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Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 20 

septembre 2018, n° 16/04909 

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 SEPTEMBRE 2018

N° RG 16/04909

AFFAIRE :

DX

C/

SA IBM FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 octobre 2016 par le Conseil de

Prud’hommes – Formation de départage de NANTERRE


Section : encadrement

N° RG : 12/02812

Copies exécutoires et copies certifiées conformes délivrées à :

SCP SAINT SERNIN​, avocat au barreau de PARIS

SELARL REIBELL ASSOCIES​, avocat au barreau de PARIS

le :

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur D X

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]
Représentant : Me ​Françoise DE SAINT SERNIN​ de la ​SCP SAINT SERNIN​,

constitué/plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0525, substitué par Me

Julie FABIANI, avocate au barreau de Paris

APPELANT

****************

SA IBM FRANCE

N° SIRET : 552 118 465

[…]

[…]

Représentant : Me ​Agnès BRAQUY POLI​ de la ​SELARL REIBELL ASSOCIES​,

constitué/plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0290

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 juin 2018, Monsieur Philippe

FLORES, président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe FLORES, Président,


Madame Florence MICHON, Conseiller,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC

M. D X a été engagé le 30 octobre 2000 en qualité de « ​principal retail ​», statut cadre,

par la société IBM selon contrat de travail à durée indéterminée.

L’entreprise, qui emploie plus de 10 salariés, est soumise à la convention collective

des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

A compter du 1er décembre 2014, M. X a été élu aux élections professionnelles. Il a

depuis exercé les fonctions de délégué du personnel, délégué syndical, représentant

syndical suppléant au comité d’entreprise, et depuis 2016, représentant des intérêts

des salariés au conseil de surveillance d’AG2R La Mondiale.

Par requête du 17 octobre 2012, M. D X a saisi le conseil de prud’hommes de

Nanterre afin de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

M. D X a demandé au conseil de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de

travail aux torts de l’employeur et condamner la SAS IBM à lui payer, sous le

bénéfice de l’exécution provisoire, les sommes de 57 174 euros à titre d’indemnité

compensatrice de préavis, 5 717,4 euros au titre des congés payés afférents,

82 972,81 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, 228 700 euros à


titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

114 348 euros à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur, 28 587 euros à

titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité, 57 174 euros

à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, le tout avec intérêt au taux

légal et capitalisation, et 5 000 euros au titre de l’article ​700​ du code de procédure

civile.

La société IBM a demandé au conseil de le débouter de l’ensemble des demandes.

Elle a conclu subsidiairement à la réduction des demandes. Elle a réclamé la

condamnation du salarié à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article ​700

du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 21 octobre 2016, le conseil (section encadrement formation

départage) a :

— dit n’y avoir lieu à résiliation judiciaire aux torts de l’employeur ;

— débouté M. X de toutes ses demandes;

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

— condamné M. X à payer à la société compagnie ​IBM France​ la somme de 500

euros sur le fondement de l’article ​700​ du code de procédure civile,

— condamné M. X aux dépens.

Le 3 novembre 2016, M. X a relevé appel de cette décision par voie électronique.


Une médiation a été proposée, en vain, aux parties.

Par ordonnance du 7 mars 2018, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la

clôture de l’instruction et fixé les plaidoiries au 19 juin 2018 en audience collégiale.

Par dernières conclusions communiquées au greffe le 6 mars 2018, auxquelles la

cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à

l’article ​455​ du code de procédure civile, M. X demande à la cour de :

— infirmer le jugement de départage en toutes ses dispositions,

— fixer la rémunération mensuelle moyenne perçue par lui à la somme de 9 529

euros brute,

— constater, dire et juger que les méthodes de management et de gestion mises en

'uvre par la compagnie IBM, à l’origine de la dégradation des conditions de travail

et de l’altération de sa santé sont constitutives de harcèlement moral ;

— constater, dire et juger que la compagnie IBM a manqué à son obligation de

sécurité de

résultat :

— prononcer, en conséquence, la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux

torts exclusifs de son employeur ;

— dire et juger que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul,

et à tout le moins
sans cause réelle et sérieuse ;

— condamner en conséquence la compagnie IBM à lui payer les sommes de 57 174

euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 5 717,4 euros au titre des congés

payés afférents, 98 146,80 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

228.700 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause

réelle et sérieuse, 114 348 euros à titre d’indemnité pour violation du statut

protecteur, 28 587 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice

causé par les manquements de la compagnie IBM à son obligation de prévention des

agissements de harcèlement moral (article L.1152-4), 57 174 euros à titre de

dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par les agissements de

harcèlement moral (article L.1152-1) ;

— assortir les condamnations des intérêts au taux légal et prononcer la

capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article ​1154​ du code

civil ;

— condamner la société IBM à payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de

l’article ​700​ du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par dernières conclusions communiquées au greffe le 16 janvier 2018, auxquelles la

cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à

l’article ​455​ du code de procédure civile, la société ​IBM France​ demande à la cour

de :
à titre principal

— constater l’absence de tout manquement suffisamment grave imputable dans

l’exécution de son contrat de travail avec M. X ;

— dire et juger M. X non fondé en sa demande de résiliation judiciaire de son

contrat de travail aux torts de son employeur ;

— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées

contre la compagnie ​IBM France​ à ce titre ;

— confirmer le jugement en toutes ses dispositions et débouter M. X de l’ensemble

de ses demandes ;

à titre subsidiaire,

— limiter la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle

et sérieuse ou nul formulée par M. X à de plus justes proportions,

— limiter la demande de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur

formulée par M. X à de plus justes proportions et à la somme symbolique de 1 euro,

en tout état de cause,

— débouter M. X de sa demande de dommages et intérêts formulée au titre d’un

prétendu harcèlement moral et manquement à l’obligation de prévention du

harcèlement moral;
— débouter M. X de sa demande au titre de l’article ​700​ du code de procédure

civile,

— condamner M. X à payer à la compagnie ​IBM France​ la somme de 3 500 euros au

titre de l’article ​700​ du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux

conclusions

susvisées, conformément à l’article ​455​ du code de procédure civile.

Motifs de la décision,

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Le salarié expose que l’employeur a violé son obligation contractuelle en ne lui

fournissant pas le travail convenu. Il souligne à cet égard avoir été privé, à compter

du second semestre 2012, du contenu de ses fonctions de 'business development

manager’ au sein de la direction 'IP § Licencing’ et de fait, placé en mobilité. Il

affirme que dans l’attente de sa nouvelle affectation, il est resté attaché à la

direction 'IP § Licencing', dont il faisait partie intégrante, sans pour autant avoir de

missions définies, ni d’objectifs personnels fixés, et ce jusqu’à la fin de l’année 2014,

date à laquelle il a été élu délégué du personnel. Il indique également qu’aucun

objectif personnel ne lui a été fixé pour 2013 et 2014 et que seules des missions

dénuées d’intérêt lui ont été confiées. M. X soutient par ailleurs que la société IBM

n’a pas réellement recherché activement et en toute bonne foi à lui trouver une
nouvelle affectation et il conteste s’être opposé à toute mobilité et avoir refusé les

postes proposés par l’antenne mobilité alors qu’aucune proposition concrète ne lui a

été faite, que le poste de commercial au sein de l’entité STG ne lui a jamais été

formellement proposé et qu’il a suivi toutes les recommandations de son manager.

M. X affirme avoir fait l’objet d’un harcèlement en vue d’obtenir sa démission et a

dénoncé l’inactivité qui était la sienne et le manque de soutien de la part des

ressources humaines dans sa recherche d’un nouveau poste. Il souligne que

l’employeur est également resté sourd à l’alerte donnée par le médecin du travail le

12 mars 2014, alors que ce professionnel indiquait que la mise à l’écart du salarié

commençait à impacter sa santé et qu’il était indispensable que cette situation

trouve une issue au plus vite. M. X ajoute que la dégradation de sa situation a eu un

impact direct sur sa rémunération variable du fait de la notation qui lui a été

attribuée. Le salarié affirme que le traitement qui lui a été infligé par son employeur

a eu des conséquences dommageables sur sa santé et a altéré son avenir

professionnel.

La société IBM expose que c’est en raison de l’absence de résultats commerciaux et

au regard de son niveau de classification et de rémunération qu’il a été décidé de

remplacer M. X dans ses fonctions. M. Y ayant repris son poste en mai 2012, M. Z a

tout d’abord permis à M. X de se concentrer sur ses recherches de postes avec

l’Antenne Mobilité de la Compagnie. La priorité était en effet qu’il trouve un

nouveau poste en interne avec l’aide des personnes compétentes. En fonction de son
temps disponible, il a également contribué au transfert d’un certain nombre de

dossiers en cours à M. Y entre mai et septembre 2012.

Dans un second temps, à partir d’octobre 2012, M. Z a demandé à M. X

d’approcher des sociétés opérant dans un domaine où les brevets sur la technologie

« ​micro-fluidics ​ » pourraient s’appliquer. Ses missions ont continué de la même

façon que précédemment, excepté pour les prospects que M. Y avait repris entre

temps. A ce jour, M. X a toujours la même mission et est chargé de prospecter et de

négocier des contrats de droits de propriété intellectuelle en Europe, Moyen Orient

et Afrique et plus particulièrement dans le secteur de l’Internet des Objets. La

société IBM affirme n’avoir jamais cessé de fournir du travail à M. X. Il est resté

affecté à la même équipe, avec les mêmes objectifs et de nouvelles missions, sous la

hiérarchie de M. Z. La société IBM conteste les allégations de harcèlement moral du

salarié, en soulignant l’absence de preuve de faits pouvant laisser supposer une telle

situation.

La résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l’initiative du salarié

et aux torts de1'employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à

ses obligations d’une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat

de travail. Dans ce cas, la résiliation du contrat produit les effets d’un licenciement

sans cause réelle et sérieuse, ou d’un licenciement nul si les conditions en sont

réunies.
Aux termes de l’article ​L. 1152-1​ du code du travail, aucun salarié ne doit subir les

agissements

répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de

ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité,

d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir

professionnel. En vertu de l’article ​L. 1154-1​ du code du travail, lorsque survient un

litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L.

1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en

entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un

harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver

que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision

est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il résulte de ces

dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral , il

appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en

prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier

si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer

l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article ​L. 1152-1​ du code du travail.

Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les

agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses

décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L’employeur a l’obligation de fournir le travail convenu. Or, la société IBM indique

que les fonctions du salarié lui ont été retirées en raison de l’absence de résultats
commerciaux, qu’il a été remplacé à son poste et qu’il lui a été demandé de

rechercher un nouveau poste. Il en résulte que l’employeur a bien cessé de lui

fournir du travail correspondant à ses fonctions initiales. Par ailleurs, si M. X a été

maintenu dans le département auquel il appartenait, et qu’un certain nombre de

tâches lui ont été confiées, aucun poste avec une définition précise des tâches ne lui a

été confié. En effet, ainsi qu’il résulte des conclusions de l’employeur la priorité était

qu’il trouve un nouveau poste en interne avec l’aide des personnes compétentes,

qu’en fonction de son temps disponible, il contribue au transfert d’un certain

nombre de dossiers en cours à M. Y entre mai et septembre 2012. Rechercher par

soi-même un nouveau poste après avoir été évincé du précédent par l’employeur, ne

constitue pas une fourniture de travail. Par ailleurs, la définition en janvier 2013

par le supérieur hiérarchique des objectifs est particulièrement évanescente :

« l’évaluation de la possibilité de reprendre contact avec certains prospects existants

basés sur la nouvelle mission, à la fois par l’équipe d’ingénierie et vous-même, engager

de nouvelles perspectives après l’évaluation des opportunités avec l’équipe

d’ingénierie, faire campagne pour les brevets et licences de la technologie donnée, basé

sur la travail effectué à la fois par l’équipe d’ingénierie pour l’identification des

brevets et le travail de Benita Naidu pour l’identification de clients potentiels »​. Il en

allait de même lors de l’évaluation pour l’année 2013, où l’employeur se bornait à

fixer comme objectifs de poursuivre l’action et à maintenir les performances en

matière de brevets. Il n’est pas justifié par ​IBM France​ de la réalisation d’entretiens

annuels avec fixation par celui-ci des objectifs assignés au salarié pour 2015 et 2016.

M. A produit en outre un tableau marquant une baisse drastique du nombre de


mails professionnels échangés sur la période de mai 2015 à juin 2016 par rapport à

mai 2011 à juin 2012, leur nombre étant passé de 5874 à 842. Le grief relatif à la

fourniture de travail est matériellement acquis.

Le salarié relève l’absence de soutien effectif de son employeur dans la recherche

d’une nouvelle affectation, aucun poste n’ayant été trouvé depuis qu’il a été

remplacé à son précédent poste en mai 2012. L’antenne mobilité de l’entreprise a

effectivement procédé à plusieurs propositions le 28 février 2012, en octobre 2012 et

le 2 juin 2013, pour le poste de « ​busines development executive ​» en Australie. M. A

a décliné la première offre, car il était demandé une compétence de vente et de SW

et d’infrastructure qu’il n’avait pas. Pour la deuxième la cellule mobilité a noté

qu’elle avait compris que son profil ne correspondait pas vraiment. Aucune autre

offre n’a été faite après cette date. Le médecin du travail a relevé à cet égard le 12

mars 2014 qu’aucune solution n’avait été trouvée et s’étonnait qu’il n’existe pas

chez IBM de poste correspondant à son expérience. Ce fait est matériellement établi.

M. X s’est également plaint de l’absence de réaction de son employeur à la suite des

alertes qui ont été faites quant à la situation de harcèlement dont il s’estimait

victime. A cet égard, l’employeur ne justifie pas des mesures prises après le mail du

médecin du travail qui, le 12 mars 2014, soulignait que la mise à l’écart du salarié

commençait à impacter son état de santé. De même, lors de la réunion des délégués

du personnel du 8 mars 2013, la direction a indiqué qu’elle ne ferait pas de

commentaire sur le cas particulier de M. X alors que l’état psychologique difficile de

l’intéressé et la détérioration de ses conditions de travail étaient signalées. Cette


situation ayant été évoquée à nouveau lors de la réunion des délégués du personnel

du 31 mai 2013, la direction a répondu :​ « le fait de ne pas faire de commentaire dans

l’instance qui n’est pas concernée ne signifie pas que le point n’est pas entendu ni

traité par la direction. Sinon la réponse n’aurait pas été celle qui a été faite

précédemment ».​ Il n’est toutefois pas justifié des mesures prises par l’employeur

pour vérifier la réalité de la situation du salarié et, le cas échéant, la traiter, et ce

alors, d’une part, que le salarié refusait de signer les entretiens d’évaluation en

raison de l’absence, selon lui, de définition de missions ou d’objectifs précis et,

d’autre part, que l’employeur avait conscience des conséquences de la situation sur

le salarié ainsi qu’il résulte d’un mail de M. Z du 31 août 2015 :« ​ concernant plus

particulièrement votre situation particulière, vos problèmes de santé, et l’incertitude

dans laquelle vous pensez être vis-à-vis de votre emploi au sein de notre département et

d’I​ BM France​, crée un stress inutile qui se ressent inévitablement sur votre activité ».​

Ce fait est matériellement établi.

L’employeur, qui a décidé de remplacer le salarié à son poste au motif de

l’insuffisance de ses résultats, ne peut ensuite se désintéresser du sort de celui ainsi

privé de ses fonctions pour l’inviter à rechercher, fût-ce avec l’aide temporaire,

jusqu’en juin 2013, de la cellule mobilité, un nouveau poste adapté à ses

compétences. Malgré les demandes du salarié, la société ​IBM France​ ne justifie pas

lui avoir proposé un poste dont les tâches ou missions seraient clairement définies, ni

avoir réagi efficacement aux alertes lancées tant par l’intéressé que par le médecin

du travail ou les représentants du personnel quant aux conséquences de la situation


sur son état de santé. Ces éléments, pris dans leurs ensemble avec les certificats

médicaux produits par le salarié, notamment le certificat du docteur B relevant que

l’état de santé du salarié ne résulte pas d’un trouble mental de l’humeur ou anxieux

mais paraît bien lié à son environnement socio-professionnel et celui du docteur C,

du 26 janvier 2018, indiquant suivre M. X pour troubles anxio-depressifs depuis

plusieurs années, dans un contexte de gros stress professionnel, laissent supposer

l’existence d’un harcèlement et il appartient donc à l’employeur de prouver que les

agissements dont la matérialité a été établie ne sont pas constitutifs d’un tel

harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à

tout harcèlement.

Quelles que soient les motivations de l’employeur, celui-ci ne peut pas vider de leur

contenu les attributions du salarié et, ensuite, ne pas lui fournir le travail convenu.

L’argument selon lequel le salarié aurait manqué à être suffisamment pro-actif au

regard de son niveau de responsabilité doit être écarté. En effet, les attentes de

l’employeur ne sauraient dispenser celui-ci de ses propres obligations de fourniture

du travail convenu. Le pouvoir de direction qu’il exerce, quel que soit le niveau de

responsabilité du salarié, lui impose de clairement définir les tâches confiées à ce

dernier, quitte à sanctionner ensuite les éventuelles défaillances.

De même, alors que l’employeur a décidé du remplacement du salarié dans ses

précédentes fonctions en raison de l’insuffisance de ses résultats et l’a invité à

chercher un nouvel emploi, il ne l’a pas affecté à un nouveau poste. Certes, la cellule

mobilité a été mobilisée en 2012 et 2013, mais seuls trois postes ont été proposés,
dont deux étaient manifestement inadaptés. Il n’est pas justifié d’une quelconque

recherche par l’employeur après juin 2013, ni même après l’alerte faite par le

médecin du travail en 2014. L’employeur n’explique pas pourquoi la recherche d’un

nouveau poste adapté devait être réalisée principalement par le salarié, ce qui

risquait de le maintenir dans une situation d’échec, ni pourquoi dans une entreprise

de la taille d’IBM il n’a pas été trouvé d’affectation correspondant au profil de M.

X.

Dans son rapport pour l’année 2017, le médecin du travail signalait des situations de

« bore-out »​ : « ​certains salariés se sont vus signifier de partir dans un autre service »,

« certains salariés effectuent des petites missions intermittentes, rétrogradées ou bien

se sentent sous-utilisés par rapport à leurs compétences ou utilisés à des tâches peu

utiles »​ ,​ « ces situations génèrent chez les personnes un stress majeur, un repli sur soi,

une insécurité, une incertitude ».​ L’employeur, avait donc connaissance, en 2017, de

la persistance des situations correspondant à celles de M. X et ne justifie pas des

mesures adoptées pour y remédier.

Par ailleurs, l’employeur, qui nie la réalité du harcèlement moral subi par le salarié,

n’apporte aucune justification quant à l’absence de réaction aux diverses alertes qui

ont été faites tant par le salarié lui-même, à plusieurs reprises, que par les

représentants du personnel, à deux reprises en 2013, ou par le médecin du travail en

2014, lorsque ce dernier s’inquiétait des éventuelles conséquences du défaut de

nouvelle affectation sur la santé du salarié. Cette abstention est d’autant plus

injustifiée que, même s’il contestait la réalité des faits dénoncés par M. X, le
supérieur hiérarchique reconnaissait dans un mail du 31 août 2015 que l’incertitude

dans laquelle le salarié pensait être vis-à-vis de son emploi au sein du département et

d’​IBM France​, créait un stress inutile qui se ressentait inévitablement sur son

activité.

Il apparaît donc que l’employeur ne démontre pas que les agissements, dont la

matérialité a été retenue, ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que ses

décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Cette situation de harcèlement constitue un manquement grave aux obligations

pesant sur l’employeur, qui fait obstacle à la poursuite du contrat de travail et

commande la résiliation judiciaire à ses torts. Le salarié ayant la qualité de

représentant du personnel, la résiliation a les effets d’un licenciement nul.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail

Quant aux indemnités compensatrices de préavis et conventionnelle de licenciement :

Le salarié sollicite la somme de 57 174 euros à titre d’indemnité compensatrice de

préavis outre 5 717,40 euros de congés payés afférents et une indemnité

conventionnelle de licenciement de

98 146,80 euros.

La résiliation judiciaire ayant les effets d’un licenciement nul, le salarié peut

prétendre, conformément à l’article 27 de la convention collective applicable, au

paiement d’une indemnité compensatrice de préavis correspondant à six mois de


salaire, soit, 57 174 euros bruts, outre 5 717,40 euros bruts au titre des congés payés

afférents. Il a également droit à une indemnité conventionnelle de licenciement, qui,

en application de l’article 29 de la convention collective, doit être arrêtée à 98 146,80

euros bruts.

Quant à l’indemnité pour licenciement nul​ :

Le salarié sollicite la somme de 228 700 euros à titre de dommages et intérêts pour

licenciement nul.

L’employeur conclut au rejet de cette demande, en tout hypothèse à l’absence de

préjudice financier démontré et à la limitation de ce dernier à la somme de 57 147

euros.

Au regard de l’ancienneté acquise par le salarié, de son âge, des conditions de son

éviction de l’entreprise et de ses perspectives professionnelles, le préjudice résultant

de la rupture doit être arrêté à la somme de 100 000 euros bruts. L’employeur sera

condamné à payer cette somme.

Sur l’indemnisation pour violation du statut protecteur :

Le salarié, qui a été élu le 1er décembre 2014 en qualité de délégué du personnel et

le 24 février

2016 au conseil de surveillance AG2R et désigné en qualité de délégué syndical le 3

février 2015, sollicite une indemnité égale à douze mois de salaire, soit 114 348
euros, au cas où la résiliation judiciaire serait prononcée aux torts exclusifs de son

employeur.

La société conclut au rejet de cette demande, subsidiairement à sa réduction à une

somme équivalente à 12 mois de salaire au maximum et ramenée au principe d’un

euro symbolique.

Du fait de la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur, le salarié a

droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égaleà la rémunération

brute qui aurait dû être perçue entre la date de la rupture et l’expiration de la

période de protection dans la limite de trente mois de salaire. Il lui sera alloué la

somme de 114 348 euros bruts, représentant douze mois de salaire, en réparation du

préjudice subi.

Sur le harcèlement moral :

Le salarié demande la somme de 28 587 euros, à titre de dommages-intérêts sur le

fondement de l’article ​L. 1154-2​ du code du travail, en réparation du préjudice

causé par les manquements de l’employeur à son obligation de prévention des

agissements de harcèlement moral et celle de 57 174 euros, sur le fondement de

l’article ​L. 1152-1​ du code du travail en réparation du préjudice causé par les

agissements de harcèlement moral.

L’employeur conclut au rejet de cette demande.


La situation de harcèlement moral retenue ci-dessus a causé un préjudice au salarié.

Ce préjudice résulte d’abord de l’absence de mesures suffisantes de prévention du

harcèlement. Il lui sera alloué 10 000 euros de ce chef. Le harcèlement subi et

l’absence de mesure de traitement de la situation de harcèlement dénoncée tant par

le salarié, que par le médecin du travail ou des représentants du personnel a accru le

dommage subi par le salarié. Il lui sera alloué 20 000 euros de ce chef.

Sur la capitalisation des intérêts légaux

Conformément à l’article ​1343-2​ du code civil, seront capitalisés.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L’employeur, qui succombe, doit supporter les dépens.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l’intégralité des frais avancés

par lui et non compris dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 3 000 euros en

application de l’article ​700​ du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 octobre 2016 par le conseil

de prud’hommes de Nanterre,

Statuant à nouveau,
Prononce la résiliation du contrat de travail aux torts de la société ​IBM France​,

Condamne la société IBM France à payer à M. X les sommes suivantes :

—  57 174 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 5 717,40

euros bruts au titre des congés payés afférents

—  98 146,80 euros bruts à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  100 000 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement nul,

—  114 348 euros bruts à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur,

—  10 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article ​L. 1152-4

du code du travail,

—  20 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article ​L. 1152-1

du code du travail,

Dit que les intérêts légaux seront capitalisés dans les conditions de l’article ​1343-2

du code civil,

Condamne la société IBM France aux dépens et à verser à M. A la somme de 3 000

euros en vertu de l’article ​700​ du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les

parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième

alinéa de l’article ​450​ du code de procédure civile.


Signé par Monsieur Philippe FLORES, Président et par Madame Marine

GANDREAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat

signataire.

Le greffier, Le président,

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