Sunteți pe pagina 1din 23

REVUE

SOMMAIRE

Régis Caruso
Théorie et enseignement de l’antithèse rhétorique en Grèce depuis

FA S C I C U L E 1
l’époque classique jusqu’aux débuts de la période byzantine...................... 7
Marco Donato DE

PHILOLOGIE
Philon lecteur de l’Éryxias ?........................................................................... 69
Lorenzo Ferroni, Luca Gili
Non-existent but potentially actual. Aristotle on plenitude (Met. Θ 3-4,
1047b1-6)........................................................................................................ 81
Isabelle de Meyer
L’étymologie du mot grec θεός « dieu ».......................................................... 115
Jordi Pià Comella DE LITTÉRATURE ET D’HISTOIRE ANCIENNES
Prière et « appropriation » des dogmes dans le stoïcisme impérial romain. 139
Benoît Sans
Polybe, Tite-Live et la « bataille de l’Èbre » (Pol. 11, 31-33 ; Liv. 28, 31,
5-34, 12).......................................................................................................... 165
Gerd Van Riel
Le manuscrit Parisinus Coislin. 322 (sigle C) du Commentaire sur le

REVUE DE PHILOLOGIE
Timée de Proclus : la copie d’une recension byzantine................................. 191

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE ................................................................................... 225


RÉSUMÉS / ABSTRACTS ............................................................................................. 259

TOME 90

2016
FASCICULE 1

TOME 90

ISSN 0035-1652
ISBN 978-2-252-04133-8

KLINCKSIECK

CV_Rph 901-1.indd 1 24/05/2018 10:35


Livre RpH_90-1.indb 1 18/05/2018 17:17
Livre RpH_90-1.indb 2 18/05/2018 17:17
REVUE
DE

PHILOLOGIE
DE LITTÉRATURE ET D’HISTOIRE ANCIENNES

Livre RpH_90-1.indb 3 18/05/2018 17:17


Livre RpH_90-1.indb 4 18/05/2018 17:17
REVUE
DE

PHILOLOGIE
DE LITTÉRATURE ET D’HISTOIRE ANCIENNES

TROISIÈME SÉRIE

PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE

ET
Ph. HOFFMANN Ph. MOREAU
DIRECTEUR D’ÉTUDES PROFESSEUR ÉMÉRITE
À L’ÉCOLE PRATIQUE À L’UNIVERSITÉ
DES HAUTES ÉTUDES DE PARIS EST CRÉTEIL

ANNÉE ET TOME XC
FASC. 1
(151 de la collection)
e

PARIS
KLINCKSIECK

Livre RpH_90-1.indb 5 18/05/2018 17:17


Retrouvez les sommaires de la Revue de philologie
et les nouveautés Klincksieck sur
www.klincksieck.com

ISBN 978-2-252-04133-8
© Klincksieck, 2018

Composition et mise en pages : Flexedo (info@flexedo.com)

Livre RpH_90-1.indb 6 18/05/2018 17:17


PHILON LECTEUR DE L’ÉRYXIAS ?

Dans un travail récent de classification des citations et allusions de pro‑


venance non biblique dans l’œuvre de Philon d’Alexandrie 1, il est possible
de trouver une référence à l’Éryxias pseudoplatonicien, un dialogue transmis
dans le corpus de Platon mais déjà mentionné dans la liste des écrits tenus
unanimement (ὁμολογουμένως) pour inauthentiques durant l’antiquité 2 et
maintenant préservé dans la section nommée appendix Platonica 3. Le fait que
Philon, à Alexandrie, au tournant de notre ère, ait pu lire l’Éryxias aurait une
grande importance pour l’enquête sur la transmission du dialogue et sur la
circulation des spuria platoniciens. Il offrirait, par conséquent, un élément
considérable pour la reconstitution du cadre général de la tradition antique du
corpus platonicien 4. Cette information est donc à examiner avec une attention
particulière.

1. D. Lincicum, « A Preliminary Index to Philo’s Non-Biblical Citations and Allusions »,


StudPhilon, 25, 2013, p. 139-167 ; les résultats sont discutés dans D. Lincicum, « Philo’s Library »,
StudPhilon, 26, 2014, p. 99-114.
2. Diogène Laërce iii 62, l. 683-686 Dorandi. La liste remonte à Thrasylle, auteur d’une intro‑
duction à la lecture de Platon écrite pendant le ier siècle de notre ère ; cf. H. Tarrant, Thrasyllan
Platonism, Ithaca/Londres, 1993, p. 83-107 et J. Mansfeld, Prolegomena. Questions to Be Settled
Before the Study of an Author, or a Text, Leyde, 1994, p. 58-107.
3. Le nom appendix Platonica a été utilisé pour la première fois en référence aux dialogues
transmis hors des tétralogies par C. W. Müller, Die Kurzdialoge der Appendix Platonica. Philologische
Beiträge zur nachplatonischen Sokratik, Munich, 1975. Sur les rapports entre l’appendix et la liste de
Diogène, voir aussi F. Aronadio (éd.), Dialoghi spuri di Platone, Turin, 2008, p. 25-29 et L. Brisson
(éd.), Écrits attribués à Platon, Paris, 2014, p. 11-13.
4. La présence d’une allusion à l’Éryxias chez Philon offrirait, en premier lieu, un nouveau
terminus ante quem pour l’origine du dialogue, même s’il ne serait pas antérieur de beaucoup à la
mention de Thrasylle ; en outre, la datation de l’œuvre est normalement assignée à la fin du ive
ou au début du iiie siècle av. J.‑C. (F. Aronadio, op. cit. [n. 3], p. 72-74 ; L. Brisson, op. cit. [n. 3],
p. 191-193). Le passage de Philon constituerait la première attestation d’une lecture ancienne des
dialogues de l’appendix, bien antérieure à la paraphrase du Sisyphe dans le discours xxvi de Dion
de Pruse, mentionnée par C.W. Müller « Appendix Platonica und Neue Akademie. Die pseudoplato‑
nischen Dialoge Über die Tugend und Alkyon », dans K. Döring, M. Erler, S. Schorn (éds.), Pseudo-
platonica. Akten des Kongresses zu den Pseudoplatonica vom 6-9 juli 2003 in Bamberg, Stuttgart, 2005,
p. 155-184. Par ailleurs, il donnerait une information sur la circulation ancienne de ces dialogues.
Si nous consultons encore une fois le catalogue de Lincicum, Philon semble connaître une vingtaine
d’œuvres parmi les trente-six contenues dans les tétralogies : la liste mentionne Apologie, Criton,
Phédon, Cratyle, Théétète, Sophiste, Politique, Parménide, Philèbe, Banquet, Phèdre, Protagoras, Gorgias,
Ménon, Ion, République, Timée, Lois et Lettres ; F. Calabi perçoit, avec prudence, une influence de
l’Épinomis : voir F. Calabi, « Filone di Alessandria e l’Epinomide », dans F. Alesse, F. Ferrari (éds.),
Epinomide. Studi sull’opera e la sua ricezione, Naples, 2012, p. 235-262. Tout cela remonterait à

Rev. de philologie, 2016, XC, 1

Livre RpH_90-1.indb 69 18/05/2018 17:17


70 MARCO DONATO

Le passage en question se trouve dans le De plantatione (περὶ φυτουργίας


Νῶε), commentaire allégorique à Genèse 9 : 20, dont la seconde partie, qui
développe un thème approfondi dans le traité suivant De ebrietate, répond à
la question εἰ μεθυσθήσεται ὁ σοφός, en rapport avec l’ivresse de Noé 5. La
section entière montre une certaine indépendance par rapport à ce qui pré‑
cède : ici, le thème de l’ἀμπελουργία, introduit comme εἶδος γεωργικῆς,
reste entièrement marginal et la cohérence avec le thème général est sa‑
crifiée au profit de l’enquête sur la μέθη. Après un proème (142-148), qui
introduit les différentes positions sur la licéité du μεθύειν, la justification de
l’ivresse de Noé est conduite à travers une série d’arguments qui constituent
les démonstrations d’une véritable apologie de la μέθη, et qui sont distin‑
guées en ἔντεχνοι et ἄτεχνοι 6. Les trois premières démonstrations, c’est-
à-­dire les ἄτεχνοι, s’appuient sur l’analyse du langage : la première (149-
155) est basée sur la distinction « synonymique » entre les verbes μεθύειν et
οἰνοῦσθαι, les deuxième et troisième sur deux étymologies selon lesquelles
le verbe μεθύειν est rapporté respectivement à μετὰ τὸ θύειν (156-164)
– avec l’élément rituel lié à la consommation du vin pendant les sacrifices
et la prière – et à la μέθεσις τῆς ψυχῆς (165-171), une « détente de l’âme »
positive pour le σοφός. Le sage, donc, deviendra « plus heureux que lors‑
qu’il est à jeun » (ἡδίων γὰρ αὐτὸς ἑαυτοῦ νήφοντος : 166), parce que le

la présence, dans la bibliothèque de Philon, d’une édition intégrale de l’œuvre de Platon (voir
D. Lincicum, « Philo’s Library », op. cit. [n. 1], p. 113-114) ; si l’Éryxias était connu de Philon,
il est vraisemblable que ce dialogue faisait déjà partie de cette édition. Mais de quelle édition
s’agit-il ? À Alexandrie une organisation des dialogues en trilogies était proposée par Aristophane
de Byzance (D.L. III 61-62, l. 673-679 Dorandi), mais il est difficile de savoir s’il s’agissait d’une
véritable édition ; nous trouvons aussi les traces d’une activité d’Aristarque portant sur les dialogues.
Sur ces questions voir A. Carlini, Studi sulla tradizione antica e medievale del Fedone, Rome, 1972,
p. 3-30 ; F. Aronadio, op. cit. [n. 3], p. 15-16 et F. Schironi, « Plato at Alexandria : Aristophanes,
Aristarchus and the “Philological Edition” of a Philosopher », CQ, 55, 2005, p. 423-434. En outre,
le problème des rapports de Philon avec la tradition philologique alexandrine est encore débattu :
voir B. Wyss, « Philon und die Philologen », Biblische Notizen, 148, 2011, p. 67-83 et F. Siegert,
« Philon et la philologie alexandrine. Aux origines du fondamentalisme biblique », dans S. Inowlocki,
B. Decharneux (éds.), Philon d’Alexandrie. Un penseur à l’intersection des cultures gréco-romaine,
orientale, juive et chrétienne, Turnhout, 2011, p. 393-402.
5. Plant. 140-177. Le rôle de transition du De plantatione, avec une première section qui déve‑
loppe le thème du De cultivatione et une seconde qui introduit le De ebrietate, est bien souligné par
J. Pouilloux (éd.), Philon. De plantatione, Paris, 1963, p. 12-13. Ces traités étaient conçus par Philon
comme les parties d’un même discours (voir A. C. Geljon, D. T. Runia (éds.), Philo of Alexandria.
On Cultivation, Leyde/Boston, 2013, p. 1-3), ce qui explique l’extravagance du sujet de la seconde
partie si l’on considère le titre du traité ; voir le jugement de F.H. Colson, G. H. Whitaker (éds.),
Philo, III, Londres/New York, 1930, p. 207 (« the second part should be entitled περὶ μέθης, for it
deals with the vine only with respect to its fruit »).
6. La distinction est explicite en Plant. 173 : εἰ δ’ ὥσπερ ἐν δικαστηρίῳ μὴ μόνον ταῖς ἐντέχνοις
ἀποδείξεσιν, ἀλλὰ καὶ ταῖς ἀτέχνοις λεγομέναις χρηστέον (« Si, comme devant un tribunal, il
faut faire usage non seulement des démonstrations conformes aux règles de l’art, mais aussi de
celles qui, dit-on, échappent à ses règles »). Schéma synthétique chez I. Heinemann, (éd.) Philos
Werke. Vierter Teil, Breslau, 1923, p. 150-151.

Livre RpH_90-1.indb 70 18/05/2018 17:17


PHILON LECTEUR DE L’ÉRYXIAS ? 71

vin met en évidence la tendance déjà présente dans la nature de l’individu.


Comme Philon en fait l’illustration, cette règle est en réalité plus générale, et
elle ne vaut pas seulement pour la μέθη (171) :

ὁ γὰρ ἄκρατος τὰ τῇ φύσει προσόντα ἐπιτείνειν καὶ σφοδρύνειν


ἔοικεν εἴτε καλὰ εἴτε καὶ τὰ ἐναντία, καθάπερ καὶ πολλὰ τῶν
ἄλλων· ἐπεὶ καὶ χρήματα αἴτια μὲν ἀγαθῶν <ἀγαθῷ> 7, κακῷ
δέ, ὡς ἔφη τις, κακῶν· καὶ πάλιν δόξα τοῦ μὲν ἄφρονος τὴν κακίαν
ἐπιφανεστέραν, τοῦ δὲ δικαίου τὴν ἀρετὴν εὐκλεεστέραν ἐπιφαίνει.
Car le vin pur apparemment provoque, comme beaucoup d’autres
choses, une augmentation et un renforcement des qualités naturelles,
qu’elles soient bonnes ou non. Ainsi l’argent, à ce qu’on dit, est cause
de bien pour l’homme de bien, mais de mal pour le méchant. De même
la gloire met davantage en lumière la méchanceté de l’insensé, tandis
qu’elle rend plus éclatante la valeur du juste 8.

Les exemples choisis (mais il y en aurait beaucoup d’autres : πολλὰ τῶν


ἄλλων) sont les richesses (χρήματα) et la réputation (δόξα). Même dans ces
deux cas, l’essentiel est le principe selon lequel les choses augmentent et ren‑
forcent (ἐπιτείνειν καὶ σφοδρύνειν) ce qui est déjà présent dans la nature
de l’homme : les richesses, qui peuvent être un moyen pour se procurer des
biens, sont cause de maux pour les méchants, tout comme la réputation rend
plus manifestes autant le vice que la vertu.
C’est au sujet de l’argument sur les richesses que la critique imagine un
contact avec l’Éryxias, le dialogue dans lequel Socrate, Érasistrate, Éryxias
et Critias discutent du rapport entre vertu et richesse. Le premier à signaler
un parallèle fut Paul Wendland, dans l’édition allemande de l’œuvre de
­Philon, par une simple indication en apparat : « [Platonis] Eryxias p. 397E » 9.

7. Pour le problème de texte, qui n’affecte pas notre argument, voir D.T. Runia, « The Text of
the Platonic Citations in Philo of Alexandria », dans M. Joyal (éd.), Studies in Plato and the Platonic
Tradition, Aldershot/Brookfield, 1997, p. 267-268.
8. Traduction de J. Pouilloux, op. cit. [n. 3], légèrement modifiée.
9. P. Wendland (éd.), Philonis Alexandrini opera quae supersunt. Vol. II, Berlin, 1897, p. 168.
La note est reprise par I. Heinemann, op. cit. [n. 6], p. 186, n. 2 et le parallèle est enregistré par
W. Theiler, « Sachweiser zu Philo », dans L. Cohn, I. Heinemann, M. Adler, W. Theiler (éds.),
Philo von Alexandria. Die Werke in Deutscher Übersetzung, Berlin, 1964, p. 391. Aucune mention,
cependant, n’en est faite chez T.H. Billings, The Platonism of Philo Judaeus, Chicago, 1919 (voir A.C.
Geljon, D.T. Runia, « An Index Locorum to Billings, “The Platonism of Philo Judaeus” », StudPhilon,
7, 1995, p. 169-185). Le passage est cité dans l’étude des citations de Platon chez Philon proposée
par D.T. Runia, « The Text », op. cit. [n. 7], p. 267-268, qui manifeste quelques doutes, considérant
que « this time we have, it seems, a very loose allusion » et concluant que « the distance from the Platonic
model is in fact still quite large ». Après le catalogue de Lincicum, des notes sur l’allusion se trouvent
chez G.E. Sterling, « The Jewish Philosophy. Reading Moses via Hellenistic Philosophy According to
Philo », dans T. Seland (éd.), Reading Philo : a Handbook to Philo of Alexandria, Grand Rapids (MI)/

Livre RpH_90-1.indb 71 18/05/2018 17:17


72 MARCO DONATO

La section identifiée est au centre du dialogue, avant la seconde définition


de πλοῦτος offerte par Éryxias. Les personnages sont engagés dans un débat
sur la nature de la richesse : Éryxias se demande « quelle sorte de chose est
la richesse, une bonne ou une mauvaise chose » 10 (ὁποῖόν τί ἐστιν, πότερον
ἀγαθὸν ἢ κακόν : Erx. 395d7). À l’opinion traditionnelle dont Éryxias se
fait le porte-parole et selon laquelle le πλουτεῖν est toujours un bien, est
opposée la réfutation dialectique de Critias, qui montre que pour quelques
catégories d’hommes la richesse est un mal : il s’agit des injustes (ἄδικοι), qui
auraient plus de moyens pour perpétrer leurs injustices, et des intempérants
(ἀκρατεῖς), qui pourraient détruire leur corps par des excès dont la pauvre‑
té les éloigne (396e4-397b7). L’argument de Critias est tellement persuasif
qu’Éryxias ne sait pas comment répondre et que la discussion risquerait de se
transformer en bagarre, si Socrate n’intervenait pas pour apaiser les esprits.
Il rappelle un épisode auquel il a assisté deux jours auparavant (πρῴην),
une exhibition de Prodicos au Lycée à la fin de laquelle le sophiste avait été
chassé par le gymnasiarque. La thèse soutenue par Prodicos face à ses jeunes
auditeurs dans le gymnase se fonde sur le principe strictement relativiste se‑
lon lequel « tant valent ceux qui les utilisent, tant valent les choses, c’est une
nécessité » (ὁποῖοι ἄν τινες ὦσιν οἱ χρώμενοι, τοιαῦτα καὶ τὰ πράγματα
αὐτοῖς ἀνάγκη εἶναι : 397e8-10) ; cela constitue – au moins selon Socrate
qui nous rapporte l’épisode – une extension de ce qu’a affirmé Critias. En
particulier, en ce qui concerne la richesse, comme le dit Prodicos (397e5-7) :

τοῖς μὲν καλοῖς κἀγαθοῖς τῶν ἀνθρώπων ἀγαθόν, καὶ τοῖς


ἐπισταμένοις ὅπου δεῖ χρῆσθαι τοῖς χρήμασι, τούτοις μὲν ἀγαθόν,
τοῖς δὲ μοχθηροῖς καὶ ἀνεπιστήμοσιν κακόν.
« La richesse est un bien pour ceux qui sont des gens accomplis, pour
ceux qui savent quel usage faire de leur richesse. Pour eux c’est un
bien, tandis que pour les gens de rien qui ne savent pas ce qu’il faut
en faire c’est un mal ».

La proximité avec le passage de Philon, dans lequel les richesses sont


cause de bien pour les bons et de mal pour les méchants, est indéniable. Dans
Philon, en outre, l’argument est attribué à une autorité qui n’est pas précisée
– ὡς ἔφη τις – ce qui suggère la présence d’une citation. Si l’imprécision de
τις ne donne pas d’éléments pour identifier un auteur, elle ne signale pas en
elle-même la réception d’une œuvre d’autorité incertaine, anépigraphe ou
d’attribution douteuse : si, malheureusement pour Philon, nous n’avons pas
la possibilité de confronter ce passage avec d’autres citations de dialogues

Cambridge, 2014, p. 138 et I. Ramelli, « Philo’s Doctrine of Apokatastasis : Philosophical Sources,


Exegetical Strategies, and Patristic Aftermath », StudPhilon, 26, 2014, p. 31, n. 7.
10. Les traductions de l’Éryxias sont tirées de L. Brisson, op. cit. [n. 3].

Livre RpH_90-1.indb 72 18/05/2018 17:17


PHILON LECTEUR DE L’ÉRYXIAS ? 73

suspectés dans l’antiquité 11, nous constatons que la citation indéfinie est


un usage commun de l’auteur, même pour les dialogues authentiques de
­Platon. Toujours dans le De plantatione (80), le Socrate de l’Apologie est « un
des anciens » (τις τῶν παλαιῶν), tandis qu’une pareille expression (τις τῶν
ἀρχαίων) désigne Platon (Ti. 28c-29e) dans le De opificio mundi  (21) ; en
Legum allegoriae ii 15, l’argument sur la connaissance des nomothètes qui
remonte au Cratyle (437d-438b) est attribué en général aux « philosophes
grecs » (οἱ παρ’ Ἕλλησι φιλοσοφοῦντες). De même, dans le De Josepho (62),
la distinction entre cuisinier et médecin, fondée sur le Gorgias, est indiquée
comme de notoriété publique (τίς οὐκ οἶδεν;). D’autres fois, en particulier
quand il reprend et résume des éléments de pensée platonicienne, Philon
n’offre pas d’indices de cette opération : c’est le cas d’un passage du De pos-
teritate Caini (113) dans lequel la scala amoris du Banquet est reprise 12 ; c’est
le cas, aussi, de la thèse de Socrate dans le Gorgias, selon laquelle il est pré‑
férable de subir le mal que de l’infliger, reprise sans mention de la source
dans le De Josepho (20). Par ailleurs, les références à l’ἀνάμνησις (Praem. 9,
Contempl. 78) et à la philosophie comme exercice de mort, célèbre image du
Phédon (Gig. 14, Det. 34), sont également intégrées dans le contexte des trai‑
tés philoniens sans mention de leur source. Les citations dans lesquelles à la
fois l’auteur et l’œuvre sont mentionnés ne manquent pas mais, souvent, elles
se distinguent par leur caractère polémique : c’est le cas de la paraphrase du
discours d’Aristophane dans le Banquet, insérée dans le De vita contemplativa
(57-63) 13. Dans le cas du De plantatione qui nous occupe nous serions donc
tenté de penser qu’avec τις Philon veut indiquer Platon, auquel il attribuait
l’Éryxias en tant qu’œuvre du corpus 14.
En vérité, la discussion sur la relativité des biens comme la richesse n’est
pas une exclusivité de l’Éryxias. Si les savants tendent désormais à nier une
valeur au passage pseudo-platonicien comme témoignage sur la pensée de

11. Aucun des autres ὁμολογουμένως νοθευόμενοι n’est présent dans l’index de Lincicum,
n’y figurent pas non plus les écrits suspectés par les Anciens, comme les Anterastai (mis en doute
par Thrasylle : D.L. IX 37, l. 35 Dorandi), l’Hipparque (suspect chez Élien, VH 8, 2), le Second
Alcibiade (attribué à Xénophon chez Athénée, XI 506c4-5). Pour ce qui concerne les Lettres, la
seule citée est la septième, que les savants tendent à attribuer à Platon (mais voir les arguments
contraires de M. Burnyeat, M. Frede, The Seventh Platonic Letter. A Seminar. Edited by D. Scott,
Oxford, 2015). L’allusion, repérée dans le fragment De Deo (4), n’est d’ailleurs pas sûre ; voir
F. Siegert « Le fragment philonien De Deo », in C. Lévy (éd.), Philon d’Alexandrie et le langage de la
philosophie, Turnhout, 1998, p. 198.
12. Par erreur, la référence renvoie à une inexistante page 221c du Cratyle chez F.H. Colson,
G.H. Whitaker (éds), Philo, II, Londres/New York, 1929, p. 500, et, telle quelle, elle est reproduite
chez D. Lincicum, « A Preliminary Index », op. cit. [n. 1], p. 156.
13. Pour un traitement général des problèmes relatifs aux citations de Platon chez Philon, voir
D. T. Runia, « The Text », op. cit. [n. 7], p. 286-288.
14. Nous pourrions comparer à ce cas l’attribution explicite à Platon des excerpta de l’Éryxias
préservés par Stobée : voir à ce sujet R. M. Piccione, « Gli pseudoplatonica nella tradizione dei
florilegi », dans K. Döring, M. Erler, S. Schorn (éds.), Pseudoplatonica, op. cit. [n. 4], p. 199.

Livre RpH_90-1.indb 73 18/05/2018 17:17


74 MARCO DONATO

Prodicos 15, le principe qui sous-tend la formulation de l’Éryxias ne constitue


pas une nouveauté : la valeur de l’usage correct (ὀρθὴ χρῆσις) pour les biens
matériels est centrale dans des pages célèbres de Platon (Ménon 87e5-88e4 ;
Euthydème 278e3-282e6) 16. L’identification de πράγματα dont la qualité
est déterminée par l’usage correct et non par la valeur intrinsèque, donc en
soi ni bien ni mal (Euthd. 280e6-281a1 : οὔτε κακὸν οὔτε ἀγαθόν) aboutit,
comme on le sait, à la classification stoïcienne en biens, maux et indifférents
(ἀδιάφορα). Les savants ont recherché l’influence de ce concept stoïcien
même sur l’Éryxias 17.

15. Voir la notice de M. Narcy, « Prodicos de Céos », dans R. Goulet (éd.), Dictionnaire des
philosophes antiques. V : de Paccius à Rutilius Rufus, Paris, 2012, p. 1692-1693. Prodicos joue un
rôle similaire dans l’Axiochos, un dialogue probablement tardif, dans lequel le personnage se fait
le porte-parole de doctrines d’ascendance clairement épicurienne (Ax. 369c2-8 ; sur le sujet voir
A. Lohmar, « Sterblichkeit, Annihilation und die Furcht vor dem Tod : das Problem des Axiochos
und die Irrelevanz der epikureischen Thanatologie », dans Irmgard Männlein-Robert (éd.), Ps.
Platon. Über den Tod, Tübingen, 2012, p. 155-181) ; la tentative récente de fonder sur le λόγος du
sophiste dans l’Axiochos une reconstruction des Saisons de Prodicos, opérée par R. Mayhew (éd.)
Prodicus the Sophist. Texts, Translations, and Commentary, Oxford/New York, 2011 p. xxi-xxiii,
n’est pas convaincante. Des morceaux des deux dialogues sont insérés par Diels dans les dubia (DK
84 B 8 = Erx. 397c6-e10 ; B 9 = Ax. 366b5-c8). De l’Éryxias Mayhew tire deux fragments (T 86
= Erx. 397c6-e10 ; T 87 = Erx. 398c4-399a5) dont il remet fortement en doute l’authenticité, en
admettant les avoir insérés « for the sake of completeness » (p. 224) ; on mentionnera aussi la récente
édition d’André Laks et Glenn W. Most, qui placent les passages de l’Éryxias et de l’Axiochos dans
une section nommée « Later Reflections of Plato’s Portrait of Prodicus » : cf. A. Laks, G. W. Most
(éds.), Early Greek Philosophers VIII : Sophists, Part 1, Cambridge (Ma.)/Londres, 2016, p. 463-465.
Les voix discordantes n’ont pas manqué, comme W. Nestle, « Die Horen des Prodikos », Hermes,
71, 1936, p. 151-170, qui voudrait reconstruire les Ὧραι justement à partir de l’Éryxias – mais
principalement de sections du dialogue dans lesquelles Prodicos n’apparaît pas –, ou G.B. Kerferd,
« The “Relativism” of Prodicus », BRL, 37, 1954, p. 249-256, qui tente d’insérer la position relati‑
viste dans le cadre général de la pensée du sophiste. Aujourd’hui, les savants tendent à considérer
plutôt la fortune de Prodicos dans les deux dialogues comme une forme de réception de l’usage du
personnage par Platon. Le fait que Philon connaisse et paraphrase largement (Sacr. 21-45) le récit
attribué à Prodicos sur Héraclès « au carrefour » n’est d’aucune importance pour notre question :
il est plus probable qu’il lui est parvenu par l’intermédiaire du deuxième livre des Mémorables
de Xénophon, une œuvre qu’il évoque même ailleurs (cf. D. Lincicum, « A Preliminary Index »,
op. cit. [n. 1], p. 160-161).
16. Une influence de l’Euthydème sur l’auteur de l’Éryxias est admise par les savants. En parti‑
culier, l’argumentation de Critias en Erx. 396e4-397b7 est un élargissement de Euthd. 281b4-e2 ; en
outre, l’échelle des biens à travers laquelle Socrate parvient à affirmer que les plus savants parmi
les hommes sont aussi les plus riches (Erx. 393a7-394a5) suit les degrés qui, dans l’Euthydème,
remontent des biens matériels jusqu’à la σοφία (Euthd. 278e3-279c2). Dans la même section l’au‑
teur de l’Éryxias réemploie le « jeu » sur la double signification de εὖ πράττειν (Erx. 393e7-11 ;
cf. Euthd. 278e3-6 et 281b8-c3). De l’Euthydème provient aussi l’élément comique qui caractérise
les entrées brusques d’Éryxias (394a6) et Critias (395e6-7) et la représentation d’un Socrate
amené à éviter la dégradation du dialogue vers la λοιδορία (Erx. 397b9-c6 ; cf. Euthd. 288b3-4).
17. Une présence du stoïcisme dans l’Éryxias est soutenue par K.H. Hagen, Observationum
oeconomico-politicarum in Aeschinis dialogum qui Eryxias inscribitur, partes I-II, diss. Königsberg,
1822 : les arguments de celui-ci ont conduit les savants à s’interroger sur l’orientation philosophique
de l’auteur, un stoïcien (O. Schrohl, De Eryxia qui fertur Platonis, diss. Univ. Göttingen, 1901),

Livre RpH_90-1.indb 74 18/05/2018 17:17


PHILON LECTEUR DE L’ÉRYXIAS ? 75

La richesse sert d’exemple typique d’indifférent dans les formulations


canoniques de l’éthique stoïcienne, comme celles que nous trouvons dans
le septième livre de Diogène Laërce. Le principe de l’usage est explicité par
les sources comme fondement de l’indifférence du πλοῦτος : de la richesse,
comme de la santé, il est possible de se servir bien ou mal (ἔστιν εὖ καὶ κακῶς
χρῆσθαι : D.L. vii 103, l. 736 Dorandi = SVF iii 117 ; cf. S.E. M. xi 61 =
SVF iii 122, 28-29) 18. La tradition que Philon trouve derrière lui a une épaisseur
qui va bien au-delà des mots de Prodicos dans l’Éryxias : c’est cette tradition
qu’il prend en considération pour la construction générale de l’argument sur
la μέθη dans le De plantatione.
Une provenance doxographique pour les arguments que l’auteur présente
est suggérée par les premiers mots du De ebrietate (1, 1-2) : « ce que les autres
philosophes ont dit de l’ivresse, nous l’avons rappelé, autant qu’il était pos‑
sible, dans le livre précédent » (τὰ μὲν τοῖς ἄλλοις φιλοσόφοις εἰρημένα
περὶ μέθης, ὡς οἷόν τε ἦν, ἐν τῇ πρὸ ταύτης ὑπεμνήσαμεν βίβλῳ). Qui
sont ces ἄλλοι φιλόσοφοι dont l’autorité est reconnue pour la recherche
sur l’ivresse dans le De plantatione ? La présence d’une influence stoïcienne
dans la forme du problème semble une donnée acquise par les savants 19.
En particulier, la distinction lexicale opérée dans la première démonstra‑
tion (149-155) trouve un parallèle important dans l’une des caractéristiques
du sage stoïcien décrit par Diogène Laërce (vii 118, l. 901 Dorandi) : καὶ
οἰνωθήσεσθαι μέν, οὐ μεθυσθήσεσθαι δέ. En outre, le syllogisme men­
tionné par Philon dans la section conclusive de la démonstration (176-177)
est emprunté directement à Zénon, comme nous le savons par le témoignage
de Sénèque (Ep. 83, 9 = SVF i 229) 20. Donc, si le modèle principal de Philon

un éclectique (J. Souilhé (éd.), Platon. Œuvres complètes. Tome XIII – 3e partie. Dialogues apocryphes :
Du juste, De la vertu, Démodocos, Sisyphe, Éryxias, Axiochos, Définitions, Paris, 1930, p. 84-88), ou
un académicien engagé dans la polémique anti-stoïcienne (D. E. Eichholz, « The Pseudo-Platonic
Dialogue Eryxias », CQ, 29, 1935, p. 129-149 ; G. Gartmann, Der pseudoplatonische Dialog Eryxias,
diss. Univ. Bonn 1949, p. 75-89). Récemment, toutefois, les études ont mis au jour l’origine socra‑
tique et platonicienne des formulations présentes dans le dialogue : voir F. Aronadio (éd.), op. cit.
[n. 3], p. 69-73. Pour les précédents socratiques de la formulation stoïcienne des ἀδιάφορα voir,
outre l’Euthydème, le Charmide (161a2-b2) et la doctrine générale sur les ὄντα dans le Gorgias
(467e23) ; sur ces questions cf. F. Alesse, La Stoa e la tradizione socratica, Naples, 2000, p. 323-
331 et F. Trabattoni, « Socrate conteso : Platone e gli stoici », dans F. De Luise, A. Stavru (éds),
Socratica III. Studies on Socrates, the Socratics and the Ancient Socratic Literature, Sankt Augustin,
2013, p. 114-116.
18. Pour la doxographie stoïcienne contenue dans le septième livre de Diogène Laërce, je
renvoie à D. E. Hahm, « Diogenes Laertius VII : On the Stoics », ANRW II 36.6, p. 4145-65.
19. Au moins à partir de H. von Arnim, Quellenstudien zu Philo von Alexandria, Berlin, 1888,
p. 102-103 : « die Form, in welcher das Problem der Untersuchung : εἰ μεθυσθήσεται ὁ σοφός
aufgestellt wird, hat stoischen Charakter ».
20. Les passages sont recueillis dans la collection de von Arnim (Plant. 154 = SVF III 712 ;
Plant. 176 = SVF I 229, avec Sénèque), qui toutefois reconnaît dans le De plantatione l’influence
d’une source éclectique (H. von Arnim, Quellenstudien, op. cit. [n. 19], p. 134-140). Sur le problème,

Livre RpH_90-1.indb 75 18/05/2018 17:17


76 MARCO DONATO

est une source stoïcienne, ou au moins une source qui connaît les dévelop‑
pements de la quaestio dans la Stoa, il semble naturel de se demander si l’ou‑
verture de l’argumentation vers un discours général sur les indifférents n’est
pas un mouvement qui renvoie à la source elle-même, comme les exemples
choisis – parfaitement à leur place parmi les ἀδιάφορα codifiés dans les ré‑
pertoires traditionnels – semblent le montrer. Outre la richesse, la réputation
elle aussi est un composant récurrent dans les catalogues antiques : elle se
trouve parmi les indifférents dans les listes de Diogène (vii 104, ll. 744-748
Dorandi = SVF iii 119 ; vii 102, ll. 724-730 Dorandi = SVF iii 117), dans les
fragments de Zénon (Stob. Ecl. ii 57, 18 W. = SVF i 190) et d’Ariston (Sen.
Ep. xv 94, 8 = SVF i 359, 29-34 ; la traduction latine est ici honores). La δόξα
est insérée, avec le πλοῦτος, dans les προηγμένα stoïciens au cœur des
témoignages de Sextus Empiricus (M. xi 63 = SVF iii 122, 35-38), ­Diogène
Laërce (vii 106, ll. 769-770 Dorandi = SVF iii 127, 5-6) et Cicéron (Fin. iii 51
= SVF iii 129, 29-35 ; δόξα est ici traduit par gloria). Richesse et réputation
sont donc bien représentées parmi les choses auxquelles la doctrine stoï‑
cienne reconnaît canoniquement une valeur dépendant de la nature de qui
vient en contact avec eux : il s’agit d’exemples que Philon aurait pu trouver
dans la même source stoïcienne qu’il suivait pour le reste de l’argumenta‑
tion 21. Enfin, pour la juxtaposition de μέθη et χρήματα, il y a un parallèle
généralement négligé 22. Il s’agit d’un fragment des ὁμοιώματα d’Ariston de
Chios préservé par Stobée (Flor. iv 31d 110 = SVF i 397) où l’exemple de
l’οἶνος est employé pour illustrer les effets de la richesse :

en dialogue avec la reconstruction de von Arnim, voir Th. Bénatouïl, Faire usage : la pratique du
stoïcisme, Paris, 2006, p. 280-320 et C. Lévy, « Philo’s Ethics », dans A. Kamesar (éd.), The Cambridge
Companion to Philo, New York, 2009, p. 162 (« the presentation of the arguments brought forward
(…) attests to Philo’s in-depth knowledge of the discussions taking place within Stoicism »). Pour une
comparaison entre les positions de Philon et Sénèque et le syllogisme de Zénon, voir Th. E. Phillips,
« “Will the Wise Person Get Drunk ?” The Background of the Human Wisdom in Luke 7 : 35 and
Matthew 11:19 », JBL, 127/2, 2008, p. 387-394 ; pour les rapports entre la pensée philonienne
sur le plaisir et la doctrine stoïcienne, cf. A. Le Boulluec, La réflexion de Philon sur le plaisir, dans
C. Lévy (éd.), Philon d’Alexandrie, op. cit. [n. 11], p. 147-151.
21. Il est peut-être significatif d’observer que, dans le catalogue des œuvres de Sphairos conservé
par Diogène Laërce, les traités περὶ πλούτου et περὶ δόξης sont proches (D.L. VII 178, ll. 42-43
Dorandi = SVF I 620, 12-13). Un περὶ δόξης figure aussi parmi les œuvres attribuées à Cléanthe
(D.L. VII 175, l. 117 Dorandi = SVF I 481, 22) ; sur la δόξα comme indifferens Cléanthe avait
aussi écrit des vers connus par Clément d’Alexandrie (Strom. V 3, 17 = SVF I 559 et Strom. V 14,
110 = SVF I 560 ; voir N. Festa (éd.), I frammenti degli stoici antichi, Vol. II : Aristone, Apollofane,
Erillo, Dionigi d’Eraclea, Persèo, Cleante, Sfero, Bari, 1935, p. 172-173). Dans l’Hymne à Zeus,
parmi les raisons de la ruine des hommes δύσμοροι qui ne suivent pas le λόγος, sont citées en
séquence δόξα et κερδοσύνη (SVF I 537, 23-24), voir J. C. Thom (éd.), Cleanthes’ Hymn to Zeus,
Tübingen, 2006, p. 130-138.
22. Le seul à le citer à ce propos est Th. Bénatouil, op. cit. [n. 20], p. 300-303.

Livre RpH_90-1.indb 76 18/05/2018 17:17


PHILON LECTEUR DE L’ÉRYXIAS ? 77

ὡς τὸν αὐτὸν οἶνον πίνοντες οἱ μὲν παροινοῦσιν, οἱ δὲ πραΰνονται,


οὕτω καὶ πλοῦτον <…>
Comme en buvant le même vin certains hommes délirent, certains
autres restent calmes, de même la richesse…

Bien que le texte de l’Anthologion soit apparemment lacunaire et malgré


le manque total de contexte, la syntaxe est assez claire. L’argument semble
renversé par rapport à ce que l’on trouve dans Philon, avec le vin qui sert
d’exemplum dans un discours axé sur le thème de la richesse, comme le sug‑
gère par ailleurs le titre de la section de Stobée (περὶ πλούτου) ; l’emploi
du vin comme exemple semble, en outre, cher à Ariston, comme le montre
un autre fragment préservé chez Sénèque (Ep. 36, 3 = SVF i 388) 23. Mais la
juxtaposition doit être fondée sur la caractéristique commune au vin et à la
richesse d’être par soi-même indifférents. De plus, la présence de cette jux‑
taposition dans un répertoire de comparaisons d’origine scolastique comme
les ὁμοιώματα peut nous conduire à entrevoir les traces d’un τόπος argu‑
mentatif pour la construction de discours sur la richesse et, en général, sur
les indifférents 24. Si les choses sont ainsi, est-il nécessaire d’imaginer que,
pour le seul exemple des richesses, Philon se détache de sa source, pour
employer un argument trouvé dans un dialogue obscur tel que l’Éryxias ?
L’hypothèse la plus économique serait plutôt d’imaginer qu’il trouve aussi
les deux comparaisons avec les richesses et la réputation dans le même écrit
dont dérive le reste de la discussion sur l’ivrogne.
Certes, encore une fois, la formule par laquelle Philon insère l’exemple est
surprenante : ὡς ἔφη τις. Ce détail pourrait donc être l’indice d’une conta‑
mination ou d’une intégration, possiblement à partir d’une nouvelle source.
Mais cette source est-elle l’Éryxias ? Revenons à la lecture du dialogue pseudo-­
platonicien, avec la réponse de Prodicos au μειράκιον (Erx. 397e5-7) :

τοῖς μὲν καλοῖς κἀγαθοῖς τῶν ἀνθρώπων ἀγαθόν, καὶ τοῖς


ἐπισταμένοις ὅπου δεῖ χρῆσθαι τοῖς χρήμασι, τούτοις μὲν ἀγαθόν,
τοῖς δὲ μοχθηροῖς καὶ ἀνεπιστήμοσιν κακόν. ἔχει δ’ – ἔφη – καὶ τὰ
ἄλλα πράγματα οὕτω πάντα· ὁποῖοι γὰρ ἄν τινες ὦσιν οἱ χρώμενοι,
τοιαῦτα καὶ τὰ πράγματα αὐτοῖς ἀνάγκη εἶναι.
« La richesse est un bien pour ceux qui sont des gens accomplis, pour
ceux qui savent quel usage faire de leur richesse. Pour eux c’est un
bien, tandis que pour les gens de rien qui ne savent pas ce qu’il faut en

23. L’usage du vin était aussi le thème d’un écrit d’Antisthène dont on conserve le titre περὶ
οἴνου χρήσεως (SSR V A 41, l. 64 = D.L. VII 18, l. 224 Dorandi) ; cf. S. Prince (éd.), Antisthenes
of Athens. Texts Translations and Commentary, Ann Arbor 2015, p. 158.
24. Sur les ὁμοιώματα et leur attribution, voir A. M. Ioppolo, Aristone di Chio e lo stoicismo
antico, Naples, 1980, p. 50-52 et 308-312.

Livre RpH_90-1.indb 77 18/05/2018 17:17


78 MARCO DONATO

faire c’est un mal. Et il en va de même pour tout le reste : tant valent


ceux qui les utilisent, tant valent les choses, c’est une nécessité ».

La comparaison entre la thèse de Prodicos et le passage de Philon fait


resurgir quelques différences. Si l’affirmation de l’Alexandrin comporte une
forme de relativisme, notons que chez Philon elle est valide seulement pour
« beaucoup d’autres choses » (πολλὰ τῶν ἄλλων), et non pour toutes les
choses (καὶ τὰ ἄλλα πράγματα οὕτω πάντα) : ces πολλά s’identifient,
comme nous l’avons déjà vu, avec les ἀδιάφορα du stoïcisme. En second
lieu, chez Philon, le rôle de l’usage (χρῆσις) n’est pas explicité : en revanche,
il est mentionné plusieurs fois dans le discours de Prodicos. La catégorie
des καλοὶ κἀγαθοί est immédiatement spécifiée comme identique à celle
des « savants » (ἐπιστάμενοι). Cette forme de savoir regarde l’usage : ὅπου
δεῖ χρῆσθαι, « où », mais surtout « quand », il est nécessaire de se servir des
richesses, dont la valeur dépend des hommes qui les utilisent. Le lien entre
χρῆσις/χρῆσθαι et χρήματα, qui anticipe sur la définition des χρήματα
comme « choses utiles » (χρήσιμα) proposée dans la seconde partie du dia‑
logue, repose notamment sur un jeu étymologique que l’on ne trouve pas
chez Philon : nous sommes étonné de constater qu’il n’a pas employé cet
argument, dans une section aussi riche d’analyses linguistiques et lexicales,
en réservant aux χρήματα la connotation plus pâle de αἴτια, « causes »
des biens et des maux, sans mentionner l’usage 25. En explicitant la rela‑
tion causale, en outre, la formulation que l’on trouve chez Philon sépare
les biens (ἀγαθά) des richesses : le problème n’est pas d’affirmer que les
richesses soient bonnes ou soient un bien pour une personne ou une autre,
mais seulement qu’elles apportent du bien aux bons et du mal aux méchants.
Une description de ce genre semble plus cohérente avec la notion stoï‑
cienne d’ἀδιάφορον qu’avec le passage de l’Éryxias, qui attribue à tous les
πράγματα une nature pour ainsi dire changeante, tantôt bonne tantôt mau‑
vaise, selon l’usage ; chez Philon le problème n’est pas relatif à une qualité
de l’objet, qui reste toujours indifférent, mais plutôt aux conséquences du
contact entre l’objet et l’homme, qui varient selon la ψυχή du sujet. Si τις est
l’auteur de l’Éryxias, nous trouvons dans le passage de Philon un remanie‑
ment fort libre. Mais il n’est pas assuré non plus que τις soit le signe d’une
mémoire précise. Chez Philon nous relevons des références de forme géné‑
rique à des thèmes et motifs qui ne renvoient pas directement à un auteur ou
à un texte spécifiques : ainsi, l’expression τοῦ λεγομένου τυφλοῦ πλούτου,
employée dans le premier livre De specialibus legibus (25), n’est-elle pas à

25. Dans l’Éryxias le jeu étymologique est explicite et exploité par l’auteur avec une certaine
tendance au maniérisme : cf. Erx. 401b7-8 (λοιπὸν ἂν εἴη σκέψασθαι τὰ πρὸς τίνα χρείαν
χρήσιμα χρῆσθαι χρήματά ἐστιν : « il reste à examiner à quoi servent vraiment les choses qui sont
utiles ») et surtout 402c8-d1 (καὶ ὅτι τῶν χρησιμωτάτων ἐστὶν πρὸς τοῦτο χρήματα τὰ χρήσιμα :
« et que les richesses font partie des choses qui sont les plus utiles pour cela »).

Livre RpH_90-1.indb 78 18/05/2018 17:17


PHILON LECTEUR DE L’ÉRYXIAS ? 79

interpréter forcément comme une allusion à la formule de Platon dans le


premier livre des Lois (631c4-5 : πλοῦτος οὐ τυφλὸς ἀλλ’ ὀξὺ βλέπων) 26,
étant donné que la cécité de Πλοῦτος est un lieu commun littéraire, attesté
au moins à partir d’Hipponax (fr. 36 W2) et Timocréon (PMG 731), exploité
par Aristophane pour l’idée comique du Ploutos et destiné à une fortune
éclatante jusqu’à nos jours 27. De la même façon, le problème de la relation
des choses externes, et plus particulièrement de la richesse, avec le sujet,
est récurrent dans l’histoire de la pensée grecque : le rapport entre richesse
et vertu que Socrate examine dans l’Éryxias fait objet de réflexions dans la
tradition littéraire archaïque, chez Sappho (fr. 148 V.), Solon (fr. 6 G.-P.),
Théognis (i 149-150) et Bacchylide (Ep. I 159-163) ; pour la même notion
de la richesse comme ἀδιάφορον, nous avons déjà mentionné, au-delà de la
Stoa, les origines « socratiques » retrouvées chez Platon, en particulier dans
l’Euthydème. À la lumière de tout cela, il semble impossible d’affirmer avec
certitude que Philon dans ce passage avait à l’esprit ce passage de l’Éryxias,
les mots de Prodicos, avec lesquels la formulation du De plantatione montre
une simple ressemblance au niveau des contenus, une ressemblance qui ne
présuppose pas une mémoire ponctuelle.
Marco Donato
Université de Pise
École pratique des hautes études
(Université PSL)

26. Comme on le trouve chez D. Lincicum, « A Preliminary Index », op. cit. [n.1], p. 156.
27. Voir F.H. Colson (éd.), Philo. VII, Londres/Cambridge (Mass.), 1937, p. 615-616. L’origine
du motif est identifiée par I. Perysinakis, « Hesiod’s Treatment of Wealth », Métis 1, 1986, p. 98-100
dans l’image d’Hésiode (Thgn. 969-974), Πλοῦτος qui erre sur terre et en mer donnant ὄλβος à celui
qui, par hasard, tombe sur lui (τῷ δὲ τυχόντι) ; pour une étude sur les τόποι liés à la richesse dans
la poésie archaïque et classique, voir S. Coin-Longeray, Poésie de la richesse et de la pauvreté. Étude
du vocabulaire de la richesse et de la pauvreté dans la poésie grecque antique, d’Homère à Aristophane :
ἄφενος, ὄλβος, πλοῦτος, πενία, πτωχός, Saint-Étienne, 2014, p. 102-136.

Livre RpH_90-1.indb 79 18/05/2018 17:17


RÉSUMÉS ABSTRACTS

Régis Caruso – Théorie et enseignement de Régis Caruso – Theory and Teaching of


l’antithèse rhétorique en Grèce depuis rhetorical Antithesis in Greece from the
l’époque classique jusqu’aux débuts de la Classical period to the beginning of the
période byzantine (p. 7-67) Byzantine era (p. 7-67)

L’histoire de la théorisation de l’antithèse The history of the theorisation of the


fait apparaître les apports conjoints de la rhé- anti­thesis shows joint contributions of both
torique et de la philosophie. En effet, si c’est Philosophy and Rhetoric. The Aristotelian defi-
à partir de travaux rhétoriques antérieurs nition of the antithesis was certainly based
qu’Aristote élabore sa définition de ce pro­ on earlier rhetorical works. Aristotle however
cédé, il le met aussi en rapport avec sa dialec- brings it in relation with his own dialectics and
tique et en fait un instrument propre à expri- views it as a tool for rhetorical reasoning. As
mer le raisonnement rhétorique. Mais avec les rhetorics came to be structured according to the
progrès d’une rhétorique organisée selon les five duties of the orator, the antithesis tended
tâches de l’orateur, l’antithèse rejoint le seul to be only considered as a stylistic device and
domaine de l’expression et prend place parmi as a figure of speech; this process gave rise
les figures, où ses formes se diversifient en vue to various forms of antitheses which corre-
de nouveaux effets. C’est le Ps.-Hermogène du sponded to newly defined goals. It is only when
De inuentione (Patillon, Corpus rhetoricum, III) the Pseudo-Hermogenes and his De inuentione
qui, renouant avec la tradition philosophique, (Patillon, Corpus rhetoricum, III) established
rapproche la forme antithétique d’un des rai- new connections between the rhetorical and
sonnements fondamentaux du stoïcisme, le the philosophical traditions, that the antithet-
« cinquième indémontrable ». Mais au-delà de ical form was brought into relation with one
recouvrements théoriques successifs se révèle of the fundamental arguments of Stoicism, the
une certaine continuité doctrinale assurée par so-called “fifth indemonstrable form”. Despite
une démarche syncrétique qui se manifeste several theoretical overlaps, doctrinal conti-
encore tardivement dans un De figuris oratio- nuity was guaranteed by a syncretic approach
nis proto-byzantin des ve-vie siècles (Spengel, still perceivable in a proto-Byzantine De figuris
Rhetores Graeci, III, p. 110-160). orationis dating from the 5th-6th centuries CE
(Spengel, Rhetores Graeci, III, p. 110-160).

Marco Donato – Philon lecteur de l’Éryxias ? Marco Donato – Filone lettore dell’Erissia?
(p. 69-79) (p. 69-79)

Dans un passage de la deuxième partie du In un passo della seconda parte del De


De plantatione de Philon d’Alexandrie, dédiée plantatione di Filone d’Alessandria, dedicata
à l’ivresse de Noé, la critique a voulu recon- all’ubriachezza di Noè, la critica ha individua-
naître une allusion à un passage de l’Éryxias to un’allusione a un passo dell’Erissia, dialo-
– un dialogue du corpus platonicien déjà consi- go trasmesso nel corpus di Platone ma già in
déré comme pseudépigraphe dans l’Antiquité. antichità giudicato spurio. Filone osserva che
Philon observe que les richesses – comme le le ricchezze, esattamente come il vino, non
vin – ne font que souligner les qualités natu- fanno che rafforzare le tendenze naturali già
relles que possède déjà l’individu : ainsi, la presenti nell’individuo: la ricchezza, in parti-
richesse est cause de biens pour celui qui est colare, è causa di beni per l’uomo buono e di
« bon », et cause de maux pour le « méchant » mali per il cattivo. Proprio quest’ultima frase
(Philon, Plant. 171). Cette dernière proposi- è stata accostata al principio relativista enun-
tion, en particulier, a été rapprochée du prin- ciato dal sofista Prodico nell’Erissia, secondo
cipe relativiste énoncé par le personnage de il quale la bontà di ogni cosa dipende esclusi-
Prodicos dans l’Éryxias, principe selon lequel vamente dall’uso (397e3-12). In verità, non è
la valeur de toute chose dépend de l’usage qui necessario immaginare una memoria puntuale

Rev. de philologie, 2016, XC, 1.

Livre RpH_90-1.indb 259 18/05/2018 17:18


260 RÉSUMÉS / ABSTRACTS

en est fait (397e3-12). En vérité, il n’est pas del dialogo, dal momento che l’argomento di
nécessaire d’imaginer un souvenir précis du Filone si colloca agevolmente sullo sfondo
dialogue pseudo-platonicien, parce que l’argu- della tradizione stoica e della dottrina degli
ment de Philon dépend plutôt de la doctrine indifferenti.
des indifférents dans la tradition stoïcienne.

Lorenzo Ferroni, Luca Gili – Non existant, Lorenzo Ferroni, Luca Gili – Non-existent but
mais potentiellement en acte. Aristote potentially actual. Aristotle on plenitude
sur le Principe de Plénitude (Mét. Θ 3-4, (Met. Θ 3-4, 1047b1-6) (p. 81-114)
1047b1-6) (p. 81-114)

La première partie du chap. 4 du livre Θ The first half of Metaphysics Θ, 4 is essential


de la Métaphysique est un texte crucial pour to understand Aristotle’s concept of δυνατόν
comprendre la théorie aristotélicienne du and his position on the so-called Principle of
δυνατόν, et la position du Stagirite au regard Plenitude. Nevertheless, some scholars tend to
du Principe de Plénitude. Les spécialistes ont forget that the constitution of the text and the
toutefois tendance à oublier le fait que la syntactic reading of this passage are far from
constitution du texte et la lecture syntaxique being unanimously accepted. The scholarly
du passage ne sont pas unanimement accep- discussion on this text often takes place only
tées – loin de là. La discussion scientifique at the philosophical level, as if all philological
sur ce chapitre ne s’est cependant déroulée issues had already been satisfactorily answered.
que sur un plan purement philosophique, This is not, however, the case. We believe that no
comme si tous les problèmes de nature philo­ philosophical reading of these texts should leave
logique avaient été déjà résolus de façon aside the critical discussion of the textual pro­
satisfaisante. Mais tel n’est pas le cas. Nous blems so often raised by Aristotelian treatises.
sommes convaincus qu’aucune lecture philo- In accordance with this, we offer here a fresh
sophique de textes comme celui-ci ne devrait examination of all textual data involved in our
négliger la discussion critique des difficultés attempt to understand the theoretical meaning
textuelles si souvent présentées par les trai- of Met. Θ 3-4, 1047b1-6. In our case, this means
tés aristotéliciens. Nous proposons donc une establishing the text of the passage at hand,
nouvelle analyse de toutes les données impli- and providing a new general interpretation of
quées dans notre effort de compréhension du Aristotle’s doctrine regarding the ‘possible.’
sens spéculatif de Mét. Θ 3-4, 1047b1-6. Cela
comporte, évidemment, la nécessité d’établir
un nouveau texte critique et de proposer une
nouvelle inter­prétation de la doctrine aristoté-
licienne sur l’idée de « possible ».

Isabelle de Meyer – L’étymologie du mot grec Isabelle de Meyer – The etymology of the
θεός « dieu » (p. 115-138) Greek word θεός “god” (p. 115-138)

Après avoir brièvement discuté toutes First, I will give and discuss a short over-
les théories avancées sur l’étymologie du view of all the proposed theories for the etymo­
mot grec θεός, une analyse morphologique logy of the Greek word θεός. Next, a detailed
approfondie indique que θεός vient de i.-e. morphological analysis will show that θεός
*dhh1-s-ó-s : un nom thématisé par un suffixe comes from Indo-European *dhh1-s-ó-s : a the-
possessif *-ó- ajouté à un thème en -s- athé- matic possessive derivative in *-ó-, formed on
matique – dont l’absence d’un suffixe au an athematic s-stem – in which the absence
degré o indique plutôt un neutre protéro­ of a suffix in the o-grade points to a neuter
dynamique –, dérivé de la racine verbale i.-e. proterodynamic stem – , derived from the Indo-
*dheh1- « poser, placer ». Sémantiquement, un European verbal root *dheh1- “to put, to place”.
développement a eu lieu à partir de « poser, A semantic development took place from “to

Rev. de philologie, 2016, XC, 1.

Livre RpH_90-1.indb 260 18/05/2018 17:18


RÉSUMÉS / ABSTRACTS 261

placer », à « ce qui est posé / bâti ; ce qui est put, to place”, to “what has been put/built; what
posé / bâti dans un lieu sacré ; divin ; ­sacré », has been put/built in a sacred place; divine;
à « ce qui est caractérisé par ce qui est posé sacred”, to “what has been characterised by
/ bâti dans un lieu sacré ; par le divin ; par what has been put/built in a sacred place; by
le sacré ». Cette désignation souligne, en the divine; by the sacred”. This connotation,
remplaçant le mot classique pour « dieu », replacing the classical word for “god” i.e. a
c’est-à-dire un dérivé de i.-e. *dyew-, l’oppo- derivation of Indo-European *dyew-, empha-
sition entre les dieux et les hommes. Fina- sizes the opposition between the gods and the
lement le thème *dheh1-s indique l’existence humans. Finally, the stem *dheh1-s reflects the
d’un thème religieux commun aux proto-­ existence of a common religious Proto-Indo-
indoeuropéens : « le (lieu) sacré », qui jouait European stem: “the sacred (place)”, that played
un rôle primordial dans l’approche religieuse a primordial role in the religious approach of
des indo­européens. the Indo-Europeans.

Jordi Pià Comella – Prière et « appropria- Jordi Pià Comella – Prayer and internali­
tion » des dogmes dans le stoïcisme impé- zation of dogmas in Roman Imperial stoi-
rial romain (p. 139-164) cism (p. 139-164)

Si les stoïciens impériaux ne considèrent Imperial stoics see neither their doctrine
pas leur doctrine comme une vérité révélée et as sacred truths nor their masters as wise men;
sacrée, ils confèrent cependant une dimension nevertheless, Stoic ascetism does involve a re-
religieuse à l’ascèse morale : conscients que ligious dimension and prayers were used for
la simple reprise des arguments théoriques psychagogic purposes by authors who were
de leur école n’est pas suffisante pour assu- conscious that theoretical arguments alone
rer la conversion de leur public, ils recourent could not convert their audience. This article
à la prière comme un moyen psychagogique aims to show that the religious celebration of
puissant. Cet article tente de montrer que la God, which appears rarely in Seneca and oc-
célébration religieuse du Dieu cosmique, em- casionally in Epictetus, is so pervasive in the
bryonnaire chez Sénèque, ponctuelle chez work of ­Marcus ­Aurelius that the continuous
Épictète, tend à se disséminer dans les Pensées, meditation of stoic principles sounds like an
si bien que chez Marc Aurèle la rumination hymn to the glory of God.
permanente des principes stoïciens s’appa-
rente à un chant continu à la gloire du logos
divin.

Benoît Sans – Polybe, Tite-Live et la « bataille Benoît Sans – Polybius, Livy and the “Ebro
de l’Èbre » (Pol. 11, 31-33 ; Liv. 28, 31, battle” (Pol. 11, 31 – 33 ; Liv. 28, 31, 5 –
5-34, 12) (p. 165-190) 34, 12) (p. 165-190)

Cet article consiste en une étude compa- This paper is a comparative study, from
rée, sur le plan rhétorique, des récits fournis a rhetorical point of view, of the narratives
par Polybe et Tite-Live pour l’épisode de la that Polybius and Livy provide for “the Ebro
« bataille de l’Èbre » (Pol. 11, 31-33 ; Liv. 28, Battle” (Pol. 11, 31-33; Liv. 28, 31, 5-34, 12)
31, 5-34, 12) lors de la reconquête de l’Es- during Scipio’s recapture of Spain (Second
pagne par Scipion durant la seconde guerre ­Punic War). The study unveils the conclusions
punique. Il s’attache à dégager les conclusions towards which each author guides his readers
vers lesquelles tendent les deux représenta- and the strategies that are used to persuade
tions de l’événement et les procédés utilisés them.
pour y faire adhérer le lecteur.

Rev. de philologie, 2016, XC, 1.

Livre RpH_90-1.indb 261 18/05/2018 17:18


262 RÉSUMÉS / ABSTRACTS

Gerd Van Riel – Le manuscrit Parisinus Gerd Van Riel – Manuscript Paris. Coislin.
Coislin. 322 (sigle C) du Commentaire sur 322 (Siglum C) of Proclus’ Commentary
le Timée de Proclus : la copie d’une recen- on Plato’s Timaeus : a Copy of a Byzantine
sion byzantine (p. 191-223) Recension of the Text (p. 191-223)

Le manuscrit Parisinus Coislin. 322 (sigle C The ms. Parisinus Coislin. 322 (siglum C
de l’édition d’E. Diehl) a toujours été consi- in the Diehl edition) has always been consi­
déré comme le meilleur témoin du texte du dered as the best witness to the text of Proclus’
Commentaire sur le Timée de Proclus. Il est Commentary on the Timaeus. Its status is thought
censé être le seul représentant d’une famille to be that of a single representative of a sepa­
à part, remontant à une translittération, voire rate family in the transmission of the text,
à une édition tardo-antique du texte, dif- ­deriving from a separate transliteration or
férente de, mais en tout cas supérieure à la even a late antique edition, over against all
deuxième famille, laquelle regroupe tous les the other manuscript witnesses of Proclus’ In
autres témoins de la tradition manuscrite. Un Timaeum, which belong to a “second family” of
examen détaillé de toutes les variantes tex- inferior quality. However, a careful analysis of
tuelles montre pourtant à l’évidence que le all textual variants contained by ms. C reveals
prestige attribué au manuscrit C ne peut être that the prestigious position of the manuscript
défendu. Il n’est pas le représentant d’une fa- is untenable. It does not belong to a separate
mille séparée, ni un témoin privilégié du texte family, nor is it a privileged witness to the
de Proclus. Toutes les variantes s’expliquent text. All of its variant readings can be shown
comme des réactions au texte transmis par les to be reactions to the text transmitted by the
témoins de la « deuxième famille », comme on members of the “second family”. They are to
la nomme, ce qui a pour conséquence que la be seen as conjectures rather than as more
grande majorité des variantes sont des conjec- authentic readings. Hence, the ms. Coislin 322
tures. Le Coislin. 322 n’est donc pas un témoin is not a precious witness to the text of Proclus.
précieux du texte. C’est une copie d’une re- It is a copy of a byzantine recension, probably
cension byzantine, probablement réalisée par made by George Pachymeres.
Georges Pachymère.

Rev. de philologie, 2016, XC, 1.

Livre RpH_90-1.indb 262 18/05/2018 17:18


REVUE
SOMMAIRE

Régis Caruso
Théorie et enseignement de l’antithèse rhétorique en Grèce depuis

FA S C I C U L E 1
l’époque classique jusqu’aux débuts de la période byzantine...................... 7
Marco Donato DE

PHILOLOGIE
Philon lecteur de l’Éryxias ?........................................................................... 69
Lorenzo Ferroni, Luca Gili
Non-existent but potentially actual. Aristotle on plenitude (Met. Θ 3-4,
1047b1-6)........................................................................................................ 81
Isabelle de Meyer
L’étymologie du mot grec θεός « dieu ».......................................................... 115
Jordi Pià Comella DE LITTÉRATURE ET D’HISTOIRE ANCIENNES
Prière et « appropriation » des dogmes dans le stoïcisme impérial romain. 139
Benoît Sans
Polybe, Tite-Live et la « bataille de l’Èbre » (Pol. 11, 31-33 ; Liv. 28, 31,
5-34, 12).......................................................................................................... 165
Gerd Van Riel
Le manuscrit Parisinus Coislin. 322 (sigle C) du Commentaire sur le

REVUE DE PHILOLOGIE
Timée de Proclus : la copie d’une recension byzantine................................. 191

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE ................................................................................... 225


RÉSUMÉS / ABSTRACTS ............................................................................................. 259

TOME 90

2016
FASCICULE 1

TOME 90

ISSN 0035-1652
ISBN 978-2-252-04133-8

KLINCKSIECK

CV_Rph 901-1.indd 1 24/05/2018 10:35

S-ar putea să vă placă și