
lucidité, laissant sur le cæur de ses proches un exemple ineffa-

26
çable). Enfin la science médicale ne voit pas d'inconvénient à
ce que cette "moyenne" puisse dépasser demain les cent ans.
Quant à nous, nous ne voyons waiment aucun inconvénient
pour convenir que certaines personnes "élues" dépassent lar-
gement les limites normales accordées à la vie humaine, et cela
pendant un temps indéfini, avec une vigueur physique et intel-
lectuelle totales et I'apparence d'une personne mûre. Ce sont
des personnes pour qui le temps et la dégradation physique se
sont arrêtés, ce qui n'est pas le cas de ces personnes âgées que
nous avons citées, dont la principale particularité vitale a sans
doute été I'absence de maladie, ce qui n'empêche pas la dégra-
dation cellulaire. Le sujet nous intéresse car il affecte direc-
tement Fulcanelli qui aujourd'hui a cinquante ans biologiques,
mais plus de cent quarante cinq ans d'âge chronologique.
Les années de Fulcanelli ne sont pas excessives par rapport à
celles du japonais, et peuvent encore être conformes à la statis-
tique et à la science d'aujourd'hui, même en étant à l'extrême
limite du naturel.
Mais cela n'est pas le juste point de vue sur l'âge de I'Adepte
puisque Fulcanelli n'est en rien un sujet "normal". Son âge ne
doit pas être mesuré selon la nonne contemporaine, celle qui
nous concerne, mais plutôt selon l'âge moyen de I'homme
authentique des dernières sociétés traditionnelles qui est sans
doute inférieur (en restant généreux) à soixante ans. Ainsi,l'âge
de Fulcanelli apparaît coûrme un âge biblique et le transforme
en homme d'une multitude d'années. C'est cela qui est im-
portant et qui donne la bonne mesure de la survie de Fulcanelli.
Et nous ne sommes pas encore entrés dans la considération des
états physiques et intellectuels qu'il possède.
Le substrat de notre réflexion sera la conviction profonde
que nous possédons, I'enseignement que nous avons tous reçu,
la certitude en notre for intérieur que la vie humaine est un
temps, s'il y en a, qualifié et sacré (8). Ceci peut immé-
diatement nous pennettre de comparer nos années, leur sens,
avec les années de Fulcanelli. Ceci annihile une possible illu-

27
sion fantasmagorique (une autre est celle de l"'or", richesse
matérielle) qui peut assaillir l'étudiant de I'Art appelé à "ce"
chemin, et qui a la lucidité suffisante pour ne pas I'abandonner
à I'univers des chimères.
Un temps qualifié et sacré (la vie de I'homme, par excellence)
appartient au domaine de l'être ; c'est une des manifestations
nécessairesr pour diverses raisons, de l'être ; c'est un attribut qui
prêche le "oui". Un temps qualifié et sacré est appelé à I'accom-
plissement et au perfectionnement d'une "fonction" de nature
ontologique, qui se réfère à la personnalité, dans un sens
guénonien.
Cela suppose et demande un rapport qualité/quantité, ou bien
une quantité ou durée déterminée pour que I'aspect qualitatif se
perfectionne, en étroite connexion avec "les temps". Il est
logique en conséquence qu'en "ces temps" qui s'écoulent sous
le signe de la quantité, Ia durée moyenne de vie soit plus
longue. La science médicale, apparemment responsable, ne
répond inévitablement à ce sujet qu'à I'exigence des cycles, ce
que Jaime Cobreros a appelé de façon imagée "les besoins du
scénario".
Il n'y a pas de besoin philosophique pour prolonger un temps
qualifié qui, ayant accompli sa fonction, doit immédiatement
aboutir à ce que l'être atteigne ses états posthumes (selon notre
point de vue actuel), d'autres conditions qui, pour le chrétien
que nous sommes, deviennent définitives avec la fin dernière.
De cette façon (en rapport avec cette fonction) I'homme roman,
par exemple, n'avait pas besoin de la même quantité d'années
que nous. (9)
Ces considérations, et le fait d'avoir donné des bases à la plus
simple esquisse de la trame temporelle, mettent à découvert la
véritable anomalie du prolongement innécessaire "per se", de la
vie de Fulcanelli, dont l'évidente exception et raison doit ré-
pondre à une autre économie du Divin. Fulcanelli se trouve
dans un état de "sursis" certainement "douloureux" (d'une cer-

28
taine façon) pour l'être qui I'habite ; c'est une crucifixion. Si son
esprit est en vérité déjà installé dans la "pax" profonde, si
habitant le Présent, ildomine le Temps et I'Histoire qu'il
influence, par contre son inüvidualité n'a pas encore connu le
creuset libérateur de la mort, la naissance à Jérusalem. Ful-
canelli est donc un "missionnaire" dont la "mission" est en
rapport avec le Grand (Euwe macrocosmique, instrument utile
et fidèle serviteur de la Providence, humble collaborateur des
dix justes d'Abraham, qui sauvent.
Nous frôlons ici les décors de la lutte qui rendit possible la
Chute de I'homme, "en principe" déjà racheté. Lutte dans
laquelle nous pouvons jouer chacun un rôle très important,
étant tous et chacun I'icône et la ressemblance ("il le créa à son
image") responsables les uns des autres. Maintenant, à la fin,
nous déposons notre confiance en Marie.
Nous sommes avec Fulcanelli et nous nous demandons com-
ment I'Alchimie peut-être susceptible de produire cet effet de
prolongement de la vie humaine.
La tradition de tous les peuples se réfère à un aliment qui
produirait l"'immortalité" (terme que nous chargeons de tous
les guillemets du monde) : il s'agit selon les cas, du nectar, de la
manne, de I'ambroisie, de I'amrita, de I'hydromel, de la rosée,
de l'élixir de jouvence, du graal, etc, tous figures de I'Eucha-
ristie avant la réception de laquelle on invoque : corpus Ntri
Ies. Cti. ctutodiet animam rneatn in vitam æternam.Il s'agirait
aussi d'une certaine vertu du sang, dont parlèrent Rudolph
Sæiner ou le Dr. Larcher (10) avec plus ou moins bonne fortune.
Le phénomène doit donc être vu dans ses deux manifesta-
tions : le spirituel ou véritable, et le physique ou anecdotique.
I-a première est, disons-nous, l'æuvre de I'Eucharistie et de
I'autel de Dieu (Introibo ad altere Dei---ad Deum qui lætificat
inventutem meam). Cette action radicale nous conduirait à
nous demander si son défaut "ontologique" et "radical" (ce qui
protègè et sauve les peuples non chrétiens mais non coupables

29
"radicalement" de ce défaut) ne priverait pas ceftains individus
des fruits de I'immortalité. Nous craignons que dans tous les
cas un tel défaut puisse causer un caractère ténébreux incurable
de l'êre.
La deuxième est, proprement, celle à laquelle nous nous
référons, qui se nourrit des aliments cités ou bien d'une
mystérieuse "élection" (personnes réservées "en vie" mais sur
un autre plan, comme témoins privilégiés de la justice escha-
tologique). Fils de l"'élection" seraient le prophète Enoch qui
ne connut pas la mort, et le prophète Elie, enlevé dans un char
de feu, qui ne reviendra qu'à la fin des Temps. Dans la Tra-
dition arabe, Mohammad al Madhi, le douzième Imam, appelé
aussi l"'Imam caché" et le "Résurrecteur" est également réservé
pour les derniers Temps. Balder, dans les Tradition germa-
niques, ou le Juif errant et le Hollandais errant appartiendraient
aussi à cette catégorie. Il y a d'autres exemples : tous trouvent
leur paradigme et sanction définitive dans la Parole du Christ
au sujet de son disciple aimé : "si je veux qu'il reste jusqu'à ce
que je vienne, en quoi cela te regarde+-il ?" (11)
læs fils éminents de l"'élixir" sont les Adeptes, cet épithète
étant appliqué à ceux qui ont culminé le Grand (Euvre de la
Nature et qui, si le fait sublime survint quand ils disposaient
d'une santé minimum, acquirent la possibilité de prolonger
leur vie.
D'une santé minimum : en effet, I'Adepte Cyliani, qui obtint
la Pierre et réalisa la première transmutation à 10 h 07, le matin
du jeudi Saint @ucharistie) en 1831, après tente sept ans de
quête et plus de mille cinq cents nuits sans dormir, n'attendait
pas pour lui le prolongement de sa vie, à cause d'une grave
cardiopathie. Il nous dit : "Je me Eouve, par suite de ces mêmes
travaux, I'organe le plus essentiel de la vie d'affecté, qui me
privera, vu la gravité du mal, de parcourir une longue carrière,
la vertu de la médecine n'étant point chirurgicale, mais
seulement médicinale ." (12)

30
Un autre sort connut le fameux Nicolas Flamel, qui æuwa
avec sa femme Dame Pernelle au XVI' siècle et que Ie
voyageur Paul Lucas rencontra en Asie Mineure au XVIII"
siècle (13). On pourrait en dire de même (ou semblablement )
du Philalèthe, Adepte anglais citoyen de I'Univers ; et du Comte
de Saint-Germain, de très haute naissance espagnole. Les
exemples seraient nombreux, et nous en traiterons peut-être
lorsque noEe travail sera un peu plus avancé. Parmi eux, c'est
la survie de Fulcanelli qui nous intéressera...
Engendrer la pierre transmutatoire est, encore, peu de chose.
Mais I'absorption de la Médecine Universelle qui culmine la
croissance de I'alchimiste (qui fut interactive et parallèle à celle
de sa matière) permet la réalisation en haut degré, des petits
mystères : les mystères de mort et de résurrection qui situent le
récipiendaire dans une position privilégiée, surnaturelle. Sa
caractéristique primordiale est I'accession au Présent, d'où l'on
contemple tout Sab Specie @ternitatis. C'est seulement ainsi
que nous pourrons comprendre, indépendaûrment du temporel,
les propos du Comte de Saint-Germain qui semblent une absur-
dité, quand il affirmait être contemporain de Jésus-Christ.
Le prolongement de la vie humaine, temps qualifié et sacré
par excellence, n'a aucun sens, voyons nous à part celui
-
de répondre à une exigence en relation avec la chaîne et la
trame de I'accomplissement des temps historiques, pâte mal-
léable du besoin, signée par le Plan divin. C'est un labeur ardu,
de collaboration avec la puissance transmutatoire qu'enferme le
cæur de tout homme ordinaire, lorsqu'il s'élève de lui-même en
impétration pour les autres.
Fuyons le cadre idyllique des assemblées d'Adeptes philo-
sophes dans des châteaux médiévaux du Jardin des Hespérides,
à Séville où I'on dit, nous le verrons plus tard, que fut rcncontré
Fulcanelli dans les années 50. Cette fausse immortalité,
consacrée à des jeux palatins, à des courtoisies de palais,
d'après la vision de notre monde martyrisé, nous fait horreur.

31
Que ces réflexions puissent servir au lecteur comme "incipit"
c'est-à-dire comme commencement : littéralement, cofltrne "prise
de possession" (du latin, "capio"). En effet, nous voici déjà en
pleine substance médullaire de tout ce que la suite présuppose et
qui trouvera une justification parfaite dans notre "explicit".
C'est là que nous céderons enfin la parole, au sage phi-
losophe. (14)
Quel contenu pourrons-nous donner par conséquent à nos
"notes" ? Après avoir introduit notre regard dans le cadre des
possibilités où Fulcanelli évolue aujourd'hui, et après avoir
cherché le sens intérieur des états de prolongement de la vie qui
impliquent une régénération cellulaire, nous devrons nous ren-
seigner sur la motivation qui fut à I'origine du pseudonyme. Ce
sera la tâche de noEe deuxième chapitre, qui voudra poser les
bases de l'occultation de l'auteur derrière son ceuwe, ainsi que
le faisaient les artistes des hautes époques et d'un plus grand
savoir. Avec cela,l'ontologie du "nom"...
Le pseudonyme Fulcanelli est chargé d'intentionnalité, il
s'ouvrira à nous, riche en signification, si nous possédons les
clés pour le percer. Elles appartiennent à la science diplo-
matique (dont nous aurons quelque chose à dire). De cette
façon, nous accéderons à la bonne doctrine et à la praxis : avec
précisément I'outil que le philosophe nous légua en calligra-
phiant la signature de ses æuvres. Ce sera notre troisième
chapire.
Si notre essai, si la commande reçue, sont de construire une
"biographie", nous nous sorunes déjà couverts, dès le linteau,
en affirmant que celle-ci est impossible. Car nous ne sortirons
pas du cadre des nouvelles déjà publiées qui sont tantôt mal-
veillantes, tantôt de simples suppositions, ou tantôt purement
mythiques.
Quelque connaissance à caractère privé, complètement
étrangère à toutes ces nouvelles, nous permettra une synthèse
que nous accompagnerons de nos observations. Dans ce

32
domaine, un article renommé du néfaste Robert Ambelain est
de toute première importance ; cet afiicle véhicule mille séduc-
tions et 'ri11 fine", en marge de I'article lui-même une
- -
fantastique hypothèse sur la personnalité de Fulcanelli, et sur
"ses pompes et ses æuwes". Cela introduit sur notre scène les
différents personnages : Canseliet, unique disciple supposé,
héritier du philosophe, et Jean-Julien Champagne, f illustrateur
de ses Guwes, qui fréquenta beaucoup Fulcanelli.
Nous verrons tout cela dans notre quatrième chapitre, qui
dira aussi un mot sur les autes hypothèses qui ont été brassées
pour savoir quelle est la personnalité occulte.
Notre cinquième chapitre présente largement ce disciple qui
exigeait pour lui-même toute orthodoxie en ce qui se réfère à
Fulcanelli : Eugène Canseliet. Ses écrits prolifiques sont la
seule base "officielle" qui permette d'aborder une "biographie"
de son maître, sans être du tout scientifique. Nous voyons que
cela laisse le "biographe" bien dépourvu, bien appauwi, car
I'excessive prétention, l"'exclusivité" de la source invoquée, se
basent sur une fréquentation certainement superficielle, due
sans doute, à la différence d'âge et de mentalité, considérable
entre eux.
Tout au long de sa vie, le meilleur panache et la marque de
noblesse de Canseliet fut d'être un "disciple" investi de ce titre.
Nous glissons ensuite imperceptiblement jusqu'à I'interrogation
nécessaire sur qui fut à son tour, le maître de Fulcanelli. Affaire
sombne, s'il y en a, mais nécessaire car I'Art de I'Alchimie se
réclame d'une filiation ininterrompue, à laquelle nous réflé-
chirons aussi dans notre sixième chapitre.
Le septième chapitre aborde la biographie même de Fulca-
nelli à partir du moment de sa naissance jusqu'à celui de sa
disparition. Iæ lecteur vérifiera que cela est bien peu de chose,
mais il ne négligera pas les personnages qui entourent notre
philosophe, spécialement ceux dont nous avons donné, au
hasard des chapitres et avec une certaine ampleur, des données

33
biographiques. Cela repond (sauf dans un cas) aux principales
attributions de personnalité qui ont été données avec passion ;
de façon à ce que le lecteur puisse en poser le pour et le contre.
Nous présentons aussi le cadre social de la vie civile de
Fulcanelli.
Notre huitième chapitre, bref mais osé, reprend la chrono-
logie de base de notre théâtre. Cela permet peut-être la synthèse
de tout le travail antérieur s'offrant comme rappel ou comme
signification des points de mire à prendre en compte.
Nous avons décidé d'appeler "Le Pontificat" notre neuvième
chapitre, qui parle de l'æuvre et de la "mission" de Canseliet, et
médite sur la situation de I'Alchimie depuis la disparition de
I'Adepte. Cela, avec l"'Incipit", dewa nous permettre une bonne
compréhension de ce que Fulcanelli exemple paradig-
matique -
peut signifier. Cela nous conduira par force à une
-
droite compréhension de tout ce que Fulcanelli et I'Alchimie ne
doivent pas signifier.
Enfin, notre "explicit" et dixième chapitre sera ainsi que
nous I'affirmions dans notre frontispice
-
"une mise en ordre
-
de textes du Mystère des CatMdrales en accord avec la waie
conduite du Grand (Euwe". Il veut fournir du loisir et le plus
haut sens esthétique (resplendissant de Vérité) au lecteur de-
vant qui s'ouwe en grand la mer de la science, pour son profit...
Nous invoquons encore I'enseignement de Fulcanelli : de lui,
qui rirait de nos paroles maladroites, s'il avait connaissance de
tout ceci dans un "lapsus" incroyable de son activité. Un peu
plus sûrement, mais pas beaucoup plus dignement, nous lui
offrons noüe musique intérieure. L'associant à notre première
dédicace, qui se maintient et acquiert de la force, nous ter-
minons notre "incipit" de cette manière sincère :

ȃȃ A FULCANELLI

34
CHAPITRE II

Pseudonyme et anonymat

"Arcana publicata vilescunt,


gratiam profanata amittunt,
Ergo margaritas non proiice porcis"
Ver i s s imutn p rov e r bi urn

"Iæs arcanes divulgués se déprécient,


Profanée, la grâce se dissipe :
Ne jetez donc pas de marguerites aux cochons"
D'un très véridique proverbe.

ous parlions de sa vie cachée, de l'énigme de la person-


nalité qui s'immole sous un pseudonyme : "Fulcanelli".
Lc pseudonyme, utilisé encore de nos jours pour soustraire à la
onnaissance la pratique d'activités ancillaires (mais lucra-
35
tives), répond dans notre supposition (nous le savons) à
I'obéissance d'une "autre" discipline, qui n'a plus aujourd'hui
cours légal, ancienne discipline qui enchaîne I'individualité
pour que I'Guwe, fruit de I'esprit humain et de sa filiation
supérieure, b,rille dans les hauteurs du bien commun. Discipline
qui de la manière la plus éminente porta anciennement les
artistes vers I'anonymat défi nitif.
En effet, cette décision d'anonymat, qui dans les temps d"'il
était une fois" pouvait n'être même pas une option, mais le
comportement logique de celui qui ne s'appropriait ni ne volait
pour lui-même le don gratuit de I'art" marque toute la différence
entre ce que nous appelons "l'æuvrc d'un tel" et ce que nous
considérons coûrme patrimoine cornmun.
"Patrimoine", proprement : "biens hérités des parents", biens
qui ne viennent pas de nous. Et nous disons : don gratuit ; le
"talent" que I'individu administre comme un prêt, d'après la
parabole, "Gratiatn profarwu amittunt", affrrme notre exergue.
Qui est I'auteur de la cathédrale de laca ? Les chroniques
disent que c'est Maître Estéban. Ce sont les annales qui le
disent et non Maîre Estéban, qui lui se tait. Qui est I'auteur du
Temple de Louxor ? Qui de celui d'Eunate ? Et tant, et tant
d'æu'vres maîresses qui üvent et vib,rent dans les chapiteaux et
autres géographies. (Euvres qui sont toutes silencieuses,
beaucoup d'entre elles, dévoilées, révélées, puisque notre siècle
profane les charge dès qu'il peut de la lourde définition :
"attribué à..."
Notre siècle contente ainsi orgasmiquement I'esprit comp-
table de nos contemporains qui, en rajoutant ainsi une ligne à
leun catalogues, prétendent avoir résolu le mystère. Après cette
conquête démesurée de l"'attribué à...", après le pénible effort
de dissection, notre contemporain dort mieux. Dort
" Arc atu pttb li c ata v ile s c unt" .
-
Cene noble discipline, ce que nous appelons "discipline", que
nos aînés possédèrcnt dans les æmps d"'il était une fois", mais

36
C LDUE, F
G.fdA.ND u,I U\'"F.8,
o U
LETTRES
DU
SANCEI,RIEN TOUR ANGEAII,
JI MlDâME
.L. D. L. B+++.
T. D. F. /, î.
Dur lr prenricrc,y' ra cnfcignë où trouve r la maicre
ùt.tiigcs. D.rns l.r(cconderlcs vcrtat O mtrwille t
dc îIlcrir llanc O rougcrfur lct trois Rcgnc de
lt Narurc. Darr h troililnrc, adrcfdc-à nron
lrcre,ÿra rlaliü du_ granl (Euvrc par
yrauvë lz
tout.cc-çrr'il I a dc
7!1u po$tlf dans lHi/ùtire
lairie û proJtnc,
-fon,lcmcntrainf
qu'il a iu O fcra, toajoirr lo
yc tc prcnicr mclilc dc butct
lcs Rcliüons &t mondc. Er dans les fuivanrer,
iulqu'au- nombre dc dir , cottt cc çatil cJl pcrnii
ltirirc tu ccttc Scicncc , foru pa-ffer lis tornct
prd*ires poar confuire Lt Elu au ôut ùfrt
In falc omnir, line lilc nitril
âq.{â
A C O R I N T E,
Ette trouvc.l P/rRIS.
(Trcz Cl r Li r â u, fmprimcur-Librairc, iG
Sairrt-Sevcri».

À1. DCC. LXXVII.

C.:qrverture de la Célèbre Clef du Grand (Euvre de Sancelrien Tourangeau.

37
qui atteignit le Haut Moyen-Age (et qui subsiste aujourd'hui
isolément), est I'impulsion irrépressible, le Deus me fecit de
toute vérité, beauté, de tout bien. Cette attitude qui prêche I'ano-
nymat n'enchaîne pas I'individu à son ceuvre, ne lui donne pas,
fallacieusement, le noyau de son æuwe, mais le laisse libre
pour son véritable travail d'élucidation de "soi-même".
C'est dans ce contexte uniquement (on peut ajouter d'autres
raisons auxquelles nous arriverons bientôt) que nous dewons
contempler, en ce XX. siècle, la présence d'un artiste philo-
sophe qui ne laissa d'autre Eace que son pseudonyme. Nous
devons le contempler à son tour comme étant plein d'intention,
chargé de sens imbriqués. C'est, avec ses deux æuvres, les
seules choses dignes de foi que nous ayons de Fulcanelli, et qui
nous parlent de la qualité essentielle de son ête, de son "secret"
ou de son destin.
Mais tout ceci, comme point de départ, doit nous conduire au
nom avec lequel le Dew me fecit me noûtma, dont la traduc-
tion commune est le nom que je porte publiquement. Ainsi, le
nom est la substance même de la personne, la synthèse de nous-
mêmes qui nous résume, la meilleure manière de nous définir.
Nous disons : "Je suis X" comme affirmation qui nous définit
et qui rend explicite notre propre essence. Cela se trouve
justifié dans I'Exode 3.14 : "Et Dieu dit à Moïse : "Je suis celui
qui est". Tu répondras ainsi aux fils d'Israël : "Je suis" m'a
envoyé à vous".
Personne ne peut ête "autre", différent de celui qui est "Un-
sans-compagnon" : il est par contre un pur tissage de son métier
à tisser, vacuité absolue selon notre point de vue. Mais d'après
son point de vue, on peut dire : "Je suis X". Avec cela nous
faisons profession de "théomorphes" dotés de noms, car le
I-ogos dit aussi (St Jean 1.42) : "Tu es Simon, fils de Jonas, tu
seras appelé Pierre".
C'est uniquement par référence à I'origine voilée (et non par
référence à I'individualité ou à son æuvre) que I'on peut dire :

38
"Je suis X, tu es Y". Et cela réunit plusieurs facettes de la Divi-
nité. Mais, disions-nous d'après notre point de vue dont
- -
la soutenance serait pure idolâtrio, ptr la prétention excessive
de posséder un point de vue, nous ne pouvons que dire : "Je ne
suis Rien, je n'ai pas de nom". Alors, "X" sera un pseudonyme,
je me reconnaîtrai en tiurt qu'anonyme, sans nom.
Telle est la première pauweté du pauvre qui se reconnaît
alChimiqgement Cgmme "ChaOS" Cgmme "eagx" SUr leS-
- Et comme personne ne peut prétendre
-quelles flotte I'Esprit.
avoir un nom puisque Simon (qui était Simon) s'entendit dire :
"Tu es Pierre", alors nous nous dépossèderons du nom com-
mun qui ne contient pas notre substance, tant que nous ne
Irourrons pas le remplir de contenu. Connais-toi toi même.
Nous disions plus haut que I'anonymat et sa conséquence
postérieure, le pseudonyme, encadrent I'artiste dans une société
traditionnelle et hiérarchisée, celle d"'il était une fois", où toute
autorité vient de Dieu, où I'artiste, au lieu d'affirmer son'moi,
s'incarne dans I'universalité de la Connaissance. Cette dépen-
dance frdèle et nécessaire envers le "don gratuit" poussait en
plus I'artiste à se soumettre à un canon qui lui garantissait
I'application correcte d'une philosophie orttrodoxe. Canon dont
I'artiste n'était que représentant qualifié, en dehors duquel tout
était contresens philosophique.
Nous dirons maintenant, en tant que complément valable,
que le pseudonyme cache la nudité de la connaissance de soi.
Admettre I'anonymat c'est renoncer à son propre nom, ceci est
la figure agissante de la vacuité intérieure, nécessaire pour que
chacun "soit occupé".
Entre-temps, I'auteur est le réceptacle ou Ie moule dans
lequel I'idée a pris forme : l'æuvre y naît, toujours icône.
L'artisan disparaît, il fut uniquement I'outil utilisé par la beauté
ou la Vérité.
"Fulcanelli" peut donc répondre à I'appel de Ia discipline tra-
ditionnelle supérieure, comme le fait de s'appeler "Fulcanelli"

39
peut répondre en son moment à I'expectative d'accession au
degé d'Adepte qui facilite la connaissance de soi.
Que le lecteur ne nous dise pas qu'avec ces réflexions d'un
caractère évidemment doctrinaire nous ne sommes pas en train
de faire de la "biographie".
Notre biographie est certes impossible mais nous essayons
d'y donner la substance de notre personnage. Cela est bien plus
essentiel que si nous disions : "Fulcanelli... ? Il s'agit du
Commandant de Génie L***...,. Ce que nous disons c'est que
notne maison de briques rouges est très belle, qu'elle a des géra-
niums aux fenêtres et des pigeons posés sur son toit. Nous ne
disons pas que nous avons une maison de cent mille francs...
Le pseudonyme sauvegarde et protège donc I'auteur qui
æuvre avant d'accéder à la Connaissance qui va rendre possible
le fait d'avoir un "nom". Le "nom" à wai dire fait foi de I'uni-
versalité de la Connaissance. Il est signe du monde à venir, de
la condition atemporelle où se produit I'identification entre
celui qui donne le nom et celui qui le reçoit.
Le pseudonyme est I'inconnue que chacun doit dévoiler.
L'inconnue dévoilée, le nom apparaît.
En plus de tout cela, l'anonymat est "utile". Nous I'affirmons
tranquillement, sacrifîant à la mentalité moderne, à I'esprit de
"business". D'un côté, une personnalité plus ou moins exposée
aux lumières de I'avant-scène est "intéressée" par I'anonymat ou
I'usage du pseudonyme si elle veut consacrer le meilleur d'elle-
même à des choses aussi rétrogrades, appartenant aux siècles
obscurs et barbares, comme peut l'être l'étude de l'Alchimie...
C'est la mauvaise raison. La bonne, c'est que cela mettra
I'artiste à I'abri des moustiques bourdonnants, mouches, mou-
cherons et autres animaux à trompe suceuse, et qu'il pourra tra-
vailler en paix et en silence, dans I'atrnosphère oxygénée que
ces diptères détestent. Item si le sort appelle I'artiste au succès
définitif qui assure la santé et le bien-être (c'est le "surplus" de
ce qui importe) : il sera de plus en plus intéressé par I'invi-

40
sibilité qui le protégera des meurtrissures et égorgements, d'être
üré, mort et envoyé "ad patres"... Ergo margaritas non proiice
prcis, ainsi dit à la fin notre exergue.
Ceci constitue la raison "avouée", publique, connue, qui
motive I'anonymat, et cela, la racine où vient s'incarner la
na§rre lucide, amoureuse des déserts extérieurs et intérieurs.
Nous trouvons ceci et cela chez Fulcanelli.
Nous résumerons par brèves sentences. L'anonymat comme
ascèse et attente se superpose à I'anonymat traditionnel qui
prend en compte la source de I'autorité. I1 s'agit d'une ontologie
de I'anonymat à laquelle participe Fulcanelli. Cet anonymat
sauvegarde I'auteur préalablement à la possession de la
C-onnaissance qui l'élève vers I'Universel. Il a une valeur de
signe face à I'Identification (Unurn ab ornnia et in unum
onnia) et c'est I'inconnue à découvrir, celle qui ouwe les
cücmins de l'être.
Orr peut comprendre aisément que I'on accorda une égalité
prfaiæ entre le pseudonyme et le nom cornmun (e suis "X",
mn pseudonyme est aussi "X") puisque celui-ci est attribué au
Exxnent de I'aspersion par I'eau lustrale pendant I'acte sacrifi-
ciel et initiatique du Baptême, qui préfigure la mort et la résur-
rection du récipiendaire. Ceue cérémonie est un signe agissant
ct non I'ultime réalisation qui est, elle, a-historique.
I-e nom attribué par I'eau est un nom véritable "en principe".
Mais face à I'ultime réalisation, c'est un nom "substitué" au vrai
nom : c'est un pseudonyme (Je suis "X" ; "X" est mon
pscudonyme).
Etant subsidiaire du Logos qui nous assume,le nom coûrmun
(qui est un pseudonyme) a une valeur magique et n'est jamais
indifférent. Cette valeur magique explique I'ensemble des
attitudes, en tout temps, en rappon avec le nom.
Des civilisations et des peuples (dont les amérindiens ne sont
pas les derniers) ont donné à leurs enfants le nom qui corres-
pondait à I'essence même de I'individu, ou bien le nom qui

4t
annonçait la qualité essentielle dans l'horizon de l'être : Thureau
Assis, Elan Noir, Fleur de Lotus, Adam, Abraham, Melchi-
sedech, Moïse, Emmanuel, etc, appartiennent à cette catégorie
que nous retrouvons aujourd'hui dans les ordres monastiques
qui exigent I'acception d'un nouveau nom (sacralisation) au
moment de la profession des væux.
Comportement différent mais chargé d'une vraie tradition,
celui de nos proches ancêtres qui ont donné à nos parents le
nom du saint du jour. Cette coutume reconnait que ce mo-
ment de la naissance est un temps qualifié, non assujetti au
hasard, plein de signes stellaires et de dons nourrissants pour
la personne, qui sont propres au saint dont on fête la nais-
sance (au ciel). Cette valeur persiste (peut-être diminuée,
mais légitime) quand le nom répète celui des parents ou
grand-parents, greffant le nouveau-né dans le uonc et les
vertus familières, dans une phylogenèse qui a probablement
parcouru l'échelle des modalités que nous avons vues, en im-
primant du caractère.
Mais que dire des habitudes d'aujourd'hui où le nom ne
dérive même pas de I'euphonie, mais de la mode, des lavages
de cerveau d'une politique pour pantins ?
Nul doute qu'il y a des noms communs (nous rajoutons ici le
nom de famille) qui semblent prédestinés, qui portent en eux
une valeur de pseudonyme et sont comme une figure du véri-
table nom. En notre temps, nous avons celui d'Eugène Can-
seliet qui disait être le seul disciple de Fulcanelli.
"Eu-genus quand- sel-y-est": "bien engendré si le'sel y est".
ou bien
"Eu-genus quand-s'est-lié" : "bien engendré s'il est 1ié".
Avec la même référence au Sel, principe philosophique, rebis
ou fondant, nous avons le patronyme de Sancelrien Tourangeau
qui en L777 publia sa Clef du Grand CEuvre :
"Sans-sel-rien" : "rjeî sans le sel".
"Sans-scel rien" : "rien qui ne soit scellé".

42
Dans le groupe surréaliste, c'est (Elie) Charles Flamand que
nous retrouvâmes lors de quelques réunions d'amis, poète de la
lumière, qui publia en 1970 son Erotique de l'Alchimie :
"Elie-Charles Flamand" : "Le char d'Elie en Flammes".
Le vrai nom du plus renommé des alchimistes a un contenu
flamboyant semblable. Son æuvre maîtresse : Le Livre des
Figures Hiéroglyphiques eut sa première édition en 1612 :
Nicolas Flamel.
"Niké-Laos Flarnel" : vainqueur de la Pierre par les flammes.
D'un caractère semblable, le nom de Joseph du Chesne, Sieur
de la Violene qui publia en 1953 Le Grand Miroir du Monde:
"Du chesne... de la violette" : du chêne, de la violette, le
chêne étant creux (1), source des eaux mercurielles, le violet
étant par transparence la couleur de la feuille métallique qui
sera I'agent des grandes noces.
Nous citerons un dernier exemple, à I'intérieur de ce groupe
de philosophes qui arborent leur wai nom, celui du moine fran-
ciscaih Jean de Roquetaillade appelé Jean de Rupescissa qui
publia en 1549 La Vertu et propriétés de la quintessence de
toutes choses :

"Roquetaillade : Rupescissa" : "le rocher fendu".


Ce rocher fut fendu par l'épée Excalibur et par ce que les phi-
losophes appelèrent " notre acier". C'est aussi la verge de Moise
que fit surgir l'eau du rocher. On connaît bien I'image d'un
agent qui avec I'aide de la vertu divine résoud dans ses eaux la
densité et le poids qui les occultent.
Avant de poursuiwe et d'en arriver au pseudonyme qui nous
intéresse, nous donnerons quelques exemples d'anonymes et de
pseudonymes qui ont honoré la Philosophie Hermétique et qui
respectent tous l'esprit de cette "discipline" et cette mentalité
droite auxquelles nous faisions référence au début de ce
chapitre.
Avec les anonymes, nous dewions sans doute citer tous ceux
qui, en occultant leur personnalité, attribuèrent leur æuwe à des

43
Adeptes renommés, comme ce fut le cas des traités de Ray-
mond Lulle (avec ici valeur de pseudonyme, ou d'une autre
façon, avec caractère d'æuvres apocryphes).
Voici des anonymes absolus : le Clangor Buccinæ (le son
strident de la trompette),l'Aurora Consurgens (l'émergence de
l'aurore), L' Epltre d' Alexandre, la Turba P hilo s opharum (ou
Assemblée des disciples de Pythagore), Le Grand (Euvre
dévoilé en faveur des enfants de lumière,l'Aurea Catena
Homeris, La lumière sortant par soi-même des ténèbres,la
fameuse Tabula Smaragdina et (nous le citons en dernier),
l'Hermés dévoilé, dédié à la postérité signé par "C***" en
1832, et que Pierre Dujols nomma Cyliani.
"Cyliani", homophone de "Silèng" Lune".
Et voici quelques uns des célèbres - "la
pseudonymes d'autres
temps qui incorporèrent la Tradition dont Fulcanelli est, de nos
jours, le meilleur paradigme.
En premier lieu, nous citerons I'auteur qui publia en 1777
l'æuvre extraordinaie. Rares expériences sur l'esprit minéral,
pour la préparation et transmutation des corps métalliques, et
qu'il signa comme "Monsieur D***rt. Nous le nommons en pre-
mier lieu parce qu'en réalité il s'agit d'un anonyme qui occulte
la personnalité, aujourd'hui connue, de Moreas de Respour.
Ensuite:
"Hortularuo" Ihofticulteur (sûrement Joannes Grasseus)
"Tripied"
-
en effet, notne philosophie a "trois pieds". C'est
-
I'auteur, en 1896, du traité Du vitriol philosophiquÊ et de sa
préparation comme "Hortrlanus" le fut, en 1740, de l'Expli-
c ati o la Table d' Eme r aude d' H e rmè s Tr is mc g is t e.
nd e
"I* Cosmopolite" le citoyen du Cosmos. Il s'agit proba-
-
blement d'Alexander Sethon, auteur entre autres æuvres du
Novwn LwnenChimicurn.
Basile Valentin, humble moine qui publia en L624 Les douze
clefs de la Philosophie, suivi d'un long etc :
rrRoi
"Basile Valentin" Puissant".
-
44
Lamsprindk contient le pseudonyme de I'auteur de
De Lapide Philosophico, publié à Frankfurt en 1625
"Latn-Sprin§,ên" "Source de I'Agneau" ; proprement, la
-
source de celui qui porte la toison d'or, ou source de jouvence.
Grand parmi les grands fut Irénée Philalèthe citoyen de
I'Univers qui publia en 1669 son Introitus appertus ad
occlusurn Regis Palatiutn qui fut déjà traduit en Espagne au
XVIf siècle:
rrls6411t
"Philalèthe" de la vérité"
"Irénée"
-r'fid§lgr
-
Puissions-nous tous être ainsi.

45
CHAPITRE III

Le pseudonyme "Fulcanelli"

ous serons forcés de conduire le lecteur vers les sources de


la Cabale et de ia méthode cryptographique utilisées au
bas Moyen-Age et en pleine Renaissance, exposées par Grasset
d'Orcet (dont Fulcanelli fut le correspondant attentionné) à la
fin du XIX" siècle. Il nous en explique 1a technique et la
compréhension ; cette Cabale est susceptible de révéler les
symbolismes de Fulcanelli.
Sa méthode de travail, sévère et scientifique, est dépourvue
de I'improvisation d'un génie fertile ; I'existence d'un "canon"
nécessaire qui ne limite pas la pensée, mais qui I'oriente et
I'endigue ; I'intelligence ordonnée pour inscrire et transcrire,
pour concentrer le verbe qu'elle aiguise et exacerbe ; la conven-
tion sous-jacente au système qui permet, seule, la commu-
nication secrète entre pairs, tout cela produit une abondante
47
cueillette de fruits intellectuels par son exercice magique
(d'après nous).
Cette Cabale n'a certes pas grand chose à voir avec I'Alchi-
mie, "métaphysique expérimentale" (1) qui sépare encore les
impuretés des substances les plus pures auxquelles nous avons
accédé par l'Art et le rapt au sein même de notre "terre". Cela
ne nous sera utile que lorsqu'à un moment donné, ou face à un
philosophe déterminé, elle pourra nous éclairer sur quelque
aspect de la science. Cela suffit pour que nous ne la rejetions
jamais ; ou alors il nous suffit de savoir que Fulcanelli la
domestiqua...
Mais à plus forte raison, nous observons que cette crypto-
graphie est florissante au long de la Renaissance. Le sens
d'innrition du plan de I'Histoire nous montre que nous sommes
devant un obscurcissement, une déviation et même une perver-
sion d'un art de nornmer et d'une diplomatie d'époques anté-
rieures. Cette "gaie science" que Fulcanelli aime, doit être
remontée dans le temps jusqu'aux siècles qui précédent et
jusqu'à I'origine même du langage.
De même que Saint Augustin a dit que le Christianisme est
antérieur au Christ, nous dirons que la cryptographie est anté-
rieure à I'art qui la développe, et dont les meilleurs exposants
furent dans la chrétienté, I'AbM Trithémius, hier, et Grasset
d'Orcet, il y a quelques heures.
En effet, I'homme, malgré ses vélléités d'enfant gâté, ne se
libère pas de la contradiction engendrée par lui-même entre son
origine seigneuriale (seigneur du Monde) et les effets de sa
Chute. L'homme éclaircit en parlant ; I'homme voile en parlant :
cet homme qui forgea la tour de Babel schizophrénique.
Depuis son origine même, le langage se voile lorsqu'il donne
une signification profonde, lorsqu'il déppsse le simple com-
merce ordinaire d'inter-relations, lorsqu'il limite le nombre de
ceux qui peuvent le comprendre. Et comme toujours, à mesure
que le temps défile, on perd des possibilités de langage :

48
,l *: ù--|*ir, /îoue/,tr
,7Ç.zrte"'l- oYug, .ou Ha*ù/ vÊb-rut,
I olP "-reL".r7 lz ca+,»à/ç
a"*fâZ7Zic- -

l,hfl-Yrlrn*c//L
Dédicace manuscrlte de Fulcaneltl à Julcs Boucher.

d'abord, sa charge symbolique, ensuite, sa valeur étymologique


et sa rigueur signifiante. Il ne subsiste qu'un continent Éduit de
ce qui fut une vaste polygraphie : de là vient I'obscurcissement
que nous mentionnions.
Mais au milieu de cette obscurité généralisée, subsistent
quand même à travers les temps, des centres, des points, qui
savent conserver le flambeau et la gnose du verbe. Dieu est ina-
movible, il ne change pas : la lumière de I'esprit de l'homme,
symbolisée par les lampes éternelles des Anciens, luit au-delà
des siècles : in æternurn.
Nous avons donc aujourd'hui un langage, une polysémie de
langages, qui sont tous des coquilles vides de substance (nous
n'exagérons pas trop), des signifiants avec des signifiés qui
vont à la dérive, qui ne savent rien de leur filiation et qui ne véhi-
culent plus la vérité, l'étymologie (etwnos,la "vérité"), la gnose.
Nous pourrions dire que pour écrire au deuxième degré en
stéganogfaphie, pour transmettre donc un aspect de doctrine
non publiable, il suffirait "aujourd'hui" de récupérer le sens des
mots, apÈs avoir indiqué au corespondant, par convention, où
commence une lecture étymologique. I-a personne non avertie

49
ne verrait même pas la fumée d'un tel feu. C'est une possibilité
actuelle qui naît, précisément, de la dépréciation que subissent
les langues, sans miséricorde. Nous en donnerons tout de suite
des exemples qui surgiront au hasard du discours.
Mais les choses et l'éventail de possibilités viennent de très
loin. Il est déjà classique de dire et de parler du caractère secret
des écritures égyptiennes qui nous dévoileraient, par leur com-
préhension, tous les secrets de Ia science primordiale. Les
Egyptiens connaissaient éminemment semble-t-il les pos-
- -
sibilités du Verbe. Des Egyptiens jusqu'aux Grecs, et jusqu'au
haut Moyen-Age ensuite, nous percevons le fil conducteur qui
s'aiguise, s'effile, sur une large voie, mais semble ne s'être
jamais cassé. Grasset d'Orcet le parcourt sur de larges tronçons
dont Fulcanelli profite afin d'y enterer son nom et sa doctrine.
L'Arabe Abenéfi dit : "il y avait parmi les Egyptiens quatre
sortes de documents : la première était propre au peuple et aux
ignorants ; la seconde, aux sages et aux philosophes ; la troi-
sième était mixte, formée de lettres et de symboles sans
images ; la quatrième, empruntée aux prêtres, était formée de
lettres inaccessibles qui indiquaient les serments de la
divinité". (2)
Remarquez que nous avons traduit "sacramenta" par "ser-
ment" (2) : les deux mots sont identiques, du latin "mens",
esprit, intelligence, et du latin "sacra" (du grec "hieros"), sacré.
Ainsi nous avons "l'esprit ou I'intelligence du sacré" qui est le
sens du mot "sasrement" et ceci nous fait contempler à leur tour
les termes "spirituel" et "intellectuel", homothétiques, qui sont
la même chose, même si aujourd'hui on prétend opposer I'intel-
lectuel au spirituel.
Nous pourrions donc passer des heures à discourir sur I'intel-
lectuel et I'intellectualité, sans que personne ne remarque que
noEe discours traite de la connaissance spirituelle qui est, à for-
tiori, "réalisation". "Intellectus" est proprement "Lege-intus",
c'est-à-dire, "lis en ton intérieur". lJn intellecnrel est une per-

50
sonne qui lit en elle-même et non pas celle qui sait par cæur la
liste des rois wisigothiques, même si un intellectuel a de la
"mémoire" (de "me-moror", 'To demeure en moi", 'Je vis en
moi"). Car il n'y a pas de doute que les "intellectuels" sont des
personnes qui ont une bonne "mémoire"
Avec ces observations le lecteur pourra remaxquer comment
on peut transmettre des choses en évitant d'être compris par
ceux qui ne sont pas qualifiés. On peut intuiter de cette ma-
nière les mécanismes de la genèse du Verbe : "se souvenir"
(mémoire) suppose sortir des choses et du monde, retourner en
soi ("intus-1ege").
Elle nous semble remarquable, étant antidémocratique, cette
hiérarchie intérieure de la langue des Egyptiens qui permettait
au néophyte de remonter d'échelle en échelle jusqu'aux sources
du Verbe (c'est-à-dire jusqu'à l"'être") comme le décrit de
façon semblable Clément Alexandrinus dans son "Liber V
Stromatwn". (3)
La science ne s'arrête pas. Nous trouvons la même structure,
avec des niveaux véritablement ontologiques, chez les Hébreux
("Ex quibw christtu secundwn carmen") qui développèrent la
magnificence de la kabbalah, une des formes de leur langue
paradisiaque qui i "tria imprimis secreta alplabeta leguntur.
Primwn ÿocantur scriprura cælestis ; alterum scriptura ange-
lorwn sive regru*n ; et tertiwn sciprura transitw fluvii", Éu-
nit principalement trois alphabets secrets : le premier, appelé
écriture céleste, le deuxième, écriture des anges ou des rois, et
le troisième, écriture du passage de la rivière (écriture fluide).
Certes, les Anciens étaient des géants. Iæurs traces impéris-
sables nous accablent, sans doute parce qu'ils üvaient une vie
sacralisée, trempée socialement dans les charismes de quelque
fil direct avec la Divinité, qui ne fonctionne aujourd'hui qu'avec
I'homme droit, le plus solitaire des hommes. Il a été dit que de
nosjours nous voyons "plus loin" car nous chevauchons sur les
épaules de nos ancêtres. Ces ancêtres doivent être uniquement

5l
nos grands-parents, c'est-à-dire les parents de nos parents, dont
nous sommes les fils : en vérité, nous ne voyons pas un seul
millimètre plus loin que ces races primordiales, car nous
sommes atteints d'une cécité inguérissable.
Non, les ancêtres sont ceux dont on peut dire, comme les
pythagoriciens, que "pro rebus incorporeis pronutur nomeri,
pro corporeis ftguræ" pour remplacer I'incorporel ils plaçaient
des nombres, et pour les choses coqporelles, des figures.
Mais ce cadre magnifique cesse d'être nécessaire, car incom-
pris, lorsque I'intellect humain se couwe de sombres couches
gravitationnelles qui I'enchaînent à la terre, pour ne pas penser,
en ce monde parfait, complexe et organisé. Il est donc utile que
I'artiste habile, pétri de science, se dissimule dans les méan-
dres de la glyptique, et ne montre qu'une figure vulgaire. Cela
poussera la personne studieuse et consciente de ce fait, à
secouer son inertie mentale et casser, comme un obstétricien,
les coquilles que I'on jette ensuite sur les bords du chemin.
Cette introduction furtive dans I'art cryptographique, compris
selon la Tradition, pennettra à son "nous" et petit Logos de
remonter jusqu'à la source du Verbe.
"Nike-laos Flamel le vainqueur de la pierre par le feu",
avions-nous déjà dit.
-
Robert Boucher, "docteur en droit", nous transporte plus loin
quand il trouve dans le nom de I'Adepte Nicolas Flamel, I'ana-
gramme parfait de "Sal, loci, flamen", c'est-à-dire, "le sel
naturel que I'on a à portée de la main, dans le lieu même où elle
se trouve, et le souffle qui contient le feu des sages".
A son tour, "Sa/ loci" est I'anagramme de "lac soli",le lait du
sol, la rosée qui ne peut-être soumise au "flarnen" que dans des
conditions tnès spéciales, pour que le "spiritus Mundi" qu'elle
contient ne se dissipe pas ou rctourne à son origine (voir à ce
sujet le Traité de la Pierre de Sympathie du Chevalier Digby).
Nous voyons aussi dans "lac soli" une figure de l'obtention du
premier Mercure qui aura précisément à faire avec le "soli cal"

52
(feu du sol) si nous voulons a:river au Mercure Philosophal, ce
qui Quivaut à toucher du doigt le but des buts. Et voici com-
ment, avec cette association de "lac soli" et de "soli cal", nous
offrons un bon résumé, un traité réduit d'Alchimie.
L"'ALChiMie" est I'opération interne de "celui-Qui-aiMe",
car I'amour transforme le Monde. C'est aussi "I-e-Q-aiMé" ou
bien (en nous adressant au grec) "L'-X-aiMé". Et le lecteur sait
bien que "X" est le symbole de "refuge", de "patrie", c'est pour-
quoi les Gitans, par exemple, marquaient avec un "X" le seuil
des maisons où ils avaient eu bon accueil, pour en informer les
futurs nomades. Concluons enfin qu"'Alchimie" est "la patrie
aimée".
Nous savons déjà que le philologue s'arrachera les cheveux
un par un en nous entendant : nous ne serons pas gêné s'il nous
dit qu"'alchimie" vient de I'Arabe, ou même de lEgyptien et
signifie "terre noire" ( et c'est wai, notre matière est noire : c'est
un chaos). Nous répondrons que nos mécanismes intellectuels
correspondent à un savoir "traditionnel", plus gai, qui se soucie
peu de I'orthographe pourvu que I'on "ortho-graphie" bien : il
produit les fleurs que nous offrons.
Ce que nous dirons ensuite à notre philologue ne sera pas un
baume pour son cuir chevelu déjà à üf, car remuant le couteau
dans la plaie, nous donnerons comme exemple : "litterae S.P.
Q. R.quæ olim "Senatum PopulumQuc Romanurn" iüicabant,
Sic vero etiam Satis aculeate eferri possunt : "Sono Poltroni
Qucsti Romani" h.e. interprete Thom. I-ansio in "orat Contra
Italiam" p. 628 : Romani hodierni sunt neqwtm atque igna-
vi". (4) Ce qui veut dire que "les lettres S.P.Q.R. qui signifiaient
autrefois Senatus Populus Que Romanus le sénat et le
peuple de Rome
-
peuvent waiment vouloir dire, avec assez
de mordant,
-
"Soni Poltoni Qucsti Romani les Romains sont
-
des fainéants", selon I'interprétation de Thomas Lansio dans
son Discours conte les ltaliera page 628: "les Romains sont
de nos jours indolents et vicieux".

53
Revenons à notre docteur en droit que nous avions dépassé
et qui affirme que le nom Nicolas Flamel veut dire aussi "LEC
(bas latin, pour lege, lit) MI FA SOL LA N ( chiffres corres-
pondant à ces notes : 3, 4,5, 6)". Il contiendrait donc les trois
principes, les quatre éléments, la cinquième essence et les six
pointes de l'étoile qu'est l'Absoluturn D'après ce point de vue
"lec... N" serait la clef Nurnérale,la clé des chiffres.
Nous y voyons, plus simplement, une partie de la gamme
musicale de "l'Art de la Musique " dont on entend les chants
pendant la grande cuisson.
Sur Nicolas Flamel, aperçu peut-être en Judée et dans
lTlimalaya, nous dirons "satis aculeate":

(N) ICOL (as) - FLAùiFL = FULCANELLI

Anagramme surprenant qui contient plus de mie qu'une


miche de Castille, faite de bon blé.
Encore plus, 'Tn aculeatissimo modo" et sans nous éloigner
d'un millimètrre de la plus stricte observance crypto$aphique et
de ses lois (dont nous reparlerons), nôus exposerons à Ia lu-
mière publique avec grand contentement et réjouissance, le
sévère théorème suivant :

FULCaNeLLi
c'est'à-dire
FLCNeLL ou bien FLCMeLL
et par métastase
FLMCeLL

où "c" est homophoniquement "c'est" et "LL" doit se lire


selon les règles consacrées "pair€ en elle", homophonique de
"PERRENELLE", l'épouse et la compagne de Nicolas Flamel.
Nore théorème conclut:

FULCANELLI = FLMCeLL = "Flamel c'est et Ferrenelle"


54
Mais en y réfléchissant bien, dans certaines de nos æuvres
antérieures et dans quelque article (5), nous avons déjà donné
des éléments de cryptographie suffisants pour que l'étudiant
amoureux de la science puisse pénétrer dans cette forêt vierge
paradisiaque.
Cela nous donne I'avantage de nous éviter du travail ici, en
même temps que cela nous permet d'être "discret". Nous n'in-
sisterons jamais assez sur le fait (pourtant évident) qu'aucune
"révélation" qui remplace le Travail personnel ne peut-être
rédemptrice. Un vieil adage, qui fut en son temps sujet fréquent
pour les rédactions scolaires, dit que "les voyages forment la
jeunesse". Il s'agit évidemment des voyages par les livres,
voyages intérieurs.
Grasset d'Orcet affirmons-nous avec force est suscep-
- -
tible de dévoiler les symbolismes de Fulcanelli. Cela laissa un
long sillage : le renouveau considérable de I'Alchimie occi-
dentale oMit certainement à I'influence (ensorcellement) de
Fulcanelli. Nous ajoutons que son expression doctrinale écrite,
à I'abri de ses parfums, se manifeste dans le mode et la manière,
dans les dévoilements et révélations que nous rencontrons en
fréquentant le très recommandable Grasset d'Orcet.
Le filon aurifère, la source qui irrigue les riches souterrains
grassétiens, mais aussi I'erreur technique ou le contresens
scientifique, sont magnifiquement nourris (ou redressés) par les
fruits spontanés du travail sur le verbe.
Dès que I'on a recours aux racines du mot, surgit le cosmos
propositionnel qui peuple I'ontologie : on peut puiser à pleines
mains dans les arches du Roi Midas où tout est bon pour l'étu-
diant ébloui qui creuse les mots, indifférent encore au sens
premier voulu par I'auteur.
C'est ce que nous voyons dans les liwes d'alchimistes actuels
qui sont opérants ou dans ceux d'auteurs spéculatifs de grand
talent et inspiration. Ils exultent tous de joie, émerveillés par
l'æuvre de Fulcanelli, par "l'alchimie du verbe" qu'ils pro-

55
noncent, lumière nouvelle, lumière tardive dans le som\ge
désert de I'Art.
Ils seront peut-être dérangés si nous leur disons ce qu'ils
savent pourtant déjà : que I'univers grassétien a peu de chose à
voir avec I'Alchimie, même si Fulcanelli semble en juger autre-
ment, même si Canseliet et d'autres "maîtres" se sont faits
prendre sans fil conducteur dans le labyrinthe tissé par Fulca-
nelli en commentant le "fil d'Ariane". (6)
Fulcanelli donna une technique, un moyen, une méthode per-
sonnelle de dévoilement, que ses épigones ont assumée comme
totalité de I'Art. Le trope qui prend le contenant pour le contenu
s'appelle "métonymie".
Fulcanelli nous parle donc de : "la langue des dieux ou celle
des oiseaux, et il faut en découwir le sens à I'aide des règles de
la Diplomatique. Quelques auteurs et pafticulièrement Grasset
d'Orcet, dans I'analyse du Songe de Polyphile, publié par la
Revue Britannique, les ont données assez clairement...". (7)
Ce texte que nous trouvons dans le dernier chapitre du Mys-
tère des Cathédrales (avec l'épigraphe "La croix cyclique
dTlendaye") serait selon certains d'une paternité douteuse, que
I'on pourait peut-être attribuer au rédacteur en titre des æuvres
de Fulcanelli, c'est-à-dire, Eugène Canseliet. Mais nous aurons
I'occasion de parler à nouveau des nombreux échanges épis-
tolairres qui unirent d'Orcet à notne Adepte, celui-ci ayant effec-
tivement puisé à loisir dans ces "règles". (8)
Il est donc logique que nous fassions de même pour notre
étude du pseudonyme, persuadés de trouver ainsi la clef du
message (des messages, à wai dire) que I'Adepte voulut mas-
quer dans sa signature de claire sonorité "italienne", c'est-à-dire
"vulgaire", composée pourtant de deux termes, I'un latin
("latin") et I'auæ grec ("gÉ") :

(LaTIN) FuLCaN (GRe) eLLi


(LaTiN) Feu -
(Gré) SoLeiL
-
56
C'est-à-dire, "FEIJ NAf,AL GROS AILLE", ce qui signifie
"QU'[- AIE UN GRAND FEU NATAL, OU NATIF". Ou bien,
encore "L'ES TON FEU QUAND GRISAILLE", dans le sens
de "METS TON FEU S'IL GRISAILLE".
Nous ne pouvons pas tout. Nous laissons le soin au lecteur
de reconstruire la justesse de notre interprétation. Qu'il enquête
et cherche à plus forte raison le sens hermétique et l'enseigne-
ment des adages cryptiques qui en résultent. Il s'en repentira
difficilement.
Nous pourrions encore y lire : "Letone vil qui ne grésille"
c'est-à-dire, "ül laiton (ou Letone) qui ne grésille pas".
Nous pourrions continuer... Eugène Canseliet, interrogé,
interprète en différentes occasions le pseudonyme de la même
manière, avec une lecture qui est depuis considérée coûlme
étant celle qui détient le sens consacré :

FLTLCANELLI - "VULCANUS HELIOS" : "Feu du Soleil"


ou bien, 'iDieu le Feu".

Voyons à ce sujet l'æuwe Le Feu du Soleil où nous assis-


terons au dialogue entre I'interviewer, Robert Amadou (repré-
senté par ses initiales, R.A.) et I'interviewé Eugène Canseliet
(représenté par les siennes, E.C.) : (9)
"R.A. "Fulcanelli", eu€l est le sens de ce pseudonyme ?
E.C. Lui-même ne me I'a jamais révélé.
R.A. A votre avis ?
E.C. A mon avis, "Fulcanel1i", avec un adoucis-
sement du "V", c'est Vulcain et le soleil; le "Feu du Soleil".
Ce "Feu du Soleil" est aussi le "Feu d'Elie" ou "Feu du Ciel"
sûrement en relation avec le verset évangélique 'Je suis venu
porter Ie feu sur la terre, que voudrais-je, sinon qu'il brûle ?" Le
feu est le grand transformateur, le transmutateur de la Nature,
et à I'origine, donneur de vie. Résultat du mouvement, le feu
est générateur : tout ce qui dans I'homme et la Nature est

57
gestation, croissance, divinisation, doit être rapproché et réduit
à I'action du feu. Ne représente-t-on pas I'Esprit Saint, colombe
en son es§ence statique, comme "langues de feu" dans son
action vivante ?
L'adoucissement du "F" en "V" dont parle Canseliet, et qui
permet de trouver "Vulcain" dans "Fulcanelli", s'appuie sur
I'autorité de Grasset d'Orcet avec qui Fulcanelli échangea une
correspondance épistolaire assidue et dont il était Canseliet
üxit grand ami : -
-
"E.C. C'est remarquable le nombre de gens qu'il a
connus : Lesseps, Curie, Grasset d'Orcet...". (10)
"Fulcanelli était aussi très ami avec Grasset d'Orcet et il y
avait I'interprétation de la croix d'Hendaye, quasi impé-
nétrable..." (ll)
"Il (Fulcanelli) est donc né en 1839. C'est ainsi, par exemple,
qu'il a pu connaître I'archéologue Grasset d'Orcet..." (12)
De son côté, notre ami Bernard Allieu affirme dans un article
publié dans le no 7 de la revue La Tourbe des Philosophes avec
le titre "Grasset d'Orcet" qui se réfère autant à ce personnage
(1828-1900) qu'à la revue qui le diffusa le mieux, la Revue
Britanniquc (13) : "N'oublions pas non plus la précision de Mr
Canseliet qui indique que Fulcanelli était reçu par Grasset
d'Orcet..."
Grasset d'Orcet est donc notre autorité pour cette "langue des
oiseaux" à laquelle tout ce monde était si attaché et que nous
avons vantée pour le jeu de I'intellect auquel elle se prête, pour
l"'invention" continuelle dont elle est capable, mais que I'on
peut, bien sûr, criüquer férocement...
Par exemple, voici une critique primordiale : l'Alchimie n'a
rien à voir avec tout cela, ou très peu, quoi qu'on prétende.
Nous assistons au déploiement étincelant et spectaculaire d'une
"manie" fulcanellienne, que Canseliet et d'autres thuriféraires
héritent ad lateres coûlme précieux dogme.
Mais Dieu se moque de la grammaire, disait St Grégoire.
Nous rirons aussi de cette justesse, ou manque de justesse
58
"scientifique", de cet échiquier de collusions verbales, pourvu
qu'il nous soit utile, qu'il nous frappe, secoue notre inertie et
nous éclaire. Fulcanelli écrit : (14)
"Je ne m'attache qu'aux choses utiles, dit, au VI* siècle
Saint Grégoire, dans une lettre qui sert de préface à ses
Morales, sans m'occuper ni du style, ni du régime des pré-
positions, ni des désinances, parce qu'il n'est pas digne d'un
Chrétien d'assujetir les paroles de I'Ecriture aux règles de la
grammaire".
Il faudra, en tout cas, bien prendre en compte Jean
Robin : (15) "Si I'on veut user de critères guénoniens, on peut
dire que ce goût parfois immodéré pour les jeux de mots, qui
conduit à de vertigineuses jongleries verbales, constitue un
indice pour identifier le courant hermétique sous-jacent à ces
mystères locaux (16). Selon Guénon en effet, cette forme occi-
dentale de "nirukta" serait curieusement l'apanage d'organi-
sations initiatiques relevant des "Petits Mystères" propres à
l'initiation royale, mais que la perte, par I'Occident, de I'ini-
tiation sacerdotale à laquelle ces organisations eussent dû être
subordonnées, avait fait dévier. Liwées à elles-mêmes, elles
auraient dégénéré en un naturalisme plus ou moins grossier et
Guénon semblait indiquer que Fulcanelli se rattachait à cette
tradition".
Ce jugement, excessivement sévère, enferme une part de
vérité que nous ne pouvons pas analyser maintenant. I1 est
"profane" par rapport à la nature intime de I'Alchimie, science
que Guénon ne semble pas avoir comprise dans sa vérité
positive.
Il est vrai que nous dewions d'abord nous "harmoniser" sur
le sens et la possibilité de I'Alchimie, en tant que "science"
sacrée et traütionnelle, c'est-à-dke en tant qu'ensemble d'opé-
rations propres et particulières qui sont légitimes et en accord
avec I'orthodoxie doctrinale, susceptibles d'élévation et trans-
mutation de l'esprit humain.

59
Nous en étions à Grasset d'Orcet qui nous garantissait I'iden-
tité de valeur du "F" et du "V" ainsi que (pour ce qui nous inté-
resse) du "C" et du "G" ou du "N" et du "M". Mais nous avons
déjà dit que nous oublierions un peu les nobles règles diplo-
matiques que nous avons déjà exposées dans notre æuvre
antérieure : Commentaires du Mutus Liben szivis d'une Hypo-
typose pour Magophon. A ce sujet, Grasset d'Orcet affirme
dans son article "I*s Gouliards" : (17)
"Les tenailles se disaient "volk" qui se prononçaient "fork",
en latin "furca", d'où nous avons fait "forge" et "forgeron". I-ês
tenailles figurent sur nombre des médailles des anciens Belges
pour écrire leur nom national."
"Volcan" en gallo-belge signifie "le tenailleur" ou le "for-
geron" et il probable que ce dieu latin soit d'origine gauloise".
Ceci, en même temps que nous justifions la ressemblance du
"F" et du "V", nuance correctement la signification dernière
donnée au pseudonyme :

zuLCAN-ELLI : "Les Tenailles du Soleil", "Forgeron du


Soleil".

Nous recevons là une précision importante. Il s'agit main-


tenant de la qualité même de ce feu en action su le métal et
qui, lui donnant forme, le transmue.
Le changement de forme qui est en soi spécification ou ma-
nifestation dela hylé universelle, suppose une mutation du sujet
lui-même par le feu, le sens d'une spiritualisation.
Nous voyons ainsi I'assise de I'interprétation qui de "Fulca-
nelli" nous conduit jusqu'au "Feu du Soleil", qui rajoute au sens
générique, chargé d'un riche symbolisme, sa détermination
dans le domaine propre de I'Art, "métaphysique expérimen-
tale", ainsi que I'appela le défunt Guy Béattrice.
Nous pourrions aussi nous approcher du pseudonyme par
approximations :

60
FuLCaNeLLi VoLC GaNeLLi et par Éstasc,
-
VoLC GaLLiNe

Nous aurions maintenant le "Feu de la poule", ou des galli-


nacées. Ou bien, le "Feu de lait" ("gale"). I-e lait est I'eau mer-
curielle dont le Feu secret est le Soufr,e : "Soufre et Mercure",
donc. Et la "poule", est la "galène" et si elle est "pondeuse" ou
"glauque", c'est une pondeuse qui "les pond en or". C'est main-
tenant, le "feu de la galène", Pü métastase de "Fulcanelli" avec
"Fulcalène" ou "Fulganèle".
Pour ce jeu d'approximations au pseudonyme et comme ori-
gine de I'intuition qui le créa, il nous sera utile de savoir que
Fulcanelli visitait la villa La Fouranne (Aix en Provence).

LA FOURANNE - FOURANNE LA . FULCANELLI

Mais en continuant avec nos "approximations" nous devrons


rendre compte du fait que I'origine de la langue romane ne
serait pas le latin (comme on le veut) mais le grec archatQue
(comme on le prétend). (18) Fulcanelli le dit et surtout
I'applique. A nous d'en tenir compte. De cette façon, nous
avons:

FulCaNelli - FiLo. GaMos - HeLioS : ami ou fils des noces


du Soleil. (ou des noces d'or).

FuLCaNeLLi - FiLo. GyNes. HeLioS : ami ou fils des


femmes de l'or.

Dans les deux cas nous tombons sur un enseignement vrai :


les femmes de I'or sont les planèæs qui entourent le soleil, les
métaux, dont la dernière vocation est de fusionner cabalis-
tiquement et cosmologiquement avec le Soleil qui leur donne la
vie. Au dernier terme d'intégration, tout est Soleil, tout est
61
Lumière. Dernier terme : nous nous trouvons maintenant dans
l'éon imparfait qui sépare deux éons, celui du "commencement"
et celui de "l'avenir", eue tous les peuples implorent. Dans cet
éon "à venir" seront perfectionnées les "noces du Soleil".
Continuons:

FuLCaNeLLi - Gua - LoGos - HeLLioS : j'engendre le Verbe


Solaire.
FULCaNeLLi - FiLo'- Calos - HeLLioS : amant ou fils du
beau.

Par cette approximation, nous unissons les idées déjà vues


(feu-soleil) à I'idée de la beauté, qu'est I'Amour. Nous touchons
sans doute ici à I'un des principaux arcanes qui entourent ou
définissent la mission de notre Adepte. Nous ne sommes pas
autorisés à dévoiler aujourd'hui, en cet automne 1985 où Ful-
canelli æuvre et survit, que thiéropseudonyme résume, dans sa
magnifique simplicité, ce que devrait être le chemin ou I'his-
toire spirituelle des vivants, l'échelle même de Jacob qui est :

FEU. AMOUR - CIEL

Après cette perspective finale, il nous semble vil de nous


accommoder de concepts plus pratiques et opératoires. Ceux-ci
prouvent pourtant que notre pseudonyme participe à I'uni-
venalité du wai.
"Fu", troisième personne du singulier de "Fuô", j'engendre,
j'accouche.

"Fur.Ca" - Fu.L. Gos : j'engendre la parole.


"J'engendre la parole". Cette parole (en grec, logos) s'appa-
rente à la nature du Verbe, deuxième hypostase divine. Ceci
enferme la clé de toute théurgie, de toute transmutation, qui,
pervertie, devient "magie", communément comprise comme :

62
"J'engendre la parole catégorique dc pouvtif. Mds il nÿ a pas
d'autre baguette magique, le miracle nc dcpcad qæ dc ltar-
monie parfaite entre cette "parole" droite, et oe $re nous appe-
lons aujourd'hui psychologie de celui qui la dir
Toute la Nature attend la parole de ltomme, tremblante,
prête à lui obéir, lui obéissant peut€te déjà sans exception. Le
problème absolu se cache derrière la difficulté de savoir
manifester la parole en parfaite harmonie ou polyphonie de
toutes les voix du sujet, enfin sans contraüctions, sans guelre
entre elles.
C'est maintenant la "magie blanche", à la limite de son déve-
loppement,là où elle rencontre le "verbum dimissum" ; elle est
déjà théurgie, lorsqu'il n'y a plus de parole prononcée, mais
invocation de la Parole. C'est un chemin aux possibilités infi-
nies, d'une stnrcture si simple et si complexe à la fois...
La vision supérieure, intime abandon, espoir, fera lire autre
chose:

FuLCaNeLLi - Fuô - LoGoS - HeLLios : "J'engendre le


Verbe Solaire".

Or, ceci est I'Incarnation, au sein même de la deuxième


hypostase divine ! Elle se réalise de façon divine dans le sein
virginal de Marie... Sachons que I'Alchimie n'a pas d'autre fin
que de réaliser cette incarnation vivante au sein trine de
I'Homme. Notre esprit le vit ainsi, mais quant à notre personne,
nous devons dire qu'elle ne le vit pas, car si elle le vivait nous
n'aurions plus besoin de rien d'autne.
Cette perspective nous fait aller de la basse magie, toujours
ténébreuse mais réelle, nécessairement dangereuse, jusqu'à la
Lumière. Et le "haIo" de Fulcanelli, correspondant à cette valeur
étymologique, a été et continue d'être la proie de prédilection
des forces magiques. Nous ne sornmes pas non plus au moment
d'oser l'acte de magie blanche, sans perdre I'innocence radicale.

63
Cela correspond à d'autnes époques plus nobles et chevale-
resques. Aujourd'hui il ne nous reste plus que I'enfance de
l'esprit, I'abandon dans des bras maternels.

FuLCaNeLLi - Fuô - LoiGoS - HeLioS : de la mort


("loigos") j'engendre le Soleil.

En effet, on a souvent répété que la vie surgit de la mort et


que I'Alchimie ("de la mort, j'ertgendre le Soleil") nous donne
la preuve physique et positive, tangible, de la réalité de ce qui
reste inconnu par excellence, de ce qui n'a de repos que dans la
foi et la promesse de la survie après le seuil de la mort.
Après ce seuil s'arrête la dimension temporelle qui alimente
et soutient le corps, qui se dissout en putréfaction. Le support
biologique se dissout, le squelette subsiste, structure minérale
de I'homme qui résiste au temps comme un minéral.
L'Art, minéral transubstancé, entre en lutte avec la dimension
temporelle, minéralise I'esprit : "de la mort, j'engendre I'esprit
corporifié (Soleil)". C'est le dogme a-historique de la résur-
rection de la chair.
Enfin, le pseudonyme cache le nom occulte de la matière
première, adéquate pour la "voie" choisie par Fulcanelli (mais
les chemins sont nombreux...) :

FuLCaNeLLi - Fu - LiCoN - HeLioS : "J'engendre le loup


d'or".

ou bien :

FuLCaNeLLi - Fuô - LiCoN - NeIæS : "J'engendre le loup


implacable".

Tout ceci désigne (comme le fait la symbologie tradition-


nelle) I'antimoine, purgatif très efficace de I'or, qui "éprouve"
64
I'or (de là, "loup de 1'or", "loup irylacablc') tr s'egit dc fmùe
de I'or avec sept fois son poids de trisuffirc d'antimoinc en
présence de I'oxydant que nous respirons : I'air. En premier lieu,
les métaux vulgaires ou d'alliage forment dcs sulfues volatiles
qui s'échappent. I1 reste un alliage d'or et d'antimoine, tous
deux ayant une grande affinité. Ensuite, dans un second temps,
l'antimoine se transforme en oxyde, poussière blanche dis-
persée pilr un souffle, laissant au fond un buton d'or pur qui
sera très, très pur si nous repétons le procedé trois fois.
Nous pourrions donner beaucoup d'autres lectures du pseu-
donyme "Feu de Soleil" (qui occulte la personnaüté disparue)
dans I'esprit de Saint Grégoire et en accord avec I'art crypto-
graphique grassétien que Fulcanelli apprécia tant.
Nous ne serons donc pas étonné qu'il I'appliquât aux titres de
ses deux Guvres et dont la légende forme des hendécasyllabes
terminés par la lettre "L" (phonétiquement) : "Les Mystères des
Cathédrales" et "Les Demeures Philosophales". Nous ren-
trerons dans le sens de ces titres.
Nous nous étonnerons d'abord du fait que la "supposée"
troisième æuvre de I'Adepte, qui ne vit jamais le jour, c'est-à-
dire '?inis Gloriæ Mundi" échappe à ce besoin cryptique au-
quel obeissent les titres publiés, à cette loi de I'hendécasyllabe
en "L" dont nous reparlerons. Ceci abonderait dans le sens (pré-
tendu par certains) de I'inexistence de cette troisième æuvre : il
s'agirait d'un montage de Canseliet à des fins précises.
Le lecteur nous excusera de nous citer nous-même (19) pour
la courte étude de deux titres, mais qu'il comprenne que cela
nous évite un travail déjà tait, et le temps nous presse. Nous
disions alors :
"Notre ami Bernard Allieu éditeur émérite de Grasset d'Orcet
et prochain auteur d'un "Index Général de l'æuwe de Fulca-
nelli" que nous attendons avec impatience insistait lors
-
d'un dîner célèbre au restaurant "Au -,
Coq Hardi" aux alentours
de Bayonne, en compagnie du critique et auteur, mais surtout

65
bon alchimiste auquel nous devons tant, (et nous avons ainsi
nommé Jean-Jacques Mathé), insistait donc sur I'idée que
"l'Alchimie est l'étude des mécanismes de la mort". Nous mon-
trions alors notre désaccord avec une définition aussi vaste et
large, pouvant être appliquée universellement à tant de ma-
tières. Nous apprécions bien plus la simplicité et la concision
de Rulandus quand il la définit de façon si parfaite en assurant
que I'Alchimie est "separatio impuri a substantia puriore"...
"En tous cas, ces mécanismes de la mort, sous I'aspect des
mystères d'Hécate, nous conduisent à certaines considérations
de cryptographie en relation avec les titnes renommés des deux
euvres éditées de Fulcanelli. "Les Mystères des Cathédrales"
et "I-cs Demeures Philosophales" où nous voyons deux octo-
syllabes parfaits terminés phonétiquement par la lettre "L". Et
les "mystères dTlécate" nous conduisent directement à "Les
Mystères "de-cate" (drales)'. Bernard Allieu trouve ainsi sa
définition préférée de l'Alchimie, à travers le titre même de
l'æuvrc alchimique qu'il a tant étudiée.
Mais il convient d'aller plus loin :

"I-es MySTeReS DeS CaTheDRALeS"


"[æS MiSTeS, ReS De CaT(h)E, DR AL(e)S".

"C'est-à-dire", dans les mistes, matière de la mort, dort le Sel


("als" en grec)" ; et aussi " dans les mistes, par la rosée de la
mort, dort le Sel".
"Et ce sel n'est pas celui dont parlait le Christ : "Vos estis sal
Mundi", "vous êtes le sel du monde", c'est-à-dire le "fondant"
(ce n'est pas une mauvaise confidence) qui amalgame l'acte
humain à la parole évangélique ou bien amalgame les deux
principes selon leur transcription alchimique, ou bien ce
composé de deux sels oxygénés dans leur proportion "ana"... Le
sel est ici principe philosophique et même similaire au rubis
icosaèdre ou au Iapis Philosophorum dans son sens le plus noble...

66
"Quant à la deuxième et définitivc crryne de Fulcanelli que
nous connaissons cornme "lzs Dqtutrw Philosophales" nous
laisserons le lecteur en chercher seul le contenu occulte, lui
proposant tout de même I'aide suivante :

"LeS DeMeUReS PHi[,oSoPHaLS "


c'est-àdire,
"LieS De MuRS VIL - (o) - SOIF - ALS"
et aussr :
"DeS MURS ViL I-eSSiVeS. Als".
ou bien "I-essive la lie des vils murs - ALS".

"Allant un peu plus loin dans ces considérations, nous


pouvons nous référer aux dernières phrases de Bernard Allieu
lui-même dans son article du no 'l de "La Tourbe des Philo-
sophes", page 28 : "Alchimie, Magie, Cabale forment curieu-
sement un vers octosyllabique, se terminant par la letre L, dont
nous n'avons pas trouvé le sens, s'il existe".
"Essayons de trouver ce sens "s'il existe" du vers octo-
syllabique proposé :

ALCHIMIE, MAGIE, CABALE


c'est -à-dire
L'aRaBe, aL CH Mie MaGie CABALE
et aussi
L'aRaBe aL CH PaiR - M Gie Pense.

et nous lisons : "Libre lui qui per-aime, agit, pense". "Est liwe
celui qui aime, agit et pense parfaitement". Ce sens que nous
trouvons est d'une haute valeur morale mais on y trouve aussi
une Eanscription cabalistique, magique et même alchimique de
I'octosyllabe. Mais si nous changeons la méthode de travail et
au lieu de nous occuper de l'étymologie du premier mot du vers
(arabe ALCHIMIE), nous le faisons pour l'étymologie de

67
chacune de ses trois composantes, nous entrerons alors sans
doute aucun dans des eaux plus profondes :
-
-
L'aRaBe aL CH Mie, GRec MaGie, LaTiN CaBaLe
Littéralement:
LiBRe Lui Qui aiMe - GRiMaCe - Le Ton CouPeLe
(libre celui qui aime, fait des grimaces, coupelle du laiton).

"L'exégèse est maintenant facile et très belle puisqu'elle


associe par paires les üois mots de I'octosyllabe : nous avons
ainsi mis en relation I'Alchimie (libre lui qui aime) avec la
magie la plus profonde (l'Amour) ; la Magie (gri-Mace), avec
la cabale la plus fine (faire des grimaces, qui est tout le contenu
gestuel) ; et en dernier la Cabale (laiton coupelle) avec I'Al-
chimie dans une de ses assertions classiques, qui est tout un
conseil pour le disciple (coupelle le laiton, ou Letone)."

68
CHAPITRE IV

Eléments pour une controverse


Le "dôssier Ambelain"

plume"' quel
L T ous avons contemplé, au-delà du "nom de Fulcanelli,
lequel s'abrite et
I\ "r, le pseudonyme derrièreparle de ce qui est important'
i-o* I'urons pénétre. Ceci nous
coûrmun
du "plus", sarn rien nous dire du "moins", qui nous est
qu'i1 affiche et qui le
à chàcun d'entre nous, la filiation publique
situe dans la société de son temPs'
Nous connaissons le plus extraordinaire et important
: les
æuwes et le hiéronyme. Nous ne serons pas étonnésde_savoir
que cela a alimenté des élucubrations sur le nom civil, dont on
de dé-
u rui, un grand mystère qu'il suffirait -
soit-disant
-
couwir, pour tout dévoiler. Nous avançons dans ce contexte
bien triste : ayant pourtant I'essentiel qui demande un effort
-
à portée àe d main, nous sommes rassasiés par la pure
-
69
anecdote. Nombreux sont les courtisans de l'Alchimie ou les
amants de l"'occulte" qui ont tenté de découwir qui était notre
personnage. L'impulsion répondrait au besoin de voir en lui
notre semblable, notre compagnon de route, qui possèderait
maintenant un baume spécial pour désaltérer notre soif de
sécurité devant I'inconnaissable.
Ce désir d'investigation est donc légitime, et tout au moins
compréhensible, et nous devons le traiter avec un grand naturel,
même si cela n'ajoutera pas un iota à ce que nous pouvons
contempler, gracieusement.
On connait quatre attributions de personnalité, quoique nous
verrons que l'éventail s'ouvre bien au-delà. En premier lieu,
Fulcanelli serait quelqu'un de parfaitement inconnu, jamais
nommé par une attribution exprimée. Ensuite, Pierre Dujols (ou
son frère) et Canseliet lui-même. En dernier last but not
least
-
I'artiste et illustrateur Jean-Julien Champagne. Bien
-
que nous pencherions, pour différentes raisons, pour la pre-
mière option, nous commencerons par la dernière, exposée par
Robert Ambelain de façon magistrale et séductrice.
Nous conservons soigneusement un exemplaire du numéro
D( des "Cahiers" de la revue disparue "La Tour Saint-Jacques"
(que dirigeait Robert Amadou) sous l'épigraphe "Parapsy-
chologie". Dans sa table des matières, en dehors du contexte
général qu'annonce l'épigraphe, nous trouvons p. 178 un
"Dossier Fulcanelli" qui s'ouwe sur la page suivante avec un
"Avertissement" écrit sans doute par le Directeur. Page 181
nous trouvons un article de Robert Ambelain sous le titre :
"Jean-Julien Champagne, alias Fulcanelli". Nous trouvons
enfin page 205 un autre article, réponse au précédant, signé
Eugène Canseliet avec le titre "Réponse à un réquisitoire".
Ceci constitue la base connue, publiée, de nos "éléments pour
une controverse". Mais nous allons y ajouter d'intéressants
apports, généralement ignorés et jamais publiés, que nous
possédons.

70
En effet, I'auteur occultiste de la prtie cssentielle et discutée
de ce "dossier", le très sulfureux Robert Ambelain (1), fit un
tirage à part de son "Jean-Julien Champagne, alias Fulcanelli".
Nous possédons une de ces oopies, qui porte une dédicace
écrite de sa main : "A Charles Art***, très fraternellement -
Robert Ambelain" et qui comporte "in fine" un "Erratum"
mécanographié, suscité de toute éüdence par la "Réponse à un
réquisitoire".
Le destinataire de notre copie, Charles Art{'**, citoyen de
Bordeaux, décédé en 1978, fut évêque de l'église gnostique de
la région d'Aquitaine. Eglise dont le patriarche, sous le nom de
"Synésius" était Fabre dEssarts. Que personne ne s'émerveille
du tire pompeux "ecclésiastique", que René Guénon arbora
aussi en 1909, sous le nom de "Palingenius" et que doit pos-
séder aujourd'hui Robert Amadou (pensons-nous). Cette Eglise
gnostique, qui se prétend de filiation cathare, n'est qu'une des
nombreuses associations à caractère secret et restrictif nées
avec ce siècle.
La riche bibliothèque de l'évêqus Afi*** fut üquidée après
sa mort, et nous sommes devenu I'heureux propriétaire de cer-
tains de ses livres, et parmi eux, avec des annotations, de
f introuvable première édition du Bestiaire du Christ édité par
Louis Charbonneau-Lassay par souscription publique. Tout ceci
nous permet d'augmenter nos appofts personnels à la contro-
verse présente, avec la très intéressante lettre, en rappoft avec
notre affaire, que Robert Ambelain adressa à Mgr. Art*{'* le 7
mars 1963 et qui contient une information fantastique, exposée
avec le plus grand sérieux.
Nous commencerons par l"'Avertissement" du directeur de
"La Tour Saint-Jacques" qui, conrme préambule, regroupe huit
hypothèses différentes sur I'identification de Fulcanelli :
lo Fulcanelli serait J. J. Champagne, auteur des gravures des
deux æuwes.
2o Fulcanelli serait le libraire Pien€ Dujols.

7l
Fulcanelü serait un frère de Pierre Dujols.
3o
4o Fulcanelli est l'écrivain J.H. Rosny "aîné".
50 Fulcanelli serait I'hermétiste "Auriger".
6o Fulcanelli serait Eugène Canseliet, auteur des préfaces des
deux æuvres.
7o Fulcanelli serait un personnage différent des antérieurs
dont le nom doit être tu pourrtoujours.
8o Fulcanelli serait le pseudonyme collectif d'un groupe
d'alchimistes.
En rapport avec cette huitième et dernière hypothèse, nous
ajouterons celle de "Logos Galaton", très intéressante, de la
même époque (1962), pour qui Fulcanelli fut un homme soli-
taire, mystérieux, laborieux et sage, qui à un moment donné
décida de passer le flambeau de la Tradition d'Hermès à trois
hommes qualifiés, élus par lui : Pierre Dujols, Julien Cham-
pagne et Eugène Canseliet. Ces trois disciples seraient, d'un
commun accord, les cÉateurs du célèbre pseudonyme.Laré-
daction des deux traités aurait été effectuée par Dujols, le plus
qualifré. Quant au MaîEe, toujours dans I'ombre, ce serait un
personnage très proche de lui, peut-être quelqu'un de sa
famille. (2)
Revenons à I'article d'Ambelain qui porte comme exergue
"Is pater est quctn nuptiæ démonstranr" (le père est celui que
montre le mariage légal) et dont la thèse confère à Julien
Champagne toute la paternité.
Ambelain, passionné par les deux æuwes de "Fulcanelli" et
poussé par son ami Jules Boucher, supposé disciple, visite
l'éditeur da "Mystère des CathédraleJ", Jean Schémit, au
numéro 45 de la rue Lafitte, visite à partir de laquelle surgira
toute I'investigation postérieure. L'éditeur lui explique que
début 1926 il reçut un homme de petite taille et aux grandes
moustaches qui lui parla longuement des styles anciens et tout
particulièrement du gothique qui enfermerait affirmait-il-
-
une clef d'interprétation : I'ancien argot et la langue verte qui se

72
base sur les jeux de mots, appoximtims ct bomophonies :
cela constituerait le langage hermétiquc pc cxccllencc, lia mys-
térieuse "langue des oiseaux", I'uniqrE Cabale Solaire des initiés.
Quelques semaines plus tard, il reçoit un nouveau üsiteur
qui ne voit pas d'inconvénient, cetæ fois, à donner son nom :
Eugène Canseliet. I1 apporte un manuscrit d'une écriture extra-
ordinairement harmonieuse, sur du papier quadrillé légèrement
foncé. Le livre s'intitule : "lt Mystère des Cathédrales" et
l'interprétation "ésotérique des symboles hermétiques du
Grand CEuvre". Il contenait trente six illustrations, dont deux
en couleur. La signature du liwe : "Fulcanelli".
Jean Schémit lit le livre, surpris de reconnaître les mêmes
mots et les mêmes sujets développés, que ceux de son pré-
cédant visiteur mystérieux... Il décide de publier le livre en
edition de luxe et petit tirage. Canseliet lui assure que l'auteur
le mystérieux Fulcanelli entend rester inconnu. Par
-conséquent, le contrat serait vérifié
- par le dessinateur chargé
des illustrations et par lui-même.
Tous deux eurent une nouvelle entrevue avec l'éditeur qui ne
fut pas rop étonné en vérifiant que le dessinateur était le mys-
térieux interlocuteur d'il y a quelques mois...
Selon Schémit, Champagne agissait comme qui n'a pas de
responsabilité littéraire sur l'æuwe, mais il fut émerveillé de
constater les marques d'admiration et d'extraordinaire respect
que Canseliet adressait au dessinateur, à qui il s'adressait tou-
jours en I'appelant "Maître" ou "mon Maître". Il ne fut jamais
question d'un supposé "Fulcanelli". Ce fut toujours Champagne
qui jugea, choisit, décida. Ambelain dit qu'il n'y eut alors plus
de doute dans I'esprit de l'éditeur thampagne et Fulcanelli
étaient une seule et même personne.
Ambelain continue son enquête et interroge maintenant Mme
Labille, concierge du 59 bis de la rue Rochechouart où vivait
Champagne, au sixième étage, jusqu'à sa mort en 1932, dans
une petite chambre qui ne disposait que d'une armoire étroite,

73
d'une table, d'une chaise et du lit sur lequel il s'allongeait
toujous habillé. C'est là qu'il recevait (excluant toute autre per-
sonne) Mr Canseliet, Mr Sauvage et Jules Boucher. Ainsi que
Schémit I'avait fait, Mme Labille témoigne aussi du respect
évident de Canseliet envers celui qu'il appelait "mon maîEe".
Pourtant Mme Labille obéissait à des consignes de silence
pour protéger son locataire. Ce que ne faisait pas Jules Bou-
cher, plus pnolixe et précis, dans un témoignage qui fut constam-
ment le même pendant un peu plus de vingt ans de rencontres
heMomadaires : Champagne aurait eu une pile de liwes contre
le mur ; quand il avait besoin de I'un d'entre eux, il y dirigeait
sa lampe à pétole. Si le liwe n'apparaissait pas, il demandait à
Jules Boucher d'aller chercher la citation nécessaire dans une
bibliothèque publique. A moins que...
Champagne avait une vieille boîte de biscuits pleine de
galbanum (3) qu'il ne faisait pas brûler. Il avait l'habitude
d'entrouvir la boîte et pendant longtemps il aspirait, respirant
lentement, profondément. Cette résine (affirmait Boucher) lui
permettait d'accéder, par intuition, à I'information dont il avait
besoin... D'autres fois, cela lui produisait des "extériorisations"
par la rate et, plus rarement, par le plexus solaire.
Toujours selon Boucher, Champagne avait horreur du monde
des occultistes que, lui, frfouentait. Malgré cela, Boucher dédia
à Champagne son Marucl de Pratique Magique avec une dédi-
cace qui disait : "A la mémoire de Fulcanelli, mon maître et
ami, je dédie ce petit liwe qui est pourtant étranger à ses études
puement alchimiques". Et il s'attendait à ce que cette dédicace
fut bien accueillie : ces "extériorisations" prouvaient en effet que
Champagne ne se limitait pas à I'Alchimie et que la réalisation
du Grand (Euvre (Champagne fit une transmutation en sa
présence) exigeait I'intervention d'une certaine part de magie.
Ambelain continue. Il nous dit que le fichier d'hermétisme
que Champagne possédait, unique au monde, revint après sa
mort à Canseliet, et qu'il lui fut ensuite volé dans un train
74
pendant I'exode de 1940. Lhistoire dc ce fichier ajoute-t-il
-
est curieuse à plus d'un titre. Champagne avait beaucoup
-
fréquenté Dujols et sa femme. Dujols possédait un fichier
général en matière d'occultisme, dont Champagne aurait ali-
menté le sien, uniquement pour æ qui se Éfère à l'hermétisme.
Celui de Dujols était maintenu à jour par son collaborateur
Faugeron, un.amoureux de I'Alchimie qu'il pratiquait sans répit
malgré son défaut de formation (encore rudimentaire) en
science chimique.
Champagne s'était intéressé très jeune à I'Alchimie : il y
aurait favaillé depuis ses dix-sept ans, dans le laboratoire que
sa mère lui aurait installé à Villiers-le-Bel. Il fut à son tour le
maître du petit fils du créateur du Canal de Suez, Ferdinand de
Lesseps, en ce qui concerne I'art du feu. Il serait entré dans I'in-
timité des De Lesseps par I'intermédiaire de leur chauffeur,
nouant des liens très forts puisqu'ils versèrent à Champagne,
jusqu'à sa mort, une petite rente viagère.
Il aurait complété ces revenus, sûrs mais modestes, avec
divers travaux, comme la copie de manuscrits anciens auxquels
il donnait la perfection et la patine de ceux d'époque. Cet amour
pour les investigations variées, I'aurait conduit à cultiver le
terrain des fumigations à caractère magique ou théurgique, ce
qui confirmerait sa dédication parallèle à la "haute science".
En 1916, il reçoit Canseliet comme élève, qui ne le quittera
plus jusqu'à sa mort en 1932 et qui lui servait comme assistant
de laboratoire. Entre temps, il officiait I'ar:t philosophique avec
les De Lesseps au château de Leroy leur appartenant, ce qui lui
donna I'occasion de connaître les sculptures de I'Hôtel Lalle-
mant qu'il analyse ensuite dans Le Mystère des Cathédrales.
Il était déjà installé à Paris, 4re Rochechouart, quand Jules
Boucher fut témoin de l'époquè où Champagne redigeait le
manuscrit des deux æuwes signées du pseudonyme. Témoin
aussi de sa sonore contrariété à mesure qu'il corrigeait les
épreuves d'imprimerie, chaque fois qu'il trouvait une erreur : il

75
corrigea jusqu'à huit fois les épreuves ! Il rédigea lui-même les
préfaces de ses livres, demandant à Canseliet de les signer...
Champagne jmagina de les dédier "Aux frères d'Héliopolis"
société d'initié§supposée inventée pour renforcer le mystère
des sujets dont taitent ses deux Guwes.
Ainsi, pour Jules Boucher, ce n'est pas un secret que c'est
Champagne qui se cache sous le nom de Fulcanelli. Et Can-
seliet lui-même le reconnaît expressément dans la dédicace d'un
exemplaire de ses Deux Logis Alchimiques qu'il porta person-
nellement chez Boucher pour le lui offrir au moment de sa
publication : "A Jules Boucher, au commun ami de Cham-
pagne et de moÿmêmc, à l'hermétiste qui, mieux que personne,
peut juger exacternent dc l'occulte personnalité de Fulcanelli.
Très cordialement . E. Canseliet". Cela semble définitif.
L'invention ex nihilo de la "Fraternité dt{éliopolis" répond
parfaitement au caractère mystificateur tendant à la plaisanterie
de mauvais goût. Ambelain en offre d'énormes exemples tout
au long de son article, anecdotes piquantes et cruelles de ce
trait excessif. Il était pourtant sincère en ce qui concerne I'Art
d'Hermès.
Etant tuberculeux, Champagne poursuivait autant la réali-
sation de la Chrysopée (la transmutation, qu'il obtint) que
"l'élixir de longue vie". Pour ne pas anirer I'attention sur une
longévité anormale, il avait décidé de disparaître, une fois
l"'élixir" obtenu... De là son désir de rester inconnu des lecteurs
de ses liwes, de là I'attitude de ses "élèves" qui respectaient et
renforçaient un anonymat, ce qui n'était plus justifié par sa
mort... A moins que l'on veuille exploiter pour son propre
Mnéfice le prestige ou le filon, donnant à jour une troisième
æuvre sous la même paternité anonyme.
En effet, en 1935 courait la rumeur que Fulcanelli allait
publier son troisième üwe (Finis Gloriæ Mundi). On expliqua à
ceux qui protestèrent avec force contre cette duperie évidente à
cause du décès de Champagne, que Fulcanelli n'était pas mort,

76
qu'il se trouvait en Argentine ou au Brésil On dit qrc Cham-
pagne n'avait été que simple illustra nr, quT n'avait ni connu
ni expérimenté les charmes de Dame Alchimie, porr lesquels il
était totalement impuissant.
Ambelain ajoute : "que n'aurait-on pas imaginé, souvent de
bonne foi, parfois de mauvaise foi, pour instaurer l'évanescente
silhouette d'un Fulcanelli richissime par son art, immortel par
sa découverte, protégeant de loin par son nom quelques rares
élèves prédestinés !"
Pour Ambelain Ia thèse se transforme en théorème sachant
que Canseliet conservait, précisément, la canne et les derniers
bandages (ceux de la jambe, rongée par la gangrène) de Cham-
pagne. La vénération pour de telles "reliques" a un but : forcer
la communication posthume avec ce défunt qu'il appelait de
son vivant, d'après de nombreux témoignages, "mon maître".
Peut-on encore douter ? Un dernier document nous éclair-
cira. Après la mort de Champagne apparaît, en effet, un troi-
sième volume qui traite des mêmes sujets, avec le même regard
traditionnel, subordonné aux mêmes clés. Avec une exergue
"Aux frères d'Héliopolis", il n'est plus signé par Fulcanelli,
mais par Canseliet, un des trois élèves de Champagne. Et nous
savons déjà que cet auteur, lors de la publication de ses Deux
l,ogis Alchimiques, s'adresse au numéro l3 de la rue Gérando et
en offre un exemplaire à Jules Boucher avec la dédicace que
nous avons déjà vue. L'auteur y écrit clairement "Champagne",
le met bien en évidence et le relie clairement au pseudonyme
"Fulcane1li". Et de plus, il accorde à Boucher le droit catégo-
rique d'attribuer la personnalité occulte.
Au cas où il subsisterait quelque hésitation (ce qui semble bien
impossible !) Ambelain apporte aussi la copie de la main de
Champagne lui-mêms
-
drun exemplaire du "Mystère des
Cathedrales" qü dit :
-
"4 mon arti lules Borcher,ferÿent adepte
des Hautes Sciences ("magie", porenthèse dc l'auteur), j'offre ce
témoignage de corüale syntpathie Ajl.S. FulcanelüTa)

77
L'écriture de celte dédicace est celle de Champagne... I1
serait impensable que, devant Boucher, il se fut permis de
signer par "Fulcanelli" la dédicace de I'exemplaire, au moment
même où le liwe voit le jour.
Décédé le 29 Août 1932, célibataire et sans descendance
légitime ou connue, Champagne fut enterré au cimetière
d'Arnouville-les-Gonesses, à charge de la Préfecture. Sur sa
tombe on peut encore lire l'épitaphe suivant : "Ici repose Jean-
Julien Champagne Apostolus Hermeticæ Scientiæ
- -
187711932". Ce qui serait bien surprenant s'il n'avait été qu'un
simple dessinateur.
Robert Ambelain nous propose le syllogisme suivant :

"celui-ci qui, librement, selon son humeur et son style, rédige et


compose un ouwage littéraire, détermine et choisit les illustra-
tions de celui-ci, recherche, choisit un éditeur pour I'ouwage,
eri discute avec lui les modalités de publication, en corrige les
épreuves, signe les envois d'auteur, en perçoit les droits, et les
transmet, celui-là est I'auteur réel d'un liwe". Champagne a été
le protagoniste de tout cela. Donc Champagne est Fulcanelli :
Qwd erat dcmosffandwn.
Mais Ambelain, a\ summum de son scrupule délicat
s'interroge encore plus : il est possible que tout cela ne soit pas
encore suffisant pour les incorrigibles amoureux du roma-
nesque et du merveilleux. Eh bien, I'insondable Champagne
laissa sa signature impérissable d'une manière aussi élégante
qu'ineffaçable dans la dernière page de sa première æuwe : Z e
Mystère des C athédrales.
Nous y voyons en effet un écusson d'armes, rubrique finale,
dernier message de I'auteur mystérieux. On peut lire le langage
du blason : "de gueules à la champagne d'or avec un hippo-
campe d'argent..." Sous l'écusson on observe une banderole
héraldique qui porte coûrme devise. "Uber Campa Agna" et que
nous lisons "Hubert Champagne" nom de celui qui s'appela en
effet Jean-Julien - "Hubert" Champagne !
-
78
De cette fagon, l'écusson "i lx çharnlngncld'd et la devise
"LIber Campa Agna" proclament et témoigDc[t du vrai nom de
I'auteur...

Tel est l'article que nous avons Ésumé. Ambelain est for-
mel : les Guwes de Fulcanelli, écrites en leur totalité, illusrées
et publiées par Champagne, lui appaniennent selon le vieil
adage du droit romain : Is pater est qucm nuptiæ démonstrant.
Certains pourraient prétendre conclut Ambelain que
- -
cet écusson qui achève le premier liwe de Fulcanelli, pourrait
ne pas être Iié à I'auteur mais se reférer uniquement à I'illus-
trateur du liwe.
Rien de tout cela, puisque celui-ci a voulu montrer qu'il
s'identifiait à l'auteur, car "Fulcanelli" est I'anagramme parfait
de "écu final", l'écusson final.
Que le lecteur nous pardonne la longueur de notre résumé,
nécessaire par son intérêt évident. Les éditeurs de "Ia Tour
Saint Jacques" eî ont bien pensé de même puisqu'ils ont publié
dans le même numéro la réplique de Canseliet avec l'épigraphe
"Réponse à un réquisitoire". L'Article d'Ambelain prenait
vingt-quatre pages entières, mais la "réponse à un réquisitoire"
ne compte que six pages et demie.
Nous n'admirons pas Ambelain et nous ne croyons pas son
histoire car nous connaissons son attitude trompeuse et falla-
cieuse. Mais la réponse de Canseliet ne nous emballe pas non
plus, nous ne louons pas ses arguments qui nous déçoivent.
Son premier argument se réfère au manque de dignité et de
crédibilité de l'épitaphe d'Arnouville-les-Gonesses Apos-
tolus Hermeticæ Scientiæ -
dépourvu du sceau de l'anonymat
-
qui aurait été de rigueur. Peut-on imaginer se demande Can-
seliet -
un Adepte décidé à abandonner ce bas monde qui se
-
préoccuperait tant pour qu'on n'ignore après sa mort ni sa
qualification ni son nom et année de naissance ?
Nous pourrions lui répondre en parlant de la poutre et de la
paille... et dire à Canseliet qu'il en a fait autant. En effeq nous

79
voyons sur sa propre tombe I'inscriptioî "ln memoriam
Eugène Canseliet - F.C.H. (frère chevalier d'Héliopolis)".
Fraternité à laquelle d'après lui, Jules Boucher n'appartint
-
jamais, lui qui ne se consacra qu'à la magie, pour laquelle il uti-
lisa des pseudonymes aussi sulfureux que "Herjus le Bouc" ou
"Julius Hucerbo", tous deux anagrammes de son nom. Dans son
témoignage, Canseliet disqualifie Boucher pour ses coutumes.
Cela ne nous semble ni juste ni logique. Nous sommes pourtant
bien plus loin de la magie et de la "philosophie" d'Ambelain et
de Boucher, que Canseliet
Celui-ci met en doute que Jules Boucher rendit aussi souvent
visite à Champagne puisqu'il ne coincicia avec lui qu'en deux
ou trois occasions. Quant à sa fameuse et compromettante dédi-
cace de I'exemplaire de Deux Logis Alchimiques il affirme que
Jules Boucher la lui "sollicita vivement".
Il ne s'en dédit pas puisqu'en effet, personne ne pouvait
mieux juger que Boucher de "l'occulte" personnalité de Ful-
canelli, pour la simple raison que s'il avait souvent entendu
parler du Maître, celui-ci ne lui fut jamais présenté. C'est
brillant !
Il poursuit disant que l'éditeur Jean Schémit décédé en
janvier 1945, ne connut jamais Champagne qui ne l'accom-
pagna d'ailleurs jamais dans sa librairie.
Il explique que les droits d'auteur des deux liwes de Fulca-
nelli lui appartiennent totalement. Il pense que cela fut ainsi
parce que Fulcanelli voulait peut-être le récompenser pour les
longues années d'apostolat alchimique qui I'attendaient.
Il enne ensuite dans des considérations diverses d'un intérêt
réduit pour I'instant, au sujet de la chambre de Champagne et
de son mobilier, ou de ce fameux fichier disparu. I1 se défend
violemment d'avoir conservé les bandages de Champagne, ces
"bandes misérables, infectées et répugnantes". Il termine en
assurant que Champagne ne s'appela jamais Hubert. Et c'est
tout. Nous aurions espéré autre chose.-.

80
Voilà le "dossier" Fulcanelli qui aftonta en 1962 Roben
Ambelain à Eugène Canseliec Est-il nécessaire de dire que
malgré tout nous nous inclinons sans l'mbre d'un doute en
faveur de Canseliet ? Notre anitude est aussi un acte d'oppo-
sition à l'æuwe générique de celui qui blasphéma le Christ ou
discrédita Jeanne d'Arc. (5)
Ayant passé en revue tout ce qui fut publié, nous voici prêt à
apporter du nouveau : les documents que nous possédons avec
la "separata" qu'Ambelain fit de son article, à laquelle nous
faisions référence en début de chapitre. Tous deux dactylo-
graphiés et signés de sa main. I-e premier dit :
"ERRAIA. C'est par suite d'une erreur dans la réponse de
-
l'état civil que nous avons signalé en cette étude (page 194),
que Champagne se nommait Jean-Julien-Hubert. En réalité, il
n'y eut que son père à porter ce prénom. Mais il est bien exact
que Champagne se dit prénommer Hubert à une période de sa
vie. En fait, et pour mystifier le docteur Voronoff, (un "canu-
lar" de plus à son actif...) il se servit des papiers d'identité de
son père. Né en 1887, et donc âgé de 46 à 48 ans lorsqu'il se
présenta à lui, il pouvait se dire àgé de 25 à 30 ans de plus,
grâce à ces papiers ! Et son père se prénommait bien Hubert.
Ainsi Champagne pouvait stupéfier Voronoff qui, en ses
procédés de rajeunissement, ne pouvait prétendre obtenir de
tels résultats. Ceci était à l'époque fort aisé. La carte d'identité
n'existe pas, deux enveloppes ordinaires, timbrées et oblitérées,
pennettent de débloquer une lettre recommandée dans n'im-
porte quel bureau de poste. Et seuls, les liwets militaires (lors-
que l'homme en possède un), ou les liwets de famille (pour les
femmes mariées), servent de pièces réellement probatoires. Pour
les célibataires des deux sexes, pour les hommes n'ayant pas
accompli de service militaire, c'est I'acte de naissance qui est
seul à faire foi. Et à cette époque, la mention du décès n'est pas
transmise au lieu de naissance la plupart du temps. Nous
-
nous excusons de ces deux efieurs auprès de nos lecteurs, mais

81
cerner la vérité dans cette affaire que certains se sont acharnés à
embrouiller à plaisir depuis trente années, n'est pas chose
facile, on en conviendra. Surtout lorsque des "faux" furent
plusieurs fois réalisés pour mieux égarer les enquêteurs..."
Que cache Ambelain, quel est son jeu ? Nous devons recon-
naître avec tristesse, qu'à part notre Adepte (appellé d'ailleurs à
une autre fonction), aucun autre personnage de notre histoire ne
nous éblouit par sa spiritualité.
Car le don ne vient que de Dieu, et il faut le demander. Il n'y
a pas dix-huit manières de comprendre ce qu'est la prière. Pour-
quoi nous ennuient-ils avec leur "labora-oratoire" muülé apÈs
la première moitié du concept ?
Entre Marthe et Marie (dit le Verbe) la deuxième a la meil-
leure part. De I'Alchimie, science traditionnelle (si I'on entend
ce que cela peut vouloir dire), on est en train de faire un sup-
port de contre-initiation : c'est la matérialisation de I'esprit
"pour les bonnes raisons". Comme on sait, I'AuEe se sert à mer-
veille des bonnes causes.
Ambelain est un fidèle représentant de la contre-initiation :
souvent grossier, d'autres fois plus subtil comme le prouve la
lettre suivante, adressée à Charles [1:*{t*, où Ambelain dévoile
sa pensée intérieure sur la personnalité (du grec "persona",
masque) de I'Adepte. Cette lettre est donc (il est important de le
dire) en rapport avec la condition d'Ambelain et ses pratiques
ténébreuses, mais n'a rien à voir avec la personnalité occulte de
Fulcanelli. Pour ce qui concerne cette dernière, I'auteur peut
s'adresser à notre "incipit" et nos premiers chapitres... Voyons
la lettre :
"Paris,leT mu 1963
"Mon cher Charles,
"Merci de ton petit mot. J'y réponds avec un retard dû à la
gnppe...
"Non, je n'ai jamais eu de dossier Fulcanelli par Bou-
cher ! Le mien est commencé depuis avant la guerre, comme je

82
l'écris. J'ai des renseignements ; (pas ous prbliés...) ; dont
Boucher n'avait jamais parlé ! J'ai fu photos quT n'a jamais
connues. La raison ? Il m'en aurait voulu de cere enquête et de
ce que j'y avais appris, sur les autres et "sur lui"...
"læ motif de ce travail ? Couper court une fois pour toutes
aux tentatives de "vol" de I'ceuvre de Champagne. Empêcher
qu'on publie un troisième livre sous son nom, (because le
"nom", source de profits par avance...) ; et cela a été fait. Em-
pêcher maintenant qu'on saccage son æuvre en y ajoutant des
chapitres "stupides", illustrés par des dessins "de J.J. Cham-
pagne" qui sont des "faux"... Et ceci sera difficile désormais...
"Fulcanelli a existé, "sous un autre nom". Il s'est incorporé à
Champagne pour le temps de la rédaction de ces deux livres, ce
dernier en a été le médium, probablement inconscient. C'est
pourquoi il travaillait la nuit, qu'il utilisait le galbanum, qu'il
reconnaissait qu'une certaine part de magie intervenait dans
I'Art... C'est pourquoi les brouillons de ces travaux nocturnes,
d'une autre écriture que la sienne, n'ont jamais été retrouvés à
sa mort. Sans doute détruits au fur et à mesure...
"Ces incorporations" sont fréquentes ; parfois (souvent) ce ne
sont que des obombrements (6) intellectuels ou spirituels. C'est
ainsi que I'abbé Fournier a pu dire de Don Martinez qu'à une
époque de sa vie "un des Sept Esprits Majeurs avait certaine-
ment reposé sur lui". C'est I'histoire d'Eli-Jean Baptiste (Voir
ma brochure sur Juüo à la fin). C'est I'histoire de Cagliosno -
Mr Philippe.
"Quant à Champagne, usé par I'absinüe et le Pernod, ce fut
dans .ses dernières années un véritable déchet. Et il y a une
plaisanterie honteuse, commise aux dépens de Boucher, par lui et
Sauvage, qui me le font ranger parmi les non-initiés. Un véritable
initié n'usa jamais du canular, suftout en ce cas-là. Sa médiumnité,
il la devait aux boissons mercurielles : absinthe, Pernod. C'est par
charité que je n'ai pas dévoilé ces choses. Comme d'avoir voulu
escrcquer Voronoff, à I'instardes De I-esseps...

83
"Je travaille au tome II de \Alchimie spirituelle.Il t'inté-
ressera, car i[ plonge carément plus dans le secret, celui-là ! Je
serai peut-être forcé d'en faire un IIIb pour finir.
Je t'embrasse fraternellement - Robert".
Dans la marge gauche de la page, on lit cette note curieuse :
"Là où parait le canular, parait le mensonge, et le désir de
blesser, d'humilier, de faire du tort. Le rire moqueur est une
morsue inconsciente. Et celui qui mystifie n'est pas un initié. Il
y a une grande Ombre derrière lui, celle de I'Autre... Qui est
I'Initiateur des mages noirs, ses disciples...
"J'irai plus loin ; ce qui repose sur le Mensonge plonge ses
racines dans le Non-Etre et ne peut avoir la Vie. Voilà pourquoi
I'Arot n'a jamais pu se développer. D'après les statuts, et les
trois pièces de départ, il ne reste plus que Caborgne et moi pour
"parler au nom de I'Arot". Je me garderai de m'en servir sous
cet aspect..."

Nous ne ferons qu'une seule observation sur ce "post-scrip-


tum" : sans prétendre aucunement être dans le secret de certains
"mouvements", nous observons qu'Arot est en relation avec cer-
taines "éctriturts" et cabales numériques, ainsi qu'avec une appli-
cation magique, avec une inversion du Tarot. Quant à Caborgne,
qui semble être le seul qualifié, avec Ambelain, pour "parler au
nom de I'Arot", Nous observons que c'est la même chose que
"ca-borgne" ou "chat-borgne", c'est-à-dire, I'Autre... (7)

84
CHAPITRE V

L'élu : Monsieur Eugène Canseliet

a vie publique de Fulcanelli apparait reliée à certaines per-


sonnes dont nous nous occupons déjà : Eugène Canseliet,
Jean-Julien Champagne, la famille De Lesseps, Eugène-
Emmanuel Viollet-le-Duc, Pierre Dujols et d'autres. Elle est
aussi liée à certaines associations comme celle du groupe "Iæs
Veilleurs" de Schwaller de Lubicz ou la phantomatique "Frater-
nité d'Héliopolis". Nous ignorons encore si nous nous occu-
perons de ces dernières.
Mais il y a une seule personnalité "fondamentaüste" (Canse-
liet) qui s'accorde à elle-même toute légitimité et I'unique filia-
tion pour tout ce qui concerne I'Adepte. Il s'identifie comme
unique témoin, source unique de toutes les informations pos-
sibles. Jusqu'au point de désavouer aigrement toute autre infor-
mation surgie au hasard des personnes qui n'avaient pas à leur
tqur, sa sanction bénévole.
85
Grande prétention ! Puisque sa relation comme "disciple"
(entre guillemets, pollr I'instant) du maître ne dure que six
ans (1) et se termine en 1922, qtand il a seulement vingt-deux
ans, selon la propre confession de Canseliet !
Le premier problème vraiment sérieux est donc celui du
manque de sources qui se limitent au "magistère" (tel est le
caractère, le manteau dont il s'investit) d'une seule personne
(sans oublier par ailleurs qu'il a les droits des ceuwes de Ful-
canelli) (2). Cela nous laisse dans une situation de précarité
quasi-absolue, qui dewait peut-être nous obliger à abandonner
notre entreprise. Mais nous I'avons déjà dit, notre biographie
est "impossible", et nous ajoutons maintenant que I'idée
d'épuiser la source canselienne, que nous croyons connaître
dans sa totalité, nous ennuie profondément.
Il existe aussi d'autres sources ne lui en déplaise qui ne
sont jamais - -
sorties au grand jour et qui vraisemblablement ne le
seront jamais. Ce sont pourtant celles qui se sont "nourries"
jusqu'à aujourd'hui. Elles donnent une idée de I'Adepte qui
s'éloigne de I'appareil canselien. Il y a ensuite (ne I'oublions
pas) Fulcanelli lui-même...
Mais il est juste que nous nous limitions ici, sauf de manière
souterraine, au seul appui "officiel" (celui qu'offre Canseliet)
jetant I'anathème sur tous les autres. Ainsi nous ne pourrons pas
être taxé de fabulateur même si à notre humble mesure, avec
nos faibles mérites, nous sommes arrivés à être "inventeurs"
(du latin, " in-venire").
Ces maigres sources alimentent tout le mythe : celui d'un
Fulcanelli collectif ; d'un Fulcanelli Jean-Julien Champagne ;
ou bien Canseliet, ou Pierre Dujols, etc.
Nous pourrions confronter à ces mythes, d'autres que nous
avons récolté, uniquement pour prouver que nous savons aussi
construire du waisemblable, avec un halo de preuves aussi
convaincantes que les hypothèses que nous avons véhiculées :
un tel serait Fulcanelli Marcellin Berthelot tel autre le
- -
86
Commandant de Génie Valet (3)_qui çurcspondait tellement
avec Grasset d'Orcet.
N'est-on pas forcé d'accepter que l'on ne sait rien sur Fulca-
nelli ? Nous aimerions avoir I'oisiveté nécessaire pour pouvoir
souscrire conséquemment les paroles inaugrrrales de Maurice
de Gandillac dans son "Introduction" arnx CEuvres Complètes
du Pseudo-Denys l'Aéropagite (4) : "Pour présenter au public
les æuvres d'un écrivain, on conunence généralement par une
biographie, tâchant plus ou moins heureusement d'éclairer la
pensée de I'homme par les circonstances mêmes de sa vie, par
le milieu dont il a subi I'influence. Dans le cas présent, il fau-
drait retourner la méthode de Taine et tenter d'induire la biogra-
phie du contenu de l'æuvre. Entreprise malaisée, assurément..."
Avouons que ceci correspond parfaitement à notre cas. Nous
n'aurions pas pu mieux dire. En essence, tel est notre essai :
prétendre parler "a principio" de Fulcanelli à travers de ce que
ses æuvres nous disent de Fulcanelli. C'est honnête dans la
situation générique présente et dans le cadre des obligations
personnelles. Mais nous ne sommes malheureusement pas
l'érudit qui a du temps à sa faveur pour la dissection. Il nous
reste juste le temps nécessaire pour dire que nous ne voyons
chez Canseliet, le disciple, aucune précocité spéciale qui nous
autoriserait à penser que ce fut lui, derrière le pseudonyme,
I'auteur des ceuvres qui ont pour titre Le Mystère des Cathé-
drales et Les Demeures Philosoplales qu'il aurait publiées, par
force, avec seulement vingt-six ans pour la première et trente
ans pour la seconde.
Son premier liwe, définitoire dans le contexte de son æuvre,
est une Guwe de maturité, écrite à quarante-cinq ans, qui porte
comme date de publication I'année 1945. (5)
A cette époque, dans les minuscules cénacles, courrait le
bruit que c'était lui Fulcanelli. Cela le poussa à s'expliquer
clairement dans l"'Avant-propos" de la première édition de
Deux Ingis Alchimiques : "Il y a aussi ceux qui pensent que

87
nous sommes nous-même I'auteur occulté sous le nom de Ful-
canelli, sans tenir compte de notre jeunesse peu compatible
avec la maturité littéraire et scientifique qui se dégage, par
exemple, dl Mystère des Cathédrales publié quand nous avions
à peine vingt-sept ans."
Tout au long de sa vie féconde, Canseliet se défendit contre
f imputation d'avoir été I'auteur, choses que d'autres se seraient
appropriées allègrement s'ils avaient pu le faire. Cela nous
incite à considérer son éthique et sa vénération pour l'Art. Cette
position porte le sceau de la véracité jamais démentie, qui se
confirme en vérifiant que Canseliet n'eut pas d'inconvénient à
reconnaître en plusieurs occasions qu'il était par contre Ie
"rédacteur" des "Fulcanelli". Nous pouvons ainsi assister au
dialogue suivant :
I'E.C.
J'avais terminé la préface dt Mystère des Cathé-
-
drales quand Fulcanelli me l'a donné. Il a lu, il a dit que c'était
très bien et changé quelques petites choses. Il I'a vraiment trou-
vée très bien, ma petite préface.
R.A. Vous î'avez pas collaboré aux deux ouvrages signés
-
Fulcanelli ? Vous avez seulement écrit les préfaces ?
E.C. J'ai écrit les préfaces.
R.A. - Mais le manuscrit des ouvrages vous a été remis.
E.C. - Pas complètement. C'était de belles notes, sur des
-
papiers de différents formats. Ce n'était pas des livres écrits.
R.A. Vous avez donc mis les notes en ordre et redigé...
E.C. - Et soumis, bien sûr.
R.A. - Soumis à Fulcanelli qui a corrigé. A quelle époque
-
était-ce ?
E.C. En 1925.
R.A. - Vous voyiez donc encore Fulcanelli à cette époque.
E.C. - Ah non !je ne le voyais pas..." (6)
-
L'impression produite par ce dialogue est que Fulcanelli uti-
lisa, semble-t-il, une certaine désinvolture et insouciance vis-à-
vis des deux æuvre[ gui constituent son testament, le témoi-
88
gnage parfait de I'Alchimie du XX" siècle, qui exalte et
conserye le cachet de I'Alchimie traditionnelle de toutes les
époques.
N'abandonne-t-il pas toute la responsabilité des fruits de son
travail, qui sont matière doctrinale et enseignement pour la
postérité, entre les mains d'un jeune de vingt-six ans ?

Cela nous surprend énormément. On aurait pu attendre de


Fulcanelli, sur les traces des Adeptes qui l'ont précédé, une
attention plus directe et personnelle sur les fils de son esprit.
Canseliet nous donne la réponse :
"R.4. Mais Fulcanelli, est-ce que cela I'ennuyait d'écrire ?
E.C. - Non. J'ai I'impression cela va paraître bizarre cette
-
précision que je vous apporte
- j'ai I'impression que cela lui
était parfaitement égal.
-
R.A. Qu'est-ce qui vous paraissait lui être parfaitement
-
égal ? Que ce ne soit pas publié ? Ou de ne pas rédiger lui-
même ? Ou...
E.C. A mon sens, cela ne lui paraissait pas aussi
-
important..." (7)
Nous voulons enfin communiquer aux esprits curieux une
bonne part des raisons qui nous font aller à I'encontre de I'op-
tion "Fulcanelli = Eugène Canseliet". Son ami et compagnon de
réunions amicales, Paul Le Cour (Blois 5.04. 1871 - Paris 5.02.
1954) était partisan de cette option ; il créa en 1926 à la Sor-
bonne, la "Société d'études atlantéenes", et en 1927 la revue
Atlantis (8) qui en est à son 34ü numéro.
Il disait souvent (mais nous avons oublié la référence), qu'il
avait toujours eu la sensation que Fulcanelli n'était autre que
Canseliet, même si celui-ci ne le lui avait jamais avoué di-
rectement.
Tous ceux qui sont ou ont été d'accord avec cette opinion de
Paul Le Cour (ils sont nombreux, mais pas nous), insistent sur
une supposée identité de style, de manière, de forme et de fond,

89
A ce sujet :
que revêtraient les æuvres écrites par I'un et I'autre.
"R.A. Q'gs1 donc vous qui avez réügé les liwes de Ful-
canelli- et traité pour leur édition avec le libraire Schémit.
Comme Fulcanelli ne s'est jamais manifesté autrement (par
d'autres ouwages, par exemple, fut-ce sous d'auües noms) (9),
une hypothèse vient naturellement à I'esprit et elle n'a pas man-
qué d'être avancée : Fulcanelli, c'est Eugène Canseliet.
E.C. Je n'avais pas l'âge, après tout, d'écrire des choses
-
pareilles. Mais j'avais une certaine habilité à rédiger, mais non
pas d'une manière littéraire parfaite. Peut-être mon style a
changé depuis.
R.A. Pas beaucoup, pas au point d'être méconnaissable.
E.C. - Pas tellement, non. Cela se sent. Il y a de longues
-
parties que je n'ai guère changées..." (10)
Nous sommes, bien sûr, parfaitement d'accord avec tout ce
que Canseliet suggère. Il y aurait beaucoup à discuter sur le
parallélisme de styles, celui des préfaces et celui du texte lui-
même.
Canseliet nous dit que son style s'est amélioré depuis lors ;
mais nous trouvons toujours que le style de Fulcanelli est plus
clair, droit et simple, plus élégant et noble, plus architecturé,
que celui de I'abondante @uwe personnelle d'Eugène Canseliet,
autant dans ses livres que dans ses ar:ticles.
D'un autre côté, nous percevons les deux styles comme étant
rès üfférents. Celui de Canseliet est recherché mais élégant,
trop souvent ambigu ; il poursuit le cl4ssicisme et un certain
il
goût ancien, utilise des tournures de langage très per-
sonnelles. Tout cela constitue un mode facilement imitable et
caricatural que ses disciples inconditionnels ont imité comme
des somnambules, aveuglés parle "Maître de Savignies"...
Nous en donnerons un exemple que nous prenons dans sa
préface à la troisième édition du Mystère des Cathédrales
illustrant ce style si personnel. Il se réfère à des phrases qui
contiennent une prcposition relative. Il écrit : "la question était

90
résolue, qui fait I'objet...", alors que la tournure usuelle serait
"la question qui fait I'objet... était Ésolue". Tout se trouve dans
I'utilisation permanente de la tournure, qui a de la beauté en soi.
Nous en avons mille exemples. Jamais chez Fulcanelli.
A nos yeux, il y a donc de toute évidence deux mains diffé-
rentes, et nous pensons que ce devrait êre pareil pour tout
regard sans préjugé. Canseliet, encore plus, est homogène avec
lui-même d'une manière parfaite et constante au long du temps,
de son æuwe et de sa vie dilatée, autant dans la forme que dans
le contenu. Son æuwe trouve son paradigme, son résumé, son
testament confessé dans son Alchimie expliquée sur ses textes
classiques (11) écrite avec soixante et onze ans d'âge, et plaide
autant dans le sens de la personnalité indivisible de Fulcanelli,
que pour I'exclusive orthodoxie du disciple.
Cette æuvre (L'Alchirnie expliqüe) nous semble inférieure à
son premier liwe. (12) Elle contient une lecture "en clair" de
I'Art par voie sèche qui sera certainement tès utile et sugges-
tive pour le débutant qui veut entrer en matière par ce chemin-
là. Il y en a pourtant d'autres... C'est une æuvre qui résume sa
labeur doctrinale mais qui montre par son dogmatisme une
certaine ankylose.
Ce qui compte, c'est de dire et d'affirmer très fort que par-
dessus Canseliet (son "magistère" s'étend de 1945 1* édi-
tions de Deux Logis jusqu'à 1979 -
seconde édition très
- -
augmentée), survolent avec une virtuosité inégalable, à hauteur
d'aigle, beaux et inatteignables, le contenu parfait et la très
belle forme da Mystère des Cathédrales et des Demeure s
Philosophales.
Quand nous parlons du "magistère" de Canseliet, nous
incluons évidemment ses articles prolixes publiés dans
Atlantis, La Tourbe des Philosoplus, La Tour Saint Jacques,
Initiation et Science, etc. Ainsi que d'autres encycliques-pré-
faces d'introduction à d'autres liwes de I'Alchimie d'aujour-
d'hui, qui ont cherché comme une bénédiction suprême la
9r
présentation de Canseliet (toujours annoncée sur la couvefture),
meilleure garantie éditoriale (ergo brz,siness... ).
L'analyse de ces simples faits (13) nous donne la conviction
profonde d'un Fulcanelli "monadique", personnalité non divi-
sible, qui persiste encore dans le'secret et l'anonymat qu'il s'est
choisi.
Les curieux ne dewont pas croire que nous voulons montrer
du mépris envers l'æuwe et la personne d'Eugène Canseliet. Il
est important, d'une autre manière... Tout de même, la diffusion
des "Fulcanelli" est l'æuwe de Canseliet, et le renouveau de
I'Alchimie, auquel nous assistons réjouis, est en partie le fruit
de sa dédication exclusive et de sa constance obstinée ; Can-
seliet a étéle père de nombreuses bonnes vocations qui suivent
aujourd'hui leur cours... lorsque nous fûmes prévenus de son
décès, nous assistâmes à ses exèques funèbres à la Neuville-
Vault, le dernier 23 avril 1982, et ce fut du plus profond de
notre cæur que jaillit vers notre Père commun notre prière de
mendiant. Prière pour celui dont le corps était présent, ce qui
n'était pas le lot de certains qui se permettaient des entéléchies
erratiques et d'autres grands accouchements neuronaux...
"Fulcanelli", était-ce le nom de plume de Canseliet ? Nous
sommes sûrs que non, mais I'imputation fallacieuse nous
pousse à contempler brièvement certaines de ses données bio-
graphiques: (14)
Eugène Canseliet naît à 8 h du soir le lundi 18 décembre
1899 dans la commune de Sarcelles (banlieue Nord de Paris) au
sein d'une famille modeste. Son père, Henri Canseliet, décédé
en 1919, était artiste-maçon. Quatre ans plus tôt, en 1915, année
fondamentale où il avait quinze ans, nous le trouvons à Marseille
comme étudiant aux Beaux Arts. Selon certaines données, ce
serait pendant cette année-là que la concierge de Fulcanelli qui
faisait aussi le ménage de l'école des Beaux-Arts, lui présenta
le maître. I1 avait eu, peu avant, entre ses mains 1e traité fameux
de Cyliani Hermès Dévoilé dédié à la postérité.
-
92
A vingt et un ans il gagne sa vie comme employé de I'usine
de gaz de Sarcelles, où il s'initie à la pratique opératoire. A
vingt-deux ans, son premier mariage (suiü d'un divorce). Une
année de plus, et c'est là qu'advient lia mnsmutation du plomb
en or, effectuée dans I'usine de gaz de Sarcelles, avec de Ia tein-
ture fournie par Fulcanelli, et selon ses instructions. Cela se
produit en présence de Jean-Julien Champagne et de M. Gaston
Sauvage qui était alors chimiste chez Poulenc. Trois apôres
pour témoigner du Tabor. Mais un seulement le fit...
En 1923 (Canseliet a vingt-trois ans) Fulcanelli lui remet
trois paquets cachetés à la cire. Ils contiennent des notes ma-
nuscrites avec trois épigraphes : Le Mystère des Cathédrales,
Les Demeures Philosoplwles, et Finis Gloriæ Mundi (Fin de la
gloire du Monde). Ce titre d'une æuvre de I'Adepte qui ne vit
jamais le jour (les temps ne seraient pas dignes de lui, dixit en
quelque occasion le disciple), est en étnoite connexion avec le
réputé tableau homonyme de Jean de Valdés Leal qui date de
1672, exposé à I'Hôpital de la Sainte Charité à Séville.
On sait que Fulcanelli, quelques années après sa disparition
"publique", ayant accédé à I'Adeptat, se réfugie à Séville ville
où Jaime Cobreros Ie découwe dans une de ses fulgurantes
-
intuitions s'était construit le quartier d'Héliopolis. Ful-
-
canelli crée ou appartient à l'éthérée "Fraternité dHéliopolis" à
qui il dedie l,e Mystère des Cathédrales erLes Demeures Philo-
sophales : "Attx, frères d'Héliopolis" ; jusqu'ici n'avait jamais
émergé cette "coihcidence" (qui s'ajoute à celle du titre de la
supposée troisième æuwe) dévoilée par Jaime Cobreros avec
qui nous visitâmes récemment, en 1984, la dernière demeure de
Canseliet au petit cimetière de la Neuville-Vault, à trois ou
quatre kilomètres de son domicile à Savignies. Sur son sépulcre
(voir la reproduction photo) une inscription dit : "IN
MEMORIAM EUGENE CANSELIET F.C.H. IN HOC SIGNO
VINCES". Sur la partie christique de la légende, une croix
grecque, templière. Mais "F.C.H." est ce qui nous intéresse
pour : "frère chevalier d'Héliopolis".

93
Continuons avec nos données biographiques : en 1926 parut
la première édition du Mystère des Cathédrales et en 1930 celle
des Demeures Philosoplwles, avec des tirages de 300 et 500
exemplaires respectivement, aujourd'hui d'une très grande
valeur. A cette époque, et depuis 1925, Canseliet est déjà ins-
tallé à Paris au 59 bis de la rue Rochechouart (15) dont il par-
tagea une des deux chambres sous les combles, au sixième
étage, avec I'illustrateur des "Fulcanelli", Jean-Julien Cham-
pagne, qui y décedale26 Août 1932. Un an plus tard, en Août
1933, Canseliet déménage au no 10 du Quai des Célestins.
A ses trente-cinq ans, Canseliet commence sa collaboration
avec Atlanris qui ne s'arrêtera jamais, inaugurant une æuwe
imprimée qui trouve son climax en 1945 avec l'édition des
Deux Logis que nous avons déjà signalée.
En 1946, il s'installe à Savignies (de là qu'il fut appelé le
'Maître de Savignies") où il viwa jusqu'à la fin de sa vie. A
cinquante-deux ans, ayant conquis les principes philosophiques,
il entreprend une deuxième grande cuisson qui échoue aussi.
A ce propos, nous devrons nous rapporter à la première
cuisson, celle de 1938, qu'il mentionne dans les dernières pages
de l'Alchimie expliquée : "Le brusque arrêt de la coction du
roisième æuvre par I'ouverture accidentelle du vaisseau philo-
sophal, libere une inimaginable accumulation d'énergie cos-
mique dont I'action catalytique peut se faire sentir, d'insoup-
çonnée manière, sans qu'aucune limite ne I'arrête dans I'espace.
Nous eûmes à constater le phénomène, à la fois inattendu et
grandiose, en 1938, quand une élaboration malheureuse..."
Et on nous dit que cette formidable accumulation d'énergie
qu'il avait produite, provoqua en se libérant, la fameuse aurore
boréale de 1938 qui fut le prélude de la IF Guerre Mondiale !
Canseliet s'était déjà référé explicitement à cette aurore
boréale engendrée par ses expériences chimiques, à la page 131
de l'édition de 1945 de Deux Logis Alchimiques, avec une
explication qu'il développe et complète à la page 274 de
l'édition de 1979 :

94
"Avant-courrière combien imprÉwe ! des convulsions
- -
épouvantables qui devaient ébranler les fondements mêmes de
la civilisation, nous rappellerons, en ce lieu, I'aurore boréale du
24 janvier 1938. I-e météorc, grandiose et eftayant, sur lequel
nous nous devons de rester discret, vint de la brusque catalyse
des eaux supérieures, et plus exactenrent des ondes, pour nous
conformer au langage de la science. La conséquence, de la
sorte portée dans le domaine interplanétaire, parait dispro-
portionnée, vis-à-vis de la cause qui fut, peut-être, la faute
commise dans la gradation de la température, ou celle que n'ait
été respectée, la période propice à la philosophique réa-
lisation..."
La prétention canselienne d'être à I'origine même du phéno-
mène est tellement énorme, prcsque une bouffonnerie, qu'Ato-
rène dans Le laboratoire alchimique, page 337, la décrit de
cette façon :
"Plusieurs notes de musique avaient déjà retenti quand, le
mardi 25 janvier, vers 18 h 30, pour une raison inconnue, brus-
quement la coction s'arrête ; presque sans bruit un petit soleil
s'élève de I'athanor, et disparaît dans le plafond. Tous les chiens
des environs se mirent à aboyer. Ce soir-là, notre hémisphère
fut recouvert d'un immense éventail rouge, aux longues
branches vertes, irradiant depuis le nord : la gigantesque aurore
boréale de 1938."
Quelques lignes plus loin, Atorène semble enfin vouloir
démonter toute cette histoire qui peut couwir Canseliet de ridi-
cule : "il est impossible que ce fut l'ouverture de l'æuf (philo-
sophal) qui eût provoqué I'aurore po.laire, car elle était déjà
visible en Ecosse à 17 heures...
(Lorsque l'æuf de Canseliet n'était pas encore cassé, une
heure et demie plus tard). Mais AtoÈne recule : "au contraire,
il semble vraisemblable que la cuisson, partiellement défec-
tueuse, commence à liberer de l'énergie quelques heures avant,
provoquant la naissance de I'aurore".

95
Nous ne prétendons montrer aucun signe d'incrédulité, et
encore moins exploser à grands éclats de rire. Ceci, pour que le
lecteur conçoive p:r son esprit quelle peut-être, vraiment, la
très grande accumulation d'énergie qui résulte de I'accouple-
ment dans l'æuf, des très purs principes philosophiques. Mais
d'un côté, nous pensons que cet océan d'énergies est d'une
nature qualitative et spirituelle, qui n'est pas susceptible de
composer le champ de particules nécessaire électrons et
protons qui -
viendront heurter les gaz de la haute atmosphère
(aurore -boréale). D'un autne côté, nous croyons que, quoi qu'il
en fût, un silence religieux et une discrétion pudique auraient
dû couwir ce phénomène aux connotations mystiques.
Devons-nous penser que toutes les aurores boréales ou aus-
trales qui ont eu lieu dans le Monde, ont été le fait d'une mani-
pulation maladroite d'alchimistes ou souffleurs ? Remarquons
que la fipion ou la fusion nucléaire n'obtiennent pas le phéno-
mène aux dimension hémisphériques.
Voyons comme exemple I'interprétation du phénomène (qui
fut sur la première page de toute la presse mondiale, c'est
logique), par quelqu'un d'étranger à I'Art :
"Dans la nuit du 25 au 26 janvier 1938, il y eut sur toute I'Eu-
rope une étonnante aurore boréale demeurée inexpliquée, qui
semble répondre aux lignes du deuxième secret (de Fatima) :
"Quand vous verrez une nuit éclairée par une grande lumière
inconnue, sachez que c'est le signe que Dieu vous donne et
qu'est prochain le châtiment du monde par la guerre, les fa-
mines et les persécutions." (16)
Nous n'hésitons pas à avouer que nous nous sentons bien
plus inclinés vers cette interprétation de "signe précurseur",
tout à fait en accord avec la tradition prophétique. Que le
lecteur nous excuse de I'important traitement donné à ce que
Canseliet induisit comme triste Ésultat de sa première cuisson
finale. Cela fit que dans des cénacles non réduits, on surnomma
(avec tendresse) le "Maître de Saügnies" avec le sob,riquet "Le

96
"EUGENE CANSELIET F.C.H IN HOC SIGNO VINCES"
- -
Pierre tombale dEugène Canseliet à la Neuville-Vault.

{
t

(l:
,æ-

"Splendor Solis" de Salomon Trismosin


@lanche VI : "Arbor philosophorum")
"Splendor Solis" de Salomon Tnsmosrn ,Planche III) : "Fons Duplex".
+
Jh

&J::

MUTUS LIBER flanche IV)


La collecæ de I'eau des deur {uinoxes.
"I-€s Douze clefs de la Philosophie" du Frère Basile Valentin.
Clef IV : "I-a mort génératrice de la Cendre et du Vene précieux."
Immeuble situé dans le 17b'arrondissement à Paris, à I'angle du boulèvard
Péreire et de la rue Monbel, cité par Fulcanelli dans "Le Mystère des
Cathédrales" Ed. J.J. Pauvert - Paris 19(l - page ll7.
"...I1 nous souvient d'avoir vu construire un bel immeuble dont la
décoration, refl étant nos préocc upations hernÉ tiqræs.. . "
(Photo Jaime Cobreros)
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"Audessus de la porte d'entrée, deux jeunes enfants, garçon et fille, enlacés,
écartent et soulèvent un voile qui les recou\ïait..." Fulcanelli - "Le Mystère
des Cathédrales" Ed. JJ. P. - Paris 1961 - page 117. @hoto Jaime Cobreros).
Ih itn(rat,.t ,nat,,/l,r.ril, rtr.thtr, ,.1ilt I.ayt rrl tr.acrv/ulr..
"il

Illustration de: "Le Triomphe Hermétiquc" de Limojon de Saint-Didier


PARADIGME DU GRAND (EuvRE
"læs 12 clés de la philosophie"
Éditions de Minuit.
terroriste de Saügnies". Nous fu B me pmemièrc infor-
mation de ce qui est inédil
A ses cinquante-deux ans, en 1951et selon son propre aveu,
Canseliet üsite Fulcane[i à Sâ/ille, l€quel avait alors déjà cent
treize ans chronologiques, ressemhüant à un bornme "d'âge mûr".
' Nous tenons cette information de toute première main. Un
après-midi, on frappe à la porte du domicile de Canseliet, à Sa-
vignies. C'est un inconnu avec un unifomre de chauffeur (il a
garé devant la maison une automobile de luxe) qui lui dit avec
un fort accent espagnol que Fulcanelli le réclame. L'Adepte
avait "dispa.ru" en 1930 et Canseliet ne le voyait plus depuis
1926. Une demi-heure après, les bagages prêts, il s'installe dans
I'automobile qui démarre vers un lieu et un pays que Canseliet
ignore. La voiture prend (c'est une appréciation, sans consulter
la carte) les 1900 kms entre Séville et Savignies. A Séville le
chauffeur l'abandonne en ville...
A partir d'ici, I'histoire est connue. En pleine rue, un mon-
'r-
sieur I'interpslls ; Tu ne me reconnais pas ?" Canseliet le
reconnait, en effet, et il commente que tous deux semblaient
avoir le même âge, alors que la dernière fois où il I'avait vu,
vingt-six ans plus tôt, Fulcanelli était un vieillard vénérable...
Fulcanelli I'accueille et met à sa disposition un laboratoire.
Canseliet a raconté et publié ceci deux, trois ou quatne fois,
de même qu'il raconte la transmutation de la matière vile en or,
que nous décrivions tout à I'heure. Læ message est clair : non
seulement Fulcanelli accède à la pierre philosophale (transmu-
tation) mais aussi à l'élixir de longue vie. Nos proprcs sources
sont absolument en accord avec ces faits.
En ce qui concerne la visite de Canseliet à Séville, il gâche le
scénario, en accédant par le souvenir à I'univers instable des
perceptions psychiques (ce qu'il avait déjà dit, suffisait
amplement).
Nous serons pudique et nous ne donnercns pas la citation
(nous y faisions déjà référence dans le chapitre I et l"'Incipit"),

97
où Canseliet nous décrit une histoire de faits oniriques ou
surréalistes, dans une ambiance de I'Espagne de Philippe II,
rajoutant des palais enchantés et des fêtes costumées qui
rappellent la magnifique fête qu'Alain Fournier raconta dans
son æuwe maîtresse : lz grand Meaulnes.
En 1956, Canseliet raduit et commente Lei douzes clefs de
la Philosophie du frère Basile Valentin de l'Ordre de Saint Be-
noît qui aura plus tard deux rééditions. En 1963, il publie son
Alchimie (17), compilation d'articles publiés dans Les Cahiers
d'Hermès,LeTrésor des Lettres etAtlantis (18).En 1967, publi-
cation de son Alchimie et de son Livre Muet.En 1972|'Alchimie
expliquée par ses textes classiques (déjà citée plusieurs fois)
suivie en 1974 des ?ois anciens Traités d'Alchimie. (19)
A partir de 1977, il publie dans la revue La Tourbe des
philosophes qui vient de commencer son chemin, ses Alchi-
miqugs souvenirs qui s'appelleront à partir du numéro 4 de la
revue, Alchimiques Mémoires. En 1978, il a une entrevue de
trois heures avec Robert Amadou et celui-ci publie le liwe
Le Feu du Soleil (abusivement semble-t-il) (20). Enfin parait en
1980, en dernier lieu, la deuxième édition très augmentée, de
son premier livre : Deux Logis Alchimiqucs, en morge de la
Science et de l'Histoire.
Comme nous I'avons déjà dit, Canseliet décède à son domi-
cile de Savignies le 17 awil 1982, étant inhumé à la Neuville-
Vault, le 22 avil de la même année. Il resta donc cinq jours
avant d'êre inhumé, pour des raisons "ésotériques" en rapport
avec les métamorphoses de la lune.
Et depuis lors, sur la conscience des épigones et des quel-
ques "signatures", pèse d'une façon dense le silence altier d'Isa-
belle, qui vaut de I'or,la fille du Maître de Savignies.
Au long de ce que nous dirons dans nos prochains chapitres,
ressortiront sans doute d'autres données biogfaphiques du dis-
ciple, plus en conséquence avec le propos de ce liwe imparfait.

98
CHAPITRE VI

L'initiateur

ans notre chapitre précédent nous avons présenté le dis-


ciple avec un peu de détails. Nous porurons en dire beau-
coup moins, voire très peu, sur l'Initiateur (ou Maître peut-être)
de Fulcanelli. n conduisit Fulcanelli par la main jusqu'aux
portes fermées, les plus extérieures, du bastion du théâtre chi-
mique, qu'il ouvrit largement. Le disciple témoigne des der-
nières années qui précédèrent le triomphe qui entraîna la
disparition définitive. Entre I'un et I'autre se déroule la vie
profane (du latin "pro" et "fanum", devant le Temple) mais
laborieuse de Fulcanelli.
Au moment du triomphe définitif, Fulcanelli avait un âge
avancé, un âge vraiment biblique, puisqu'il comptait déjà
quatre-vingt onze ans présurnés. tr passe le flambeau à un jeune
imberbe qui n'a jamais participe à ses tr:avaux.

99
Les choses se produisent ici comme si "l'initiation" à I'Afi
chimique était une affaire de transmission d'une "influence" qui
se manifesterait comme irésistible attraction vers l'Art, commè
efficace "remagnétisation des universels" (dirait notre ami le
philosophe Foriani). Cela s'apparente à l'initiation traditionnelle
à I'intérieur d'un ésotérisme spécifique. L'idée d'initiation dans
le sens artisanal est très différente, car elle Eansmet un véri-
table savoir opératoire, et les secrets du métier, auxquels Can-
seliet ne participa jamais. Et c'est bien cette dernière idée qui
est courante au sujet de ce que peut-être une "initiation" en
Alchimie.
Ceci nous peflnet de nous intemoger d'entrée, voyant I'atti-
tude de Fulcanelli avec celui qui se disait ensuite son unique
disciple, pour savoir s'il ne lui serait pas arrivé de même, si son
initiateur ne se serait pas limité à lui induire l'état d'exaltation
nécessaire pour entreprendre la tâche ingrate qui prend, en plus,
des airs de waie chimère. Une chose expliquerait I'autre.
Cela nous rmntrerait un panorama désolant d'artistes philo-
sophes waiment "jaloux", si nous ne savions pas que I'Alchimie
n'est pas reductible à des formules ou des techniques spéciales,
mais reproduisibles et transmissibles, que l'Alchimie nécessite
d'un "plus" et de I'esprit du Monde. (1)
D'après les données que nous avons sur Fulcanelli, les faits
de la transmutation à I'usine de gaz de Sarcelles en 1922,
éclairent sûrement quant au support d'initiation de I'Artiste,
souvenir ineffaçable pour l"'initié". Rien ne peut en effet autant
réaffirmer la foi et la volonté pour cette traditionnelle science
positive, cornme le fait d'assister personnellement ou de "diri-
ger" (cela est classique) soi-même I'opération qui subitement
spiritualise et anoblit au maximum de ses possibilités la matière
appelée "ü1e". Initiation donc, bien que cela ne soit qu'un test
définitif de qualité de I'agent tnrnsmutateur, et non la finalité
que poursuit Ie philosophe, qü appartient à un ordre de valeurs
complètement différent.

100
Nous en trouvons une prcrrve dans le Traité dtt Souffre du
Cosmopolite (page 105) dont norls possédons une reproduction
fac-similée de l'édition de 1669. tr nors y assure que : "les héri-
tiers de cette science sont en detæ enyers leurs prédecesseurs,
puisqu'on I'acquiert toujours par des esprits d'une trempe
identique à celle de ceux qui la possédèrent antérieurement, et
auxquels on a fait voir "l'effet révélé et véritable de la conver-
sion métallique" que les auteurs appellent "projection".
Si telle est l"'initiation", nous savons que Fulcanelli pourvu
de tout son rituel y arriva, selon Atorène (2), en 1922 à Sar-
celles, rue Taillepied, dans la cheminée de la petite chambre où
décéda le père de Canseliet. Selon Canseliet, cela se produisit
la même année, mais à l\rsine de gaz où il travaillait. Il y a ici
confusion ou quiproquo et j'ignore si la fameuse usine était rue
Taillepied. Canseliet le raconte :
"R.A. Quand avez-vous commencé à æuwer ?
E.C. - Lorsque je suis entré à I'usine à gaz de Sarcelles
-
où s'effectua cette transmutation dont a parlé Jacques Bergier,
-
dans le Matin des magiciens, et elle eut lieu en présence de
Champagne et d'un certain Gaston Sauvage.
R.A. En quelle année était-ce ?
E.C. - La transmutation ? En 1922.
R.A. - En 1922, c'est-à-dire que vous étiez encore avec
-
Fulcanelli.
E.C. Ah oui ! Et là, il est parti (...).
R.A. - Cette projection, projection de pierre, qui entraîna
-
une transmutation, se fit donc suivant les directives de
Fulcanelli ?
E.C. Oh oui ! C'est lui qui me I'a fait exécuter. C'est moi
-
qui I'ai exécutée, mais d'apês ses indications (...).
R.A. Donc, en l922,la transmutation se passe sur les
-
conseils de Fulcanelli.
E.C. Il était présent, puisqu'il me disait ce qu'il fallait
-
faire, et c'est dans une petite cheminée, qui était
j'ai exécuté I'opération.
R.A. Avec la poudre, ou la pierre, que Fulcanelli vous
-
avait remise ?
E.C. Oui, trois petits fragments qu'il a sortis d'un étui. Et
-
cela s'est fait dans cette pièce du premier étage où mon père
venait de mourir." (3)
Dewons-nous considérer, en accord avec cela, que Fulcanelli
aurait à son tour participé à une projection de son propre initia-
teur, vers le dernier quart du XIX'siècle ?
Nous observerons attentivement que pour cette transmutation
en 1922 Eugène Canseliet, le supposé unique disciple, ne fut
pas seul. Assistèrent aussi Jean-Julien Champagne et un
"certain" Gaston Sauvage. De toute évidence, il s'agissait de
compter sur I'assistance de témoins de l'événement fabuleux,
témoins déjà décédés au moment où Canseliet en parle publi-
quement...
Nous pensons plutôt que nous nous trouvons en présence de
trois récipiendaires qui benéficient de l'initiation dont Fulca-
nelli est le hiérophante. Nous savons que I'un d'entre eux, Jean-
Julien Champagne, était déjà un vieux "famiüer", un intime de
Fulcanelli, qu'il fut à son service, et à celui des De Lesseps
(celui du canal de Suez), qu'il officia positivement en labora-
toire et qu'il assista sans doute le Maître dans ses travaux au
long des années. Excellent artiste peintre, il fut I'illustrateur des
æuvres signées par le pseudonyme.
Eugène Canseliet, le plus jeune, celui qui n'eut pas l'occasion
d'assister au ravail de Fulcanelli, fut sans doute le dernier
disciple, le survivant des trois de L922, dont Gaston Sauvage,
I'ingénieur chimique "chez Poulenc", qui perd immédiatement
de I'importance et disparait de notre histoire.
Selon son rapport des faits de 1922, Eugène Canseliet est,
avec toute légitimité, le disciple de Fulcanelli, "initié" par lui.
Peu devrait nous importer si dans I'esprit de Fulcanelli, vers la
fin du premier quart de siècle, il existait quelque autre héritier
privilégié pour son cæur. Nous parlons du cæur de Fulcanelli,

r02
pensant un peu à Pierre Dujols (ott Duitl4 ou Dujol), libraire
sous l'enseigne Librairie du Merveilleux, rue de Rennes, à
Paris (4), ainsi qu'à Jean-Julien Charrrlngne.
Il semble malheureusement que la filiation, la chaine d'or,
soit cassée à ce niveau, pour ce qui est de lhistoire publique de
I'Alchimie, celle qui traverse les voiles et les verrous des cabi-
nets alchimiques. En effet, aucune transmutation postérieure à
cette date, ne peut confirmer autre chose. Dans ces conditions,
la transmutation de 1922 est le dernier acte "publique" (tout en
restant évidemment privé) de la vie de Fulcanelli, précédant sa
mystérieuse et, jusqu'ici, définitive disparition.
L'homme studieux qui s'occulta sous le pseudonyme Logos-
Galaton nous rappelle que d'autres, à cette époque, ont disparu.
Il le fait dans un court article qu'il signa en juin 1962 sous le
titre "Fulcanelli Hypothèses et réflexions d'un ami de
l'Etoile Polaire"-qu'il publia dans la revue Initiation et
Science (5), aujourd'hui disparue :
"Nous signalons pour ne rien négliger qui puisse intéresser le
lecteur "curieux de mystère", ou 'Jaloux du secret", eu'il y a eu
d'autres alchimistes qui n'ont pas laissé de trace au cours du
XIX'et au début du XX'siècles.
ET CEUX-LA, ON CONNAISSAIT LEUR ÉMT CNIL !
Tout à coup, un beau jour, plus personne. Par exemple, qui
était donc Rémi Pierret, ouvrier cordonnier, en 1843 et
concierge Passage Ménilmontant, no12, lequel fut le vrai
Maître d'Albert Poisson quand celui-ci était sur "la bonne
voie", puis s'effaça discrètement... Où est passé le citoyen
Dousson, plus connu sous le pseudonyme du Docteur Jobert,
üsparu un beau matin de son appartement de la rue Rosaüe,
vers 1913 ?
Et dans une note en pied de page, on nous précise que "ce
logement abrita vers la même époque également un autre
homme à I'exceptionnel destin, Ulianov, plus connu sous le
nom de Lénine."

103
Nous donnerons quelques précisions concernant le citoyen
Dousson, alias Dr Jobert, qui réalisa quelques ffansmutations. I1
fut le maître de I'hyperchimique (mais non alchimiste) René
Schwæble, et c'est à lui, au Dr Jobert, que se réfère Pierre
Dujols dans son Hyporypose qui introduit son édition du
Mutus Liber (6), et qu'il présente sous le pseudonyme de
"Magophon" ("grande voix" ou bien "Magos phone", la voix du
Magicien):
"A la suite de débats sensationnels et peu distants, on a laissé
milieu de quelle stupeur que I'Administration
dire
- et au -
de la Monnaie aurait saisi, sans autre forme de procès la
production d'un alchimiste contemporain : -
'rÿogs ne devez
-
pas savoir pouvoir faire de I'or !" Iui dit-on d'un air commi-
natoire, en le renvoyant les mains libres, mais vides...
Mais revenons au début de ce chapitre, lorsque nous faisions
référence à I'initiateur de Fulcanelli, puisque à nos yeux la
question (que I'on peut bien sûr se poser) de I'existence de cet
initiateur est vaine parce qu'évidente.
La première piste de "quelque chose", Eugène Canseliet nous
la donne en t929, date où il rédige son introduction aux
"Demeures Philosoplnles" : "Selon I'exemple de Basile Va-
lentin, véritable (7) initiateur, il se vit échouer sans pouvoir
trouver la sortie pendant plus de ttrente ans".
Quoiqu'en marge de notre problème actuel, nous recevons ici
I'intéressante information selon laquelle Fulcanelli travailla
trente ans au moins avant de "trouver la sortie". Par cette ex-
pression, Canseliet se réfère au moment où l"'étudiant", ayant
vaincu les difficultés pour cornmencer le travail hermétique, est
déjà sur le point de "quitter le terrain spéculatif pour celui des
réalisations positives" et c'est là qu'apparaîtront devant lui "les
premières difficultés, d'où surgiront de nombreux obstacles,
presque insurmontables".
Nous comprenons donc que Fulcanelli resta "plus de trente
ans" à æuwer en laboratoire avant d'entreprendre waiment le

104
Grand (Euwe. Celui-ci dut prendre, mmalement, plus d'une
saison (appropriée) Bélier-Taureau Et cornme en 1922, tout au
moins, il réalise une transmutation de plomb en or, nous
concluons en rajoutant d'autres raisons parallèles, que Ful-
canelli commence à officier I'Art dans son cabinet chimique
vers 1885, lorsqu'il avait quarante-six ans d'âge.
Enfin, digression après digression, nous avons fini par
apprendre que son véritable initiateur fut Frère Basile Valentin,
moine de I'Ordre de Saint Benoit, et auteur entre autres liwes,
de la Practica cum Duodecim Clavibus et Appendice de
Magno Lapide antiquorum Sapientum, scripta et relicta, qui
contient Les douzes clefs de la Sagesse dont on sait que Can-
seliet fit la "traduction, introduction, notes, et explication des
images" en 1955.
Eh bien, dans l"'Introduction" (nous le disons à cause du
savoir-faire et de I'implication que cela renferme), se référant
au problème de I'existence de Basile Valentin du monastère
benédictin d'Erfurt (ou de Walkenried) il confesse : "Après, tant
d'autres chercheurs, infiniment mieux placés et documentés,
nous n'avons certes pas la vaine intention d'éclaircir cette
énigme historique qui ne I'a pas été et ne le sera sans doute ja-
mais ; il en est de même pour tous les cas similaires d'Adeptes
qui demeurent non identifiés, c'est-à-dire non étiquetés ou
référencés socialement. Il ne nous apparait pas indispensable de
savoir précisément que I'auteur des Douze clefs de la Philo-
sophie ait été celui-ci ou celui-là, que sous I'anonymat iné-
luctablement imposé par la loi traditionnelle, il se soit trouvé
solitaire ou collectif (8), quand l'(Euwe seule compte à nos
yeux..."
Dans la même Introduction, précisément, et donc en 1955,
Canseliet nous dit : "Après tant d'années déjà, nous avons
vivement en mémoire le souvenir du culte de notre vieux
Fulcanelli pour Basile Valentin, qull considérait comme son
premier initiateur (8) ".

105
Nous voici devant un "initiateur" incapable d'avoir produit
une seule transmutation ("initiation") devant un Fulcanelli réci-
piendaire, pour la simple raison du laps de siècles qui les
sépare. Cela voudrait-il dire que I'initiation est possible par des
voies livresques, d'érudition ? Dans le cas contraire, on est en
train de nous suggérer que (le lecteur ne doit pas croire que
nous divaguons) I'initiation se produit sur un plan subliminal,
goëtique, magique, subtil, onirique, "astral" ou comme chacun
voudra le nommer, mais toujours au moyen d'un agrément de
personne à personne.
Nous voulons témoigner, en rapport avec nos dernières pa-
renthèses, de I'aveu personnel que nous a fait un alchimiste de
Castille, qui aurait reçu cette forme d'initiation, qui abonde
d'ailleurs en littérature. Connaissant notre histoire, nous ne
serions pas trop étonné de comprendre que par ses ambigüités
subtiles, on nous assure on ne sait quel spiritisme (que nous
avons déjà vu) et que, malgré les siècles, Basile Valentin fut le
"véritable" ou en son cas (habile distinction!) le "premier"
initiateur...
En plus, nous ne voyons pas Eès bien si "véritable" exige a
fortiori I'existence d'un "faux". Mais la précision de "premier"
entraîne I'existence d'un "second" qui serait, waiment, le "véri-
table". Cela fait déjà trop d"'initiateurs" pour une bonne chose,
pour cela qui, par la nature même des faits, ne peut se recevoir
qu'une fois pour toutes. Nous ne faisons pas référence à la
supposée survie de I'Adepte à traven le temps, hors des voies
normales et naturelles qui règlent le cycle vital. Nous le men-
tionnions dans notre Incipit et premier chapitre. Il s'agirait ici,
clairement, de phénomènes apparentés aux "apparitions" spon-
tanées ou invoquées. Nous connaissons l'usage de ce type de
phénomènes avec lesquels nous ne voudrions rien avoir à faire :
rien à voir avec une "initiation" aussi faustienne.
Si nous réduisons et conduisons notre lecture à celle, plus
modeste, d'une initiation par l'étude des traités hermétiques (ici,

106
ceux de Basile Valentin) nous n'artrüs plus d'autre possibilité
que de convenir que I'on ne peut plus parler d'initiation stricto
sensu, mais d'une propédeutique introdrrctive à tous les types de
discipline, comme si nous disions que notre voisin s"'initie" à
l'élecronique ou au bel-canto.
On ne doit pas prendre à la légère cette question de mots qui
vont subtilement à la dérive entre 1929 et 1935. Il y a une
intention, ou un changement d'intention. Il s'agit de cela lorsque
nous vérifions comment I'adjectif "véritable" évolue jusqu'à
I'adjectif "premier".
En effet, deux ans plus tard, en 1957, dans sa préface à la
deuxième édition du Mystère des Cathédrales, Canseliet nous
dit : "l'enseignement oral de maître à disciple prévaut sur tout
autre. Fulcanelli reçut I'initiation de cette manière, comme
nous-même I'avons recueillie auprès de lui." Et quelques lignes
plus loin :
"Dans noûe Introduction aux Douze clefs de la Philosophie,
nous avons répété à dessein que Basile Valentin fut l"'ini-
tiateur" de notre Maître, cela aussi pour que nous fût donnée
I'occasion de changer l'épithète du vocable, c'est-à-dire de sub-
stituer, par souci d'exactitude I'adjectif numéral "premier"
- -
au qualificatif "véritable" que nous avons utilisé aurefois, dans
notre préface des Demeures Philosophales. A cette époque
nous ignorions la lettre si émouvante..."
Sur ce point nous nous heurtons à ce qui nous semble être
une des énigmes de notre histoire, celle de cette "lettre émou-
vante" que Canseliet ignorait, nous avoue-t-il, en 1929 : de là
serait venue la mauvaise utilisation de l'épithète. Mais,
comment est-il possible qu'il en ait eu connaissance en 1955,
alors que la disparition de Fulcanelli s'était produite quelques
dizaines d'années auparavant ? Il s'agit, en plus, d'une lettre
"très personnelle", dont le futur Adepte ne se séparait jamais.
Canseliet y a accès peu avant cette date tardive où il a enfin
I'occasion de modifier I'adjectif.

107
Veut-on peut-être nous faire croire, ou insinuer, que Fulca-
nelli lui fit connaître cette lettre à Séville en 1952 ? N'oublions
pas que le rès pointilleux Canseliet avait déjà eu une occasion
majeure pour éclaircir cet important extême : en 1944, quand
il édite ses Deux Logis, et il ne I'a pas fait, ou bien en 1948,
dans sa Préface à l'Anthologie de la Poésie Hermétique de
Claude Lablatinière d'Ygé (10) et il ne le fit pas, etc. Ceci nous
ramène de façon inexorable, à Séville en 1952... Ou à une
invention tardive.
Canseliet continue : "...1a lettre si émouvante que nous repro-
duirons un peu plus loin et qui tire toute sa saisissante beauté
de l'élan d'enthousiasme, de I'accent de ferveur, enflammant
soudain le scripteur, rendu anonyme par le grattage de la signa-
ture, à I'instar du destinataire par I'absence de suscription.
Celui-ci, indubitablement, fut le maître Fulcanelli qui laissa,
dans ses papiers, l'épître révélatrice croisée de deux bandes
bisEes, à I'endroit des pliures, pour avoir été longtemps serrée
dans le portefeuille, où la venait chercher néanmoins la pous-
sière impalpable et grasse de l'énorme fourneau continuel-
lement en activité. Ainsi I'auteur du Mystère des Cathédrales,
pendant de nombreuses années, conserya-t-il, tel un talisman, la
preuve écrite du triomphe de son "véritable initiateur" que rien
ne nous interdit plus de publier aujourd'hui..."
La lettre cotrrmence par un "Mon vieil ami" et se conclut par
un "Votre vieux..." Elle affirme que le destinataire a reçu le
"don de Dieu" et qu'il possède déjà le "trésor des trésors". Il l'a
mérité par sa foi, par sa persévérance et aussi par ses bonnes
æuwes.
C'est la femme de celui qui écrit qui lui annonça la bonne
nouvelle, ce qui le remplit d'une admiration pleine de surprise
et de crainte : "pourvu dit-il que nous ne payions pas
cette heure d'iwesse de
-
quelque
-
terrible lendemain...!"
Il rappelle que le destinataire était déjà connu "comme le
manteau bleu de vos amis dans l'Qreuve ; le charitable man-

108
1'azrr du ciel" puisque "Dieu a
teau s'est soudain élargi" à tout
placé sur votre front le diadème de la véritable royauté" et
"vôus disposez désormais de la bagrretæ magique qui fait tous
les miracles".
Ce fut sa femme qui, la premiene, eut nouvelle de l'événe-
ment dans un étrange rêve prémonitoire, où "elle avait vu un
homme enveloppé dans toutes les couleurs du prisme et élevé
jusqu'au Soleil". Et la lettre se terrrine en exprimant "la grande
joie que nous éprouvons et toute la gratitude que nous avons au
fond du cceur. Alleluia ! Je vous embrasse et vous félicite.
Votre vieux..."
Donc nous dit-on celui qui reçoit cette lettre est "l'ini-
- -
tiateur" de Fulcanelli et pas Fulcanelli lui-même, ce qu'on
aurait pu penser justement, si I'on tient compte de son propre
triomphe dans I'Art, du fait qu'il possède la missive, et d'après
le supposé suscripteur. Tout cela nous conduirait à penser que
Fulcanelli est I'unique destinataire, mais nous nous inclinerons
(à contreceur) devant la posiüon catégorique du üsciple qui
affirme, sans marge d'erreur, que la lettre est "la preuve écrite
du triomphe de son véritable initiateur (de Fulcanelli)" ; que le
destinataire fut "indubitablement, le maîre de Fulcanelli".
La lettre a été attribuée à Pierre Dujolds (Saint-Iltide - Cantal
12.05.1862 Paris 19.04.1926) avec qui coincide larefé-
- -
r€nce à l'épouse et à ses rêves prémonitoires et qui avait l'habi-
tude de commencer puis de conclure sa correspondance par "votre
vieux..." comme nous I'avons vu. De plus, le style et le contenu
contribuent à considérer cette possibiüté comme très pondérée.
Fulcanelli fut initié (pensons-nous) avant" ou bien après, avoir
"trouvé la sortie", lorsqu'il commence la pratique de sa
philosophie par le feu vers 1885. Dans cette supposition, Pierre
Dujols (était-il alus marié ?) aurait eu à peine plus de vingt ans,
excessivement jeune ên rapport avec la teneur du texte. Il en
serait tout autrement si le véritable &stinæaire eût été Fulcanelli
(üsions-nous), ce qui fait revenirle problème de son initiation.

109
L'autre possibilité nous fait penser que la lettre est posté-
rieure à 1885 et antérieure au triomphe même de Fulcanelli
(puisqu'elle avait été "longtemps serrée dans le portefeuille où
la venait chercher néanmoins la poussière impalpable et gxasse
de I'énorme fourneau continuellement en activité"). Mais dans
ce cas, I'initiation de Fulcanelli ne serait pas passée par le
"flash" éblouissant d'avoir observé "de visu" et sensiblement
une transmutation positive, puisque le moment du triomphe de
son initiateur n'était pas encore arrivé.
Nous rapprochons tout cela de la'date excessivement tardive
de 1"'invention" de la lettre qui est "la preuve écrite du
triomphe de son "véritable initiateur", que rien ne nous interdit
plus de publier aujourd'hui..." IJn interdit aurait donc été levé,
et Canseliet aurait connu depuis longtemps la lettre. Mais, qui a
I'autorité pour "interdire" quoi que ce soit à Canseliet en cette
"matière réservée" qui concerne Fulcanelli ?
Nous avons levé beaucoup d'interrogations et nous derrrons
conclure en laissant dans I'ombre et sans la résoudre, la ques-
tion importante de I'initiation de I'Adepte. Mais cela nous a
donné I'occasion des réflexions hermétiques qui précèdent...

110
CHAPITRE VII

Lueurs d'une vie

'année 1839 s'écoulait lorsque naquit à la lumière de ce


Monde, I'auteur du "Mystère des Cathéd,rales", en quel-
que lieu du Midi de la France (nous aimons le croire). Cela se
passa dans un village où, malgré tous les incendies et révo-
lutions, on peut encore voir inscrit son nom patronymique et sa
filiation au registre civil du presbytère, où I'annotation de la
naissance doit sans doute suivre celle du baptême.
Cela survint au sein d'une famille modeste d'une noblesse
prétendue ou certaine. Ses ancêtres rernontaient peut-être à la
race des Capets par une branche collatérale que I'Histoire n'a
pas retenue, mais qui est documentée, qui s'unirait en tête au
tronc cornmun de la Maison de France, au XVI' siècle, par un
mariage secret. Il coulerait aussi dans ses veines du sang d'au-
delà des frontières de la Chrétienté.

111
Sa famille avait des revenus modestes mais réguliers. Quel-
ques sources présentent en effet notre Adepte (déjà au XX'
siècle), sans profession connue, avec un "chez soi" confortable,
une riche vie intellectuelle, mais un train de vie modeste dans
I'ordinaire. Ce qui n'excluait pas I'aide secrète et charitable,
intellectuelle et matérielle envers son prochain.
"Modestie" est peut-être le mot-clé. Paradigme de tous les
Adeptes, et plus particulièrement de ceux des XVIP et XVI['
siècles, Fulcanelli jouissait d'une modeste fortune, qui s'ac-
croissait. L'idée, un peu biblique, répond à la destinée terrestre
qu'espère avoir l'homme juste, mais elle semble correspondre
en même temps à ce qui est le lot de celui qui a conquis la Pierre
sans être encore le Mnéficiaire et le bienfaiteur de I'Elixir.
D'avant cela, nous avons juste une ou deux informations bien
peu concrètes des premières années de sa vie au sujet des-
quelles notre ignorance est grande. Fulcanelli se réfère à un
parent, sous-officier, témoin en 1843 des extraordinaires mé-
thodes d'enseignement d'un professeur peu. banal, du 46' Régi-
ment d'Infanterie consigné à Paris. Il enseignait lHistoire de
France avec uno méthode "connue depuis la haute Antiquité"
qui se basait sur "la Cabale phonétique traditionnelle".
Ce parent expliqua plus tard au jeune Fulcanelli des exem-
ples de cette Cabale. Ce dernier en conserva toujours le sou-
venir, tel qu'il le raconte avec détail dans.Irs Demeures Philo-
soplales.Il est vrai que les souvenirs d'enfance et de première
jeunesse sont la patrie de I'esprit.
Nous savons que ces premières impressions marquent et
orientent la vie entière d'une personne. Nous trouvons donc ici
la source originaire où but Fulcanelli, nourrie par la gaie
science du bas Moyen-Age, I'art raditionnel, et qui donna en-
suite les larges fleuves que sont ses deux Guwes renommées.
Fulcanelli évoque : "la plus fortc impression de notre prime
jeunesse, nous aüons sept ans celle dont nous gardons
- -
encore un souvenir vivace, fut lémotion que provoqua, en notre

fi2
âme d'enfant, la vue d'une cathÉkale gothique. Nous en fûmes,
sur le champ, transporté, extasié, frappé d'admiration, incapable
de nous arracher à l'attrait du merveilleux, à la magie du splen-
dide, de I'immense, du venigineux que dégageait cette æuvre
plus divine qu'humaine." (1)
Sa formation scolaire, et plus tarü supérieure, fut ainsi mar-
quée par les humanités et I'histoire de son pays, conjuguées à la
formation technique et scientifique d'une activité profession-
nelle postérieüre, de caractère libéral. Cette formation supé-
rieure ne lui fit pas oublier les bancs de l'école communale, où
il apprit, à la différence de la généalogie postérieure, que le
premier roi français s'appela Pharamond et qu'il fut intronisé en
l'an 420.
L'éducation provinciale et le manque de distractions, la ri-
gueur de l'étude aimée et acceptée, contribuèrent à la formation
d'un caractère réfléchi et philosophique, discipliné, tempéré
pourtant par I'hommage aux nobles amitiés et I'amour de la
famille. Caractère prêt à incliner son savoir devant l'évidence
positive et l'éblouissement, prêt au sacrifice intellectuel : "il eût
mieux valu n'avoir rien appris plutôt que d'avoir tout à désap-
prendre". Pour lui, est nécessaire "l'application d'une volonté
opiniâtre dont les médiocres sont incapables. Nous savons ce
qu'il en coûte pour troquer les diplômes, les sceaux et les par-
chemins contre I'humble manteau du philosophe. Il nous a fallu
vider à vingt-quatre ans, ce calice au breuvage amer. Læ cæur
meurtri, honteux des erreurs de nos jeunes années, nous avons
dû brûler liwes et cahiers, confesser notre ignorance et, mo-
deste néophyte, déchiffrer une autre science sur les bancs d'une
autre école. Aussi, est-ce pour ceux-là qui ont eu le courage de
tout oublier que nous prenons la peine d'étudier le symbole et
de le dépouiller du voile ésotérique". (2)
A vingt-quatre ans, Fulcanelli s'initie donc à l'étude de I'Art
bien que ce soit beaucoup plus tard, sorlme nous I'avons déjà
dit dans les chapitres précédents, qu'il allumera pour la pre-
113
mière fois les charbons de son fourneau, qui ne devront plus
s'éteindre pendant trente ans.
Un an plus tôt, en 1862, naquit à Saint-Illide Louis-Pierre de
Valois (appelé Pierre Dujols) qui dans les années 1910-1911 eut
une librairie, (Librairie du Merveilleux) rue de Rennes, qui va
du Boulevard Saint Germain au Boulevard Montparnasse, dans
le quartier du Luxembourg, à Paris. C'est là que Pierre Dujols
égrenait pour son ami Paul Vulliaud (3), grand cabaliste chré-
tien, les éléments de sa Cabale phonétique.
Mais nous en sommes encore à la trentaine de l'Adepte, dans
les années 70 du siècle dernier qui voient s'installer en France
la IIF République. Epoque pleine de convulsions qui ne cesse-
ront de battre qu'à la fin du siècle. Ceci est I'arrière-fond de la
vie civile de Fulcanelli et nous verons qu'il fut conduit à y
prendre une part active.
Après la capitulation de Napoléon III à Sedan, Gambetta
proclame la République le 4 Septembre 1870 à lHôtel de Ville
de la Métropole, installant un "gouvernement provisoire de
défense nationale" qui doit contenir I'envahisseur allemand,
contre qui I'on dresse de nouvelles armées. Mais le 7 octobre,
Metz tombe aux mains des ennemis et Paris commence à
connaître la faim.
En même temps, Victor Emmanuel II, fait de Rome la capi-
tale d'une Italie unifiée. Dépourvu de ses derniers territoires,
Pie IX dont la triple couronne (triregnunt) lui assurait la triple
qualité dEmpereur, Roi et souverain Pontife (4), se constitue et
déclare prisonnier dans son palais du Vatican.
En 1871, Bismark crée lEmpire Allemand (dans la galerie
des glaces, à Versailles) et négocie I'armistice. Paris, humiliée,
s'insurge : c'est la Commune insurrectionnelle qui culmine,
après deux mois de guerre civile, avec la semaine sanglante du
2l au 28 mai, dont nous reparlerons.
læs eaux appüemment calmées, on voit en 1873 une tenta-
tive de restauration monarrchique qui échoue : le presque déjà

tt4
Henri Y dont le carrosse était même prréparé, refuse de re-
noncer à la couleur blanche de I'enseigrre royale pour le dra-
peau tricolore. Sur la colline de Montmartre commence en
1874la construction de la Basiüque du Sacré Cæur. L'impres-
sionnisme naît à la galerie dan Nadar.
En 1877, se déchaînent les passions anticléricales et le Grand
Orient de la Maçonnerie supprime toute référence à Dieu dans
ses statuts. Les Français commencent à utiliser le téléphone
inventé par Bell.
Nous sommes le 1- mai 1878. Au Champs-de-Mars le maré-
chal Mac Mahon inaugure I'Exposition Universelle, symbole
aux yeux du monde du renouveau français. Ses seize millions
de visiteurs peuvent admirer le véhicule automobile et les pre-
miers essais du moteur à explosion. La place de I'Opéra s'illu-
mine avec les feux éternels de l'éclairage électrique.
Paris compte 2.200.000 habitants en 1879. Le ministre de
I'Instruction Publique, Jules Ferry, essaye d'éliminer le clergé
de I'enseignement et le projet est adopté par I'Assemblée après
une bataille homérique. Cela inaugure une lutte religieuse, qui
atteint son comble en 1880 où I'on ferme 261 couvents et où
5.000 religieux sont expulsés. Cela entraîne des centaines de
démissions de magistrats et de militaires qui refusent d'oMir et
d'appliquer les "lois criminelles". En cette année, le Vicomte
Ferdinand de Lesseps fonde la Compagnie du Panama qui se
termine par le procès connu. La France vit une vague natu-
raliste qui semble tout ravager, tant et si bien qu'un rédacteur
écrit, dans sa chronique de fin de I'an : "Ici gît 1880, I'année
pornographique".
En 1881, le Parlement vote la loi Jules Ferry qui impose en
France I'enseignement primaire, laiQue, obligatoire et gratuit.
On supprime I'obligation du repos dominical.
En 1883, la loi Naquet concède le droit au divorce. A Paris,
le préfet Poubelle dote la ville de "poubelles" et de tramways
électriques.

115
En 1886, sont découvertes les ondes hertziennes et en 1887
coûlmence l'édification de la Tour Eiffel qui sera, avec la Ga-
lerie des Machines, la principale attraction de I'immense Expo-
sition Universelle de 1889 qui célèbre le centenaire de la
Révolution. On inaugure aussi le fameux Moulin Rouge. La
France compte 15.000 abonnés téléphoniques et boit quatre
litres d'alcool par habitant. (5)
Tous ces événements vivants, ces fortes passions, Ia politique
incertaine et tourmentée, les étonnantes découvertes techniques
et industrielles, l'épopée coloniale qui crée alors des empires, et
enfin les explorations géographiques qui complètent la planète,
marquèrent le labeur de Fulcanelli et affirmèrent sa person-
nalité. Ce ne sont certainement pas des temps pour forger des
vocations dans l'étude de I'Art, de I'Histoire, des sciences tradi-
tionnelles qui nous parviennent des époques lointaines.
Pourtant, entre les convulsions du XD(' siècle, Fulcanelli garde
le repos de la sagesse ancienne qu'il pénètre, pour notre
bénéfice.
Ce qui n'empêche pas son implication directe dans l'événe-
ment, quand cela lui semble nécessaire. Il en fut ainsi pendant
le point culminant de cette époque, dont la mémoire du Fran-
çais garde encore l'empreinte : la Commune. Comment définir
celle-ci ?
Son insurrection surgit au moment où le Président Thiers
lève les canons que le peuple avait pendant le siège de Paris
(qui n'est plus la capitale du royaume) et les pointe sur les
insurgés. Deux mois de guerre civile culminent avec la semaine
sanglante du 2l au 28 mai l87l ; tandis que les Tuileries et
I'Hôtel-de-Vi11e brûlent, les Versaillais reconquièrent la
capitale, vengent les otages et la Commune avec des milliers
d'exécutions sommaires et plusde seize mille déportations.
La Commune est la haine de I'Allemand vainqueur. C'est
aussi le règne de I'utopie, le délire de fraærnité incarnée dans le
!
cri : Vive la Commune Ces le monde des rêves, de la vie et
116
de l'art des rues, de la nationalité réduiæ au quartier, de la
liberté et de la parole pour les pauvres et les proscrits. Le
mythe vivant de la liberté sans liens
Deux personnalités jouent un rôle important : Marcellin Ber-
thelot, Président du Comité Scientifique de la Défense de Paris,
et Eugène-Emmanue1 Viollet-le-duc, lieutenant colonel d'ingé'
nieurs de ladite Défense. A ses ordres, un comnandant d'ingé-
nieurs de quarante-deux ans : Fulcanelli.
Marcellin Pierre Eugène Berthelot (Paris 25.10.1827 Paris
-
18.03.1907) est connu internationalernent comme le père de la
thermodynamique, son nom figure dans les encyclopedies de
tous les pays. Il étudia (ainsi que Ferdinand de Lesseps) à I'Ins-
titut Henri IV de Paris jusqu'en 1846. En 1854, il obtint son
doctorat es Sciences et en 1859 il était professeur de Chimie
Organique à I'Ecole Supérieure de Pharmacie. En 1863, il fut
nommé membre de I'Académie de Médecine et c'est en 1870
qu'il présida ce Comité scientifique qui nous intéresse.
I1 fut député pour Marseille, où nous trouverons d'ailleurs,
Fulcanelli. En 1876, il devint Inspecteur Général de I'Enseigne-
ment Supérieur et Ministre de I'Instruction Publique pendant les
années 1886 et 1887. En 11L1, il fut élu membre de I'Académie
Française. 4
De même que Fulcanelli, il eut pour ami le vicomte de Les-
seps, et nous le retrouvons à I'inauguration du Canal de Suez. A
cette occasion il parcourt I'Egypte et se consacre à I'ar-
chéologie.
Exactement comme Fulcanelli, il dut aussi "déchiffrer une
autre science sur les bancs d'une autre école", puisque pas-
sionné par I'Alchimie, iI dut étudier le grec classique, à son âge
mûr, pour accéder aux traités hermétiques en cette langue.
Nous devons à cela ses æuvres ks origines de l'Alchimie,
Collections des alchimistes grecs (6), La Chimie au Moyen
Age, ets. qui brillent de leur prcpre lumièTe sur I'ensemble de
ses 1500 publications scientifiques. Il fut I'un des directeurs de

tL7
la Grande Encyclopédie. Il mourut d'un arrêt cardiaque, puis fut
inhumé au Panthéon.
Fulcanelli dit de lui qu'il ne se contenta pas de I'opinion de la
science officielle (dont il était un hiérophante notoire), et
consacra plus de vingt ans de sa vie à l'étude patiente des textes
originaux grecs et arabes, et ajoute-t-il "de ce long com-
- -
merce avec les maîtres anciens naquit en lui cette conviction
que les principes hermétiques, dans leur ensemble, sont aussi
soutenables que les meilleures théories modernes."
En connexion avec lui et Fulcanelli, nous trouvons un autre
géant de I'Art et de la Science, Eugène-Emmanuel Viollet-le-
Duc qui naît à Paris le 27-01-1814 et décède à Lausanne le 17-
l2-t879. Grand architecte et archéologue, restaurateur de
Notre-Dame de Paris, de la Sainte Chapelle, de Vézelay, du
château de Pierrefonds, de Chartres, Amiens, Reims, Clermont-
Ferrand, Narbonne, etc, il fut Inspecteur Général des Monu-
ments Diocésains. Dans les années 70 et 71 il contribua,
comme ingénieur à la défense de Paris, étant depuis lors repu-
blicain militant. Par sa condition d'ingénieur et avec I'emploi de
Lieutenant Colonel, il s'occupa pendant la Commune de la
défense des forteressês et de la reconnaissance des positions
ennemies, ce pour quoi il s'avançait au-delà de lignes d'avant-
garde, jusqu'à quatre cents pas des lignes allemandes.
Pour ces reconnaissances courageuses, il se faisait accom-
pagner par ses officiers en armes et en uniforme. L'un d'entre
eux, un commandant d'ingénieurs, qui correspondait épisto-
lairement à cette époque avec Grasset d'Orcet, était Fulcanelli.
A l'époque, Viollet-le-Duc vivait au no68 de la rue Laval,
aujourd'hui prolongée vers lEst avec le nom de rue Condorcet.
C'est là que Fulcanelli avait l'habitude de lui rendre visite et
qu'il y trouva un jour I'homme illustre dans la noble tâche de
peindre des dessins pour entretenir ses petits enfants.
Connaissant cette amitié, comment nous étonnerions-nous de
I'intense amour et de la connaissance de I'art traditionnel et du

118
gothique (que Viollet-le-Duc r6nvcnta) dont fait preuve notre
Adepte ? Cette amitié, unie à I'autre correspondance, fondent
d'une manière merveilleuse son amour pour I'art des cathé-
drales et la parfaite interpÉtation de ses symbolismes. Ful-
canelli apprit sur les pierres des cathedrales de France, les mys-
tères fondamentaux de I'art alchimique que nous y trouvons
gravés pour toujours. Art sacré disons-nous qui prend
- -
forme aussi dans les monuments civils de haute époque et
hautes connaissances, non ternis par les oripeaux du siècle.
A l'éducation humaniste de Fulcanelli, taillée dans le recueil-
lement de province ; à sa formation technique prouvée par son
degré militaire, s'unit de manière providentielle la fréquentation
des grands esprits de son siècle, qui font déjà I'histoire de son
pays. Ce sont des signes qui s'attirent pour forger la destinée
impérissable de Fulcanelli.
Un temps avant sa moft, nous trouvons Viollet-le-Duc à Hen-
daye, occupé à construire le château d'Abadie (nom de celui qui
fut Consul de France au Sénégal) que nous voyons sur la rive
escarpée qui domine la plage face à Fuenterrabia. C'est un en-
semble romantique fouetté par I'air salubre de la Mer Canta-
brique. Il appartient aujourd'hui à I'Institut de France, consacré
aux études et observations astronomiques, dirigé statutairement
par un prêtre.
Pour son voyage, Viollet-le-Duc se fit accompagner par Ful-
canelli qui aima sans doute la ville basque et frontalière et ses
habitants avec qui il s'entretenait en longues conversations.
Parmi eux, le sacristain de l'église paroissiale, à l'ombre de
laquelle se trouve une croix, de même facture que celle que
nous trouvons dans la ville voisine, Sare (7). C'est à tout cela
que nous devons le dernier chapitre du Mystère des Cathé-
drales : "La Croix Cyclique d'Hendaye". Chapitre supposé
apocryphe.
A cette époque-là, Fulcanelli était plongé dans des spécu-
lations élevées et, entre autres, celle qu'il voulut transmettre à

tt9
son disciple, qui est, en vérité, la meilleure leçon d'Alchimie et
celle que semble-t-il personne ne veut écouter... D'après
- -
cela, le verbe "orare", prier, se trouve dans "Iaborare", tra-
vailler ; le laboratoire correspond cabalistiquement à "labor-
oratoire". I1 ajoutait dit Canseliet qu'on ne saurait
- -
réellement "évoluer sur la voie impériale si I'effort qui sanctifie
n'est toujours accompagné par le support de la prière".
Cette leçon élevée se perdit avec Fulcanelli, pour ce qui se
réfère à I'Art ; on ne sut plus jamais rien d'elle parmi ceux qui,
depuis lors, se manifestent comme philosophes. Pour eux tous,
nos frères et compagnons, le "secret" serait dans les "ondes"
(aujourd'hui polluées), dans le "Spiritus Mundi", dans une
manipulation déterminée, si ce n'est dans un rituel magique :
tout est bon, pourvu de ne pas avoir à se plonger dans la haute
doctrine et dans I'humble et constante prière... On ne vit jamais
rien de semblable dans toute I'histoire de I'Alchimie que nous
connaissons, depuis les origines, jusqu'à Cyliani et Fulcanelli.
Mais sans doute, savons-nous tellement plus aujourd'hui...
(n'est-ce pas, hautains philosophes !).
Quelques années plus tard, vers 1885, Fulcanelli s'initia aux
travaux de laboratoire. De "labor-oratoire", voulons-nous dire.
L"'impossible" biographie nous entraîne maintenant jus-
qu'au XX' siècle, directement vers les années 20, où Fulcanelli
a déjà plus de soixante-dix ans. Pour tout homme ordinaire, sa
vie, surtout sa vie intellectuelle, serait terminée, l'âme exténuée,
et le corps affaibli, mais I'esprit enrichi par les traces et cica-
trices d'une vie de travail dans des conditions du XIX' siècle.
L'homme serait alors prêt à rendre son esprit, qui semble dimi-
nué et affiné jusqu'à I'imFalpable. Cet homme a accompli son
temps de vie, le temps de preuve accordé normalement.
Mais Fulcanelli, son égal en dignité, semble êtne d'une autre
race, de celle où, tout d'aborrd, on ne s'épuisa pas incliné sur la
gIèbe ou dans la naissante chaîne industrielle. Race de ceux
qui, promis à un autre destin, porr le bien de beaucoup, ne

120
voient pas leur lumière intellectuelle vaciller ou s'éteindre, leur
huile de santé diminuer ou leur âmour de la Science se
déprécier. Destinée, sans doute privilégiée : d'après notre point
de vue imparfait. Car Allah est plus sage.
En tout cas, nous 1e voyons en 1916 établi à Marseille, rue
Dieudé. C'est 1à qu'il donna un conseil à l'étudiant néophyte des
Beaux Arts, dont celui-ci se souvenait encore en 1980 : "rédi-
gez de même que vous dessinez".Importance fondamentale du
verbe, sur laquelle il insista à nouveau I'année suivante à la
villa la Fouranne à Aix-en-Provence : "aÿant quoi que ce soit
connaissez et aimez profondément la langue du pays de
France, propter lanc causam qrcd principii verbwn absolu-
tissima es|."
A Marseille lui fut donc présenté celui qui serait son dernier
disciple, dont la mission, exercée pontificalement, fut de
donner ses æuvres au public, générant un renouveau de I'Art,
encore vivant...
Le Maîre avait soixante-dix huit ans et Canseliet üx-huit.
Celui-ci relate :
"J'étais à Marseille, auprès d'une cousine charmante, je fré-
quentais l'école des Beaux-Arts. C'était en 1917, I'année de
mon baccalauréat, il y avait une vieille personne qui nettoyait
les ateliers, qui en ce temps étaient au nombre de trois. Cette
vieille femme, de quatre-vingts ans, qui était une disciple du
Zouave Jacob, me fit rencontrer Fulcanelli. Je parlais, elle
écoutait avec complaisance, et me dit alors." Je vais vous prÉ-
senter un Monsieur, vous verrez, vous lui plairez certainement".
Elle faisait le ménage chez Fulcanelli, c'est cornme cela que je
le rencontrais, pü une fort banale femme de ménage."
Installé à Paris, Fulcanelli fréquentait Pierre Dujols qui vivait
rue Denfert-Rochereau. On n'a pas la certitude que Dujols
æuwait en laboratoire et cabinet alchimique (qu'il pouvait avoir
dans son arrière-boutique). Les avis sont contraires : selon
certains, celui qui y travaillait aurait été un frère de Dujols.

tzt
Mais Pierre ne fut pas étranger aux opérations chimiques (son
Hyporypose en témoigne avec force) pour lesquelles il aurait
été assisté par I'alchimiste Faugeron, voyageur de commerce,
domicilié au numéro 6 de la rue des Sabots. Le bon Faugeron
n'eut pas de fortune dans la pratique de I'Art, auquel il consacra
pourtant tout, jusqu'à son décès en février 47. Il laissa un sou-
venir admiratif chez des hommes de la valeur de Canseliet et
d'André Savoret.
Pierre Dujols, maître en Cabale phonétique, avait constitué
un fichier personnel de sciences occultes, extraordinaire, que
Faugeron maintenait à jour. A ce qu'il parait, il ne serait pas
étonnant que Fulcanelli eût recours à ses fonds en quête d'aide
ou de précisions d'ordre historique ou autre. Mais Fulcanelli
avait aussi son propre fichier, versé aujourd'hui intégralement
dans son æuvre écrite.
Nous sourmes dans les années 19 à 24 du siècle présent.
Nous avons de cela des nouvelles, ou mieux, des anecdotes
égrenées au hasard des écrits et des conversations de Canseliet.
Ce sont les années où ils restèrent tous deux en contact ; des
années où le dernier disciple fut témoin des faits (d'un caractère
social) de celui qui perdura pour toujours comme son Maître
inégalable.
Fulcanelli habitait Avenue Montaigne qui, dans le VIII'
arondissement de Paris, s'étend depuis la Place de I'Alma, près
de la Seine, jusqu'au Rond-Point des Champs Elysées. Très
pÈs, au numéro 11 de la même Avenue (qui s'appelait à l'épo-
que "Allée des Veuves") vivait la famille De Lesseps, à qui
l'unissait une très étroite amiüé. I-a rue Jacob n'en est pas très
loin, pour une époque où marcher un peu n'effrayait personne...
La maison de Fulcanelli fut une vaste demeure près du
Temple de I'Amitié qui hébergea autrefois la loge de Robes-
pierre, Mirabeau, Danton et autrÊs amateurs de couperets... La
maison de l'Adepte comptait huit gmndes pièces éclairées par
douze grandes fenêtres, qui se répartissaient entre un rez-de-

122
chaussée surélevé et le premier étage. Le salon s'ouvrait à
I'extérieur par uois grandes fenêtres d'où I'on admirait les
arbres du jardin proche. Ce salon était en vérité un cabinet-
bibliothèquê, meublé par une armoire en acajou massif style
Renaissance, où I'Adepte disposait ses liwes les plus précieux.
Le laboratoire était installé dans la cave où il recevait aussi les
intimes pendant qu'il surveillait les matras... Une petite porte de
la mansarde donnait accès à la terrasse qui couwait la cage
d'escalier et qui était entourée d'une petite balustrade en pierre
blanche.
C'est sur cette terrasse, à I'air libre, que le Maître soumettait
ses cuvettes de rosée (préalablement réduite) à la radiation des
astres et de la lune. Ces cuvettes (nous dit Canseliet) étaient en
porcelaine blanche, rectangulaires, peu profondes, de 18 x 24,
appropriées pour le travail de développement photographique.
Fulcanelli avait dressé un gentil rouge-gorge qui avait I'habi-
tude de se poser sur sa terrasse et qui revenait souvent. Fulca-
nelli I'appelait "ma petite rubiette" et causait avec lui dans le
langage des oiseaux. I1 avoua à son disciple extasié que
c'étaient ses chats qui lui avaient appris le langage des gens
ailés... Et Fulcanelli rappelait I'ancienne légende, universelle-
ment connue, des rcuges-gorges, c'est-à-dire de ceux qui avaient
la poitrine rubefiée par le sang même du Christ, car ces tapa-
geurs voulurent le soulager en lui enlevant les épines, une par
une. Les ruisselet de sang du front divin mbefièrent les bréchets
des poinines amoureuses... Dans cette poitrine rouge, I'Adepte
voyait aussi I'image reflétée du Soufre, l'âme du métal...
Durant cette année L919, Fulcanelli était prêt à élucider les
arcanes du troisième Guvre. Occupe par l'étude et par I'activité
supérieure de I'oratoire, c'est Canseliet qui se chargeait des
courses du Maîre, soit pour lui acheter des pélicans et des
ballons, soit pour trouver les livres qui I'intéressaient, après
avoir reçu les catalogues opportuns. C-es vases étaient fournis
par la maison Lenne, rue du Cardinal Lemoine, dans le Quartier

t23
Latin. Au no 2L de la rue Hautefeuille où se trouvait la Maison
d'Edition Georges Crés, fut acquis le fameux Voyage en Kaléi-
doscope, écrit par la malheureuse Irène Hillel-Erlanger (8),
grande artiste et poète qui occulta si sagement les arcanes de
I'Art dans Ie texte "dada" qui impressionna le Maître. Que sera
devenu cet exemplaire avec ses annotations ?
Entre-temps, Julien Champagne, I'illustrateur des "Fulca-
nelli", encore au service de la famille De Lesseps, se dirigeait
en 1920 vers les pÉs d'Evry-Petit-Bourg, lorsque meurt la nuit,
aux heures qui précédent I'aube printanière, quand la lune ter-
mine son premier quartier. Bien pourvu d'entonnoirs, de filtres
et de draps pour I'absorption, nous I'imaginons parcourant la
géographie vers ces prés vierges d'engrais artificiels, à la vi-
tesse maximum de son extraordinaire véhicule, le "traîneau à
hélices" qu'il inventa et dont on voit une photo dans la deu-
xième édition de Deux Logis Alchimiqucs.
Nous ne pensons pas que la rosée céleste, la récolte sou-
haitée, eut comme destination le cabinet de Fulcanelli, mais
plutôt le laboratoire alchimique de Villiers-le-Bel, au Nord de
Paris, propriété de Paul De Lesseps (petit-fils du Vicomte) à
qui Champagne enseignait la philosophie. Ou pour les labo-
ratoires que cette même famille nombreuse avait dans la capi-
tale, nre Vernier, tandis que Ferdinand De Lesseps I'avait près
de la Porte de Champerret.
Pendant cetæ année-là, plus exactement pendant la fête de Saint
Uôain Pape (le 25 Mal),le Maîue disait : "Mon jeune ami vous
rctrouverez I'Alchimie en tout domaine qui est noble, au sein du
plus humble, coûlme du plus élevé; il vous faudra, sans lassitude,
larechercher afin de parvenir à la conclusion triomphale."
A cette époque, Fulcanelli reçut la visite de son ami Anatole
France, Thibault de son vrai prénom et fils du libraire au Quai
Malaquai. La conversation traita sur le roman de ce dernier,
La Rôtisserie de la Reine Pédauque, que Fulcanelli avait
inspiré. En effet, ses personnages principaux ressemblent à

124
ceux de notre histoire : nous av(ns l'alchimiste (un peu fou il
est vrai), le prêtre, ingénieux et farcar (qui serait Champagne)
et son disciple, le jeune Tournebnoche qui est adopté par I'alchi-
miste et qui serait, ici, notre Canseliet
La réunion d'amis se fit dans le laboratoire du philosophe,
dans sa cave. Thibault s'extasiait devant les rangées de ballons
et matras ordonnés comme pour un défiIé, avec leurs thermo-
mètres qui, du fond ventnr, émergeaient pü le long col 1égè-
rement bouché avec de la ouate blanche.
A Ia faible lumière des petites flammes bleues qui léchaient
mollement le fond des cônes pleins de sable fin, ce grand labo-
ratoire installé dans la cave causait une impression étrange et
fantastique. Anatole France craignait la présence de Cham-
pagne car celui-ci ne restait pas longtemps sans allumer et
brûler un cigare. Champagne traînait avec lui la persistante
odeur de la fumée du tabac. Il est vrai que Fulcanelli qui n'avait
pourtant jamais fumé, jugeait cette délicatesse d'odorat abso-
lument excessive...
Canseliet ne vit jamais travailler son Maître, comme il le
confesse en diverses occasions. Il contempla avidement le
laboratoire de Fulcanelli, pendant ces réunions où il recevait
ses amis. De cette façon, il conserva dans son Journal I'anno-
tation suivante relative au 10 octobre l92l : "Nous avons eu le
bonheur envié de contempler, prématurément, auprès du four-
neau de notre maître, ce verre au travers duquel, spectateur ému
et enthousiaste, nous avons observé la lente succession des
insensibles nuances du prisme philosophal. Sur la substance
issue du sel que le noir caput a livÉ sur cette substance liqué-
fiée, et convenablement chauffée par degrés, Fulcanelli, à l'aide
d'une tige, prélevait une petite quantité du précieux émail qui,
refroidi, se détachait facilement de son support d'acier. C'est là
que loge le secret du verre coloré dans la masse, pour les
vitraux du Moyen-Age, dont il imponait que les pièces fussent
enchâssées dans le plomb le plus pur."

t25
Un autre visiteur assidu semble avoir été le poète et ésoté-
riste lituanien, prince Oscar-Wladislas de Lubicz Milosz. Il ne
voulut pas faire partie du groupe "Les veilleurs" (ceux qui
veillent, ceux qui sont en vigile, les vigilants) créé en 1919 par
René Schwaller qu'il récompensa royalement pour quelques
services rendus auprès de I'Administration, I'investissant de son
patronyme de clan : Schwaller "de Lubicz" (9). Avec la même
dédication que Fulcanelli, Milosz s'occupait infiniment d'oi-
seaux auxquels il "parlait" avec grande maîtrise.
Canseliet fut étonné parce que le 18 octobre 1924, Milosz
n'assista pas aux funérailles impressionnantes d'Anatole France,
auxquelles lui participa avec Fulcanelli, troublé par la lente
agonie de son vieux camarade.
L'ami le plus proche du Maître était peut-être le Vicomte Fer-
dinand De Lesseps (Versailles 19-10-1805 La Chenaie
-
(Indre), 7-12-1894) amitié qui devint protection, perpétuée par
la famille dans les années qui nous occupent.
Le Vicomte étudia au Lycée Henri IV de la capitale. Il fut Di-
plomate de métier, et nous le voyons occuper plusieurs postes
consulaires à Lisbonne (1827) au Caire, à Malaga (1839), à
Barcelone (1842) et ensuite cofirme ambassadeur à Madrid en
1848. Une année plus tard il demanda sa retraite, qu'il obtint,
sans solde. Cela lui laissa le temps souhaité et lui donna l'oc-
casion pour développer le projet d'ouverture de I'isthme de
Suez : il publie en 1856 son Percement de l'lsthme de Suez
exposé et docwnent fficiels. Sans aide bancaire d'aucune sorte,
-
il réunit par souscription publique les fonds nécessaires et les
travaux commencèrent le 25 Avril. Pour la première fois, le 15
Août 1869 s'unissent enfin les eaux de la Mer Rouge et celles
de la Mer Méditerranée.l* triomphe est énorme et encore plus
grande la popularité qui le conduit à créer plus tard, le 3
décembre 1881, la Compagnie de Panama. De graves diffi-
cultés financières croissantes le portent à la liquidation judi-
ciaire de cette compagnie en 1889. On parle de détournement

126
de fonds. En féwier 1893, le Tribunal de Paris le condamne,
ainsi que son frls Charles, à cinq ans dg prison et une amende
de 3.000 francs. Malade par tout cela victime de somnolence
sénile, il meurt sans connaîtne la sentence abominable. Il fut
réhabilité à titre posthume, accordant à sa veuve et à ses enfants
une rente viagère de 12.000 francs. Le Vicomte de Lesseps
s'était marié deux fois, (la deuxième avec une femme créole) et
il eut deux fils de son premier mariage et neuf enfants du
second.
Nous terminerons notre chapine par une dernière anecdote
que raconte Jean Laplace, jeune alchimiste de Grenoble, d'un
grand mérite et d'une profonde valeur, éditeur et fondateur de
La Tourbe des Philosophes qui est actuellement, selon nos in-
formations très fidèles, en terre d'Andalousie à la recherche de
cieux plus propices pour son art. Nous sommes donc au dernier
tableau du scénario.
1926 s'écoulait. Au numéro 11 de I'Avenue Montaigne, Fer-
dinand de Lesseps prend congé de la Baronne Delagrange et se
dirige, en se promenant, vers sa résidence secondaire. Arrivé à
une petite place fleurie en son centre, il ouvre les lourdes grilles
d'une demeure, traverse le petit jardin logé à I'angle de deux
rues, et pénètre dans I'immeuble. Un serviteur lui annonce que
Mr. X I'attend dans la bibliothèque. Il entre et salue cordia-
lement son ami Fulcanelli.
Après une courte conversation, les deux amis se dirigent vers
le jardin. Avec leur petite houe ils préparent le lit végétal et
plantent un troène (10). De la poche de son gilet I'Adepte
exnait un petit flacon et arrose avec son contenu la pousse juste
enterée. Le flacon contenait la pierre philosophale adaptée au
règne végétal.
Selon ce que témoigne Laplace, cet arbuste existe toujours et
peut-être contemplé au centre de Paris. Caduc par nature, il se
maintient vert et persistant et il atteint plus de huit mènes de
hauteur : la race la plus robuste, celle du Japon, atteint à peine

t27
les trois mètres... Tel est I'usage de la Médecine, son étonnante
possibilité daqs le règne de la Nature qui est notre garde-
manger, notre industrieux générateur de I'air que nous res-
pirons. C'est aller, d'un grand pas, plus loin que la transmu-
tation métallique : c'est celui qui accorde au philosophe la
qualifi cation d'Adepte.
Une fois cette qualification atteinte, cet "état", Fulcanelli
"rajeunit", disparaît par sa propre volonté aux yeux de tous
ceux qui le connaissaient et l'aimaient. Déjà possesseur de
lEtoile, il est à la recherche d'une mission supérieure, où il per-
siste. Il en fut question dans notre incipit et premier chapitre où
les mots étaient pesés.
Nous terminons celui-ci (11) avec des paroles de Canseliet
qui se référent nous semble-t-il- à Basile Valentin. Nous
-
voudrions que le lecteur ne fasse pas grand cas des tennes
voyants que le disciple met entre guillemets :
"Evidemment, plus de secret lourd à porter et difficile à dé-
fendre contre la malice et la méchanceté, pour I'Adepte qui s'est
débarrassé de sa vieille dépouille humaine, qui jouit de l'invisi-
bilité et de I'ubiquité uniquement dévolues aux membres de la
Rose-Croix, ainsi qu'à ceux de I'universelle Héliopolis. L'oubli
n'est-il pas inhérent désormais à son corps glorifié, comme il le
serait à I'homme affranchi de tout son passé même ?"

128
CHAPITRE VItr

Présupposés pour une chronologie

Année Age

t79t Naît Antoine de Valois, comte de Rubis


(appelé Dujol) le 2-12-t791, cordonnier. Le
22-0L-L821, il se marie avec Elise Vias. Du
mariage naît François de Valois.
1801 A cette date décède Dom Antoine Joseph per-
netty, bénédictin de St Maur à Valence. I1était
né à Roannes en 1716.
1821 Naît François de Valois, comte d'Usson, d'Au-
vergne, duc d'Alençon (appelé Dujol) le 2j.-
12-1821à Saint Illide (Cantal). Cordonnier, il
se marie avec Antoinelle I-apeyre.

t29
1839 A cette date serait né Fulcanelli "en quelque
lieu de France, pouvant lire sa désignation lé-
gale sur le registre civi.l qui s'y trouve avec tant
d'autres, et que la loi oublia au presbytère".
1845 le 24 Août à Saint-Illide (Cantatl naît Antoine
Dujols, Comte d'Usson, duc d'Alençon, etc, de
profession facteur. Fils de François et Antoi-
nelle (voir plus haut). C'est le père de Pierre
Dujols.
1862 23 Le 2 IÙdat naît l-ouis-Pierre de Valois (Pierre
Dujols) à Saint-Illide, dont Fulcanelli serait
parent.
1871 32 Fulcanelli panicipe à la défense de Paris aux
ordres d'Emmanuel Viollet-1e-Duc, avec I'em-
ploi de Commandant d'ingénieurs. Nous
sommes pendant la Commune insurrec-
tionnelle.
1874 35 l* Jownal de Provence d'Aix-en-Provence pu-
blie I'existence d'un prétendant à la couronne de
France, Antoine Dujols, pere de Pierre Dujols
(Magophon),àgé alors de douze ans.
1827 38 Naît Jean-Julien Champagne le 23 Janvier à
I-evallois-Perret (Seine).
r879 39 Est publié à Maneille I'opuscule Valois contre
Bourbons le 24.1GL879. I,a, famille Dujols vit
à Saint-Chamas @ouches-du-Rhône).
1879 40 Le 17 Décembre meurt Eugène Emmanuel
Viollet-le-Duc.
1885 46 A peu près cene année-là, Fulcanelli commence
ses favarD( en cabinet alchimique.
t897 58 Ctrampagne fait son service militaire.
1898 59 Naît Andé Savuet (1898-1977) qui tut ensuite
disciple de Pierrc Dujols, et celui-ci à son tour
d"'Atniger" (Georges Richard).

130
1899 60 Le 18 Décembre naît à Sarcelles Eugène Can-
seliet. Très pÈs se trouvent Arnouville-les-
Gonesses, d€rnière dcmeure de Champagne et
Villiers-le-Bel où Ferdinand de I-esseps aurait
un laboratoire.
1910 7l Champagne entre au service de Fulcanelli.
t9t3 74 Champagne invente le traîneau à hélices.
L9l4 75 Mahmond Mukhtil Pacha assiste deux fois à
Constantinople à une transmutation en or.
L'artiste qui les produit compte plus de trois
cent ans d'âge.
1915 76 Fulcanelli (qui officie I'Alchimie depuis près
de trente ans) vit dans un petit hôtel particulier
rue Dieudé à Marseille.
t9t6 77 (date douteuse). Canseliet connait Champagne
qui se trouve au service de Fulcanelli, qu'il
connait déjà. Il y a ici contradiction avec :
L9r7 78 Canseliet en contact avec Fulcanelli à travers
une dame de quatre-vingt ans, disciple du
zouave Jacob, qui fait le ménage chez I'Adepte.
Fulcanelli à Marseille.
1919 80 Fulcanelli installé à Paris, avenue Montaigne.
Au numéro 11 de cette avenue (alors, Allée
des Veuves) vit Ferdinand de Lesseps, petit-
fils du Vicomte de Lesseps (peut-être fils) ; et
au numéro 26 habite Jules de Lesseps. Fulca-
nelli occupe une maison avec huit grandes
chambres et douze grandes fenêtres. La de-
meure se trouve près du Temple de I'Amitié
qui fut la loge de Robespierre, Marat, etc...
Fulcanelli possèdait déjà le sujet minéral par
voie sèche, c'est-àdire, du prochain Soufre. I-e
1- janvier de cette année décède à Sarcelles la
grand-mère de Canseliet, née en 1839, ce qui

131
donne à ce dernier I'occassion de connaître la
date de naissance de I'Adepte.
1920 81 Fulcanelli élucide la partie terminale du Grand
(Euwe. Causeries avec Anatole France.
t92l 82 Fulcanelli est absorbé par l'élucidation du der-
nier arcane de son æuvre : le vase, l'æuf, et la
cuisson philosophique.
1922 83 Transmutation, sous la direction de Fulcanelli,
avec Canseliet comme exécutant, de plomb en
120 grammes d'or. Sont présents Julien Cham-
pagne et Gaston Sauvage (chimiste chez Pou-
lenc). Cela se passe à Sarcelles, rue Thillepied,
dans la chambre où mourut le père (Henri) de
Canseüet, le 14-07-1921. Selon une aure ver-
sion, cela se passe à I'usine de ga, de Sarcelles.
1923 84 Fulcanelli remet à Canseliet trois paquets. Ce
sont les notres et fiches pour le Mystère des
Cathédrales, Les Demeures Philosophales et
Finis Gloriæ Mundi.
1,924 85 Fucanelli assiste aux exèques funèbres, popu-
laires et nationales, de son ami Anatole
Thibault (appelé A. France).
1926 87 Fulcanelli est reçu par Ferdinand de Lesseps
dans sa résidence sècondaire à Paris. Il porte,
dans un flacon, la Pierre adaptée au règne
végétal, avec laquelle il arrose un troène (ar-
buste touffu à fleurs blanches) qui, ayant d'or-
dinaire 3 mètres de hauteur, va passer à une
hauteur de 8 mètres. Il s'agit d'un petit jardin
grillagé qui counre I'angle de deux rues. Il donne
sur une place fleurie en son centre. Il existe
encore. tr est près de I'immeuble de la maison
Rhône-Poulenc. Cette même année meurt à
Paris Pierre Dujols, à soixante-quatre ans.

132
1927 88 Fulcanelli retire à Canseliet son manuscrit
Finis Gloriæ Mundi.
1930 91 Fulcanelli décide d'employer l"'Flixir" pour sa
propre transmutation, atteignant de cette façon
le niveau absolu d'Adepte. Atorène, dans la
note page 336 de son laboratoire Alchimique
dit : "la prudence s'impose car si, à propos de
I'Arbre de la Connaissance, le serpent déclare
à Eve : "le jour où vous en uumgerez, vos yeux
s'ouvriront, et vous serez cortrme des dieux",
la compagne d'Adam connait très bien la mise
en garde de I'Eternel : "Vous n'en mangerez
point, de peur que vous ne mourriez".
1932 Au mois d'Août meurt Champagne à I'hôpital
Broussais de Paris.
1939 k 2 Mars meurt Milosz, ami de Fulcanelli et
gand poète.
1947 Meurt Faugeron. Il vivait au no6 de la rue des
Sabots (VI*).
r9s2 (113) Canseliet revoit deux fois Fulcanelli à Séville.
Il a cent-treize ans et en représente cinquante.
1955 Canseliet parle d'invisibilité, ubicuité et corps
glorifié de I'Adepte (en général).
1974 (l3s) Canseliet insinue la survie de I'Adepte
Fulcane1li.
1982 Décede à Savignies Eugène Canseliet, le 17-
U-82.I1 est enterré à La Neuville-Vault le 22-
M-82.
1989 Si Fulcanelli "vivait" il aurait cent-cinquante
an§.

t33
a Villiers-Le-Bel
a a Arnouville-les-Gonesses
Sarcelles

1213
chanps Elisées
4
I
5

Répertoire des rues de Paris.


1. Avenue Montaigne, où vécurent Fulcanelli, Ferdinand
de I-esseps et Jules de Lesseps.
2. Rue Vernier, où habitait Ferdinand de Leseps (fils) qui
avait son laboratoire, où Champagne travailla.
3. Rue Rochechouart, où habitèrent Canseliet et Cham-
pagne.
4. Passage Ménilmontant, où habita Remy Pierret, le
maîtne d'Albert Poisson.
5. Rue Comines, où se trouvait le commerce où Fulca-
nelli s'approvisionnait en appareils.
6. Rue des Sabots, où vécut Faugeron.
o Rue Saint Benoit // Av. Montaigne : "le cercle qui reste
silencieux".
8. Rue de Rennes, Librairie du Merveilleux, de Pierre
Dujols.
9. Rue de Hautefeuille - Au no 2l était Georges Crés,
l'éditeur de Voyages en Kaléidoscope.
10. Rue Denfert - Rochereau, où habitait Dujols.
11. Rue Cardinal Lemoine, où se rouvait un autre commerce
où Fulcanelli s'approüsionnait.
t2. Quai des Célestins, où Canseliet habita.
13. Rue Jacob.

134
CHAPITRE IX

Le pontificat

es alchimistes des trois derniers siècles se caractérisèrent


généralement par une exposition timorée et une évidente
perte de courage face à une science chimique, officielle, qui
avançait à grandes enjambées. Ils réduisirent Dame Alchimie
au minuscule cadre de la seule transmutation matérielle, dans le
meilleur des cas. Car dans le pire, ils enfermèrent leur abatte-
ment dans les réduits théosophiques rose-croix d'une mystique
"réformée" qui incroyables sots nous émerveille
aujourd'hui. - -
La disparition de Fulcanelli qui revitalisa si puissamment
I'Art, remonte à déjà plus de cinquante ans. Fils et fruit de la
filiation, Fulcanelli montre dans ses æuwes I'unité perpétuelle
de la doctrine avec la plus absolue liberté d'esprit, complè-
tement étranger aux airs langoureux de ceux face à qui il nous
semble "neuf' et "vivant".

135
Que pouvait-on espérer, par cet exemple vigoureux, de la
succession de Fulcanelli ? Peut-être un feu rénovateur et dévo-
rant. Nous nous référons, bien sûr, à ceux qui cultivent notre
jardin, et non au siècle profane...
Que voyons-nous par contre ? Dans le domaine "public",
f instauration d'un "pontificat" qui enchaîne la liberté dans le
dogmatisme le plus sévère. Tout est dogme : que tous les
Eaités, depuis Adam, sont écrits avec la glyptique grassétienne,
que toute cathédrale est un traité hermétique ; dogme que tout
ésotérisme, toute histoire sacrée, est un pur langage d'Alchi-
mie ; dogme que toute Alchimie est une voie sèche ; dogme
qu'il n'y ait pas de salut en-dehors de I'antimoine...
Ami lecteur, amoureux de I'Art, nous ferons monter notre
voix pléMienne jusqu'à ton pavillon auditif, et nous te dirons
de ne pas écouter ces dogmes, car dans notre histoire le disciple
ne surpassa pas son maître mais resta derrière lui. Nous te
dirons que ces dogmes énuméÉs (plus d'autres) ne sont pas ma-
tière de la foi alchimique... Ils ont été confondus avec les
moyens que Fulcanelli utilisa b,rillamment, majestueusement,
parce qu'il en eut envie, pour parfaire avec maîtrise son labeur
pédagogique pour notne bénéfice.
Non, pas parce qu'il en eut envie, mais sûrement parce que
nous avions besoin de cette esthétique supérieure et grandiose
qui dément la laideur que nous nous sommes constmite : de là
son inégalable séduction, et de là ceux qui furent séduits. Car
cette esthétique est aussi le rideau de fumée qu'il faut üaverser...
Nous allons traiter de cela dans le chapitre présent, très briè-
vement, et nous essayerons de répondre à la question de base
que nous pose I'Alchimie. Nous adopterons les mots de Ludwig
Wittgenstein que nous trouvons dans le "prologue" de son
Tractatus Logico Philosophicus : "jusqu'à quel point mes
efforts concorderont-ils avec ceux des autres philosophes, je ne
chercherai pas à le déterminer. En effet, ce que j'ai écrit ici ne
pÉtend pas apporter du nouveau dans les questions de détail ;

136
et par conséquent, je n'indiquerai pas de sources, parce qu'il
m'est indifférent de savoir si ce que j'ai pensé I'a déjà été par un
autre avant moi".
Nous appelons ce chapitre 'Læ pontificat", parce que ces der-
nières cinquante années ont été dominées par un pontife, au
mérite singulier. Nous ne voulons pas le louer maintenant (nous
I'avons déjà fait publiquement, pour son mérite personnel),
nous voulons, du côté de Fulcanelli, mieux récupérer la vision
et le sens traditionnel, qui sont, depuis, amputés avec une anes-
thésie soigneuse, puisqu'on n'entend plus rien dans l'épais
silence. L'Alchimie n'est pas Fulcanelli, mais c'est la Science à
laquelle il a accédé en escaladant plusieurs de ses versants.
Quelle est la figure de I'Alchimie ? C'est, proprement, la
transmutation métallique. MalgÉ toute affirmation a contra-
rio (qu'il faudrait trouver à la loupe), c'est bien la pensée qui
sous-tend Canseliet, qui ne s'occupe pas d'autre chose : après
André Savoret, qui a opéré en dehors de la discipline de ce
dernier, ainsi que René Alleau, après Bernard Husson, dissi-
dent de son obédience. L'æuvre de ces derniers est précieuse
puisqu'il faut sans doute, pour accéder à I'Alchimie, descendre
dans tous ces enfers où brûlent, inextinguibles, les feux de,
Vulcain.
Nous pourrons certainement, au hasard de ses écrits, tomber
sur la pensée (qui n'a pas été crue) que la matière brute de
I'Guvre est I'homme lui-même. Mais cela reste simple affir-
mation si tant est qu'elle existe. Nous ne voyons jamais quelle
est l'æuwe artisanale possible, de taille et de polissage de cette
matière brute. Par contre, tout effort et réflexion se dirigent
vers la recherche prolixe de la graine métallique dans le mi-
néral, seule pierre qui se "taille"... Graine qui, une fois objec-
tivée, permettrait la génération de I'or.
Après avoir tant parlé du "Spiritus Mundi", ferment au sein
des eaux primordiales, rare catalyseur que I'on prétend capturer
au moyen d'une préparation adéquate de la couche minérale,

137
tout le travail se manifeste comme une bataille obstinée, déses-
p#e et hétérodoxe, purement chimique qui attend, à I'encontre
des postulats de cette science, un comportement schizophré-
nique de la Nature, laquelle déposerait tous les mille ans, dans
ses filets, I'authentique filon. Simple chimie qui se situe pour-
tant en marge et au-dessus de la chimie, tout en se rattachant
biologiquement à la chimie... où voyons-nous, dans tout cela, le
moindre petit coup de burin sur le granit humain ?
Nous ne disons pourtant pas que le pontife, et d'autres pa-
triarches, ne courtisent avidement que I'or. Ce qui nous impor-
tune chez lui c'est la manie grussetienne (qui est, effectivement,
inépuisable) et la profanation abusive de l'idée sacrée qui fut le
ciment même de la cathédrale, maison de Dieu. Sa prétention
de monopole de I'esprit nous importune aussi. Ceci autant que
I'abondance de notre reconnaissance envers celui qui réchauffa
si souvent notre cæur juvénile par la magie de ses écrits.
On nous le dit clairement : le fait d'accéder à I'or suppose la
certitude que nous en sornmes déjà à la Pierre, que l'élixir est
très proche, fin de la quête eI de la demande. Que faire avec
l'Elixir ? Fondamentalement, on se tait, ou encore pire, on
s'ajoute aux rangs de ces théosophes auxquels nous faisions
allusion dans le premier paragraphe.
Un seul pas de plus et nous en déduirons que I Elixir de
-
même que la Pierre transmutatoire qui dissout son "obscurité"
dans les métaux pour les conduire à leur manifestation en or
dissoudra ce gluten (effet du pêché) dans le sang de I'homme -
qui se verra ainsi radicalement Égénéré. L'homme, pierre
brute, est immédiatement métamorphosé en pierre cubique, par
une guérison instantanée et miraculeuse.
Le lecteur ne doutera pas que celle-ci soit la vision matéria-
liste (dans son sens négatif) que nous recevons de I'Alchimie et
que c'est I'histoire qu'on nous raconte sur Fulcanelli. Nous
pourrions ainsi, éclairés par cette compréhension, ré-écrire la
biographie de Fulcanelli de la façon süvante : "Il était une fois

138
un monsieur comme vous, ooûrmc mi, maig qui par contre
passa trente ans à écraser le fer et Ïantimoine, chose que nous
ne faisons pas. Un jour il obtint la Pierrc qui, dissoute dans du
Bordeaux, donna I'Elixir. Il était coûune vous, cofirme moi, et
du jour au lendemain il fut "régéffi"... Autrement dit, I'Elixir
dissoudrait Ie gluten du sang comme on dissout les calculs
biliaires...
Il n'y aurait pas à cela d'inconvénient insurpassable si I'effet
de la Chute (qui est la chute de I'homme dans la matière, où
nous sommes) qui fit de ce corps de gloire, ce corps de chair,
avait aussi rendu charnels notre âme et notre esprit, qui ont seu-
lement été obscurcis par la Chute. Le corps de gloire se fit chair,
l'esprit est seulement (pas plus, pas moins) assombri ontique-
ment. Régénérer I'homme demanderait le redressement radical
de sa nature trine, diüne thaumaturgie dont la composante essen-
tielle ne sera pas le "supplément" (récupérer le corps de gloire),
mais le nettoyage de notre æil, c'est-à-dire, de notre esprit... Et
si le corps de gloire est un étatpost-mortem,l'espit illuminé est
un don que I'homme peut aussi recevoir durant sa vie.
Faisons-nous bien comprendre : nous ne serons pas contredit
par I'adage alchimique qui affirme que les corps n'ont de pou-
voir que sur les corps, et les esprits sur les esprits. L'Alchimie
est donc quelque chose de plus que de trouver l"'humide" pour
dissoudre le gluten sec. La tâche essentielle que I'on doit donc
entreprendre est toujours d'un autne ordre, non étranger à I'en-
seignement dont se nourrit le chrétien fidèle, car c'est un ordre
eucharistique.
Voyons comment il se fait qu'un de ces théosophes d'alchi-
mie rosicrucienne, un des moins suspects, Carl von Eckart-
shausen dise : "la Régénération est une dissolution et un déta-
chement de cette matière brute et comrptible qui enchaîne notre
être immortel..." il ajoute : "la renaissance est triple : en pre-
mier lieu, la renaissance de notre raison, en deuxième, celle de
notre cæur et de notre volonté, et enfin, la renaissance de tout

139
notre être. La première et la seconde sont appelées renaissance
spirituelle, et la troisième, renaissance corporelle. Beaucoup
d'hommes pieux qui cherchent Dieu ont été régénérés en esprit
et en volonté, mais peu ont conrut la renaissance corporelle."
Alors ? N'est-on pas en train de privilégier inconsidérément
l'idée de la renaissance corporelle, qui n'est possible qu'après la
palme de la mort ? Nous avons déjà dit que le corps de gloire
est un étatpost-mortem. On ignore que le décret de Dieu est im-
muable et qu'il a condamné I'homme à mort... Nous parlions,
quant à Fulcanelli, d'un état de prolongement de la vie avec (si
I'on veut) une "renaissance corporelle", et non de la violation
de ce décret divin voulue par I'homme rebelle, qui s'écrase
contre le mur. Moi non plus, je ne veux pas mourir et je me
moque des renaissances corporelles qui débouchent sur la mort.
L'espoir se trouve ailleurs...
Dans ces airs-là circule ce que nous avons appelé le "ponti-
ficat", qui ne sait rien (encore merci si on ne le transforrne pas
en phénomène alchimique) de celui qui constitue les prémices
de ceux qui sont re-nés... Nous attendions du pontificat le pai-
sible déploiement éclaircissant des fruits nourriciers de Ful-
canelli, sa substance mellifique, et non ces chardons et ces
ronces, non cet anroindrissement de I'Art.
Nous, qui sommes un élève ignare et paresseux, pêcheur
abondant et moins doué qu'Alleau, Husson ou Canseliet,
devons affirmer avec fatigue que I'Alchimie est un art et une
science traditionnels qui, de même que toutes les autres
sciences de caractère identique, veut recréer à l'échelle humaine
(dans la vocation même de I'homme, jardinier de la Création)
les fruits de la doctrine, reflet premier de Dieu. Science tradi-
tionnelle qui trouve sa nourriture philosophique dans la méta-
physique, et pas exclusivement dans I'observation de la Nature,
puisqu'elle obéit à la métaphysique.
L'Alchimie n'est donc pas la Musique, reliée à I'harmonie des
planètes surgies d'un son généraæur et de la parole ; elle n'est

t40
pas I'Astrologie, reliée aux hié,rarchies angéliques et leurs
Ordres ; ce n'est pas la Geognphie qui est reliee au trône de
Dieu et à son emplacement ; ce nbs pas la Physique qui entend
des équilibres entre les forces cournre la Médecine le fait enre
les organes de I'homme ; ce n'est pas lTlistoire qui, en vérité,
est reliée à I'immuabilité des secrets divins...
L'Alchimie est une science traditionnelle des changements et
des mutations, de mort et de résurrection. Ces changements
sont la figure de la mort et de la Ésurrection qui est I'image du
monde à venir. L'Alchimie n'ignorera pas le fait universel et
omniprésent de la mort.
L'Alchimie sera perplexe, stupéfaite, en sachant que la mort
est vaincue, car il est un homme qui mourut et qui ressuscita
par son propre pouvoir. Ce n'est pas Lazare qui mourut aussi et
qui, grâce au pouvoir de Dieu, revint pour un temps à la vie...
C'est un homme comme vous et moi qui ressuscita par son
propre pouvoir et qui est donc vivant (si l'on peut s'exprimer
ainsi) : c'est pour cela qu'ilest "le vivant", les "prémices des re-
nés". (1)
Ce postulat est une réalité, appartenant à son programme
d'études, et il faut nécessairement le prendre en compte quand
il s'agit d'Alchimie. Postulat qui considère que le fait de viwe
indéfiniment immergés dans cette dimension temporelle, serait
de ne pas sortir des enfers de la Chute, dont la porte d'émer-
gence, la sortie, sont la mort et la comrptibilité d'un "gluten"
que nous voyons maintenant comme la chair même et le tout
corporel de I'homme.
Nous atteignons ici le point doctrinal dont se nourrit I'Alchi-
mie qui est, métaphysiquement, la science la plus petite puis-
qu'elle ne s'occupe que de ce que nous pourrions appeler la "pé-
riphérie" du Principe, elle se répand dans les individualités qui
sont en quête de réintégration.
L'Alchimie est par conséquent une science intérieure à notre
cæur, qui ne s'écarte pas de la Nature qu'elIe entraîna dans sa

741
Chute et qu'elle relèvera avec son propre redressement. Ceci est
sûr et certain, car il y eut un premier-né qui chuta. Mais il surgit
aussi parmi les hommes nés, un premier-né, homme véritable
qui vaincut Ia mort. La loi de la Nature est que 1a mort est
vaincue.
Elle est donc remboursée, la dette que l'homme contracta
avec la tache d'ombre dont il couvrit la Création, donnant ainsi
naissance au temps et à I'Histoire.
Le "vivant" est l'élixir qui récupère tout. Une fois la mort
vaincue, I'Histoire et le temps sont terminés. L'écroulement des
temps, I'opacité dense et I'aveuglement spirituel dans lesquels
I'homme est de plus en plus enfoncé, ne peuvent-être que les
symptômes mystérieux de la mort de la Mort.
Qu'en est-il donc de l'Alchimie depuis le moment zéro de la
rédemption du lignage humain ? N'oublions pas que f immense
majorité des traités hermétiques qui nous sont parvenus sont
postérieurs à ce vendredi où fut érigé I'Arbre de Vie sur le Gol-
gotha, ce qui est déjà, macrocosmiquement, la perfection de
I'Guwe au Rouge.
Pendant que la mort universelle meurt, qu'est-ce qui sera plus
digne et conseillable pour I'homme ? En tout cas, panser les
blessures, s'unir à l'æuwe de guérison.
Pour cela seront utiles : l'æuvre métallique qui accélère le
temps du métal et la voie de la spagyrie, ou des quintessences
végétales. Notre pharmacopée de mode temporel en est la
figure, puisque la mort de la Mort passe inévitablement par
I'acte de mourir.
Nous n'avons donné que des clefs, car nous ne proposons pas
ici un traité d'Alchimie, ce qui demanderait des efforts très dif-
férents pour démontrer comment notre Science, par sa qualité
spécifique qui la différencie des autres sciences taditionnelles,
à partir des postulats que nous avons éclairés, met en action la
nature trine de I'homme et le monde créé qui I'entoure, dans le
même espoir que tous appellenr

142
Avec cet éclairage, nous rcviendrons à notre Incipit. Nous n'y
montrions aucune envie paniculiè,re de conæmpler les années
de I'Adepte, leur prolongement et son excès de vie. Nous di-
sions alors que les années de lhomme ordinaire sont parfaites,
car elles continuent d'être un temps sacré, à travers toutes les
brumes et ténèbres, un temps pour la qualification de leur être
pour la pesée finale des âmes.
En ce temps, nous pouvons suffisamment appréhender les
fils providentiels qui guident nos pas, qui humilient continuel-
lement notre superbe. Car une seule chose nous sauve : vivre et
savoir que par nous-mêmes nous ne sommes rien d'autre que
zéro.Et I'Adepte Fulcanelli ? Pourquoi nous immiscer dans le
pourquoi ou le comment du prolongement de sa vie ? L'Al-
chimie est, sans doute, une science traditionnelle qui, dans le
contexte où nous l'avons définie, permet ces résultats qui sont
cornme une figure de la mort et la résurrection de notre avenir.
L'Adepte aura un certain rôle d'intermédiaire entre les
mondes visibles et invisibles. Un rôle de propagateur des vé-
rités essentielles (qu'il apprit par I'ascèse la plus pure) parmi les
générations, tandis qu'il attend la destinée coûlmune d'abord
parcourue par le premier re-né.

r43
Explicit

Le Grand (Euvre selon le


" Le Mystère des Cathédrales"

ous atteignons ici la partie noble et fondamentale de notre


travail, celle qui, du moins, le justifie entièrement à nos
yeux. Jusqu'ici nous n'avons demandé au lecteur qu'une simple
attention dans note désir de I'attirer vers la Philosophie. Main-
tenant, I'exigence se posera en d'autres termes. Il s'agit de solli-
citer toutes les facultés intellectuelles dont on dispose, toute
I'intuition et la grâce nécessaires pour "lire droit les lignes
tordues". La partie noble, disions-nous en vérité, puisque nous y
cédons la parole au philosophe dispanr à nos yeux, chercheur du
Nord de l'Etoile Polaire, qui aimait le Sud des pays. Nous
déduisons, en effet" que si son berceau fut la Provence, sa des-
tinée dAdepte le conduisit à se manifester en Al-Andalus. Il rend
ainsi un hommage symbolique au soleil de son pseudonyme.

L45
Nous ne cacherons pas que I'opportunité de notre travail nous
a rempli de doutes, que le risque d'un ridicule indéfinissable,
nous a effrayé : d'autres informations peuvent surgir qui contre-
diront nos paroles. Nous pourrions craindre d'être sanctionné
par ces nouvelles, si ce n'était par notre sincérité etbonafide,la
bonne finalité que nous poursuivons et le rejet des égoïsmes.
Mais voilà, nous devions arriver au point où nous nous
trouvons, et cela nous sécurise. Nous quittons les sables mou-
vants sans y laisser de gfandes traces, et nous cédons tout de
suite la parole : la parole s'ouwe à nous et nous parle.
L'histoire de I'Alchimie, la doctrine, transparait au cours des
siècles comme une ascension permanente vers une plus grande
clané de ses traités. Exemplairement, ce mouvement est l'in-
verse du croissant aveuglement spirituel. On peut penser, en
conséquence, qu'aujourd'hui comme hier, les livres de I'Art conti-
nuent d'être protégés par le sceau hermétique. Autrefois, par sa
cabale impénétrable, aujourd'hui, par I'opacité intellectuelle.
Nous donnerons un exemple de ce mouvement ascendant :
nous estimons que les "Fulcanelli" sont une glose de l'æuwe de
Limojon de St Didier (en même temps qu'ils répondent à l'évi-
dence opératoire, aux manifestations dans le vase de notre
Adepte). C'est pourtant Fulcanelli qui nous aide à percer les
mystères de Limojon. Nous le lisons à travers Fulcanelli.
Ici, nous nous incluons maintenant dans ce contexte épipha-
nique. Nous serons plus généreux que dans notre æuwe anté-
rieure, publiée en 1986 mais écrite en 1978 avec un autre destin
que celui qu'elle trouva, aussi bien en "réordonnant" Le Mys-
tère des Cathédrales qu'avec les observations qui seront de
notre ressort. Notre intention est donc de décrire le Grand
(Euwe de la Nature, dans son propre ordre, au moyen de l'élé-
gance dispensée par l'Adepte, qui dépasse de beaucoup notre
ignorance et notre maladresse.
Parlant du sujet réincrudé, Fulcanelli dit : "c'est le grand
mystère que nous avons fréquemment touché au cours de cette

t46
étude, en le morcelant au hosard dcs emblèmes, afi.n que, seul,
I'investigateur perspicace puisse en connaître les qualités et en
identifier la substance (M.C., page 167)". C'est le thème
constant et avoué de Fulcanelli, morceler chaque phrase de
l'(Euvre et en éparpiller les morceaux dans le texte, enveloppés
par des artifices et par le charme de la prose. Nous ne parlons
pas à la légère : notre première difficulté fut de rompre I'ensor-
cellement qui subjugue, bâti avec des beautés inattendues et
une érudition "différente". Notre travail a été de dépasser cela
et de recomposer le pvzzle. L'ayant en tête, le fruit et le plaisir
sont de relire l'æuwe conformément à la pagination de la série
numérique, et comprendre, par un éclairage nouveau, le mes-
sage mémorable.
Le fait que Fulcanelli soit 'Jaloux" sans être jamais menteur,
joue à notre avantage. Jamais menteur, et ceci est nouveau. Le
moment venu, il se tait. Il faut I'admirer et se demander ce qu'il
tait. Pratiquement (ce qui signifie : "pour la pratique") il décrit
ici ou là, chaque technique de son æuvre et ce qui doit être
observé.
Quant à nous, plus 'Jaloux" que nous ne voudrions l'être, ou
plus avare de notre travail ardu, nous ne sommes pas différent :
et nous nous taisons. Mais notre silence est seulement d'avoir
limité la publication de notre "mise en ordre" au "Mystère des
Cathédrales", sans l'étendre (ce qui est impératif) aux "De-
meures Philosoplnles". Sachons que ce dernier estle compen-
diwn,l'æuwe maîtresse que le premier liwe promettait. Mais
cette omission d'æuwer nous rend "charitables". Nous I'enten-
dons ainsi, et si la fortune sourit au lecteur aimable, lui aussi
I'entendra ainsi.
Car le lecteur est comme nous : paresseux et maladroit ; le
conseil dévalué "Les leçons ne s'apprennent qu'à coups de
bâton" peut lui être appliqué. L'esprit apprend utilement par les
sueurs du corps, sans que cela change si nous lui procurons
I'aliment prédigéré. L'étudiant sérieux devra donc compléter et
parfaire un travail identique avec I*s Demeures Philosophales,
pour obtenir un tout. Il n'y a pas d'autre chemin possible.

147
Grâce à ce que nous offrons, qui se limite répétons-
nous
-
au "Mystère des Cathédrales, on doit considérer que ce
- attribué à I'un des trois (Euwes qui composent la Philo-
qui est
sophie, peut être analogiquement valable "mutatis mutandi"
pour les deux autres. Il ne faut surtout pas oublier cela. Ainsi,
lorsque dans certains cas nous situons le texte offert par Ful-
canelli à un endroit précis de notre travail (alors qu'appa-
remment il semblerait plus approprié de le faire à un autre
endroit) c'est dû à ce qu'il contient quelque indication particu-
lière, indispensable pour la compréhension de I'endroit de
I'Guwe où nous en situons le contexte. N'oublions pas que
l'(Euwe est semblable à un système de boîtes chinoises entre
lesquelles il y a une loi de similitude. Les choses sont telles,
qublles pennettent de se référcr à un travail concret, mais en
introduisant valablement des éléments qui s'appliquent au
travail suivant. Confusion dans la confusion !
Que personne ne s'effraye, puisque la difficulté principale est
I'absence de difficulté. Seulement est cher ce qui est gratuit. Le
"don de Dieu" dispersé à I'infini parmi la poussière, et à portée
de la main, est la marchandise la plus coûteuse. S'incliner est
fatiguant !
Dans ce rôle de glossateur que nous nous attribuons hardi-
ment, nous cornmencerons par dire que le Grand Guwe se réa-
lise, et la Pierre s'obtient au moyen de trois æuwes mineurs :
I'obtention du Mercure animé, terme que Fulcanelli emprunte à
Limojon St Didier est le premier æuvre. Lbbtention du Mer-
cure philosophal, ou Soufre, ou Rebis, est le second æuvre. Sa
cuisson postérieure jusqu'à I'obtention de la Pierre, est le troi-
sième æuvre. Il ne reste plus que la spécification et la
multiplication.
Tout réside dans I'obtention d'un Mercure par llaccouplement
du mâle avec sa femelle. Mercure qui doit se transformer à son
tour par un nouvel accouplement avec le mâle. Le fils est ainsi
incestueux, un vieillard célèbre ses noces avec une jeune fille.

148
La leçon sera, qu'il y a deux Mercures qui n'en sont qu'un. Il
faut cuire celui-ci. C'est un corps de sueu...
Les textes de Fulcanelli que nous pÉsentons sont extraits de
notre exemplaire : "Fulcanelli Iz Mystère des Cathédrales
-
et l'interprétation ésotérique des symboles hermétiques du
grand Gu,ÿre. Troisièrne édition augmcntée, avec trois préfaces
de Eugène Canseliet, F.C.H., quaronte-neuf illustrations
photographiqucs nouvelles, la plupart de Pierre Jahan, et un
frontispice de lulien Clnmpagne. A Paris, chez Jean-lacqucs
Pauvert (1964)".
Le lecteur comprendra que nous ne prétendons pas en faire
I'exégèse, ce dont nous serions incapables. Notre rôle ne sera
donc pas de commenter le texte, mais de le remettre en ordre
avec le critère déjà annoncé et ensuite, de vous le présenter.
Notre commentaire se réduira à sa moindre expression, juste
pour fermer I'hiatus entre chaque paragmphe sélectionné, dont
I'ensemble épuise le traité que nous affrontons.
La première chose qui nous est enseignée, c'est ce qu'est
cette Science, les "conditions" à respecter et les "influences" à
obtenir:
"Et si I'on désire avoir quelque idée de la science secrète, que
I'on reporte sa pensée sur le travail de I'agriculteur et sur celui
du microbiologiste, car le nôtre est placé sous la dépendance de
"conditions" analogues. Or, de même que la nature donna au
cultivateur la terre et le grain, au microbiologiste I'agar-agar et
la spore, de même elle fournit à I'alchimiste le terrain métal-
lique propre et la semence convenable. Si toutes les "circons-
tances" favorables à la marche régulière de cette culture spé-
ciale sont rigoureusement observées, la récolte ne pourra
qu'être abondante...
En résumé, la science alchimique, d'une extrême simplicité
dans ses matériaux et dans sa formule, reste cependant la plus
ingrate, la plus obscure de toutes, eu égard à la connaissance
exacte des conditiôns requises, des "'influences" exigées. C'est
là qu'est son côté mystérieux..."

t49
Exceptionnellement (affichant notre inconséquence), la
citation précédente appartient a\x "Demeures P hilosophales".
Enfin, dans les conditions qui ont été insinuées, on doit savoir
que I'Alchimie se pratique la nuit :
"C'est donc une chose qui "naît la nuit", a besoin de la nuit
pour se développer et ne se peut travailler que la nuit. (...)
Quelle est donc la condition primordiale, essentielle, pour
qu'une génération quelconque puisse être manifestée ? Nous
répondrons pour vous : "l'absence totale de toute lumière
solaire", même diffuse ou tamisée. Regardez autour de vous,
interrogez votre propre nature. Ne voyez-vous pas que chez
I'homme et les animaux, la "fécondation" et la "génération"
s'opèrent, grâce à certaine disposition des organes, dans une
"obscurité complète", maintenue jusqu'au jour de la nais-
sance ? (...) On sait assez que la production de l'image photo-
graphique est basée sur la propriété que possèdent les sels d'ar-
gent de se "décomposer" à la lumière. Ces sels reprennent donc
leur état métallique ine,rte, tandis qu'ils avaient acquis, au labo-
ratoire noir, une qualité active, vivante et sensible".I* Mystère
des CatMdrales @orénavant: "M.C.") pages 17l.172.173.
La lune est la dame de la nuit :
"Pour les alchimistes, les esprits sont des "'influences
réelles", quoique physiquement presque immatérielles ou im-
pondérables. Ils agissent d'une manière mystérieuse, inexpli-
cable, inconnaissable mais efficace, sur les substances soumises
à leur action et préparées pou les recevoir. Le rayonnement lu-
naire est I'un de ces esprits hermétiques."
Ces conditions rendent possible I'Guwe qui est disions-
nous précédemment
-
une opération renouvelée qui se sub-
divise en trois æuvres
- philosophiques.
"Nous découvrons déjà, grâce à cetæ disposition simple, une
indication précieuse, celle des trois répétitions d'une seule et
même technique voilée sous la mystérieuse expression RERE,
RER. Or, les trois grenades ignées du fronton confirment cette

150
triple action d'un unique præédé, et, crxnne elles représentent
le feu corporifié dans ce sel rrouge qu'cst le Soufre philosophal,
nous comprendrons aisément qu'il faille Éitérer trois fois la
calcination de ce corps pour réaliser les trois Guvres philoso-
phiques, selon la doctrine de Geber. I-a première opération
conduit d'abord au Soufre, ou médecine de premier ordre ; la
seconde opération, absolument semblable à la première, foumit
I'Elixir, ou médecine du second ordre, lequel n'est différent du
Soufre qu'en qualité et non pas en nature ; enfin, la tnoisième
opération, exécutée corrme les deux premières donne la Pierre
Philosophale, médecine du troisième ordre, laquelle contient
toutes les vertus, qualités et perfections du Soufre et de I'Elixir
multipliées en puissance et en étendue" M.C., page 203.
Voici un résumé du Grand (Euvre, dont nous retiendrons qu'il
faut répéter trois fois la même opération. Pour que chacun
prospère, nous aurons encore besoin du "Spiritus Mundi",
véritable agent de la Nature, accordé gratuitement :
"...1a condensation de I'Esprit Universel, lequel forme, aussi-
tôt matérialisé, le fameux "Bain des astres" où le soleil et la
lune chimiques doivent se baigner, changer de nature et se
rajeunir. (...) Sans entner par le menu dans la technique opéra-
toire, ce qu'aucun auteur n'a osé faire nous dirons cepen-
- -
dant que lEsprit universel, corporifié dans les minéraux sous le
nom alchimique de Soufre, constitue le principe et I'agent
efficace de toutes les teintures métalliques. Mais on ne peut
obtenir cet Esprit, ce sang rouge des enfants qu'en décomposant
ce que la Nature avait d'abord assemblé en eux. Il est donc né-
cessaire que le co{ps gÉrisse, qu'il soit crucifié et qu'il meure si
I'on veut extraire l'âme, üe métallique et Rosée céleste, qu'il
tenait enfermée. Et cette quintessence, transfusée dans un corps
pur, fixe, parfaitement digérée, donnera naissance à une nouvelle
créature, plus resplendissante qu'aucune de celles dont elle
provient. Les corps n'ont point d'action les uns sur les autres ;
I'Espilt, seul, est actif et agissanl.." M.C. pages 137. 138.

151
En vérité, cet agent a pour emblème la rosée, qui est figure
du Soufre qui va rÉincmder le sujet minéral pendant les nuits
de printemps.
"C'est pourquoi les Sages, sachant que le sang minéral dont
ils avaient besoin pour animer le corps fixe et inerte de I'or
n'était qu'une condensation de l'Esprit universel, âme de toute
chose ; que cette condensation sous la forme humide, capable
de pénétrer et rendre végétatifs les mixtes sublunaires, ne
s'accomplissait que la nuit, à la faveur des ténèbres, du ciel pur
et de I'air calme (...), au printemps terrestre, les Sages, pour ces
raisons combinées, lui donnèrent le nom de "Rosée de Mai"...
Nous voudrions pouvoir en dire davantage sur ce sujet d'ex-
trême importance et montrer comment la Rosée de Mai ("Mai:a"
était mère d'Hermès), humidité vivifiante du mois de
"Marie", la Vierge mère, - sr91g2i1 aisément d'un corps parti-
-
culier, abject et méprisé, dont nous avons déjà décrit les carac-
téristiques, sIl n'était des bornes infranchissables... Nous tou-
chons au plus haut secret de l'(Euwe et désirons tenir notre
serment. C'est là leVerbun dimissurn..." M.C. pages 138. 139.
Comme pour aller à Rome, on accède à Dame Alchimie par
différents chemins. Selon des auteurs renommés, trois voies
sont utiles : la voie humide, la sèche, et la voie brève :
"Peu d'alchimistes consentent à admettre la possibilité de
deux voies, I'une courte et facile, nommée voie sèche, I'autre
plus longue et plus ingrate, dite voie humide (...). Pernety
refuse de croire à cette duplicité de moyens, tandis que Hugi-
nus à Barma affirme, au conüaire, que les maîtres anciens, les
Geber, les Lulle, les Paracelse, avaient chacun un procédé qui
leur était propre (...). Dans celle-ci, il faut "cuire le Sel céleste,
qui est le Mercure des Philosophes, avec un corps métallique
terrestre, dans un creuset et à feu nu, pendant quatre jours".
M.C. pages 14A. 14L.
Mais le symbolisme des voies peut occulter la réalité opéra-
toire d'une voie mixte. Fulcanelli nous le dit habilement :

152
"Il leur faut accomplir (aux alchimistes), avec le bourdon
pour guide et la mérelle pour enscignc, ce long et dangereux
parcours dont une moitié est terrestre et I'autre maritime.
Pèlerins d'abord, pilotes ensuite..." M.C. page 179.
L'æuvre constitue un défilé multicolore. Il passe, de la
manière la plus canonique (dans n'importe quelle voie) par trois
phrases : l'æuvre au noir (cela a lieu pour le l-, 2û et 3e
æuwe), l'æuwe au blanc (2d æuwe) et l'æuvre au rouge (3t-
æuwe). Mais les choses ne sont pas si évidentes :
"Peu de Philosophes ont osé s'aventurer sur ce terrain
glissant. Etteilla, en nous signalant un tableau hermétique qu'il
aurait eu en sa possession, nous a conservé quelques légendes
placées au-dessous ; parmi celles-ci, on lit, non sans surprise,
ce conseil digne d'être suivi : "Ne vous en rapponez pas trop à
la couleur." Qu'est-ce à dire ? Les vieux auteurs, de propos
délibéré, auraient-ils trompé leurs lecteurs ? Et quelle indi-
cation les disciples d'Hermès devraient-ils substituer aux cou-
leurs défaillantes pour reconnaître et suiwe la voie droite ?
Cherchez, frères, sans vous rebuter, car ici comme en
d'autres points obscurs il vous faut faire un gros effort." M.C.
pages 111. 112.
Avant d'entreprendre le grand pèlerinage nous devrons
connaître les poids à soupeser : quel est le "poids de la Nature".
Pour la citation suivante, deux applications sont possibles.
L'une, immédiate, c'est qu'il correspondra un poids de Soufre
pour deux de Mercure. Mais il y a un sens plus secret : "bailler
un cygne blanc à I'homme double igné" n'est autre chose que la
double conjonction nécessaire (et non un double poids) du Mer-
cure avec le Soufre. Le Soufre est le vieillard qui, marié,
commet I'inceste avec sa fille :
"Tous les Philosophes n'ont guère été prolixes sur le secret
des poids. Basile Valentin s'est contenté de dire qu'il fallait
"bailler un cygne blanc à l'homme double iglté", ce qui corres-
pondrait au Sigillurn Sapientwn dlluginus à Barma, où I'artiste

153
tient une balance dont un plateau entraîne l'autre selon le
rapport apparent de deux à un." M.C. page 125.
L'un des deux conjoints est le Soufre, qui porte en lui I'or, en
germe. A cause de cela, il a comme emblème Saint Christophe,
dont le nom primiûf "Offerus" est I'anagramme parfait de
"Souffre". Saint Christophe qui porte sur ses épaules I'Enfant
divin.
"Saint Christophe, dont Jacques de Voragine nous révèle le
nom primitif : Offerw, signifie, pour la rnasse, celui "qui porte
le Christ" (du grec "Christophore" ; mais la cabale phonétique
découwe un autre sens, adéquat et conforme à la doctrine her-
métique. Christophe est mis pour "Chrysophe" : qui porte I'or
(gr. "crisophore"). Dès lors, on comprend mieux la haute im-
portance du symbole, si parlant, de Saint Christophe. C'est
I'hiéroglyphe du Soufre solaire (Jésus), ou de l'or naissant,
élevé sur les ondes m-ercurielles et porté ensuite, par l'énergie
propre de ce Mercure, au degré de puissance que possède
I'Elixir." M.C. page 84.
Le lecteur avisé aura remarqué comment les traités nous
enveloppent dans une authentique séduction, lorsqu'ils nous
insinuent continuellement, et sans résistance possible, que "le
tout" est d'obtenir le Mercure Philosophal. Comprenons main-
tenant, voyant le résultat final auquel on aspire, que le Soufre
est en vérité la matière proche de l'(Euwe. Cela nous rappelle
que nous allons un peu vite, sans avoir parlé de la "matière
lointaine" plus vulgairement - matière première. Le
novice est toujours passionné par son identification positive.
Nous devons lui assurer, avec une sincérité totale, que la
"matière" est celle qui s'adapte le mieux à la "voie" que I'on
prétend suivre. Il est donc facile d'identifier celle dont il a
besoin, et n'importe quel taité de chimie minérale peut lui être
utile. Nous avons déjà assué, avec force, que I'arcane (si on
veut I'appeler ainsi) est ailleurs. Voyons pour la matière :
"Alchimiquement, la matière première, celle que I'artiste doit
élirre pour commencer l'(Euwe, est dénommée "Miroir de I'Art".

154
"Communément entre les Philosqhes, dit Moras de Respour,
elle est entendue par le "Miroir dc l'Art", parce que c'est princi-
palement par elle que I'on a appris la oomposition des métaux
dans les veines de la terre... Aussi est-il dit que la seule indi-
cation de nature nous peut instmire." M.C. page 124.
Cette matière, sujet initial et chaos des sages, a été désignée
de multiples façons, en regard de I'une ou I'autre de ses qua-
lités. Mais la principale est sans doute celle de son pouvoir
d'attraction envers le Soufre qu'elle est appelée à couver dans
son sein :
"Ici, la vérité apparaît voilée sous deux images distinctes,
celle du chêne et celle du bélier, lesquelles ne représentent,
cornme nous venons de le dire, qu'une même chose sous deux
aspects différents. En effet, le chêne a toujours été pris, par les
vieux auteurs, pour désigner le nom vulgaire du sujet initial, tel
qu'on le rencontre dans la mine. Et c'est par un à-peu-près, dont
l'équivalent répond au "chêne", que les Philosophes nous ren-
seignent sur cette matière. La phrase dont nous nous servons
peut sembler équivoque (...). Personne n'ignore que le chêne
porte souvent sur ses feuilles de petites excroissances rondes et
rugueuses, parfois percées d'un trou, appelées noix de "galle"
(lat."galla"). Or, si nous rapprochons trois mots de la même
famille latine : "galla", "Gallia", "gallus", nous obtenons
"galle", "Gaule", "coq". Iæ coq est I'emblème de Ia Gaule et
I'attribut de Mercure (...). n n'y a plus qu'un pas à faire pour
découwir ce que les maîtres de I'Art ont caché avec tant de
soin. Poursuivons. Non seulement le chêne fournit la "galle",
mais il donne encore le "Kermès", qui a, dans la Gaye Science,
la même signification que "Hermès" (...). Toutefois, tandis que
la "galle" donne le nom de la matière mercurielle brute, le
kermès (en arabe "girmiz", "qui teint en écarlate") caractérise la
substance preparée (...). Quant au sujet grossier de l'(Euwe, les
uns le noûrment "Magnesia lunarii" ; d'autnes, plus sincères I'ap-
pellent "Plomb des Sages", "Satumie végétable". Philalèthe,

155
Basile Valentin, le Cosmopolite le disent "Fils" ou "Enfant de
Saturne". Dans ces dénominations diverses, ils envisagent
tantôt sa propriété aimantine et attractive du Soufre, tantôt sa
qualité fusible, sa liquéfaction aisée. Pour tous, c'est la "Terre
sainte" ("Terra sancta") ; enfin, ce minéral a pour hiéroglyphe
céleste le signe astronomique du Bélier (Aries). "Gala", en
grec, signifie "lait", et le Mercure est encore appelé "Lait de
Vierge (lac virginis)". Si donc, frères, vous faites attention a ce
que nous avons dit de la "galette des Rois" (1), et si vous savez
pourquoi les Egyptiens avaient divinisé le chat, vous n'aurez
plus lieu de douter du sujet qu'il vous faut choisir ; son nom
vulgaire vous sera nettement connu. Vous posséderez alors ce
"Chaos des Sages"...". M.C. pages 195.196.197.
Le sujet minéral proche, matière de l'(Euvre, doit être
fécondé par son Soufre. Pour cela" le Fer représenté par Mars,
lui sera utile.
"C'est ce qui a lieu avec le fer et I'or, lesquels sont liés par
une étroite affinité ; quand les prospecteurs mexicains viennent
à découvrir une terre sablonneuse très rouge, composée en
majorité de fer oxydé, ils en concluent que I'or n'est pas loin.
Aussi, considèrent-ils cette terre rouge comme la minière et la
mère de I'or, et le meilleur indice d'un filon proche. Le fait
semble pourtant assez singulier, étant donné les différences
physiques de ces métaux."
A I'intérieur de nore théâtre chimique, Fulcanelli nous a déjà
présenté les protagonistes de l'(Euwe et les Conditions géné-
rales. Les premiers doivent retrouver la vigueur et le pouvoir
d'attraction qu'ils avaient au sein de leur mine, lorsqu'ils étaient
encore jeunes et crus. Observons en plus, que nous disons "cru"
pour "l'huile de pierre" ou "péEole"...
Comment réincruder ? Nous dirons que nous réincrudons la
femme, nous la rendons fertile, grâæ à la semence de I'homme...
"A droite du porche, le septième médaillon nous montre un
vieillard prêt à franchir le seuil du "Palais mystérieux". Il vient

156
d'arracher le vélum qui en dérobait lbntr,ée aux regards pro-
fanes. C'est le premier pas accoryli dans la pratique, la décou-
verte de I'agent capable d'opérer la réduction du corps fixe, de
le "réincruder", selon I'exprcssion r€çue, en une forme analogue
à celle de sa prime substance. Lcs alchimistes font allusion à
cette opération lorsqu'ils parlent de "réanimer les corporifi-
cations", c'est-à-dire de rendre üvants les métaux morts. C'est
l'Entrée au Palais fermé du Roy, de Philalèthe... Le vieillard
n'est autre que notre Mercure, agent secret... Quant au Palais, il
représente I'or vif, ou philosophique, or vil, méprisé de
fignorant, et caché sous des haillons qui le dérobent aux yeux,
bien qu'il soit fort précieux à celui qui en connaît la valeur."
M.C. page 129.
Par "réincruder" nous entendons aussi "végétaliser" les deux
sujets qui arrivent, normalement dans nos mains, à l'état
"fossilisé" ou "minéralisé" dans le sens vulgaire.
"Ce sujet se rappofte aux matières premières du grand Art,
planètes métalliques dont le feu, nous disent les Philosophes, à
causé la mort, et que la fusion a rendues inertes, sans pouvoir
végétatif, comme les arbres Ie sont pendant I'hivei. C'est pour-
quoi les Maîtres nous ont tant de fois recommandé de les "réin-
cruder" en leur fournissant, avec la forme fluide, I'agent propre
qu'elles ont perdu dans la réduction métallurgique. Mais où
trouver cet agent ? C'est le grand mystère que nous avons fié-
quemment touché au cours de cette étude, en le morcelant au
hasard des emblèmes, afin que, seul, I'investigateur perspicace
puisse en connaître les qualités et en identifier la substance."
M.C. page 167.
Une fois réinqudée, la matière retrouve sa possibilité mercu-
rienne. Cette excitation, qui la remue, la renouvelle, qui ouwe
tous ses pores, la transforme en source de I'eau.
"I-e maître anonyme qui sculpta les médaillons du porche de
la Vierge-Mère a très curieusement interprété la condensation
de lEsprit universel ; un Adepte contemple le flot de la "rosée

t57
céleste" tombant sur une rnasse que nombre d'auteurs ont prise
pour une toison. Sans infirmer cette opinion, il est tout aussi
vraisemblable d'y soupçonner un corps différent, tel que le mi-
néral désigné sous le nom de "Magnésie" ou d"'Aimant" philo-
sophique. On remarquera que cette eau ne tombe pas ailleurs
que sur le sujet considéré, ce qui confirme I'expression d'une
"vertu attractive" cachée dans ce corps, et qu'il ne serait pas
sans importance de chercher à établir." M.C. page 170.
I-es corps redevenus crus sont valables pour l'(Euwe. L'effu-
sion du Mercure persistera autant pour le premier æuwe que
pour le second. Il sera parfait pour être cuit lorsqu'il atteindra
son poids de nature, c'est-à-dire lorsque le Mercure et le Soufre
se satureront I'un I'autre. Nous aurons le Rebis, c'est-à-dire
"deux choses". L'Adepte nous offre ici un panorama compré-
hensif du premier et du second (Euvre.
"Or, nous savons que les anciens auteurs appellent la matière
de l'Guwe "notre Magnésie" et que la liqueur extraite de cette
magnésie est dite "Lait de la Vierge". Il y a là une indication.
Quant à I'allégorie du mélange ou de la combinaison de cette
eau primitive issue du "Chaos des Sages", avec une seconde
eau de nature différente (quoique de même genre), elle est
assez claire et suffisamment expressive. De cette combinaison
résulte une troisième "eau qui ne mouille point les mains", et
que les Philosophes ont appelée tantôt "Mercure", tantôt
"Soufre", selon qu'ils envisageaient la qualité de cette eau ou
son aspectphysique." M.C. pages 95.96.
Pour que I'eau jaillisse pour la première fois, sa source dewa
être activée par I'accouplement forcé (repété) avec un corps aux
vertus astringentes. De cette qualité (que I'on dirait, ici, para-
doxale) résulte l'eau qui ne mouille pas.
"Contre le pied-droit du grand porche, nous retrouvons, en
un quatre-feuilles engagé, I'allégorie du "coq" et du "renard",
chère à Basile Valentin. Iæ coq se tient perché sur une branche
de "chêne" que le renard essaie d'aueindre (...). Ce qui apparaît

158
tout d'abord, c'est le coq ou la pution \olatile", conséquem-
ment vivante, active, pleine dc mouvement" extraite du sujet,
lequel a pour emblème le "chêne'. Cbst là notre source fa-
meuse dont I'onde claire coule à la base de l'arbre sacré (...) Car
I'eau dont nous avons besoin est sèche, ne mouille pas les
mains et jaillit du rocher sous le choc de la verge d'Aaron. Telle
est la signification alchimique du coq, emblème de Mercure
chez les pai'ens et de la résurrection chez les Chrétiens. Ce
"coq", tout volatil qu'il soit, peut devenir le "Phénix". Encore
doit-il, auparavant, prendre l'état de fixité provisoire que carac-
térise le symbole du goupil, notre "renard" hermétique. Il est
important, avant d'entreprendre la pratique, de savoir que le
Mercure contient en soi "tout ce qui est nécessaire" au travail."
M.C. pages 163.l&.
Le sec est avide de son humidité : c'est pour cela, qu'il faudra
tout recommencer. Pour I'obtenir et avoir le succès espéré, ce
sec dewa être de plus en plus avide. I-a maîtrise du feu consiste
à savoir dépasser habilement les températures critiques du
changement d'état. Là réside le secret...
"En effet, cette "eau sèche", quoique entièrement volatile,
peut, si I'on découwe le moyen de la "retenir" longtemps au
feu, devenir assez fixe pour résister au degré de chaleur qui
aurait suffi à l'évaporer en totalité. Elle change alors d'em-
blème, et son endurance au feu, sa qualité pondéreuse lui font
attribuer le renard coûrme enseigne de sa nouvelle nature. L'Eau
est devenue Terre et le Mercure, Soufre. Cette Terre, cependant,
malgré la belle coloration qu'elle a prise au long contact du feu,
ne servirait de rien sous sa forme sèche ; un vieil axiome nous
apprend que "toute teinture sèche est inutile en sa siccité" : il
convient donc de redissoudre cette terre ou ce sel dans la même
eau qui lui a donné naissance, ou, ce qui revient au même,
"dans son prcpre sâ[9", afin qu'elle devienne une seconde fois
volatile, et que le renard reprenne la complexion, les ailes et la
queue du coq. Par une seconde opération semblable à la

159
précédente, le composé se coagulera de nouveau, il luttera
encore contre la tyrannie du feu, mais cette fois dans la fusion
même et non plus à cause de sa qualité sèche. Ainsi naîtra la
première pierre, non absolument fixe ni absolument volatile,
toutefois assez pennanente au feu, très pénétrante et très
fusible; propriétés qu'il vous faudra augmenter à I'aide d'une
"troisième réitération" de la même technique. Alors le coq,
attribut de saint Pierre, "pierre" véritable et fluente sur laquelle
repose l'édifice chrétien, le coq aura chanté trois fois." M.C.
page 165.
Mais nous sommes encore au début du premier (Euwe. Le
régule étoilé nous indique, par voie sèche, que nous avons
obtenu le Mercure animé, vivant et susceptible de formes, dont
parlait le Philalèthe. Nous deuons le rendre à son nid, à sa
gangue, pour le capturer 1à où cela nous intéresse. L'adage dit :
"Solve et coagula".
"La ceinture d'Offerus est piquée de "lignes entre-croisées"
semblables à celles que présente la surface du dissolvant lors-
qu'il a été canoniquement préparé. Tel est le "Signe", que tous
les Philosophes reconnaissent pour marquer, extérieurement, la
vertu, la perfection, I'extrême pureté intrinsèques de leur subs-
tance mercurielle. Nous avons déjà dit plusieurs fois, et nous le
répétons encore, que tout le travail de l'Art consiste à évertuer
ce Mercure jusqu'à ce qu'il soit revêtu du signe indiqué. Et ce
"signe", les vieux auteurs I'on appelé "Sceau d'Hermès", "Sel
des Sages" ("Sel" mis pour "Scel"), ce qui jette la confusion
dans I'esprit des chercheur§,
-
ln "621que" et "l'empreinte du
-
Tout-Puissant, sa "signature", puis encore "Etoile des Mages",
"Etoile polairt", etc. Cette disposition géomérique subsiste et
apparaît avec plus de netteté lorsqu'on a mis I'or à dissoudre
dans le Mercure pour le ramener à son premier état, celui d"'or
jeune" ou rajeuni, en un mot d"'or enfant". C'est la raison pour
laquelle le Mercure, 'rl6ynl seriteur" et "Scel de la terre",
-
est nommé "Fontaine de Jouvence". Les Philosophes parlent
-
160
donc clairement lorsqu'ils enseigncnt que le Mercure, dès la
dissolution effectuée, "porte I'enfant", le "Fils du Soleil", "le
Petit Roi" (Roitelet), comme une mère véritable, puisque en
effet I'or renaît dans son sein. "I-€ venq qui est le Mercure
ailé et volatil,
-
Ix porté dans son ventre", nous dit Hermès
-
dans sa Table d'Emeraude." M.C. pages 189. 190.
Dans la conjonction se produisent une désagrégation de
matière, des résidus et des cendres d'aspect vil.
"Les matières preparées et unies en un seul composé doivent
subir la sublimation (...). Dans cette opération, les parties adus-
tibles se détruisent, les matières terreuses perdent leur cohésion
et se désagègent, tandis que les principes purs, incombustibles,
s'élèvent sous une forme très différente de celle qu'affectait le
composé. C'est là le "Sel des Philosophes", le Roi couronné de
gloire, qui prend naissance dans le feu et doit se réjouir dans le
mariage subséquent, afin, dit Hermès, que les choses occultes
deviennent manifestes. "Rex ab igne veniet, ac conjugio gau-
debit et occulta patebunt" (...). Après l'élévation des principes
purs et colorés du composé philosophique, le résidu est prêt,
dès lors, à fournir le "sel mercuriel," volatil et fusible, auquel
les vieux auteurs ont souvent donné l'épithète de "Dragon
babylonien." M.C. pages 145.146.
Nous en tirerons une leçon : les matières, qui sont deux,
doivent se préparer en un seul composé qui n'aura besoin que
de la partie nécessaire du "fidèle serviteur". læ feu s'occupera
de la séparation dont résulteront des sujets différents de ceux
que nous avions mis. I-es cendres ne doivent pas être rejetées...
Pour obtenir la première conjonction des deux sujets dont
nous disposions, et pour la perfectionner, nous devons insisær
plus d'une fois. Tout cela s'explique par des images différentes
et variées. Cela suppose un obstacle à I'intelligence de I'Art, en
induisant I'idée d'une complexité qui n'existe pas.
"C'est un griffon que I'on voit inscrit dans le cercle suivant.
Le monsre mythologique dont la tête et la poitrine sont celles

161
de I'aigle, et qui empnrnte au lion le reste du corps, initie
I'investigatenr aux qualités contraires qu'il faut nécessairement
assembler dans la matière philosophale (p1. XIII). Nous
trouvons en cette image I'hiéroglyphe de la première conjonc-
tion, laquelle ne s'opère que peu à peu, au fur et à mesure de ce
labeur pénible et fastidieux que les Philosophes ont appelé
leurs aigles. La série d'opérations dont I'ensemble aboutit à
I'union intime du Soufre et du Mercure porte aussi le nom de
Sublimation. C'est par la réitération des Aigles ou Sublimations
philosophiques que le Mercure exalté se dépouille de ses parties
grossières et terestres, de son humidité superflue, et s'empare
d'une portion du corps fixe, qu'il dissout, absorbe et assimile.
"Faire voler I'aigle", selon I'expression hermétique, c'est faire
sortir la lumière du tombeau et la porter à la surface, ce qui est
le propre de toute véritable sublimation." M.C. page I15.
Avec chaque sublimation, le Mercure acquiert la capacité
d'absorber tout le Soufre que le poids de nature rend possible.
Mais I'artiste, qui ne se sert que de I'expérience et de la grâce,
ignorera quand ce poids sera parfait. Sous ce point de vue, on
peut aussi parler d'art. Les auteurs indiquent qu'il faudrait de
sept à dix sublimations, au moins, dans lesquelles...
"Mis en présence, les deux champions s'attaquent, se re-
poussent, s'entre-déchirent avec énergie jusqu'à ce qu'enfin
I'aigle ayant perdu ses ailes, et le lion son chef, les antagonistes
ne fassent plus qu'un même corps, de qualité moyenne et de
substance homogène,le "Mercure animé." M.C. page 117.
Que se passe-t-il au sein du composé ?
"Auprès du contrefort qui sépare le porche central du portail
nord, le premier motif nous présente un cavalier désarçonné se
cramponnant à la crinière d'un cheval fougueux. Cette allégorie
a trait à I'extraction des parties fixes, centrales et pures, par les
volatiles ou éthérées dans la Dissolution philosophique. C'est
proprement la rectification de I'esprit obtenu et la cohobation
de cet esprit sur la matière grave. I-e coursier, symbole de rapi-

162
dité et de légèreté, marque la substance spirituelle ; son cavalier
indique la pondérabilité du corps métallique glossier. A chaque
cohobation, le cheval jette bas son cavalier, le volatil quitte le
fixe ; mais l'écuyer reprend aussitôt ses droits, et cela tant que
l'animal exténué, vaincu et soumis, consente à porter ce fardeau
obstiné et ne puisse plus s'en dégager. L'absorption du fixe par
le volatil s'effectue lentement et avec peine. Pour y réussir, il
faut employer beaucoup de patience et de persévérance et
réitérer souvent I'affusion de I'eau sur la terre, de I'esprit sur Ie
corps. Et c'est seulement par cette technique, longue et fasti-
dieuse, en vérité, que I'on parvient à
-
extraire le "sel" occulte
-
du "Lion rouge" avec le secours de "l'esprit" du "Lion vert".
M.C. page 123.
Fulcanelli insiste sur I'important point de science, il nous
conduit au fond de la question :
"La Salamandre "qü vit dans le feu et se nourrit du feu". Ce
lézud fabuleux ne désigne pas autre chose que le Sel central,
incombustible et fixe, qui garde sa nature jusque dans les cen-
dres des métaux calcinés, et que les Anciens ont nommé
"Semence métallique". Dans la violence de I'action ignée, les
portions adustibles du corps se détruisent ; seules les parties
pures, inaltérables, résistent et, quoique très fixes, peuvent
s'extraire par lixiviation (...) la différence fondamentale existant
entre la calcination vulgaire, telle qu'on la réalise dans les labo-
ratoires chimiques, et celle que I'Initié opère dans le cabinet des
philosophes. Celle-ci ne se fait par aucun feu vulgaire, ne
nécessite point le secours du réverb,ère, mais demande I'aide
d'un agent occulte, d'un "feu secret" lequel, pour donner un
aperçu de sa forme, ressemble plus à une eau qu'à une flamme.
Ce "feu", ou cette "eau ardente", est l'étincelle vitale coûrmu-
niquée par le Créateur à la matière inerte ; c'est I'esprit enclos
dans les choses, le "rayon igné", impérissable, enfermé au fond
de I'obscure substance, informe et frigide. Nous touchons ici au
plus haut secret de l'(Euvre !" M.C. pages 105. 106.

r63
Nous sommes allés des principes jusqu'aux techniques et
jusqu'aux causes de ce qu'est le premier (Euvre. I-es deux autres
seront similaires, répétitives. Nous avons déjà la première
conjonction:
"...1a conjonction du ferment philosophique, ou "lion",
-
avec le composé mercuriel, union qui se doit accomplir vers la
-
fin du quatrième mois du premier (Euwe." M.C. page 137.
A la fin de celle-ci, nous sommes les heureux possesseurs du
premier Mercure. Nous voudrons connaître sa couleur nanuelle :
"Lê manuscrit de G. Aurach montre un "matras de verre",
rempli à moitié d'une liqueur verte, et ajoute que tout I'art re-
pose sur I'acquisition de ce seul "Lion vert" et que son nom
même indique sa couleur. C'est le "vitriol" de Basile Valentin."
M.C. pages 184. 185.
Une fois ce premier Guvre conclu, le ruisseau d'eau vive
coule à ses pieds ; il sourd, en bouillonnant, du vieux chêne
cr€ux. None Adepte a frappé le but. Aussi, dédaignant I'arc et
les flèches avec lesquelles, à I'instar de Cadmus, il transperça le
dragon, il regarde ondoyer la source limpide dont la vertu dis-
solvante et I'essence volatile lui sont attestées par un oiseau
perché sur I'arbre.
Mais quelle est cette Fontaine occulte ? De quelle nature est
ce puissant dissolvant capable de pénétrer tous les métaux,
191 en particulier, et d'accomplir, avec I'aide du corps
- -
dissout,le grand ouwage en entier ?" M.C. page 95
Fulcanelli nous reconrmande donc d'abandonner maintenant
I'arc et les flèches, le fer qü traversa le dragon. La Fontaine est
le Mercure qui contient le Soufre. Quelle est sa nature ? se
demande I'Adepte:
"Le prcmier agent magnétique servant à préparer le dissol-
vant, que certains ont dénommé "Alkæst", est appelé
- -
"Lion vert", non pas tant parce qu'il possède une coloration
verte, que parce qu'il n'a point acquis les caractères minéraux
qui distinguent chimiquement l'état adulte de l'état naissant.

C'est un fruit "vert" et "acerbe", comparé au fruit "rouge" et
"mûr". C'est la jeunesse métallique, sur laquelle I'Evolution n'a
pas ouvré, mais qui contient le germe latent d'une énergie
réelle, appelée plus tard à se développer. C'est I'arsenic et le
plomb à l'égard de I'argent et de I'or." M.C. pages l2O.l2l.
Nous commençons le second (Euvre en ajoutant notre Soufre
au Mercure animé que nous venons d'obtenir.
"Le serpent indique la nature incisive et dissolvante du
Mercure, qui absorbe avidement le Soufre métallique et le
retient si fort que la cohésion n'en peut être ultérieurement
.vaincue. C'est 1à ce "ver empoisonné qui infecte tout par son
venin", dont parle l'Ancienne Gucrre des Chevaliers. Ce reptile
est le type du Mercure dans son premier état, et la verge d'or, le
Soufre corporel qui lui est ajouté. La dissolution du Soufre ou,
en d'autres termes, son absorption par le Mercure, a fourni le
prétexte d'emblèmes très divers ; mais le corps résultant, homo-
gène et parfaitement préparé, conserve le nom de "Mercure
philosophique" et I'image du caducée. C'est la matière ou le
composé du premier ordre, "l'æuf vitriolé" qui n'exige plus
qu'une cuisson graduee pour se transformer d'abord en "Soufre
rouge", ensuite en Elixir, puis, au troisième période, en "Méde-
cine universelle". "Dans notre (Euvre, affirment les Philo-
sophes,le Mercure seul suffrt." M.C. page 104. 105.
Ainsi qu'il le fit pour le premier (Euvre et sa première
conjonction, Fulcanelli approfondit la technique qui nous
convient pour le second (Euvre :
"Qu'est-ce donc que RER ? Nous avons vu que RE
-
signifie "une chose, une matière" ; "R", qui est la moitié de RE,
signifiera "Une moitié de chose, de matière". RER équivaut
donc à une matière augmentée de la moitié d'une autre ou de la
sienne propre. Notez qu'il ne s'agit point ici de proportions,
mais d'une combinaison chimique indépendante des quantités
relatives. Pour nous faire mieux comprendre, prenons un
exemple et supposons que la matière représentée par RE soit le

165
réalgar ou sulfure naturel d'arsenic. "R", moitié de "RE", pourra
donc être le "Soufre" du réalgar ou son "arsenic", lesquels sont
semblables, ou différents, selon qu'on envisage le Soufre et
l'arsenic séparément ou combinés dans le réalgar. De telle sorte
que "RER" sera obtenu par le réalgar "augmenté" du Soufre,
qui est considéré comme formant la moitié du réalgar, ou de
I'arsenic, envisagé comme I'autre moitié dans la même sulfure
rouge." M.C. page 205.
On ne peut waiment être plus clair et il manque peu de chose
semble-t-il à l'étudiant pour renuer dans les mystères de
- -
la deuxième partie du Grand Guvre, semblable au premier,
mais nous y observons des phénomènes propres à cette phase,
qui nous aideront à comprendre le point où nous sommes :
"Les sages ont dit à ce propos qu'en la Conjonction il s'éle-
vait de violents orages, de grandes tempêtes, et que les flots de
leur mer offraient le spectacle d'un "aigre combat". Certains ont
représenté cette réaction par la lutte à outrance d'animaux dis-
semblables : "aigle et lion" (Nicolas Flamel) ; "coq et renard"
(Basile Valentin), etc. Mais, à notre avis, la meilleure des-
cription, la plus initiatique surtout, est celle que nous
- -
laissa le grand philosophe Cyrano de Bergerac du duel effro-
yable que se liwèrent, sous ses yeux, Ia "Rémore" et la "Sala-
mandre"." M.C. page 130.
En effet, la rémore est le Soufre : si ce poisson minuscule
s'accrochait à la quille des bateaux et les arrêtait, les coagulait,
de la même manière le Soufre arrête I'effervescence et coagule
le Mercure, qui est notre vaisseau. Cela cause une nouvelle
réincnrdation...
"Ce combat singulier des corps chimiques dont la combi-
naison procure le dissolvant secret ( et le vase du composé), a
fourni le sujet de quantité de fables profanes (...). Ce dissolvant
peu commun pennet la "réincrudation" de I'or naturel, son
amollissement et le retour à son premier état sous la forme sa-
line, friable et très fusible. C'est là ce rajeunissement du roi,

166
que signalent tous les auteurs, début d'une phase évolutive
nouvelle." M.C. pages 180. 181.
Nous avons encore (toujours) besoin de I'Esprit :
"C'est cet esprit, répandu à la surface du globe, que I'artiste
subtil et ingénieux doit capter au fur et à mesure de sa matéria-
Iisation. Nous ajouterons encore qu'il est besoin d'un corps par-
ticulier servant de réceptacle, d'une terre attractive où il puisse
trouver un principe susceptible de le recevoir et de le "corpo-
rifier". "La racine de nos cofps est en l'air, disent les Sages, et
leurs chefs en terre." C'est là cet "aimant" enfermé au ventre
d'Ariès, qu'il faut prendre au moment de sa naissance, avec au-
tant d'adresse que d'habileté.
"L'eau dont nous nous servons, écrit I'auteur anonyme de la
Clef du Cabtnet Hermétique, est une eau qui renferme toutes les
vertus du ciel et de la terre ; c'est pourquoi elle est le "Dis-
solvant général de toute la Nature." M.C. page 118.
Une fois le Mercure Philosophique (qui est le Soufre) et le
Rebis obtenus, nous aurons la matière appropriée pour le troi-
sième et dernier (Euwe, où nous dewons nous occuper du feu
(cuisson) et des régimes qui vont défiler devant le philosophe
aniste. Ce sera un feu de roue :
"Au Moyen-Age, la rose centrale des porches se nommait
"Rota", la roue. Or, la roue est I'hiéroglyphe alchimique du
temps nécessaire à la coction de la matière philosophale et, par
suite, de la coction elle-même. I.e feu soutenu, constant et égal
que I'artiste entretient nuit et jour au cours de cette opération,
est appelé, pour cette raison, "feu de rcue". Cependant, outre la
chaleur nécessaire à la liquéfaction de la Pierre des philo-
sophes, il faut, en plus, un second agent, dit "feu secret" ou
"philosophique". C'est ce dernier feu, excité par la chaleur vul-
gaire, qui fait "tourner la roue" et provoque les divers phéno-
mènes que I'artiste observe dans son vaisseau (...). La rose
représente donc, à elle seule, I'action du feu et sa durée..." M.C.
pages 65.66.
Le troisième Guwe se caractériso, disions-nous prlr
- -,
les régimes que traverse la matière. Ceux-ci ont déjà eu leur

167
paradigme dans les (Euwes antérieures. Mais ici (si I'on a suivi
la voie humide) les phases seront parfaitement différenciées.
læs régimes sont au nomb,re de sept, placés sous I'invocation de
chacune des sept planètes, mais ils peuvent être résumés aux
trois couleurs classiques qu'elles développent. De toute façon,
nous avons déjà I'oiseau dans notre nid, d'où il ne devra sortir
que transformé en Phénix.
"Apprenez donc, non en quoi une couleur diffère d'une autre,
mais plutôt en quoi un régime se distingue du suivant. Et
d'abord, qu'est-ce qu'un "régime" ? Tout simplement la
-
manière de "faire végéter", d'entretenir et d'accroître la vie que
votre pierre a reçue dès sa naissance. C'est donc un "modus
operandi", lequel ne se traduit pas, forcément, par une suc-
cession de couleurs diverses. "Celui qui connaîtra le Régime,
écrit Philalèthe, sera honoré des princes et des grands de la
terre." (...). Or, pour ne point attirer, sur notre tête la malé-
diction des Philosophes, en révélant ce qu'ils ont cru devoir
laisser dans I'ombre, nous nous contenterons d'avertir que le
"Régime de la Pierre", c'est-à-dire sa coction, en contient plu-
sieurs autres, entendez plusieurs répétitions d'une même ma-
nière d'opérer. Réfléchissez, ayez recours à I'analogie et,
surtout, ne vous écartez jamais de la simplicité naturelle.
Pensez qu'il vous faut manger tous les jours, afin d'entretenir
votre vitalité ; que le repos vous est indispensable parce qu'il
favorise, d'une part, la digestion et I'assimilation de I'aliment,
et, d'autre part, le renouvellement des cellules usées par le
labeur quotidien. Bien plus, ne devez-vous pas expulser fré-
quemment certains produits hétérogènes, déchets ou résidus
non assimilables ?" M.C. pages ll2.ll3.
Et le feu...
"En fait, la coction linéaire et continue exige la tlouble ro-
tation d'une même roue (...). La première roue correspond à la
phase humide de I'opératiotr, dénommée "élixation", où
- -
le composé demeure fondu, jusqu'à formation d'une pellicule

168
légère, laquelle, augmentant peu à peu d'épaisseur, gagne en
profondeur. La seconde période, caractérisée par la sécheresse,
OU "assation", Cortrmence alorS, par un SeCOnd tOur de
-
roue, se parfait -
et s'achève lorsque le contenu de l'æuf, calciné,
apparaît granuleux ou pulvérulent, en forme de cristaux, de
sablon ou de cendre.
Le commentateur anonyme d'un ouvrage classique dit à
propos de cette opération, qui est véritablement le sceau du
Grand (Euvre, que "le philosophe fait cuire à une chaleur douce
et solaire, et dans un seul vaisseau, une seule vapeur qui
s'épaissit peu à peu". Mais quelle peut être la température du
feu extérieur convenable à cette coction ? Selon les auteurs
modernes, la chaleur du début ne dewait pas excéder la tempé-
rature du corps humain. Albert Poisson donne la base de 50o
avec une augmentation progressive jusque vers 300o centi-
grades. Philalèthe, dans ses Règles, affirme que "le degré de
chaleur qui pourra tenir du plomb (327') ou de l'étain en fusion
(232o), et même encore plus forte, c'est-à-dire telle que les vais-
seaux la pourront souffrir sans se rompre, doit être estimée une
"chaleur tempéée". Par là, dit-il, vous cofilmencerez vore degé
de chaleur prope pour le règne où la nature vous a laissé" (...).
"Il faut que I'eau de notre lac bouille avec les cendres de I'arbre
d'Hermès ; je vous exhorte de faire bouillir nuit et jour sans
cesse, afin que dans les ouwages de notre mer tempétueuse la
nature céleste puisse monter et la terrestre descendre. Car je
vous assure que si nous ne faisons bouillir, nous ne pouvons
jamais nonrmer notre ouvrage une cuisson, mais une diges-
tion." M.C. pages 160. 161.
Fulcanelli ajoute une précision :
"Au quatrième degÉ de feu, en opérant par la voie sèche, il
devient nécessaire d'entretenir une température voisine de
1200o, indispensable aussi dans la projection." M.C. page 162.
Cette grande cuisson mettra entre nos mains I'Escarboucle ou
Phénix. Son pouvoir devra être vérifié sur la matière vile. Mais

169
Fulcanelli, philosophe charitable ne veut pas nous laisser dans
notre ignorance sur le vase, ouül de première nécessité pour
mener la cuisson à bon port:
"Nous affirmons au contraire, ot I'on peut avoir foi en
-
notre sincérité, qu'il sera impossible d'obtenir le moindre succès
dans l'(Euvre si I'on n'a pas une connaissance parfaite de ce
qu'est le Vase des Philosophes ni de quelle matière il faut le fa-
briquer. Pontanus avoue qu'avant de connaître ce vaisseau
secret il avait recommencé, sans succès, plus de deux cents fois
le même travail, quoiqu'il besognât sur les matières propres et
convenables, et selon la méthode régulière. L'artiste doit faire
lui-même son vaisseau ; c'est une maxime de I'art. N'entre-
prenez rien, en conséquence, tant que vous n'aurez pas reçu
toute la lumière sur cette coquille de l'æuf qualifiée secretum
secretorum chez les maîtres de Moyen-Age (...).
Faites donc votre vase, puis votre composé ; scellez avec
soin de manière qu'aucun esprit ne puisse s'exhaler; chauffez le
tout selon I'art jusqu'à complète calcination. Remettez la
portion pure de la poudre obtenue dans votre composé, que
vous scellerez dans le même vase. Réitérez pour la roisième
fois, et ne nous remerciez point. C'est au Créateur seul que
doivent aller vos actions de grâce." M.C. pages 204.205.206.
La Pierre Philosophale produit final de la Cuisson, doit êne
sagement multipliée...
"La multiplication, en effet, ne se peut réaliser qu'à l'aide du
Mercure, qui joue le rôle de patient dans I'(Euwe, et par coc-
tions ou fixations successives. C'est donc sur le dragon, image
du Mercurer eüe nous devrions chercher le symbole repré-
sentatif de la nutrition et de la progression du Soufre ou de
l'Elixir (...).
Il est capable de transmuter en quantité ; mais il ne peut
acquérir cette puissance que par une série de cuissons ulté-
rieures avec le Soufre ou "or philosophique", ce qui constitue
les "multiplications". M.C. pages 147. 148.

170
Le lecteur attentif aura appris que tout I'Guvre se résume
merveilleusement bien dan I'adage "SOLYE ET COAGULA"
et que le Soufre, le grand coagulateur est vraiment un feu très
secret... toute gloire soit faite à Dieu. Et, en ces temps derniers,
par I'intermédiaire de MARIE.

FIMS CORONAf, OPUS

171
NOTES

CHAPITRE I
1 - Iæ Mystère des Cathédrales. Ed. Jean Schémit, Paris
1926 Les Demeures Philosophales. Ed. Jean
-
Schémit, Paris 1930.
2 Organisateur et directeur des "Semaines dEtude de
la Pensée Hétérodoxe" de San Sebastian (4 édi-
tions). Co-auteur du Chemin Iniatique de Saint
Jacques (Editions 29, Barcelone 1977 et 1982).
Auteur de Saint Jean d'Ortega et le mystère de la
lumière équinoxiale (Ed. Zodiac), da Guide du
Chemin dc Saint lacqucs (Ed. Obelisco, Barcelone
1986) et auteur des "Itiüraires Romans dans le
Haut Aragon" (H.. Encuentros. Madrid 1989).
3 - Le Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry. Ed.
Harbrace paperbounds Libnary. New York 1943.
4 Cela se réfère à la fonction de I'Adepte (ici Ful-
canelli) qui a consommé lElixir, élevant ainsi son
173
niveau essentiel, ontologique. Il intervient alors
dans la lutte historique et métahistorique, prota-
gonisée par le Bien contre les racines du Mal : dans
notre tradition il s'agit de I'Archange Saint-Michel,
Prince des Milices Célestes qui incarne le principe
de 1a bataille du Bien. C'est donc de manière histo-
rique et métahistorique que I'Adepte collabore
s'allie
-
pour cette lutte, dont la Charité est l'emblé-
matique,- c'est-à-dire l'Agape ou le Banquet où tous
les êtres et tout ce qui a été creé, participeront d'un
Etre-Unique.
5- I* Mystères des Cathédrales. Ed. Jean-J-Pauvert,
Paris 1971.
6 Le baron de Tchoudy (L'Etoile Flamboyante) in-
dique que les fruits de la Pierre doivent se distri-
buer : un tiers pour lEternel, pour édifier des Eglises
et des hôpitaux pour les pauvres ; un tiers pour la
charité publique et I'aide aux nécessiteux ; et enfin,
un tiers pour I'Artiste qui poura venir en aide à sa
famille et ses amis. Nous citons par cæur, car nous
n'avons pu retrouver notre exemplaire du livre
Ut supra.
7 Nous voulons différencier par cette notation, la
Pierre de premier ordre ou Mercure philosophal de
la Pierre de second ordre, Pierre au blanc, et de celle
de troisième ordre,la Pierre au rouge.
8- Un "temps qualifié et sacÉ" répond à la conception
cyclique du temps, par opposition à la simple per-
ception linéaire d'un temps-succession ou d'un
"temps-durée". Le premier temps est qualifié par le
rythme quadripartite, cosmique, que I'on apprécie
dans les saisons de I'année. Il est aussi qualifié car il
répète les faits historiques de la vie du fondateur
d'une Tradition (répetant ainsi la vie divine) : ce qui

174
donne les festivités religieuses. Un temps qualifié,
est exactement" celui nécessaire pour Ia réalisation
"essentielle" de la personne, pour qu'elle accom-
plisse le but indicible pour lequel elle a été o.éée.
9 La théorie traditionnelle des âges du Monde (or,
argent, bronze, fer dans la Tradition gréco-romaine ;
Manvantaras et Yugas, dans la Tradition hindoue)
nous parle d'une "involution" historique du temps et
des sociétés humaines qui s'oppose complètement
aux idées modernes d"'évolution" et de progrès
indéfinis des hommes et des peuples. Si cela est
ainsi, I'homme du Roman, plus proche du Principe,
mieux intégÉ aux plans de la Création, aurait beson
de moins de temps-durée, pour accomplir sa des-
tinée, que I'homme du XX' siècle. Sous ce point de
vue, l'Adepte, ayant réalisé son destin, n'a "besoin"
d'aucun prolongement de sa vie humaine (sauf pour
des raisons qui nous échappent).
10 Le sang peut-il vaincre la Mort 7 Dr. Larcher. Ed.
Gallimard, Paris 1956.
l1 Saint Jean, 21,23.
L2 "Hermès dévoilé (Dédié à la Postérité)" par Cy*.
Ed. Félix l,ocquin, Paris 1832 (il en existe plusieurs
rééditions).
13 Cité par Louis Figuier dans son "Alchimie et les
alchimistes". Ed. Hachette, Paris.
t4 Ce terme de "philosophe" reviendra de nombreuses
fois plein de son sens étymologique (le lecteur n'en
doutera pas).
Il s'applique à l'alchimiste avec toute propriété,
lorsqu'il poursuit Dame Nature douloureusement et
véridiquement, comme nous le voyons sur
I'emblème XLII de l'Atalanta Fugiera de Michael
Maier.

175
CHAPITRE II

1 Dans Ia dernière phrase du Chapitre III de son


- "Livre des Figures Hiéroglyphiques", Nicolas
Flamel nous indique "Note ce chêne". Fulcanelli s'y
amête longuement et affirme que c'est la source du
Mercure. De notre côté, nous dirons que ce "chêne"
est un "arbre" et que "chêne-arbre" est la même
chose "cinabre".

CHAPITRE III

1- Définie ainsi par Guy Béattrice.


2 "Erat autem Aegyptis qwütuor Litterarurn genera :
primum erat in usu apud populum et idiotas ;
secundwn apud philosoplros et sapientes ; tertium
erat mixturn ex lineris et symbolis sine imaginibus,
quartutn usurpabatur a sacerdotibus, erantque
littaræ avium, quibw sacrarnenta indicabant divi-
nitanis".
3- "... qui docentur ab ,Egyptüs primum quidem
discunt,tîgyptiarum litterarum viam ac rationern,
qwz ÿocatur "episolographiqü", h.e. apta ad sci-
bendas epistolas : secundam aiatem sacerdotalem,
quæ utuntur "ierogrammateis", i.e. qui de rebus
sacris scribunt : ultimarn autem "ierogliphique" i.e.
sacram, quæ insculpitur, scripturam, cuius una
quidem est per prima elementa "xiriologiqü" i.e.
proprie loqucns, ahera verbo "symbolica" i.e. per
sigru significans..."
4 Voir l"'Ars decifratoria sive scientia occultas
scripturas solvendi et legendi Præmissa est
-
176
disquisitio historica De Variis Modis Occulte
Scribendi", de Christiani Breithavpti. Ed. Apud -
C hrist. F rid. Wey gand. H emstadii. I 637.
5- Voir "Commentaires du Mutus Liber suivis d'une
Hypotypose pour Magophon" Ed. Càrcamo, Madrid
1986. Egalement, mon Introduction à un Bestiaire
Alchimique. Ed. Obelisco, Barcelone 1986.
6 Cfs. Chapitre I, 5 du Mystère des Cathédrales.
7 Le Mystère des Cathédrales, Ed. Jean-Jacques
Pauvert, Paris 1964 -page2l5.
8- Voir, comme exemple,la traduction de Fulcanelli du
texte cabalistique de Naxagoras dans Les De-
rneures P hilo s op lal e s.
9 Robert Amadou. Le Feu du Soleil entretien sur
-
l'Alchimie avec Eugène Canselier. Société Nouvelle
des Ed. J-J. Pauvert, Paris 1978 - page 65.
10 Opus Ibidem- page L24.
I1 Opus Ibidem - page 76.
t2 Opus Ibidem - page 67.
13 I-a Revue Britannique n'est pas une revue anglaise
comme son titre pourrait le laisser croire. Elle fut
publiée à Paris entre 1825 et 1901.
t4 Les Derneures Philosoplnles dans le chapitre "La
Cabale Hermétique".
15 Jean Robin - Les Sociétés Secrètes au rendez-vous
de l'Apocalypse. Ed. Guy Trédaniel. Ed. de la
Maisnie, Paris 1985 - pages 294,295.
L6 Se réfère à la fameuse "affaire" de Rennes-le-
Château, localité que Fulcanelli aurait visitée.
17 Yoir Matériaux Cryptographiques de Grasset d'Or-
cet, recueillis et assemblés par B. Allieu et A. Bar-
thélemy. Vol. I - page 180.
l8 "Mais ce qui est généralement ignoré, c'est que
l'idiome auquel les auteurs empruntèrent leurs
t77
terrnes est le grec arclurîque, langue mère... C'est
pourquoi nous affirmons hauternent, sans nier
l'introduction d'éléments latins dans note idiome
depuis la conquête romoine, que notre langue est
grecque, que nous sommes des Héllènes ou, plus
ex,actement, des Pélasges". Fu1canelli. Les
Demeures Philosophales. Ed. J-J. Pauvert, Paris
19« - pages 159, 161.
19 Voir notre æuvre "Comtrnentaires du Mutus Liber..."

CHAPITRE IV

1- Il y a une longue bibliographie absolument maligne


et contre-initiatique, avec de claires visées de Sata-
nisme, qui de surcroît ne vaut pas le prix à payer
pour ces liwes (d'après nous).
2 Donnons quelques informations sur la famille de
Dujols, qui justifieront certaines données de notre
postérieure "chronologie ".
Signé à St Chamas le 25 octobre 1879, est publié à
Marseille un opuscule de 58 pages : Valois contre
Bourbons Simples éclaircissements avec pièces
-
justificatives par un descendant des Valois. Cet
opuscule veut justifier (documents à I'appui) la pré-
tention à la couronne de France, de la famille Du-
jols, par droit de naissance, avec préséance sur les
Maisons de Bourbon et d'Orléans, apportant en
effet
-
l'arbre généalogique opportun et ces "docu-
-
ments justificatifs".
Selon lesquels, Henri IV de France règna au détri-
ment d'un fils du Duc d'Anjou, frère dHenri trI qui
ne put faire valoir ses droits au moment opportun.
Les historiens auraient commis une grave ereur en

t78
croyant que la race des Valois s'extingua avec Henri
III, trente-troisième roi de France. En 1879 "le
dernier des Valois" s'oppose avec force à cela et
remonte sa généalogie jusqu'à Henri II. L'Histoire
présente quatre fils, fruit du mariage d'Henri II avec
Catherine de Médicis. Trois d'entre eux régnèrent
successivement sur le trône de leur père : le premier
fut François II qui succéda à son père et monta sur
le trône à seize ans ; le second, Charles IX, qui suc-
céda à son père à dix ans ; le troisième (et dernier
des Valois pour les historiens) fut Henri III, qui
succéda à son père à trente-cinq ans. I-e quatrième
et plus jeune fils, François de Valois, duc d'Anjou et
d'Alençon, serait mort, pÉtendument sans famille.
Et voici le neud gordien et la clef de I'affaire, puis-
que ce dernier aurait épousé le 12 awil 1575 Jeanne
Adelaïde, duchesse de Medina Cæli. De ce mariage
naquit Philippe-François de Valois, duc d'Anjou et
d'Alençon, qui se maria en 162l avec Marie-Anne,
duchesse d'Arcas. De ce mariage naquit Charles-
Louis Gaston de Valois, comte de Rubis, duc
d'Alençon.
Il se maria en 1655 avec Méline Edwige et naît
Louis-Philippe de Valois, duc d'Anjou et d'Alençon
qui se marie en 1680 avec Mfie-Antoinette Elio, et
naît Henri-Charles de Valois, duc d'Anjou et d'Alen-
çon, qui se marie en 1705 avec Catherine-Clotilde
duchesse d'Aquila et naît Charles-l,ouis de Valois,
comte d'Usson et d'Auvergne, duc d'Alençon, qui se
marie le 6 juin 1739 avec Ana Emilia Espartero, à
I'Eglise St Sauveur d'Oviedo. Naît Henri-Charles-
Louis de Valois, comte d'Usson et d'Auvergne, duc
d'Alençon, qui épouse en 1779, sous le nom de
Guillaume Dujol, Anne Lagarinire, et naît Antoine

179
de Valois, comte de Rubis, duc d'Alençon (appelé
Duval) qui se marie en 1821 avec Elise Vias. Naît
François de Valois, comte d'Usson et d'Auvergne,
duc d'Alençon (appelé Duval) de profession :
cordonnier.
En 1841 il se marie avec Antoinette de Lapayre. De
ce mariage naît Philippe-Antoine Dujols, comte
d'Usson et d'Auvergne, duc d'Alençon, Prince
Valois, facteur de profession, qui naquit le 2l awil
1845 à Saint-Illide (Cantal) et fut père de notre
Pierre Dujols, né dans la même localité le 22 mars
1862, de profession libraire, et bibliophile. Il décéda
à soixante-quatre ans le 19 awil 1926.
Dujol (ensuite Dujols ou Dujolds) est le nom vul-
gaire, adopté pour se soustraire aux pouvoirs "jaloux
et tout puissants".
Ce nom de famille occulterait les derniers Valois,
héritiers légitimes du trône.
Dont Fulcanelli, par la chair, selon certains.
3 Gomme-résine d'une couleur gris jaunâtre.
4 "A.H.S." pour "Apostolus Hermeticæ Scientiæ".
Apôtre de la Science Hermétique.
5- Nous ne voulons pas faire de publicité à ses
"navets".
6 "Obombrement" : du latin "obumbrare", couvrir
dbmbre, obscurcir, voiler...
7 Comme I'indique le Dr. René Laban dans son liwe
Musique, Rock et Satanisme (Ed. Obelisco 1986),
plusieurs sociétés secrètes satanistes utilisent des
symboles ou des formes traditionnelles, mais à
l'envers. Signalons qu'AROI c'est-à-dire TORA à
I'envers, est une parodie de la TORA, c'est-à-dire du
Pentateuque. Ce n'est pas pour rien que dans I'Eglise
Satanique de San Francisco (Californie) on lit la

180
Bible à I'envers comme f indique Laban dans son
livre (Note de l'éditeur espagnol).

CHAPITRE V

I - "A partir de 1916 seulement je I'ai côtoyé de très


près, jusqu'en 1922. Six ans tout de même ! Et à
peu près dans son intimité..." Le Feu du Soleil -
page 61.
2 Après le décès de Canseliet en 1982, c'est sa fille
Isabelle qui conserve les droits d'auteur.
3 Nom homophonique ou proche du wai nom.
4 (Euvres complètes du Pseudo-Denys l'Aréopagite.
Ed. Aubier Montaigne, Paris 1943.
5 Deux logis Alchimiqucs
- en rnt rge de la Science
et de l'Histoire par Eugène Canseliet. Ed. Jean
Schémit, paris 1945 (lb Edition).
6 I* Feu du Soleil (entnevue sur I'Alchimie avec Eu-
gène Canseliet). Ed. Nouvelle Société des Editions
Pauvert, Paris 1978 - pages 70,71.
7 Opw lbidem- page75.
8 Revue Atlantis,30, rue de la Marseillaise 94300
Vincennes.
9 Pourtant, Fulcanelli aurait écrit plusieurs articles
d'un caractère professionnel et technique...
10 Le Feu du Soleil - pages 74,75.
11 L'Alchimie expliqüe sur ses textes classiqucs par
Eugène Canseliet. Ed. Société Nouvelle des éditions
Pauvert, Paris 1972.
12 Dern logis Alchimiqucs en morge de la Science et
l'Histoire par Eugène Canseliet, Paris 1945 en
vente à la librairie Schémit, 45 rue Lafitte
- (il
s'agit de la première édition).
-
181
L3 Personne du groupe "Les Veilleurs" ni Schwaller, ni
Rosny "aîné", ni d'autres, ne nous ont fait penser
que nous puissions nous trouver devant I'auteur du
Mystère des Cathédrales, des Demeures Philo-
soplnles.
l4 On peut tnouver une chronologie uès complète dans
le livre Le Laboratoire Alchimique, par Atorène.
Ed. Guy Trédaniel. Ed. de la Maisnie, Paris 1981 -
page332à347.
15 Au nom de la famille Rochechouart, qui a encore
des représentants. Après la famille royale de France,
qui date de I'année 882 sous le règne de Charles le
Chauve, c'est la plus ancienne famille noble, qui
date de I'année 980 sous le Ègne du "roi fainéant"
Lotaire.
16 l,e Troisième Secret de Fatima, par Daniel Réju. Ed.
du Rocher, Monaco 1981 - page94.
17 lns Douze clefs de la Philosophie Traduction,
-
introduction et explications des images, par Eugène
Canseliet. Les Editions de Minuit, Paris 1956.
18 Atchimie - études diverses de symbolisme her-
métique et de pratique philosophale par Eugène
Canseliet. F.C.H. Ed. Jean-Jacques Pauvert, Paris
1964 (rééüté en 1978).
19 Trois anciens Traités d'Alchimie - Calligraphie et
prolégomènes d'Eugène Canseliet F.C.H. Ed.
Société Nouvelle des Editions J-J. Pauvert, Paris
1975.
20 Voir pages 30 et 31 de la deuxième édition de Deux
Logis AlchimiqueJ, tout au moins les premiers
exemplaires qui sortent de I'imprimerie (parmi eux,
le nôre) si I'on tient compte d'une note de l'éditeur
qui apparaît superposée et collée à I'angle supérieur,
où il s'engage à supprimer dans les tirages
r82
postérieurs les passages entre la ligne 10 de la page
31 et la ligne 19 de la page 32.

CHAPITRE VI

1- Spiritus Mundi, sans doute une des expressions les


plus fallacieuses de I'Art. Son interprétation, et la
signification de portée générale de ce terme consa-
cré, nous conduirait bien plus loin de ce que nous
pouvons nous permettre.
2 Le Laboratoire alchimique -page334 "Avec la tein-
ture de Fulcanelli et sous sa direction, il opère la
transmutation de quelques morceaux de plomb en
120 grammes d'or, en présence de J-J. Champagne
et d'un chimiste de chez Poulenc, nommé Gaston
Sauvage. La projection eut lieu rue Taillepied à Sar-
celles, dans la cheminée de la petite chambre où
s'éteignit son père."
3- Le Feu du Soleil - pages 62,63, &,65.
4 Il déceda le 19 avril 1926 à soixante-quatre ans. Il
aurait donc pu avoir assisté à "cette transmutation".
5 Initiation et Science. Revuc de recherches des lois
inconnues. no LIX. Juillet-Août-Septembre I 962.
6 Nous avons donné une traduction de I'Hypotypose
dans notre livre antérieur Conunentaires au Mutus
Liber.
7 C'est nous qui soulignons.
8- C'est nous qui soulignons.
9 Voici un exemple des "ambiguiTés " de Canseliet.
10 Anthologie de la Poésie Hermétique p$ Claude
d'Ygé. Ed. Montbrun, Paris 1948. I1 y a une deu-
xième édition en L976, éditée par Dervy-Livres
dans sa collection Histoire etTradition.

183
CHAPITRE VII

1- Paroles inaugurales du Mystère des Catludrales.


2 Les Demeures Philosophales. Voir le Chapitre :
Ia salarnandre de Lisieux.Ici se trouve, peut-être, le
moment culminant de I'initiation de Fulcanelli.
3- Auteur de l'æuvre monumentale La Kabbale juive,
ainsi que de La pensée ésotérique de lÉorurd de
Vinci.l,a clef traditionnelle des évangiles
4 "Accipe Tiararn, tribw coronis ornatarn ; et scies te
esse .' Patrem Principum et Regurn. Rectorem Orbis
et in terraVicarium Salvatoris nostri lesuChristi..."
Du rituel de la cérémonie de couronnement du Pape.
5- Informations historiques prises, essentiellement, de
la collection Le roman vrai de la III' République,
dirigée par Gilbert Guilleminault" Ed. DencËI, Paris
1958.
6 I*s oigines de l'Alchimie, Paris 1885. Collection
des alchimistes grecs, Paris 1887.
7 Quand arrivera lhistorien émérite qui osera la tâche
difEcile (peut-être impossible, corrme notre histoire)
de tirer à la lumière les hauts faits qui furent à
l'origine de l'érection de ces deux croix cycliques,
dont on atribue la paternité à I'alchimiste basque et
grand Adepte Don Juan-Cruz de Etcheberry ?
D'après ce que nous savons, uniquement "Shanti de
Oarso" (celui qui s'occulte derrière le pseudonyme)
en a fait référence d'une certaine extension, dans
l'étude que publia la revue "Oarso", à périodocité
annuelle.
8- Ce livrc, absolument introuvable jusqu'à il y a peu
de temps, a été ræemment réédité deux fois, la pre-
mière grâce aux bons soins de Jean Laplace.

184
9 Auteur de l'æuvre monumentale Le Temple de
L'Homtne et aussi des Propos sur l'ésotérisme et
symbolique, Les Temples de Karnac, Le Roi de la
tnr aonique, etc.
T héo cr acie P
10 Arbuste de Ia famille des oléacées, à fleurs blan-
ches aromatiques, et fruit en baie. Il est très com-
mun dans la moitié Nord de I'Espagne.
11 Nous nous sommes servis, principalement, des
sonrces suivantes : dans laTourbe des Philosoples,
des Alchimiques Souvenirs et des Alchimiques
Mémoires. A la même source, de I'article de Jean
Laplace (no 8). Des æuwes de Fulcanelli, d'écrits
divers de Canseliet, etc...

CHAPITRE IX

1 - Voyons comment s'exprime Louis Charbonneau-


Lassay dans le premier chapitre de son æuvre
monumentale.
Le Bestiaire du Christ :
"Le Christ est vivant, Jésus, le Christ mort pour
tous, dont le corps fut crucifié sur le mont Golgotha,
le Christ est vivant. Son corps chaud déchiré, tout
vidé de son sang, reposa, waiment mort, sur le fond
du tombeau, et cependant, nature divine et nature
humaine, personne unique, le Christ est resté vivant.
Et si sa chair, née de la femme Mnie entre toutes, a
connu la mort, Lui, d'autre part, n'a jamais eu de
naissance ni de mort ; et la mort qui détruit ne
I'atteindra jamais. Il est I'Eternel. Il est le principe et
le ferment immortel de toute vie, le maître absolu de
la vie et de la mort, c'est pourquoi son corps qui
était mort reprit la vie, quand il le voulut, au matin

185
clair du troisième jour. Le Christ est vivant. Il est
vivant d'une ébouissante vie par-delà les immensités
et, sur terre, d'une vie mystérieuse et voilée sous les
apparences matérielles des espèces fran§substantiées
de son Eucharistie. Nos yeux de chair ne le voient
point, parce qu'ils ne sont pas créés pour le
percevoir, mais les âmes qui le cherchent le trouvent
à chaque pas, le reconnaissent et participent à sa
üe ; car il vit en ceux qui sont en Lui, qui pensent et
agissent selon son Esprit. A leur tour, ceux-là le font
vivre d'une autre manière dans le culte qu'ils lui
rendent, dans la vertu de leurs âmes, fruits
d'étranges combats, dans les æuwes de leur intelli-
gence, fruits de laborieux efforts. I1 vit même par
ceux qui s'éloignent de Lui, et qui, rejetant sa loi, le
combattent et se font ainsi les servants, et les agents
du mal. Et ce grand mort-vivant tient plus de place
parmi nous que les plus grands de ces vivants qui
passent, en courant, du berceau à la tombe. Le
Christ est vivant à jamais !"

EXPLICIT . DERNIER CHAPITRE

1- L'Adepte se réfère à l'étymologie de "galette des


Rois" et s'intéresse surtout à la "f,ève" qu'elle cache,
qui est I'hiéroglyphe du Soufre.

186
Table des matières

Préface 11
Avant-propos 15
Chapitre I Incipit - La destinée de Fulcanelli... t7
Chapitre tr Pseudonyme et anonymat ................ 3s
Chapitre Itr Le pseudonyme "Fulcanelli" 47
Chapitre IV Eléments pour une controverse,
le "Dossier Ambelain" 69
Chapitre V L'élu : Monsieur Eugène Canseliet.. 85
Chapitre VI L'initiateur 99
Chapitre Vtr Lueurs d'une vie............ 111
Chapitre VItr Présupposés pour une chronologie .. r29
Chapitre IX Iæ pontificat.............. 135
Explicit Le Grand (Euvre selon
"Le Mystère des Cathédrales" ......... 145
Dépôt légal: 4' trimestre 1989

Imprimé par.' Nuova Oflito s.r.l. Mappano (Torino) - Italie


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