La notion de fidélité en droit est tiré du droit canonique. Elle a
été consacrée dans notre droit par l’article 212 du Code Civil. Selon cet article « les époux se doivent mutuellement fidélité ».La fidélité est donc une composante essentielle du lien du mariage.
La notion d’obligation induit l’idée d’un devoir dont le
manquement peut être sanctionné. Cette sanction a été plus ou moins sévère au cours de l’histoire allant jusqu’à la mise à mort du ou de la coupable pratiquée encore dans certains pays. L’application que la loi française a fait de cette obligation a beaucoup évolué au fil du temps et varie même selon les situations. Nous envisagerons d’abord le cas de l’obligation de fidélité au sein du couple dans le mariage(I). Mais le mariage n’étant plus la seule situation de vie commune où la fidélité est exigée, il conviendra aussi d’examiner l’obligation de fidélité pour les couples hors mariage (II).
I. L’obligation de fidélité dans le mariage
L’obligation de fidélité dans le mariage, jadis d’ordre public est en
train de devenir de moins en moins impérative, les couples pouvant même aller jusqu’à s’aménager des dérogations à ce principe (A).D’autres part les juges condamnent désormais avec moins de sévérité le manquement à cette obligation (B).
A. Devoir de fidélité dans la couple marié
Les époux se doivent fidélité mutuelle. Quoi de plus normal vu l’atmosphère de stabilité et de respect mutuel qui devrait régner dans le foyer, ne serait-ce que dans l’intérêt des enfants. Le législateur à l’origine en a fait une obligation d’ordre publique de sorte que l’on ne pouvait y déroger par un accord mutuel entre les époux. Ce principe n’a plus survécu pendant longtemps que dans les textes de loi, les époux s’en accommodant à leur guise. Mais en reconnaissant un effet juridique à un « pacte de liberté » conclu par un couple demandant un divorce sur requête conjointe, qui dispensait les époux de l’obligation de fidélité durant la période de l’instance (TGI Lille, JAF, 26 novembre 1999), la jurisprudence a affaibli le caractère d’ordre public du principe. En conséquence de cet affaiblissement la sanction de l’infidélité est elle aussi rendue moins sévère.
B. Une sanction atténuée
Dans les textes de loi le manquement à l’obligation de fidélité peut être sanctionné par le prononcé d’un divorce aux torts exclusifs du conjoint défaillant assorti le cas échéant de la possibilité pour le conjoint bafoué de l’ouverture d’une action en responsabilité civile pour le préjudice subi.
Dans la pratique l’appréciation du juge et surtout l’évolution des
mœurs font que l’infidélité n’est presque plus considérée comme une faute pouvant entrainer à elle seule une séparation et un divorce mais juste comme faute parmi d’autres. Les juges prononcent d’ailleurs le plus souvent dans ce cas un divorce aux torts partagés considérant sans doute que l’infidélité n’est que l’aboutissement d’un processus au cours duquel les liens entre les époux se sont peu à peu distendus par le fait de chacun des époux.
Aujourd’hui une jurisprudence importante tend à reconnaitre au
concubin adultérin d’un époux infidèle des droits qui contredisent le principe même de fidélité. Par une décision du 19 juin 1975 la chambre criminelle de la Cour de Cassation a reconnu à un concubin adultérin le droit de réclamer des dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait du décès accidentel de son concubin en concurrence avec l’époux de celui-ci. En outre la Cour de Cassation a reconnu comme valables les donations faites par le l’époux infidèle à son concubin adultérin (Cass. 1ère Civ 3 février 1999, Cass. 1ére Civ 16 mai 2000…).Si on ajoute à cela le fait qu’elle considère plus une relation adultérine comme étant susceptible d’engager la responsabilité de son auteur (Cass. 1ère Civ 4 mai 2000) l’obligation de fidélité dans le mariage s’en trouve définitivement affaiblie.
D’un autre côté la jurisprudence a révélé une obligation de
fidélité dans des situations où on aurait pensé qu’elle n’existerait pas du fait de la liberté laissée aux partenaires.
II .La fidélité au sein du couple non marié
Le mariage n’est plus la seule situation où les partenaires se
doivent loyauté et fidélité. C’est ainsi que dans le PACS et dans le concubinage est apparue une forme d’obligation, morale ou légale, que la loi reconnait implicitement.
A. La fidélité dans le PACS
Il est paradoxal de voir que la fidélité, qui n’est pas explicitement mentionné dans le PACS, est néanmoins retenue comme une condition essentielle et même sanctionnée plus sévèrement encore que dans le mariage. C’est que dans la pratique, les juges considérant le PACS comme un pacte à caractère patrimonial, ils considèrent l’infidélité comme un manquement à l’obligation de loyauté exigée dans l’exécution des contrats selon l’article 1134 du Code Civil. L’obligation de vie commune de l’article 515-1 du Code Civil sur le PACS implique non seulement une communauté de toit mais aussi une communauté de lit. Il parait donc logique de sanctionner un écart de lit comme un manque de loyauté susceptible d’entrainer une résiliation du contrat. Le PACS consacre donc une relation d’exclusivité plus grande que dans le simple concubinage.
B. La fidélité dans le concubinage
La fidélité dans le concubinage n’est pas obligatoire, le concubinage étant l’union libre par excellence. Il n’existe donc aucune obligation du moins d’ordre légale. Mais la jurisprudence admet quand même la nécessité d’une certaine notoriété de la relation entre concubins et, sans exiger une exclusivité de l’un envers l’autre des concubins, peut sanctionner le manque de stabilité. C’est ainsi que même ayant admis la possibilité d’une réparation au profit d’un concubin du fait du décès de l’autre, elle a quand même refusé le bénéfice de cette action à deux femmes qui vivaient avec le même homme en concubinage notoire, sur le motif que leur relation ne présentait pas un caractère stable. Que le fait que le défunt passait sa journée chez l’une des femmes qui lui nettoyait son linge et lui faisait son repassage et allait le soir coucher chez l’autre femme ne suffisait pas à reconnaitre ni à l’une ni à l’autre des femmes le bénéfice d’un concubinage « stable ». Cette décision peut paraitre critiquable quand on fait le parallèle avec le fait que la jurisprudence a fait droit à la concubine d’un homme qui était pourtant marié. On ne peut pas dire que la situation de cette dernière était plus stable que celle des deux femmes concubines du même homme. La diversité et la complexité des décisions en la matière illustrent fort bien la difficulté qu’il y a à traiter par le droit positif une question qui est plus d’ordre moral.