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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
21e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 SEPTEMBRE 2018
N° RG 16/04909
AFFAIRE :
DX
C/
SA IBM FRANCE
N° RG : 12/02812
le :
REPUBLIQUE FRANÇAISE
Monsieur D X
né le […] à […]
de nationalité Française
[…]
[…]
Représentant : Me Françoise DE SAINT SERNIN de la SCP SAINT SERNIN,
APPELANT
****************
SA IBM FRANCE
[…]
[…]
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
FLORES, président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
M. D X a été engagé le 30 octobre 2000 en qualité de « principal retail », statut cadre,
travail aux torts de l’employeur et condamner la SAS IBM à lui payer, sous le
114 348 euros à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur, 28 587 euros à
à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, le tout avec intérêt au taux
civile.
condamnation du salarié à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700
départage) a :
cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à
euros brute,
sécurité de
résultat :
— dire et juger que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul,
et à tout le moins
sans cause réelle et sérieuse ;
euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 5 717,4 euros au titre des congés
228.700 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause
causé par les manquements de la compagnie IBM à son obligation de prévention des
civil ;
cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à
l’article 455 du code de procédure civile, la société IBM France demande à la cour
de :
à titre principal
de ses demandes ;
à titre subsidiaire,
harcèlement moral;
— débouter M. X de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure
civile,
titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux
conclusions
Motifs de la décision,
fournissant pas le travail convenu. Il souligne à cet égard avoir été privé, à compter
direction 'IP § Licencing', dont il faisait partie intégrante, sans pour autant avoir de
objectif personnel ne lui a été fixé pour 2013 et 2014 et que seules des missions
dénuées d’intérêt lui ont été confiées. M. X soutient par ailleurs que la société IBM
n’a pas réellement recherché activement et en toute bonne foi à lui trouver une
nouvelle affectation et il conteste s’être opposé à toute mobilité et avoir refusé les
postes proposés par l’antenne mobilité alors qu’aucune proposition concrète ne lui a
été faite, que le poste de commercial au sein de l’entité STG ne lui a jamais été
l’employeur est également resté sourd à l’alerte donnée par le médecin du travail le
12 mars 2014, alors que ce professionnel indiquait que la mise à l’écart du salarié
impact direct sur sa rémunération variable du fait de la notation qui lui a été
attribuée. Le salarié affirme que le traitement qui lui a été infligé par son employeur
professionnel.
remplacer M. X dans ses fonctions. M. Y ayant repris son poste en mai 2012, M. Z a
nouveau poste en interne avec l’aide des personnes compétentes. En fonction de son
temps disponible, il a également contribué au transfert d’un certain nombre de
d’approcher des sociétés opérant dans un domaine où les brevets sur la technologie
façon que précédemment, excepté pour les prospects que M. Y avait repris entre
société IBM affirme n’avoir jamais cessé de fournir du travail à M. X. Il est resté
affecté à la même équipe, avec les mêmes objectifs et de nouvelles missions, sous la
salarié, en soulignant l’absence de preuve de faits pouvant laisser supposer une telle
situation.
et aux torts de1'employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à
ses obligations d’une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat
de travail. Dans ce cas, la résiliation du contrat produit les effets d’un licenciement
sans cause réelle et sérieuse, ou d’un licenciement nul si les conditions en sont
réunies.
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les
agissements
répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de
entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un
que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision
est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il résulte de ces
si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer
l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.
agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses
décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
que les fonctions du salarié lui ont été retirées en raison de l’absence de résultats
commerciaux, qu’il a été remplacé à son poste et qu’il lui a été demandé de
tâches lui ont été confiées, aucun poste avec une définition précise des tâches ne lui a
été confié. En effet, ainsi qu’il résulte des conclusions de l’employeur la priorité était
qu’il trouve un nouveau poste en interne avec l’aide des personnes compétentes,
soi-même un nouveau poste après avoir été évincé du précédent par l’employeur, ne
constitue pas une fourniture de travail. Par ailleurs, la définition en janvier 2013
basés sur la nouvelle mission, à la fois par l’équipe d’ingénierie et vous-même, engager
d’ingénierie, faire campagne pour les brevets et licences de la technologie donnée, basé
sur la travail effectué à la fois par l’équipe d’ingénierie pour l’identification des
matière de brevets. Il n’est pas justifié par IBM France de la réalisation d’entretiens
annuels avec fixation par celui-ci des objectifs assignés au salarié pour 2015 et 2016.
mai 2011 à juin 2012, leur nombre étant passé de 5874 à 842. Le grief relatif à la
d’une nouvelle affectation, aucun poste n’ayant été trouvé depuis qu’il a été
qu’elle avait compris que son profil ne correspondait pas vraiment. Aucune autre
offre n’a été faite après cette date. Le médecin du travail a relevé à cet égard le 12
mars 2014 qu’aucune solution n’avait été trouvée et s’étonnait qu’il n’existe pas
chez IBM de poste correspondant à son expérience. Ce fait est matériellement établi.
alertes qui ont été faites quant à la situation de harcèlement dont il s’estimait
victime. A cet égard, l’employeur ne justifie pas des mesures prises après le mail du
médecin du travail qui, le 12 mars 2014, soulignait que la mise à l’écart du salarié
commençait à impacter son état de santé. De même, lors de la réunion des délégués
du 31 mai 2013, la direction a répondu : « le fait de ne pas faire de commentaire dans
l’instance qui n’est pas concernée ne signifie pas que le point n’est pas entendu ni
traité par la direction. Sinon la réponse n’aurait pas été celle qui a été faite
précédemment ». Il n’est toutefois pas justifié des mesures prises par l’employeur
alors, d’une part, que le salarié refusait de signer les entretiens d’évaluation en
d’autre part, que l’employeur avait conscience des conséquences de la situation sur
le salarié ainsi qu’il résulte d’un mail de M. Z du 31 août 2015 :« concernant plus
dans laquelle vous pensez être vis-à-vis de votre emploi au sein de notre département et
d’I BM France, crée un stress inutile qui se ressent inévitablement sur votre activité ».
privé de ses fonctions pour l’inviter à rechercher, fût-ce avec l’aide temporaire,
compétences. Malgré les demandes du salarié, la société IBM France ne justifie pas
lui avoir proposé un poste dont les tâches ou missions seraient clairement définies, ni
avoir réagi efficacement aux alertes lancées tant par l’intéressé que par le médecin
l’état de santé du salarié ne résulte pas d’un trouble mental de l’humeur ou anxieux
agissements dont la matérialité a été établie ne sont pas constitutifs d’un tel
harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à
tout harcèlement.
Quelles que soient les motivations de l’employeur, celui-ci ne peut pas vider de leur
contenu les attributions du salarié et, ensuite, ne pas lui fournir le travail convenu.
regard de son niveau de responsabilité doit être écarté. En effet, les attentes de
du travail convenu. Le pouvoir de direction qu’il exerce, quel que soit le niveau de
chercher un nouvel emploi, il ne l’a pas affecté à un nouveau poste. Certes, la cellule
mobilité a été mobilisée en 2012 et 2013, mais seuls trois postes ont été proposés,
dont deux étaient manifestement inadaptés. Il n’est pas justifié d’une quelconque
recherche par l’employeur après juin 2013, ni même après l’alerte faite par le
nouveau poste adapté devait être réalisée principalement par le salarié, ce qui
risquait de le maintenir dans une situation d’échec, ni pourquoi dans une entreprise
X.
Dans son rapport pour l’année 2017, le médecin du travail signalait des situations de
« bore-out » : « certains salariés se sont vus signifier de partir dans un autre service »,
se sentent sous-utilisés par rapport à leurs compétences ou utilisés à des tâches peu
utiles » , « ces situations génèrent chez les personnes un stress majeur, un repli sur soi,
Par ailleurs, l’employeur, qui nie la réalité du harcèlement moral subi par le salarié,
n’apporte aucune justification quant à l’absence de réaction aux diverses alertes qui
ont été faites tant par le salarié lui-même, à plusieurs reprises, que par les
nouvelle affectation sur la santé du salarié. Cette abstention est d’autant plus
injustifiée que, même s’il contestait la réalité des faits dénoncés par M. X, le
supérieur hiérarchique reconnaissait dans un mail du 31 août 2015 que l’incertitude
dans laquelle le salarié pensait être vis-à-vis de son emploi au sein du département et
d’IBM France, créait un stress inutile qui se ressentait inévitablement sur son
activité.
Il apparaît donc que l’employeur ne démontre pas que les agissements, dont la
matérialité a été retenue, ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que ses
décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
conventionnelle de licenciement de
98 146,80 euros.
La résiliation judiciaire ayant les effets d’un licenciement nul, le salarié peut
euros bruts.
licenciement nul.
euros.
Au regard de l’ancienneté acquise par le salarié, de son âge, des conditions de son
de la rupture doit être arrêté à la somme de 100 000 euros bruts. L’employeur sera
Le salarié, qui a été élu le 1er décembre 2014 en qualité de délégué du personnel et
le 24 février
février 2015, sollicite une indemnité égale à douze mois de salaire, soit 114 348
euros, au cas où la résiliation judiciaire serait prononcée aux torts exclusifs de son
employeur.
euro symbolique.
période de protection dans la limite de trente mois de salaire. Il lui sera alloué la
préjudice subi.
l’article L. 1152-1 du code du travail en réparation du préjudice causé par les
dommage subi par le salarié. Il lui sera alloué 20 000 euros de ce chef.
par lui et non compris dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 3 000 euros en
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 octobre 2016 par le conseil
de prud’hommes de Nanterre,
Statuant à nouveau,
Prononce la résiliation du contrat de travail aux torts de la société IBM France,
du code du travail,
du code du travail,
Dit que les intérêts légaux seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2
du code civil,
parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième
signataire.
Le greffier, Le président,