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Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 62 (2014) 163–167

Article original

Relations entre la consommation de cannabis, le jugement moral et les


distorsions cognitives liées à la délinquance
Relationships between cannabis use, moral judgement and self-serving cognitive distortions
V. Walburg ∗ , S. Laconi , N. Van Leeuwen , H. Chabrol
E.A. 4156, unité de recherche interdisciplinaire Octogone, centre d’études et de recherche en psychopathologie (CERPP),
université de Toulouse II–Le Mirail, 5, allées Antonio-Machado, 31058 Toulouse cedex, France
Reçu le 19 novembre 2013 ; accepté le 7 février 2014

Résumé
La consommation de cannabis et les comportements antisociaux de l’adolescent sont souvent associés et liés à des facteurs communs. Toutefois,
le rôle de l’immaturité du jugement moral et des distorsions cognitives en lien avec la délinquance dans cette consommation n’a pas été étudié.
L’objectif de cette étude était donc d’évaluer la contribution de ces variables. Neuf cent soixante-douze lycéens ont rempli des questionnaires
mesurant la consommation de cannabis, la symptomatologie dépressive, l’anxiété sociale, l’estime de soi, les traits limites et psychopathiques, la
maturité du jugement moral et les distorsions cognitives associées à la délinquance. Les variables socio-cognitives contribuaient significativement à
expliquer la variance de la fréquence de la consommation de cannabis. Cette association pourrait suggérer une cible thérapeutique dans le traitement
cognitivo-comportemental de la consommation de cannabis à l’adolescence.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Cannabis ; Jugement moral ; Distorsions cognitives ; Adolescence

Abstract
Background. – Cannabis use and behavior delinquency tend to co-occur, to be associated and to share risk factors, more particularly among
adolescents. However, the role of the immaturity of moral judgment and self-serving cognitive distortions in the explanation of cannabis use has
not been studied. The aim of the present study was to evaluate the contribution of these factors to the prediction of cannabis use among adolescents
girls and boys.
Methods. – Participants were 972 high-school students (594 boys (61%); 378 girls (39%); mean age of boys = 17.1 ± 1.2; mean age of girls = 16.7 ± 1,
P < 0.001; age range = 14–21). They completed self-report questionnaires measuring emotional variables (depressive symptoms, social anxiety and
self-esteem), social cognitive variables (moral judgment and self-serving cognitive distortions), personality variables (borderline and psychopathic
traits) and one item to evaluate the frequency of cannabis use.
Results. – Thirty-seven percent of boys (n = 219) and 24% of girls (n = 91) reported having used cannabis at least once during the last 6 months
(P < 0.001). Hierarchical multiple regression analyses were conducted to investigate the contribution of social cognitive variables to cannabis use
among boys and girls. Social cognitive variables accounted for an increase of 4% in explained variance among boys and 3% among girls. The
incremental F ratio exceeded critical F for the 0.5 level of significance, indicating that the social cognitive variables significantly increased the
explained variance of the frequency of cannabis use in both genders.
Discussion. – The significant contribution of the social cognitive variables to the explanation of frequency of cannabis use does not indicate the
causal direction of the relationship. It may be that immaturity of moral judgment or self-serving cognitive distortions may facilitate cannabis use.
Conversely, cannabis use may modify social cognitive variables by enhancing cognitive impulsivity, by inducing social withdrawal which may

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : vera.walburg@gmail.com (V. Walburg).

0222-9617/$ – see front matter © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2014.02.001
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contribute to alter moral judgment and cognitive empathy, through becoming used to transgressions, or through the influence of delinquent peers
using cannabis. This link is probably bidirectional, cannabis use and disturbances of social cognitions influencing mutually negatively. A possible
implication of these results might be to indicate a therapeutic target to cognitive interventions to reduce adolescent cannabis use.
© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Cannabis use; Moral judgment; Cognitive distortions; Adolescence

1. Introduction a été utilisée [11]. Des questionnaires portant sur des variables
émotionnelles, socio-cognitives, et liées à la personnalité ont
Chez l’adolescent, la consommation de cannabis et les ensuite été complétés.
comportements antisociaux tendent à s’associer et à posséder de
nombreux facteurs de risques communs [1,2]. Ainsi, parmi les 2.3. Variables émotionnelles
variables psychopathologiques, les symptômes dépressifs, les
traits de personnalité limites et psychopathiques, fréquents chez La Center for Epidemiologic Studies Depression Scale (CES-
l’adolescent, semblent en particulier contribuer à la consom- D) [12,13] permet d’évaluer la symptomatologie dépressive.
mation de cannabis et aux comportements antisociaux [3,4]. Cette échelle est composée de 20 items mesurant les affects
Le rôle de variables socio-cognitives dans les comportements négatifs et l’humeur dépressive. Le participant doit indiquer
antisociaux a également été souligné. Ces facteurs incluent la fréquence à laquelle il a éprouvé les impressions décrites,
l’immaturité du jugement moral [5], les distorsions cognitives durant la semaine écoulée, sur une échelle en 4 points allant de
en lien avec la délinquance et les modèles déviants de traitement « rarement ou jamais » à « la plupart du temps ou tout le temps
des informations sociales [6,7], et un niveau faible d’empathie (5 à 7 jours) ». Les scores varient de 0 à 60. La version originale
cognitive [8]. Le rôle de ces variables socio-cognitives dans la de la CES-D présente un coefficient de Cronbach de α = 0,85 en
consommation de cannabis n’a cependant pas été étudié chez population générale, celui de la version française est de α = 0,76.
l’adolescent alors que celles-ci pourraient ouvrir de nouvelles Notre étude obtient un coefficient de α = 0,79.
perspectives de prévention et de prises en charge à mettre en La Rosenberg Self-Esteem Scale (RSES) [14,15] est consti-
place chez les adolescents. Une interrogation Medline et Psy- tuée de 10 items visant à mesurer le niveau d’estime de soi.
cINFO avec les mots clés « moral judgment », « self-serving Les modalités de réponse sont cotées sur une échelle de Likert
cognitive distortions », « cannabis use » ou « marijuana use » et en 4 points allant de « tout à fait en désaccord » à « tout à fait
« adolescents » ne retrouve aucun article. d’accord ». Le score total est calculé sur la somme des scores
Le but de cette étude est donc d’évaluer l’association entre le de chaque item dont la moitié respecte une cotation inversée.
jugement moral, les distorsions cognitives liées à la délinquance Plus le score est faible, plus le participant présente une faible
et la consommation de cannabis en prenant en compte les prin- estime personnelle. La consistance interne est satisfaisante pour
cipales variables psychopathologiques liées à la consommation la version originale (0,90) et correcte pour la version française
de cannabis : les traits limites, les traits psychopathiques, les (0,70). Nous obtenons un coefficient de α = 0,72.
symptômes dépressifs, l’anxiété sociale et l’estime de soi [9,10]. L’anxiété sociale a été évaluée par 7 items mesurant l’anxiété
état [16]. Les modalités de réponse vont de « très peu/pas du
2. Méthodes tout » à « extrêmement » sur une échelle de Likert en 5 points.
Plus le score est élevé, plus le participant est susceptible de pré-
2.1. Participants et procédure senter des symptômes d’anxiété sociale. La consistance interne
de l’échelle originale est bonne (0,89), tout comme celle retrou-
Notre échantillon était composé de 972 élèves de seconde, vée dans notre étude (0,86).
première et terminale dont 594 garçons (61 %) et 378 filles,
recrutés dans 8 lycées de Toulouse tirés au sort. L’âge moyen 2.4. Variables socio-cognitives
était de 17,1 (DS = 1,2) pour les garçons et de 16,7 (DS = 1) pour
les filles. Suite à l’accord préalable des proviseurs des lycées, Les distorsions cognitives en lien avec la délinquance ont
les élèves ont été invités à répondre aux questionnaires sur la été mesurées par la version française du How I Think Ques-
base du volontariat et dans le respect de l’anonymat durant leurs tionnaire (HITQ) [17,18]. Il comprend 40 items regroupés en
heures d’études. quatre sous-échelles : égocentrisme (p. ex. si je veux vraiment
quelque chose, il importe peu de quelle manière je l’obtiens),
2.2. Outils de mesures blâme des autres (p. ex. si une personne laisse sa voiture ouverte,
il souhaite qu’elle soit volée), minimisation (p. ex. tout le monde
Les participants ont d’abord répondu à des questions socio- triche avec les lois, ce n’est pas grave) et anticipation du pire (p.
démographiques concernant leur âge et leur genre, puis ont ex. vous pouvez aussi vous faire voler. Les gens vous volent
été interrogés sur leur usage de cannabis dans les six derniers s’ils en ont l’occasion). Les items sont cotés sur une échelle de
mois. Une échelle de type Likert en 9 points allant de 0 (pas Likert en 6 points allant de « pas du tout d’accord » à « tout à
de consommation) à 8 (consommation plus d’une fois par jour) fait d’accord ». Les scores varient de 40 à 240, un score élevé
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signifiant que le sujet présente de fortes distorsions cognitives Tableau 1


associées à la délinquance. Les qualités psychométriques de cet Étape finale de la régression multiple hiérarchique prédisant la fréquence de
consommation de cannabis.
outil sont satisfaisantes. Plusieurs études de validation ont été
réalisées auprès d’adolescents délinquants et non délinquants Filles Garçons
[17–19]. Les adolescents délinquants présentent plus de distor- (n = 378) (n = 594)
sions cognitives que les non délinquants. La consistance interne, β p β p
et les validités convergente et discriminante étaient satisfai- Symptômes dépressifs 0,01 0,82 –0,12 0,01
santes. L’alpha de Cronbach était de α = 0,90 dans notre étude. Anxiété sociale –0,13 0,02 –0,15 < 0,0001
Le jugement moral a été évalué par la version française du Estime de soi 0,06 0,22 0,00 0,93
Traits psychopathiques 0,04 0,49 0,15 0,003
Sociomoral Reflection Measure-Short Form (SRM-SF) qui a
Traits limites 0,27 < 0,0001 0,21 < 0,0001
été développé pour mesurer le jugement moral chez l’enfant, Raisonnement moral –0,02 0,67 0,13 0,001
l’adolescent et l’adulte [18,20]. Il est composé de 11 items explo- Distorsions cognitives 0,24 < 0,0001 0,08 0,10
rant sept catégories ou valeurs morales proposées par Gibbs
β = coefficient de régression standardisé ; p = significativité.
et al. [20] qui sont : contrat, vérité, vie, affiliation, justice légale,
propriété et loi. Les participants doivent coter la valeur morale
dépendante fréquence de la consommation de cannabis, une
associée à chaque question, comme par exemple « En général à
analyse de régression multiple hiérarchique a été réalisée avec
quel point est-ce important pour toi de dire la vérité ? » sur une
trois groupes de variables indépendantes : les variables émotion-
échelle en 3 points allant de « pas important » à « très impor-
nelles (symptômes dépressifs, estime de soi, anxiété sociale),
tant ». Le score total varie de 11 à 33. Un score faible indique
les traits de personnalité (psychopathique et limite), et enfin les
une faible maturité du raisonnement moral. Cet outil présente
variables socio-cognitives (distorsions cognitives et jugement
des niveaux acceptables de fidélité et de validité [21,22] et a
moral). Le sexe étant un prédicteur significatif, les analyses ont
fait l’objet de validation transculturelle [23]. Dans notre étude,
été réalisées de façon distincte chez les filles et les garçons.
l’alpha de Cronbach était de α = 0,69.
3. Résultats
2.5. Traits de personnalité psychopathiques et limites
3.1. Résultats descriptifs
Les traits psychopathiques ont été évalués avec la version
française du Youth Psychopathic traits Inventory (YPI) [24]. Trente-sept pour cent des garçons (n = 219) et 24 % des filles
Ce questionnaire de 50 items a été développé pour évaluer les (n = 91) ont rapporté avoir consommé du cannabis au moins une
traits psychopathiques chez les jeunes de 12 à 18 ans. Il explore fois dans les six derniers mois (p < 0,001). Parmi les consom-
l’insensibilité, la dureté, les traits narcissiques, l’impulsivité, mateurs, l’usage moyen des garçons était de deux à trois fois
la recherche de sensation et l’irresponsabilité. Les participants par mois alors que celui des filles était d’une fois par mois
doivent indiquer leur degré d’accord grâce à une échelle de (3,4 ± 2,3 vs 2,6 ± 2, t = 2,9, p = 0,004).
Likert en 4 points allant de « pas du tout d’accord » à « tout à
fait d’accord ». Les scores varient de 0 à 200 et un score élevé 3.2. Régression multiple hiérarchique
indique la présence de plus de traits psychopathiques. La version
originale présente de bonnes propriétés psychométriques [25]. Dans le premier pas de l’analyse de régression, les variables
Nous retrouvons une consistance interne élevée (0,82). émotionnelles expliquaient 4 % de la variance de la fréquence
Les traits de personnalité limite ont été mesurés grâce à de consommation de cannabis chez les filles et 2 % chez les
la version française de l’échelle de personnalité limite du garçons. L’entrée des traits de personnalité dans le second pas
Personality Diagnostic Questionnaire-4 (PDQ-4) [26,27]. Cet augmentait la variance expliquée à 13 % chez les filles et 11 %
auto-questionnaire permet d’évaluer les troubles de la per- chez les garçons. Le rapport F différentiel (F(2, 37) = 19,5 et
sonnalité du DSM-IV [28], et comprend 9 items évaluant la F(2, 588) = 30) dépassait le seuil critique de F pour le seuil de
personnalité limite. Dans sa version originale, les items sont signification à 0,05 (F critique (2, 372) = 3,02 ; F critique (2,
présentés sous la forme vrai/faux. Nous avons fait le choix 588) = 3,01) indiquant que l’inclusion des traits de personna-
d’utiliser une échelle de Likert allant de 1 : « tout à fait faux » lité augmentait significativement la variance expliquée. L’entrée
à 5 : « tout à fait vrai » comme dans de précédentes études [29]. des variables socio-cognitives augmentait la variance expliquée
L’utilisation des items du PDQ-4 ne mesurant que la dimension à 17 % chez les filles et 14 % chez les garçons de façon signi-
de personnalité limite se justifie sur le plan psychométrique [30]. ficative (F(2, 370) = 9,1 et F(2, 586) = 10,2). L’étape finale est
Ce questionnaire a été utilisé pour mesurer les traits limites chez présentée dans le Tableau 1, où la contribution unique de chaque
l’adolescent [27]. Nous obtenons une bonne consistance interne prédicteur est rapportée par le coefficient de régression standar-
dans notre étude (0,70). disé β et la valeur de p.

2.6. Analyses statistiques 3.3. Différences en fonction du genre

Pour distinguer la contribution unique et indépendante Chez les filles, les prédicteurs significatifs étaient, par ordre
des variables socio-cognitives à l’explication de la variable d’importance, les traits limites, les distorsions cognitives, liés
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positivement à la fréquence de consommation de cannabis, et idées provocatrices et « antisociales » peuvent ne pas se tra-
l’anxiété sociale, liée négativement. Chez les garçons, les pré- duire nécessairement en passages à l’acte ou se fixer en traits
dicteurs significatifs étaient, par ordre d’importance, les traits de personnalité pathologiques et sont souvent même consti-
limites et psychopathiques, l’immaturité du jugement moral, liés tutives de la construction de l’identité à l’adolescence. Enfin,
positivement à la consommation de cannabis, et la symptoma- pour Kuhn et al. [37], il est fréquent chez les adolescents de
tologie dépressive et l’anxiété sociale, liées négativement. trouver un écart entre un jugement moral normatif, c’est-à-
dire de savoir qu’un fait ou une action est mauvaise, et un
4. Discussion choix selon des critères subjectifs qui peuvent diverger de cette
norme.
L’objectif de notre étude était d’évaluer la contribution Par ailleurs, la relation négative entre l’anxiété sociale et
de l’immaturité du jugement moral et des distorsions cog- la consommation de cannabis est contraire aux résultats de
nitives associées à la délinquance dans la consommation de Buckner et al. [9] chez le jeune adulte, et pourrait s’expliquer
cannabis. La régression hiérarchique montre que l’immaturité par la restriction des contacts sociaux limitant les occasions
du jugement moral et les distorsions cognitives expliquent d’initiation et d’entraînement par les pairs. L’absence de relation
significativement une part de la variance de la fréquence de positive entre symptomatologie dépressive et consommation
la consommation de cannabis, malgré la prise en compte de cannabis a déjà été retrouvée [38]. Cependant, la rela-
des principales variables psychopathologiques liées à cette tion négative trouvée chez le garçon est inhabituelle et pourrait
consommation. s’expliquer par l’effet stimulant de l’humeur du cannabis ou, à
Ces relations varient avec le genre : chez les filles, ce sont l’inverse, par l’évitement ou la limitation de la consommation
les distorsions cognitives et, chez les garçons, l’immaturité de cannabis sous l’influence des symptômes dépressifs comme
du jugement moral qui sont significativement associées à la l’inhibition, le désintérêt social, ou la représentation négative
consommation de cannabis. Ces différences de genre ont déjà des expériences nouvelles.
été retrouvées concernant le jugement moral et la délinquance Cette étude transversale ne permet pas d’établir des liens de
auto-révélée mais n’ont pas été rapportées pour les distorsions causalités. Ainsi, l’immaturité du jugement moral et les distor-
cognitives [22]. sions cognitives associées à la délinquance peuvent faciliter la
Le principal intérêt de ces résultats est de proposer une consommation de cannabis. À l’inverse, la consommation de
possible cible de prévention et de traitement à travers des inter- cannabis peut modifier les cognitions sociales et morales par
ventions centrées sur les distorsions cognitives et le jugement l’augmentation de l’impulsivité cognitive et par le syndrome
moral. En effet, bien que, dans la plupart des cas, la consom- d’amotivation et de désinvestissement social fréquent, qui peut
mation de cannabis durant l’adolescence n’engendre pas de participer à modifier le jugement moral et à diminuer l’empathie
difficultés majeures, il s’agit d’un facteur de risque. Une étude et le souci des règles [39]. De plus, la nécessité de se procurer de
longitudinale a montré qu’à 25 ans, 76,6 % des participants l’argent par des actes délinquants répétés banalise les transgres-
avait déjà consommé au moins une fois du cannabis, et que, sions et peut modifier les cognitions sociales vers un mode de
parmi eux, 12,5 % présentait des symptômes de dépendance pensée « délinquantogène » [18]. Le lien entre la consommation
au début de l’âge adulte [31]. Une autre étude conduit sur de cannabis, l’immaturité du jugement moral et les distorsions
cette même cohorte a montré que la consommation de can- cognitives liées à la délinquance est probablement bidirection-
nabis durant l’adolescence constituait un facteur de risque de nel, consommation de cannabis et perturbations des cognitions
l’usage d’autres drogues illicites [32]. La consommation de sociales et morales s’influençant réciproquement.
cannabis peut entraîner diverses difficultés d’adaptation psy- Cette étude présente plusieurs limites. D’abord, tous les
chosociale chez des adolescents (p. ex. Fergusson, Horwood facteurs de risque communs n’ont pas été pris en compte,
et Swain-Campbell) [33]. Ainsi, ce type d’interventions cen- comme par exemple la fréquentation de pairs consommateurs
trées sur les distorsions cognitives et le jugement moral pourrait de cannabis et/ou délinquants dont le mode de pensée pourrait
compléter l’approche cognitivo-comportementale, un des traite- avoir influencer les participants. Certaines informations socio-
ments les plus efficaces des troubles liés à la consommation de démographiques supplémentaires auraient également pu être
cannabis à l’adolescence [34]. Cependant cette possible implica- pertinentes. Par ailleurs, les échelles utilisées pour recueillir
tion thérapeutique doit être nuancée, le risque étant de proposer les données sont des questionnaires d’auto-évaluation ce qui
une remédiation cognitive morale simpliste voire « moraliste », implique des biais possibles liés notamment à la désirabilité
prenant insuffisamment en compte que les relations entre les sociale, et comme déjà évoqué, au fait que les participants
cognitions, le jugement moral, les comportements et les traits de soient des adolescents. Enfin, l’étude transversale permet de
personnalité doivent être relativisées à l’adolescence. En effet, repérer des associations uniques mais pas de liens de causalité
pour Tarry et Emler [35], le jugement moral n’est pas forcé- dont la mise en évidence aurait réclamé une étude longitudi-
ment un prédicteur direct des comportements délinquants à cet nale. Cependant, cette association entre la consommation de
âge, autrement dit, il y a une différence entre ce que les ado- cannabis, l’immaturité du jugement moral et les distorsions
lescents pensent, déclarent ou font. De plus, Emler et Reicher cognitives « délinquantogènes » suggère l’intérêt de poursuivre
[36] indiquent que les adolescents montrent fréquemment une l’étude de leur relation pour mieux comprendre la consom-
relation négative ou ambivalente à l’égard de l’autorité pou- mation de cannabis si fréquente chez les adolescents français
vant entraîner des croyances ou des attitudes antisociales. Ces [40,41].
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