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É L E C T R O N I Q U E - P H OTO N I Q U E

Ti520 - Optique Photonique

Sources laser

Réf. Internet : 42452 | 4e édition

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Optique Photonique
(Réf. Internet ti520)
composé de  :

Fondamentaux de l'optique Réf. Internet : 42448

Optique instrumentale Réf. Internet : 42449

Matériaux pour l'optique Réf. Internet : 42450

Composants optoélectroniques Réf. Internet : 42451

Sources laser Réf. Internet : 42452

Applications des lasers et instrumentation laser Réf. Internet : 42661

Systèmes optroniques Réf. Internet : 42453

Télécommunications optiques Réf. Internet : 42454

Nano-optique Réf. Internet : 42455

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Optique Photonique
(Réf. Internet ti520)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Patrick GEORGES
Directeur de recherche CNRS

Riad HAIDAR
Maître de recherches à l'ONERA, professeur à l'École polytechnique

Michel JOINDOT
Ingénieur en chef des télécommunications

Richard MONCORGÉ
Professeur à l'université de Caen

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Yasuhiko ARAKAWA Guang-Hua DUAN Laurent LOMBARD


Pour l’article : NM2050 Pour l’article : E7005 Pour l’article : IN305

Eric AUDOUARD Sébastien FORGET Jean-Michel MELKONIAN


Pour l’article : E6455 Pour l’article : E6435 Pour l’article : E6445

François BALEMBOIS Antoine GODARD Jean-Louis MEYZONNETTE


Pour l’article : E6480 Pour l’article : E6445 Pour l’article : E4020

Jean-Claude BOULEY Denis GUIMARD Richard MONCORGÉ


Pour l’article : E2660 Pour l’article : NM2050 Pour l’article : E6485

Georges BOULON Riad HAIDAR Arnaud MUSSOT


Pour les articles : AF3275 – Pour l’article : E6442 Pour l’article : IN122
AF3276 – AF3278 – AF3282
Marc HANNA Jean-Paul POCHOLLE
Pierre BOURDON Pour l’article : E6450 Pour l’article : E4020
Pour l’article : IN305
Antoine HIRTH Jean-Pierre PRENEL
Gilles BRASSART Pour l’article : AF3272 Pour l’article : AF3270
Pour l’article : E4020
Emmanuel HUGONNOT Myriam RAYBAUT
Romain BRENOT Pour l’article : E6515 Pour l’article : E6445
Pour l’article : E7005
René JOECKLÉ Jean SAGAUT
Sébastien CHÉNAIS Pour l’article : AF3271 Pour l’article : R6280
Pour l’article : E6435
Manuel JOFFRE Carlo SIRTORI
Hélène DEBRÉGEAS-SILLARD Pour l’article : E6442 Pour l’article : E6470
Pour l’article : E7005
Alexandre KUDLINSKI Costel SUBRAN
Jean-Baptiste DHERBECOURT Pour l’article : IN122 Pour l’article : R6280
Pour l’article : E6445
Sophie LAPOINTE Angela VASANELLI
Pour l’article : R6280 Pour l’article : E6470

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VI
Sources laser
(Réf. Internet 42452)

SOMMAIRE
Réf. Internet page

Physique du laser. Historique et principes de base AF3270 9

Lasers : principes, applications et mesures énergétiques R6280 13

Sources laser E4020 17

Lasers à semi-conducteurs E2660 25

Lasers à gaz AF3271 29

Lasers à solides AF3272 31

Sources lasers à l'état solide. Fondements AF3275 33

Luminescence cristalline appliquée aux sources lasers AF3276 37

Cristaux et optique laser non linéaires AF3278 43

Caractérisation d'une impulsion ultra-brève E6442 47

Matériaux organiques pour diodes électroluminescentes et lasers E6435 51

Génération d'impulsions lasers ultracourtes jusqu'à la femtoseconde AF3282 55

Ampliication d’impulsions laser à dérive de fréquence E6515 61

Sources paramétriques optiques. Fondements, mise en oeuvre et applications E6445 67

Sources laser à ibre et applications E6450 73

Sources supercontinuum à ibre optique. La révolution du laser blanc IN122 77

Lasers à impulsions ultrabrèves : applications E6455 81

Lasers et ampliicateurs optiques à semi-conducteurs pour télécommunications E7005 87


optiques
Lasers à boîtes quantiques autoassemblées d'InAs/GaAs NM2050 91

Lasers à cascade quantique E6470 95

Lasers accordables E6480 101

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VII
Lasers à solides pour le domaine UV-Visible E6485 105

Techniques de combinaison de sources laser IN305 111

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Physique des laser


Historique et principes de base
par Jean-Pierre PRENEL
Professeur à l’Université de Franche-Comté

1. Niveaux d’énergie et transitions ......................................................... AF 3 270 - 2


1.1 Dualité onde-corpuscule ............................................................................. — 2
1.2 Modèle idéalisé de l’absorption et de l’émission ..................................... — 2
1.3 Mécanismes des transitions réelles ........................................................... — 4
2. Poids de la thermodynamique.............................................................. — 4
2.1 Équilibre thermique d’une population d’atomes ...................................... — 4
2.2 Le « coup de génie » de l’émission stimulée ............................................ — 5
2.3 Inversion de population .............................................................................. — 5
3. Modes de pompage ................................................................................. — 6
3.1 Pompage optique ........................................................................................ — 6
3.2 Pompage électronique ................................................................................ — 6
3.3 Pompage chimique...................................................................................... — 7
4. Amplification optique............................................................................. — 7
5. Raies d’émission réelles......................................................................... — 8
5.1 Trains d’onde et longueur de cohérence ................................................... — 8
5.2 Raies naturelles et élargissement .............................................................. — 9
6. Rôle de la cavité optique ....................................................................... — 9
6.1 Oscillateur laser ........................................................................................... — 9
6.2 Modes de résonance longitudinaux........................................................... — 9
6.3 Modes de résonance transversaux ............................................................ — 11
7. Propriétés du faisceau laser ................................................................. — 12
7.1 Cohérence spatiale et divergence .............................................................. — 12
7.2 Propagation en mode gaussien.................................................................. — 12
Références bibliographiques ......................................................................... — 13
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@QYYY@M@d・イョゥ│イ・@カ。ャゥ、。エゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPQU

n quelques années, le laser (Light Amplification by Stimulated Emission of


E Radiation) est passé du statut d’appareil de laboratoire pour physicien à
celui de système industriel très répandu.
L’objectif de cet article est donc de permettre aux très nombreux utilisateurs
non spécialistes de comprendre le fonctionnement de cette source de lumière
très particulière et de se familiariser avec ses différentes configurations prati-
ques.
La démarche proposée consiste à présenter en première partie les phénomè-
nes physiques variés contribuant à l’émission de lumière cohérente, ainsi que
les propriétés spécifiques de cette lumière. L’article suivant [18] présente les
principaux appareils présents sur le marché, en respectant le traditionnel clas-
sement en deux familles : lasers à solides et lasers à gaz. Avant la lecture de ce
texte, il peut être profitable de consulter quelques articles du thème « optique »
du traité de Sciences fondamentales, notamment « optique ondulatoire »,
« optique des milieux matériels » et « optique cohérente ».

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales AF 3 270 − 1


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PHYSIQUE DU LASER ___________________________________________________________________________________________________________________

Les applications, très nombreuses, ne sont pas traitées dans cet article. Le
lecteur intéressé par un domaine d’application spécifique pourra trouver les
informations adaptées dans les traités spécialisés : mécanique (traitement des
matériaux, usinage), électricité (optronique, communications)...

1. Niveaux d’énergie photons passant en ce point. Une probabilité de présence nulle tra-
duit alors l’absence de rayonnement ; cette approche permet
et transitions notamment d’interpréter les expériences d’interférence, typique-
ment de nature ondulatoire, par l’existence de photons. Ainsi récon-
ciliées, les deux théories reçoivent de plus le soutien d’une autre
théorie universelle, celle de l’indétermination d’Heisenberg. Celle-ci
1.1 Dualité onde-corpuscule nous enseigne que pour certains phénomènes, en particulier dans le
monde de l’infiniment petit, on peut trouver certains couples de
grandeurs caractéristiques ne pouvant jamais, par principe, être
connues parfaitement les deux à la fois ; les relations liant les incer-
Le but de ce paragraphe n’est pas de répondre en détail à la ques-
titudes avec lesquelles on peut les connaître simultanément portent
tion complexe « Qu’est-ce que la lumière ? » Il est toutefois difficile
le nom de relations d’indétermination de Heisenberg. Un calcul de
de parler de laser sans évoquer le problème de la nature du rayon-
quelques pages [9] montre que l’incertitude ∆n sur le nombre n de
nement. Celui-ci est-il plutôt une onde ou plutôt constitué de
photons mis en jeu dans une expérience et celle ∆ φ sur la phase φ de
corpuscules ? Le débat agitait déjà les esprits des plus illustres phi-
l’onde associée, sont liées par l’inégalité.
losophes grecs (Aristote avait « pressenti » la nature ondulatoire,
Empédocle et Pythagore, la nature corpusculaire). Après des siècles
de réflexion, de recherche et... de polémique, la science moderne ∆n ⋅ ∆ φ  2π (1)
répond aujourd’hui par une formule qui peut paraître ambiguë mais
qui, en fait, résume bien l’état de nos connaissances : la lumière se ■ Si l’on souhaite individualiser un photon, il faut pouvoir détermi-
comporte tantôt comme une onde, tantôt comme des corpuscules. ner n (ici n = 1) avec une erreur ∆n nulle ; on a alors indétermination
totale de la phase de l’onde associée car ∆ φ → ∞.
C’est au début du 20e siècle (1900) que Max Planck, dans le but de
résoudre l’énigme du rayonnement du corps noir, a formulé une ■ Si l’on veut connaître φ avec précision (∆ φ → 0), il faut tolérer que
hypothèse hardie, à l’origine d’une véritable révolution : les échan- ∆n tende vers l’infini ; on perd alors l’aspect corpusculaire.
ges d’énergie entre matière et rayonnement ne pourraient s’effec-
tuer que par quantités discrètes, multiples entiers d’une énergie Ce raisonnement est l’un des plus convaincants pour illustrer la
élémentaire de valeur : complémentarité entre les deux comportements du rayonnement,
notamment dans le domaine qui nous concerne ici : celui de la
E = hν (baptisée quantum) lumière visible et des deux zones voisines du spectre (infrarouge et
avec ν fréquence du rayonnement concerné, ultraviolet) qui correspond au L (light) de laser.
h constante universelle.
Pour la première fois, une approche « quantique » de l’énergie
apparaissait, alors que les « monuments » de la Physique (thermo- 1.2 Modèle idéalisé de l’absorption
dynamique, théorie électromagnétique de Maxwell) n’envisageaient et de l’émission
que des variations strictement continues. Cinq ans plus tard, les
confirmations expérimentales de la théorie de Planck ne permettant
plus le doute, Albert Einstein, aux prises avec une autre énigme
(l’effet photoélectrique), reprenait l’idée quantique et résolvait son La description du fonctionnement d’un laser passe par la compré-
problème spécifique en assimilant le rayonnement à un ensemble hension des phénomènes d’absorption et d’émission, constituant la
de quanta (ou « paquets ») d’énergie électromagnétique de base de la théorie de l’interaction lumière-matière. Le modèle le
valeur h ν, baptisés photons et présentant un comportement corpus- plus adapté est de type « énergétique », issu des hypothèses de
culaire (le terme de « grains » d’énergie est parfois utilisé, mais il Niels Bohr (1913) sur les états d’énergie des atomes. Ces derniers
évoque des particules dotées de masse et prête ainsi à confusion). présentent des états énergétiques stables et discrets, concrétisés
Cette approche, révolutionnaire et efficace, ne règle cependant pas par des niveaux quantifiés, le passage de l’un à l’autre correspon-
tous les problèmes ; le comportement ondulatoire de la lumière, dant à une transition. Dans le modèle idéalisé, chaque niveau est
indéniable dans les expériences d’interférences, de diffraction ou de parfaitement défini, la représentation graphique traditionnelle étant
polarisation, et génialement mis en équation par Maxwell, n’est pas celle de la figure 1 pour le cas simplifié d’un couple de niveaux.
pour autant rayé de la carte. Il faut seulement se rendre à Par ailleurs, une transition peut se produire par absorption de
l’évidence : le rayonnement présente un comportement soit ondula- lumière de fréquence ν (l’atome passe alors à un état d’énergie
toire, soit corpusculaire, suivant le type d’expérience considéré ; ce supérieur, dit « excité ») ou par émission de lumière de même fré-
comportement à double visage est baptisé « dualité onde- quence, s’il est excité (il retrouve alors son état d’origine). Ce
corpuscule ». modèle est parfaitement en accord avec la quantification de l’éner-
Ces deux aspects d’un même phénomène peuvent apparaître gie et la dualité onde-corpuscule si l’on suppose que le photon
contradictoires, voire inconciliables. En réalité, une approche statis- absorbé ou émis, correspondant à une onde de fréquence ν, pré-
tique (ou probabiliste) permet de montrer qu’ils sont sente une énergie égale à la différence entre les deux niveaux E1 et
complémentaires : il « suffit » d’admettre que l’intensité de l’onde E2 .
associée à un photon, est directement liée à la probabilité de pré-
sence du corpuscule en un point, ou encore, au nombre moyen de E 2 − E1 = h ν (2)

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AF 3 270 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales

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___________________________________________________________________________________________________________________ PHYSIQUE DU LASER

Chaque atome présentant un couple (E1, E2) est donc susceptible ment des raies qui peut conduire à l’observation de bandes de
E2 – E1 niveaux difficiles à séparer (non résolubles) même à l’aide de sys-
d’absorber ou d’émettre un rayonnement de fréquence ν = ------------------ . tèmes dispersifs très résolvants.
h
Ce modèle a été précisé par Einstein, sur une base probabiliste, que Des lois complexes de la physique quantique, nous pouvons
l’on peut résumer ainsi : pour une population de N atomes en pré- extraire deux conclusions :
sence de rayonnement de fréquences variées, dont N1 sont dans — dans les cristaux, les interactions entre atomes compliquent le
l’état d’énergie E1 (état dit fondamental, si l’atome est en situation jeu en multipliant considérablement le nombre de niveaux d’éner-
gie à prendre en compte, ces niveaux pouvant présenter une dégé-
naturelle de « repos ») et N2 sont dans l’état excité E2, le nombre élé-
nérescence en bandes quasi-continues. Il existe, heureusement
mentaire de transitions par absorption, pendant un temps élémen- pour le laser, des exceptions importantes : certaines raies, associées
taire dt peut s’écrire : à la présence de quelques atomes d’impuretés (en réalité des ions),
dN1 = B12 N1 ρ (ν ) dt (3) demeurent très fines.
Pour obtenir une émission très monochromatique, le physicien
avec B12 probabilité d’absorption entre les niveaux E1 et
devra faire preuve de beaucoup d’ingéniosité pour trouver la bonne
E2 ,
impureté, insérée dans le bon cristal (cf. article Lasers à gaz et à
N1 « vivier » susceptible d’absorber des photons, solides) ;
ρ (ν ) densité spectrale du rayonnement ambiant. — En outre, les « édifices » moléculaires ne sont jamais figés ; en
Inversement, pour les atomes excités, le nombre élémentaire de première approximation, avec notre approche macroscopique du
transitions par émission pendant le même temps élémentaire peut monde microscopique, nous pouvons modéliser leurs mouvements
s’écrire : à partir des concepts classiques de la Mécanique sous forme de
rotations et vibrations. La Mécanique quantique en donne une
dN 2 = −A21 N2 dt (4) représentation plus abstraite, mais basée sur la même idée : les
mouvements de rotation et de vibration se traduisent, dans les
avec un signe − pour tenir compte de la diminution de N2 , molécules, par une forte multiplication des niveaux d’énergie.
A21 probabilité d’émission entre les niveaux E2 et E1 , Ces quelques éléments simplifiés permettent d’imaginer pour-
N2 « vivier » susceptible d’émettre des photons. quoi la recherche d’une émission lumineuse très monochromatique
On reconnaît la formulation différentielle classique d’une décrois- représentait un pari non gagné d’avance. En pratique, les physiciens
sance exponentielle de N2. ont retenu quelques mécanismes de transitions qui se sont révélés
porteurs et que nous retrouverons dans les lasers actuels (cf. article
N2 (t) = N2 (0) exp (−A21t) ou N2 (0) exp (−t / τ) (5) Lasers à gaz et à solides).
τ est la constante de temps qui traduit la « vitesse » de retour à l’état ■ Les transitions électroniques, dans lesquelles les changements
fondamental ; elle caractérise donc la durée de vie moyenne de de niveaux d’énergie s’effectuent par « sauts » des électrons d’une
l’état excité. Les deux probabilités B12 et A21 sont liées aux pro- orbite à l’autre dans une population d’atomes non ionisés : lors de
priétés intrinsèques de l’atome considéré et portent le nom de coef- la montée des électrons dans l’échelle énergétique, ceux-ci ne peu-
ficients d’Einstein. vent pas quitter leurs atomes d’origine. C’est le modèle le plus sim-
Le phénomène d’émission se produisant naturellement, comme ple à appréhender avec une approche mécanistique, c’est donc le
tout retour à l’équilibre d’un système physique possédant un excès plus répandu dans les ouvrages de vulgarisation (figure 2).
d’énergie, reçoit le nom d’émission spontanée. Aucune hypothèse ■ Les transitions ioniques, ou électroniques avec ionisation, dans
n’étant formulée sur la direction de propagation des photons ou lesquelles le mécanisme de base reste identique, mais avec un
sur leurs phases respectives, ce mode d’émission est baptisé inco- apport d’énergie extérieure suffisant pour que certains électrons
hérent spatialement : en d’autres termes, les directions de propa- soient arrachés à leurs atomes d’origine, transformant ceux-ci en
gation des photons et leurs phases sont aléatoires. Ce modèle ions. Ce mode d’excitation, rencontré dans certains gaz soumis à
représente une description simplifiée de l’émission lumineuse une décharge électrique (argon), est moins sélectif, mais aussi plus
rencontrée dans les lampes à incandescence ou les tubes fluores- « brutal » car les électrons devenus libres véhiculent dans le milieu
cents qui agrémentent nos nuits terrestres : à un détail près, mais un surplus d’énergie sous forme cinétique, qu’il faudra évacuer (cf.
d’importance : dans ces sources incohérentes, les niveaux d’énergie article Lasers à gaz et à solides).
discrets idéalisés n’existent pas.
■ Les transitions moléculaires, dans lesquelles les changements
d’énergie s’effectuent par une modification globale de l’état de
vibration (distance variable entre deux atomes constitutifs par
1.3 Mécanismes des transitions réelles exemple), ou de rotation des molécules. Ce mécanisme est typique
des gaz moléculaires, tel que le dioxyde de carbone (figure 2).
Plusieurs générations de physiciens se sont patiemment effor- Les physiciens connaissant bien les ordres de grandeur des éner-
cées d’établir un catalogue des niveaux d’énergie présents dans les gies à mettre en jeu dans ces différents modes de transition, la for-
atomes et les molécules. Les plus acharnés furent les spectroscopis- mule de Planck permet aisément de prévoir les domaines de
tes qui traquèrent les innombrables raies d’émission pour en fréquences, donc de longueurs d’onde concernés :
déduire la constitution fine de la matière : « les raies d’émission E2 − E1 = ∆E = h ν = h c/ λ
sont le langage des atomes » disaient-ils...
Le cas d’un atome isolé, hypothèse d’école, est le plus confortable avec h = 6,63 · 10−34 J · s,
à modéliser car il n’interagit pas avec d’autres « confrères ». Il en va c = 3 · 108 m/s ;
tout autrement dans les cristaux et les molécules, qui sont consti-
— transitions électroniques : ∆E elec ;
tués d’assemblages plus ou moins complexes d’atomes interagis-
sant entre eux. Il est donc prévisible qu’un gaz, constitué d’atomes — transitions moléculaires : ∆E vib (vibrations) ;
en mouvement, relativement éloignés les uns des autres, ne présen- ∆E rot (rotations).
tera pas les mêmes niveaux d’énergie qu’un cristal aux atomes pro- La hiérarchie énergétique étant bien établie (∆E elec > ∆E vib
ches et fortement liés entre eux. D’une façon générale, lorsque la > ∆E rot), les valeurs de ∆E conduisent à la prévision synthétique
masse volumique des corps augmente, il en résulte un élargisse- suivante :

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Lasers : principes, applications


et mesures énergétiques
par Costel SUBRAN
Opton Laser International (Orsay)

Jean SAGAUT
Opton Laser International (Orsay)

et Sophie LAPOINTE
Gentec Électro-Optique (Canada)

1. Principes du laser ........................................................................... R 6 280 – 2


1.1 Milieu amplificateur ........................................................................... — 2
1.2 Résonateur.......................................................................................... — 3
1.3 Couplage............................................................................................. — 3
2. Propriétés du faisceau laser ......................................................... — 3
2.1 Directivité............................................................................................ — 3
2.2 Pureté spectrale .................................................................................. — 3
2.3 Durées d’impulsion ............................................................................ — 4
2.4 Longueur d’onde ................................................................................ — 4
3. Différents types de laser ............................................................... — 5
3.1 Lasers à solide .................................................................................... — 5
3.2 Lasers à fibre ...................................................................................... — 5
3.3 Lasers à semi-conducteur .................................................................. — 5
3.4 Lasers à gaz ........................................................................................ — 6
3.5 Lasers à colorant ................................................................................ — 6
4. Applications ..................................................................................... — 6
4.1 Applications scientifiques .................................................................. — 6
4.2 Applications industrielles................................................................... — 7
4.3 Télécommunications........................................................................... — 8
4.4 Lecture optique, alignement .............................................................. — 8
4.5 Applications militaires ....................................................................... — 8
4.6 Applications biomédicales ................................................................. — 9
5. Mesure de puissance/énergie des lasers .................................... — 9
5.1 Types de mesures sur les lasers ........................................................ — 9
5.2 Mesure en puissance.......................................................................... — 10
5.3 Mesure en énergie.............................................................................. — 12
5.4 Critères de sélection des appareils de mesure ................................. — 12
5.5 Cas particulier : lasers de très haute énergie .................................... — 14
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. R 6 280

e 16 mai 1960 est apparu sur le mur d’un laboratoire de recherche de la


L société Hughes, en Californie, un point brillant de lumière rouge : le premier
laser était né.
Ce n’était pas un appareil impressionnant : il n’était constitué que d’un petit
cristal cylindrique de rubis (des ions Cr3+ dispersés dans une matrice d’alumine)
entouré d’une lampe flash hélicoı̈dale. Pourtant, peu d’inventions ont provoqué
une révolution d’une telle ampleur, aussi bien dans le monde scientifique que
dans l’industrie, les télécommunications ou la médecine.
L’importance du laser a en fait été immédiatement reconnue. Si les sceptiques le
qualifiaient volontiers de « solution en quête d’un problème », leur incrédulité a vite
été démentie par les progrès rapides et impressionnants aussi bien du laser lui-
p。イオエゥッョ@Z@、←」・ュ「イ・@RPPY

même que de ses applications. Aujourd’hui, le laser a pris des formes extrêmement
variées et est devenu un outil irremplaçable dans de nombreux domaines.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. R 6 280 – 1

QS
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LASERS : PRINCIPES, APPLICATIONS ET MESURES ÉNERGÉTIQUES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Principes du laser Historique

Le laser n’est pas né ex nihilo. Il est l’aboutissement d’un long


cheminement de pensée qui a commencé dès 1917, avec la
Le laser est un oscillateur optique, et tout laser est donc théorie de l’« émission stimulée » d’Einstein qui, à partir de
constitué des trois éléments de base d’un oscillateur : considérations purement théoriques sur le rayonnement du
– un milieu amplificateur alimenté en énergie par une source corps noir, avait montré que, sous certaines conditions, la
extérieure ; matière devait pouvoir amplifier la lumière.
– une contre-réaction positive permettant de réinjecter l’éner- La découverte en 1950 du « pompage optique » par A. Kastler a
gie amplifiée vers le milieu amplificateur ; permis de créer les conditions expérimentales nécessaires à la
– et un couplage de l’énergie générée dans le milieu amplifi- manifestation de l’émission stimulée. Cette technique permet
cateur vers l’extérieur. de préparer des atomes dans des états d’énergie supérieure à
celle prévue par l’équilibre thermodynamique. Appliquée à une
population d’atomes, elle permet de créer une « inversion de
1.1 Milieu amplificateur population », condition indispensable à l’amplification de la
lumière par cette population.
& L’absorption
& Le maser
Un matériau ordinaire, même transparent, absorbe toujours plus Peu après (1954), Charles Townes (Columbia University) est
ou moins la lumière. Les atomes ou molécules constituant le maté- parvenu à créer une inversion de population (et donc une
riau absorbent les photons incidents et se retrouvent ainsi dans des amplification par émission stimulée) dans un jet de molécules
états d’énergie supérieure (figure 1a). Ils retombent ensuite vers d’ammoniac à l’intérieur d’une cavité résonnante. Cette émis-
leur niveau fondamental par des désexcitations le plus souvent sion se fait à 24 GHz, et le dispositif a donc été baptisé « maser »
non radiatives. Le bilan est donc une déperdition de lumière (Microwave Amplificator by Stimulated Emission of Radiation).
(absorption), transformée en chaleur au sein du matériau. Le rôle de la cavité est de réinjecter le rayonnement émis par
& Émission spontanée et émission stimulée émission stimulée vers la population amplificatrice, créant
ainsi une contre-réaction positive (feedback), élément essentiel
Un atome peut parfois se désexciter de façon radiative. Il d’un oscillateur. Le maser est donc le premier oscillateur fonc-
retombe alors vers un état d’énergie inférieure en émettant un pho- tionnant avec des ondes électromagnétiques.
ton dont l’énergie est égale à la différence des énergies des
niveaux de départ et d’arrivée de l’atome. C’est le phénomène & Le laser
d’émission spontanée. L’extension au domaine optique a été immédiatement envi-
Il existe un autre mode de désexcitation radiative. Si un photon sagée, mais semblait improbable, la théorie prévoyant que
ayant une énergie exactement égale à la différence entre l’énergie l’inversion de population est d’autant plus difficile à obtenir
du niveau excité de l’atome et l’énergie d’un de ses niveaux infé- que l’on cherche à amplifier des rayonnements de plus courte
rieurs vient « percuter » l’atome, alors ce « choc » va provoquer la longueur d’onde. Ce n’est qu’en 1960 que Theodore Maiman
désexcitation de l’atome par émission d’un photon ayant : fabrique le premier laser émettant dans le domaine visible
(694 nm), évoqué plus haut.
– la même énergie ;
– la même phase ; Cette première réalisation inespérée a déclenché une course
– et la même direction, que le photon incident. aux milieux susceptibles d’être le siège d’une inversion de
population. En quelques années ont été ainsi mis au point les
C’est le phénomène d’émission stimulée, dont le résultat net est lasers à rubis, hélium-néon, argon, krypton, CO2, Nd:YAG, colo-
de transformer un photon incident en deux photons jumeaux rants, et semi-conducteurs, qui ont dominé le paysage du laser
(figure 1b). Au lieu d’absorber de la lumière, l’atome a donc ampli- pendant plus de vingt ans.
fié la lumière. Aujourd’hui, beaucoup des matériaux laser « historiques »
(argon, He-Ne, He-Cd, azote, colorants) ont été supplantés par
& Inversion de population, pompage
des matériaux plus performants, essentiellement solides :
Une population d’atomes tous dans le même état excité serait semi-conducteurs, saphir dopé au titane, erbium dans des
donc un amplificateur de lumière, la difficulté étant d’amener un fibres de silice.
grand nombre d’atomes simultanément dans un même état excité.
Malheureusement, à l’équilibre thermodynamique, il y a toujours & Modes de fonctionnement
plus d’atomes dans des états de basse énergie que dans des états Parallèlement à la multiplication des milieux amplificateurs,
d’énergie élevée. L’absorption causée par les premiers, très nom- on a assisté à un développement des modes de fonctionnement
breux, est toujours supérieure à la faible émission stimulée des des lasers. Les avancées les plus marquantes ont porté sur :
rares atomes excités, et le bilan énergétique reste négatif : le maté- – la largeur spectrale de l’émission des lasers continus, que
riau est absorbant. l’on peut faire descendre à quelques MHz ;
– la génération d’impulsions courtes : quelques nanosecon-
des (10-9 s) en mode déclenché (Q-switch), quelques pico-
secondes (10-12 s) en blocage de modes (mode-locking), avec
à la clé des puissances crêtes considérables. On sait aujour-
d’hui générer de façon fiable des impulsions d’une durée de
quelques dizaines de femtosecondes (10-15 s) ;
– la génération d’harmoniques : la forte intensité des impul-
sions laser permet de doubler, tripler ou quadrupler leur fré-
quence grâce à des matériaux non linéaires, et ainsi d’accéder
au domaine ultraviolet ;
– l’accordabilité : certains lasers peuvent, avec des disposi-
a absorption b émission stimulée
tifs dispersifs appropriés, émettre une lumière quasi mono-
chromatique ajustable sur une gamme étendue de longueurs
d’onde.
Figure 1 – Émission stimulée

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R 6 280 – 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– LASERS : PRINCIPES, APPLICATIONS ET MESURES ÉNERGÉTIQUES

Il est cependant possible de peupler sélectivement un état excité


jusqu’à rendre la population dans cet état plus grande que la popu- 2. Propriétés
lation restée au niveau fondamental. Il suffit pour cela que les ato-
mes possèdent une configuration d’états électroniques conforme
du faisceau laser
au schéma de la figure 2.
Les atomes peuvent être amenés dans l’état supérieur par toute Bien que constitué de photons ordinaires, le faisceau laser pos-
méthode appropriée, par exemple : sède des propriétés inaccessibles aux sources de lumière
– absorption d’un photon (pompage optique) ; traditionnelles.
– collision avec des électrons (pompage par décharge électrique).
Ils se désexciteront ensuite spontanément de façon non radiative 2.1 Directivité
vers le niveau intermédiaire métastable. Ce niveau est fin, et donc
La cavité est étroite et allongée et seuls les photons se propa-
de grande durée de vie. Il va servir de « réservoir » dans lequel vont
geant exactement dans l’axe de cette cavité bénéficient d’une
progressivement venir s’accumuler les atomes de la population. Le
amplification supérieure aux pertes : le faisceau laser est donc tota-
résultat sera la création d’une population dans ce niveau intermé-
lement directionnel. En fait, sa divergence est très souvent proche
diaire plus importante que la population restant dans le niveau fon-
de la limite imposée par la diffraction.
damental. On aura alors créé une inversion de population par
pompage. Ainsi, un faisceau laser peut :
Si la transition entre le niveau métastable et le niveau fondamen- – se propager sur de grandes distances tout en restant collimaté ;
tal est radiative, le matériau excité est alors prêt à amplifier par – être focalisé en un point dont les dimensions sont limitées par
émission stimulée de la lumière incidente à la bonne fréquence. la diffraction.

1.2 Résonateur 2.2 Pureté spectrale


La largeur spectrale de la lumière émise par émission stimulée
L’inversion de population ne permet que d’amplifier la lumière. est déterminée par la durée de vie du niveau supérieur de la transi-
Pour avoir un oscillateur, il faut réinjecter le signal amplifié dans tion radiative, et on pourrait donc s’attendre à ce que la largeur
le milieu amplificateur. Dans le laser, cette contre-réaction est obte- spectrale de la lumière laser soit égale à celle de cette transition.
nue en plaçant le milieu amplificateur entre deux miroirs réfléchis- Mais l’amplification répétée de la lumière voit la partie centrale de
sants formant une cavité laser (figure 3). La lumière amplifiée est cette bande spectrale plus fortement amplifiée que ses ailes, provo-
réfléchie par les miroirs et retourne donc dans la cavité pour y quant ainsi un rétrécissement progressif de la largeur spectrale de
être à nouveau amplifiée. la lumière amplifiée. Ce phénomène est semblable à l’effet Larsen,
qui transforme un bruit ambiant à large bande en un bruit continu
à spectre très étroit.
1.3 Couplage Un faisceau laser est donc presque monochromatique.
Un des miroirs est totalement réfléchissant (miroir de « fond de Cette constatation doit être quelque peu corrigée pour tenir
cavité »), alors que l’autre est laissé partiellement transparent. Si compte de la nature ondulatoire de la lumière. La cavité n’autorise
l’amplification est supérieure aux fuites causées par ce miroir « de l’amplification répétée que des ondes qui, après un aller-retour, se
sortie », un régime stationnaire s’instaure dans la cavité. On dit que retrouvent en phase avec elles-mêmes. Cette condition définit un
le pompage est alors suffisamment intense pour que le laser fran- certain nombre de fréquences équidistantes, les seules que l’on
chisse le seuil d’oscillation. La fraction de la lumière sortant de la peut retrouver dans le faisceau laser. Le spectre de la lumière
cavité forme le faisceau laser. issue d’un laser est donc constitué d’un peigne de fréquences
équidistantes :
– chaque dent du peigne est monochromatique et s’appelle un
Énergie Niveau supérieur (large) « mode longitudinal » (figure 4) ;
– la largeur du peigne est inférieure à celle de la transition ampli-
Transition non radiative ficatrice, car le gain sur les ailes de la transition n’est pas assez
Niveau métastable important pour maintenir une oscillation laser.
(fin)
Si nécessaire, des dispositifs dispersifs intracavité permettent de
supprimer tous les modes sauf le mode central. Le laser est alors
Émission stimulée dit « monomode longitudinal ».
Pompage
Niveau
fondamental
Gain Intensité
Figure 2 – Pompage

Modes
Miroir totalement Miroir partiellement longitudinaux
réfléchissant réfléchissant
Pompage

Faisceau laser

Milieu amplificateur Fréquence

Figure 3 – Cavité laser Figure 4 – Modes longitudinaux

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Sources laser
par Gilles BRASSART
Ingénieur de l’École supérieure d’optique
Président-directeur général de BM Industries
Jean-Louis MEYZONNETTE
Ingénieur de l’École supérieure d’optique
Professeur à l’École supérieure d’optique
et Jean-Paul POCHOLLE
Chef du Laboratoire Sources laser pour optronique
au Laboratoire central de recherche (LCR) Thomson-CSF

1. Rappels de base........................................................................................ E 4 020 - 2


1.1 Historique ..................................................................................................... — 2
1.2 Généralités ................................................................................................... — 2
1.3 Conditions d’oscillation............................................................................... — 3
1.4 Modes transverses ...................................................................................... — 3
1.5 Méthodes de modulation en puissance d’un laser................................... — 4
2. Diodes laser ............................................................................................... — 6
2.1 Matériaux et structures ............................................................................... — 6
2.2 Diodes à émission surfacique..................................................................... — 8
2.3 Diodes de puissance.................................................................................... — 9
2.4 Diodes accordables dans l’infrarouge ....................................................... — 11
2.5 Diodes émettant dans le visible ................................................................. — 13
3. Laser à dioxyde de carbone .................................................................. — 13
3.1 Laser moléculaire ........................................................................................ — 13
3.2 Laser continu à excitation électrique ......................................................... — 16
3.3 Laser impulsionnel CO2-TEA ...................................................................... — 17
3.4 Laser CO2-TEA à cadence de tir élevée...................................................... — 18
3.5 Applications ................................................................................................. — 19
4. Lasers solides pompés par diodes laser ............................................ — 19
4.1 Généralités ................................................................................................... — 19
4.2 Diodes laser de puissance .......................................................................... — 20
4.3 Milieu actif.................................................................................................... — 22
4.4 Pompage optique ........................................................................................ — 24
4.5 Architectures de cavités .............................................................................. — 25
4.6 Diversité des lasers solides pompés par diodes....................................... — 26
4.7 Applications ................................................................................................. — 28
4.8 Point sur le présent et l’avenir.................................................................... — 28
5. Sécurité laser ............................................................................................ — 29
5.1 Position du problème .................................................................................. — 29
5.2 Normes de sécurité laser ............................................................................ — 29
5.3 Exemples de calculs sur la sécurité laser .................................................. — 31

’avènement des lasers a renouvelé considérablement le domaine de l’optro-


L nique, et étendu ses possibilités, en rendant concevables des équipements
et des systèmes dits « actifs », qui étaient irréalisables à partir de sources
optiques plus traditionnelles, telles que les sources thermiques. Pour de nom-
breuses applications, les lasers sont en effet les seules sources envisageables,
p。イオエゥッョ@Z@ウ・ーエ・ュ「イ・@QYYV

car leur émission peut surpasser de loin celle de leurs concurrentes thermiques
par ses caractéristiques spatiale, spectrale, temporelle ou énergétique.

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SOURCES LASER _______________________________________________________________________________________________________________________

L’un des avantages décisifs des lasers est la possibilité d’obtention de lumi-
nances spectriques élevées, donc d’émission de rayonnements à la fois très direc-
tifs (la divergence du faisceau peut être limitée par la diffraction dans le cas de
lasers monomodes) et quasimonochromatiques : cela permet d’une part d’opti-
miser un éclairement de cible ou une concentration d’énergie, même sur de
longues distances, et d’autre part de simplifier les optiques associées et de filtrer
plus efficacement les rayonnements parasites.
L’émission des lasers se prête de plus à des techniques de modulation, et donc
de traitement de signal, difficilement envisageables avec des sources thermiques
(modulation d’amplitude ou de fréquence, obtention d’impulsions très brèves,
accordabilité en longueur d’onde, etc.).
Après un bref rappel théorique, cet article présente l’état de l’art sur différents
types de lasers : diodes laser, lasers à gaz CO2 , lasers solides pompés par diodes
laser, et s’achève par des considérations sur la sécurité (en particulier oculaire)
dans l’utilisation des lasers.

1. Rappels de base Dans les années 60, les études portent largement sur le pompage
optique, en particulier grâce à N. Blombergen et A. Kastler (prix
Nobel en 1966). Le laser est analysé comme une machine de Carnot
1.1 Historique pour laquelle il est admis que le second principe de la thermo-
dynamique n’est pas remis en cause, malgré de nombreuses hési-
tations au sein de la communauté scientifique. Au cours de cette
C’est en 1917 que A. Einstein (prix Nobel 1921) établit le concept
période les différents types de laser sont à l’étude, les raies d’émis-
d’émission stimulée en analysant une population fictive d’atomes
sion analysées et les rendements mesurés expérimentalement.
à 2 niveaux d’énergie En et Em , distants de hν, en équilibre thermique
dans une enceinte à la température T. La statistique de Boltzmann
définit la répartition des atomes entre les deux niveaux, et la loi de
Planck fournit la densité spectrale du rayonnement électro- 1.2 Généralités
magnétique du corps noir constitué par cette collection d’atomes.
Les phénomènes d’absorption et d’émission spontanée des photons Bien que les lasers se présentent sous des dimensions très
d’énergie hν sont pris en compte par Einstein, qui admet qu’à l’équi- différentes les uns des autres (allant en volume de la tête d’épingle
libre thermodynamique le nombre, par unité de temps, de transitions au bâtiment entier), les interactions de base entre le milieu et le
de n vers m est égal à celui de m vers n. Dans ces hypothèses, Einstein rayonnement laser sont les mêmes, et ce paragraphe en rappelle
démontre que la loi de Planck entraîne la nécessité du concept brièvement les bases, communes à tous les lasers.
d’émission stimulée.
Un laser est en fait un oscillateur optique et peut donc être
En 1940, Fabricant réalise probablement la première inversion de considéré comme un amplificateur avec une boucle de contre-
population dans ses mesures d’absorption de lumière entre deux réaction positive. Tout d’abord, l’amplification aux fréquences
états excités d’espèces gazeuses, au cours desquelles il parvient à optiques est possible grâce au caractère discret des états éner-
désexciter rapidement le niveau le moins énergétique. Le laser aurait gétiques de nombreuses espèces atomiques (atomes, molécules,
pu naître à l’aube de la Seconde Guerre mondiale si Fabricant ions...). En général un rayonnement électromagnétique ne peut inter-
(reconnu comme le grand-père du laser) avait pensé à placer le gaz agir avec une espèce atomique que si sa fréquence ν est telle que
dans une enceinte avec deux miroirs en bout. l’énergie individuelle des photons qui le composent, hν, est égale
Dans les années 1952/1954 le phénomène d’amplification stimulée à la différence d’énergie entre les deux états permis du milieu.
est observé simultanément par les deux équipes de Townes, Gordon, Bien que, en pratique, tous les systèmes atomiques présentent
Zeiger (États-Unis) et de Basov et Prokhorov (URSS), qui, pour cela, un grand nombre d’états énergétiques permis, on ne considère
reçoivent simultanément le prix Nobel en 1964. En 1954, le jet molé- que les interactions de la lumière avec les deux états dont la diffé-
culaire en sortie d’un four dans lequel se trouvent des molécules rence d’énergie satisfait à la relation :
d’ammoniac (NH3) excitées par collision, passe entre deux électrodes
qui effectuent le tri des espèces excitées. Ces dernières sont E2 – E1 = h ν
envoyées dans une cavité résonnante et les expérimentateurs Si l’atome se trouve dans l’état énergétique le plus faible E 1 , il
observent une émission dans un guide d’onde à 2,3 × 1010 Hz. Le peut absorber un photon et donc atteindre le niveau d’énergie
Maser (microwave amplifier by stimulated emission of radiation ) supérieur E 2 . Le débit de photons absorbés est alors proportionnel
est ainsi inventé. au nombre d’atomes du milieu, au débit des photons incidents et
Cela conduit, en 1958, Townes et Schawlow à élaborer le concept à une constante de proportionnalité appelée probabilité de transi-
du maser à fréquences optiques, ou laser (light amplification by tion, qui est une caractéristique de ces deux niveaux.
stimulated emission of radiation ), à partir d’un milieu actif pompé Dans le cas où l’atome se trouve déjà dans le niveau supérieur,
optiquement placé dans un interféromètre de Fabry-Pérot, qui deux processus peuvent alors se produire.
constitue la cavité résonnante. C’est en juillet 1960 que Maiman réa-
lise le premier laser, sous forme de laser à rubis fonctionnant en ■ Le premier processus est celui de l’émission spontanée, dans
mode libre (émission dite relaxée). Quelques mois plus tard, Javan lequel l’atome retourne à l’état inférieur en émettant un photon de
fabrique le premier laser à gaz à émission continue. fréquence ν. Si la plupart des atomes émettent de cette façon, le
rayonnement résultant est incohérent car il n’y a pas de relation entre

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______________________________________________________________________________________________________________________ SOURCES LASER

les instants d’émission d’un atome à un autre. La plupart des sources et, dans la mesure où elle est supérieure à I0 , il y a amplification
(à incandescence ou à fluorescence) émettent de cette façon. Le flux du faisceau à chaque aller-retour dans la cavité. Il se produit alors
émis par émission spontanée est indépendant de l’amplitude du des oscillations jusqu’à ce que la valeur du gain de l’ensemble
champ électromagnétique incident ; il est proportionnel au nombre retombe à 1 par un phénomène non linéaire.
d’atomes dans l’état excité et inversement proportionnel à leur durée La condition de seuil du laser peut s’écrire de la façon suivante :
de vie (c’est-à-dire au temps moyen pour qu’un atome passe dans
l’état excité avant de retourner au niveau le plus bas). α s > ( 1 ⁄ 2 ᐉ ) ln ( 1 ⁄ R )
■ Le second processus est celui de l’émission stimulée, dans lequel Les conditions sur la phase de la réaction sont remplies automa-
l’émission d’un photon par un atome est déclenchée par la présence tiquement si la séparation entre les miroirs est égale à n λ /2, où n
du rayonnement incident. Dans ce cas, l’instant où se produit l’émis- est un entier, et λ la longueur d’onde correspondant à la fréquence ν.
sion est dicté par le champ excitateur, auquel elle se superpose en À première vue, il peut sembler nécessaire que la distance entre
phase. Il s’agit donc d’un processus cohérent, qui constitue le cœur miroirs soit très précise mais, dans la plupart des cas, n est un
même du mécanisme laser. Le flux dû à l’émission stimulée est nombre très grand. Par conséquent, la séparation en longueur
proportionnel au nombre d’atomes qui se trouvent dans l’état d’onde ∆ λ , correspondant à la différence entre n et (n + 1)
excité, au débit de photons incidents et a la même probabilité demi-longueurs d’onde dans la cavité, est donnée par :
d’absorption que dans le cas de l’absorption.
On peut donc voir qu’un milieu, dont les atomes se trouvent en ∆ λ = λ2 /2L
plus grand nombre dans l’état fondamental que dans l’état excité, où L est la séparation entre les miroirs.
absorbera une fraction du faisceau incident, ce qui se produit
obligatoirement lorsque le milieu est en équilibre thermique avec On peut donc voir que la variation en longueur d’onde corres-
son environnement. Au contraire, il y aura production nette de pondant à deux entiers successifs est très petite et indépendante
rayonnement si les atomes sont plus nombreux dans l’état excité. de la valeur de n.
La recherche de matériaux laser doit donc se concentrer sur des En pratique, les milieux laser sont capables d’amplifier non
milieux qui ne soient pas en équilibre thermique avec leur environ- seulement l’onde dont la fréquence ν a été définie très précisément
nement et pour lesquels la durée de vie du niveau excité ne soit précédemment, mais aussi un ensemble d’ondes situées dans une
pas trop courte ; la durée de vie de la plupart des états laser va de bande spectrale située autour de cette valeur, par le fait que les
quelques microsecondes à des dizaines de millisecondes. niveaux des atomes ont des largeurs énergétiques non nulles. Ainsi,
dans la mesure où la largeur de bande est supérieure à la valeur
∆ λ, il y aura toujours une fréquence à l’intérieur de cette bande
1.3 Conditions d’oscillation d’amplification pour laquelle la condition de phase est satisfaite.
Exemple
La présence d’un milieu amplificateur seul ne suffit pas pour faire Considérons un milieu laser dont la bande d’amplification, de largeur
un laser. De même que pour un oscillateur électrique, il faut la pré- 1 nm, soit centrée à 1 µm et qui soit placé dans une cavité de 25 cm de
sence d’une boucle de contre-réaction pour que le gain global soit long. Il ressort que ∆ λ = 2 × 10–3 nm et dans la bande d’amplification,
supérieur aux pertes nettes du système. La façon la plus simple de il y aura 500 valeurs discrètes de fréquences pour lesquelles l’oscilla-
réaliser cette boucle est de placer le milieu amplificateur dans une tion est possible.
cavité constituée de deux miroirs plans, parallèles entre eux. On peut
constater simplement que les ondes, qui se propagent perpendicu- Ces valeurs discrètes représentent ce que l’on appelle les modes
lairement aux miroirs, restent à l’intérieur du milieu amplificateur longitudinaux du résonateur. Très souvent, un laser peut fonctionner
beaucoup plus longtemps que les ondes qui se propagent dans les sur plusieurs modes longitudinaux à la fois puisque les conditions
autres directions, et donc qu’elles vont croître en intensité beaucoup de gain peuvent être satisfaites sur un domaine important de la
plus rapidement que ces dernières. Le retour fourni par ces miroirs bande d’amplification. Les largeurs spectrales des différents types
est donc très directif, ce qui explique la très forte collimation d’un de matériaux varient considérablement de l’un à l’autre, puisqu’elles
faisceau laser émis de cette manière. Si les miroirs de la cavité étaient peuvent aller de quelques mégahertz dans certains gaz à des milliers
sphériques, il serait possible en principe de créer des ondes laser de gigahertz dans certains solides. Si la bande est très étroite, il faut
sphériques, mais cela ne présente qu’un intérêt académique, s’assurer qu’il existe bien un mode longitudinal dans la zone de fré-
puisqu’en pratique ce qui est demandé en priorité à un laser est une quences adéquate en ajustant la distance entre les miroirs, mais le
bonne collimation du faisceau émis. problème le plus souvent rencontré est d’obtenir un spectre étroit
à l’émission en limitant le nombre de modes longitudinaux que peut
Pour obtenir des oscillations, il faut que la boucle de contre-
émettre le laser, grâce à des éléments sélectifs en fréquence, tels
réaction réinjecte un signal de phase et d’amplitude correctes. La
que prismes ou étalons placés à l’intérieur de la cavité. Pour la plupart
condition sur l’amplitude est remplie si le gain du système sur un
des applications en avionique, le fait que le laser oscille sur un certain
aller-retour est supérieur à 1. Considérons une onde d’intensité I0
nombre de modes longitudinaux n’a que peu de conséquences sur
incidente sur le milieu amplificateur dont le gain par unité de lon-
les performances du système optronique parce que la largeur totale
gueur est α et l’épaisseur ᐉ ; α est lié directement à la différence
du spectre émis est faible vis-à-vis de la bande passante des autres
de population N2 – N1 et à la probabilité de transition entre les deux
composants optiques du système, tels que filtres, détecteurs, etc.
états. Après traversée du milieu, l’intensité devient :
Les cas où un émetteur monomode est réellement nécessaire sont
I = I 0 exp ( αᐉ ) très rares, mais peuvent se présenter, par exemple dans les systèmes
à détection hétérodyne.
Une méthode simple, pour coupler vers l’extérieur de la cavité
une fraction de l’énergie située à l’intérieur, est de placer un miroir
partiellement transparent à l’une des extrémités de cette cavité. Si 1.4 Modes transverses
ce miroir de sortie a un facteur de réflexion R et des pertes
négligeables, la fraction (1 – R ) de l’énergie sort de la cavité.
La représentation simple qui a été donnée précédemment d’un
L’intensité du faisceau lorsqu’il revient au point de départ est
résonateur, en terme d’une onde plane qui rebondit entre deux
alors :
miroirs plans est correcte de façon générale, mais elle n’est pas
I = R I 0 exp ( 2 αᐉ ) totalement exacte. Un résonateur optique peut, en effet, entretenir
plusieurs configurations de champ électromagnétique, ou modes.

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SOURCES LASER _______________________________________________________________________________________________________________________

On a déjà présenté les modes dits longitudinaux ; à chaque mode 1.5.1 Modulation par contrôle
longitudinal, peuvent être associées des variations dans la struc- de la puissance d’excitation
ture du champ dans un plan perpendiculaire à la direction générale
de propagation.
Dans certains types de lasers, pour lesquels la durée de vie de
Pour constituer un mode du résonateur, la distribution de champ l’état excité est assez brève (inférieure à une microseconde) l’inver-
le long d’un miroir doit se reproduire en amplitude et en phase après sion de population est directement proportionnelle à la puissance
réflexion sur l’autre miroir, et ces distributions peuvent se calculer d’excitation de sorte que la variation de la puissance laser en sortie
par la théorie scalaire de la diffraction. Les modes d’un résonateur est une recopie de celle à l’entrée. Par exemple, les variations de
à miroirs plans ont été calculés par itération sur ordinateur, mais puissance en sortie d’une diode laser à semiconducteur (§ 2) suivent
les modes d’un résonateur à miroirs sphériques peuvent, dans cer- de très près celles du courant injecté dans la jonction et, par
tains cas, se calculer de façon analytique. Par analogie avec un réso- conséquent, on peut obtenir un fonctionnement impulsionnel sur un
nateur à micro-ondes, ces modes sont appelés TEMmn (Transverse domaine très large de cadences de répétition, les limitations pro-
Électromagnétique), où m et n sont deux entiers correspondant aux venant essentiellement de la capacité thermique du dispositif. De
nombres d’annulations du champ le long de deux directions ortho- même, certains types de laser à colorants organiques excités opti-
gonales dans les plans des miroirs. La figure 1 montre quelques-uns quement peuvent produire des impulsions de l’ordre de la micro-
des modes d’ordres les plus faibles calculés à partir d’une solution seconde avec des puissances crête de l’ordre du mégawatt si on les
analytique pour un résonateur à miroirs sphériques. Plus les valeurs excite par un flash.
de m et n sont élevées, plus la distribution du champ est étalée dans
Par ailleurs, les durées de vie à l’état excité de nombreux matériaux
le plan des miroirs et plus la divergence du faisceau émis par dif-
lasers solides et de quelques lasers à gaz sont comprises entre la
fraction est importante. La distribution du faisceau de sortie consiste
dizaine de microsecondes et quelques millisecondes. L’énergie peut
généralement en la superposition d’un nombre de modes trans-
alors être stockée par le milieu sous forme d’une forte inversion de
verses différents, à moins que des moyens de discrimination de
population et, à la limite, quand l’énergie à l’entrée est fournie sur
modes ne soient mis en œuvre dans la cavité.
une durée brève par rapport à cette durée de vie, l’inversion est direc-
La divergence minimale est obtenue pour le mode TEM00 , dont tement proportionnelle à l’énergie d’excitation. Cette énergie ainsi
le profil est gaussien, et qui peut être sélectionné, généralement, emmagasinée peut alors être convertie en impulsions par l’une des
en plaçant un diaphragme de dimension appropriée à l’intérieur de techniques décrites ci-dessous.
la cavité. Cependant, la dimension de ce mode est généralement
Une fois le seuil franchi dans un simple oscillateur de base,
beaucoup plus petite que le diamètre du milieu amplificateur, ce
consistant en un milieu amplificateur et une paire de miroirs, le
qui en réduit le rendement. Typiquement, la fraction de puissance
gain sur un aller-retour se sature et tout accroissement ultérieur de
disponible dans le mode TEM00 est comprise entre 20 et 60 %.
la puissance de pompe est directement converti par le processus
d’émission stimulée en un accroissement de la puissance de sortie.
Cependant, pour de nombreux lasers, en particulier les lasers
1.5 Méthodes de modulation solides, la puissance de sortie n’est pas proportionnelle à la puis-
sance d’entrée lorsqu’on s’intéresse à une échelle de temps de
en puissance d’un laser l’ordre de la microseconde. On trouve que la puissance de sortie
consiste en une superposition de nombreuses impulsions, dont la
durée typique est de l’ordre de la microseconde, ou moins, et aussi
Dans de nombreuses applications, on désire faire varier la puis- de trains d’impulsions amorties espacées dans le temps de façon
sance de sortie du laser en fonction du temps, généralement pour bien définie. Ces impulsions se produisent par couplage étroit
obtenir des impulsions. Pour cela, il existe différentes méthodes, entre le champ rayonné à l’intérieur de la cavité et l’inversion de
en fonction de la fréquence de répétition et de la durée d’impulsion population, et peuvent être déclenchées facilement par de faibles
recherchées, dont les plus courantes sont rappelées ci-dessous. perturbations sur la puissance de pompe, sur les pertes de la cavité
ou sur la fréquence de la cavité dues à de petites vibrations des
miroirs. En pratique, il est souvent essentiel d’éliminer ces fluctua-
tions et de produire des impulsions contrôlées. Cela peut s’obtenir
en insérant dans la cavité un commutateur optique (figure 2). Les
caractéristiques de ces commutateurs dépendent des applications.

Figure 1 – Modes d’un laser

Figure 2 – Commutation intracavité

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1.5.2 Fonctionnement impulsionnel système est, en général, très faible et, par conséquent, il faut que
de type Q-switch les pertes d’insertion du commutateur dans son état passant soient
très faibles. Pour cela, on choisit très souvent des commutateurs de
type acousto-optique. En effet, la diffraction dans un réseau de phase
La forme la plus courante d’émission laser impulsionnelle
(tel que celui qui est produit par une onde acoustique dans un maté-
s’obtient par la méthode du déclenchement dit Q-switch. Ce qui est
riau acousto-optique) réduit la transmission du composant, mais ce
exigé du commutateur, dans ce cas, est de pouvoir passer d’un état
dernier retrouve une excellente transmission en absence d’excitation
parfaitement opaque à un état parfaitement transparent en quelques
acoustique, la perte d’insertion du matériau acoustique pouvant être
nanosecondes. Au départ, le commutateur est dans un état opaque,
très faible.
de sorte qu’il n’y a aucune contre-réaction positive de la part de la
cavité. Par excitation du milieu amplificateur, on y instaure une inver- Les commutateurs passifs exploitent le fait que les absorptions
sion de population, qui, en l’absence du commutateur, se stabiliserait très élevées de certains colorants organiques peuvent se saturer
à un niveau tel que le gain sur un aller-retour soit égal à un. Par sous de forts niveaux d’éclairement. Si un tel absorbeur se trouve
contre, avec le commutateur à l’état opaque situé dans la cavité, le dans une cavité, la contre-réaction est annulée à cause de
gain sur un aller-retour est nul et l’inversion de population augmente l’absorption du colorant, mais, au fur et à mesure que l’inversion
jusqu’à ce qu’elle se trouve limitée par un autre facteur. Cela se pro- de population augmente, il arrive un moment où le gain sur un
duit quand l’augmentation de l’inversion de population se trouve aller-retour dans la cavité atteint la valeur de 1 ; le flux de photons
compensée exactement par sa décroissance due à l’émission spon- intracavité commence alors à croître et sous certaines conditions
tanée ou à la fluorescence. Lorsque l’excitation provient d’impul- devient suffisant pour rendre transparent le colorant et déclencher
sions de durée inférieure ou comparable à la durée de vie de une impulsion. L’instant exact du déclenchement ne peut malheu-
fluorescence du matériau, le maximum dans l’inversion de reusement pas se prévoir de façon très précise, ce qui rend impos-
population se produit en fin d’impulsion excitatrice, et le gain cor- sible sa synchronisation avec des paramètres extérieurs. Ce procédé
respondant à cet état peut être de beaucoup supérieur au seuil de est tout de même assez répandu à cause de sa simplicité et de son
gain défini en l’absence de commutateur. Si le commutateur s’ouvre prix.
à cet instant, le flux de photons dans le résonateur croît, depuis les
quelques photons de bruit dus à la fluorescence jusqu’à une valeur
beaucoup plus élevée que si le gain s’était saturé. Le flux de photons 1.5.3 Autres méthodes
continue alors à croître jusqu’à ce que l’inversion de population
s’annule et que l’énergie emmagasinée soit émise. Dans la mesure 1.5.3.1 Cavity dumping
où le commutateur s’ouvre assez rapidement, l’énergie est émise
sous la forme d’une impulsion unique. Pour les lasers solides à exci- Dans les cas où il est nécessaire de contrôler de façon précise un
tation impulsionnelle, l’impulsion déclenchée peut contenir des éne- train d’impulsions laser, le déclenchement répété d’un laser pompé
rgies qui vont typiquement du millijoule à plusieurs joules, avec des en continu, comme par exemple un laser Nd-YAG, peut conduire à
durées comprises entre quelque 5 et 100 ns. l’émission maîtrisée dans le temps d’impulsions, et cela à des
cadences allant de quelques centaines de hertz jusqu’à une trentaine
Des efforts considérables ont été faits pour développer des de kilohertz. À plus hautes cadences, le phénomène devient instable,
commutateurs optiques destinés aux lasers déclenchés. La solution et il existe une meilleure solution, basée sur la technique de cavity
la plus simple consiste à faire tourner à haute vitesse l’un des miroirs dumping . Dans cette méthode, le commutateur doit passer très rapi-
du résonateur. La cavité ne présente aucune contre-réaction tant que dement d’un état très transparent à un état qui permette de coupler
les miroirs ne sont pas alignés, mais si le maximum dans l’inversion la majeure partie du flux de photons à l’extérieur de la cavité. Le
de population se produit lorsque les miroirs sont parallèles, une laser doit être constitué d’une cavité comportant deux miroirs extrê-
impulsion se déclenche. Cependant, bien qu’elle paraisse simple, au mement réfléchissants. Au départ, le commutateur est placé dans
moins en principe, cette technique n’est pas facile à mettre en œuvre son état passant, de telle sorte qu’aucun flux ne sort de la cavité.
et elle présente l’inconvénient grave de ne pouvoir créer une impul- Au fur et à mesure du pompage, continu, la densité d’énergie à l’inté-
sion qu’au passage des miroirs à l’alignement, ce qui rend très dif- rieur de la cavité croît jusqu’à ce qu’elle atteigne une valeur d’équi-
ficile la synchronisation de cette émission avec des phénomènes libre pour laquelle l’énergie fournie à l’état supérieur est compensée
extérieurs au laser. Dans de nombreux cas, on lui préfère le déclen- par les pertes de la cavité. À cet instant, le commutateur doit se trans-
chement par commutation électro-optique ; cette technique met à former en déflecteur et l’énergie ainsi emmagasinée dans la cavité
profit le changement de polarisation d’un faisceau lumineux induit en est éjectée pendant une durée qui correspond au temps
dans des cristaux tels que LiNbO3 ou KD*P (phosphure dideutéré d’aller-retour intracavité, c’est-à-dire 2 L /c. Le commutateur repasse
de potassium) auxquels on applique un champ électrique. Le alors dans son état transparent et le processus peut se répéter à nou-
commutateur complet se compose du cristal électro-optique et d’un veau. Par cette technique, il est assez facile d’obtenir du laser des
polariseur. La lumière polarisée linéairement par le polariseur est puissances crêtes de l’ordre de 100 fois supérieures à la valeur de
convertie en lumière polarisée circulairement par application d’une la puissance moyenne du même laser. La méthode de cavity dum-
tension quart d’onde sur le cristal. Après réflexion sur l’un des miroirs ping peut s’appliquer à tout laser capable de fonctionner en continu,
de la cavité, la lumière polarisée circulairement est convertie à nou- et s’utilise aussi bien avec les lasers solides qu’avec les lasers à gaz ;
veau en lumière rectiligne, mais avec un plan de polarisation perpen- par exemple avec un laser Nd-YAG, on peut obtenir des cadences
diculairement au plan de polarisation initial, de sorte que le d’impulsions supérieures à 25 kHz, allant jusqu’à plusieurs méga-
commutateur se trouve dans son état bloquant pour ce faisceau. On hertz.
peut faire revenir le commutateur à l’état passant simplement en
annulant sa tension de commande. On obtient ainsi des temps de
1.5.3.2 Mode locking
commutation inférieurs à la nanoseconde.
De nombreux autres types de commutateurs ont été mis en œuvre, Si l’on recherche des cadences d’impulsions encore bien plus éle-
fondés notamment sur l’utilisation de miroirs vibrants, sur l’effet vées, c’est-à-dire jusqu’à plusieurs centaines de mégahertz (par
Faraday, sur des étalons contrôlés piézoélectriquement, etc. Parmi exemple dans les communications optiques), le commutateur idéal
ceux-ci, les deux types les plus importants sont les commutateurs doit produire une modulation périodique des pertes ou de la fré-
acousto-optiques et ceux à colorant ou absorbeur saturable. Un laser quence de résonance de la cavité, à une cadence qui corresponde
pompé en continu peut être commuté de façon répétitive et produire au temps d’aller-retour de la lumière dans la cavité. Si le commu-
ainsi un train d’impulsions régulièrement espacées dans le temps tateur est situé près de l’un des miroirs de la cavité, et si l’on module
si la durée de vie de fluorescence du milieu est supérieure à l’inter- sa transmission de façon périodique, la zone du faisceau qui traverse
valle de temps entre impulsions successives. Le gain d’un tel le commutateur, au moment où ce dernier se trouve dans l’état
ouvert (maximum de transmission), sera moins atténuée que celles

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SOURCES LASER _______________________________________________________________________________________________________________________

qui le traversent à d’autres instants. La distribution spatiale des GaInAs/GaAlAs, InP, GaInAsP), du moyen infrarouge (GaSb, InAs,
photons à l’intérieur de la cavité présentera donc un maximum qui InAsSb...) ou de l’infrarouge (PbSe, PbS, HgCdTe...). Pour cette
correspond au paquet de photons qui rebondissent d’un miroir à dernière fenêtre, on peut également penser que les transitions intra-
l’autre et traversent le modulateur au bon moment. Une autre façon bandes dans les structures à puits quantiques dans les composés
de traiter ce problème est de considérer le commutateur comme un III-V et le génie quantique développé avec ces matériaux puissent
modulateur qui introduit une cohérence de phase entre les modes autoriser l’observation d’une émission laser.
axiaux du résonateur de sorte qu’ils correspondent au spectre de Le diagramme du paramètre cristallin et de la largeur de bande
Fourier de l’impulsion. En pratique, la technique de mode locking interdite caractérisant les principaux composés semiconducteurs
peut s’obtenir soit de façon active, par exemple au moyen de modu- III-V (association d’éléments des colonnes III et V de la table de
lateurs électro-optiques ou acousto-optiques, soit de façon passive, classification de Mendeleïev) est représenté sur la figure 3.
grâce à des absorbeurs saturables. Des durées d’impulsions de
quelques picosecondes peuvent s’obtenir par cette technique. Ces matériaux doivent donc offrir une aptitude à l’élaboration
par épitaxie sur des substrats disponibles sous forme massive et
permettre la formation entre eux de bonnes hétérojonctions, ce qui
est réalisé si ces matériaux déposés sur le substrat ont le même
2. Diodes laser (ou presque) paramètre de maille cristalline.

Les diodes laser sont des composants émetteurs de lumière 2.1.2 Structures à puits quantiques
compacts qui présentent un rendement de conversion
optique/électrique élevé. Ces diodes laser étendent aujourd’hui leurs Les structures à puits quantiques forment une nouvelle classe de
domaines d’application et la fenêtre spectrale couverte avec composants optoélectroniques. La fabrication de telles structures est
l’accroissement de la diversité de structures, de composés semi- rendue possible avec le développement des techniques modernes
conducteurs employés et la maîtrise technologique des procédés de d’épitaxie [épitaxie en phase vapeur à partir de composé organo-
dépôt de couches. métallique : MOCVD (metal organic chemical vapour deposition ),
Les domaines d’applications des diodes laser sont importants et EJM (épitaxie par jets moléculaires)] qui permettent d’ajuster le
couvrent un large domaine spectral qui ne cesse de s’étendre. De dépôt et l’épaisseur de couches monocristallines de matériaux semi-
telles sources optiques, par leur caractère miniature, accordable, ou conducteurs à une distance interatomique près.
monofréquence associé à un rendement électro-optique important, Ainsi, lorsqu’une mince couche épitaxée de matériau semi-
expliquent leur insertion dans les systèmes optiques. Ces percées conducteur à petite bande interdite (typiquement 10 nm) est prise
et les efforts technologiques sont cependant liés au développement en sandwich entre deux couches de matériau à bande interdite
de systèmes couvrant les domaines à grande diffusion (par exemple plus grande, les électrons et les trous du matériau à petite bande
les diodes émettant dans le visible). interdite se trouvent être confinés dans des puits de potentiel à une
Ce paragraphe fait le point sur ces composants en explorant dimension selon la direction z (figure 4a ). De tels effets peuvent
succinctement le fonctionnement de ces diodes et les propriétés des être obtenus, entre autres, dans la famille de matériaux GaAlAs
matériaux employés. Enfin, les principales caractéristiques d’émis- épitaxiés sur des substrats en GaAs.
sion sont évoquées. Le traitement en mécanique quantique du mouvement d’un
électron dans un puits créé dans la bande de conduction E c (ou
d’un trou dans un puits créé dans la bande de valence E v) montre
que cette particule prend des états permis d’énergie discrets. Ces
2.1 Matériaux et structures niveaux sont représentés par les états E e1 , E e 2 , etc., pour les
électrons et par E hh1 , E hh 2 , etc., pour les trous (figure 4b ). Une
Avec l’avènement des techniques modernes de dépôt des maté- modification de l’épaisseur du matériau à petite bande interdite
riaux semiconducteurs qui autorise la maîtrise de la croissance au s’accompagne d’une variation des états d’énergie pris par les
niveau de la monocouche atomique sur de grandes surfaces, des porteurs. On réalise ainsi des matériaux artificiels puisque l’on est
structures complexes de matériaux artificiels peuvent être fabri- à même de contrôler ou de positionner l’énergie de bande interdite
quées. Ces méthodes de croissance et les technologies développées du matériau épitaxié. Rappelons que cette énergie est égale à
bouleversent actuellement le domaine des composants électro- l’énergie de bande interdite du matériau à petit gap (matériau de
niques. Parallèlement, les propriétés optiques de ces matériaux puits) à laquelle viennent s’ajouter les énergies prises par les
ouvrent de nouvelles perspectives d’emploi. De ce point de vue, la électrons et les trous dans leurs bandes respectives. C’est cette
réalisation de multihétérostructures (puits quantiques) contribue propriété qui est mise à profit pour ajuster la longueur d’onde
largement à l’amélioration des caractéristiques des composants d’émission en fabrication de diodes laser.
optoélectroniques.

2.1.3 Géométries
2.1.1 Composés semiconducteurs
Comme toute structure laser, une diode laser est constituée d’un
Les matériaux semiconducteurs sont caractérisés par leur énergie milieu générateur et amplificateur de lumière (zone à gain) et d’une
de bande interdite. Celle-ci est liée à la structure de bande du (ou cavité optique résonnante. Le milieu amplificateur est constitué
des) composé(s) semiconducteur(s). Le domaine de transparence de d’une jonction PN qui était initialement composée d’une homojonc-
ces matériaux est atteint lorsque l’énergie d’un photon est inférieure tion et qui est actuellement représentée par une (ou plusieurs)
à celle de la bande interdite (gap ). Rappelons que la relation entre hétérojonctions de composés semiconducteurs à bande interdite
la longueur d’onde λ (µm) d’un photon et son énergie E (eV) est directe. Dans ces hétérostructures, on injecte en direct un courant ;
donnée par l’expression : une recombinaison radiative des paires électron-trou s’y développe
1,24 et se manifeste par la création de photons dans le matériau actif qui
λ = -------------- sont à l’origine de l’émission laser. Une double hétérojonction est
E
composée de deux jonctions séparées par une couche active de
En fonction des composés semiconducteurs, l’énergie de bande faible épaisseur (de type puits quantique par exemple). Les recom-
interdite (donc l’émission laser) peut couvrir le domaine du visible binaisons radiatives ont lieu dans cette couche qui est donc
(ZnS, ZnSe, GaN, GaP...), du proche infrarouge (GaAlAs /GaAs, elle-même insérée entre deux couches de confinement qui font office

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Figure 3 – Diagramme du paramètre cristallin et de la largeur


de bande interdite des composés semiconducteurs III-V

de guide optique. La structure élémentaire est représentée sur la


figure 5. Ces couches actives ont une composition qui présente une
énergie de bande interdite supérieure à celle caractérisant le maté-
riau constituant la couche active. À titre d’exemple, pour les maté-
riaux Ga1 – x Alx As, il suffit de modifier la composition en aluminium
pour modifier cette énergie de bande interdite. La relation
communément considérée établissant la variation de cette bande
interdite en fonction de la concentration molaire (teneur en alumi-
nium de l’alliage) est donnée par :
E g (x ) = 1,424 + 1,247x
Ainsi l’insertion du milieu actif du type GaAs, entre deux couches Figure 4 – Structure à puits quantiques
de GaAlAs qui présentent une énergie de bande interdite plus
grande, permet de réaliser un guide optique puisque l’indice de
réfraction de ces couches est inférieur à celui du composé binaire
GaAs. Cette propriété a permis de réaliser un grand nombre de struc-
tures ayant pour objectif d’optimiser le confinement du mode
optique.
L’emploi de structures à puits quantique dans les diodes laser
permet de réaliser ou d’obtenir des propriétés spécifiques à
l’émission :
— accord possible de la longueur d’onde d’émission en adap-
tant à la croissance les paramètres géométriques de la structure et
les compositions de matériaux ;
— réduction du courant de seuil et de son accroissement avec la
température.
Ce sont pour l’essentiel ces propriétés qui ont permis de réaliser Figure 5 – Représentation élémentaire d’une double hétérojonction
des diodes laser à faible consommation, à haut rendement
électro-optique travaillant à température ambiante en régime L’indice de réfraction de ces matériaux étant généralement élevé
continu et émettant un rayonnement monomode transverse. Pour (n ≈ 3,5), les faces de clivage naturel des extrémités de la diode suf-
cela, on utilise une géométrie de type ruban qui caractérise la fisent à réaliser une cavité optique (figure 6). Le coefficient de
région active où sont simultanément confinés le rayonnement réflexion naturel est simplement lié à la différence d’indice de
émis et les paires électron-trou. Ce ruban de section rectangulaire réfraction entre l’indice effectif du mode (qui vaut sensiblement celui
w × d (w largeur du ruban dont la dimension est déterminée pour du matériau de confinement) et l’air ; ce qui correspond à :
assurer un confinement latéral du mode optique, d épaisseur de la
région active définie par la double hétérojonction) a typiquement n–1 2
pour dimension : w ≈ 4 à 10 µm, d ≈ 0,2 à 0,5 µm. Ce ruban peut
R ≈ 冢 -------------- 冣 = 0,33
n+1
être obtenu en jouant sur la structure transversale du guide (gui-
dage par l’indice) ou en contrôlant la distribution de l’injection du Cette réflectivité est suffisante pour réaliser la fonction de réac-
courant (guidage par le gain). tion optique caractérisant le fonctionnement d’une cavité laser.

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Lasers à semi-conducteurs

par Jean-Claude BOULEY


Professeur Associé à GET/Télécom Paris

1. Domaines d’applications ....................................................................... E 2 660 - 2


1.1 Communications par fibres optiques......................................................... — 2
1.2 Lecture et stockage de l’information.......................................................... — 2
1.3 Pompage optique ........................................................................................ — 3
1.4 Divers............................................................................................................ — 3
2. Principes physiques................................................................................. — 3
2.1 Matériaux ..................................................................................................... — 3
2.1.1 Longueur d’onde ................................................................................ — 3
2.1.2 Gain optique........................................................................................ — 3
2.2 Dispositifs d’injection et de confinement .................................................. — 4
2.3 Structures laser............................................................................................ — 4
2.3.1 Lasers à cavité Fabry-Pérot (F-P) ....................................................... — 4
2.3.2 Lasers à résonateur distribué ............................................................ — 4
2.3.3 Lasers à émission par la surface ....................................................... — 5
2.4 Propriétés statiques..................................................................................... — 5
2.4.1 Caractéristique puissance-courant (P (I )) ......................................... — 5
2.4.2 Caractéristiques spectrales ................................................................ — 6
2.5 Propriétés dynamiques ............................................................................... — 7
2.5.1 Modulation par impulsion de courant .............................................. — 7
2.5.2 Bande passante de modulation......................................................... — 7
2.5.3 Élargissement spectral (« chirp ») ..................................................... — 7
3. Structures par applications .................................................................. — 8
3.1 Lasers Télécoms ........................................................................................... — 8
3.1.1 Spécifications...................................................................................... — 8
3.1.2 Caractéristiques .................................................................................. — 8
3.1.3 Packaging ............................................................................................ — 9
3.1.4 Source accordable en longueur d’onde............................................ — 10
3.2 Lasers pour réseaux de données (« Datacom »)....................................... — 11
3.2.1 VCSEL 0,85 µm.................................................................................... — 11
3.2.2 VCSEL 1,3 µm...................................................................................... — 11
3.3 Diode laser de pompe ................................................................................. — 12
3.3.1 Diode de pompe à ruban unitaire ..................................................... — 12
3.3.2 Barrettes à ruban multiples................................................................ — 12
3.4 Diode laser CD/DVD..................................................................................... — 13
3.4.1 Spécifications...................................................................................... — 13
3.4.2 Description des structures ................................................................. — 13
4. Axes de recherche et évolution à long terme .................................. — 13
4.1 Nouvelles longueurs d’onde ...................................................................... — 14
4.2 Intégration monolithique ............................................................................ — 14
4.3 Nanostructures ............................................................................................ — 15
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. E 2 660

nventés dans les années 1960, les lasers à semi-conducteurs, ou, plus
I exactement, les diodes laser à semi-conducteurs, ont aujourd’hui atteint un
niveau de maturité technologique garantissant leur omniprésence dans de
p。イオエゥッョ@Z@。ッエ@RPPW

nombreux secteurs d’applications. Si les communications par fibre ont d’abord

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est strictement interdite. − © Editions T.I. E 2 660 − 1

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LASERS À SEMI-CONDUCTEURS __________________________________________________________________________________________________________

été le moteur principal de leur développement, d’autres applications comme la


lecture et le stockage de l’information sur disque optique (CD, DVD) ou le
pompage optique de laser de puissance ont pris le relais.
Cette maturité est le fruit de progrès spectaculaires réalisés tant sur la
conception et l’adaptation de structures à l’application visée que sur la maîtrise
de leur technologie de réalisation, sans oublier l’aspect « packaging » qui
constitue l’élément majeur de leur coût.
La maîtrise de l’élaboration des semi-conducteurs en couches minces permet
aujourd’hui de réaliser des diodes à jonction p-n couvrant des longueurs
d’ondes d’émission allant du bleu, pour les futurs lecteurs - enregistreurs DVD
à haute résolution (norme Blu ray-disc ou HD DVD), jusqu’au proche infrarouge
(1,5 µm) pour les communications optiques longues distances.
Un nombre important de structures (laser ruban à émission par la tranche,
laser VCSEL à émission par la surface) et de structures oscillantes, cavités
Fabry-Pérot ou à réseau (DFB), offre une grande variété de choix pour les
applications. Les courants de seuil, les puissances d’émission, les rendements
énergétiques, les diagrammes de rayonnement, les puretés spectrales sont
autant de propriétés qui pourront être optimisées en configurant au mieux les
paramètres géométriques et les compositions des matériaux de la structure.
Le conditionnement du laser dans un boîtier contenant les interfaces élec-
triques et optique avec l’environnement extérieur est aussi vital pour faciliter
sa mise en œuvre dans son environnement système. Celui-ci passe aujourd’hui
par le développement de modules miniatures intégrant plusieurs fonctions
électroniques de modulation et de contrôle de l’émission. Les actions de nor-
malisation menées actuellement sur ces modules contribuent à une réduction
significative de leur coût.
Enfin, ces lasers bénéficient encore des résultats de recherches et déve-
loppements importants éméliorant les performances, créant de nouvelles
fonctionnalités ou ouvrant encore de nouvelles applications.
Ce dossier présente l’état de l’art de ces sources lasers. Certains aspects
théoriques sont rappelés, d’autres renverront le lecteur à des ouvrages ou des
dossiers antérieurs publiés par les Techniques de l’Ingénieur.

1. Domaines d’applications À l’opposé, pour les communications à très courtes distances,


comme celles déployées dans les réseaux informatiques des
entreprises, ou des systèmes embarqués (avionique, véhicules
terrestres), des liaisons de quelques centaines de mètres à quelques
kilomètres utilisent des fibres optiques multimodes à base de silice,
1.1 Communications par fibres optiques voire en plastique, dans le proche infrarouge ou le visible. La
structure de la diode a alors des dimensions beaucoup plus relâ-
Grâce à leur compacité, à leur faible consommation électrique et chées que précédemment et supporte un fonctionnement multi-
à la possibilité de modulation de la lumière par le courant, les mode. Comme on le verra au paragraphe 3.2, les lasers à cavité
lasers à semi-conducteurs se sont très rapidement imposés dans verticale (VCSEL) sont particulièrement bien adaptés pour ce type
les communications à base de fibre optique. Il n’existe pas qu’un de liaison.
seul type de laser, mais plutôt un grand nombre de structures dont Les communications optiques font donc appel à plusieurs types
les propriétés ont été adaptées pour satisfaire au mieux les spéci- de diodes émettant dans différentes plages spectrales. À chacune
fications requises par chaque application. de ces diodes correspond un domaine d’utilisation bien précis se
Ainsi, pour tout le secteur des télécommunications tradition- caractérisant par le type de fibre et la portée accessible de la trans-
nelles à 1,3 et 1,5 µm, les structures et les propriétés des diodes mission. Ces considérations, développées dans le paragraphe 3,
ont été optimisées pour transmettre les données numériques sur nous permettront de choisir la diode la mieux adaptée à chaque
fibre monomode dans les meilleures conditions. À l’instar des application.
fibres, des structures ont été inventées pour guider la lumière dans
la diode et faciliter le couplage optique avec la fibre. Par ailleurs,
suivant les cavités optiques utilisées, cavité Fabry-Pérot, ou cavité 1.2 Lecture et stockage de l’information
à réseau de type DFB (Distributed Feed-Back ), le laser oscillera sur
plusieurs raies (longueurs d’onde), ou sur une seule, ce dernier cas La disponibilité des lasers à semi-conducteurs au début des
permettant de s’affranchir des limitations de bande passante par la années 1980 dans le proche IR (780 nm) a été un élément
dispersion chromatique de la fibre à 1,55 µm dans les liaisons de déterminant dans le développement des premiers systèmes de
grande portée. stockage d’informations numériques sur disque optique (Compact

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E 2 660 − 2 est strictement interdite. − © Editions T.I.

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Disc : CD). Grâce à leurs propriétés de cohérence et aussi à leur


compacité, on a su développer des têtes de lecture ultracompactes 2. Principes physiques
basées sur la mesure de la lumière réfléchie par les alvéoles
gravées sur le disque. Dans les années 1960, dès lors qu’il avait été démontré que
Les progrès technologiques effectués sur la puissance des certains semi-conducteurs, comme l’arséniure de gallium (GaAs),
diodes ont ensuite contribué au développement de systèmes pouvaient émettre spontanément des photons par recombinaison
d’enregistrement de données sur couches photosensibles (CD-R), de paires électrons-trous dans une jonction p-n, plusieurs expéri-
et ultérieurement, à celui de systèmes réinscriptibles un grand mentateurs ont observé de l’amplification de lumière par émission
nombre de fois (CD-RW). stimulée dans des jonctions traversées par un fort courant. Le seuil
d’émission stimulée est apparu pour une quantité de paires
Les progrès effectués sur les matériaux ont permis par la suite électrons-trous satisfaisant une condition analogue à celle de
de développer des émetteurs à 650 nm au milieu des années 1990, l’inversion de population des systèmes atomiques. Ensuite, à
puis à 405 nm au début des années 2000. À ces longueurs d’onde l’instar des lasers à gaz, en insérant ce milieu amplificateur dans
correspondent respectivement, le standard du DVD (Digital une cavité optique de type Fabry-Pérot, on a multiplié les ampli-
versatile Disk ) et celui du Blu-ray ou HD DVD dont les premiers fications de lumière et créé ainsi, dès 1962 le premier oscillateur,
produits ont été mis sur le marché fin 2006. La diminution de lon- ou laser à semi-conducteur émettant à 0,9 µm.
gueur d’onde de ces diodes associée à une amélioration de
l’ouverture numérique de l’optique de focalisation a conduit à une Les structures et les propriétés des diodes ont considérablement
augmentation spectaculaire de la densité d’information par disque évolué depuis. Ces progrès ont été obtenus grâce à la découverte
optique (4,7 Go à 650 nm et 23 Go à 405 nm). de nouveaux semi-conducteurs, à une parfaite maîtrise de leur
élaboration et la mise au point de nouvelles cavités optiques.
Les lasers pour les standards CD et DVD sont fabriqués en très
grande quantité. Leurs volumes de production sont près de 200
fois plus importants que ceux des lasers dédiés aux applications
Télécoms. 2.1 Matériaux

2.1.1 Longueur d’onde


1.3 Pompage optique
Rappelons que, dans un semi-conducteur, les énergies permises
Comme on le verra au paragraphe 3.3, les structures des diodes pour les électrons et les trous forment des bandes d’énergie
lasers peuvent aussi être conçues pour émettre le plus grand séparées par une bande interdite (« gap ») de valeur Eg . L’énergie
nombre de photons avec le meilleur rendement énergétique pos- du photon associé à la recombinaison électron-trou est alors égale
sible. En ajustant précisément leur longueur d’onde, ces diodes peu- à celle du « gap » auquel il faut ajouter les énergies des états
vent alors servir de source de pompage pour les lasers solides à excités de l’électron et du trou dans chacune de ces bandes. Les
terre rare, tels que les lasers YAG ou Al2O3 dopée par du néodyme. énergies de ces états étant faibles vis-à-vis de Eg , la longueur
Ces diodes offrent alors la possibilité de réalisation de lasers Nd d’onde de la recombinaison approximativement donnée par
très compacts utilisés essentiellement dans l’industrie manu- l’expression :
facturière pour l’usinage, la découpe ou le marquage de pièces 1,24
λ ( µm ) = ---------------------
- (1)
mécaniques. E g ( eV )
Ces diodes de pompe sont aussi utilisées dans les lasers solides
émettant aux longueurs d’onde non accessibles par les lasers On sait aujourd’hui réaliser des semi-conducteurs massifs dont
semi-conducteurs traditionnels. Ces lasers solides (DPSS pour la largeur de la bande interdite peut être contrôlée par la
Diode Pumped Semiconductor Laser en anglais) reposent sur le composition chimique du matériau. Ainsi l’élaboration d’alliage
doublement ou le triplement de la longueur d’onde de pompe avec ternaire Al x Ga 1–x As sur substrat GaAs permet de couvrir des
un cristal non linéaire placé à l’intérieur ou à l’extérieur de la cavité longueurs d’onde comprises entre 0,7 et 0,9 µm en changeant la
laser. Ils émettent à des fréquences vertes, à 530 nm, ou composition x de l’aluminium de 0,28 à 0. De même, des alliages
bleues-vertes à 473 nm. Les sources vertes sont utilisées dans les quaternaires Gax ln1–x Asy P1–y élaborés à l’accord de maille sur un
pointeurs lasers, celles à 473 nm visent les marchés couverts par substrat de phosphure d’indium (lnP) émettront entre 1,2 et
les lasers argon traditionnels. 1,65 µm, domaine de longueur d’onde privilégié des
communications optiques.
Enfin, des diodes de pompes à 980 nm sont aussi développées
pour les amplificateurs optiques, à base de fibres dopées erbium, La maîtrise des épitaxies a aussi permis ces dernières années de
utilisés en communication par fibres optiques. fabriquer des structures dites quantiques constituées d’empilements
de couches de composition différentes et de quelques nanomètres
d’épaisseur. Ces structures artificielles impactent le mouvement des
électrons dans la direction perpendiculaire aux couches en les
1.4 Divers confinant dans des puits de potentiel. Les énergies permises pour
les électrons et les trous prennent alors des valeurs discrètes dont
En plus des secteurs d’application ci-dessus, les lasers à les valeurs sont directement reliées à l’épaisseur du puits.
semi-conducteurs sont également utilisés dans les domaines très
divers tels que :
— le biomédical pour certaines actions thérapeutiques et en 2.1.2 Gain optique
particulier pour les soins esthétiques (épilation) ;
Le phénomène d’émission stimulée dans un semi-conducteur
— la reproduction graphique sur imprimante laser ; apparaît quand les populations des électrons et des trous injectés
— la lecture de codes barres optiques ; deviennent suffisamment importantes. Leurs valeurs peuvent être
— les pointeurs lasers ; déduites de la condition de Bernard et Durrafourg qui stipule que
— les interfaces informatiques (souris). la différence de leur niveau de Fermi respectif doit être au moins
égale à l’énergie de la transition optique. Cette condition d’exci-
tation, équivalente à celle d’inversion de population des lasers à
Quelques informations sur le marché mondial des lasers à gaz, précise l’état dans lequel le semi-conducteur amplifie la
semi-conducteurs sont données dans le dossier [Doc. E 2660]. lumière générée par la recombinaison des paires électrons-trous.

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LASERS À SEMI-CONDUCTEURS __________________________________________________________________________________________________________

L’onde lumineuse voit alors son amplitude augmenter proportion-


nellement à exp (gz ) (avec g le coefficient de gain et z la distance
parcourue). Lumière
Miroir clivé
+
Une approximation simpliste de ce gain est donnée par
l’expression : Métal
g = aΓ (N – Nt ) (2)
GaInAsP
avec N densité d’électrons injectés par unité de volume, p
P-
In
Nt densité à la transparence optique, c’est-à-dire lorsque la Miroir clivé
condition d’inversion de population est satisfaite, P -n
In
Γ nombre sans dimension, donnant la proportion de
lumière se propageant dans la région active,
Métal
a coefficient de proportionnalité, appelé gain différentiel,
qui mesure la vitesse d’augmentation du gain avec N . Sa Lumière
valeur dépend de la nature du milieu actif et du nombre
de porteurs injectés.
En réalité, dans les semi-conducteurs, contrairement aux Figure 1 – Structure d’un laser 1,3 ␮ m à cavité Fabry-Pérot
systèmes atomiques, dès que l’inversion de population est effective,
du gain est obtenu sur une bande énergétique dont la largeur
dépend de l’extension spatiale des électrons dans le matériau. Cette On déduit la densité d’électrons injectés à l’aide de l’expression
bande énergétique est appelée bande de gain. Sa répartition à suivante :
l’allure d’une courbe en cloche (voir figure 4) dont la valeur I
maximale peut être décrite par la relation (2) et dont la largeur N = ---------- τ (3)
qV
augmente avec la densité de porteurs injectés.
avec V volume de la cavité (ruban ou cylindre),
q charge de l’électron,
2.2 Dispositifs d’injection τ durée des porteurs en régime de recombinaison.
et de confinement
L’application d’une tension positive à une jonction p-n permet de
créer une forte densité de paires électrons-trous et donc une zone
2.3 Structures laser
de recombinaison dans le plan de la jonction. Ce principe utilisé
dans le premier laser GaAs a montré qu’il fallait au moins injecter La cavité optique assurant l’oscillation laser peut avoir dif-
un courant de plusieurs ampères pour atteindre la condition férentes configurations. Comme on le verra au paragraphe 3,
d’inversion de population. La cause essentielle de ce courant élevé chacune d’entre elles présente des spécificités qui sont mises à
est inhérente aux dimensions de la région de recombinaison dont profit dans les diverses applications.
l’épaisseur est égale à la somme des longueurs de diffusion des
électrons (Le ) et des trous (Lh ) ayant diffusé de part et d’autre du 2.3.1 Lasers à cavité Fabry-Pérot (F-P)
plan de jonction.
Une étape très importante a été franchie dans les années 1970 Une cavité Fabry-Pérot peut aisément être fabriquée dans la
lorsqu’on a trouvé le moyen de diminuer ce volume de recombi- diode en utilisant les facettes de clivage naturel des couches
naison en insérant une fine couche de plus petite bande interdite semi-conductrices déposées sur leur substrat. Tous les ingrédients
entre les régions n et p de la jonction. Les barrières de potentiel du laser, milieu actif, dispositif d’injection et cavité peuvent donc
créées à l’interface de cette couche avec les régions n et p de bande être fabriqués en un seul bloc monolithique. La figure 1 montre
interdite plus élevée permettent de confiner les paires-électrons sur l’exemple d’une telle structure F-P à 1,3 µm. Le laser se présente
l’épaisseur de la couche e. À surface égale, on augmente donc la sous la forme d’un parallélépipède dans lequel on a élaboré un
densité d’excitation dans le rapport (Le + Lh )/e . Cette structure guide bidimensionnel dans le matériau actif (GalnAsP), assurant à
appelée double hétérojonction, forme également un guide optique la fois le confinement des électrons et des photons, chaque
pour les photons, ce qui contribue à une meilleure interaction avec extrémité se terminant par les facettes clivées. La taille du ruban
les électrons et, par conséquent, à un taux d’émission stimulée plus fait typiquement 1,5 µm de large, 0,15 µm d’épaisseur et 300 µm de
élevé. Pour un courant identique, le gain optique peut être 30 à long. Le courant injecté, via les contacts métalliques déposés sur
50 fois plus important dans une diode à double hétérojonction que chaque face de la diode, est canalisé jusqu’au ruban grâce à la pré-
dans une simple diode à homojonction de même surface. sence de régions latérales électriquement isolantes. Cet isolement
est généralement efficace jusqu’à un courant équivalent à 10 fois
Une diminution du volume de cavité par réduction de la surface celui du courant d’apparition de l’oscillation laser.
de la diode est aussi un moyen approprié pour diminuer le courant
produisant l’inversion. À l’instar du dispositif de confinement réalisé
dans la direction verticale, on fabrique dans la direction perpendi- 2.3.2 Lasers à résonateur distribué
culaire un guide de section rectangulaire qui confine simultanément
le rayonnement émis et les porteurs injectés. La géométrie de la Un autre type de cavité optique peut être réalisé en fabriquant,
diode a alors celle d’un guide optique bidimensionnel en forme de au voisinage du ruban actif, un réseau d’indice de réfraction paral-
ruban de section rectangulaire ou d’un tube de section cylindrique lèlement au plan de jonction. Pour une valeur précise du pas, une
suivant l’orientation de l’émission par rapport au plan des couches. petite quantité de la lumière générée est diffractée dans la direction
Comme dans tout guide optique, les dimensions géométriques et opposée à son sens de propagation (diffraction de Bragg) (figure 2).
les variations latérales d’indice de réfraction imposent le mode de L’addition de toutes les rétrodiffractions produites à chaque pas du
répartition de l’intensité lumineuse à l’intérieur de la cavité. On parle réseau peut constituer la contre-réaction optique nécessaire à
alors de laser monomode transverse lorsqu’une seule répartition l’oscillation laser. On parle alors de laser dont la réaction optique
peut s’établir dans la cavité, ou de laser multimode transverse, est distribuée tout le long de la cavité. Ces cavités communément
quand plusieurs distributions modales peuvent subsister. appelées par leur acronyme DFB, pour « Distributed Feed-Back »,

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Lasers à gaz

par René JOECKLÉ


Ancien chef de la division Lasers, optronique, sensorique
de l’Institut de recherches franco-allemand de Saint-Louis (ISL)

1. Généralités................................................................................................. AF 3 271 - 2
1.1 Diversité des lasers à gaz............................................................................ — 2
1.2 Différences par rapport aux lasers à solide............................................... — 2
2. Modes d’excitation des lasers à gaz................................................... — 2
2.1 Niveaux d’énergie dans les molécules ...................................................... — 2
2.2 Décharge électrique..................................................................................... — 3
2.3 Excitation chimique ..................................................................................... — 3
2.4 Excitation thermique ................................................................................... — 3
3. Lasers à gaz atomiques .......................................................................... — 3
3.1 Laser hélium-néon....................................................................................... — 3
3.2 Laser à argon ............................................................................................... — 4
3.3 Laser à vapeur de cuivre ............................................................................. — 4
3.4 Laser à iode .................................................................................................. — 4
3.5 Autres lasers à gaz rare ionisé.................................................................... — 5
4. Lasers moléculaires................................................................................. — 5
4.1 Laser à CO2................................................................................................... — 5
4.2 Laser à CO .................................................................................................... — 5
4.3 Lasers chimiques (HF ou DF) ...................................................................... — 6
4.4 Lasers à excimères ...................................................................................... — 6
5. Lasers à gaz industriels.......................................................................... — 6
5.1 Paramètres importants................................................................................ — 6
5.2 Développements.......................................................................................... — 6

es lasers à gaz ont été découverts presque simultanément aux lasers à


L solide : dans l’infrarouge, le laser à CO2 a été découvert par Patel. Dans le
visible, le laser à hélium-néon (He-Ne) connut aussitôt un grand développement.
Ces lasers nécessitent un équipement technique relativement simple : l’excita-
tion est obtenue par une décharge électrique haute tension dans un gaz basse
pression (généralement un tube scellé dans le cas du laser He-Ne). Le rayonne-
ment laser est généralement continu, ce qui était, au début, la caractéristique
unique des lasers à gaz.
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPPP

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LASERS À GAZ _________________________________________________________________________________________________________________________

1. Généralités 2. Modes d’excitation


des lasers à gaz
1.1 Diversité des lasers à gaz
2.1 Niveaux d’énergie dans les molécules
Les lasers à gaz présentent une grande variété de caractéristiques
(figure 1) :
Les niveaux d’énergie atomiques ont été décrits dans l’article
— la longueur d’onde va de l’ultraviolet (lasers à excimères) à [AF 3 270] Physique du laser ; certains lasers à gaz fonctionnant sur
l’infrarouge moyen (lasers à CO2 , longueur d’onde émise de les niveaux de vibration-rotation des molécules, une description
10,6 µm) en passant par le visible ; sommaire de ces niveaux et de leur population est nécessaire pour
— aspects temporels : à l’encontre des lasers à solide, pratique- la compréhension des inversions de population dans les lasers
ment tous pulsés, les lasers à gaz peuvent être, soit uniquement pul- moléculaires.
sés (excimères, vapeur de cuivre), soit uniquement continus
(hélium-néon, argon ionisé), soit (dans le cas des lasers émettant Les molécules gazeuses ont un (molécules diatomiques) ou
dans l’infrarouge) continus ou pulsés. Les pulsés peuvent être, soit plusieurs modes de vibration v ; dans chaque mode existe des
mono impulsion, soit pulsés répétitifs ; niveaux de vibration ; enfin, chaque niveau de rotation se subdivise
— la puissance moyenne de ces lasers couvre un très large en niveaux de rotation. Les transitions entre niveaux s’effectuent en
domaine : de quelques milliwatts pour les lasers hélium-néon de respectant des règles de sélection quantique :
réglage à quelques dizaines de kilowatts pour les lasers à CO2 ∆v = ± 1 et ∆J = 0, ± 1
industriels ; pour des finalités militaires, des lasers continus allant
jusqu’à plusieurs mégawatts ont été développés. L’énergie de translation (énergie thermique) est quasiment
Enfin, les modes d’excitation sont divers ; le principal est la continue.
décharge électrique ; certains lasers peuvent être excités thermique- L’énergie de vibration est égale (en première approximation) au
ment ou chimiquement, la réaction chimique pouvant être initiée produit ωv, où ω est la constante de vibration.
par l’énergie lumineuse.
L’énergie de rotation est égale au produit BJ (J + 1) ; dans lequel
B est la constante de rotation.
La multiplicité des niveaux est de (2J + 1).
1.2 Différences par rapport aux lasers Avec k la constante de Boltzmann et T la température, on peut
à solide écrire la loi de Boltzmann décrivant la répartition de population Nv,J
des molécules dans les niveaux de vibration-rotation v, J comparée
à celle du niveau fondamental N0,0 (v = J = 0) :
Le grand intérêt du gaz en comparaison avec le solide résulte de N v, J = N 0, 0 ( 2 J + 1 ) exp ( – BJ ( J + 1 ) ⁄ kT ) exp ( – ωv ⁄ kT ) (1)
la mobilité du gaz, permettant de déplacer le milieu gazeux dans le
résonateur à des vitesses pouvant être supersoniques. La puissance Au cas où un ensemble de molécules subit une variation
du laser étant proportionnelle au débit d’espèces excitées, on peut d’énergie importante, sa température va changer et les populations
donc obtenir des puissances relativement élevées. Les dimensions de niveaux de vibration rotation vont être modifiées par des
des cristaux supports des lasers à solide sont limitées par le mode échanges énergétiques au cours des collisions entre molécules (AB)
de croissance de ceux-ci, ainsi que par la nécessité d’évacuer la ou entre des molécules (AB) et des tiers-corps (M) : il s’agit de réac-
chaleur ; ceci constitue une limite à la puissance des lasers à solide, tions de relaxation de deux types :
qui n’existe pas pour les lasers à gaz. Enfin, la composition du
mélange gazeux, ainsi que la pression, peuvent être facilement ajus- AB ( v, J ) + M! AB ( v ± 1, J ± 1 ) + M + ∆ E (2)
tées afin d’optimiser les conditions de fonctionnement. Le laser à
gaz est donc plus souple et peut être plus facilement extrapolé que réaction V-T (relaxation vibration-translation)
le laser à solide. La densité d’espèces excitées par unité de volume
est beaucoup plus élevée dans les milieux solides en inversion de AB ( v, J ) + ( AB ( v ′, J ′ ) ! AB ( v ± 1, J ± 1 ) ) AB ( v ′ ± 1, J ′ ± 1 ) + ∆ E (3)
population que dans les milieux gazeux ; les lasers à gaz sont de ce
fait plus encombrants que les lasers à solide. réaction V-V (relaxation vibration-vibration)

Iode CO
Argon ionisé Vapeur de cuivre
1315 5à
488 à 514 nm 510 à 578 nm
HF DF 5,5 µm
Excimères 2,7 µm 3,6 µm
Hélium-néon à 3 µm à 4 µm CO2
192 nm ArF 249 nm KrF
632 nm 10,6 µm
308 nm XeCl 354 nm XeF

Ultraviolet 0,4 Visible 0,8 Infrarouge 10


Longueur d’onde (µm)
Figure 1 – Dispositions des lasers à gaz
sur le spectre électromagnétique

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Lasers à solides

par Antoine HIRTH


Docteur en Sciences Physiques
Responsable du groupe Optronique et Physique du laser
à l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis

1. Lasers à solides cristallins .................................................................... AF 3 272 – 2


1.1 Matériaux ..................................................................................................... — 2
1.2 Sources de pompage .................................................................................. — 2
1.3 Réalisations expérimentales....................................................................... — 4
1.4 Contrôle des caractéristiques d’émission.................................................. — 5
1.5 Lasers à solides accordables ...................................................................... — 6
1.6 Extension du domaine spectral d’émission .............................................. — 7
2. Lasers à semi-conducteur...................................................................... — 9
2.1 Physique ....................................................................................................... — 9
2.2 Caractéristiques spécifiques d’émission ................................................... — 9
3. Conclusion ................................................................................................. — 10
Références bibliographiques ......................................................................... — 10

armi les sources lasers, ce sont celles basées sur les matériaux solides qui
P connaissent aujourd’hui les développements les plus spectaculaires. Les
progrès réalisés sont dus principalement à trois facteurs :
— le développement de nouveaux matériaux issus de la cristallogénèse de
nouvelles matrices cristallines avec différents dopants ;
— le pompage par diodes lasers qui permet par rapport au pompage en
lumière incohérente par lampes d’obtenir des rendements élevés (jusqu’à 20 %),
une durée de vie accrue et un encombrement réduit ;
— la mise en œuvre des propriétés non linéaires de certains cristaux qui per-
mettent de modifier les longueurs d’onde fondamentales émises de façon à cou-
vrir tout le spectre depuis l’UV jusqu’à l’IR moyen (200 nm à 12 µm).
Les différentes techniques de mise en forme temporelle des émissions lasers
(modulation, déclenchement et couplage de modes) appliquées aux sources
solides permettent d’obtenir tous les modes de fonctionnement souhaités : fonc-
tionnement en régime continu ou pulsé répétitif à haute cadence avec des
durées d’impulsion de l’ordre de la femtoseconde (10 –15 s).
Le lecteur se reportera utilement aux articles de ce traité :
— Physique du laser [AF 3 270] ;
— Lasers à gaz [AF 3 271].
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPPQ

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LASERS À SOLIDES ____________________________________________________________________________________________________________________

1. Lasers à solides cristallins Ce cristal possède également une raie à 946 nm plus difficile à
obtenir, pas uniquement parce que la section efficace est plus faible,
mais surtout parce que le niveau inférieur de la transition se trouve
très proche du niveau fondamental et peut déjà être peuplé suffi-
1.1 Matériaux samment à la température ambiante. De ce fait, si la température
n’est pas suffisamment basse, le Nd : YAG pour la transition à
1.1.1 Systèmes à trois niveaux 946 nm se comporte comme un système à trois niveaux.
Il existe de nombreuses autres matrices (cristaux ou verres) qui
La transition laser a lieu entre les niveaux d’énergie E1 et le niveau dopés au néodyme donnent lieu à des émissions laser basées sur
fondamental E0. La durée de vie du niveau supérieur E2 dans lequel des systèmes à quatre niveaux : YLF (YLiF4), YVO4, GGG
on apporte l’énergie de pompage est très courte de sorte que la (Gd3Ga5O12), GSGG (Gd3Sc2Al3O12)… comme cristaux et des verres
densité de population N2 soit ≈ 0. au phosphate.
On peut donc écrire que les ions dopants du matériau sont répar- Par ailleurs dans le même matériau YAG, d’autres dopants
tis entre E0 et E1. L’inversion de population est atteinte lorsque : comme le thulium, l’erbium, l’holmium permettent d’obtenir des
N longueurs d’onde intéressantes :
N 1 = N 0 = ------T-
2 Tm : Ho : YAG à 2,08 µm
avec NT densité totale d’ions dopants. Er : YAG à 2,94 µm
La densité de puissance de la source de pompage doit donc être En dehors des propriétés optiques du matériau, ce sont les
au moins de : propriétés thermomécaniques qui jouent un rôle important en parti-
NT culier la conductibilité thermique. Contrairement aux lasers à gaz ou
P s = E 2 --------- à liquides, l’échange de chaleur est principalement conditionné par
2 τ1 la nature du matériau lui-même. De ce point de vue, les verres
pour atteindre le seuil d’inversion, τ1 étant la durée de vie du niveau E1. dopés qui ont une conductibilité près de dix fois inférieure à celle du
YAG ne sont pas bien appropriés aux lasers destinés à fonctionner
Exemple : pour le rubis E1 = 2,86.10 –19 J (E2 ≈ 2 E1) en cadence avec des puissances moyennes élevées.
NT = 1,58.1019 cm –3 (0,05 % Cr3+ en poids)
τ1 = 3.10 –3 s 1.1.3 Matériaux à émission accordable
Ps = 1,5 kW/cm3
Généralement dans un laser à solide, l’énergie des photons libé-
Le rubis est l’exemple type de matériau laser solide à trois rés lors d’une transition radiative est assez bien définie et la raie
niveaux. Dans la matrice Al203, un faible pourcentage d’ions Al3+ est d’émission laser assez étroite. Dans certains milieux cristallins,
remplacé par des ions Cr3+. l’émission stimulée de photons est intimement couplée aux quanta
Ce cristal uniaxe, à maille cristalline rhomboédrique est produit de vibrations de la maille cristalline. Dans ces lasers vibroniques,
de façon synthétique par la technique Czochralski [1]. l’énergie totale correspondant à la transition laser est répartie entre
les photons et les phonons, de façon continue.
Le matériau possède deux bandes d’absorption pour le pompage,
Nota : les phonons sont des quasi particules qui représentent le champ de vibrations
l’une dans le bleu centrée à 404 nm et l’autre dans le vert à 554 nm. de la matière avec une branche acoustique et une branche optique.
Lorsque le matériau est totalement inversé on peut extraire jusqu’à
1,6 J/cm3 d’énergie laser. Ces milieux laser offrent la possibilité d’accorder la longueur
d’onde sur une plage assez importante.
La section efficace d’émission stimulée à 694,3 nm est égale à
2,5.10 –20 cm2 et la largeur de raie naturelle d’émission est de 0,53 nm. Dès 1963 aux Bell Laboratories, certains matériaux comme MnF2,
MgO, MgF2, ZnF2 et KMgF3 dopés avec du cobalt ou du nickel ont
Le rubis est un matériau laser très résistant qui malgré son rende- permis d’obtenir des rayonnements laser de longueurs d’ondes
ment relativement faible ( < 0,8 %) permet d’obtenir en mode entre 1,12 et 2,17 µm. Le pompage de ces matériaux à température
déclenché des énergies de plus de 10 J par impulsion et jusqu’à cryogénique était assuré par des lampes flash.
100 J en régime relaxé.
Ces travaux n’ont pas été poursuivis lorsque les colorants organi-
ques ont permis d’obtenir des émissions laser accordables dans
1.1.2 Systèmes à quatre niveaux tout le spectre visible.
Le niveau inférieur de la transition laser E1 n’est pas l’état fonda- Ce n’est qu’au milieu des années 1970 que ces développements
mental et possède une durée de vie τ1 très faible, de sorte que ce de laser à solides accordables ont pu reprendre, avec en particulier
niveau soit toujours dépeuplé. Ainsi, l’inversion de population est la découverte d’un matériau à quatre niveaux dont l’émission est
plus facile à obtenir que dans le cas du système à trois niveaux. accordable entre 0,7 et 0,8 µm : BeAl2O4 dopé chrome (alexandrite).
L’efficacité du système à quatre niveaux est donnée par la largeur Aujourd’hui, on connaît plusieurs cristaux qui permettent d’obte-
spectrale du niveau supérieur E3 par lequel le pompage optique se nir une émission accordable, en particulier dans le rouge et le
fait (en particulier, pour le pompage incohérent par lampe) et les proche infrarouge (tableau 1).
processus de désexcitation non radiatifs en compétition avec la
transition radiation entre les niveaux E2 et E1 [AF 3 270, figure 4c].
La densité de puissance d’excitation pour obtenir le seuil d’inver-
sion est beaucoup plus faible que dans le cas du rubis et beaucoup
1.2 Sources de pompage
de lasers à quatre niveaux fonctionnent en régime continu en parti-
culier avec un pompage par diodes. 1.2.1 Pompage par lampes
Un des matériaux laser à quatre niveaux les plus répandus et
parmi les plus efficaces est le Nd : YAG. Dans ce cristal d’Y3Al5O12, La lumière émise par des lampes pulsées (flash) ou continues
environ 1 % (en masse) d’ions yttrium sont remplacés par des ions (lampes à arc) a été la première source de pompage des lasers à
néodyme. La transition la plus efficace entre les niveaux 4F3/2 et solides (rubis, Nd : YAG…). (0)
4I11/2 donne une émission à 1064 nm avec une section efficace Il est important que le spectre d’émission de ces sources de
d’émission stimulée de 2,8.10 –19 cm2. pompage coïncide le plus possible avec le spectre d’absorption de
Nota : YAG : Yttrium Aluminium Garnet. l’ion actif dopant le cristal. La nature du gaz et le choix de la densité

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Sources lasers à l’état solide.


Fondements
par Georges BOULON
Professeur
Institut Lumière Matière, Unité Mixte de Recherche CNRS 5306
Université Claude Bernard Lyon1, Lyon, France
Note de l’éditeur
Cet article est la réédition actualisée de l’article AF3275 intitulé « Sources lasers à l’état
solide. Fondements » paru en 2006, rédigé par Georges Boulon.

1. Contexte ...................................................................................................... AF 3 275v2 - 2


1.1 Pompage optique des cristaux et des verres dopés
par des ions actifs ....................................................................................... — 2
1.2 Quelques grands projets de laser à l’état solide ...................................... — 4
2. Principaux éléments d’une source laser ................................................... — 4
3. Transitions d’absorption et d’émission des centres actifs ..................... — 5
4. Population d’un niveau d’énergie ............................................................. — 6
4.1 Principe de Boltzmann................................................................................ — 6
4.2 Problème de l’inversion de population ..................................................... — 6
4.3 Schéma de centres respectivement à 3 et 4 niveaux............................... — 6
4.4 Pompage optique des matériaux inorganiques dopés par des ions
luminescents ............................................................................................... — 8
5. Coefficients d’Einstein d’absorption, d’émission spontanée
et d’émission stimulée (ou induite) .......................................................... — 9
5.1 Mécanisme d’absorption............................................................................ — 9
5.2 Mécanisme d’émission spontanée et durée de vie
d’un niveau excité ....................................................................................... — 9
5.3 Mécanisme d’émission stimulée (ou induite)........................................... — 10
5.4 Coefficients d’absorption et d’amplification............................................. — 11
5.5 Sections efficaces d’absorption et d’émission stimulée.......................... — 12
6. Cavité résonnante et intensité émise par le faisceau laser .................... — 13
6.1 Optique des faisceaux gaussiens .............................................................. — 13
6.2 Caractéristiques spectrales du faisceau laser........................................... — 13
6.3 Modes du laser............................................................................................ — 14
6.4 Cohérence des faisceaux............................................................................ — 15
6.4.1 Trains d’onde...................................................................................... — 15
6.4.2 Mesure de la longueur de cohérence d’une source........................ — 16
6.5 Quelques clarifications : valeurs de largeurs de raies expérimentales
de l’émission de fluorescence.................................................................... — 17
7. Conclusion ................................................................................................... — 18
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. AF 3 275v2

et article sur les fondements des sources lasers à l’état solide est associé
C avec trois autres articles sur la luminescence cristalline appliquée aux
sources lasers [AF3276], les cristaux et l’optique non linéaires [AF3278] et la
génération d’impulsions lasers courtes (ns) à ultracourtes jusqu’à la femtose-
conde (fs) [AF3282].
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SOURCES LASERS À L’ÉTAT SOLIDE. FONDEMENTS _______________________________________________________________________________________

Il a pour objectif de présenter le thème des sources laser à l’état solide et de


décrire les principaux paramètres physiques, essentiellement optiques, néces-
saires à une bonne compréhension de leur fonctionnement.
Nous définissons le vocabulaire sur les notions de base comme le pompage
optique des cristaux et des verres dopés par des ions actifs, les principaux élé-
ments d’une source laser, les transitions d’absorption et d’émission des
centres actifs, la population des niveaux d’énergie et particulièrement des sys-
tèmes à 3 et 4 niveaux appliqués aux lasers, les coefficients d’Einstein
d’absorption, d’émission spontanée et d’émission stimulée (ou induite), les
sections efficaces d’absorption et d’émission, la durée de vie d’un niveau
d’énergie. Enfin, pour la cavité résonnante nous définissons l’intensité émise
par le faisceau laser, l’optique des faisceaux gaussiens, les caractéristiques
spectrales, les modes et la cohérence.

P. Aigrain en 1961. Ces diodes lasers sont à la base du renouveau


1. Contexte des sources lasers « tout solide » constituées par des pompes de
diodes laser, des cristaux dopés terres rares, des cristaux non
linéaires pour doubler la fréquence et aussi des absorbants satu-
Sources lasers les plus utilisées rables lors des opérations de déclenchement d’impulsions. Les
cristaux et les verres sont dopés par le néodyme Nd3+, l’erbium
■ Lasers à gaz Er3+, le thulium Tm3+, l’holmium Ho3+, ou, depuis quelques
Excimères : F2 157 nm, ArF 193 nm, KrCl 222 nm, KrF 249 nm, années, par l’ytterbium Yb3+. Leurs potentialités avaient été rapide-
XeCl 308 nm ment estimées mais il a fallu de longues années pour les commer-
Azote N2 : 337,1 nm cialiser. Depuis près de 40 ans, chaque décennie a apporté de
nouvelles sources d’abord à gaz, puis à colorant et à solide.
Argon : plusieurs raies UV et bleues, 448,0 nm et 514,5 nm
Krypton : 461,9 nm ; 530,8 nm ; 647,1 nm et 676,4 nm Compte tenu de l’évolution en faveur des solides, le cristal hôte
de référence est resté le grenat Y3Al5O12 (YAG) dopé par l’ion
Hélium-néon : 632,8 nm
terre rare néodyme Nd3+, découvert en 1964, et dont la croissance
CO2 : 10,6 µm (10 600 nm) a sans cesse été améliorée depuis, si bien qu’il est difficile de le
■ Lasers à liquide remplacer par d’autres cristaux montrant de meilleures perfor-
mances mais présentant des conditions de croissance plus diffi-
Les lasers à colorants recouvrent toute la plage comprise ciles et caractérisés par des valeurs des conductivités thermiques
entre 210 nm et environ 900 nm mais en jouant sur le dou- inférieures à celles de YAG : Nd3+.
blage de fréquences (rhodamine 6G entre 546 et 592 nm).
■ Lasers à solide
Un peu d’histoire
Rubis (Al2O3 : Cr3+) ; 694,3 nm
Saphir dopé Ti3+ (Al2O3 : Ti3+) ; plage de 670 à 1 070 nm Avec l’avènement de la première source laser, mise au point
Alexandrite (BeAl2O4 : Cr3+) ; plage de 700 à 830 nm par Theodore Maiman, en juin 1960, aux laboratoires de la
LiSrAlF6 (LiSAF) : Cr3+ ; plage de 780 à 920 nm compagnie Hughes à Malibu en Californie, composée princi-
Y3Al5O12 (YAG) : Nd3+ ; 1 064 nm ; doublé à 532 nm ; mélange palement d’un cristal de rubis émettant dans le rouge à
de 1 064 nm et de 532 nm à 355 nm ; quadruplé à 266 nm 694,3 nm, une nouvelle ère de l’optique est apparue. Le mot
LASER avait été créé précédemment par Gordon Gould à par-
LiYF4 : Nd3+ ; 1 047 nm tir des initiales de « Light Amplification by the Stimulated
Gd3Sc2Ga3O12 (GSGG) : Nd3+ ; 1 061 nm Emission of Radiation ». Essentiellement, c’est une amplifica-
Verres de phosphates : Nd3+ ; 1 054 nm tion de lumière, appartenant donc au domaine spectral de
Verres de silicates : Nd3+ ; 1 061 nm l’optique caractérisé par les longueurs d’onde allant du proche
ultraviolet (UV) en passant par le visible jusqu’au proche infra-
(Pour ces deux verres : plages de 1 030 – 1 100 nm,
rouge (IR), par un mécanisme d’émission stimulée, appelée
900 – 950 nm, 1 320 – 1 350 nm)
aussi émission induite. Cette émission stimulée avait été intro-
YAG : Yb3+ ; 1 030 nm duite en 1916 par Albert Einstein en la distinguant de l’émis-
Verres de silicates : Yb3+ ; plage 1 000 – 1 100 nm sion spontanée, dans laquelle nous sommes plongés, celle en
Forstérite Mg2SiO4 : Cr4+ ; plage de 1 167 à 1 345 nm fait de notre univers naturel et des sources d’éclairage habi-
Verres de silicates : Er3+ ; plage de 1 500 – 1 600 nm avec tuelles. Entre ces deux dates, un ingénieur russe Valentin
maximum 1 540 nm Fabrikant proposait dans sa thèse en 1939 de construire un
amplificateur optique et, en 1959, rendit public un brevet sur
YAG : Tm3+ ; plage de 1 870 à 2 160 nm les sources lasers qui datait de 1951. En 1953, Charles
Townes, à l’université Columbia, montra qu’il était possible
d’utiliser l’émission stimulée pour produire des oscillations
1.1 Pompage optique des cristaux et dans l’ammoniaque NH3 non pas dans le visible mais dans le
des verres dopés par des ions actifs domaine spectral des micro-ondes, donc aux très grandes lon-
gueurs d’onde. Il donna le nom de MASER à cet amplificateur,
Les cristaux et les verres ont d’abord été pompés par des M pour microwave dans « Microwave Amplification by the Sti-
lampes-flashs puis plus récemment par des diodes laser issues des mulated Emission of Radiation ». Puis Gordon Gould en 1957,
Charles Townes et Arthur Schallow en 1958 proposèrent de
recherches initiales sur les semi-conducteurs étudiés par Basov et

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________________________________________________________________________________________ SOURCES LASERS À L’ÉTAT SOLIDE. FONDEMENTS

Un peu d’histoire

fabriquer un « maser optique » qui fut logiquement nommé


LASER. En réalité, on s’attendait à l’époque à réussir rapide-
ment à produire ce « rayon laser » non pas avec le rubis, cris-
tal d’alumine Al2O3 dopé par des ions chrome Cr3+ en
substitution des ions Al3+, mais plutôt avec des gaz tels que le
mélange He-Ne qui donnèrent eux-aussi l’effet laser six mois
plus tard, dans le rouge à 632,8 nm. Dans les quatre années
qui suivirent, pratiquement tous les milieux amplificateurs
étaient découverts, Ar, Kr, CO2, par Patel en 1964, CO, N2, puis
les excimères par Basov en 1971 pour les gaz. Les colorants
ont été découverts par Sorokin en 1966 pompés d’abord par
un laser à azote puis beaucoup plus efficacement par un laser
solide YAG : Nd3+.

Figure 1 – Boule d’un monocristal de grenat YAG dopé par l’ion


Une boule cristalline de YAG : Nd3+ sortie du creuset d’un four Nd3+ dans laquelle sont extraits les barreaux et les plaquettes des
sources lasers
de croissance du type Czochralski (voir [AF3276]) a été reproduite
à la figure 1. Les barreaux ou les plaquettes sont ensuite taillés
dans cette boule comme le montre la figure 2. Ce cristal a aussi
été dopé par d’autres terres rares comme l’erbium Er3+, le thulium rés tous les 60 km le sont maintenant tous les 200 km. Ces der-
Tm3+, l’holmium Ho3+ et récemment l’ytterbium Yb3+ ou co-dopé nières années, ce sont divers cristaux dopés chrome qui ont été
par l’ion de transition chrome Cr3+ ou encore par Cr4+, l’état mis sur le marché. Parmi les cristaux dopés Cr4+, la forstérite Mg2-
d’oxydation tétravalent du chrome, pour son applicabilité aux SiO4 est utilisée depuis quelques années et parmi ceux dopés Cr3+
absorbants saturables. ce sont les fluorures LiCAF et LiSAF. Leurs larges bandes d’émis-
sion permettent la création d’impulsions inférieures à 100 fs
À la fin des années 1980 c’est le saphir dopé titane Ti3+ qui a (1 fs = 10–15 s). Une autre famille prometteuse émerge, celle des
apporté l’accord en fréquence dans le rouge et le proche infra- chalcogénures [E6415], comme les séléniures ZnSe dopés par
rouge, domaine où les colorants sont inefficaces. À la même l’ion chrome Cr2+ émettant dans le proche infrarouge entre
époque, nous avons vu émerger les fibres dopées Er3+ pour les 2 000 nm (2 µm) et 3 000 nm (3 µm).
amplificateurs optiques à 1 550 nm (1,55 µm) en coïncidence avec
la transmission des fibres optiques de silice remplaçant rapide- Actuellement, le marché des ventes de lasers différents de celui
ment les régénérateurs électroniques à base de semi-conducteurs des diodes lasers concerne pour environ 90 % l’usinage des maté-

La couleur pourpre est une caractéristique des cristaux dopés par l’ion Nd3+.

Figure 2 – Exemples de découpe de barreaux et de plaquettes pour cavités lasers à partir de la boule cristalline de YAG : Nd3+

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SOURCES LASERS À L’ÉTAT SOLIDE. FONDEMENTS _______________________________________________________________________________________

riaux ainsi que les applications médicales. Si le laser CO2 repré- surtout à impulsions émettant de l’ultraviolet à l’infrarouge. On a
sente 36 %, il est remarquable de constater que les lasers à solide tout d’abord fabriqué les lasers à impulsions dits relaxés (relaxed
pompés par diodes ou par lampes représentent près de 42 %. Les modes) à la milliseconde (ms), puis déclenchés (Q-switched laser)
lasers pompés par diodes représentent maintenant près de 20 % à la nanoseconde (1 ns = 10–9 s), plus récemment les lasers à
des lasers à solide. Ils sont compacts, les effets thermiques sont modes bloqués (Mode-locked laser) à la picoseconde (1 ps = 10–
12 s), les dernières réalisations commercialisées étant à l’échelle
réduits et les rendements électrique/optique sont meilleurs.
de la femtoseconde (1 fs = 10–15 s) basées sur des méthodes de
Aujourd’hui, les recherches sur de nouveaux milieux amplifica-
dérives de fréquences (voir [AF3282]).
teurs permettant de construire de nouvelles sources lasers sont
très actives, principalement d’ailleurs avec les solides, tant la
demande de longueurs d’onde variant progressivement de l’ultra-
violet à l’infrarouge est grande.
2. Principaux éléments
1.2 Quelques grands projets de laser d’une source laser
à l’état solide
L’amplification attendue avec les sources précédemment
Par ses principales propriétés, faisceau intense, de forte densité citées est possible en jouant sur les variations électroniques de
énergétique, apparaissant sous la forme d’un fil de lumière et population des niveaux d’énergie qui caractérisent les atomes
d’une grande finesse spectrale, il est possible d’utiliser les sources mis en jeu entre le niveau fondamental et les niveaux excités
lasers dans l’industrie, en médecine, pour l’instrumentation scien- après l’action du pompage optique, notion introduite en 1951
tifique et pour des applications de défense. Le public connaît, par par Alfred Kastler, alors professeur à la Faculté des sciences de
exemple, le traitement de matériaux en surface, le marquage, ou Paris.
le traitement en volume comme le soudage, le découpage, le per-
çage. Il connaît encore plus les traitements de décollements de la
rétine, de vaporisation de lésions, de cautérisation de vaisseaux Il convient de connaître a priori les diagrammes de niveaux
sanguins, de découpage des tissus biologiques sans endommager d’énergie des ions actifs que l’on rencontre dans les trois états de
les tissus voisins. Il connaît aussi les applications militaires la matière : He-Ne, Ar, Kr, CO2, CO, excimères dans les gaz, colo-
comme le guidage de missiles ou de satellites, l’éblouissement rant organique dans les liquides et ions de terres rares ou ions de
laser et, bien sûr, le projet initial IDS de l’administration Reagan transition luminescents dans les solides. Le point clé pour réussir
pour « Initiative de Défense Stratégique », réactivé par G.W. Bush l’opération est d’inverser les populations électroniques entre le
(NMD) consistant à créer un bouclier technologique de défense niveau d’énergie émetteur et le niveau final de la transition
destiné à détruire les missiles ennemis. Les utilisations les plus optique. Il s’agit en fait de diminuer l’importance de l’absorption
populaires sont probablement les lectures de codes-barres des des atomes par rapport à l’émission stimulée qu’ils sont suscep-
magasins, les autoroutes de la communication qui utilisent les tibles de produire. Comme dans toutes les sources, ce sont, en
diodes lasers pour transmettre les signaux téléphoniques, vidéos fait, des trains d’onde qui sont émis mais à la différence des
ou internet à longue distance ou encore mieux les lecteurs de sources de lumière d’éclairage délivrant des trains d’onde d’émis-
disques compacts très répandus dans le monde entier. Les lasers sion spontanée dans toutes les directions sans relation ni d’ampli-
de puissance, quant-à-eux, sont les sources d’énergie pour réali- tude, ni de phase entre eux, les lasers émettent des trains d’ondes
ser la fusion thermonucléaire contrôlée par confinement inertiel à d’émission stimulée dits cohérents dont les interférences sont
Livermore (Californie), à Limeil-Valenton au CEA et à Osaka au essentiellement constructives dans une seule direction. Il est facile
Japon. En France, on construit le fameux laser Mégajoule (LMJ) de comprendre que la réussite de cette opération d’amplification
au CEA près de Bordeaux et on développe depuis longtemps à dépend des paramètres spectroscopiques et thermiques qui carac-
Cadarache le procédé SILVA pour l’enrichissement isotopique de térisent le milieu actif mais dépend aussi beaucoup de la nature
l’uranium pour les centrales nucléaires. Les projets VIRGO (coopé- de la source excitatrice, ou plutôt de la source de pompage, et de
ration France-Italie) et LIGO (USA) de détection des ondes gravita- ses limites en puissance. Le pompage optique est fournisseur de
tionnelles, commencés il y a près de vingt ans, se poursuivent photons qui entrent en collision avec les électrons des couches
avec la réalisation par exemple des interféromètres de Michelson actives des colorants dans les liquides ou des ions luminescents
à Pise pour lesquels les conditions physiques extrêmes sont à la insérés dans les solides. Le pompage électrique, quant-à-lui, est
limite des frontières admissibles en optique. La détection des pol- mis en œuvre par établissement d’une différence de potentiel
luants dans l’atmosphère des villes ou l’évolution de la formation dans un gaz provoquant des collisions entre atomes et molécules
de l’ozone aux pôles utilisent des lasers appelés LIDAR (LIght ou entre électrons et des ions mais aussi dans les solides semi-
Detection And Ranging System) par analogie avec les RADAR conducteurs comme AsGa ou AlAsGa entraînant les recombinai-
(RAdiowave Detection And Ranging System). De même la com- sons d’électrons et de trous entre une bande de conduction et une
munauté internationale des astronomes attend beaucoup du bande de valence.
développement des sources lasers continues YAG : Nd3+ de puis-
Il est aussi assez intuitif d’imaginer que l’amplification obtenue
sance égale à 20 W, puis bientôt de 50 W, émettant à 589,159 nm,
dépend de la longueur du milieu actif et comme celle-ci est évi-
obtenues par l’addition des fréquences des deux raies lasers
demment limitée soit par le tube capillaire contenant un gaz, soit
1 064 nm et 1 319 nm de l’ion Nd3+, dans une cavité optique dou-
par la cuvette contenant un liquide colorant ou encore plus par la
blement résonnante contenant en outre un cristal non linéaire
longueur du barreau monocristallin ou vitreux d’un solide, il fallait
doubleur de fréquence de borate de LiB3O5 (LBO). Ces sources
trouver le procédé qui permette de mettre à profit pleinement ses
assurent le pompage optique du sodium par la raie D2a, créant
propriétés amplificatrices. Les allers et retours d’une onde intro-
des guides d’étoiles artificiels dans la couche mésosphérique du
duite dans une cavité résonnante optique du type Fabry-Pérot
sodium à 90 km, nécessaire à la mise en œuvre des nouveaux
peuvent aisément répondre à cette question. Pour commencer, on
télescopes terrestres équipés d’optique adaptative pour les
a donc disposé deux miroirs, l’un totalement réfléchissant, l’autre
mesures haute résolution de turbulences atmosphériques et de
semi-réfléchissant laissant échapper une partie de l’émission laser
corrections des distorsions d’ondes observées en astronomie. tout en injectant l’autre partie dans le milieu dont les atomes exci-
Enfin, l’essentiel du développement récent en physique ato- tés produisent à nouveau l’émission stimulée. Si bien que la lon-
mique, de l’optique en général et de l’optique non linéaire en par- gueur de la cavité amplificatrice peut être utilisée plusieurs fois
ticulier, est dû à la réalisation de sources lasers continues et uniquement grâce aux réflexions sur les deux miroirs. On met

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Luminescence cristalline appliquée


aux sources lasers
par Georges BOULON
Professeur
Institut Lumière Matière, Unité Mixte de Recherche CNRS 5306
Université Claude Bernard Lyon1, Lyon, France
Note de l’éditeur
Cet article est la réédition actualisée de l’article AF3276 intitulé « Luminescence cristalline
appliquée aux sources lasers » paru en 2006, rédigé par Georges Boulon.

1. Développement des lasers à l’état solide ......................................... AF 3 276v2 - 2


1.1 Facteurs favorables ..................................................................................... — 2
1.2 Succès des lasers à solide .......................................................................... — 2
1.3 Mise au point de sources accordables en fréquences.............................. — 2
1.4 Pompage de diodes lasers et attraction de sources à impulsions
ultracourtes .................................................................................................. — 3
1.5 Développement des cristaux à propriétés non linéaires.......................... — 3
2. Principales matrices cristallines pour l’accueil des ions actifs — 3
3. Dopage par les ions de transition ....................................................... — 4
3.1 Occupation des sites cristallographiques octaédriques et tétraédriques — 4
3.2 Ion Ti3+ en symétrie octaédrique base des sources lasers dite saphir
dopé titane ................................................................................................... — 4
3.3 Ion Cr3+ en symétrie octaédrique............................................................... — 6
3.4 Interprétation de l’interaction électron-phonon relative aux ions
de transition ................................................................................................. — 8
4. Dopages par les ions terres rares........................................................ — 11
4.1 Configurations électroniques ..................................................................... — 12
4.2 Niveaux d’énergie ....................................................................................... — 12
4.3 Règles de sélection...................................................................................... — 13
4.4 Exemple de spectroscopie de l’ion laser Er3+ (4f11) ................................. — 13
4.5 Cristal laser de grenat YAG : Nd3+ (Y3Al5O12 : Nd3+) ............................... — 15
4.6 Cristaux de vanadate YVO4 ou GdVO4 dopés Nd3+.................................. — 17
4.7 Borate de scandium et de lanthane La Sc3 (BO3)4 dopé Nd3+
(LSB : Nd3+) .................................................................................................. — 17
4.8 Cristaux dopés Yb3+ .................................................................................... — 19
4.9 Ions terres rares émettant dans le proche infrarouge vers 1,5 μm
et aux longueurs d’ondes plus élevées ..................................................... — 20
4.10 Laser accordable dans l’UV avec l’ion Ce3+ .............................................. — 22
5. Conclusion ................................................................................................. — 23
Pour en savoir plus.............................................................................................. Doc. AF 3 276v2

et article sur la luminescence cristalline appliquée aux sources lasers est


C l’un des quatre articles relatifs à la présentation générale des sources
lasers à l’état solide [AF 3 275], des cristaux et de l’optique non linéaires
[AF 3 278] et de la génération d’impulsions lasers courtes (ns) à ultracourtes
jusqu’à la femtoseconde (fs) [AF 3 282]. Le principal objectif est de décrire la
physique des matériaux luminescents inorganiques appliqués aux lasers émet-
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LUMINESCENCE CRISTALLINE APPLIQUÉE AUX SOURCES LASERS ___________________________________________________________________________

tant dans le domaine de l’optique (ultraviolet, visible et proche infrarouge), soit


des raies fines surtout avec les ions de terres rares pour les lasers à longueurs
d’ondes fixes, soit des bandes larges pour les lasers à longueurs d’ondes
accordables essentiellement avec les ions de transitions. De nombreux
exemples de caractérisations spectroscopiques des principaux cristaux
illustrent les domaines spectraux d’utilisation des lasers. Les lasers recherchés
aujourd’hui sont plutôt compacts, faciles à manipuler et à transporter, continus
ou à impulsions (ns-ps-fs), avec une utilisation accrue des pompages par des
diodes lasers de puissance dans le proche infrarouge, pouvant aussi être asso-
ciées avec des cristaux non linéaires appropriés, conduisant vers les « lasers
tout solide ».

1. Développement des lasers


à l’état solide
1.1 Facteurs favorables
Le principal objectif est de trouver de nouveaux matériaux lumines-
cents émettant dans le domaine de l’optique (ultraviolet, visible et
proche infrarouge) soit sous la forme de raies fines pour les lasers à
longueurs d’ondes fixes, soit sous la forme de bandes larges pour les
lasers à longueurs d’ondes accordables. Les principales sources déve-
loppées compactes sont soit continues, soit à impulsions atteignant
aujourd’hui l’échelle de quelques femtosecondes (10–15 s) avec une
utilisation accrue des pompages par des diodes lasers dans le proche
infrarouge et avec l’objectif d’utiliser demain des diodes émettant
dans le visible, le bleu puis l’ultraviolet.
C’est le dopage de matrices cristallines ou vitreuses par des
ions activateurs comme les ions de transition et les ions terres
rares qui leur confère les propriétés optiques d’absorption et
d’émission désirées. Les possibilités de substitution des sites
cationiques des réseaux de base sont multiples et dépendent
essentiellement des charges et dimensions des cations compa-
rées à celles des ions dopants. Il n’y a pas que les propriétés
optiques qui doivent être considérées ; les propriétés ther-
miques sont aussi des plus importantes pour libérer les flux de Un germe cristallin de même composition animé d’un mouvement
chaleur intenses produits lors du fonctionnement, ce qui laisse de rotation tire la boule cristalline vers le haut à partir du bain
jusqu’alors le champ libre principalement aux matériaux inorga- en fusion.
niques dopés par rapport aux matériaux organiques beaucoup
plus fragiles.
Figure 1 – Méthode de croissance Czochralski d’un monocristal
Ainsi la percée des lasers à solide a été rendue possible par la
conjugaison des développements des recherches dans les trois
domaines :
xénon. Par ailleurs, ils sont peu fragiles, stables ; leur durée de vie
– de la chimie du solide et de la cristallogénèse, principalement n’est théoriquement pas limitée dans les conditions de service
par la méthode Czochralski (figure 1) ; contrôlées.
– de la spectroscopie des matériaux inorganiques luminescents
dopés par des ions de terres rares ou des ions de transition ;
– des mesures du gain de l’émission stimulée. 1.3 Mise au point de sources accordables
en fréquences
1.2 Succès des lasers à solide Le renouveau s’est manifesté en premier lieu par la commercia-
lisation en 1988 des lasers accordables dans le proche infrarouge
Le succès des lasers à solide est dû à plusieurs raisons. D’abord du type saphir dopé titane Al2O3 : Ti3+ émettant entre 660 et
la concentration des ions actifs est plus forte qu’avec les milieux 1 180 nm, de MgF2 : Co2+ entre 1 500 et 2 500 nm, de cristaux
liquides ou gazeux si bien que le volume des monocristaux reste dopés Cr3+ en sites octaédriques à champ faible favorisant la
relativement faible sous des formes diverses : barreaux cylin- bande d’émission 4T2 → 4A2 comme l’alexandrite BeAl2O4 : Cr3+,
driques, plaquettes, couches minces, fibres. Ils permettent aussi des grenats comme Gd3Sc2Ga3O12 : Cr3+ ou encore des fluorures
de créer des systèmes compacts, d’autant plus qu’ils sont pompés de colquiriites LiCaAlF6 : Cr3+ (LiCAF) ou LiSrAlF6 : Cr3+ (LiSAF),
par des diodes laser de puissance plutôt que par des lampes au plus récemment, de ZnSe : Cr2+ entre 2 100 et 2 800 nm.

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____________________________________________________________________________ LUMINESCENCE CRISTALLINE APPLIQUÉE AUX SOURCES LASERS

1.4 Pompage de diodes lasers


et attraction de sources
à impulsions ultracourtes
Ce renouveau s’est aussi traduit par la mise au point ces der-
nières années de nombreux systèmes lasers compacts basés sur
les cristaux YAG, YVO4 ou LiYF4 dopés terres rares (Nd3+, Tm3+,
Ho3+, Er3+, Yb3+) pompés par des diodes lasers avec une avancée
spéciale de l’ion Yb3+ qui présente de plus la possibilité supplé-
mentaire de produire des impulsions de quelques dizaines de
femtosecondes. Ces diodes lasers apportent en effet une source
de pompage remarquable directement sur les premiers niveaux
excités proches du niveau émetteur réduisant de façon considé-
rable les pertes d’énergie non radiatives génératrices de charges
thermiques en comparaison du pompage par les lampes flashs
qui pompent tous les niveaux d’énergie dans une gamme spec-
trale très large du visible.

1.5 Développement des cristaux


à propriétés non linéaires
Un autre moteur de développement de nombreux lasers à
solide : ce sont les recherches de génération d’harmoniques de
lasers infrarouges permettant d’atteindre le visible et l’ultravio-
let à partir de cristaux non linéaires du type KTP (KTiOPO4) ou
BBO (BaB2O4). Une technologie récente met aussi en œuvre la
génération d’ondes par addition et soustraction de fréquences
au moyen de matériaux non linéaires. Ces techniques sont, pour
la conversion vers les fréquences élevées, la génération du
second harmonique, le mélange additif de fréquences et la diffu-
sion Raman stimulée anti-Stokes tandis que pour la conversion
vers les basses fréquences, ce sont l’oscillation paramétrique
optique, le mélange soustractif de fréquences et la diffusion
Raman stimulée Stokes. Enfin, rajoutons que les matériaux
vitreux sont aussi très utilisés dans les amplificateurs à fibres de Figure 2 – Représentation schématique des niveaux d’énergie d’un ion
silice ou de verres fluorés monomodes dopées par des traces activateur luminescent localisés dans la bande interdite du réseau
d’erbium Er3+ dont les applications sont les répéteurs des lignes cristallin entre la bande de valence et la bande de conduction
de communications sous-marines à grande distance éliminant
les répéteurs à base de semi-conducteurs donc électroniques dans des fluorures Ce3+ : LiCaAlF6 (Ce3+ : LiCAF) et Ce3+ : LiSrAlF6
laissant la voie aujourd’hui à des systèmes « tout optique » (Ce3+ : LiSAF) et le moyen infrarouge (5 150 nm ou 5,15 μm avec
(cf. [AF3278]).
Dy3+ dans le sulfure PbGa2S4).
Les matrices hôtes doivent également présenter d’excellentes
qualités mécaniques et thermiques en vue de leur pompage par
2. Principales matrices des flux intenses. Il n’est donc pas étonnant de retrouver les cris-
taux de joaillerie sous leur forme synthétique comme le rubis
cristallines pour l’accueil Al2O3 : Cr3+, l’émeraude Be3Al2(SiO3)6 : Cr3+, l’alexandrite
BeAl2O4 : Cr3+, les spinelles dopés Cr3+, les grenats dopés Cr3+, le
des ions actifs fameux Y3Al5O12 dopé Nd3+ et le saphir dopé Ti3+. Sur la figure 4,
on observe que les mécanismes d’absorption et d’émission de ces
Les possibilités sont limitées par la substitution entre cations du ions peuvent être compris par les deux types de modèles, soit à
réseau et ions activateurs qui doivent avoir de préférence même 3 niveaux, modèle pour lequel le transition laser repeuple directe-
charge et même rayons d’ions, ainsi que par la cristallogénèse du ment le niveau fondamental, soit à 4 niveaux avec l’avantage de
monocristal laser. De plus, ces matériaux ne doivent pas seule- rendre l’inversion de population beaucoup plus aisée puisque la
ment remplir les conditions imposées par les propriétés optiques transition laser s’effectue entre le niveau excité et un niveau situé
adaptées aux lasers, à savoir, large fenêtre de transparence entre au-dessus du fondamental qui avec l’ion Nd3+ n’est pas peuplé
l’absorption fondamentale dans l’ultraviolet liée à la largeur de la thermiquement.
bande interdite (gap) et à l’absorption des groupements molécu-
En fait, on rencontre tous les types de structures cristallogra-
laires constitutifs des réseaux dans l’infrarouge. Il est préférable
que le dopage apporte des bandes d’absorption et d’émission phiques pourvu qu’elles contiennent soit des cations susceptibles
définies par des niveaux d’énergie localisées dans la bande inter- d’être substitués par les ions de transition ou par des ions terres
dite, plutôt dans le visible et le proche infrarouge, qui ne soient rares trivalents. Les principales structures sont le corindon Al2O3,
donc pas absorbés par les réseaux eux-mêmes et qui, en outre, ne l’olivine avec BeAl2O4 ou la forstérite Mg2SiO4, la péroskite YAlO3
favorisent pas l’absorption entre les états excités conduisant à la (YAP), la scheelite comme CaWO4 ou LiYF4 (YLF), la magnéto-
délocalisation de l’énergie dans la bande de conduction (figure 2). plombite LaMgAl11O19 (LMA), l’eulytine Bi4Ge3O12 (BGO), le rutile
Actuellement, on connaît des émissions lasers avec les oxydes MgF2, l’ultraphosphate NdP5O14 et les grenats A3B2C3O12 comme
dans le visible et le proche infrarouge comme le montre la Y3Al5O12 (YAG), Gd3Sc2Ga3O12 (GSGG), Gd3Ga5O12 (GGG) ou
figure 3 et aussi dans l’ultraviolet, de 280 à 315 nm avec Ce3+ encore (Gd, Ca)3(Ga, Mg, Zr)5O12 appelés grenats substitués. On

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Yb

(μm)

Figure 3 – Positions de raies d’émissions d’ions de terres rares insérés dans les réseaux cristallins d’oxydes

3. Dopage par les ions


de transition

Ces ions de transition sont : Ti3+ (3d1), Cr4+ (3d2), Cr3+ et V2+
(3d3), Cr2+ (3d4), Co2+ (3d7) et Ni2+ (3d8) (tableau 1).

3.1 Occupation des sites


3+ cristallographiques octaédriques
et tétraédriques
Ti3+, V2+, Cr2+, Cr3+, Cr4+, Mn5+, Fe2+, Co2+ et Ni2+ sont les prin-
cipaux ions de transition de configuration 3dn qui fournissent des
émissions lasers aussi bien dans les oxydes, les fluorures, les sul-
fures que les séléniures cristallins. Ils sont insérés uniquement
dans les deux types de sites cristallographiques :
– octaédriques, dont le nombre de coordination est 6 (figure 5) :
Ti3+, V2+, Cr3+, Co2+, Ni2+ ;
– tétraédriques dont le nombre de coordination est 4 (figure 6) :
Cr4+, Cr2+, Fe2+, Mn5+.
Nous allons détailler plus spécifiquement les propriétés des
deux types de symétries d’ions en prenant à titre d’exemple les
( ions Ti3+ et Cr3+.

3.2 Ion Ti3+ en symétrie octaédrique base


des sources lasers dite saphir dopé
titane
Figure 4 – Modèles de systèmes laser à 3 et à 4 niveaux représentés Le saphir dopé Ti3+ (Al2O3 : Ti3+) est de loin le plus utilisé en rai-
par les diagrammes simples de niveaux et leurs courbes de configu- son des propriétés tout à fait spécifiques de l’ion titane associées
ration en fonction des coordonnés de configuration (voir figure 11)
à sa configuration simple 3d1, caractérisé par un seul niveau
excité 2E, donc sans possibilité de perte par absorption entre états
trouvera dans [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] des listes excités. Sa bande d’absorption 2T2 → 2E recouvrant presque tout le
exhaustives de réseaux hôtes. visible peut être pompée par les lasers à argon (488 et 514 nm),

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TP
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Tableau 1 – Principaux cristaux lasers dopés par des ions de transition


Ion laser Conductibilité thermique (W.m–1.K–1)
Cristal Transition électronique Domaine spectral
et configuration des cristaux dopés

Ti3+ (3d1) Al2O3 2


E → 2T2 660 à 1 180 nm 28
4+ 2 3 3
Cr (3d ) Mg2SiO4 T2 A2 1 170 à 1 350 nm 8

Y3Al5O12 1 330 à 1 570 nm 10


3+ 3 2 4
Cr (3d ) Al2O3 E → A2 694,3 nm 28
4 4
BeAl2O4 T2 A2
4 4
LiCAF T2 A2
4 4
LiSAF T2 A2
2+ 4 5 5
Cr (3d ) Zn S E → T2 2 350 nm 18

Zn Se 2 100 à 2 800 nm

Cd Se 2 300 à 2 900 nm
2+ 7 3 3
Co (3d ) MgF2 T2 A2 1 500 à 2 500 nm 21

(80 à 300 K)
2+ 8 3 3
Ni (3d ) MgF2 T2 A2 1 630, 1 730 à 1 750 nm

(20 à 200 K)

YAG : Nd3+ ou YVO4 : Nd3+ doublé (532 nm), et sa bande d’émis-


sion très large s’étale du rouge vers le proche infrarouge entre
660 nm et 1 180 nm dans un domaine où les lasers à colorants
sont inefficaces (figure 7). Cette largeur de bande est suffisam-
ment élevée pour générer des impulsions ultracourtes de l’ordre
de 6 fs inégalées jusqu’alors. Ces cristaux réfractaires (point de
fusion 2 050 °C) sont particulièrement robustes en raison de la
haute conductibilité thermique du saphir, la plus élevée des cris-
taux laser actuellement commercialisés (35-40 W.m–1.K–1), et de
ses propriétés mécaniques exceptionnelles. Actuellement, il est
possible de tirer des boules cristallines cylindriques de grandes
dimensions,10 cm de diamètre et 8 cm de hauteur, de saphir dopé
Ti3+ par la méthode Czochralski en coopération entre le groupe de
croissance cristalline de l’institut Lumière Matière (ILM) de l’uni-
versité Claude Bernard (Lyon 1) et la société RSA (Rubis synthé-
tique des Alpes) à Jarrie.
Figure 5 – Site de symétrie octaédrique occupé par un ion Cr3+ par
exemple entouré de 6 anions oxygène ou de 6 anions fluor dans un Outre l’intérêt des cristaux de saphir dopé Ti3+ pour les sources
réseau laser continues accordables dans le proche infrarouge, la décou-
verte du blocage de mode par effet Kerr sur cette bande large a
permis de générer des impulsions de quelques femtosecondes, si
bien que ces lasers à solide accordables en fréquence sont ceux
qui ont probablement connu le développement commercial le
plus important dans les années 1990 aussi bien pour les sources
continues qu’impulsionnelles. Le domaine d’émission qui
recouvre celui des verres dopés Nd3+ vers 1 050 nm a même
rendu possible l’utilisation de systèmes hybrides du type oscilla-
teur fourni par Al2O3 : Ti3+ avec des amplificateurs de puissance
constitués de verres dopés Nd3+. Dans l’avenir, si les lasers à
semi-conducteurs contenant des nitrures émettant dans le visible,
principalement dans le bleu, sont suffisamment intenses, il est
probable qu’ils seront utilisés comme sources de pompage entraî-
nant le remplacement des pompes lasers habituelles à argon et de
YAG : Nd3+ doublées en fréquence, très coûteuses par rapport à la
cavité du saphir dopé Ti3+ (Al2O3 : Ti3+) elle-même.
Figure 6 – Site de symétrie tétraédrique occupé par un ion Cr4+ Pour l’ion Ti3+ de configuration électronique 3d1, il est relative-
entouré par 4 anions oxygène dans un réseau ment aisé de trouver les niveaux électroniques mis en jeu en

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TQ
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Figure 7 – Spectres d’absorption, d’émission et de gain du saphir dopé par l’ion Ti3+ sous les deux polarisations habituelles s et p

absorption et émission. Un seul état électronique 2D apparaît avec nérescence finale due aux 2J + 1 orientations spatiales possibles
cet électron optique, l’indice supérieur à gauche indiquant la mul- du moment angulaire J peut être partiellement ou totalement
tiplicité du spin (2S + 1) tandis que la lettre majuscule D précise levée par application d’une perturbation extérieure comme celle
que le moment angulaire orbital est L = 2 (à S, on associe L = 0 et du champ électrique total des 6 anions environnant le cation Cr3+
en symétrie octaédrique (effet Stark). Les termes spectraux de
à P, L = 1). Ici comme le spin de l’électron est , l’ion libre peuvent être calculés à partir des paramètres de Slater
on a donc un doublet. Inséré dans le site octaédrique du saphir, il (F0, F2, F4) que Racah a noté A, B et C en appliquant la théorie des
faut tenir compte du champ cristallin et identifier les niveaux groupes. On trouve 8 termes ordonnés selon leurs valeurs abso-
d’énergie Stark à l’aide de la théorie des groupes de symétrie dont lues. Le terme de l’état fondamental est, d’après la règle de Hund,
les positions en énergie sont évaluées grâce aux diagrammes de celui dont la multiplicité 2J + 1 est la plus élevée et la valeur du
Tanabe et Sugano. Dans le cas de l’ion Ti3+, le niveau fondamen- moment angulaire orbital consistant avec cette multiplicité. Ici
tal est noté 2T2 et le niveau excité 2E donc la bande large d’émis- c’est un état 4F. Au-dessus, les états correspondants sont 4P, 2G,
2H, 2P, 2G, 2F, 2D et 2D' qui peuvent être évalués uniquement en
sion correspond à 2E → 2T2.
fonction de B et C, le terme A étant le même pour tous les
niveaux. Pour Cr3+, les paramètres de Racah sont B = 918 cm–1,
3.3 Ion Cr3+ en symétrie octaédrique C = 4 133 cm–1 et .

L’ion de transition Cr3+ admet pour configuration : 1s2 2s2 2p6 Placé en champ octaédrique, noté par le groupe de symétrie
3s2 3p6 3d3. Ainsi les 3 électrons de la couche 3d jouent un rôle ponctuel Oh caractérisé par un centre d’inversion, les représenta-
dominant dans l’interprétation des propriétés optiques de cet ion, tions irréductibles données par les tables de caractères sont respec-
chacun ayant des nombres quantiques principal n = 3 et orbital tivement A, B, E, G et T. On y ajoute soit la notation g (gerade) pour
. les représentations symétriques, soit la notation u (ungerade) pour
celles qui sont antisymétriques. Pour Cr3+, les 8 principales repré-
Le traitement habituel passe par la résolution de l’équation de
sentations sont A1g, A2g, Eg, T1g, T2g, E1/2g, E3/2g et Gg. L’hamilto-
Schrödinger d’abord avec l’hamiltonien H1 de l’ion libre portant à
nien est alors : H = H1 + He + HSO + Vc avec He > Vc > HSO dans ce
la fois sur l’énergie cinétique et l’énergie potentielle des électrons cas spécial de champ cristallin intermédiaire. Ainsi, les calculs des
dans le noyau de symétrie sphérique, l’interaction électrostatique niveaux d’énergie sont d’abord réalisés en négligeant Vc et HSO et
entre les électrons des différentes couches (He) ainsi que par en ne considérant que les termes LS de l’hamiltonien coulombien
l’interaction spin-orbite HSO qui couple le moment magnétique de H1 + He dans l’approximation de Russel-Saunders. Le champ cristal-
spins des électrons et le moment magnétique L causé par le mou- lin est appliqué comme une perturbation qui décompose les termes
vement orbital des électrons, ce qui conduit au moment angulaire de l’ion libre et l’interaction spin-orbite HSO est une autre perturba-
total J = L + S dans l’approximation de Russel-Saunders. La dégé- tion qui apporte une décomposition supplémentaire.

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Cristaux et optique laser


non linéaires
par Georges BOULON
Professeur des universités
Institut Lumière Matière, Unité mixte de recherche CNRS 5306
Université Claude Bernard Lyon 1, Université de Lyon, Lyon, France

Cet article est la réédition actualisée de l’article [AF 3 278] intitulé « Cristaux et optique laser
non linéaires » paru en 2006, rédigé par Georges Boulon.

1. Susceptibilités électriques non linéaires des cristaux


non linéaires ........................................................................................... AF 3 278v2 - 2
2. Polarisation ............................................................................................. — 2
2.1 Loi de Malus .............................................................................................. — 2
2.2 Polarisation par réflexion ......................................................................... — 3
2.3 Polarisation par biréfringence.................................................................. — 3
2.3.1 Définition ......................................................................................... — 3
2.3.2 Cristaux uniaxes : calcite CaCO3 , LiNbO3 , quartz........................ — 3
2.3.3 Polariseurs de Glan-Thomson ou de Glan-Foucault .................... — 4
2.3.4 Lame quart d’onde.......................................................................... — 4
2.3.5 Lame quart d’onde de KDP ............................................................ — 4
2.3.6 Polariseurs par absorption............................................................. — 5
2.4 Cristaux isolateurs optiques par effet Faraday....................................... — 5
3. Génération de fréquences................................................................... — 7
3.1 Génération du second harmonique par les cristaux uniaxes
du type χ(2) — 7
3.2 Doublage de fréquence intracavité et autodoublage de fréquence...... — 8
3.2.1 Doublage de fréquence intracavité ............................................... — 8
3.2.2 Autodoublage de fréquence .......................................................... — 9
3.2.3 Génération de fréquences par des processus
paramétriques non linéaires .......................................................... — 10
3.2.4 Projet de mise au point de la télévision couleur
par modulation de faisceaux laser ................................................ — 11
3.3 Cristaux laser décaleurs de fréquence à effet Raman stimulé .............. — 12
4. Conclusion............................................................................................... — 15
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. AF 3 278v2

es cristaux à propriétés optiques non linéaires jouent un rôle essentiel


L dans le développement récent des nouvelles sources laser. Les principales
connaissances de base nécessaires à la compréhension de leur fonctionne-
ment ont été introduites à partir des susceptibilités électriques non linéaires
d’ordre 2 et 3 des solides. On rappelle d’abord la loi de Malus et les notions
essentielles de polarisation par réflexion à l’incidence de Brewster, par biré-
fringence avec les cristaux uniaxes (calcite CaCO3 , LiNbO3 , quartz), les
interfaces de prismes de Glan-Thomson, ou de Glan-Foucault, par absorption
avec les milieux dichroïques. L'ensemble est illustré par des exemples pra-
tiques de systèmes utilisant les lames quart d’onde, des cellules anti-retour par
application d’un champ électrique qui crée la biréfringence souhaitée de cris-
taux de KDP (KH2PO4) par effet Pockels et des cristaux isolateurs optiques par
application d’un champ magnétique (effet Faraday). Parmi les applications les
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQW

plus utilisées nous montrerons comment on peut obtenir la génération du

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CRISTAUX ET OPTIQUE LASER NON LINÉAIRES ___________________________________________________________________________________________

second harmonique au moyen de cristaux uniaxes du type χ(2), le doublage de


fréquence intracavité et l’autodoublage de fréquence donné par des cristaux
dopés surtout par l’ion Nd3+. Nous poursuivons avec la génération de fré-
quences par des processus paramétriques non linéaires comme l’oscillateur
paramétrique optique (OPO pour Optical Parametric Oscillator) souvent
constitué d’un cristal de niobate de lithium LiNbO3 polarisé périodiquement
(PPLN : Periodically Poled Lithium Niobate) basé sur un quasi-accord de phase
(QPM : Quasi Phase-Matching) ainsi que l’amplification paramétrique optique
(OPA). Nous terminerons par les cristaux laser décaleurs de fréquence à effet
Raman stimulé appliqués à la création d’une étoile artificielle pompant les
atomes de sodium de la mésosphère.
Cet article sur les cristaux et l’optique non linéaires est associé à un
ensemble relatif à la présentation générale des sources laser à l’état solide qui
inclut également la physique du laser Sources lasers à l’état solide.
Fondements [AF 3 275] la luminescence cristalline Luminescence cristal-
line appliquée aux sources lasers [AF 3 276] et la génération des
impulsions laser ultrabrèves Génération d’impulsions lasers ultracourtes
jusqu’à la femtoseconde [AF 3 282].

Le seconde terme traduit plusieurs phénomènes bien connus et


1. Susceptibilités électriques exploités en optique non linéaire tels que la génération du second
non linéaires des cristaux harmonique (SHG), l’effet Pockels, mélange de sommes et de diffé-
rences de fréquences, amplification paramétrique optique (OPA)
non linéaires ou encore oscillation paramétrique optique (OPO). Parmi les 32
groupes de symétries ponctuelles des 7 structures cristallogra-
phiques, 21 ne sont pas centrosymétriques et sont donc suscep-
Les effets d’optique non linéaire ont été découverts il y a tibles de jouer un rôle par le terme d’ordre 2 pour un doublage de
longtemps : Kerr (1875), Pockels (1893), Raman (1928) mais leur fréquence par exemple. Nous montrerons ici son utilisation dans la
potentiel réel n’est apparu qu’avec les premières sources laser, génération du second harmonique ainsi que dans [AF 3 282] pour
d’abord avec le cristal de rubis (1960) puis le cristal de grenat YAG la génération d’impulsions à la nanoseconde par l’effet élec-
(Yttrium Aluminium Garnet) dopé Nd3+ (1964). Le premier article tro-optique du type Pockels.
montrant la génération d’harmoniques par doublage de fréquence
date de 1961 avec le laser impulsionnel à rubis. Les sources laser Quant au troisième terme, il traduit lui aussi des phénomènes
qui délivrent des champs électriques monochromatiques et bien maîtrisés comme la génération du troisième harmonique
intenses sont idéales pour produire ces phénomènes non linéaires. (THG), l’effet Kerr, la diffusion Raman stimulée, le mélange à
En optique « classique », le champ électrique oscillant E d’une quatre ondes, la conjugaison de phase, l’autofocalisation et la
onde lumineuse qui se propage à travers un milieu diélectrique spectroscopie à deux photons. Ces effets sont surtout exploités
transparent induit un champ de polarisation P au sein de la collec- avec les solides, principalement les cristaux dont les seuils de
tion des dipôles atomiques caractérisé par la même fréquence que dommage sont élevés. Nous exploiterons par exemple l’effet Kerr
celle du champ incident : dans [AF 3 282] pour la génération des impulsions ultrabrèves
jusqu’à la femtoseconde.

Les références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13]
avec ε0 permittivité du vide, [14] [15] [16] [17] [18] [19] [20] [21] [22] [23] [24] [25] [26] [27]
[28] [29] [30] sont relatives à la bibliographie des ouvrages et
coefficient de susceptibilité linéaire (d’ordre 1). articles sur le sujet des cristaux et de l’optique laser non
Mais si le champ électrique de la source laser incidente est linéaires.
élevé, alors les dipôles du milieu diélectrique ne répondent plus
linéairement et la polarisation induite P s’exprime comme un déve-
loppement de puissances du champ appliqué E :
2. Polarisation
avec χ(2) et χ(3) les tenseurs de susceptibilité électrique du maté-
riau respectivement d’ordre 2 et 3. 2.1 Loi de Malus
À titre de comparaison, si χ(1) = 1, χ(2) = 5 × 10–8 cm/V et
χ(3)= 3 × 10–15 cm2/V2, et comme avec les lasers à impulsions La lumière dite naturelle n’est que partiellement polarisée. Les
ultracourtes, les champs E sont très intenses, on ne peut plus ondes lumineuses émises individuellement sont bien polarisées
négliger les termes d’ordre 2 et 3 de la polarisation. Aujourd’hui, linéairement mais n’ont pas de corrélation directionnelle, ni
un laser de saphir dopé au titane Ti3+ qui émet une impulsion de d’amplitude, ni de phase entre elles. On dit que l’émission est inco-
30 fs (30 × 10–15 s) d’énergie 10 nJ (10–8 J) focalisé sur une surface hérente. Cela signifie que le vecteur champ électrique orthogo-
de 100 µm2 produit un champ de l’ordre de 107 V/cm. nal au rayon lumineux occupe en projection sur un plan

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TT
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____________________________________________________________________________________________ CRISTAUX ET OPTIQUE LASER NON LINÉAIRES

Polariseur n° 1 Polariseur n° 2 Miroir


ou analyseur Miroir
E1 Barreau laser de sortie
α
Rayon
2m
Lumière Cellule
naturelle I1 à colorant

E2 Figure 2 – Polarisation par réflexion dans les cavités laser


I2

Figure 1 – Interprétation de la loi de Malus

Cellule Étalon
perpendiculaire à ce rayon toutes les positions possibles d’une θ
à colorant
façon aléatoire. Il existe cependant des sources dites polarisées, Étalon M
dont de nombreux lasers, et il convient donc de définir les procé- Réseau
dés usuels de polarisation. En effet, les milieux appelés polariseurs Filtrage θ montage
Lentille
ne laissent passer qu’une composante de direction privilégiée de de modes cylindrique de Littrow
la lumière incidente, ils trient les vecteurs selon une direction,
pour le polariseur n° 1 et pour le polariseur n° 2 sur la figure 1.
Pompe laser
Rappelons l’expérience fondamentale de polarisation spectacu-
laire par sa potentialité à éteindre complètement le faisceau. Dans
ce montage, la lumière naturelle est polarisée selon la direction Figure 3 – Montage d’une cavité laser du type Hansch utilisant
indiquée par la flèche du polariseur n° 1. Cette vibration E1 est une cellule de colorant taillée à l’incidence de Brewster
reçue par un autre polariseur appelé analyseur qui ne laisse passer
que les vibrations faisant un angle α avec la précédente tel que
l’amplitude E2 soit E2 = E1 cos α. On sait que les récepteurs utilisés Les angles de Brewster sont par exemple de 60° 37’ à 694,3 nm
en optique ne sont sensibles qu’à l’intensité du faisceau, si bien pour le rubis et de 57’’ 16’ dans un verre silicate dopé par le néo-
que l’intensité transmise est proportionnelle au carré du champ dyme. L’angle est de 76° 178 pour les fenêtres de germanium
électrique : d’indice n élevé dans l’infrarouge utilisées avec les lasers à
CO2 à λ = 10,6 µm (10 600 nm).

C’est la traduction de la loi de Malus (1809). 2.3 Polarisation par biréfringence


Si α = 0, les polariseurs sont dits parallèles et l’intensité est tota-
lement transmise.
2.3.1 Définition
Si α = π/2, les polariseurs sont dits croisés et l’intensité émer-
gente est nulle. On utilise le phénomène de biréfringence des milieux monocris-
De nombreux montages optiques sont régis à partir de polari- tallins diélectriques anisotropes qui sont uniaxes, c’est-à-dire qui
seurs croisés en raison de leur facilité de réglage visuel, toute possèdent un seul axe optique, direction pour laquelle ils
modification du champ interne entre les polariseurs étant particu- conservent la propriété d’isotropie. Pour toute autre direction, il y a
lièrement bien décelée par l’œil. décomposition d’un faisceau de lumière en deux dont les polarisa-
tions sont orthogonales et qui sont transmis avec deux vitesses
En pratique, on utilise trois types de polariseurs selon que la différentes. Si l’on raisonne en fonction des structures cristallogra-
polarisation est donnée par la réflexion et la transmission d’une phiques, on peut comprendre qu’un système cubique dont la
interface, la biréfringence ou l’absorption (dichroïsme). symétrie conduit à une isotropie ne donne pas de biréfringence.
Les cristaux uniaxes appartiennent aux structures à symétrie
orthorhombique, quadratique ou hexagonal alors que les cristaux
2.2 Polarisation par réflexion biaxes caractérisés par deux axes optiques sont eux à système
triclinique, monoclinique ou rhomboédrique.
Ils sont obtenus avec des milieux transparents et isotropes
comme les verres ou les cristaux. On sait d’après les lois de Fresnel
qu’à un angle d’incidence donné i égal à l’angle de Brewster 2.3.2 Cristaux uniaxes : calcite CaCO3 , LiNbO3 ,
(tan i = n ), le faisceau réfléchi est totalement polarisé linéairement, quartz
dans la direction perpendiculaire au plan d’incidence, ce qui revient
à dire que la composante du faisceau de lumière naturelle parallèle Dans les cristaux uniaxes, comme la calcite CaCO3 , LiNbO3 ou le
au plan d’incidence n’a pas été réfléchie du tout, tandis que le fais- quartz SiO2 , une onde incidente plane de lumière naturelle mono-
ceau réfracté a une composante prédominante dans le plan d’inci- chromatique tombant sous l’incidence normale est décomposée en
dence. Outre la propriété intrinsèque de polarisation, on peut ainsi deux : une onde ordinaire et une onde extraordinaire polarisées à
extraire sous cette incidence toute l’énergie du faisceau laser. angle droit dont les directions sont appelées lignes neutres
Cette recherche de la polarisation explique les inclinaisons (figure 4).
brewstériennes des facettes des barreaux (rods ) ou des plaquettes Le rayon ordinaire suit les lois de Descartes de la réfraction,
(slabs ) laser de YAG:Nd3+ ou de saphir:Ti3+ ou encore celles des l’indice nσ qui lui est associé est donc indépendant de la direction
cuves de colorants des cavités accordables fonctionnant en étudiée : sa surface d’onde et sa surface des indices sont sphé-
continu ou en impulsions, et aussi celles des capillaires des cavités riques. En revanche, le faisceau extraordinaire ne suit plus les lois
laser contenant les gaz He-He, Ar, Kr (figures 2 et 3). de Descartes et l’indice de réfraction ne dépend de l’angle d’inci-

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CRISTAUX ET OPTIQUE LASER NON LINÉAIRES ___________________________________________________________________________________________

z Peinture absorbante
E (2 ω ) 2 ω
ω
Rayon
ayon ordinair
ordinaire

E (ω ) Rayon Rayon
incident transmis
Rayon
k Axe extraordinaire
k = (kx , ky , 0) y optique
( au plan de la figure)
x
Le rayon extraordinaire sort perpendiculairement au plan de section
principale formé par la perpendiculaire à la face d’entrée et l’axe optique.
Figure 4 – Polarisation des rayons ordinaire et extraordinaire
à la sortie du cristal uniaxe a section droite des prismes

θm kω

n 2oω

nω n 2oω (θ ) = n 2oω
o

b vue générale
n 2eω (θ )

Figure 6 – Polariseur de Glan-Foucault


n 2e ω n eω nω
o
n 2oω

du faisceau incident en ne transmettant que le rayon extraordi-


n eω (θ ) naire dont la polarisation est parallèle à l’axe optique, mais aussi
extraire l’énergie lumineuse d’une cavité laser en utilisant le rayon
ordinaire, de polarisation perpendiculaire à l’axe optique, réfléchi
par la lame mince d’air séparant les deux prismes.
nω ω
o (θ ) = n o
2.3.4 Lame quart d’onde
Si n 2e ω < n ω 2ω ω
o , la condition n e = n o est satisfaite à θ = θm. Dans les divers montages optiques, les lames quart d’onde et
Les excentricités des élipses ont été exagérées. demi-onde sont parmi les composants les plus utilisés pour jouer
avec la polarisation des faisceaux. Ainsi, une lame quart d’onde
délivre deux ondes polarisées à angle droit et surtout décalées de
Figure 5 – Surfaces des indices des rayons ordinaire
et extraordinaire d’un cristal uniaxe δ = λ/4 donc déphasées de φ = 2πδ/λ = π/2. La figure 7 montre le
rôle important joué par une lame quart d’onde sur une vibration à
polarisation rectiligne qui tombe à 45° de ses lignes neutres appar-
dence. De plus, le rayon extraordinaire n’appartient plus au plan tenant à la face d’entrée. La vibration résultante est circulaire. Si
d’incidence et le rayon lumineux n’est plus confondu avec la nor- cette vibration circulaire traverse à son tour une seconde lame
male au plan d’onde qui se propage. La surface des indices est un quart d’onde identique disposée de la même manière, alors la
ellipsoïde de révolution tangent à la sphère précédente dans la vibration résultante redevient rectiligne mais a tourné de 90° par
direction de l’axe optique. Le caractère isotrope des rayons paral- rapport à la vibration incidente. Ces dispositifs sont utilisés dans
lèles à l’axe optique est donc évident : selon cette direction, les les modulateurs d’amplitude de faisceau laser modulé par le signal
deux rayons transmis sont confondus. Les directions des polarisa- à transmettre ou pour produire le déclenchement rapide de la
tions sont bien déterminées par rapport au plan de section princi- cavité (Q-switch ) des lasers à impulsions à l’échelle de la nanose-
pale du cristal, plan formé par la normale à la face d’entrée et l’axe conde. On trouvera par exemple sur la figure 8 le principe de fonc-
optique : la vibration extraordinaire appartient à ce plan et la vibra- tionnement d’une cellule antiretour : un faisceau polarisé
tion ordinaire lui est perpendiculaire. Les équations de Maxwell linéairement dans la direction horizontale ne pourra pas émerger
traduisent parfaitement les propriétés de ces milieux uniaxes. dans la même direction puisqu’il revient polarisé verticalement sur
le polariseur de Glan-Foucault. Il est réfléchi par la face diagonale
La figure 5 montre par exemple les surfaces des indices d’un des prismes et ressort à 90°.
cristal uniaxe dit négatif (ne – no < 0).

2.3.5 Lame quart d’onde de KDP


2.3.3 Polariseurs de Glan-Thomson
ou de Glan-Foucault Il est possible d’obtenir les effets de biréfringence liés à l’ani-
sotropie structurale de milieux isotropes soumis à une contrainte
On place souvent dans les montages laser des polariseurs à extérieure telle qu’un champ électrique (effet Pockels, 1893), un
l’état solide comme les prismes en calcite de Glan-Thomson, direc- champ magnétique (effet Faraday, 1845) ou une force (photoélasti-
tement accolés, ou de Glan-Foucault, séparés par une couche d’air, cimétrie). Cette anisotropie entraîne donc une biréfringence artifi-
éclairés sous l’incidence normale (figure 6). On peut alors non seu- cielle dont le traitement théorique est exactement le même que
lement polariser complètement le faisceau laser dans la direction celui des cristaux uniaxes biréfringents à l’état naturel. Ainsi, les

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Caractérisation d’une impulsion


ultra-brève

par Manuel JOFFRE


Directeur de recherche au CNRS
Professeur à l’École polytechnique
Laboratoire d’optique et biosciences
École polytechnique, CNRS, INSERM, Université Paris-Saclay, Palaiseau, France

1. Principes fondamentaux .................................................................... E 6 442 - 2


1.1 Impulsions ultra-brèves........................................................................... — 2
1.1.1 Notations......................................................................................... — 2
1.1.2 Champ complexe (ou représentation analytique) ....................... — 2
1.1.3 Valeurs moyennes.......................................................................... — 3
1.1.4 Impulsions d’essai.......................................................................... — 3
1.2 Éléments de photodétection ................................................................... — 4
1.2.1 Photodétection linéaire S (1)(t) ....................................................... — 4
1.2.2 Photodétection quadratique S (2)(t ) ............................................... — 5
1.2.3 Cas d’une impulsion de spectre étroit .......................................... — 5
1.2.4 Cas d’une impulsion ultra-brève ................................................... — 5
1.3 Limites d’une méthode de mesure linéaire et stationnaire.................. — 6
1.4 Mesure de l’intensité spectrale ............................................................... — 6
1.5 Classification des méthodes de mesure de phase spectrale................ — 6
2. Méthodes de mesure non stationnaires......................................... — 7
2.1 Échantillonnage du champ électrique.................................................... — 7
2.2 Interférométrie dans le domaine temporel............................................ — 7
2.3 Interférométrie dans le domaine spectral.............................................. — 8
3. Méthodes de mesure non linéaires ................................................. — 9
3.1 Historique des premières méthodes de mesure auto-référencées...... — 10
3.2 Méthodes spectrographiques du second ordre .................................... — 11
3.2.1 FROG du second ordre................................................................... — 11
3.2.2 Utilisation d’un dispositif de façonnage d’impulsion.................. — 12
3.2.3 Balayage de la dispersion.............................................................. — 12
3.3 Méthodes interférométriques auto-référencées.................................... — 13
3.3.1 SPIDER............................................................................................. — 13
3.3.2 interférométrie spectrale auto-référencée.................................... — 14
4. Conclusion.............................................................................................. — 14
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. E 6 442

’essor spectaculaire des lasers à impulsions ultra-brèves soulève un pro-


L blème de métrologie très spécifique, dans la mesure où les impulsions
lumineuses ainsi produites constituent les événements les plus brefs que l’on
sache réaliser. Il n’est donc pas possible d’avoir recours à un phénomène
encore plus bref pour caractériser les impulsions toujours plus courtes pro-
duites par de tels lasers. Ainsi, les lasers ultra-brefs n’ont pu se développer
que de concert avec de nouvelles méthodes de caractérisation, dont cet article
fait l’objet.
L’extraordinaire diversité des méthodes conçues lors des dernières décen-
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQX

nies ne saurait être traitée ici de manière exhaustive, aussi un certain nombre
de choix – parfois arbitraires – ont-ils été nécessaires. Tout d’abord, par impul-
sion brève ou ultra-brève, on entend une impulsion dont la durée est comprise

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CARACTÉRISATION D’UNE IMPULSION ULTRA-BRÈVE _____________________________________________________________________________________

entre quelques femtosecondes et quelques picosecondes. Pour des impulsions


plus longues, on pourra en effet préférer des méthodes de mesure de nature
électronique. À l’inverse, le domaine sub-femtoseconde (ou attoseconde) fait
l’objet de méthodes de mesure très spécifiques non développées ici, même si
ces méthodes dérivent souvent de concepts qui seront évoqués dans cet
article. Par ailleurs, certains aspects comme le contraste de l’impulsion ou la
phase de la porteuse par rapport à l’enveloppe ne seront pas discutés, malgré
le rôle essentiel qu’ils jouent en particulier dans le domaine de la physique des
hautes intensités.
Après un rappel des principes fondamentaux, qui permettront de distinguer
deux principales classes de méthodes de mesure, l’article abordera successive-
ment les méthodes dites non stationnaires (le plus souvent linéaires), puis les
méthodes dites non linéaires, qui exploitent une non-linéarité optique du
second ou du troisième ordre.

1. Principes fondamentaux Il est important de remarquer que, tandis que le champ E(t) est
une grandeur réelle, sa transformée de Fourier inverse est a priori
une grandeur complexe. On notera E (ω) = |E (ω)| exp [iϕ (ω)], où par
Dans le domaine des radiofréquences, une impulsion électroma- définition |E (ω)| est l’amplitude spectrale et ϕ (ω) est la phase spec-
gnétique peut être aisément caractérisée simplement à l’aide d’une trale. Cette dernière grandeur permet notamment d’introduire le
antenne et d’un oscilloscope. Il en va autrement dans le domaine retard de groupe :
optique, où les photodétecteurs sont réputés insensibles à la
phase de l’onde lumineuse. Ce résultat, qui sera établi ci-dessous (3)
de manière générale, complique singulièrement la caractérisation
d’une impulsion lumineuse, et nous amènera à distinguer deux qui peut s’interpréter comme l’instant d’arrivée de la composante
classes distinctes de méthodes de caractérisation. spectrale ω considérée [1]. En prenant le complexe conjugué de
l’équation (1), et sachant que E (t) est une grandeur réelle, on en
déduit que E*(ω) = E (– ω). Les valeurs prises par la fonction E (ω)
1.1 Impulsions ultra-brèves pour des fréquences ω négatives ne comportent donc pas d’infor-
mation supplémentaire par rapport aux fréquences positives. Cette
À l’inverse d’un laser continu, qui produit un rayonnement sta- redondance incite à introduire une nouvelle grandeur que l’on
tionnaire, un laser à impulsions ultra-brèves [AF 3 282] produit un appellera le champ complexe.
faisceau lumineux associé à une onde électromagnétique localisée
dans le temps. Les aspects liés au profil spatial du faisceau lumi- 1.1.2 Champ complexe (ou représentation
neux n’étant pas abordés dans cet article, on caractérisera notre analytique)
impulsion par la seule évolution temporelle du champ électrique,
supposé scalaire et noté E (t). On se placera en outre dans le cadre Par analogie avec la notation complexe couramment utilisée
de l’optique classique, ce qui signifie que le champ électromagné- pour des signaux sinusoïdaux stationnaires, il est utile d’écrire
tique associé à notre faisceau lumineux ne sera pas quantifié. , où est par définition le champ complexe. Cette
Cette hypothèse est valide pour les impulsions lasers considérées seule équation ne suffit évidemment pas à définir le champ de
ici, qui peuvent être assimilées à des états quasi-classiques du manière unique, mais on pourra assurer cette unicité en imposant
champ électromagnétique. à de ne pas comporter de composantes spectrales de fré-
quences négatives. Dans l’espace de Fourier, la relation
devient . Dans le cas où
1.1.1 Notations ω est positif, notre hypothèse nous permet d’annuler le second
terme, d’où l’on déduit , ou encore, pour tout ω :
L’analyse des méthodes de caractérisation des impulsions ultra-
brèves exige de jongler en permanence entre l’espace direct et (4)
l’espace de Fourier. On introduit donc la distribution du champ
électrique dans l’espace des fréquences ω, donnée par la transfor- où Θ (ω) est la fonction de Heaviside.
mée de Fourier inverse :
L’équation (4) constitue la définition du champ complexe
dans l’espace des fréquences, une simple transformée de Fou-
(1) rier permettant de revenir dans l’espace des temps :

où, comme pour toutes les intégrales qui apparaîtront dans la suite (5)
de l’article, on intègre sur l’ensemble de l’intervalle ]– ∞, + ∞[,
même lorsque les bornes d’intégration ne sont pas explicitement La figure 1 illustre la démarche que nous venons d’évoquer, per-
mentionnées. Le champ électrique E (t) pourra alors s’exprimer à mettant de calculer le champ complexe à partir du champ réel à
partir du champ E (ω) à l’aide d’une transformée de Fourier : l’aide d’une transformée de Fourier inverse, suivie d’un fenêtrage
consistant à ne conserver que les fréquences positives, puis enfin
d’une transformée de Fourier. Le champ complexe est également
(2) appelé représentation analytique du champ E (t) et peut encore
s’exprimer à l’aide des transformées de Hilbert [2].

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______________________________________________________________________________________ CARACTÉRISATION D’UNE IMPULSION ULTRA-BRÈVE

fréquences. On introduit ainsi l’instant moyen d’arrivée de


l’impulsion :
E(t)
(8)

a t et la fréquence centrale :

(9)
F–1
À l’aide du théorème de Parseval-Plancherel, on peut montrer [1]
E(ω ) que l’instant moyen d’arrivée de l’impulsion est égal à la valeur
moyenne du retard de groupe, soit . De même, la fré-
quence centrale est égale à la valeur moyenne de la fréquence ins-
f(w) tantanée, soit . Enfin, on définit la durée et la largeur
spectrale de l’impulsion au sens de l’écart quadratique moyen à
b – w0 0 w0 w l’aide des relations . Ces deux
grandeurs sont liées par la relation , qui contraint lar-
F geurs temporelle et spectrale. Pour une intensité spectrale I (ω)
donnée, on peut montrer que la durée ∆t est minimale lorsque la
phase spectrale est une fonction affine de la fréquence [1], ce qui
correspond à ce que l’on appelle une impulsion limitée par trans-
E(t )
j(t) formée de Fourier. Dès que la phase spectrale s’écarte d’une telle
variation affine, on observe un allongement de l’impulsion par rap-
port à la limite ultime imposée par son intensité spectrale.
c t
1.1.4 Impulsions d’essai
Partant du champ électrique E(t) représenté en a , une transformée de
Fourier inverse permet d’obtenir le champ dans l’espace des Les diverses méthodes de caractérisation évoquées tout au long de
fréquences, représenté en b à l’aide de son module |E(ω)| et de sa cet article seront illustrées à l’aide de trois impulsions d’essai appe-
phase f(w). Le champ complexe E(ω) est obtenu en annulant la partie lées a , b et c , dont la figure 2 représente les profils spectraux, les
grisée correspondant aux fréquences négatives. Une transformée de profils temporels représentés figure 3 s’en déduisant par transformée
Fourier permet de revenir dans l’espace des temps, où le champ de Fourier. Ces trois impulsions partagent un même spectre gaussien
complexe E(t) est représenté en c à l’aide de son module |E(t)| et de centré sur une fréquence de 375 THz (correspondant à une longueur
sa phase j(t). d’onde centrale égale à 800 nm typique des lasers titane:saphir). La
largeur spectrale est choisie de sorte que l’impulsion a – définie par
Figure 1 – Du champ réel au champ complexe

On écrira , où φ(t) est par définition la phase 1 20


temporelle, qui permet de définir la fréquence instantanée selon la
relation : 0,9 b
15

(6) 0,8
10
0,7
Par abus de langage, on appellera intensité temporelle la
Intensité spectrale

5
grandeur , proportionnelle à la norme du vecteur de
Phase (rad.)
0,6
Poynting associé à notre faisceau. On appellera de même intensité a
spectrale la grandeur . En vertu du théorème de 0,5 0
Parseval-Plancherel, la grandeur :
0,4
-5
(7) 0,3 c
-10
0,2
proportionnelle à l’énergie contenue dans l’impulsion, peut s’écrire
aussi bien comme l’intégrale de l’intensité temporelle que comme -15
0,1
l’intégrale de l’intensité spectrale.
0 -20
300 350 400 450
1.1.3 Valeurs moyennes Fréquence (THz)
Pour une phase nulle a , quadratique avec f’’= 150 fs2 b et cubique
À l’instar de la fonction d’onde en mécanique quantique, il est avec f’’’= 2 000 fs3 c .
utile d’introduire les amplitudes de probabilités et
, dont les modules élevés au carré constituent des
densités de probabilité qui nous permettront de calculer diverses Figure 2 – Intensité spectrale (en bleu) et phases spectrales (en
valeurs moyennes, respectivement dans l’espace des temps et des rouge) pour trois formes d’impulsion

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CARACTÉRISATION D’UNE IMPULSION ULTRA-BRÈVE _____________________________________________________________________________________

champ E (t) est peu intense, ce qui nous permet d’effectuer un


1 développement perturbatif du signal mesuré :
a
(10)

0 le terme S (n)(t) étant par définition d’ordre n par rapport au champ


électrique E (t). Considérons maintenant les deux premiers termes
de ce développement.
-1
b 1.2.1 Photodétection linéaire S (1)(t)
Champ électrique

De manière générale, les hypothèses de linéarité et d’invariance


0 par translation dans le temps permettent d’écrire la contribution
linéaire au signal de photodétection sous la forme d’un produit de
convolution entre la réponse linéaire impulsionnelle du détecteur,
notée R (1)(t), et le champ électrique E (t) :
-1
c
(11)

0
ou encore :

–1
(12)
– 100 – 50 0 50 100
Temps (fs) où l’on a utilisé un résultat bien connu d’analyse de Fourier [2]
Pour une impulsion limitée par transformée de Fourier a , une impul- nous permettant d’écrire le produit de convolution comme la trans-
sion présentant une phase spectrale quadratique b et une impulsion formée de Fourier du produit des deux termes exprimés dans
présentant une phase spectrale cubique c . l’espace des fréquences. Appelons TR le temps de réponse caracté-
ristique de l’ensemble de la chaîne de détection, typiquement de
l’ordre de 1 ns pour un dispositif électronique standard (voire
Figure 3 – Champ électrique simulé pour trois formes d’impulsion quelques dizaines de picosecondes si l’on sélectionne des compo-
sants électroniques particulièrement rapides). La réponse spectrale
aura alors une bande passante de l’ordre de 1/TR , soit typiquement
une phase spectrale nulle (figure 2a) et donc limitée par transformée quelques dizaines de GHz. Comme le montre la figure 4, la
de Fourier – soit associée à une intensité temporelle de largeur à mi- réponse R (1) (ω) tendra ainsi rapidement vers 0 pour des fré-
hauteur égale à 10 fs. L’impulsion b présente une phase spectrale quences supérieures à cette limite. Pour une impulsion électroma-
quadratique ϕ (ω) = (ϕ’’/2) (ω – ω0)2, avec ϕ’’ = 150 fs2 (figure 2b). Le gnétique dans le domaine des ondes radio (figure 4a), dont la
retard de groupe s’écrit alors τg (ω) = ϕ’’ × (ω – ω0), ce qui signifie que fréquence centrale ω0 est très inférieure à la bande passante, on
l’instant d’arrivée d’une composante spectrale donnée ω est propor- peut considérer que la fonction R (1)(ω) garde une valeur à peu près
tionnel à son écart (ω – ω0) par rapport à la fréquence centrale. On constante sur l’intégralité du support de E (ω). On en déduit :
parle d’une impulsion à dérive de fréquence linéaire, ce qui se mani-
feste par une augmentation de la fréquence d’oscillation du champ
électrique au cours du temps comme observé figure 3b. Enfin, (13)
l’impulsion c présente une phase spectrale cubique ϕ (ω) = (ϕ’’’/6)
(ω – ω0)3, avec ϕ’’’ = 2 000 fs3 (figure 2c). Le retard de groupe
τg (ω) = (ϕ’’’/2) (ω – ω0)2 est maintenant quadratique, ce qui signifie
qu’à un instant positif donné deux composantes spectrales symé- R(w)
triques par rapport à la fréquence centrale seront présentes simulta-
nément. Le battement entre ces deux composantes spectrales a b
explique la série de rebonds après l’impulsion principale que l’on
observe figure 3c.

1.2 Éléments de photodétection w/2p


100 MHz

100 GHz

100 PHz
100 THz
10 MHz

10 GHz

10 PHz
10 THz
1 MHz

1 GHz

1 PHz
1 THz

Intéressons-nous maintenant au processus de photodétection


proprement dit, consistant à transformer un faisceau lumineux en
un signal exploitable par un dispositif électronique. Considérons l
100 mm

10 mm

100 nm
1 mm
100 cm

10 nm
100 µm
10 cm

1 nm
10 µm
1 cm

1 µm

donc un détecteur produisant un signal électronique S (t) à partir


du champ électrique E (t) de l’impulsion que l’on souhaite caracté-
riser. On fait naturellement l’hypothèse que le détecteur produira
un signal reproductible, ce qui signifie qu’une impulsion décalée Radio m-ondes THz IR Visible UV RX
dans le temps d’un retard arbitraire T, associée au champ élec-
trique E (t – T ), devra produire un signal simplement décalé dans le
a spectre d’une impulsion électromagnétique dans le domaine radio
temps de la même quantité, soit S (t – T ). On dira que la réponse
du détecteur est invariante par translation dans le temps. De b spectre d’une impulsion ultra-brève dans le domaine visible
plus, un bon détecteur doit être raisonnablement sensible, ce qui
signifie qu’il est capable de détecter un champ électrique de faible Figure 4 – Représentation schématique de la fonction de réponse
amplitude. Il est donc légitime de se placer dans la limite où le R (1) (ω ) d’un système de photodétection linéaire

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Matériaux organiques pour diodes


électroluminescentes et lasers

par Sébastien FORGET


Maître de conférences
Laboratoire de physique des lasers, université Paris 13/CNRS, Sorbonne Paris Cité,
Villetaneuse
et Sébastien CHENAIS
Maître de conférences
Laboratoire de physique des lasers, université Paris 13/CNRS, Sorbonne Paris Cité,
Villetaneuse

1. Structure et propriétés des matériaux organiques...................... E 6 435 - 2


1.1 Pi-conjugaison ........................................................................................... — 2
1.2 Différents types de matériaux organiques.............................................. — 3
1.3 Polarons et excitons.................................................................................. — 4
1.4 Techniques de fabrication ........................................................................ — 5
2. Propriétés photophysiques des matériaux organiques .............. — 7
2.1 Absorption de la lumière .......................................................................... — 7
2.2 Émission de lumière ................................................................................. — 9
2.3 Domaines spectraux accessibles avec les matériaux organiques ........ — 10
2.4 Transferts d’énergie .................................................................................. — 11
2.5 Photodégradation ..................................................................................... — 12
3. Applications et dispositifs.................................................................. — 12
3.1 Lasers organiques solides........................................................................ — 12
3.2 OLED .......................................................................................................... — 14
3.3 Vers la diode laser organique ? ............................................................... — 16
4. Conclusion............................................................................................... — 17
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. E 6 435

a photonique organique est un domaine en plein essor qui s’intéresse de


L manière générale aux phénomènes et aux composants dans lesquels des
photons interagissent avec des matériaux organiques. La capacité qu’ont ces
derniers d’émettre très efficacement de la lumière dans tout le spectre visible
est connue depuis longtemps (lasers à colorants, fluorophores organiques...),
mais la découverte au début des années 1980 des semi-conducteurs organi-
ques (dotés en outre de propriétés de transport de charges électriques) a
révolutionné le domaine en permettant l’invention et le développement de
nouveaux composants tels que les cellules solaires ou les diodes électrolumi-
nescentes organiques (OLED). Ces dispositifs, maintenant matures et
disponibles sur le marché, tirent également parti des propriétés structurelles
spécifiques des matériaux organiques telles que leur faible coût, la possibilité
de les adapter à de nombreuses fonctions par ingénierie chimique, ainsi que
leur facilité de dépôt et de mise en forme sur de nombreux substrats et sur de
grandes surfaces. On peut ainsi viser des applications difficilement accessibles
aux technologies inorganiques, telles que des « feuilles de lumière » de
grandes dimensions et de manière générale des composants qui s’adaptent
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPQT

facilement à des technologies existantes et de faible coût.

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MATÉRIAUX ORGANIQUES POUR DIODES ÉLECTROLUMINESCENTES ET LASERS ________________________________________________________________

Nous nous intéressons dans cet article à l’émission de lumière par les maté-
riaux organiques, en posant les bases de la photophysique de ces matériaux dits
« pi-conjugués » permettant de comprendre quelles sont leurs spécificités et
leurs limitations. Nous développerons ensuite deux exemples d’applications à
des dispositifs pratiques : les OLED et les lasers organiques. Ces deux applica-
tions ont connu des développements différents en raison de la taille différente
des marchés qu’elles visent. Les OLED sont largement répandues dans le
domaine de l’affichage et elles ambitionnent de devenir une référence pour
l’éclairage, avec aujourd’hui plus de 100 lm/W d’efficacité lumineuse démontrés
pour des OLED blanches produisant un spectre proche du spectre solaire. Les
lasers organiques sont quant à eux encore à un stade de recherche, avec des
applications potentielles particulièrement prometteuses dans les domaines de la
spectroscopie, des capteurs ou des laboratoires sur puce.

1. Structure et propriétés
des matériaux organiques pz pz

sp2 sp2
1.1 Pi-conjugaison sp2
sp2
sp2 sp2
Les composés organiques sont constitués principalement
de carbone (C) et d’hydrogène (H), et de quelques hétéroatomes
tels que l’oxygène, l’azote ou le soufre. Parmi les millions
de composés organiques possibles, seules les molécules
␲ -conjuguées possèdent des propriétés électroniques et optiques
(absorption ou émission de lumière) intéressantes pour les appli-
cations optoélectroniques. La π-conjugaison consiste en une alter-
nance de liaisons simples et de liaisons doubles (voir encadré Liaison σ Liaison π Liaison σ
« Les liaisons du carbone »).
H H
C C

Les liaisons du carbone


H H
Liaison π
Un atome de carbone possède six électrons, avec une
configuration à l’état fondamental notée 1s22s22p2, ce qui Deux atomes de carbone hybridés sp2 forment une double liaison (une
signifie que les orbitales s sont occupées alors que seules liaison « forte » σ et une liaison π plus faible).
deux des trois orbitales px , py et pz sont occupées par un
électron. Quand un atome de carbone se lie à un autre atome,
une hybridation se produit entre orbitales s et p. Si quatre Figure 1 – Illustration des orbitales pi et sigma pour une molécule
d’éthylène
liaisons simples, ou liaisons σ, s’établissent à partir d’un
atome de carbone, on parle d’hybridation sp3, et les quatre
électrons sont alors disposés aux sommets d’un tétraèdre. le PMMA pour fabriquer des fibres optiques plastiques, mais on ne
Lorsqu’il y a une double liaison C — C dans une molécule, les s’y intéressera pas ici (pour une discussion générale de l’utilisation
électrons se séparent en deux catégories : des polymères en optique, voir [E 6 430]).
– trois d’entre eux forment des liaisons σ avec une hybrida-
tion de type sp2 ; ainsi dans le cas de l’éthylène CH2 — — CH2 , Si la molécule présente une alternance de liaisons simples et
les trois orbitales sp2 pointent vers les trois sommets d'un doubles sur un segment planaire, le système est alors π-conjugué,
triangle équilatéral dans un même plan ; et les électrons des orbitales π deviennent délocalisés sur plusieurs
– le 4e électron de type 2pz reste quant à lui non hybridé et atomes. Cela signifie que la molécule ne possède pas de liaisons
va créer avec un autre électron du même type une liaison π simples et doubles à proprement parler, et qu’un électron π peut
plus faible, au-dessus et en dessous du plan formé par les se trouver entre n’importe quel atome de carbone du segment
liaisons σ (figure 1). conjugué. Les matériaux π-conjugué existent sous de nombreuses
formes (petites molécules, polymères, cristaux moléculaires)
détaillées dans le paragraphe 1.2.
Un matériau organique dans lequel les atomes de carbone sont
connectés par des liaisons de type σ, comme par exemple un Exemple : les molécules π-conjuguées les plus simples sont le
cristal de diamant, ou un polymère comme le polystyrène ou le benzène et le butadiène. Ainsi, dans le benzène, les électrons sont
polyméthacrylate de méthyle (PMMA), est isolant électriquement délocalisés sur un anneau, avec une probabilité égale de se trouver
et généralement optiquement transparent dans le domaine visible. n’importe où sur l’anneau, et la distance entre chaque atome de
On utilise de nombreux polymères de ce type en optique, comme carbone est identique.

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Les transitions optiques (absorption, émission) surviennent On utilise également ces molécules très fluorescentes dans des
entre des orbitales de type π occupées (par deux électrons, un de OLED, mais dans ce cas bien sûr la matrice se doit d’être
spin up et l’autre de spin down ) et des orbitales de type π* qui conductrice de courant et les polymères isolants type PMMA ne
sont vides à température ambiante. L’écart en énergie entre la plus peuvent pas convenir. Comme on va le voir dans le paragraphe
haute orbitale moléculaire occupée (Highest Occuped Molecular suivant, on utilise alors plutôt comme matrice de petites molécules
Orbital ou HOMO) et la plus basse orbitale moléculaire inoccupée conjuguées (par exemple l’Alq3 (tris-aluminium (quinolate), voir
(Lowest Unoccuped Molecular Orbital ou LUMO) régit les figure 2a ) : les semi-conducteurs organiques.
propriétés optiques ; on l’appelle le « gap optique ». Plus le
nombre d’orbitales atomiques p partagées pour former un sys-
tème π-conjugué est grand, plus l’écart en énergie entre les orbita- 1.2.2 Semi-conducteurs organiques
les moléculaires diminue, comme les états d’énergie d’un électron
libre dans une boîte ou un fil quantique. Puisque chaque niveau Les semi-conducteurs organiques forment une classe de
énergétique est en fait lui-ême élargi par les interactions avec les matériaux plus riche, qui trouvent des applications à la fois en
vibrations de la molécule, on n’a pas en réalité affaire à des photonique et en électronique organique (et à la jonction des
niveaux d’énergie discrets, mais à des bandes d’énergie larges. On deux). Ils ont commencé à être vraiment développés à partir des
reprend donc souvent le vocabulaire de la physique du solide cris- années 1980 avec l’apparition des OLED et des cellules solaires
tallin en parlant de « bandes d’énergie ». On peut faire une analo- organiques. Seuls nous intéressent ici les semi-conducteurs orga-
gie entre la « bande de conduction » et l’orbitale LUMO d’une part, niques qui ont à la fois des propriétés semi-conductrices (§ 1.3.1)
et entre la « bande de valence » et l’orbitale HOMO d’autre part. et émissives de lumière (§ 2.2). Ces matériaux peuvent servir pour
des lasers et pour des diodes électroluminescentes organiques.
De même, en général plus la partie conjuguée de la molécule est Notons toutefois qu’un laser fonctionnant à partir d’un matériau
grande, plus le gap devient petit et plus l’absorption se décale vers organique pompé électriquement (autrement dit une diode laser
le rouge. La bande d’absorption des systèmes conjugués se organique ), n’a toujours pas été démontré à ce jour après plus de
produit alors à des longueurs d’onde supérieures à 200 nm, ce qui 15 ans de recherches intensives (§ 3.3). Seuls existent donc
rend ces composés adaptés à une excitation optique dans la partie aujourd’hui des lasers à base de matériaux organiques pompés
UV-visible du spectre. optiquement.
Les semi-conducteurs organiques sont mis en forme le plus
1.2 Différents types de matériaux souvent sous forme de films minces solides. On y reviendra dans
le paragraphe 1.4. Sur la base de considérations structurelles, on
organiques peut distinguer trois catégories de semi-conducteurs organiques :
les cristaux organiques, les petites molécules et les polymères
Il convient de séparer d’abord deux types de matériaux conjugués.
organiques solides utilisés en photonique organique : les isolants
et les semi-conducteurs organiques. Cette distinction repose sur Les cristaux organiques comme l’anthracène ou le pentacène
des propriétés électriques, qu’on abordera dans le ressemblent à des cristaux inorganiques et leurs propriétés de
paragraphe 1.3.1. transport peuvent être définies en termes de bandes. Dans la
pratique, la haute tension nécessaire pour obtenir de la lumière à
partir de ces cristaux et la difficulté de les faire croître avec une
1.2.1 Colorants laser qualité optique et des dimensions suffisantes limitent fortement
leur intérêt.
Dans la catégorie des matériaux isolants, on place ce qu’on
appelle communément les « colorants laser », dispersés dans des Les petites molécules désignent des molécules conjuguées for-
matrices généralement transparentes non conductrices. mées de quelques dizaines d’atomes de carbone au maximum ; les
colorants laser rentrent dans cette catégorie, mais pour être un
Exemple : les xanthènes (rhodamines et fluorescéines), les couma- semi-conducteur organique, il faut qu’il y ait continuité entre les
rines, les oxazines, ou encore les pyrrométhènes sont des colorants molécules, c’est-à-dire qu’elles soient en contact (qu’il y ait recou-
laser typiques. Le PMMA (polyméthacrylate de méthyle), le SU8 (une vrement même faible des orbitales moléculaires) pour permettre le
résine photosensible) ou le PVK [poly(9-vinylcarbazole)] sont des transport électronique par sauts décrit dans le paragraphe 1.3.1.
matrices transparentes typiques. Or, à cause du phénomène de quenching (extinction par concen-
tration) signalé précédemment, il arrive souvent qu’un film pur de
colorant ne possède plus de propriétés émissives (exemple : DCM
Les colorants sont des petites molécules, ou oligomères, figure 2d ). Il existe cependant des molécules qui gardent ces pro-
caractérisées par un fort rendement quantique de fluorescence priétés (exemple : Alq3 figure 2a ). Dans le cas des OLED, pour
(voir définition § 2.2). On a d’abord utilisé ces molécules dans les minimiser le quenching, on a recours à une technique de dopage
« lasers à colorant » liquides traditionnels, qui sont encore utilisés avec des systèmes dits « host:guest » (hôte : invité). Dans ce cas,
aujourd’hui (principalement dans les laboratoires de recherche), et la recombinaison des porteurs se passe dans le matériau « host »,
dans lesquels le milieu à gain est une solution de colorant dans un où se forme un exciton, et ce dernier, au lieu de se désexciter,
solvant organique comme le méthanol. Les lasers à colorant ont transfère son énergie au « guest », qui se désexcite en émettant un
été les premiers lasers accordables dans le spectre visible et ont photon (voir § 2.4 pour plus de détails).
permis de grandes avancées en spectroscopie. Leurs larges
spectres d’émission ont également permis de réaliser les premiers Les polymères conjugués sont des macromolécules présentant
lasers à impulsions femtosecondes. Les petites molécules du des segments conjugués. Ils ne sont pas évaporables thermique-
colorant, qu’il soit sous forme liquide ou solide, doivent cependant ment et peuvent seulement être déposés en solution (§ 1.4.1). Ils
être utilisées en faible concentration. En effet, un des problèmes peuvent présenter des rendements élevés de photoluminescence.
majeurs rencontrés avec ces petites molécules est l’extinction de Des exemples de polymères conjugués sont les poly(phénylène-
luminescence par concentration, ou concentration quenching. vinylène) ou PPV et les polyfluorènes (figure 2). À l’inverse des
Même si une molécule de colorant est très efficace pour émettre polymères non conjugués comme le PMMA, ils sont très
de la lumière quand elle est isolée, elle l’est en effet toujours absorbants dans le visible (typiquement la longueur d’absorption
beaucoup moins lorsqu’elle est trop proche d’autres molécules du du rayonnement est de l’ordre de la centaine de nanomètres).
même type, c’est-à-dire à concentration élevée, et ce bien souvent Alors qu’il est généralement difficile de faire des mélanges homo-
jusqu’à perdre toute propriété émissive si elle vient en contact gènes de polymères, les systèmes host:guest composés de deux
avec d’autres molécules de colorant. polymères ont été récemment démontrés [1].

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N
O O
Al
N n
N
O n

a tris-aluminium b poly(phénylènevinylène) c polyfluorène générique


(quinolate) ouAlq3 générique ou PPV

N C C N
O

CH3 n
N C8H17 C8H17 N N n
H3C O S H3CO
CH3

d DCM(4 - (dicyanométhylène)-2-méthyl-6- e F8BT(poly (9,9 ’-dioctylfluorène- f MEH-PPV (poly (2-méthoxy-5


(4-diméthylaminostyryl)-4H-pyrane) co-benzothiadiazole)) -(2-éthyl-hexyloxy) -1,4-phénylène-
vinylène))

Figure 2 – Structure chimique de matériaux organiques typiques utilisés das les dispositifs optoélectroniques organiques

Signalons également le cas des cristaux liquides [2], dont la signifie simplement ici qu’il y a une possibilité pour une charge de
structure auto-organisée forme des bandes interdites photoniques passer par effet tunnel d’une molécule à l’autre, ce qui nécessite
qui peuvent être exploitées pour produire un effet laser ; dans ce un recouvrement non nul des fonctions d’onde électroniques (orbi-
cas le milieu à gain peut être un colorant classique incorporé dans tales π). Cette définition, quoique non restrictive, exclut toutefois
la structure, ou bien directement le cristal liquide lui-même. tous les polymères non conjugués dopés avec des petites molécu-
les conjuguées par exemple.
Pour comprendre les propriétés semi-conductrices, considérons
1.3 Polarons et excitons une molécule ionisée avec un électron en plus ou en moins.
Comme en physique du solide, on parle de « trou » quand un
1.3.1 Polarons électron est manquant dans la HOMO et d’« électron » quand un
électron supplémentaire est ajouté à la LUMO, mais le terme
La délocalisation des électrons (§ 1.1) permet d’expliquer les rigoureux pour désigner ces objets est le « polaron ».
principales propriétés optiques ; c’est aussi la clé pour comprendre Un polaron désigne la quasi-particule correspondant à la
pourquoi on parle de « semi-conducteurs organiques » pour des molécule chargée et son champ de polarisation. Cette charge
matériaux qui sont à la base des molécules organiques réputées supplémentaire sur la molécule est délocalisée sur le segment de
isolantes, et qui se présentent la plupart du temps sous forme de conjugaison et peut être considérée comme une charge mobile.
films solides amorphes (non cristallisés, les molécules étant Mais une telle charge capable de se mouvoir sur une fraction de
orientées de manière aléatoire). Il faut aborder ces notions en molécule ne fait pas encore d’un matériau à l’échelle macrosco-
ayant à l’esprit que la physique des semi-conducteurs organiques pique autre chose qu’un isolant : pour observer un courant électri-
est très différente de celle des semi-conducteurs inorganiques que, il faut encore que cette charge puisse passer d’un segment
comme le silicium. Si certaines notions se transposent (bande conjugué du polymère à un autre (ou encore d’une molécule à une
interdite, mobilité...), d’autres doivent être maniées avec précau- autre par exemple si l’on parle d’un film de petites molécules).
tion (comme le dopage p ou n) et certaines n’ont plus de sens Dans un milieu désordonné le transport se fait par « sauts »
puisqu’il s’agit rarement de cristaux et que les concepts de zone de (hopping ), un mécanisme qui procède essentiellement d’un effet
Brillouin ou de courbes de dispersion E (k ) disparaissent. tunnel. Le mécanisme de saut est très inefficace et représente clai-
Le gap optique (bande interdite) défini plus haut (§ 1.1) varie rement le facteur limitant qui explique la très faible mobilité des
typiquement entre environ 1 et 4 eV pour les systèmes porteurs de charges dans les semi-conducteurs organiques (typi-
π-conjugués, ce qui les classe dans la catégorie des isolants. La quement 10–7 à 10–3 cm2/V · s) par rapport à celle des cristaux
«bande de conduction » (LUMO) est donc presque vide à tempéra- semi-conducteurs inorganiques (10–3 cm2/V · s dans le Si). Les
ture ambiante. Dit autrement, il y a très peu de porteurs libres détails concernant le transport de charge dans OSC peuvent être
disponibles (typiquement moins de 1014 cm–3 dans les trouvés dans les références [4] [5] [6].
semi-conducteurs organiques, où la densité de chromophore est
autour de 1021 cm–3) [3].
1.3.2 Excitons
Les systèmes conjugués forment de manière macroscopique un
milieu semi-conducteur (sous forme de cristal organique, de film En plus d’une différence dans la nature des porteurs de charges,
polymère, ou de film de petites molécules) à partir du moment où les semi-conducteurs organiques diffèrent de leurs homologues
les molécules sont « en contact » les unes avec les autres, que ce inorganiques par la nature des états excités ou excitons. En revan-
soit dans un milieu ordonné ou désordonné. Le terme « contact » che, il n’y a pas ici de différence entre un exciton pour un

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Génération d’impulsions lasers


ultracourtes jusqu’à la femtoseconde
par Georges BOULON
Professeur des universités
Institut Lumière Matière, Unité Mixte de Recherche CNRS 5306
Université Claude Bernard Lyon1, Université de Lyon, Lyon, France
Note de l’éditeur
Cet article est la réédition actualisée de l’article AF3282 intitulé « Génération d’implusions
lasers ultracourtes jusqu’à la femtoseconde » paru en 2006, rédigé par Georges Boulon.

1. Quelques notions de base.......................................................................... AF 3 282v2 - 2


1.1 Spectroscopies standards et lasers ........................................................... — 2
1.2 Quelques ordres de grandeurs entre valeurs fréquentielles
et temporelles.............................................................................................. — 3
1.3 Limites des résolutions fréquentielles et temporelles ............................. — 3
1.4 Milieux linéaires et non linéaires............................................................... — 4
2. Propagation des impulsions lumineuses.................................................. — 5
2.1 Constante de propagation.......................................................................... — 5
2.2 Propagation dans un milieu absorbant : vitesse de groupe vg
et coefficient de dispersion Dν ................................................................... — 5
2.3 Propagation des impulsions dans les milieux dispersifs non linéaires . — 6
3. Génération d’impulsions............................................................................ — 10
3.1 Les méthodes de déclenchement (Q-switching) ...................................... — 10
3.2 Génération d’impulsions courtes à l’échelle de la nanoseconde ........... — 10
3.3 Génération d’impulsions très courtes à l’échelle de la picoseconde ..... — 11
3.4 Génération d’impulsions ultracourtes à l’échelle de la femtoseconde .. — 15
4. Applications des lasers à impulsions ultracourtes .................................. — 19
4.1 Application des lasers saphir : Ti3+ et LISAF : Cr3+ à la détection
des polluants atmosphériques................................................................... — 19
4.2 Application à la femtochimie ..................................................................... — 21
4.3 Imagerie ....................................................................................................... — 21
4.4 Spectroscopie des semi-conducteurs ....................................................... — 21
4.5 Perçage des matériaux ............................................................................... — 21
4.6 Science des champs électromagnétiques de très hautes intensités.
Vers la physique des plasmas et la fusion nucléaire ............................... — 23
5. Une autre étape : le développement des impulsions à l’échelle
de l’attoseconde.......................................................................................... — 25
6. Conclusion ................................................................................................... — 25
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. AF 3 282v2

et article sur la génération d’impulsions lasers courtes (ns) à ultracourtes


C jusqu’à la femtoseconde (fs) est associé aux trois articles sur les sources
lasers à l’état solide : fondements [AF3275], la luminescence cristalline appli-
quée aux sources lasers [AF3276] et les cristaux et l’optique non linéaires
[AF3278].
Il a pour objectif de montrer la nécessité de disposer de sources lasers à
impulsions de plus en plus brèves et de décrire les diverses méthodes phy-
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPQW

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GÉNÉRATION D’IMPULSIONS LASERS ULTRACOURTES JUSQU’À LA FEMTOSECONDE ____________________________________________________________

siques, surtout optiques, nécessaires à leur production tout en donnant les


principaux paramètres physiques de caractérisations.
Après avoir défini le vocabulaire sur les notions de base de la propagation
des impulsions lumineuses nous détaillons les méthodes de déclenchements
pour générer des impulsions courtes aux échelles de la nanoseconde et de la
picoseconde puis ultracourtes à l’échelle de la femtoseconde en donnant de
plus quelques applications et perspectives originales.
Mentionnons que les références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] sont relatives à la
bibliographie récente des ouvrages et articles sur le sujet des sources lasers à
impulsions ultrabrèves jusqu’à la femtoseconde avec, en outre, la précision
des titres.

1. Quelques notions de base


La dynamique électronique interne aux atomes actifs en optique
s’est joué pendant longtemps à des échelles de temps comprises
entre quelques nanosecondes et des fractions de seconde. Les
connaissances dans ce domaine ont donc progressé parallèlement
aux avancées des sources à impulsions rendant possible le pom-
page des niveaux d’énergie atomiques dans les gaz, liquides et
solides, c’est-à-dire principalement avec les outils lasers mis au
service des chercheurs, particulièrement efficaces, à la fois, par
leur intensité et par leur double sélectivité fréquentielle et tempo-
relle. En réalité, on ne pouvait pas s’arrêter là et les efforts dans la
recherche de sources encore plus rapides, en deçà de la nanose-
conde, ont abouti progressivement à franchir l’échelle de temps
de la picoseconde (1 ps = 10–12 s) puis de la femtoseconde
(1 fs = 10–15 s), c’est-à-dire l’échelle de temps pour les échanges
d’atomes ou de groupes d’atomes des systèmes à plusieurs corps
comme les molécules isolées, les protéines ou les solides. Les
premiers travaux sur les mouvements des molécules ont été réali-
sés dès 1945 par Porter et Norrish en mettant au point la tech-
nique de photolyse par flashs ce qui leur valut le prix Nobel de
chimie en 1967. Plus récemment, l’utilisation de lasers à impul-
sions à l’échelle de la femtoseconde ont valu le prix Nobel de
chimie à Zewail en 1999.
À titre d’exemple nous donnons sur la figure 1 des ordres de
grandeur des échelles de temps intervenant dans les phénomènes
physico-chimiques et biochimiques. C’est la femtochimie qui per-
met d’observer le comportement dynamique des atomes et des
molécules ou de visualiser l’évolution des réactions chimiques.

1.1 Spectroscopies standards et lasers


Avant l’invention du laser, les spectroscopies mises en jeu
concernaient les mesures d’absorption, de transmission, de Figure 1 – Positionnement des mécanismes radicalaires primaires
réflexion et d’émission de la lumière par les milieux en fonction dans l’échelle temporelle de processus réactionnels en physico-
chimie et en biologie
de la longueur d’onde ou de la fréquence ou encore du nombre
d’onde. La découverte du laser a rendu possible des mesures qui
n’étaient pas accessibles auparavant. En effet, les spécificités des d’absorption, à plusieurs photons, de réseau transitoire… juste
sources lasers sont nombreuses : cohérence spatiale et cohérence pour en nommer quelques-unes.
temporelle élevées, largeur de raie d’émission étroite donc accord
en fréquence, forte intensité permettant la détection de faibles La spectroscopie ultrarapide est une branche relativement
signaux. L’accord en fréquence est ainsi possible de l’ultraviolet récente de la spectroscopie laser utilisant des sources à impul-
au proche infrarouge au moyen des lasers à colorants et des sions. La première source fut, en 1960, le laser à rubis pompé par
lasers à solide. Des largeurs de raies aussi étroites que le une lampe au xénon délivrant des impulsions à l’échelle de la mil-
kilohertz, voire même aujourd’hui inférieures au hertz, sont liseconde puis rapidement les lasers déclenchés (Q-switch) déli-
atteintes. L’intensité des sources lasers joue un rôle capital dans vrant des impulsions intenses à l’échelle de la nanoseconde (voir
la détection des signaux ainsi que pour la mise en œuvre des [AF3278]).
spectroscopies non linéaires. Les principales techniques sont Après la nanoseconde, la course a été lancée vers les impul-
essentiellement les spectroscopies résolues en temps, à sélection sions à l’échelle de la picoseconde (10–12 s) puis de la femtose-
de sites actifs, par saturation, Raman cohérent, écho de photons, conde (10–15 s). Nous montrerons que la physique attachée à ces

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D’une manière générale, dans le spectre visible, une période


correspond à environ deux femtosecondes, si bien que la
recherche d’impulsions plus courtes exige des sources spectrales
émettant dans l’ultraviolet lointain et même dans le domaine des
rayons X.
Il existe deux types de spectroscopie ultrarapide selon la nature
de la variable analysée : soit la variable temps, soit la fréquence,
qui sont d’ailleurs reliées entre elles par le principe d’incertitude
de Heisenberg. L’amplitude spectrale est la transformée de Fou-
rier de l’amplitude temporelle de l’impulsion à l’échelle de la fem-
toseconde. Ce spectre est d’autant plus large que l’impulsion
temporelle est courte (figure 3).

1.2 Quelques ordres de grandeurs entre


valeurs fréquentielles et temporelles
Voici quelques exemples de fréquences et de domaines tempo-
rels associés aux principaux mécanismes physiques :
– largeur de raies Doppler dans les gaz : 10–3 à 10–1 cm–1 ;
– mécanismes de rotation dans les gaz : 10–2 à 10 cm–1 ;
– phonons acoustiques : < 100 cm–1 ;
– mécanismes vibrationnels : 100 cm–1 à 4 000 cm–1 ;
– énergies électroniques : > 5 000 cm–1.
À ces largeurs spectrales moyennes correspondent des durées
de train d’onde aux échelles données dans le tableau 1.
La période temporelle de la molécule d’hydrogène H2 dans son
état noté X correspondant à une énergie vibrationnelle de
4 401 cm–1 est de 7,6 fs. Celle de la molécule d’iode I2 dans son
état noté B (120 cm–1) est de 270 fs.
Ainsi, si une impulsion dure 6 fs autour de 600 nm, elle ne
contient que 3 périodes, en effet :

avec c la vitesse de la lumière ( ).


À la vitesse de la lumière, le train d’onde a une longueur de
1,8 μm. Cette limitation du nombre de périodes dans le visible et
le proche infrarouge explique pourquoi il faut rechercher des
spectres ultraviolet et même X pour espérer atteindre des impul-
sions plus brèves encore.
On rappelle souvent à ce stade de la présentation que 1 fs est à
1 s ce que 1 s est à 32 millions d’années !

1.3 Limites des résolutions fréquentielles


Figure 2 – Exemples d’impulsions ultracourtes et spectre associé et temporelles
Les profils temporels des impulsions peuvent prendre des
trois domaines temporels nécessite de mettre en jeu des phéno- formes diverses. Parmi ces impulsions, les gaussiennes jouent un
mènes non linéaires d’origines diverses : rôle très important puisqu’elles correspondent à des profils réels
– systèmes mécaniques simples pour la milliseconde ; de sources lasers et que, de plus, l’utilisation du merveilleux outil
– polarisations créées par l’effet électro-optique de Pockels pour
la nanoseconde ;
– interférences entre modes de la cavité laser par des modula-
teurs externes ou par absorbants saturables liquides, ou mieux Tableau 1 – Correspondances des durées de train
solides, pour la picoseconde ; d’ondes aux différentes échelles
– et enfin, effet Kerr lié à l’autofocalisation et à l’automodulation
de phase pour les femtosecondes. Largeurs Domaines Échelles
spectrales de fréquence de temps
Le terme ultrarapide s’applique plutôt aux phénomènes phy-
siques qui se produisent aux temps inférieurs à la picoseconde.
5 000 cm–1 pétahertz 10–15 s = 1 fs
La figure 2 montre à titre d’exemple la variation typique des
composantes du champ électrique d’une impulsion ultracourte 5 cm–1 → térahertz → 10–12s = 1 ps
(figure 2a) et l’application à l’impulsion ultracourte de 7 fs
(figure 2b) correspondant au spectre à bande large centré vers gigahertz 10–9 s = 1 ns
λ = 800 nm d’un cristal de saphir dopé Ti3+ (figure 2c).

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Figure 3 – Amplitude temporelle et amplitude spectrale d’une impulsion ultracourte

qu’est la transformée de Fourier pour la modélisation des rela-


tions entre les trains d’onde temporels et les spectres de fré-
quence transforme une gaussienne en une autre gaussienne.
Cette gaussienne peut être écrite :
– selon la fonction temporelle :

– et selon une fonction fréquentielle :

avec τt durée temporelle de l’impulsion,


Δω largeur du spectre,
ω0 centre de la fréquence angulaire (ou pulsation) :

Rappelons une écriture des transformées de Fourier :


Figure 4 – Relation fréquence-temps des signaux gaussiens

1.4 Milieux linéaires et non linéaires


À titre d’illustration, les impulsions gaussiennes limitées par la Jusqu’à l’avènement des sources lasers, tous les milieux
transformée sont montrées à la fois en fonction du temps et en optiques étaient considérés comme linéaires à l’exception des
fonction de la fréquence sur la figure 4. Plus courte est l’impul- cristaux naturels uniaxes du type calcite ou quartz utilisés pour
sion, plus large est le spectre. polariser les faisceaux lumineux. On admettait que :
La transformée de Fourier d’un train d’onde de durée Δt fournit 1/ L’indice de réfraction et le coefficient d’amplification ne
un spectre de fréquence de largeur spectrale Δν, tel que le produit variaient pas avec l’intensité de la lumière incidente ;
soit constant. Le résultat est le même indépendamment de la 2/ Le principe de superposition s’appliquait. Une onde optique
forme du train d’onde. est décrite par une fonction réelle de la distance et du temps, dite

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fonction d’onde sphérique ou plane u (x, t), solution de l’équation 2.2 Propagation dans un milieu
d’onde :
absorbant : vitesse de groupe vg
et coefficient de dispersion Dν

Selon le principe de superposition, si u1 (x, t) et u2 (x, t) sont L’ensemble des éléments qui suivent seront utiles pour la
des fonctions d’onde optiques, la fonction U (x, t) = u1 (x, compréhension de la génération des impulsions ultracourtes
t) + u2 (x, t) représente aussi une onde optique possible ; sub-picosecondes jusqu’à la femtoseconde.
3/ La fréquence de la lumière ne pouvait pas changer au cours
de la traversée du milieu ; En réalité, un milieu qui absorbe est représenté par sa suscepti-
4/ La lumière n’interagissait pas avec la lumière et bien sûr la bilité complexe :
lumière ne contrôlait pas la lumière.
Le développement des sources lasers a montré que, en réalité,
les principes précédents étaient mis en défaut : La constante diélectrique du milieu est donc aussi complexe :
1/ L’indice de réfraction et la vitesse de la lumière dans un milieu
optique changent selon l’intensité de la lumière ;
2/ Le principe de superposition est violé ;
3/ La fréquence de la lumière est altérée lorsqu’elle traverse un L’indice de réfraction est donné par :
milieu non linéaire ;
4/ La lumière peut interagir avec la lumière et peut donc contrô-
ler la lumière. Autrement dit, la lumière interagit avec la lumière
par l’intermédiaire du milieu.
avec nre = 1 + 2 π χre indice réel,
Les effets non linéaires deviennent appréciables quand le champ
électrique approche la valeur des champs interatomiques. Rappe- nim = 2 π χim indice imaginaire ou indice d’extinction.
lons que, pour le cas de l’atome d’hydrogène dont le rayon ato- Considérons une onde plane traversant dans la direction z :
mique est r = 0,53 · 10–10 m = 0,53 Å, le champ E = 5,8 · 1011 V.m–1. E exp j (ωt – kz). k est le vecteur d’onde :

2. Propagation
en posant :
des impulsions lumineuses
2.1 Constante de propagation
β est la constante de propagation de l’onde et représente le taux
L’impulsion est gouvernée par l’équation d’onde habituelle déri- de changement de phase selon z. α est le coefficient d’absorption
vée des équations de Maxwell : puisque l’intensité de l’onde décroît comme exp – αz :

avec On trouve :

Le champ électrique E de l’onde incidente induit une polarisation


P dans le milieu, proportionnelle au champ :

avec χ la susceptibilité électrique linéaire. Le champ de sortie peut être écrit en fonction du champ d’entrée
L’induction électrique (déplacement) D à l’intérieur du milieu par :
s’écrit :

■ Dispersion chromatique
avec ε la constante diélectrique (permittivité). ε dépend en fait de La réponse d’un milieu au passage d’ondes électromagnétiques
la fréquence et caractérise la réponse optique du milieu. se manifeste par la dépendance fréquentielle de l’indice de réfrac-
L’indice de réfraction complexe s’écrit mais μr, per- tion, c’est-à-dire la dispersion chromatique. On caractérise la pro-
méabilité magnétique relative, est égale à l’unité et . pagation dans le vide par le paramètre β introduit plus haut, que
l’on appelle la constante de propagation :
Donc est la constante de propagation dans
laquelle la dépendance fréquentielle de l’indice de réfraction
représente la dispersion chromatique.

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GÉNÉRATION D’IMPULSIONS LASERS ULTRACOURTES JUSQU’À LA FEMTOSECONDE ____________________________________________________________

Le développement en série de β (ω) donne : d’où :

β0 est une constante qui n’a aucun rôle sur le profil de l’impulsion :
Le coefficient de dispersion en fonction de λ est défini ainsi :

vg est la vitesse de groupe :

mais
on sait que

donc

On peut aussi écrire :

Pour la plupart des matériaux, a une valeur positive dans le


visible et une valeur négative dans l’infrarouge. Quand
2.3 Propagation des impulsions dans
et les composantes de grandes fréquences ont
les milieux dispersifs non linéaires
des valeurs de vg plus basses.

■ Vitesse de groupe vg 2.3.1 Dispersion de la vitesse de phase (DVP)


et dispersion de la vitesse de groupe (DVG)
La dispersion de la vitesse de phase (DVP) est aussi notée PVD
(en anglais pour Phase Velocity Dispersion) et la dispersion de la
d’où : vitesse de groupe (DVG) est également notée GVD (en anglais
pour Group Velocity Dispersion).
Admettons qu’un milieu présente une variation de la constante
de propagation β en fonction de ω indiqué sur la figure 5. L’onde
plane polarisée E = E0 exp j (ωt – βz) dans la direction Oz a donc
Comme une phase ø = ωt – βz avec β dépendant de ω.

La vitesse de phase vø s’exprime à partir de :

on a :

Considérons une impulsion dont la fréquence centrale est ω0


l’indice de groupe est donc : et la largeur spectrale Δω0 et développons β autour de ω0
(figure 5) :

■ Coefficient de dispersion Dν

Le champ électrique peut s’exprimer comme suit :

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Amplification d’impulsions laser


à dérive de fréquence

par Emmanuel HUGONNOT


Ingénieur chercheur
Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives,
Centre d’Études Scientifiques et Techniques d’Aquitaine,
Le Barp, France

1. Propriétés de l’amplification d’impulsions à dérive


de fréquence .......................................................................................... E 6 515 - 2
1.1 Description d’une impulsion laser et définitions utiles ........................ — 2
1.2 Propagation d’une impulsion dans un système dispersif .................... — 4
1.3 Propagation d’une impulsion dans un milieu Kerr ............................... — 6
1.4 Compression des impulsions à dérive de fréquence............................ — 7
2. Dispositifs de gestion de la dérive de fréquence........................ — 8
2.1 Systèmes fortement dispersifs ............................................................... — 8
2.2 Correction de phase spectrale ................................................................ — 13
3. Méthodes d’amplification .................................................................. — 14
3.1 Amplification par émulsion stimulée ..................................................... — 15
3.2 Amplification paramétrique optique d’impulsions à dérive
en fréquence (OPCPA) ............................................................................. — 20
4. Quelques exemples de systèmes CPA............................................ — 24
4.1 Système CPA Ti : saphir .......................................................................... — 24
4.2 Amplification paramétrique optique d’impulsions
de quelques cycles optiques ................................................................... — 24
4.3 Amplification d’impulsions à dérive en fréquence
dans les fibres optiques (FCPA) .............................................................. — 26
4.4 Installation ultra-haute intensité ............................................................. — 26
5. Conclusion.............................................................................................. — 28
6. Glossaire ................................................................................................. — 28
7. Sigles ....................................................................................................... — 28
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. E 6 515

our de très nombreuses applications, les énergies des impulsions lasers


P ultra-courtes délivrées par les oscillateurs à blocage de modes ne sont pas
suffisantes et il est nécessaire de les amplifier. Cependant, les intensités obte-
nues durant l’amplification directe d’impulsions courtes deviennent
rapidement très élevées et dépassent les seuils de dommage des optiques.
L’amplification à dérive de fréquence (CPA pour Chirped-Pulse Amplification)
est un concept d’architecture développé dans le but d’amplifier des impulsions
courtes sans dépasser ce seuil de dommage.
Le principe général est de diminuer l’intensité des impulsions pendant la
phase d’amplification. La solution évidente qui consiste à augmenter le dia-
mètre des faisceaux au fur et à mesure de l’augmentation de la puissance crête
atteint très rapidement ses limites, non seulement à cause des tailles des
optiques nécessaires, de leur encombrement et du coût, mais également parce
que la diminution de la fluence conduit à des systèmes lasers fonctionnant loin
p。イオエゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@RPQY

de la fluence de saturation des matériaux amplificateurs, ce qui les rend très

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AMPLIFICATION D’IMPULSIONS LASER À DÉRIVE DE FRÉQUENCE ____________________________________________________________________________

peu efficaces. Le concept CPA consiste alors à augmenter la durée des impul-
sions, ce qui permet de diminuer uniquement l’intensité des impulsions tout
en conservant leur fluence.
Partant d’un oscillateur à blocage de modes, la première étape consiste à
allonger temporellement les impulsions laser extrêmement courtes par un
système fortement dispersif. On parle alors d’impulsions à dérive de fréquence
car la dispersion introduit une relation quasi-linéaire entre la fréquence optique
et le temps de groupe. Une impulsion de durée située dans la gamme allant de
la femtoseconde à la picoseconde est étirée typiquement dans le domaine
nanoseconde. Ce procédé permet ainsi de diminuer de plusieurs ordres de
grandeur la puissance crête de l’impulsion, qui peut donc être amplifiée à des
niveaux inatteignables autrement. Une fois le niveau d’énergie désiré atteint,
l’impulsion est ramenée à une durée comparable à la valeur d’origine par com-
pression temporelle en utilisant un élément de dispersion opposée à celle de
l’étireur.
Il s’agit du concept fondamental utilisé pour la réalisation de grandes instal-
lations lasers ultra-haute-intensité, atteignant des puissances crêtes dans la
gamme du petawatt. La méthode CPA est également utilisée avec succès pour
des puissances crêtes inférieures, telles que celles délivrées par des produits
commerciaux ou lorsque les impulsions sont aussi courtes que quelques
cycles optiques. On trouve aussi de nombreuses applications dans le domaine
des lasers fibrés pour lesquels les fortes intensités optiques sont inhérentes au
confinement de la lumière dans le cœur des fibres optiques.
L’objet de cet article est de décrire et d’expliciter le concept en donnant les
éléments fondamentaux et en présentant différentes technologies utilisées
pour réaliser les systèmes. Nous montrons ainsi comment gérer la dispersion
et comment amplifier des impulsions ultra-courtes, que ce soit par émission
stimulée ou par amplification paramétrique optique. Enfin, des exemples signi-
ficatifs de systèmes CPA illustrent les atouts majeurs de cette technologie.
Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire et un tableau des sigles
utilisés.

1. Propriétés Le prix Nobel de physique 2018 a été attribué conjointement


à Gérard Mourou et Donna Strickland « pour leur méthode de
de l’amplification génération d’impulsions optiques ultra-courtes à haute
intensité », à savoir la technique CPA [1].
d’impulsions à dérive
de fréquence
1.1 Description d’une impulsion laser
Le schéma de principe de la technique CPA est représenté sur la et définitions utiles
figure 1. Le faisceau de sortie d’un oscillateur à modes bloqués,
constitué d’un train d’impulsions courtes [AF 3 282], est envoyé Une impulsion laser peut être définie par les fonctions
dans un système dispersif. Le terme de phase associé à la disper- complexes E (t) dans le domaine temporel et E (ω) dans le domaine
sion entraîne alors un élargissement temporel et une dérive de fré- spectral, reliées entre elles par transformation de Fourier :
quence des impulsions, qui peuvent ainsi être amplifiées
efficacement en limitant les risques d’endommagement optique.
(1)
La compression s’effectue ensuite en appliquant aux impulsions
une dispersion opposée.
Même si, en toute rigueur, toute impulsion se propageant dans On écrit généralement la fonction complexe d’une impulsion
un milieu dispersif acquiert une dérive en fréquence, le terme optique de longueur d’onde centrale λ0 sous la forme :
d’impulsion à dérive de fréquence pris dans le cadre général de
l’amplification d’impulsions courtes, s’applique au cas des impul-
sions fortement dispersées, c’est-à-dire dont la durée étirée
l’est de plusieurs ordres de grandeur par rapport à la durée initiale. avec ω0 = 2πν0 = 2πc/λ0 pulsation centrale,
Dans cette première partie, nous présentons les éléments fonda- A (t) = |A (t)| e iφ(t) enveloppe complexe,
mentaux, définitions et représentations physiques utiles pour la
description des différents phénomènes rencontrés dans ce cadre |A (t)| amplitude,
précis. φ (t) phase temporelle.

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____________________________________________________________________________ AMPLIFICATION D’IMPULSIONS LASER À DÉRIVE DE FRÉQUENCE

Impulsion
finale
Impulsion à dérive
de fréquence amplifiée

Impulsion à
Impulsion dérive de fréquence
initiale

z z z
z
Système Système
Oscillateur
dispersif Amplificateurs dispersif
femtoseconde
(+ j) (– j)

Les impulsions issues d’un oscillateur à blocage de modes sont tout d’abord allongées temporellement de plusieurs ordres de grandeur par un
système fortement dispersif. Elles sont amplifiées dans un milieu laser puis ramenées à une durée proche de celle d’origine.

Figure 1 – Principe de l’amplification d’impulsions à dérive de fréquence (CPA)

La fréquence instantanée ν (t) est alors définie par : La durée quadratique moyenne ∆t et la largeur spectrale quadra-
tique moyenne ∆ω d’une impulsion quelconque sont définies de
manière statistique par les relations suivantes :

Le terme ∆ω (t) = dφ (t)/dt décrit la dérive en fréquence, c’est-à-


dire l’évolution temporelle de la fréquence instantanée d’une
impulsion.
L’amplitude est reliée à la puissance P (t) (en W) par :

(2)

L’énergie (en J) de l’impulsion est donnée par :

On peut alors montrer que la durée et la largeur spectrale sont


avec t1 et t2 bornes de temps avant et après l’impulsion. reliées par l’inégalité : . Cette relation est fondamentale
dans le domaine des impulsions courtes. Elle montre notamment
Dans cet article, nous nous intéressons de manière quasi exclu-
que plus une impulsion est courte, plus son spectre optique est
sive aux propriétés temporelles et spectrales des impulsions laser
large. Pour une forme spectrale donnée, l’impulsion présentant la
et peu aux aspects spatiaux. Sauf mention explicite, nous considé-
durée minimale est dite limitée par transformée de
rons les profils spatiaux transverses des faisceaux comme uni-
Fourier [E 6 442].
formes d’aire Aeff. Selon les cas, nous choisirons :
Expérimentalement, on utilise plutôt les largeurs totales à mi-
Aeff = πr2 pour des faisceaux circulaires de rayon r, hauteur (FWHM pour Full Width at Half Maximum) des profils en
Aeff = a2 pour des faisceaux de section carrée de côté a, puissance où K est un nombre qui dépend
ou Aeff = π (MFD/2)2 pour des fibres optiques de diamètre de alors de la forme de l’impulsion. Le tableau 1 donne des valeurs
mode MFD. de K pour des formes temporelles couramment utilisées.
L’intensité (en W · cm–2) et la densité d’énergie ou fluence
Exemple : dans le cas d’un faisceau de forme temporelle gaus-
(en J · cm–2) sont alors respectivement :
sienne, la largeur du spectre optique d’une impulsion limitée par
transformée de Fourier de durée de 10 fs est alors de 44 THz (soit
94 nm pour une impulsion de longueur d’onde centrale 800 nm).
Nota : en toute rigueur, la définition donnée pour l’intensité est celle de l’éclairement.
Le terme d’intensité est un anglicisme que nous conservons tout de même dans la suite De manière pratique, le domaine spectral est souvent plus
de ce document, car c’est le plus couramment utilisé par la communauté des laseristes.
commode à utiliser pour décrire les impulsions courtes et on peut
écrire la fonction complexe dans le domaine spectral en termes
Le champ électrique (en V · m–1) est obtenu à partir de
d’amplitude A (ω) et de phase φ (ω) :
l’intensité par la formule :

Le délai de groupe est alors obtenu à partir de la phase spec-


avec ε0 = 8,85 × 10–12 F · m–1 permittivité du vide, trale par la relation :
n indice du milieu.

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AMPLIFICATION D’IMPULSIONS LASER À DÉRIVE DE FRÉQUENCE ____________________________________________________________________________

D’un point de vue expérimental, il n’est pas aisé d’accéder aux


Tableau 1 – Valeurs du facteur K pour différentes caractéristiques des impulsions courtes et il est nécessaire d’utili-
formes d’impulsions ser des méthodes spécifiques [E 6 442].

Facteur
Forme P (t ) (normalisée)
K 1.2 Propagation d’une impulsion
dans un système dispersif
Gaussienne 0,441
La dépendance de l’indice de réfraction d’un milieu transparent
en fonction de la fréquence de l’onde qui le traverse est appelée
Sécante hyperbolique dispersion chromatique. Lorsqu’une impulsion courte se pro-
carrée 0,315 page sur une longueur L dans un milieu dispersif d’indice n (ω),
elle accumule alors une phase spectrale :

Lorentzienne (5)
0,22

En pratique : les dispersions chromatiques de la plupart des


matériaux courants sont tabulées et des formules empiriques telles
Il décrit le temps d’arrivée relatif des composantes spectrales que les équations de Sellmeier sont disponibles. Celles-ci sont expri-
d’une impulsion. mées en fonction de la longueur d’onde. Par exemple, l’équation de
Sellmeier pour la silice fondue est :
Généralement, on prend en compte la phase spectrale en effec-
tuant un développement en série de Taylor autour de la pulsation
centrale de l’impulsion :

(3)
avec λ exprimé en µm.

β (ω) est la constante de propagation de l’onde qui se pro-


Les coefficients s’expriment en sn. Le coefficient page.
De manière similaire à la phase spectrale, on tient compte de la
d’ordre 0, φ0, décrit la phase absolue, qui correspond à la phase dépendance spectrale de β (ω) en effectuant un développement en
entre l’enveloppe et la porteuse (CEP pour Carrier Enveloppe série autour de la pulsation centrale de l’impulsion :
Phase). Le coefficient d’ordre 1, φ1, correspond à une translation
temporelle de l’enveloppe de l’impulsion. Les coefficients d’un
ordre supérieur sont responsables d’un changement de la struc- (6)
ture temporelle du champ. Ainsi, le terme de phase d’ordre 2, φ2,
correspond à une dérive en fréquence linéaire et à une augmenta-
tion de la durée de l’impulsion par rapport à la limite de Fourier.
avec exprimé en sn · m–1.
Dans le cas particulier d’une impulsion de forme gaussienne, la
durée augmente selon la formule suivante : La variation spectrale de chacun des coefficients est alors :

(4) (7)

où sont respectivement la durée totale à mi-


hauteur de l’impulsion limitée par transformée de Fourier et de
celle de l’impulsion possédant un terme de phase φ2. est le délai de groupe

Exemple : une impulsion de forme spectrale gaussienne de lar- par unité de longueur, inversement proportionnel à la vitesse de
geur 16 nm centrée sur 1 053 nm possède une durée limitée par groupe de l’impulsion.
transformée de Fourier de 100 fs et une durée de 1 ns avec un terme Le terme β2 est la dispersion de vitesse de groupe par unité
de phase φ2 = 37 ps2. de longueur, souvent spécifiée à partir de la variation mesurée du
délai de groupe. Elle traduit le fait que les différentes composantes
L’impact de l’ordre 2 de la phase spectrale sur les différentes spectrales d’une impulsion se propagent à des vitesses différentes
caractéristiques (intensité spectrale, phase spectrale, délai de et, par conséquent, que la largeur temporelle d’une impulsion
groupe, intensité temporelle, phase temporelle, fréquence instan- courte augmente au cours de sa propagation. Le terme de phase
tanée) d’une impulsion est illustré sur la figure 2 dans le cas d’une d’ordre 2 généré, φ2 = β2L, induit une dérive en fréquence linéaire.
forme spectrale gaussienne centrée à 800 nm et de largeur 30 nm.
La largeur temporelle de l’impulsion est de 30 fs lorsque celle-ci Selon le signe de β2, on distingue deux types de régime de
est limitée par transformée de Fourier (figure 2a). Dans le cas où dispersion chromatique :
elle possède un terme de phase φ2 = 1 000 fs2, sa durée devient – lorsque β2 > 0, on parle de dispersion normale. Les compo-
100 fs (figure 2b). santes spectrales de grande longueur d’onde (basse fréquence) se

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420

Fréquence instantanée (THz)


400
5 5 5

Phase temporelle (rad)


Phase spectrale (rad)

Délai de groupe (fs)


380
0 0 0

360
–5 –5 –5

340

2,15 2,35 2,55 – 100 0 100


Pulsation (rad · fs–1) Temps (fs)
a pour une phase nulle (impulsion limitée par transformée de Fourier)
50 10 420
300

Fréquence instantanée (THz)


Phase temporelle (rad)
Phase spectrale (rad)

400
Délai de groupe (fs)

100
380
25 5

– 100 360

340
– 300
0 0
2,15 2,35 2,55 – 100 0 100
Pulsation (rad · fs–1) Temps (fs)
b pour une phase spectrale quadratique j2 = 1 000 fs2
Exemples d’impulsions de forme spectrale gaussienne centrée à 800 nm et de largeur FWHM 30 nm.
Figures de gauche : intensités spectrale (noir), phases spectrales (bleu), délais de groupe (vert).
Figures de droite : intensités temporelles (noir), phases temporelles (bleu), fréquences instantanées (vert).

Figure 2 – Influence de la phase spectrale sur la durée d’une impulsion

propagent plus vite que celles de basse longueur d’onde (haute


fréquence) ;
– lorsque β2 < 0 on parle de dispersion anormale et le compor- 0,3
tement précédent est opposé. 60 Dispersion Dispersion
La transition entre les deux régimes (β2 = 0) s’effectue au zéro normale anormale
de dispersion (ZDW pour Zero Dispersion Wavelength).
Les termes d’ordre supérieur β3 (dispersion du 3e ordre ou TOD 30
pour Third-Order Dispersion), β4... conduisent à une dérive de fré- 0,2
b3 (ps3 · km–1)
b2 (ps2 · km–1)

quence non linéaire et à une déformation de l’impulsion durant la


propagation. Plus les impulsions sont courtes, plus il est important 0
de considérer ces coefficients d’ordre supérieur.
À titre d’illustration, la figure 3 représente les variations en fonc-
0,1
tion de la longueur d’onde de la dispersion par unité de longueur – 30
β2 et de la dispersion du 3e ordre par unité de longueur β3 dans le
cas de la silice.
– 60
Exemple : l’élargissement à 1 ns d’une impulsion centrée à
0
1 053 nm de durée initiale 100 fs (∆λFWHM = 16 nm) est obtenu par 700 950 1 200 1 450 1 700
propagation dans 2,2 km de silice (β2 = 17 ps2 · km–1). Un terme de
Longueur d'onde (nm)
phase d’ordre 3, φ3 = 0,01 ps3, est alors également induit.

Figure 3 – Dispersion de vitesse de groupe par unité de longueur β2


(bleu) et dispersion du 3e ordre par unité de longueur β3 (vert) de la
silice

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AMPLIFICATION D’IMPULSIONS LASER À DÉRIVE DE FRÉQUENCE ____________________________________________________________________________

En pratique, et notamment dans le domaine des fibres optiques : dépendante de son intensité et par une variation de la fréquence
le délai de groupe par unité de longueur (exprimé en ps · km–1) s’écrit instantanée :
souvent en fonction de la longueur d’onde :

(8) (11)
où les coefficients du polynôme Dn sont généralement exprimés en
ps · nm1–n · km–1.
D = D2 est alors appelé la dispersion ; S = 2D3, la pente de la On parle alors d’automodulation de phase (SPM pour Self-
dispersion et C = 6D4, la courbure de la dispersion. Phase Modulation). Au signe près, la phase temporelle non linéaire
générée présente donc la même forme que l’intensité de l’impul-
On peut relier les termes des développements de D (λ) et de β (ω) sion. Lorsque la dispersion peut être négligée, l’amplitude tempo-
à l’aide des expressions suivantes : relle de l’onde n’est pas modifiée par la propagation dans le milieu
non linéaire.
À titre d’illustration, la figure 4a montre l’influence sur une
impulsion de forme temporelle gaussienne de durée 1 ns et
d’énergie 100 nJ centrée à 1 053 nm de la phase non linéaire géné-
(9) rée par sa propagation dans 20 m de fibre optique monomode
(profil transverse pris constant de rayon 6 µm). La phase tempo-
relle générée (en bleu) est de même forme (au signe près), que
l’impulsion qui se propage. Elle induit alors une modification du
spectre optique qui s’élargit et présente de fortes oscillations (en
rouge). Cet effet peut être mis à profit dans certains cas pour géné-
Bien que la dispersion chromatique des matériaux soit utilisable rer de nouvelles fréquences optiques.
(et utilisée) pour étirer des impulsions courtes, les facteurs d’étire- Dans le cadre de la technique CPA où les impulsions sont allon-
ment très élevés demandés par la technique CPA rendent souvent gées temporellement de plusieurs ordres de grandeur avant qu’un
plus attractifs les dispositifs basés sur des composants présentant effet Kerr significatif apparaisse, la phase non linéaire générée est
une dispersion angulaire, tels que les réseaux de diffraction. La considérablement plus faible que celle appliquée lors de l’étape
dispersion angulaire d’un composant correspond à la dépen- d’étirement de l’impulsion. La figure 4b reprend ainsi le même
dance de son angle de déflection θ (ω) en fonction de la pulsation exemple que celui de la figure 4a, avec, dans ce cas, une impul-
optique. Le principe de tels systèmes est alors de disposer géomé- sion de durée 1ns obtenue via l’ajout d’un terme de phase spec-
triquement les éléments optiques de manière à ce que les diffé- trale d’ordre 2 (φ2 = 37 ps2) à une impulsion de durée initiale
rentes composantes chromatiques d’une impulsion puissent 100 fs. La dérive en fréquence obtenue par effet Kerr est identique
parcourir des chemins optiques différents. Le paragraphe 2.1 pré- à la précédente, mais elle est beaucoup moins importante que
sente plusieurs illustrations de ces arrangements. celle due à l’étirement (gamme GHz par rapport à la gamme THz),
D’un point de vue formel, la phase spectrale accumulée par une l’incidence sur le spectre optique n’est pas perceptible.
impulsion se propageant dans un système dispersif basé sur la Cependant, l’effet Kerr n’est pas à négliger, car il a une influence
dispersion angulaire s’écrit : sur la qualité de compression des impulsions. Celle-ci est prise en
compte en considérant la phase non linéaire totale accumulée
jusqu’à l’étape de compression. L’intensité n’est pas constante, car
elle augmente pendant les phases d’amplification et elle diminue
lorsque le faisceau est agrandi spatialement. De plus, les maté-
avec Lopt (ω) chemin optique à la pulsation ω0, riaux traversés peuvent être différents. La phase non linéaire totale
le long de la propagation selon l’axe z, que l’on appelle intégrale
L0 longueur de référence du système.
B ou intégrale de rupture, s’écrit alors :
Les différentes notions présentées dans ce paragraphe restent
alors identiques.
(12)

1.3 Propagation d’une impulsion Le vocable d’intégrale de rupture prend tout son sens si on
dans un milieu Kerr considère le point de vue spatial. Dans ce cas, la non-linéarité a
pour effet de modifier le profil transverse d’indice d’un milieu
Même si la technique CPA a pour objectif de diminuer l’intensité via la dépendance transverse de l’intensité du faisceau :
des impulsions en les étirant temporellement, l’augmentation de n (r) = n0 + n2I (r). Ainsi, si l’intensité d’un faisceau sur son axe de
l’énergie dans les amplificateurs est souvent suffisante pour que propagation est supérieure à celle sur les bords (ce qui est le cas le
l’effet Kerr ne puisse pas être négligé. plus fréquent), l’apparition d’un déphasage plus important au
L’effet Kerr provient de la polarisation non linéaire générée par centre correspond à un effet de lentille que l’on nomme auto-
l’impulsion elle-même. Dans ce cas, la non-linéarité d’ordre 3 du focalisation. Comme la divergence d’un faisceau qui se propage
milieu traversé par l’onde intense provoque l’apparition d’un terme s’oppose à l’autofocalisation, on peut montrer en approximation
dépendant de l’intensité qui se rajoute à l’indice de réfraction paraxiale, que les deux effets se compensent pour une puissance
linéaire n0 :
critique donnée par : . Lorsque la puissance dépasse
(10)
cette valeur, l’autofocalisation l’emporte alors sur la diffraction.
avec n2 indice non linéaire du milieu (dans le cas de la silice,
n2 = 3 × 10–20 m2 · W–1). Exemple : les puissances critiques dans la silice (n2 = 3 × 10–20
m2 · W–1) et dans l’air (n2 = 0,5 × 10–22 m2 · W–1) se situent respecti-
D’un point de vue temporel, ce changement d’indice se traduit vement autour de 1 MW et 1 GW pour un faisceau de longueur
sur l’impulsion par l’ajout d’une phase temporelle non linéaire d’onde 1 µm.

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Sources paramétriques optiques


Fondements, mise en œuvre
et applications

par Jean-Baptiste DHERBECOURT


Ingénieur
Onera – The French Aerospace Lab, Palaiseau, France
Antoine GODARD
Maître de recherche
Onera – The French Aerospace Lab, Palaiseau, France
Jean-Michel MELKONIAN
Ingénieur
Onera – The French Aerospace Lab, Palaiseau, France
et Myriam RAYBAUT
Ingénieur
Onera – The French Aerospace Lab, Palaiseau, France

1. Amplification et oscillation paramétrique optique : E 6 445 - 2


fondements .............................................................................................
2. Matériaux non linéaires optiques ..................................................... — 7
3. Mise en œuvre en régime continu .................................................... — 9
4. Mise en œuvre en régime microseconde à nanoseconde .......... — 11
5. Mise en œuvre en régime picoseconde à femtoseconde ........... — 13
6. Exemples d’applications...................................................................... — 19
7. Conclusion............................................................................................... — 22
8. Glossaire .................................................................................................. — 23
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. E 6 445

es lasers sont de plus en plus présents dans de nombreux systèmes


L optiques qui exploitent les propriétés du rayonnement cohérent émis par
ces sources. Cependant, malgré les nombreux développements de lasers
accordables en longueur d’onde, leur couverture spectrale reste parcellaire, en
particulier dans l’infrarouge et lorsqu’une forte puissance crête est recherchée.
Un moyen d’étendre la gamme spectrale couverte par les sources laser est de
recourir à des processus d’optique non linéaire permettant de convertir la fré-
quence émise par un laser vers une autre fréquence qui ne serait pas
accessible directement, tout en conservant différentes propriétés de l’émission
laser originelle, comme par exemple son profil temporel d’impulsion ou sa
cohérence spatiale.
Les sources paramétriques optiques sont des dispositifs permettant de
générer efficacement un tel rayonnement cohérent accordable à partir d’un
faisceau laser incident. Ces sources reposent sur un processus optique non
linéaire quadratique assurant la conversion d’un rayonnement de pompe
p。イオエゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@RPQU

incident en deux nouveaux rayonnements accordables, appelés signal et


complémentaire, dont la somme des pulsations est égale à la pulsation du

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SOURCES PARAMÉTRIQUES OPTIQUES _________________________________________________________________________________________________

rayonnement de pompe. Les rayonnements produits sont donc à plus grandes


longueurs d’onde, ce qui permet d’adresser directement l’infrarouge à partir
d’un laser de pompe solide de grande maturité technologique, émettant géné-
ralement dans le proche infrarouge.
L’objet de cet article est de présenter un panorama global des sources para-
métriques optiques. Le paragraphe 1 décrit brièvement les fondements
théoriques et les grands principes de fonctionnement des sources paramétri-
ques optiques (générateurs, amplificateurs et oscillateurs paramétriques
optiques). Puis, le paragraphe 2 concerne les matériaux non linéaires qui sont
l’élément clé de ces sources. Ensuite, leurs spécificités de mise en œuvre sont
décrites pour chacun des régimes temporels de fonctionnement : le
paragraphe 3 traite le cas du régime continu, le paragraphe 4 le régime transi-
toire (microseconde à nanoseconde) et le paragraphe 5 le cas des impulsions
brèves à ultrabrèves (picoseconde à femtoseconde). Enfin, le paragraphe 6
illustre la mise en pratique des sources paramétriques optiques pour un panel
d’applications couvrant des problématiques aussi bien militaires, industrielles,
environnementales, qu’académiques.

milieux non centrosymétriques. On parle alors d’optique non


1. Amplification et oscillation linéaire quadratique. Dans les autres milieux, il faut pousser le
paramétrique optique : développement jusqu’à χ(3). Il s’agit alors d’optique non linéaire
cubique. Les sources paramétriques optiques abordées dans cet
fondements article reposent sur le processus non linéaire de mélange à trois
ondes décrit ci-après. Ce processus a uniquement lieu au sein des
matériaux non linéaires non centrosymétriques. Nous nous
restreindrons donc dans la suite au cas de l’optique non linéaire
1.1 Optique non linéaire quadratique quadratique.

1.1.1 Susceptibilité et polarisation non linéaires 1.1.2 Mélange non linéaire à trois ondes
Lorsqu’un milieu diélectrique est éclairé par une onde optique Considérons le cas de deux ondes optiques monochromatiques
intense, telle que celle émise par un laser, le déplacement des de pulsations respectives ω1 et ω2 , incidentes sur un milieu non
électrons sous l’effet de ce champ appliqué devient anharmonique linéaire quadratique, dont les champs électriques sont définis
[E 1 965]. En conséquence, le vecteur polarisation P de l’ensemble comme suit :
de dipôles du milieu optique s’exprime comme un développement
de puissances du champ électrique appliqué E : 1
E 1 (r , t ) = E 1 (r ) e−iω1t + c .c . (2)
2
P = ε0 (χ (1) : E + χ (2) : EE + χ (3) : EEE + ...) (1)
1
avec ε0 permittivité du vide, E 2 (r , t ) = E 2 (r ) e−iω 2t + c .c . (3)
(1) 2
χ susceptibilité linéaire liée aux indices de réfraction du
milieu diélectrique (tenseur d’ordre 2), avec c.c. complexe conjugé.
χ(n) susceptibilité non linéaire d’ordre n (tenseur d’ordre Le mélange non linéaire de ces deux champs va induire un
n + 1). vecteur polarisation non linéaire P3(2) (r , t ) qui va contenir les diffé-
P étant source du champ E rayonné à son tour par le milieu opti- rents termes sources suivants :
que, de nouvelles fréquences optiques (ou couleurs), harmoniques
du champ incident, sont réémises par le milieu. Parmi ces phéno- 1
mènes de conversion de fréquence, l’un des plus connu est la P3(2) (r , t ) =ε0 χ (2) : E 1 (r ) E 2 (r ) e−i(ω1+ω 2 )t + c .c .
2
génération de second harmonique qui permet, par exemple, de 1
produire un faisceau laser vert intense à 532 nm à partir du fais- + ε0 χ (2) : E 1 (r ) E *2 (r ) e−i(ω1−ω 2 )t + c .c . (4)
ceau infrarouge à 1 064 nm, invisible à l’œil nu, émis par un laser 2
Nd:YAG [AF 3 272]. 1
+ ε0 χ (2) : E 12 (r ) e−i2ω1t + ...
Du fait des symétries cristallines, de nombreux éléments des 4
tenseurs χ(n) sont nuls. En particulier, lorsque le milieu est centro- Chacun de ces termes sources correspond à la génération d’une
symétrique, tous les tenseurs d’ordre pair deviennent nuls. Ainsi, nouvelle pulsation optique 2 ω1 , 2 ω2 , ω1 + ω2 , ω1 – ω2 , etc. Suppo-
dans de tels milieux, le tenseur de susceptibilité non linéaire sons que, parmi ces différents termes, seul le terme de somme de
d’ordre le plus bas non nul est χ(3) tandis qu’il s’agit de χ(2) dans fréquence de pulsation ω3 = ω1 + ω2 donne lieu à une génération
les milieux non centrosymétriques [E 1 965]. efficace. Cette nouvelle onde de pulsation ω3 va, elle-même, se
Dans la grande majorité des cas (hors résonance et champ appli- mélanger avec chacune des deux ondes incidentes de sorte à créer
qué comparable au champ intra-atomique), on peut limiter le déve- des termes sources de fréquences différences de pulsations
loppement de l’équation (1) à l’ordre de tenseur non linéaire non ω1 = ω3 – ω2 et ω2 = ω3 – ω1 . Les trois ondes vont donc se trouver
nul le plus bas. En conséquence, on se limite à χ(2) dans les couplées les unes aux autres via ces trois processus : un processus

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__________________________________________________________________________________________________ SOURCES PARAMÉTRIQUES OPTIQUES

de somme de fréquences et deux processus de différence de fré-


quences. On parle de mélange à trois ondes. Nous verrons qu’il k2 k1 ∆k
s’agit de l’effet d’optique non linéaire au cœur des sources para-
métriques optiques. |ω2
k3
Sous réserve de certaines hypothèses simplificatrices usuelles – Géométrie colinéaire |ω3
enveloppes lentement variables, ondes planes, supports spectraux
disjoints des trois ondes en interaction – permettant de faire
ressortir les effets prépondérants, on peut montrer, à partir des |ω1
équations de Maxwell, que les trois ondes ainsi couplées vérifient k2 k1
le système d’équations différentielles suivant [1] : ∆k

k3
d ω Géométrie non colinéaire Conservation de l’énergie
E 1 (z ) = − i 1 χ ef(2) E z E * z
f 3( ) 2 ( ) e
−i∆kz (5)
dz 2 n1 c
Figure 1 – Illustrations du désaccord de phase (cas colinéaire
et non colinéaire) et de la condition de conservation de l’énergie
d ω dans le cas du mélange à trois ondes
E 2 (z ) = − i 2 χ eff
(2) E (z ) E * (z ) e−i∆kz
3 1 (6)
dz 2 n 2c

d ω ∆ϕ = π ∆ϕ = π ∆ϕ = π ∆ϕ = π
E 3 (z ) = − i 3 χ eff
(2)
E1(z ) E 2 (z ) e+i∆kz (7)
dz 2n3c Accord
+ χ(2) – χ(2) + χ(2) – χ(2) de phase
(2)
où le scalaire χ eff est le coefficient non linéaire effectif correspon- ∆k = 0
15
dant à la projection du tenseur χ(2) selon les directions de polarisa- Puissance DFG (u. a.) (biréfringence)
tion des trois ondes [E 1 965] et ∆k est le terme de désaccord de
phase défini par : Quasi-accord
de phase
10 ∆k = KQAP
∆k = k 3 − k1 − k 2 (8)

avec kj = 2 π nj ωj /c le vecteur d’onde de l’onde j et nj son indice de


réfraction dans le milieu non linéaire. 5
Désaccord
Par souci de simplicité, nous avons considéré une propagation de phase
colinéaire des trois ondes planes selon l’axe Oz avec : ∆k ≠ 0
0 ∝ 1/∆k2
E j (r ) = e j E (z ) eik j z (9) 0Λc 1Λc 2Λc 3Λc 4Λc
Distance de propagation normalisée
Le même type de relations peut se généraliser sous forme vecto-
rielle, notamment en ce qui concerne le désaccord de phase : Figure 2 – Puissance générée par différence de fréquences (DFG)
∆k = k3 – k1 – k2, comme illustré sur la figure 1. en fonction de la longueur de matériau non linéaire traversée
normalisée à la longueur de cohérence, dans les cas de l’accord de
Pour que l’échange d’énergie entre les trois ondes soit efficace phase parfait, du quasi-accord de phase et du désaccord de phase
au cours de leur propagation, il faut que ∆k ≈ 0, sans quoi le terme
source de chacune des équations différentielles devient un terme
rapidement oscillant ne donnant pas lieu à un couplage effectif. En On peut alors exprimer l’intensité du faisceau généré par diffé-
effet, pour que les interactions non linéaires soient efficaces, la rence de fréquences en fonction de la position dans le matériau
phase relative entre chaque onde et son terme source (polarisation non linéaire :
non linéaire résultant du mélange des deux autres ondes) doit être
2 2
maintenue lors de la propagation dans le milieu non linéaire. Cette  ω (2)   sin (∆kz /2) 
condition, appelée condition d’accord de phase, n’est remplie que I1 (z ) =  1 χ eff  I3 I2   (11)
 2n1 c ∆k /2 
dans certains cas très particuliers présentés dans le paragraphe
1.2. Il est donc très fortuit que la condition d’accord de phase soit avec Ij = ε0c|Ej|2/2, où c est la vitesse de la lumière dans le vide.
simultanément satisfaite pour plusieurs des processus correspon-
dant à différents termes non linéaires de l’équation (4). C’est grâce L’analyse de l’équation (11) permet de mettre en évidence plu-
à cette règle de sélection que l’on peut généralement se limiter au sieurs points fondamentaux relatifs à l’optique non linéaire qua-
cas du mélange à trois ondes décrit ci-dessus. dratique. Premièrement, l’intensité de l’onde générée par
différence de fréquences est proportionnelle au produit des inten-
Pour illustrer davantage l’importance de ce paramètre, consi- sités des deux ondes incidentes, il s’agit donc bien d’un mélange
dérons le cas particulier d’un processus de différence de fréquen- non linéaire quadratique. Lorsque ∆k ≠ 0, l’intensité I1 (z ) croît
ces où deux faisceaux intenses de pulsations ω2 et ω3 sont jusqu’à une distance z = π/∆k ≡ Λc, appelée longueur de cohérence
mélangés dans un matériau non linéaire de sorte à générer un du processus non linéaire. Lorsque z = Λc, l’onde générée et son
faisceau de pulsation ω1 . Au démarrage de l’interaction, on peut terme source non linéaire se trouvent en opposition de phase et
supposer que E2 (z ) = E2 (0) ≡ E2 et E3 (z) = E3 (0) ≡ E3 . Le système des interférences destructives se produisent, conduisant à la dimi-
d’équations régissant le mélange à trois ondes se réduit alors à nution de l’intensité I1 (z ) jusqu’à ce que cette dernière revienne à
l’équation (5) qui admet pour solution : zéro à la position z = 2 Λc . Le cycle de construction-destruction
peut alors recommencer et ainsi de suite comme illustré sur la
ω 1 (2) sin (∆kz / 2) −i∆kz / 2 figure 2. La longueur utile de matériau non linéaire correspond
E 1 (z ) = − i χ E 3 E *2 e (10) donc à la longueur de cohérence Λc . Ainsi, plus ∆k est petit, plus la
2 n1c eff ∆k /2 longueur utile est importante. De plus, comme I1 (Λ c) ∝ Λ c2 ,

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1 ne (θ,ω) = no (2ω)

0,8 ne(θ)
ne(θ′) no

Indice optique
PDFG (u. a.)

0,6

Λc = L
0,4

0,2
ω 2ω Fréquence
0
L’accord de phase est réalisé pour l’angle θ tandis
– 6π – 4π – 2π 0 2π 4π 6π qu’il ne l’est pas pour l’angle θ′
∆k/L

La bande d’acceptance de DFG est définie par la condition Figure 4 – Illustration de l’accord de phase par biréfringence
Λc = L où L est l’épaisseur de matériau et Λc est la longueur dans le cas d’un processus de doublage de fréquence
de cohérence du processus non linéaire.

Figure 3 – Puissance générée par différence de fréquences (DFG) Par exemple, on peut considérer le cas du doublage de fréquence
en fonction du paramètre de désaccord de phase
d’un laser à 800 nm dans un cristal de BBO. Dans ce cas, l’onde
générée à 400 nm est extraordinaire tandis que l’onde fondamentale
nm (θ ) = n800nm, ce qui
e
est ordinaire. La condition à remplir est alors n400 o
l’intensité maximale pouvant être générée est d’autant plus impor-
tante que ∆k est petit. Dans le cas limite où ∆k = 0, on peut faire impose θ = 29,2˚ dans ce matériau.
l’approximation sin x ≈ x. L’intensité I1 (z ) devient alors proportion-
nelle au carré de la distance parcourue quelle que soit cette dis- La méthode d’accord de phase par biréfringence a été démon-
tance (tant que l’hypothèse I1 (z ) 33 I2 , I3 reste vérifiée). Il apparaît trée dès le début des années 1960 [2] [3] et a, pendant longtemps,
donc clairement que les processus pour lesquels ∆k ≈ 0 sont favo- été la seule à être mise en œuvre pour réaliser des dispositifs de
risés par rapport aux autres. Il est également mis en évidence qu’il conversion de fréquence efficaces. Cette méthode souffre néan-
y a une tolérance au désaccord de phase autour d’une situation moins de plusieurs limitations qui ont poussé au développement
d’accord de phase parfait tant que la longueur de cohérence reste de méthodes alternatives. La plus évidente de ces limitations est
supérieure ou égale à la longueur du matériau non linéaire que cette méthode ne peut être réalisée que dans des matériaux
(figure 3). biréfringents. Cela a pour conséquence de mettre hors-jeu plu-
sieurs matériaux non linéaires quadratiques ayant des propriétés
intéressantes.
1.2 Accord et quasi-accord de phase
C’est par exemple le cas de l’arséniure de gallium (GaAs) qui béné-
ficie de nombreux atouts (forte non-linéarité, large fenêtre de trans-
1.2.1 Accord de phase mission optique, maturité technologique) mais est isotrope en ce qui
concerne ses propriétés optiques linéaires.
Comme nous l’avons présenté au paragraphe précédent, il est
nécessaire de remplir la condition d’accord de phase pour permet- De plus, lorsque l’accord de phase par biréfringence peut être
tre un échange d’énergie efficace entre les ondes en interaction, réalisé, l’orientation du cristal permettant de le satisfaire ne corres-
tout le long de la propagation dans le milieu non linéaire. pond généralement pas à celle qui maximise le coefficient non
linéaire. En outre, selon la polarisation de chacune des ondes, il
Dans le cas d’une interaction colinéaire, la condition d’accord de est possible qu’un effet de double réfraction induise une sépara-
phase ∆k = 0 peut se réécrire : tion angulaire des faisceaux laser, donc une perte de recouvre-
ment spatial au cours de la propagation [4].
n 3 ω 3 = n1 ω 1 + n 2 ω 2 (12) En résumé, il faut se contenter des propriétés offertes par les
cristaux disponibles et il est rare de pouvoir trouver des conditions
L’approche usuelle pour réaliser cette condition est de permettant à la fois de réaliser une situation d’accord de phase par
compenser la dispersion chromatique qui conduit généralement à biréfringence et d’optimiser les autres paramètres de couplage
n3 > n1 , n2 car la longueur d’onde plus courte de l’onde 3 est plus non linéaire.
proche des résonances électroniques situées dans l’ultraviolet.
Pour ce faire, une méthode couramment utilisée est de réaliser le
1.2.2 Quasi-accord de phase
mélange à trois ondes dans un cristal non linéaire biréfringent de
sorte à pouvoir jouer sur la biréfringence du matériau pour Plutôt que de réaliser une condition d’accord de phase exacte, le
compenser la dispersion chromatique. Cette méthode appelée
principe du quasi-accord de phase est de compenser périodi-
accord de phase par biréfringence est illustrée sur la figure 4 dans
quement le déphasage accumulé entre chaque onde et son terme
le cas particulier où ω1 = ω2 , plus simple à représenter. Pour réali-
ser l’accord de phase aux longueurs d’onde souhaitées, il est alors source de polarisation non linéaire. Cette approche, proposée dès
nécessaire d’orienter le matériau non linéaire pour que la direction le début des années 1960 [5], n’a pu être mise en œuvre de
de propagation des faisceaux fasse des angles bien particuliers par manière efficace que depuis le milieu des années 1990, suite au
rapport aux axes cristallographiques du matériau. développement du procédé technologique de retournement

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sous champ électrique de la polarité dans les matériaux


ferroélectriques [6]. Grâce à ce procédé, il est possible de réaliser,
dans un cristal, une structure stable dans le temps, composée de
plusieurs domaines de polarités alternées. Lors du passage d’un
(2)
domaine à l’autre, le signe du coefficient non linéaire effectif χ eff + – + – + – + – + – + – + –
est alterné ce qui revient à induire un basculement de π de la
Quasi-accord de phase périodique
phase relative entre chaque onde et son terme source non linéaire.
Ainsi, pour garder une interaction efficace au fur et à mesure de la
propagation dans le matériau, l’approche usuellement retenue est
d’alterner périodiquement la polarité ferroélectrique chaque fois
que le déphasage accumulé vaut π ; le saut de phase supplémen-
taire de π, dû à l’inversion de polarité, permettant de remettre la
phase relative à zéro avant que le sens du transfert d’énergie entre
Quasi-accord de phase périodique
les ondes ne s’inverse. La période de la structure périodique de avec deux réseaux juxtaposés
quasi-accord de phase vaut donc 2 Λc , où Λc est la longueur de
cohérence du processus telle que présentée au paragraphe 1.1.2.
Selon le matériau utilisé et la gamme spectrale considérée, cette
période de quasi-accord de phase varie typiquement entre quel-
ques micromètres et quelques dizaines de micromètres.
Nota : dans certains cas, la longueur de cohérence est trop courte pour réaliser l’inver-
sion périodique souhaitée. Il est alors possible de réaliser l’inversion avec une épaisseur Quasi-accord de phase apériodique « chirpé »
de chaque domaine correspondant à un nombre impair de longueurs de cohérence
(2n + 1) Λc . On parle alors de quasi-accord de phase d’ordre 2n + 1. Pour une épaisseur
totale donnée de matériau non linéaire, cette approche est toutefois d’autant moins Figure 6 – Représentation schématique de plusieurs motifs
efficace que n est élevé. de quasi-accord de phase

On peut montrer que le couplage non linéaire entre les trois


ondes en interaction est alors équivalent à celui qui aurait lieu La plus-value du quasi-accord de phase par rapport à l’accord de
dans le cas d’un accord de phase parfait avec un paramètre de phase par biréfringence est donc de résulter d’un procédé d’ingé-
désaccord de phase effectif : ∆keff = ∆k ± 2π/Λc , et un coefficient nierie qui permet d’optimiser les différents paramètres de l’interac-
(2) /π où χ (2) correspond au coefficient non tion non linéaire. Dans le cas d’une modulation purement
non linéaire égal à 2 χ eff eff périodique de la polarité du matériau, on mime donc artificielle-
linéaire du matériau (figure 2). Du fait de cette réduction du coeffi-
ment les propriétés d’un matériau à l’accord de phase parfait. Les
cient non linéaire d’un facteur π/2, le quasi-accord de phase
possibilités offertes par le quasi-accord de phase sont toutefois
semble, à première vue, moins efficace que l’accord de phase par
beaucoup plus riches car il est possible d’appliquer une figure de
biréfringence. Cependant, il rend possible la sélection des direc-
modulation plus élaborée : plusieurs pistes parallèles dans le
tions cristallographiques les plus favorables et notamment le choix
même cristal ; modulation apériodique ; plusieurs interactions non
du coefficient le plus élevé du tenseur χ(2) qui n’est souvent pas linéaires simultanément ou en cascade... (figure 6).
accessible dans les configurations d’accord de phase par biréfrin-
gence. Pareillement, on peut choisir des directions de propagation Les principales limitations actuelles du quasi-accord de phase
sans double réfraction. Pour une période de quasi-accord de phase sont les suivantes :
donnée, il est possible de faire varier les longueurs d’onde telles – l’épaisseur de matériau est généralement de l’ordre du milli-
que ∆keff = 0 en changeant la température du cristal (figure 5). mètre, ce qui limite l’énergie maximale des impulsions laser en
interaction, à l’exception de développements très récents non
encore commercialisés [7] [8] ;
– seuls un nombre restreint de matériaux peuvent être utilisés
pour réaliser le quasi-accord de phase : les matériaux ferroélectri-
2 500 OPO PPLN 2Λc = 32,03 µm ques (en particulier LiNbO3) et un nombre très limité de semi-con-
ducteurs où la réalisation du motif de quasi-accord de phase se fait
Complémentaire λp = 1 064 nm
par un autre procédé (propagation de domaines alternés par crois-
Longueurs d'onde émises (nm)

2 400
sance par épitaxie [9]).
2 300

2 200
1.3 Effet paramétrique optique

2 100 1.3.1 Amplification paramétrique optique


Considérons le mélange à trois ondes, décrit par le système
2 000
d’équations (5) (6) (7), dans le cas particulier où ∆k = 0 et où le
faisceau de pulsation ω3 est de très forte intensité par rapport aux
1 900 faisceaux de pulsations ω1 et ω2 . On appelle alors le faisceau de
Signal
forte intensité la pompe et on note ωp = ω3 . Les deux autres
55 60 65 70 75 80 faisceaux sont appelés signal, de pulsation ωs , et complémentaire,
de pulsation ωc , avec par convention ωs > ωc .
Température (˚C)
Rappelons que la relation suivante relie les trois pulsations :

Figure 5 – Courbe de quasi-accord de phase en température ωp = ω s + ω c


et points expérimentaux dans le cas d’un OPO PPLN

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SOURCES PARAMÉTRIQUES OPTIQUES _________________________________________________________________________________________________

Cette relation est usuellement appelée relation de conservation


de l’énergie en référence à l’interprétation corpusculaire du Signal
mélange à trois ondes présentée sur la figure 1 : l’énergie du pho-
ton de pompe est égale à la somme des énergies des photons
signal et complémentaire.
Laser χ(2)

Dans le cas où l’intensité de l’onde pompe reste très supérieure


Complémentaire
à celle des deux autres ondes, on peut supposer que dEp (z)/dz = 0
et le système d’équations admet pour solution :
Figure 7 – Illustration corpusculaire du processus
de fluorescence paramétrique
nc ω s *
E s (z ) = E s (0) cosh (g z ) − i E c (0) sinh (g z ) (13)
ns ω c

ns ω c * Cône signal
E c (z ) = E c (0)cosh(g z ) − i E (0)sinh(g z ) (14) visible
nc ω s s
ωs, ks
(2)
avec le gain paramétrique g = χ eff /(2c ) ω s ω c /(ns nc ) Ep (0) . ωc, kc

On remarque donc que les deux ondes, signal et complémentaire,


sont amplifiées lors de la traversée du milieu non linéaire. On parle
d’amplification paramétrique optique. De plus, dans le cas où une ωp, kp
seule des deux ondes est incidente, par exemple le signal, l’onde
complémentaire initialement absente est générée simultanément à Cône complémentaire
l’amplification du signal. D’un point de vue corpusculaire, on peut infrarouge
montrer que, pour chaque photon signal supplémentaire créé, un Reste
photon complémentaire est également créé. Dans le cadre de de pompe UV
l’optique quantique, on parle de création de paires de photons
jumeaux. On peut également montrer qu’à chaque création d’une Figure 8 – Représentation schématique du cône de fluorescence
paire de photons signal-complémentaire, un photon pompe est paramétrique
annihilé. Un transfert d’énergie se produit donc de la pompe vers les
deux ondes signal et complémentaire. Lorsque les intensités des
ondes signal et complémentaire deviennent non négligeables pour les ondes signal et complémentaire. Pour chacun des modes
vis-à-vis de l’intensité pompe, il devient nécessaire de résoudre le du champ électromagnétique, on peut montrer que l’amplification
système d’équations (5)-(7) dans le cas général, en considérant le associée est gouvernée par le gain paramétrique généralisé :
dépeuplement de pompe. Une solution analytique à ce problème
γ = g 2 − (∆k ) 2
existe. Elle est néanmoins relativement complexe et fait intervenir
les fonctions elliptiques de Jacobi. Afin de ne pas alourdir la présen-
Cette approche simplifiée occulte en grande partie toute la
tation, nous ne la détaillerons pas dans cet article. Le lecteur inté-
richesse du traitement quantique, notamment les effets de cohé-
ressé pour en savoir plus sur ce point pourra consulter la
rence et d’intrication, mais elle permet d’avoir une approximation
référence [5] ou un ouvrage plus récent, par exemple [1].
assez fidèle du cône de fluorescence émis en sortie d’un généra-
Le point important à retenir dans ce contexte général est que le teur paramétrique optique (généralement appelé OPG en référence
transfert d’énergie se poursuit de la pompe vers les deux autres à l’acronyme du terme anglais Optical Parametric Generator ).
ondes au fur et à mesure de la propagation jusqu’à ce que l’inté-
Comme illustré sur la figure 8, chacune des directions du cône
gralité de la pompe soit convertie. À partir de ce point, c’est le pro-
correspond à un couple de fréquences (ωs , ωc) pour lesquelles les
cessus inverse qui se produit, à savoir la somme de fréquences
directions de propagation des ondes (ks, kc) vérifient de manière
entre signal et complémentaire pour recréer de la pompe et reve-
approchée une situation d’accord de phase non colinéaire tandis
nir à la situation initiale. Plusieurs processus de conversion-recon-
que la direction de la pompe kp reste fixée. Un autre accord de
version peuvent ainsi se produire. Lors de la conception d’un
phase existe pour un autre couple de fréquences (ω s′ , ω c′ ) corres-
amplificateur paramétrique optique (généralement appelé OPA en
pondant à des directions différentes (ks′ , kc′ ), et ainsi de suite. Il en
référence à l’acronyme du terme anglais Optical Parametric
résulte la génération de deux cônes de lumière superposés, un
Amplifier ), il est donc très important de bien dimensionner le ou
cône signal et un cône complémentaire.
les cristaux non linéaires afin de réaliser la conversion d’énergie la
plus efficace de l’onde pompe vers les deux autres ondes en mini- Lorsque l’intensité crête pompe est très intense, par exemple
misant les effets de reconversion. dans le cas d’impulsions ultrabrèves femtoseconde ou pico-
seconde, le rendement de conversion d’un OPG peut facilement
dépasser plusieurs dizaines de pour-cent. Il est également fréquent
1.3.2 Génération paramétrique optique d’associer un premier étage OPG à un ou plusieurs étages suivants
Dans le cas où seule une onde pompe intense est incidente sur le d’OPA permettant de sélectionner une longueur d’onde précise
milieu non linéaire, on ne parle pas d’amplification paramétrique dans le cône de fluorescence (§ 5). Les OPG sont également au
optique mais de génération paramétrique optique. L’annihilation de cœur de nombreux systèmes de traitement quantique de l’infor-
photons pompe pour générer des paires de photons signal et mation dans lesquels ce sont les propriétés quantiques des paires
complémentaire se produit alors de manière « spontanée » de photons jumeaux qui sont exploitées (§ 6.5).
(figure 7). Cet effet, dit de fluorescence paramétrique, n’apparaît
pas en considérant le système d’équations classiques (5)-(7). Son 1.3.3 Oscillation paramétrique optique
traitement théorique rigoureux nécessite de recourir au formalisme
de l’optique quantique qui dépasse le cadre de cet article [10]. Pour Lorsque le gain simple passage dans un cristal non linéaire est
obtenir un résultat équivalent, tout en conservant un traitement insuffisant pour atteindre une efficacité satisfaisante, on place le
classique du problème, on peut montrer qu’il faut considérer une cristal dans une cavité résonnante afin de réaliser un oscillateur
intensité initiale en entrée de cristal non linéaire équivalente à un paramétrique optique (OPO) selon un principe analogue à celui d’un
demi-photon pour chacun des modes du champ électromagnétique oscillateur laser. Dès lors que le gain paramétrique petit signal à

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Sources laser à fibre et applications

par Marc HANNA


Docteur en sciences pour l’ingénieur
Chargé de recherche au CNRS (Laboratoire Charles Fabry, Institut d’Optique, CNRS,
université Paris-Sud, UMR 8501)

1. Présentation des sources laser à fibre ............................................... E 6 450 - 2


1.1 Fibres optiques actives ................................................................................ — 2
1.2 Qualité de faisceau....................................................................................... — 4
1.3 Architectures des sources lasers ................................................................ — 5
1.4 Équations de populations............................................................................ — 7
2. Différentes technologies pour les lasers à fibre ............................. — 8
2.1 Fibres optiques dopées aux terres rares .................................................... — 8
2.2 Lasers et amplificateurs à fibre Raman ...................................................... — 11
2.3 Autres mécanismes de génération et amplification ................................. — 11
3. Régimes temporels : du continu au femtoseconde ........................ — 12
3.1 Régime continu ............................................................................................ — 12
3.2 Régime déclenché Q-switch (ns) ................................................................ — 12
3.3 Régime de verrouillage de modes (ps, fs) ................................................. — 13
3.4 Amplification à dérive de fréquence (fs) .................................................... — 15
4. Applications ............................................................................................... — 16
4.1 Télécommunications optiques.................................................................... — 16
4.2 Découpage. Soudure. Marquage ................................................................ — 16
4.3 Autres applications ...................................................................................... — 17
5. Conclusion.................................................................................................. — 18
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. E 6 450

ien que mis en œuvre pour la première fois dans les années 1960, les
B lasers à fibre ne sont utilisés de façon courante dans l’industrie que
depuis une dizaine d’années. Ce succès s’explique par leurs propriétés
singulières : ils combinent une grande efficacité optique, une bonne capacité à
dissiper la chaleur, un potentiel d’intégration élevé, et une excellente qualité de
faisceau. Ces propriétés, associées à la possibilité de pompage par diodes
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQR@M@d・イョゥ│イ・@カ。ャゥ、。エゥッョ@Z@。カイゥャ@RPQU

laser de forte puissance, font des lasers à fibre des sources dont la brillance est
particulièrement élevée. De plus, les nombreux développements techno-
logiques liés à l’industrie des télécommunications ont conduit à une grande
fiabilisation des procédés de fabrication et à la disponibilité d’une grande
variété de composants en optique guidée. Cet article s’attache à présenter de
manière générale les lasers à fibre, leurs propriétés, et leurs applications.
Une première partie part des propriétés de guidage des fibres optiques
actives pour déterminer les paramètres optogéométriques pertinents à la mise
en œuvre de sources laser à fibre. Les différents schémas de pompage optique
sont discutés. La qualité de faisceau est définie et les principales architectures
utilisées autour de la fibre optique active sont décrites. Enfin, un modèle basé
sur les équations de populations couramment utilisé est présenté, permettant
de déterminer quantitativement les performances des sources laser à fibre.
Dans la deuxième partie, nous présentons les mécanismes d’amplification
optique dans les fibres optiques, les différentes technologies qui leur sont

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SOURCES LASER À FIBRE ET APPLICATIONS _____________________________________________________________________________________________

associées, ainsi que les domaines du spectre optique qui peuvent être atteints
en les utilisant. Trois terres rares dont les transitions radiatives sont couram-
ment employées pour l’amplification optique, l’erbium, l’ytterbium, et le
thulium, font l’objet d’une attention particulière. Des solutions plus polyva-
lentes en termes de domaine spectral, comme la diffusion Raman stimulée,
l’amplification paramétrique optique, ou la génération de supercontinuum,
sont brièvement présentées.
Les lasers à fibre peuvent être configurés pour émettre dans des régimes
temporels très différents : le rayonnement émis peut être continu, et même
monomode longitudinal, mais aussi être composé d’impulsions de durées
variables, jusqu’au régime femtoseconde. Nous présentons dans une troisième
partie les architectures laser permettant d’atteindre ces régimes, et les paramè-
tres qui influencent les propriétés des impulsions émises.
Enfin, nous décrirons les principales applications des sources laser dans dif-
férents domaines de l’industrie, de la médecine et biologie, et de la physique.
Nous verrons que les principales applications des lasers à fibre de forte puis-
sance dans l’industrie sont le découpage, la soudure, le marquage laser. Les
divers régimes temporels accessibles par les sources à fibre permettent
l’obtention de qualités de découpe ou de marquage très différentes. D’autres
applications plus spécifiques seront également examinées, telles que les cap-
teurs, les lidars, la métrologie de fréquence par peigne femtoseconde, ou des
applications en imagerie des tissus biologiques.

1. Présentation des sources ensuite la structure des fibres actives et introduisons des notions
de qualité de faisceau. Enfin, les principales architectures de cavi-
laser à fibre tés et de manière plus générale de sources laser à fibre sont décri-
tes, et nous introduisons un modèle théorique permettant de
prédire de façon quantitative les performances des oscillateurs et
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est important de donner un amplificateurs.
aperçu global des performances des lasers à fibre et des raisons de
leur succès. La puissance moyenne obtenue dans un faisceau limité
par diffraction peut atteindre plusieurs kilowatts en régime continu. 1.1 Fibres optiques actives
Cette puissance moyenne impressionnante est due en partie à la
géométrie de la fibre optique qui agit comme un très bon dissipa- Nous désignons par « fibres optiques actives » les fibres dont le
teur thermique du fait du grand rapport entre la surface d’échange cœur incorpore un dopant possédant des transitions résonnantes à
avec l’extérieur et le volume total. Cette puissance atteint 50 kW la longueur d’onde de la lumière guidée. Ces fibres optiques per-
pour des systèmes dont la qualité de faisceau n’est pas parfaite. mettent ainsi l’amplification optique par émission stimulée. Ce
Les sources à fibre optique permettent également la génération mécanisme n’est pas le seul qui permette l’amplification de la
d’impulsions optiques. Que ce soit en régime d’impulsions nano- lumière, et nous verrons ci-après que certains effets non linéaires
seconde ou femtoseconde, les puissances moyennes générées comme l’effet Raman ou le mélange à quatre ondes permettent de
atteignent plusieurs centaines de watts, et la limite en énergie par construire des amplificateurs et des lasers à fibre en utilisant des
impulsion est de quelques millijoules. Ces performances sont fibres passives. Ces mécanismes d’amplification sont néanmoins
généralement obtenues au moyen de fibres dopées ytterbium. Les beaucoup moins utilisés.
lasers à fibre permettent la génération d’impulsions très courtes,
de l’ordre de 30 fs à la fois autour de 1 µm (fibres dopées ytter-
bium) et autour de 1,55 µm (fibres dopées erbium).
1.1.1 Fabrication des fibres dopées
aux terres rares
Enfin, les lasers à fibre, combinés avec des fibres optiques très
non linéaires, permettent la génération de supercontinuum dont le 1.1.1.1 Création du profil d’indice par déposition
spectre s’étend du visible à l’infrarouge moyen. Ces sources de vapeur (MCVD)
gardent une grande cohérence spatiale, ce qui justifie l’appellation
de « laser blanc ». Ce paragraphe vise uniquement à donner une idée des tech-
niques de fabrication utilisées [1] pour en comprendre l’incidence
Ces performances uniques, associées à un niveau d’intégration sur les performances des lasers à fibre. Elle ne constitue en aucun
très élevé et à une grande robustesse, justifient l’explosion de leur cas une description détaillée. La technique la plus courante pour la
utilisation dans l’industrie et dans le monde scientifique. fabrication de préformes est appelée MCVD pour Modified Chemi-
Nous nous attachons dans ce paragraphe 1 à décrire les proprié- cal Vapor Deposition. Elle consiste à chauffer un capillaire de
tés géométriques et l’architecture générale des sources laser à verre, la préforme, à l’aide d’une flamme, en introduisant simulta-
fibre optique, et de les relier à leurs caractéristiques. Une première nément dans le capillaire des précurseurs chimiques, sous forme
partie aborde brièvement les méthodes de fabrication des fibres gazeuse, des oxydes qu’on désire obtenir. Cette composition peut
dopées aux ions terres rares afin d’en donner une idée générale et être modifiée en cours de processus afin d’obtenir à la fois le profil
d’en comprendre les limitations technologiques. Nous abordons d’indice voulu et l’inclusion d’ions terre rare.

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______________________________________________________________________________________________ SOURCES LASER À FIBRE ET APPLICATIONS

Par exemple, les dopants tels que le germanium, l’aluminium ou le


phosphore sont utilisés pour élever l’indice de réfraction du verre.
n2
θmax
Les dopants peuvent être utilisés pour améliorer la solubilité de 2a n1
l’ion actif et repousser ainsi la formation d’agrégats (clusters). À la
fin du processus, le tube est refermé par chauffage à environ
2 000 oC. De nombreuses autres techniques utilisant la déposition
de vapeurs existent, comme par exemple l’OVD (Outside Vapor Figure 1 – Géométrie d’une fibre optique à saut d’indice
Deposition), pour laquelle les suies sont déposées autour d’un bar-
reau qui est ensuite retiré.
Pour une compréhension plus fine du phénomène de guidage
À partir de cette préforme dont les dimensions sont macrosco- dans la fibre, l’approche électromagnétique est nécessaire et mène
piques (typiquement quelques centimètres de diamètre pour un à la notion de mode transverse. Un mode est une configuration du
mètre de long), une tour de fibrage permet d’étirer la préforme en champ électromagnétique qui se propage sans se déformer spatia-
la chauffant à une température proche du point de fusion, ce qui lement ou s’atténuer dans la fibre. Tout champ qui est guidé dans
permet de tirer une version homothétique de la préforme, mais de la fibre peut alors être décomposé sur la base de ces modes
dimensions transverses réduites, et de plus grande longueur. À transverses. Un paramètre critique pour évaluer le nombre de
titre d’exemple, la longueur de fibre fabriquée avec une seule pré- modes d’une fibre est la fréquence normalisée V :
forme peut être de plusieurs kilomètres. Ces dimensions sont
contrôlées par la vitesse de tirage, qui est ajustée continuellement 2π
afin d’obtenir une fibre de diamètre constant. V= a n12 − n22 (2)
λ
Il est important de prendre conscience du fait que les caractéris-
tiques chimiques du verre ont une incidence sur les paramètres où λ est la longueur d’onde de la lumière se propageant dans la
laser tels que les sections efficaces et leur dépendance en lon- fibre.
gueur d’onde, les effets parasites comme l’absorption de l’état
excité, et la réduction du temps de vie du niveau excité par agré- Lorsque V est suffisamment grand (V > 10), le nombre de modes
gats (concentration quenching). L’indice non linéaire du matériau, supportés par une fibre est environ égal à V2/2. Lorsqu’une fibre
responsable de l’effet Kerr qui limite les performances des lasers à optique ne supporte qu’un seul mode, ce qui correspond à la
fibre impulsionnels, dépend également de la nature chimique de la condition V < 2,405, on dit qu’elle est monomode. Pour une fibre à
fibre. La nature chimique exacte de la fibre et son processus de saut d’indice, cet unique mode est très proche du champ d’un fais-
fabrication déterminent donc en partie les propriétés des sources ceau gaussien dans le plan de son waist.
lasers construites autour de ces fibres. Ces considérations, bien que strictement valables uniquement
pour les fibres à saut d’indice, permettent de cerner le
1.1.1.2 Création du profil d’indice par microstructuration comportement modal pour toutes les fibres basées sur le guidage
par réflexion totale interne, qui possèdent en réalité un profil
Une autre technique de fabrication de préforme consiste à d’indice qui peut s’écarter significativement du saut d’indice. À la
assembler des capillaires et des tubes, le plus souvent de silice longueur d’onde de 1 µm, les fibres monomodes typiques
pure, pour constituer un assemblage dont la distribution trans- possèdent un cœur de 6 µm de diamètre.
verse est structurée par du verre et de l’air. Bien sûr, l’inclusion de
barreaux de silice dopée aux terres rares est également possible. La symétrie de révolution des fibres optiques ainsi que l’isotro-
L’assemblage ainsi constitué est utilisé comme une préforme et pie des matériaux amorphes impliquent qu’en théorie leurs pro-
peut être étiré dans une tour de fibrage. Ce procédé est connu priétés sont indépendantes de l’état de polarisation de la lumière.
sous le nom de « stack and draw » [2]. Dans une section transverse En pratique, les défauts de fabrication entraînent une biréfringence
de la fibre finale, la dimension typique des structures air-verre est faible, mais non nulle, de direction aléatoire, qui peut s’accumuler
inférieure à la longueur d’onde, et la microstructure permet ainsi sur plusieurs mètres et modifier l’état de polarisation de la
de modifier l’indice de réfraction effectif vu par la lumière sans lumière. Les courbures de la fibre peuvent également induire une
recourir à des dopants. Contrairement à la technique MCVD, ce telle modification de l’état de polarisation. Pour certaines appli-
procédé permet de fabriquer des structures sans symétrie cylin- cations, et en particulier pour réaliser des sources laser, on sou-
drique, et laisse une grande liberté de géométrie et d’ingénierie haite conserver un état de polarisation constant en sortie de fibre.
des propriétés finales de la fibre microstructurée. On utilise alors des fibres dites « à maintien de polarisation », pour
lesquelles une assez forte biréfringence (typiquement ∆n = 10–3)
est introduite volontairement lors de la fabrication de la fibre. Cela
1.1.2 Paramètres optogéométriques des fibres est fait généralement en introduisant des barreaux de contraintes
dont les centres sont placés de part et d’autre du cœur de la fibre.
1.1.2.1 Fibres monomodes Cette biréfringence déterministe induit une constante de propa-
La structure géométrique d’une fibre optique à saut d’indice est gation différente pour chacun des états propres de polarisation
schématisée sur la figure 1 [3]. Le cœur, d’indice de réfraction (champ électrique aligné selon l’axe formé par les centres des bar-
optique n1, et de rayon a, est l’endroit où la lumière est confinée. reaux ou champ électrique orthogonal à cet axe), qui affaiblit
La gaine possède un indice n2 inférieur. Une première façon considérablement le couplage entre ces modes. L’état de polari-
d’appréhender le guidage de la lumière par cette structure provient sation est donc conservé si la polarisation d’entrée correspond à
de l’optique géométrique. Un rayon incident sur l’interface cylin- un de ces états propres.
drique entre le cœur et la gaine est réfléchi totalement si l’angle
d’incidence est supérieur à l’angle critique, qui dépend du 1.1.2.2 Fibres double gaine
contraste d’indice entre les deux régions. Cette condition permet
Comme nous le verrons par la suite, les fibres optiques sont
de définir l’ouverture numérique de la fibre :
pompées optiquement. Le faisceau de pompe doit exciter les ions
actifs présents dans le cœur et, par conséquent, doit se propager
ON = sin (θmax ) = n12 − n22 (1) dans le cœur avec le signal à amplifier ou le signal laser. Le cœur
étant souvent monomode, il faut donc injecter dans la fibre un
où θmax est l’angle maximal satisfaisant la condition de réflexion faisceau de pompe de très bonne qualité spatiale. En effet l’effica-
totale interne dans la fibre. Cet angle représente la divergence du cité de couplage d’un faisceau dans la fibre est liée au recouvre-
faisceau en sortie de fibre optique. ment entre le champ et le mode de la fibre sur la face d’entrée. Le

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Fibre standard Fibre LMA Cœur pompe Cœur signal


n n
Gaine multimode et dopé
pompe gaine signal monomode

Pompe

Signal

Figure 3 – Principe de l’amplification optique dans une fibre


Fibre double gaine Fibre LMA double gaine à double gaine
n n

linéaires tels que l’effet Kerr, l’effet Raman, ou l’effet Brillouin. Ce


dernier limite plus particulièrement la puissance des sources laser
continues monofréquence, alors que les deux premiers effets sont
gênants en régime impulsionnel. Ces effets néfastes sont d’autant
plus importants que l’intensité optique est forte, et leur seuil
d’apparition peut donc être augmenté en utilisant des fibres dont
la surface de mode est la plus grande possible. L’équation (2)
montre que pour augmenter la taille du cœur à longueur d’onde
constante, tout en restant monomode, la seule solution est de
Figure 2 – Coupes transverses et profils d’indice des fibres à large diminuer le contraste d’indice, ou, de façon équivalente, l’ouver-
aire modale et à double gaine ture numérique de la fibre. C’est donc ce qui est fait pour les fibres
optiques actives destinées à fabriquer des lasers de forte puis-
sance, comme schématisé sur la figure 3. Ces fibres sont appelées
faisceau de pompe étant souvent issu de sources à diodes laser, « fibres à large aire modale » ou Large Mode Area (LMA). Ainsi, le
cela limite fortement la puissance de pompe. En effet, les diodes diamètre typique de 6 µm pour une fibre monomode à 6 µm passe
laser monomode sont à l’heure actuelle limitées en puissance à à environ 20 µm pour une fibre LMA standard. Ce diamètre peut
quelques centaines de milliwatts, principalement par le phéno- aller jusqu’à 40 µm pour les fibres microstructurées. Au-delà de ce
mène de dommage optique sur les facettes de la diode laser. diamètre, le contraste d’indice nécessaire pour avoir une fibre
Afin de s’affranchir de cette limitation, une géométrie de fibre monomode est si petit que le guidage devient très faible. La
astucieuse est couramment utilisée depuis une dizaine d’années. moindre courbure suffit alors à faire fuir la lumière hors du cœur,
La fibre est constituée de deux cœurs différents concentriques, un ce qui explique que certaines fibres sont fabriquées avec une
petit cœur monomode pour guider le signal, et un cœur multi- gaine extérieure en silice très épaisse afin de conférer une rigidité
mode plus gros pour guider la pompe [15], comme représenté sur à l’ensemble. Ces fibres détiennent le record d’aire modale, avec
la figure 2. Cela assure à la fois une bonne qualité de faisceau un diamètre de cœur de 100 µm, et sont connues sous le nom de
pour le signal et la possibilité d’utiliser des diodes de forte puis- « rod-type fibers ». Contrairement aux fibres classiques, leur rigi-
sance pour la pompe, dont la qualité de faisceau est généralement dité limite la facilité d’intégration dans les systèmes lasers.
mauvaise. Cette géométrie diminue le recouvrement spatial entre
Notons que les fibres à large aire modale sont souvent légè-
le signal et la pompe, mais cela ne constitue pas un facteur
rement multimodes en pratique, la qualité du faisceau émis
limitant dans une structure guidante dont la longueur peut être
dépend donc souvent des conditions d’utilisation externe. En parti-
presque arbitrairement augmentée pour optimiser l’absorption de
culier, la condition d’injection et la façon dont la fibre est enroulée
la pompe. Il s’agit d’ailleurs d’un critère important pour le choix de
jouent un rôle significatif, et peuvent permettre un faisceau de
la longueur de fibre d’un oscillateur ou d’un amplificateur à fibre.
bonne qualité même si la fibre est légèrement multimode. Parfois,
Pour les systèmes de diodes laser de pompe qui sont couplés à le profil du dopage dans la fibre permet également d’amplifier pré-
des fibres optiques multimodes, une règle simple à suivre pour férentiellement le mode fondamental.
déterminer la condition de bon couplage de la pompe au cœur
multimode de la fibre active est la conservation de l’étendue
géométrique : le produit diamètre × ouverture numérique de la 1.2 Qualité de faisceau
fibre multimode du système de pompe doit être inférieur à celui
du cœur de pompe de la fibre active. Dans ce cas, un système
optique bien choisi permet un couplage efficace de la puissance de La qualité de faisceau est un critère essentiel dans le choix d’une
pompe dans la fibre active. source laser. Il y a de multiples façons de définir cette qualité, qui
est liée à la capacité de focaliser un faisceau sur une petite surface
pour une divergence du faisceau donnée. Pour les applications de
Par exemple, un système de diodes de pompe couplées à une découpe, soudure, ou marquage laser, en particulier, cette qualité
fibre multimode de diamètre 400 µm et d’ouverture numérique 0,22 de faisceau détermine la distance de la dernière optique à l’objet
peut être utilisé pour pomper une fibre dont le cœur de pompe a un qui doit être traité, et constitue donc un paramètre très important.
diamètre de 200 µm et une ouverture numérique de 0,5. Dans le contexte des lasers à fibre, deux grandeurs sont principa-
lement utilisées pour quantifier la qualité de faisceau.
1.1.2.3 Fibres Large Mode Area (LMA)
Le Beam Parameter Product (BPP) est le produit entre le rayon
Nous verrons qu’un des avantages majeurs des sources laser à du faisceau au foyer et la divergence en champ lointain du même
fibre est la forte puissance moyenne disponible. Un des phéno- faisceau. Il est souvent exprimé en mm · mrad. Il existe de nom-
mènes qui limite cette puissance est l’apparition d’effets non breuses façons de définir le rayon du faisceau, selon les habitudes,

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INNOVATION

Sources supercontinuum
à fibre optique
La révolution du laser blanc

par Alexandre KUDLINSKI


Maître de conférences
Université Lille 1, laboratoire PhLAM
et Arnaud MUSSOT
Maître de conférences
Université Lille 1, laboratoire PhLAM

Résumé : Les sources supercontinuum, ou encore « lasers blancs », sont constituées


dans leur plus simple configuration d’un laser puissant injecté dans une fibre optique.
Le développement conjoint des lasers et des fibres microstructurées ayant atteint un
degré de maturité suffisamment élevé, des sources supercontinuum sont maintenant
disponibles commercialement. Elles sont principalement utilisées en imagerie de
fluorescence, en cytométrie en flux ou en métrologie de façon générale.

Abstract : Supercontinuum sources, also known as “white lasers”, are made of a


powerful laser launched into an optical fiber, in their simplest form. The simultaneous
development of lasers sources and microstructured fibers has reached a sufficiently
high degree of maturity so that supercontinuum sources are now commercially
available. They are mainly used in fluorescence imaging, flow cytometry or characteri-
zation of optical components.

Mots-clés : Fibres optiques, sources laser, effets non linéaires, microscopie de


fluorescence

Keywords : Optical fibers, laser sources, nonlinear effects, fluorescence


microscopy

Points clés
Domaine : Optique
Degré de diffusion de la technologie : Émergence | Croissance | Maturité
Technologies impliquées : sources laser, fibres optiques
Domaines d’application : métrologie, microscopie, imagerie
Principaux acteurs français :
Pôles de compétitivité :
Centres de compétence : Université de Franche-Comté (Institut Femto-ST),
Université Lille 1 (PhLAM), Université de Limoges (XLIM), Université de Bourgogne
(ICB)
Industriels : Leukos (France), Fianium (UK), NKT Photonics (Danemark)
Autres acteurs dans le monde : University of Bath (UK), Imperial College
London (UK), Technical University of Denmark (Denmark), University of Techno-
logy of Tempere (Finland), University of Auckland (New Zealand)
p。イオエゥッョ@Z@ュ。イウ@RPQQ

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INNOVATION

1. Bref historique sur les sources 2. Propagation linéaire et non


de lumière blanche linéaire dans les fibres optiques
La source de lumière blanche la plus ancienne et la pre- 2.1 Dispersion chromatique de vitesse
mière à avoir été utilisée d’un point de vue scientifique par
l’homme est le Soleil. Au XIXe siècle, les premières lampes
de groupe
à incandescence ont vu le jour et ce principe a largement Les fibres optiques sont en général principalement
été utilisé comme source de lumière jusqu’à l’invention du constituées de verre de silice, qui est un matériau dispersif,
laser dans les années 1960 par Maiman [1]. La cohérence c’est-à-dire que son indice de réfraction dépend de la longueur
temporelle et spatiale ainsi que la densité de puissance d’onde. Par conséquent, chaque composante spectrale d’une
sans commune mesure avec les sources thermiques ont impulsion se déplace à une vitesse différente des autres :
rapidement placé les sources laser en haut de l’affiche. c’est la dispersion chromatique de vitesse de groupe. Ce phé-
nomène se caractérise par une modification du profil temporel
Cependant, de par ses qualités, le laser n’est susceptible de l’impulsion à la sortie du milieu de propagation.
d’émettre qu’une seule longueur d’onde, ce qui se révèle
limitant pour certaines applications. Les scientifiques, et Dans une fibre optique, la dispersion chromatique totale
notamment Alfano [2], ont donc cherché à générer de nou- dépend de la dispersion intrinsèque du matériau (la silice) et
velles fréquences en faisant interagir le champ électrique de celle imposée par la géométrie du guide d’onde (la fibre).
puissant délivré par les lasers avec différents matériaux Théoriquement, pour prendre en compte la dépendance spec-
massifs. Ces interactions non linéaires ont rapidement trale de la constante de propagation β (ω ) dans le cadre de la
donné des résultats intéressants et, afin d’exalter encore propagation d’impulsions lumineuses, on effectue en général
plus ces élargissements spectraux, des premiers essais ont un développement de Taylor autour de la pulsation centrale ω0
été réalisés dans des fibres optiques. En effet, le fort du signal :
confinement du mode optique qu’elles permettent sur une
grande distance est extrêmement propice à ce type d’appli- 1 1
cations. Le terme « continuum » a d’ailleurs été introduit β (ω ) = β 0 + β1 (ω − ω 0 ) + β2 (ω − ω 0 )2 + β3 (ω − ω 0 )3 + ... (1)
2 6
dès 1980 suite aux résultats remarquables obtenus dans
une fibre optique [3].
 dm β  1 dβ1
où βm =   avec m = 0, 1, 2..., β1 = et β2 = .
De nombreux travaux ont suivi et on a alors compris que les  dω  ω =ω
m vg dω
ingrédients de base nécessaires à la génération de super- 0

continuum étaient constitués d’un laser puissant et d’une fibre Physiquement, le terme β1 est inversement proportionnel à
optique à très petit cœur avec une faible dispersion anormale la vitesse de groupe vg de l’impulsion, et le terme β2 caracté-
à la longueur d’onde de pompe. Malheureusement, jusqu’à rise ainsi sa dispersion chromatique. Notons qu’on utilise
l’invention des fibres microstructurées, cette adéquation n’a généralement le paramètre de dispersion D (en ps/nm/km),
jamais pu être efficacement atteinte. En effet, les lasers qui exprime la dispersion chromatique de la vitesse de groupe
titane-saphir délivrant des impulsions de plusieurs centaines par rapport à la longueur d’onde λ et qui est relié à β2 par la
de kilowatts aux alentours de 800 nm ou les lasers YAG émet- relation :
tant aux alentours de 1 µm, n’ont jamais pu être combinés à
des fibres adaptées. En effet, les fibres standards sont carac- 2πc
D=− β2 (2)
térisées par une longueur d’onde de dispersion nulle le plus λ2
souvent supérieure à 1,2 µm, ce qui empêche le pompage de
avec c vitesse de la lumière dans le vide (3 · 108 m/s).
la fibre en zone de dispersion anormale avec les lasers préci-
tés. Selon le signe de D (ou β2), on distingue deux types de
régime de dispersion chromatique de vitesse de groupe :
L’invention des fibres microstructurées [4] en 1996 a – lorsque D < 0 (ou encore β2 > 0), on parle de dispersion
complètement changé la donne. Le premier résultat mar- normale (en référence au comportement de la lumière visible
quant obtenu avec ce type de fibres fut certainement de dispersée par un prisme de verre par exemple) : les
conduire à la fabrication d’une fibre optique fortement non composantes spectrales rouges de l’impulsion voyagent alors
linéaire dont le zéro de dispersion se situe à 800 nm. Un plus vite que les bleues ;
supercontinuum de plus d’une octave a alors été – lorsque D > 0 (ou encore β2 < 0), on parle de dispersion
démontré [5], impulsant alors un intérêt sans précédent anormale et le comportement est opposé : les composantes
pour cette thématique depuis une dizaine d’années. Le prix spectrales bleues de l’impulsion voyagent plus vite que les
Nobel de physique obtenu par T. W. Hänsch en 2005 est rouges.
d’ailleurs intimement lié aux progrès réalisés dans cette
thématique. La figure 1a représente schématiquement le comportement
temporel des impulsions lumineuses dans ces deux régimes.
Après avoir rappelé les propriétés linéaires et non linéai- Notons que dans les fibres usuelles, il existe alors une
res de base d’une fibre optique, nous introduirons briève- longueur d’onde λ0 pour laquelle la dispersion chromatique de
ment les fibres microstructurées. Ensuite, même si la vitesse de groupe s’annule. Celle-ci est appelée longueur
dynamique de formation des supercontinua est complexe, d’onde de dispersion nulle, et vaut environ 1 310 nm dans le
nous nous attacherons à en formuler une explication de cas de la fibre de télécom standard présentée sur la figure 1a.
base, simple mais qui devra être complétée par la lecture
des références plus précises pour les lecteurs désirant plus 2.2 Non-linéarité
de détails. Enfin, nous présenterons différents résultats
expérimentaux caractéristiques et fournirons un ensemble Dans ce paragraphe, nous allons introduire brièvement la
d’informations permettant de choisir et d’acquérir ce type notion de non-linéarité dans les fibres optiques. Les lecteurs
de sources. désirant approfondir l’étude de ces phénomènes pourront se

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INNOVATION

Notons que dans les fibres optiques, le deuxième ordre est


négligé en raison de la centro-symétrie de la silice
D (ps/(nm · km))

20 constitutive. Le premier terme responsable des effets non


Normale Anormale linéaires est donc le terme d’ordre trois.
z La présence du terme non linéaire du troisième ordre se tra-
10 duit par une modification du spectre de l’impulsion lumineuse
au cours de sa propagation, c’est-à-dire par l’apparition de
nouvelles fréquences. Pour certaines applications, ces effets
0
λ0
peuvent être considérés comme des inconvénients puisqu’ils
induisent une déformation de l’impulsion. Par contre, on peut
en tirer profit pour, par exemple, réaliser des sources de
– 10 lumière blanche (les sources supercontinuum) ou des amplifi-
cateurs large bande pour les télécommunications (amplifica-
z teurs Raman).
– 20
1 200 1 300 1 400 1 500 2.2.1 Effet Kerr
Longueur d'onde (nm)
Comme nous venons de le voir, la présence d’un champ
intense peut modifier les propriétés du matériau. Ainsi, l’indice
a courbe de dispersion chromatique d'une fibre
de réfraction d’un milieu transparent dépend de l’intensité du
de télécommunication standard (type SMF28)
champ optique qui se propage dans celui-ci. Ce principe est
et illustration des phénomènes de dispersion
normale et anormale
connu sous le nom d’effet Kerr optique. Ce dernier est souvent
considéré comme instantané et provient de la déformation
(par le champ optique), de la répartition des charges électro-
niques des molécules de silice. L’indice de réfraction s’écrit
sous la forme :

n (ω , I ) = n (ω ) + n2 I (4)

avec n (ω ) indice de réfraction linéaire du matériau,


I intensité du champ optique,
n2 indice de réfraction non linéaire.

λ Cette modification d’indice entraîne un déphasage non


linéaire sur l’onde optique se propageant. Ce déphasage non
linéaire ϕNL s’écrit :
b illustration de l'élargissement
spectral par effet Kerr
2 π n2
ϕ NL = LI = γ PL (5)
Figure 1 – Dispersion chromatique de vitesse de groupe λ

2 πn2
tourner vers la littérature spécialisée, très conséquente dans avec P = Aeff I et γ = .
λ Aeff
ce domaine (voir la référence [6] par exemple).
Le développement des lasers dans les années 1960 [1] a avec Aeff aire effective du mode guidé,
permis la génération d’ondes lumineuses de très fortes γ coefficient non linéaire de la fibre.
puissances crêtes, jamais atteintes auparavant. En effet,
l’amplitude du champ électrique associé aux ondes émises par Comme l’illustre la figure 1b, on peut montrer que le
les lasers approche celle des champs liant les électrons aux déphasage non linéaire induit l’apparition de nouvelles fré-
noyaux des atomes ou molécules (de l’ordre de 108 à quences au sein de l’impulsion lumineuse. De plus, ce proces-
109 V/m). Dans ce cas, les principes de l’optique linéaire ne sus non linéaire se traduit par un décalage des composantes
sont plus valables et des effets dits « non linéaires » spectrales rouges vers le front de l’impulsion et des
apparaissent. composantes spectrales bleues vers la queue de l’impulsion,
phénomène opposé aux effets de dispersion en régime de dis-
Ces effets non linéaires sont définis à partir de la polari- persion anormale (D > 0, ou β2 < 0).
sation p du matériau, comportant la réponse linéaire pL du
matériau à un champ électromagnétique faible et la réponse 2.2.2 Solitons optiques
non linéaire pNL , qui est liée à l’application d’un champ élec-
tromagnétique intense d’amplitude E. Ces deux composantes Un soliton optique est une impulsion lumineuse subissant les
sont liées au champ électrique présent dans le milieu par la effets antagonistes de la dispersion chromatique anormale et
relation suivante : de l’effet Kerr. En effet, en régime de dispersion anormale, les
composantes spectrales bleues de l’impulsion voyagent plus
p = pL + pNL = ε0 χ (1) E + ε0 χ (2) E 2 + ε0 χ (3) E 3 (3) vite que les rouges, alors que l’effet Kerr induit le phénomène
inverse. On parle alors de soliton lorsque ces deux effets se
compensent parfaitement. Ce phénomène se retrouve dans
avec ε0 permittivité diélectrique du vide,
plusieurs domaines de la physique, comme l’optique, la
χ(i) susceptibilité du ie ordre. physique des plasmas ou l’hydrodynamique. Mathémati-

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Lasers à impulsions ultrabrèves :


applications

par Éric AUDOUARD


Professeur des Universités
Telecom Saint Étienne/Laboratoire Hubert Curien (CNRS 5516)
Université Jean Monnet – Université de Lyon

1. Nature spécifique de l’interaction laser-matière E 6 455 - 2


en mode ultrabref.....................................................................................
1.1 Rôle de la longueur d’onde ........................................................................ — 3
1.2 Rôle du matériau......................................................................................... — 4
1.3 Rôle de la durée d’impulsion ..................................................................... — 5
1.4 Rôle de la cadence ...................................................................................... — 5
2. Mécanismes d’ablation et contrôle des procédés ......................... — 7
2.1 Importance des outils de simulation ......................................................... — 7
2.2 Connaissance des taux d’ablation ............................................................. — 8
2.3 Seuil d’ablation, aptitude au nano-usinage .............................................. — 8
2.4 Nanostructuration de surface : une spécificité encore incomprise ........ — 9
3. Comment mettre en œuvre une application des impulsions
ultrabrèves ? .............................................................................................. — 10
3.1 Types d’application ..................................................................................... — 11
3.2 Types de sources laser utilisées ................................................................ — 12
3.3 Station de travail ......................................................................................... — 14
4. Grands domaines d’application............................................................ — 16
4.1 Domaine médical ........................................................................................ — 16
4.2 Domaine automobile .................................................................................. — 18
4.3 Domaine du marquage ............................................................................... — 19
4.4 Autres domaines ......................................................................................... — 20
5. Conclusion.................................................................................................. — 20
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. E 6 455
p。イオエゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@RPQQ@M@d・イョゥ│イ・@カ。ャゥ、。エゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPQY

es impulsions ultrabrèves sont une nouvelle technologie laser permettant


L l’accès à un mode d’interaction laser-matière très original par rapport aux
mécanismes d’interaction à la base des procédés laser conventionnels. Les
impulsions laser ultrabrèves recouvrent un domaine de durée d’impulsion
allant de la femtoseconde (10–15 s) à la picoseconde (10–12 s). Ces impulsions
peuvent être à l’origine de technologies innovantes mais il s’agit de bien
comprendre leurs spécificités pour les utiliser à bon escient. Nous n’évoque-
rons pas dans cet article le domaine des hautes énergies laser (celui des
grands instruments comme le Laser MégaJoule, LMJ), où les technologies
femtosecondes jouent aussi un rôle. Nous envisagerons plutôt le domaine des
énergies associées aux applications industrielles, réelles ou potentielles, des
impulsions ultracourtes. L’article [AF 3 282] présente en détail les principes de
fonctionnement des lasers femtosecondes, nous insisterons donc davantage
sur les caractéristiques de l’interaction laser-matière en mode ultrabref pour en
saisir toutes les conséquences.

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LASERS À IMPULSIONS ULTRABRÈVES : APPLICATIONS ____________________________________________________________________________________

Il convient de maîtriser le procédé laser lui-même avant de passer à l’étape


de l’industrialisation. Cela est déjà vrai pour l’ensemble des applications laser
et l’est encore plus pour les applications de l’ultrabref. D’où la question : quand
cette technologie réussira-t-elle à sortir du laboratoire ? Les lasers femtose-
condes sont très largement utilisés dans les différents domaines de la
recherche, et sont associés à une abondante production scientifique. Les phé-
nomènes physiques peuvent être « vus » à une échelle de temps inaccessible
autrement. Très tôt, il a été possible d’imaginer que cette spécificité pouvait
conduire aussi à des applications dans le secteur industriel, applications inno-
vantes car capables de produire des réalisations jusqu’alors techniquement
impossibles. Mais une telle technologie est-elle capable d’atteindre le stade
industriel ? En France, plusieurs centres techniques se sont résolument
engagés dans cette voie depuis les années 2000, dans un contexte de forte
compétition, essentiellement en Allemagne et au Japon. Grâce au développe-
ment très précoce en France de sources laser adaptées aux applications
industrielles, ces technologies ont désormais atteint la maturité nécessaire
pour passer le cap industriel : une machine de production dans le domaine
de la mécanique a par exemple été installée dès 2009 à Saint-Étienne
(cf. figure 21 dans § 4), grâce à une collaboration originale entre industrie et
recherche.
Cependant, les technologies de l’ultrabref sont plurielles, les énergies sont
variées, les sources laser peuvent être très différentes et il s’agit donc de tech-
nologies qui requièrent une forte expertise. Pour permettre au lecteur de se
retrouver dans ce vaste champ de développements scientifiques et technologi-
ques, nous présenterons tout d’abord la nature spécifique et originale de
l’interaction laser-matière en mode ultrabref, puis nous montrerons tous les
enjeux de la maîtrise des procédés afin de bien comprendre toutes les techni-
ques de mise en œuvre, avant finalement d’aborder les grands domaines
d’application de l’ultrabref.

1. Nature spécifique nanoseconde ou plus (figure 1a), le mécanisme d’interaction est


essentiellement thermique. La lumière absorbée est convertie en
de l’interaction chaleur qui, d’une part, diffuse dans le matériau et, d’autre part, per-
met la transformation du solide en liquide puis en gaz en fonction de
laser-matière l’énergie disponible. Il s’ensuit un mécanisme d’éjection de matière
(que l’on appelle plus communément ablation) sous une forme et
en mode ultrabref dans un temps qui vont dépendre du matériau et des paramètres du
rayonnement laser. Notons cependant qu’il convient alors de
considérer l’interaction de la matière éjectée (dans ce que l’on
La première propriété des impulsions très courtes qui vient à appelle le panache d’ablation) avec le faisceau laser incident.
l’esprit est la possibilité d’obtenir des puissances très élevées,
puisque même pour une énergie faible, si la durée est encore plus Dans le cas d’une impulsion ultracourte (figure 1b), il y a au
faible, le rapport des deux, la puissance, peut prendre des valeurs contraire découplage complet entre l’irradiation laser et la réaction
importantes. On atteint ainsi une puissance crête de 10 GW pour du matériau. Les mécanismes d’absorption, puis de relaxation de
une impulsion de 1 mJ et 100 fs. La grandeur physique importante l’énergie dans le matériau sont tout à fait nouveaux [1], même si,
pour les procédés laser est plutôt la densité de puissance (souvent comme nous le verrons, ils peuvent toujours s’étudier en termes
exprimée en W/cm2) qui tient compte de la surface du matériau d’évolution de la température, mais à une échelle telle que les effets
sur lequel le faisceau laser est focalisé. Ainsi, l’impulsion précé- sont très différents. La différence très spectaculaire des résultats de
dente, focalisée sur un diamètre de 50 µm, permet d’atteindre une perçage a été très souvent utilisée pour justifier la nature
densité de puissance crête de 30 TW/cm2 qui dépasse le seuil « athermique » de l’interaction laser-matière en mode ultrabref. Ce
d’ablation de tous les matériaux connus. Notons que ce résultat mot devrait être utilisé avec prudence : même si les zones thermi-
est obtenu avec une puissance moyenne très modeste, qui peut ne quement affectées sont très réduites dans le cas ultrabref, elles exis-
pas dépasser le watt (en fonction de la cadence des impulsions). tent quand même [2] et nous verrons que l’on peut parfaitement
L’aptitude à concentrer une puissance lumineuse considérable est décrire l’interaction avec un modèle thermique, à condition de tenir
donc la première propriété des impulsions ultrabrèves, ce qui a de compte des échelles de temps tout à fait spécifiques. Sans rentrer
multiples conséquences que nous envisagerons dans la suite. dans les détails de cette approche « thermique », elle s’applique sur-
tout au cas des métaux. Il s’agit de tenir compte, d’une part, de la
Illustrons cependant immédiatement la nature très spécifique de température de l’ensemble des électrons que « voient » en premier
l’interaction laser-matière dans le cas ultrabref. En effet, dans le cas les photons et, d’autre part, de la température du réseau qui aug-
classique d’une impulsion laser ayant une durée de l’ordre de la mente plus tard par couplage électron/phonon.

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200 µm

50 µm

MEB

MEB
Laser

Laser

Matière
en fusion,
Chauffage gaz,
Zone affectée plasma
Éjection
Fusion, vaporisation de matière Impact laser Création d'un plasma Éjection rapide
(si intensité dense et localisé de matière
suffisante)

a cas d'une impulsion longue b cas d'une impulsion ultracourte

Des exemples de perçage dans le cuivre effectué à même énergie mais pour des durées de 8 ns et 180 fs (photos au microscope optique et au
microscope électronique à balayage) sont montrés pour illustrer les différences d'effets thermiques.

Figure 1 – Illustration des mécanismes d’interaction dans le cas d’une impulsion longue (de l’ordre de la nanoseconde et plus) et dans le cas
d’une impulsion ultrabrève

1.1 Rôle de la longueur d’onde technologiques, mais pour des raisons fondamentales. Ainsi, un
laser infrarouge femtoseconde peut avoir un effet très proche d’un
Les mécanismes d’interaction laser-matière ont pour origine rayonnement UV de durée d’impulsion plus longue. La
l’absorption du rayonnement, donc la conversion de photons en confrontation UV impulsion longue/IR femtoseconde peut être très
énergie à l’intérieur du matériau. Ainsi, la longueur d’onde joue instructive, car les procédés associés devront être contrôlés de
d’habitude un grand rôle. Elle est associée à l’énergie du photon manière différente. Pour compléter ce comparatif, il convient aussi
par la relation : de signaler que l’on peut utiliser des impulsions femtosecondes
E = hυ dans l’UV, soit par conversion de fréquence soit par amplification
dans un canal excimère (cf. par exemple les produits et activités
avec h constante de Planck et υ fréquence du photon, et elle cor- du Laser-Laboratorium Göttingen e.V.).
respond ou non à la différence entre deux niveaux d’énergie de la
matière considérée. En cas de correspondance, il y a absorption Le rôle de la longueur d’onde est donc profondément trans-
du photon et donc transfert d’énergie entre le rayonnement formé. Dans une absorption standard, deux cas sont à envisager :
lumineux et la matière.
– l’absorption du photon par le matériau est physiquement
Toute la question est alors de savoir ce que la matière va faire permise, et donc l’absorption est possible. Il reste alors à connaître
de cette énergie : c’est ce que nous verrons plus loin lors de « l’intensité » de cette absorption, plus ou moins importante, ce
l’exposé des mécanismes de relaxation énergétique. La première qui peut se mesurer par spectroscopie, ou éventuellement se
étape de ce processus est donc l’aptitude de la matière à absorber calculer si l’on dispose d’assez de données sur le matériau utilisé ;
les photons d’une énergie donnée. Une longueur d’onde dans le
rouge (photons de petite énergie, autour de 800 nm) ne va pas – la transition entre les deux niveaux d’énergie est physique-
avoir le même effet sur la matière qu’une longueur d’onde dans le ment interdite, et l’absorption ne peut pas avoir lieu.
bleu (photons de plus grande énergie, autour de 300 nm). Ainsi, Dans le cas d’une absorption multiphotonique, les règles phy-
les applications des lasers de longueur d’onde infrarouge ou ultra- siques de l’absorption sont différentes, et quoique plus faiblement
violette sont très différentes, mais dans tous ces cas il s’agit de permises, elles sont très fréquemment possibles. L’absorption est
l’absorption d’un seul photon par atome. Dans le cas d’une impul- donc également possible, elle est de plus favorisée par la forte
sion laser ultrabrève, la densité d’énergie disponible (donc le nom- densité d’énergie associée à la durée très brève de l’impulsion. En
bre de photons) est telle qu’un mécanisme d’absorption à conséquence, le rôle de la longueur d’onde sera moins décisif
plusieurs photons peut avoir lieu. Cette absorption multiphotoni- pour l’existence ou non d’une absorption, même si ce rôle existe
que suit un mécanisme très différent de l’absorption d’un seul toujours. Une expression « raccourcie » serait de dire qu’« en
photon et est associée à des effets non linéaires. femto tous les matériaux sont noirs ». Dans ce sens, remarquons
La physique de l’interaction laser-matière en mode femto- que les seuils d’ablation peuvent être presque toujours atteints
seconde est très différente de l’interaction laser-matière conven- pour tous les matériaux, quelle que soit la longueur d’onde
tionnelle, on l’aura compris, non pas pour des raisons utilisée, en fonction de l’énergie disponible.

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l’irradiation d’échantillons. Ainsi, les propriétés thermodynami-


ques et hydrodynamiques associées à la population électronique
sont découplées de celles du métal ionique. Les équations d’évolu-
tion des propriétés intrinsèques telles que l’énergie interne, la tem-
pérature, la pression doivent explicitement prendre en compte
Acier l’effet du déséquilibre thermique. Les processus de transport ther-
mique sont régis par un modèle à deux températures, constitué de
PVC
PMMA deux équations couplées de diffusion de la chaleur, pour les élec-
Cu trons et les ions. Le transfert de l’énergie électromagnétique vers
les électrons du milieu nécessite une prise en compte du
verre comportement collectif de la dynamique électronique [3]. Un code
Ni d’interaction laser-matière développé par le CEA et intégrant les
verre
Ni Nylon caractéristiques particulières de l’interaction en mode femtose-
verre
Teflon conde est disponible pour la communauté scientifique
Al2O3 PMMA PVC
(CEA-DAM-DIF Bruyères-le-Châtel, contact : Patrick Combis).
PEhd Inox
CuBe PMMA Cette approche met également en évidence un découplage en
verre pressions électronique et ionique, contribuant indépendamment
Cu
PVC Nylon CuBe aux ondes de compression et de détente dans la cible. Notons
verre PEhd
PMMA verre
l’existence de la propagation d’une onde de choc dans le matériau
PMMA après irradiation femtoseconde.
CuBe PVC Cu
Cu
Inox PP
CuBe 1.2.2 Matériaux diélectriques
CuBe
PMMA
Pour les diélectriques, la situation est plus compliquée du fait
CuBe que l’absorption de l’énergie ne peut se faire par un ensemble
d’électrons libres présents dans le matériau. Elle ne peut se faire
que si l’énergie de photon est suffisante pour combler le gap
énergétique entre la bande de valence et la bande de conduction.
Le laser utilisé est un laser de longueur d'onde 800 nm, de durée
Par exemple, pour des longueurs d’onde de 800 nm, la plupart des
d'impulsion 150 fs, de cadence 5 kHz, et d'énergie typique de 0,7 mJ,
l'énergie utilisée devant être adaptée à chaque matériau
verres sont transparents puisque l’énergie de photon correspon-
dante n’est pas suffisante pour permettre à un électron de passer
de la bande de valence à la bande de conduction par l’absorption
Figure 2 – Illustration de l’aptitude des impulsions ultrabrèves à la
découpe pour différents matériaux précisés sur la figure (société d’un seul photon ; mais là encore, une absorption multiphotonique
Impulsion, France) peut rendre ces matériaux absorbants pour une impulsion ultra-
brève suffisamment intense. Deux mécanismes ont clairement été
identifiés : l’ionisation multiphotonique et l’ionisation tunnel, qui
1.2 Rôle du matériau sont schématiquement représentés sur la figure 3.
Lors d’une ionisation multiphotonique, le nombre de photons
Une caractéristique également bien connue des impulsions absorbés dépend de l’intensité laser ; par exemple, pour la silice
ultrabrèves est leur capacité à usiner tous les matériaux. C’est une dont le gap est de 9 eV, au moins 6 photons à 800 nm (1,55 eV)
conséquence de la nature de l’absorption que nous venons d’évo- sont requis. Lorsque l’intensité laser est suffisamment forte, le
quer. Cependant, la relaxation de l’énergie est différente selon les champ électrique du rayonnement lumineux modifie la structure
matériaux, ainsi que les effets induits. Les procédés sont donc loin de bande du matériau, provoquant la possibilité d’un passage
d’être uniformes d’un matériau à l’autre et les applications peuvent direct de la bande de valence à la bande de conduction par effet
garder une forte sensibilité au matériau utilisé. Deux grandes tunnel. Des modèles existent pour prédire l’importance relative de
familles de matériaux devront être considérées, les métaux et les ces divers mécanismes [4]. Lorsque la bande de conduction
diélectriques (verres, matériaux transparents). La figure 2 illustre commence à être peuplée, les électrons libres ainsi formés peu-
l’aptitude des impulsions ultrabrèves à usiner un large panel de vent à leur tour absorber, et une configuration proche des métaux
matériaux. est obtenue, avec en plus le déclenchement de phénomènes
d’ionisation par avalanche.
1.2.1 Matériaux métalliques Les densités électroniques peuvent donc varier beaucoup au
cours même de l’irradiation pourtant très brève, ce qui conduit à
Dans le cas des métaux, en réponse au champ laser, les élec- des modifications dynamiques des propriétés optiques des maté-
trons libres du métal sont les premiers acteurs de l’interaction. Ils riaux.
absorbent le rayonnement incident sur l’épaisseur de peau, de
l’ordre d’une dizaine de nanomètres (nm), puis se répartissent Il est par exemple possible d’inscrire des guides d’onde en 2D
l’énergie par collisions électron-électron, dont la fréquence carac- mais aussi en 3D dans des matériaux transparents comme cela a été
téristique est d’environ 1014 s–1. Une température électronique démontré par la société Translume (États-Unis) dès 2004 (figure 4).
supérieure à celle du réseau cristallin s’établit de manière transi-
toire, les collisions électron-phonon permettant un transfert de
Ces phénomènes font l’objet de nombreuses études fondamen-
l’énergie électronique vers les ions du solide en quelques pico-
tales car il est possible de piloter ces modifications par des outils
secondes. Ainsi, toute la spécificité des impulsions ultracourtes
optiques adaptés. Il est ainsi envisageable grâce à des impulsions
réside dans le fait que le temps de relaxation de l’énergie électro-
ultrabrèves de modifier finement l’indice de réfraction d’un
nique vers les ions du cristal est typiquement plus long que la
matériau. Plus généralement, on peut également envisager une
durée de l’impulsion laser.
photosensibilisation des matériaux. La modification finale sera
Le rôle joué par la dynamique électronique est alors crucial dans alors révélée par une deuxième étape, utilisant par exemple une
l’évolution des propriétés optiques, thermiques, hydrodynamiques attaque chimique. Cette spécificité femto conduit à de nombreuses
et mécaniques du milieu. Ce déséquilibre est directement respon- applications dans le domaine de la structuration 2D mais aussi 3D
sable de la faible zone thermiquement affectée, observée après dans les matériaux transparents [5].

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CB
CB
CB CB

EGAP

VB
VB
VB VB

a ionisation multiphotonique b situation hybride où les deux c ionisation tunnel d ionisation provenant d'un niveau
phénomènes d'ionisation intermédiaire lié à une impureté
multiphotonique et tunnel ont dans le matériau
lieu simultanément

Figure 3 – Schéma de la diversité des processus d’absorption dans les matériaux diélectriques entre la bande de valence (VB) et la bande de
conduction (CB)

verrons plus loin, la source laser à utiliser n’est pas du tout la


même et la technologie laser picoseconde peut être plus simple à
mettre en œuvre industriellement. Sur les métaux, il a été prouvé
expérimentalement [8] que des résultats comparables peuvent être
obtenus avec des durées d’impulsion fs ou ps. Cependant, la
connaissance dans ce domaine des impulsions picosecondes reste
relativement empirique, et la question de l’utilisation de ces impul-
sions doit être clairement posée lorsque l’application visée utilise
un matériau métallique. Des firmes allemandes proposent des
machines d’usinage intégrant des lasers picosecondes (cf. par
exemple site web de la société 3D Micromac).
Des études expérimentales et théoriques plus précises sont encore
en cours pour mieux caractériser la différence entre les domaines
pico- et femtosecondes. Cette différence est clairement mise en évi-
dence par des résultats expérimentaux sur les diélectrique

La figure 5 montre l’influence de la durée d’impulsion laser sur la


génération du gaz d’électrons libres au sein de la silice (SiO2) [9] et la
mesure expérimentale de la densité électronique (figure 5a) dans le
cas d’une impulsion picoseconde (colonne de gauche) et d’une impul-
sion femtoseconde (colonne de droite) pour différentes énergies par
impulsion. L’impulsion femtoseconde génère des électrons libres plus
tôt dans la propagation, bien en amont de la zone focale, ce qui
produit un nuage électronique relativement étendu et de faible den-
sité électronique. À l’inverse, le nuage électronique créé par l’impul-
sion picoseconde occupe un plus faible volume avec une densité
supérieure. Ainsi, la durée d’impulsion a un effet notable sur la
concentration de l’énergie déposée. Le calcul numérique de la
densité électronique (figure 5b) basée sur l’équation non linéaire de
Figure 4 – Illustration d’une photo-inscription 3D dans la masse
d’un matériau transparent par impulsions ultrabrèves Schrödinger montre la même tendance [10].
(société Translume, États-Unis)

1.4 Rôle de la cadence


1.2.3 Matériaux semi-conducteurs
Pour terminer ce tour d’horizon des matériaux, il convient d’évo- Nous venons de voir que la durée d’impulsion doit être prise en
quer le rôle spécifique des semi-conducteurs, qui ont eux aussi été compte avec précision pour la maîtrise d’une application, mais la
particulièrement étudiés et permettent une mise en évidence des cadence doit être aussi considérée. Comme nous le verrons plus
spécificités évoquées de l’interaction laser-matière en mode loin, les différentes sources laser disponibles sont limitées par une
ultrabref [6]. Il est possibble d’obtenir la croissance de nano- puissance moyenne maximale, autour de 1 W pour les premiers
structures originales, sous forme de nanopics, pouvant être systèmes commercialisés, et pouvant désormais dépasser 10 W. Il
utilisées à des fins de détection [7]. est souvent possible de jouer sur le couple énergie/cadence, on
dispose alors d’une forte cadence pouvant dépasser la centaine de
kHz pour une énergie de l’ordre du microjoule. Les oscillateurs
femtosecondes peuvent atteindre le MHz avec des énergies de
1.3 Rôle de la durée d’impulsion l’ordre du nanojoule, les systèmes amplifiés au contraire peuvent
dépasser le millijoule mais pour des cadences de l’ordre de la
À l’intérieur du domaine de l’ultrabref, un débat sur les effets
dizaine de kHz.
spécifiques des impulsions existe entre le domaine des impulsions
de l’ordre de la centaine de femtosecondes et celui des impulsions L’augmentation de la cadence est un enjeu pour l’accélération
de plusieurs dizaines de picosecondes (ps). Comme nous le des temps de procédés. Là encore, il convient d’être prudent ;

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est strictement interdite. – © Editions T.I. E 6 455 – 5

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XV
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Lasers et amplificateurs optiques


à semi-conducteurs
pour télécommunications optiques

par Guang-Hua DUAN


Ingénieur de recherche à III-V Lab
Hélène DEBRÉGEAS
Ingénieur de recherche à III-V Lab
et Romain BRENOT
Ingénieur de recherche à III-V Lab

III-V Lab – Laboratoire conjoint entre « Alcatel Lucent Bell Labs »,


« Thales Research and Technology » et « CEA LETI »
Palaiseau, France

1. Matériaux semi-conducteurs pour les sources lasers


de télécommunications ....................................................................... E 7 005 - 2
2. Amplificateurs optiques à semi-conducteurs
et lasers Fabry-Perot ............................................................................ — 3
3. Sources monomodes ............................................................................ — 9
4. Lasers accordables................................................................................ — 11
5. Lasers impulsionnels ............................................................................ — 14
6. Lasers pour les circuits photoniques intégrés .............................. — 15
7. Conclusion et perspectives ................................................................ — 16
8. Glossaire – Définitions ......................................................................... — 17
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. E 7 005

es lasers à semi-conducteurs sont caractérisés par un faible volume, une


L utilisation facile, un fort rendement énergétique et un coût de production
faible. Forts de ces avantages, ces lasers prennent une place exclusive en télé-
communications optiques.
Les amplificateurs optiques à semi-conducteurs constituent la brique de base
essentielle d’un laser à semi-conducteurs et, en même temps, remplissent des
fonctions telles que l’amplification optique ou la conversion en longueur
d’onde.
La plupart des systèmes de transmission optique dans une fibre nécessitent
des lasers émettant une seule longueur d’onde, appelés lasers monomodes.
Les lasers sont souvent utilisés en modulation directe pour coder l’information
à transmettre. Les lasers à contre-réaction distribuée (DFB pour « Distributed
Feedback Laser ») sont alors développés pour ce type d’application.
La plupart des réseaux à longue distance ou métropolitains utilisent le multi-
plexage dense en longueur d’onde (Wavelength Division Multiplexing : WDM).
Pour ces applications, des lasers accordables en longueur d’onde ont été déve-
loppés. Ce sont des lasers monomodes, dont la longueur d’onde est ajustable
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPQU

précisément, sur toute la bande C (1,53 à 1,565 µm) par exemple. Cela facilite

Copyright © –Techniques de l’Ingénieur –Tous droits réservés E 7 005 – 1

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LASERS ET AMPLIFICATEURS OPTIQUES À SEMI-CONDUCTEURS POUR TÉLÉCOMMUNICATIONS OPTIQUES __________________________________________

beaucoup la gestion des stocks puisqu’il n’est plus nécessaire de disposer d’un
laser de rechange par longueur d’onde. Ils sont également un élément clé des
multiplexeurs à insertion-extraction accordables (Reconfigurable Optical Add
and Drop Multiplexers : ROADM), qui effectuent le routage du trafic et son
éventuelle conversion en longueur d’onde.
Le besoin croissant d’augmenter les fonctionnalités des composants,
conjugué à une maturité de la technologie sur semi-conducteurs III-V et sili-
cium, conduit aujourd’hui au développement rapide des circuits photoniques
intégrés (Photonic Integrated Circuits : PIC). Il s’agit d’intégrer, sur le même
substrat semi-conducteur, plusieurs éléments pour réaliser des fonctions
complexes. Il existe actuellement deux techniques développées parallèlement
pour la fabrication des PIC intégrant des fonctions actives (émission, modula-
tion et détection) : l’intégration monolithique sur InP et l’intégration hybride
III-V sur silicium.
Cet article a pour objectif de présenter les lasers et les amplificateurs opti-
ques à semi-conducteurs pour les applications en télécommunications
optiques. Il décrit les matériaux, les structures et les caractéristiques princi-
pales de ce type de lasers. Puis il passe en revue les lasers à contre-réaction
distribuée (DFB pour « Distributed Feedback Laser »), les lasers accordables,
les lasers impulsionnels et les circuits photoniques intégrant des lasers. Enfin,
cet article se conclut par les perspectives de développement de ce type de
lasers à semi-conducteurs dans les années à venir.

1. Matériaux même si les performances de ce type de laser ne sont pas encore


compatibles avec les applications réelles.
semi-conducteurs Pour injecter les porteurs vers le matériau actif afin qu’ils se
pour les sources lasers recombinent, celui-ci est déposé entre deux couches de matériaux
à plus grandes énergies de bande interdite, l’une dopée n, l’autre
de télécommunications dopée p. Par exemple, pour les lasers émettant dans la bande de
1,3 à 1,6 µm, on utilise de l’InP n et de l’InP p. Le matériau actif est
un cristal semi-conducteur de paramètre de maille très proche de
celui de l’InP, mais contenant également des éléments tels que
Il existe principalement deux systèmes de matériaux
l’arsenic (As), le gallium (Ga) ou l’aluminium (Al), ce qui lui permet
semi-conducteurs pour les sources lasers utilisées en
d’avoir une énergie de bande interdite Eg plus faible que celle de
télécommunications : le système basé sur un substrat en arséniure
l’InP. Cette double hétérostructure d’une part, apporte un guidage
de gallium (GaAs) et celui basé sur un substrat en phosphure
vertical de la lumière car l’indice de la couche active est supérieur
d’indium (InP) [1]. Le système GaAs couvre la bande de 0,8 à
à celui des couches InP, dites couches de confinement, d’autre part
1,3 µm et le système InP la bande de 1,3 à 1,6 µm. Ces matériaux
permet à la fois l’injection des porteurs (électrons et trous) par une
sont élaborés avec des techniques de croissance telles que
jonction de diode p-i-n et leur confinement dans la couche active
l’épitaxie par jet moléculaire ou l’épitaxie en phase vapeur, qui
de plus faible énergie Eg . Les porteurs peuvent ainsi se
permettent de réaliser des cristaux semi-conducteurs d’excellente
recombiner, produisant des photons par émission spontanée et
qualité. Ces deux systèmes de matériaux présentent des bandes
émission stimulée.
interdites directes : une bande de conduction et une bande de
valence dont les extremums correspondent à un même vecteur La structure active peut être un matériau uniforme, d’une épais-
d’onde, et séparées par une bande interdite d’énergie Eg (gap seur typique de 100 à 400 nm, suffisamment faible pour atteindre
energy ). Les porteurs injectés par un courant électrique peuvent se la densité de porteurs nécessaire à l’émission laser. Toutefois, des
recombiner en émettant des photons, dont l’énergie est voisine de structures à base de puits quantiques multiples (MQW : Multiple
l’énergie Eg . Cette recombinaison s’effectue suivant deux Quantum Wells ) ont été développées depuis les années 1980. Il
processus : l’émission spontanée ou l’émission stimulée comme s’agit d’un empilement de couches d’épaisseurs inférieures à
dans le cas d’un système d’atomes. Lors de l’émission stimulée, 10 nm appelées puits quantiques, et séparées par des couches for-
sous l’influence d’un photon incident ayant une énergie E proche mant une barrière en matériau de plus grande énergie de bande
de Eg , deux porteurs peuvent se recombiner en générant un interdite. Les porteurs sont alors confinés dans les puits. En raison
de la très faible épaisseur des puits, les porteurs ne peuvent occu-
deuxième photon identique au photon incident. C’est cette émis-
per que certains niveaux d’énergie : ce sont les effets de la quanti-
sion stimulée qui permet d’obtenir un gain optique et éventuel-
fication du niveau d’énergie. On peut ainsi atteindre de très
lement un effet laser. Les semi-conducteurs largement utilisés en
grandes densités de porteurs à ces niveaux d’énergie, et augmen-
électronique tels que le silicium (Si) ou le germanium (Ge)
ter fortement l’efficacité de recombinaison radiative.
présentent des bandes interdites indirectes : les recombinaisons
radiatives générant des photons sont moins aisées et il est alors La figure 1 montre une photographie prise au microscope élec-
plus difficile d’obtenir l’effet laser. Cependant, des progrès tronique à balayage (MEB) d’une structure à six puits quantiques
récents [2] ont permis d’obtenir des résultats intéressants avec des épitaxiés par jets moléculaires sur un substrat InP. On voit claire-
lasers Ge dans le domaine autour de la longueur d’onde 1,5 µm, ment les six puits d’une épaisseur de 6 nm, séparés par des barriè-

E 7 005 − 2 Copyright © –Techniques de l’Ingénieur –Tous droits réservés

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__________________________________________ LASERS ET AMPLIFICATEURS OPTIQUES À SEMI-CONDUCTEURS POUR TÉLÉCOMMUNICATIONS OPTIQUES

de bande interdite Eg plus importante. Il en résulte une quantifica-


tion du niveau d’énergie dans les trois dimensions dans les boîtes
Axe de croissance quantiques : les porteurs injectés se trouvent dans un même état
d’énergie, contribuant tous à l’émission stimulée à cette même
[110]
énergie. Cela conduirait potentiellement à une diminution impor-
tante de la valeur de la densité du courant de seuil, à une plus
grande stabilité en température et à un gain différentiel élevé.
Aujourd’hui, toutes les potentialités promises par les structures
à boîtes quantiques ne se sont pas encore concrétisées pour de
nombreuses raisons. En particulier, les techniques de croissance
MQW donnant des formes de boîtes idéales ne permettent pas d’avoir
une densité de boîtes suffisante pour obtenir un gain comparable à
celui de structures à puits quantiques. A contrario celles qui
SCH
permettent d’avoir une densité suffisante génèrent plutôt des
bâtonnets quantiques, lesquels sont couplés entre eux, donnant
ainsi des propriétés semblables à celles des structures à puits
quantiques.
Gaine en InP

100 nm 2. Amplificateurs optiques


Figure 1 – Photographie prise au microscope électronique
à semi-conducteurs
à balayage (MEB) d’une structure à 6 puits quantiques
(Photo fournie par G. Patriarche du LPN, CNRS) et lasers Fabry-Perot
Les amplificateurs optiques à semi-conducteurs, ou SOA (Semi-
res de matériau InGaAsP. De part et d’autre de la structure « puits
conductor Optical Amplifier ), sont constitués d’un guide actif déli-
et barrières » se trouvent deux couches de confinement (Separated
mité par deux facettes antiréfléchissantes. Leur rôle est d’amplifier
Confinement Heterostructure : SCH), permettant d’optimiser le gui-
par émission stimulée les photons injectés par une facette, puis de
dage optique pour le mode qui se propage dans la structure.
les collecter par l’autre facette.
Plus récemment, les boîtes quantiques et les bâtonnets quanti-
ques autoassemblés sur un substrat semi-conducteur ont été La principale difficulté de réalisation consiste à réduire autant
développés pour la réalisation de lasers [3] [4]. Les boîtes quanti- que possible les réflexions pour que les photons amplifiés
ques désignent les structures dont le matériau actif se trouve dans n’effectuent qu’un seul passage, au moins pour la grande majorité
des sphères avec un diamètre typique de quelques nanomètres, et d’entre eux.
les bâtonnets quantiques désignent celles dont le matériau actif se Pour ce faire, des couches minces sont déposées sur les facettes
trouve dans des sphères aplaties. La figure 2 montre un exemple afin d’obtenir des coefficients de réflexion en puissance inférieurs
de structure à bâtonnets quantiques réalisée sur un substrat InP. à 0,1 %. Le guide est en général non perpendiculaire à la facette de
La hauteur de chaque bâtonnet est de l’ordre de 5 nm, la largeur sortie pour réduire davantage les réflexions. Enfin, des adaptateurs
est de 20 à 50 nm et la longueur peut varier entre 20 et 200 nm, de modes appelés tapers sont introduits aux extrémités du SOA
suivant la technique de réalisation et les conditions de croissance. afin d’améliorer le couplage du mode optique à une fibre standard.
Dans ce type de structure, et surtout dans les structures à boîtes Ces tapers permettent aussi de réduire les réflexions aux facettes
quantiques, un confinement multi-dimensionnel des porteurs est en augmentant la taille du mode, ce qui diminue la probabilité
obtenu puisque le milieu à gain est entouré de matériau d’énergie pour un photon réfléchi d’être couplé au mode [5].

20 nm

50 nm

Figure 2 – Photographie prise au MEB de bâtonnets quantiques épitaxiés sur un substrat InP (Photo fournie par G. Patriarche du LPN, CNRS)

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LASERS ET AMPLIFICATEURS OPTIQUES À SEMI-CONDUCTEURS POUR TÉLÉCOMMUNICATIONS OPTIQUES __________________________________________

Tapers

Courant

Pin

Pout

ASE

Traitement
Antireflet

Figure 3 – Photo d’un SOA en module (à gauche), schéma général d’un SOA vu de dessus, avec la zone active en rouge

2.1 Présentation générale des SOA


Un signal optique dont les photons ont une énergie proche de
celle de bande interdite du matériau actif du SOA est injecté à une
extrémité du guide (figure 3). Un courant électrique appliqué dans
la zone active du SOA permet de contrôler la densité de porteurs
électriques, le signal optique qui se propage est ainsi amplifié par
émission stimulée. Il est ensuite couplé dans une fibre à l’autre
Émission spontanée [au]

extrémité du SOA. Ces composants peuvent amplifier un signal


optique avec un gain de typiquement 20 à 30 dB en un simple pas-
sage, pour des signaux incidents dans une bande spectrale de 30 à
80 nm.
Un phénomène essentiel dans un SOA est la présence d’émis-
sion spontanée amplifiée (Amplified Spontaneous Emission : ASE),
qui résulte de l’amplification par émission stimulée de photons
émis spontanément dans le milieu à gain. Le spectre d’ASE fournit
des informations importantes sur les caractéristiques du SOA.
Cependant, l’ASE perturbe le fonctionnement d’un SOA en
consommant des porteurs. En effet, cette ASE se propage dans les
deux directions. Ainsi, même en l’absence de signal injecté, la den-
sité de porteurs est très souvent inhomogène dans la direction de
propagation de la lumière en raison de fortes densités de photons 0 100 200 300 400 500
aux extrémités du SOA. La figure 4 montre l’intensité d’émission
spontanée mesurée le long d’un SOA pour divers courants injec- Distance longitudinale (µm)
tés. Lorsque le courant est fort, l’intensité d’ASE devient, sur les
bords du SOA, suffisante pour y réduire la densité de porteurs
comparativement au centre du guide. Par conséquent, la présence 200 mA
d’ASE variant le long de l’amplificateur rend la modélisation de 150 mA
celui-ci extrêmement complexe, ce qui explique pourquoi il 125 mA
n’existe pas de logiciel parfaitement validé et prédictif pour les
SOA. Un tel logiciel nécessiterait en effet un découpage très fin du 75 mA
SOA dans sa longueur, avec en chacune de ses parties une popu- 35 mA
lation de photons d’énergies très variables et qui se propagent
dans les deux directions. En conséquence, les modélisations en
régime dynamique, soit par modulation du signal incident, soit par Figure 4 – Mesure de l’intensité d’émission spontanée
modulation du courant injecté, n’ont en général qu’un domaine de (proportionnelle au carré de la densité de porteurs) le long
d’un SOA avec divers courants d’injection
validité limité. En régime stationnaire en revanche, il est possible
de modéliser correctement un SOA en tenant compte de cette
ASE.
fortement atténuée par l’absorption [6]. Ainsi, on observe un fort
On peut observer sur la figure 5 les spectres d’émission sponta- décalage entre les spectres de SE et d’ASE, en raison de l’absorp-
née (Spontaneous Emission : SE), d’ASE et de gain d’un SOA à tion à basse longueur d’onde qui y réduit fortement le gain et donc
bâtonnets quantiques. La mesure d’ASE s’effectue à la sortie du l’ASE. Autrement dit, les états sont partiellement remplis à haute
SOA, tandis que la mesure de SE consiste, entre autres, à placer énergie, ce qui permet d’obtenir de l’émission spontanée, mais
une fibre optique perpendiculairement au guide ruban du SOA. peu d’ASE. En revanche, les spectres d’ASE et de gain sont très
L’émission spontanée requiert uniquement un électron dans la semblables : il suffit d’injecter du courant dans un SOA et de
bande de conduction et un trou dans la bande de valence. En mesurer le spectre d’ASE, pour en déduire le spectre de gain. Dans
revanche, l’ASE est en première approximation le produit de la pratique, il y a un décalage de 5 à 10 nm entre les deux spectres,
l’émission spontanée par le gain (ASE ≈ SE ⋅ gain), elle est donc mais les formes sont presque identiques.

E 7 005 – 4 Copyright © –Techniques de l’Ingénieur –Tous droits réservés

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Lasers à boîtes quantiques


autoassemblées d’InAs/GaAs
par Denis GUIMARD et Yasuhiko ARAKAWA

La réalisation de boîtes quantiques autoassemblées, nanostructures dans les-


quelles l’électron est confiné dans les trois directions de l’espace, et la discré-
tisation des états électroniques qui en résulte permettent d’envisager l’élabo-
ration de diodes laser pour les télécommunications optiques avec des
caractéristiques supérieures à celles des diodes laser à puits quantiques,
commercialisées actuellement.

optiques. Pour la transmission de données, les fibres


Denis GUIMARD, Associate Professor, the Uni- optiques offrent plusieurs avantages par rapport aux
versity of Tokyo et Yasuhiko ARAKAWA, Profes- câbles coaxiaux conventionnels, comme notamment
sor, the University of Tokyo. des taux de transmission plus élevés, de plus grandes
distances de transmission, et un coût inférieur.
La nature même de la silice impose certaines lon-
1. Diodes laser gueurs d’onde d’émission bien précises pour les diodes
laser. La transmission par fibre optique est caractérisée
Présentation de l’article en effet par une atténuation du rayonnement, résultat
des phénomènes d’absorption et surtout de diffusion.
Dans une première partie, nous présenterons les Les fibres optiques ont la propriété d’absorber forte-
caractéristiques générales des diodes laser à semi- ment le rayonnement lumineux autour de 1,00 ; 1,40
conducteur. Dans une deuxième partie, nous expli- et 1,60 mm. Les longueurs d’onde (l) d’émission préco-
querons dans quelle mesure la réduction dans les nisées sont alors comprises entre ces bandes d’absorp-
trois dimensions de la région active du laser et la tion, c’est-à-dire autour de 0,85 ; 1,30 et 1,55 mm. De
fabrication de boîtes quantiques peuvent s’avérer plus, le phénomène de diffusion limite la distance de
bénéfiques pour les propriétés des lasers. Le mode transmission maximale (proportionnelle à l–4) ; elle
de croissance et les principales caractéristiques est de l’ordre de 1 ; 10 et 100 km pour les longueurs
structurales et optiques des boîtes quantiques auto- d’onde de 0,85 ; 1,30 et 1,55 mm respectivement.
assemblées InAs/GaAs seront décrites. Dans une Ainsi, pour une transmission longue distance, il est pré-
troisième partie, nous présenterons le rôle joué par conisé d’utiliser la plus grande longueur d’onde pos-
les propriétés de gain du laser sur les caractéristi- sible pour une atténuation minimale.
ques d’émission, de courant et de modulation.
Dans une quatrième partie, nous présenterons les Aujourd’hui, la force motrice du marché des diodes
travaux récents sur la fabrication de lasers à boîtes laser pour les télécommunications optiques est le
quantiques par épitaxie en phase vapeur aux orga- développement de dispositifs fonctionnant à 1,30 et
nométalliques, qui est le procédé de dépôt préco- 1,55 mm. Cependant, en raison du manque d’émet-
nisé pour une production industrielle. teurs et de détecteurs bon marché à ces longueurs
d’onde, les communications par fibres optiques ne
sont maintenant encore que peu utilisées dans les
1.1 Contexte économique réseaux locaux (Local Area Network-LAN-en anglais),
et technologique métropolitains (Metropolitan Area Network-MAN), et
Lorsqu’un matériau semi-conducteur est structuré à pour l’accès à domicile (Fiber To The Home-FTTH).
l’échelle du nanomètre, ses propriétés électroniques et Les différentes couches d’un réseau optique sont
optiques sont gouvernées par la mécanique quantique représentées sur la figure 1. Les diodes laser utilisées
et se trouvent profondément modifiées. Un des domai- pour les communications à courte distance opèrent
nes qui a bénéficié le plus de la réduction à l’échelle actuellement à 0,85 et 1,3 mm. Du point de vue de
nanométrique de la couche active est celui des diodes plusieurs aspects techniques, 1,30 mm est la longueur
laser à semi-conducteur, dispositif clé des télécommuni- d’onde de choix pour les réseaux optiques, tout parti-
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPPY

cations optiques. La montée en débit et l’augmentation culièrement pour les réseaux LAN et FTTH. Le marché
de la capacité font croître l’intérêt pour des solutions des diodes laser émettant à 1,30 mm est donc énorme.

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Longue distance Metropolitan Area Local Area Fiber To The Home Courant
10 Gbit/s Network Network (FTTH) a Boîtes quantiques de In As/GaAs
m
(MAN) (LAN) 1,25 Gbit/s 10 µ Électrode
1-
10 Gbit/s 10 Gbit/s b

L GaAs
c (
0,2 InAs QDs
-
2 Émission laser c
m
m
)
a schéma d'une diode b image de microscopie
laser émettant par électronique
la tranche (Edge- en transmission
Figure 1 – Différentes couches d’un réseau optique Emitting laser, en en tranche de la couche
global : réseaux optiques longue distance, MAN, LAN anglais). active, comprenant dix
et FTTH, et débits correspondants couches empilées de boîtes
quantiques d'InAs/GaAs.
Les diodes laser commercialisées actuellement sont c image de microscopie électronique à balayage
élaborées à partir de puits quantiques (Quantum (MEB) d'une couche de boîtes quantiques.
Well-QW-en anglais), couches minces semi-conductri-
ces d’épaisseur nanométrique. De nombreux travaux Figure 2 – Diode laser émettant par la tranche (Edge-
sont aujourd’hui dédiés aux boîtes quantiques Emitting Laser, en anglais)
(Quantum Dots-QD-en anglais) semi-conductrices,
nanostructures qui confinent les électrons à l’échelle
du nanomètre dans toutes les directions de l’espace. Énergie Région active
Ces structures ont le potentiel de supplanter les puits e-
quantiques en tant que couche active et d’améliorer n-AlGaAs p-AlGaAs
GaAs Ec
drastiquement les propriétés des diodes laser. De
plus, jusqu’à récemment, les lasers à semi-conducteur E2 hn12
[001] GaAs hn12
disponibles dans le commerce étaient élaborés seule- hn12
ment sur substrat de InP. Cependant, les diodes laser E1
élaborées à partir de substrats de GaAs offrent de bien
meilleures caractéristiques ainsi qu’un coût de fabrica- Les électrons et trous sont injectés dans la région
tion significativement inférieur. Le défi majeur, active respectivement depuis les couches de type
aujourd’hui, de la filière GaAs reste de créer une région n et p, où l'effet laser a lieu. La région active est
active de haute qualité optique émettant aux lon- ici simplifiée sous la forme d'un système à deux
niveaux, E1 (état fondamental) et E2 (état excité).
gueurs d’onde des télécommunications. L’élaboration
Lorsque l'inversion de population est créée par
de diodes laser à base de boîtes quantiques injection de courant, un photon incident (dont
d’InAs sur substrat de GaAs est aujourd’hui la l'énergie est égale à l'énergie séparant les niveaux
solution la plus prometteuse à 1,30 mm. E1 et E2 : hn12) crée un autre photon, strictement
identique en phase et énergie : le système est
1.2 Principe de fonctionnement d’une stimulé.
diode laser
Une diode laser est un dispositif optoélectronique
qui produit un faisceau de lumière cohérent créé par Figure 3 – Diagramme de la bande de conduction d’une
les phénomènes d’émission stimulée et de recombi- diode laser à semi-conducteur (polarisée en direct),
fabriquée sur substrat de GaAs avec des couches
naison radiative des porteurs de charge dans la zone
barrières de AlGaAs
active dans laquelle l’inversion de population est créée
par injection de courant : la lumière confinée au sein
de la zone active est amplifiée. 1.3 Principales caractéristiques d’une
Le schéma d’une diode laser émettant par la tran-
diode laser
che et le diagramme de bande correspondant sont Les principales caractéristiques d’une diode laser
représentés respectivement sur les figures 2 et 3. sont :
Une diode laser est composée typiquement de trois — la longueur d’émission ;
couches, qui forment un guide d’onde. La couche — le gain modal optique g, et tout particulièrement,
active (ici, boîtes quantiques d’InAs dans une matrice le gain de seuil (threshold en anglais) gth et le gain
de GaAs) est située entre deux couches barrières de maximal gmax ;
type AlGaAs, qui assurent un confinement électro-
— les densités de courant de transparence Jtr et de
nique (largeur de bande interdite supérieure) et seuil Jth ;
optique (indice de réfraction inférieur), formant le
guide d’onde pour le faisceau laser émis par la tran- — le rendement différentiel externe hd et le gain
che. Le confinement optique permet d’assurer notam- différentiel a.
ment une interaction efficace entre la lumière et le En raison du phénomène d’absorption, l’intensité
milieu amplificateur. d’un rayonnement lumineux se propageant dans un

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milieu décroît d’un facteur exp (– aL) après avoir par- est décrit par la température caractéristique T0, qui
couru une distance L. Suite à l’inversion de popula- décrit la dépendance en température de Jth :
tion, le cœfficient d’absorption a (cm–1) change de
1 ∂ðlnJ th Þ
signe lorsque la lumière est amplifiée. Le gain optique =
g est défini comme étant égal à (– a). La densité de T0 ∂T
courant d’injection assurant un gain nul est la densité Typiquement, Jth augmente en raison de la popula-
de courant de transparence Jtr. Cependant, un gain tion en porteurs de charge des états de haute énergie.
positif ne garantit pas l’effet laser en raison de pertes Une diode laser doit avoir une température caractéris-
optiques nuisibles au sein de la cavité laser. Les pertes tique T0 aussi élevée que possible.
optiques comprennent deux termes : les pertes utiles
am (mirror loss en anglais), dues à la transmission des
miroirs partiellement réfléchissants et qui constituent 2. Boîtes quantiques
le faisceau laser désiré, et les pertes optiques inutiles
ai, internes à la cavité, qui doivent être minimisées. Le
autoassemblées
total des pertes optiques constitue le gain de seuil 2.1 Effet du confinement électronique
(gth) et s’écrit :
! sur la densité d’états
1 1 Jusqu’à la moitié des années 1980, les lasers avec
g th = ai + am = ai + ln pffiffiffiffiffiffiffiffiffiffiffi (1)
Lc RbRf une zone active épaisse de plusieurs micromètres
dominaient le marché. Mais ce n’est qu’avec l’introduc-
avec Rf, Rb réflectivités des faces avant et tion des diodes laser à puits quantiques et la forte
arrière de la cavité, réduction des densités de courant de seuil, de l’ordre
Lc longueur de la cavité. de 50 A/cm2 [4], obtenue en premier par Z. I. Alferov,
prix Nobel de physique en 2000, que le marché des dio-
Le deuxième terme du membre de droite de l’équa- des laser explosa. En 1982, Y. Arakawa et H. Sakaki, de
tion (1) représente les pertes utiles am. Le gain de seuil l’université de Tokyo, étudièrent l’effet de confinement
gth est le gain minimal que la région active doit assurer de la zone active dans les trois dimensions de l’es-
pour que l’effet laser se produise. Jth est la densité de pace [5]. Pour un laser à boîtes quantiques, ils prédi-
courant de seuil correspondante. gth est déterminé par rent une très faible densité de courant de seuil et une
la géométrie et les caractéristiques de la cavité : complète indépendance des caractéristiques laser vis-
lorsque la longueur de la cavité (Lc) décroît, le gain de à-vis de la température (i.e. T0 infinie).
seuil augmente. La couche active, quant à elle, ne peut
Le paramètre clé est l’effet du confinement sur la
assurer qu’un certain gain, appelé gain modal de satu-
densité d’états qui se produit lorsque la dimension de
ration g max · g max est en fait égal à GGm, où G est le fac-
la zone active est du même ordre que la longueur
teur de confinement optique de la cavité ( ª 10 % pour
d’onde de De Broglie de l’électron (figure 4). Lorsque
un laser de type AlGaAs/GaAs/AlGaAs) et Gm est le
le confinement du mouvement de l’électron a lieu
gain de la couche active. Gm est une caractéristique
intrinsèque du matériau assurant l’effet laser, et G
dépend des indices de réfraction et des épaisseurs des
Densité d'états

Densité d'états

différentes couches formant la cavité optique. Si la


région active ne peut assurer un gain supérieur au
gain de seuil, lui-même imposé par la cavité, l’émission
laser n’a pas lieu. Deux autres paramètres importants
sont le rendement différentiel externe et le gain diffé-
rentiel. Le rendement différentiel externe hd est le rap-
port des porteurs injectés convertis en photons émis
hors de la cavité et s’écrit :
am Énergie Énergie
hd = hi (2) a densité d'états b cas du puit
am + a i
en volume quantique
avec hi rendement quantique interne.
On voit d’ores et déjà que hd est d’autant plus élevé
Densité d'états

Densité d'états

(et donc meilleur) que les pertes internes sont faibles.


Le gain différentiel a, égal à ∂g / ∂J, décrit quant à lui
l’augmentation du gain par rapport à celle de la den-
sité de courant d’injection, et sera développé plus loin.
Une diode laser est d’autant plus performante qu’elle
possède un gain et un gain différentiel élevés, ainsi
DE >> kT
qu’une faible densité de courant de seuil. Ceci permet
de diminuer la consommation en énergie et l’échauf-
Énergie Énergie
fement de la diode laser, et donc évite le recours à des
systèmes de refroidissement, qui augmentent forte- c cas du fil quantique d cas de la boîte
ment le coût de fabrication. quantique
Un phénomène typique d’une diode laser est la En haut à gauche : dimensions de la structure
dégradation (c’est-à-dire, augmentation) de la den- correspondante.
sité de courant de seuil avec l’augmentation de la
température de fonctionnement. Ce comportement Figure 4 – Densité d’états d’un semi-conducteur

Toute reproduction sans autorisation du Centre Français d’exploitation du droit de copie NM 2 050 - 3
est strictement interdite. — © Editions T.I.

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Lasers à cascade quantique

par Angela VASANELLI


Professeure à l’Université de Paris,
Laboratoire de physique de l’École Normale Supérieure,
Paris, France
et Carlo SIRTORI
Professeur à l’École Normale Supérieure,
Laboratoire de physique de l’Ecole Normale Supérieure,
Paris, France

1. Puits quantiques de semi-conducteur............................................ E 6 470 - 2


1.1 Transitions entre niveaux électroniques................................................ — 3
1.2 Mécanismes de diffusion électronique et temps de vie ....................... — 4
1.3 Condition pour obtenir du gain optique ................................................ — 5
2. Principe de fonctionnement des lasers à cascade quantique ... — 5
2.1 Ingénierie des états électroniques.......................................................... — 5
2.2 Dessin de la région active ....................................................................... — 6
2.3 Caractéristiques du laser ......................................................................... — 7
2.4 Effet cascade............................................................................................. — 7
2.5 Systèmes de matériaux et gamme spectrale de fonctionnement ....... — 9
2.6 Guides et résonateurs pour le moyen infrarouge ................................. — 9
2.7 Guides d’ondes plasmoniques pour le térahertz .................................. — 12
3. Performances ........................................................................................ — 13
3.1 Performances des lasers à cascade dans le moyen infrarouge ........... — 13
3.2 Performances dans le térahertz .............................................................. — 14
4. Applications........................................................................................... — 15
4.1 Spectroscopie des gaz ............................................................................. — 15
4.2 Communication en espace libre ............................................................. — 17
4.3 Imagerie térahertz .................................................................................... — 17
5. Conclusion.............................................................................................. — 18
6. Glossaire ................................................................................................. — 18
7. Symboles et sigles ............................................................................... — 19
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. E 6 470

es lasers à cascade quantiques (QCL) sont des lasers semi-conducteurs qui


L émettent de l’infrarouge moyen, à partir de longueurs d’onde aux alentours
de 3 µm, jusqu’aux ondes térahertz dans l’infrarouge lointain, avec des lon-
gueurs d’onde jusqu’à quelques centaines de micromètres. Leur émission
couvre donc deux décades du spectre électromagnétique (en longueur d’onde
entre 3 et 300 µm ou en fréquence entre 3 et 300 THz). Une caractéristique
remarquable de ces lasers est que cette vaste gamme de fréquences est cou-
verte fondamentalement par une seule filière de matériaux semi-conducteurs :
AlInAs/GaInAs dont la croissance est effectuée sur substrat de phosphure
d’indium (InP). En effet, pour ce concept original de laser, la longueur d’onde
d’émission n’est pas liée à la bande interdite du semi-conducteur, mais déter-
minée par l’épaisseur et l’alternance de fines couches formant un potentiel
quantique dans lequel les électrons sont injectés. De plus, ces semi-conducteurs
sont déjà très utilisés par la technologie des télécommunications, qui emploie
des alliages très similaires pour la réalisation de diodes lasers, de détecteurs et
d’autres composants optoélectroniques. Les lasers à cascade quantique ont
p。イオエゥッョ@Z@。ッエ@RPQY

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LASERS À CASCADE QUANTIQUE ______________________________________________________________________________________________________

donc été inventés et réalisés, sans qu’un véritable développement de matériaux


leur ait été associé. Ainsi, leurs performances ont pu progresser rapidement
grâce aux améliorations conceptuelles du dispositif, sans devoir attendre les
travaux de raffinement du matériau. Enfin, la nature des matériaux constituant le
dispositif est accessoire et sert juste de support pour l’implémentation des
concepts quantiques qui régissent le fonctionnement de ces lasers. Mis à part
l’aspect conceptuel très important, le fait de pouvoir réaliser des lasers sur une
gamme de fréquences si vaste, toujours en exploitant le même système de
matériaux, simplifie énormément leur fabrication. Une fois qu’un procédé de
fabrication est mis au point pour une longueur d’onde, il pourra être exploité à
l’identique pour toutes les autres longueurs d’onde.
Il y a deux caractéristiques propres aux lasers à cascade quantique qui les
démarquent d’une façon fondamentale des autres lasers semi-conducteurs et
en général de tout émetteur de lumière conventionnel à base de semi-conduc-
teurs. Il s’agit de l’unipolarité (un dispositif à base d’électrons uniquement) et
du schéma en cascade (plusieurs photons sont émis par chaque électron qui
traverse la structure). L’unipolarité provient du fait que les transitions optiques
du laser à cascade quantique se produisent entre des états électroniques de la
bande de conduction (sousbandes). Ces transitions sont communément dési-
gnées sous le nom de transitions intersousbandes et résultent du confinement
des électrons dans de très fines couches de semi-conducteur, les puits quan-
tiques, et n’existent pas dans les matériaux massifs. En ce sens, le laser à
cascade quantique est un dispositif intrinsèquement à deux dimensions.
L'autre caractéristique fondamentale des QCLs est le schéma en cascade à plu-
sieurs étages, dans lequel les électrons sont recyclés d’une période à l'autre,
contribuant chaque fois au gain et à l’émission de photons.
Les lasers à cascade quantique ont été mis en évidence pour la première fois
en 1994 dans les Laboratoires Bell de la compagnie américaine de téléphone
AT&T. En 2019, la plupart des brevets originaux sont désormais dans le domaine
public, même si d’autres brevets ont été déposés au cours des années sur la
fabrication ou l’encapsulation des QCL. Ces aspects de propriété intellectuelle,
combinés avec l’essor de senseurs infrarouges pour la détection de molécules,
constituent une forte motivation pour valoriser cette technologie. Il y a en 2019
une dizaine de sociétés dans le monde qui commercialisent les lasers à cascade
quantique et une vingtaine, au moins, qui assemblent des systèmes, pour diffé-
rentes applications, dans lesquels le laser à cascade quantique est un
composant essentiel. Entre 2019 et 2030, une forte croissance de systèmes dans
l’infrarouge moyen est attendue, qui entraînera par conséquent le développe-
ment d’un marché parallèle de composants, dispositifs et fibres dans ces
longueurs d’onde considérées à présent comme exotiques.
Cet article présente tout d’abord les propriétés physiques sur lesquelles
repose le laser à cascade quantique. La propriété d’unipolarité et le schéma en
cascade, sont notamment traités. Ces caractéristiques jouent un rôle clé dans
le fonctionnement du laser et dans ses performances actuelles. L’article
termine en présentant un panorama des applications actuelles des QCL et des
perspectives dans la technologie.

paramètre de maille et d’énergie de bande interdite plus


1. Puits quantiques grande [2]. Les puits quantiques de semi-conducteurs sont réalisés
de semi-conducteur par épitaxie par jet moléculaire ou par épitaxie en phase vapeur
aux organométalliques. Ces deux techniques permettent de
contrôler les épaisseurs des couches semi-conductrices avec une
La brique de base du QCL [1] est le puits quantique de semi- précision inférieure à la monocouche. Les systèmes de matériaux
conducteur. les plus couramment utilisés pour réaliser les lasers à cascade
quantique sont : GaInAs/AlInAs sur substrat InP ; GaAs/AlGaAs sur
Un puits quantique de semi-conducteur est un matériau artificiel substrat GaAs ; InAs/AlSb sur substrat InAs. La figure 1 présente
composé d’un semi-conducteur de faible énergie de bande inter- une image en haute résolution, réalisée par microscopie électro-
dite, inséré entre deux couches semi-conductrices de même nique en transmission, d’un puits quantique en GaAs/AlGaAs. On

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_______________________________________________________________________________________________________ LASERS À CASCADE QUANTIQUE

AIGaAs GaAs AIGaAs AIGaAs GaAs AIGaAs

ΔEc = 300 meV

E2

GaAs 1020 meV


E1

2,5 nm

2,5 nm

a b

À l’image est superposé le profil de bande de conduction et de valence, ainsi que les niveaux confinés du puits.
Les diodes lasers utilisent des transitions entre la bande de conduction et la bande de valence (transitions
interbandes a ). Les lasers à cascade quantique utilisent des transitions intrabandes, entre états confinés dans
la bande de conduction b .

Figure 1 – Image en haute résolution, réalisée par microscopie électronique en transmission, d’un puits quantique en GaAs/AlGaAs

peut distinguer les plans atomiques et l’interface abrupte séparant On considère un puits quantique de semi-conducteur. Soit z la
les deux matériaux semi-conducteurs. Sur la figure, nous avons direction de croissance des couches semi-conductrices et m* la
superposé aux couches semi-conductrices la structure de bande masse effective des électrons dans le puits. Comme mentionné
des matériaux correspondants : on voit le profil, le long de la direc- précédemment, le mouvement des électrons est confiné selon z et
tion de croissance, du minimum de la bande de conduction et du libre dans le plan des couches. Cela donne lieu à des niveaux
maximum de la bande de valence (trous lourds). La différence d’énergie (appelés sousbandes) de la forme :
d’énergie de bande interdite entre les deux semi-conducteurs
donne lieu, dans le matériau de faible bande interdite, à un puits
de potentiel pour les électrons en bande de conduction (et de (1)
façon analogue pour les trous en bande de valence). Si l’épaisseur
de la couche semiconductrice est plus faible que la longueur
d’onde de de Broglie des électrons dans le semi-conducteur
(~ quelques dizaines de nanomètres), le mouvement des électrons avec n entier positif,
est confiné selon la direction de croissance. Des niveaux d’énergie
quantifiés apparaissent, comme présenté en figure 1. Les lasers à vecteur d’onde des électrons dans le plan des
cascade quantique, comme on le verra par la suite (§ 2), exploitent couches,
les transitions entre niveaux quantifiés dans la bande de conduc-
tion (intrabande), à la différence des diodes lasers qui exploitent constante de Planck réduite .
quant à elles les recombinaisons électron – trou à travers la bande
interdite (interbande). Cette expression est obtenue dans l’approximation parabolique,
dans laquelle la masse effective des électrons est supposée
La croissance épitaxiale permet aussi de réaliser des structures constante en fonction de l’énergie. Pour les matériaux à faible
complexes composées de plusieurs puits quantiques, séparés par bande interdite, comme InAs, cette approximation n’est pas
des barrières. La possibilité de contrôler à l’échelle de la mono- valable et il est nécessaire de considérer le couplage entre la
couche des structures complexes composées de plusieurs puits et bande de conduction et les autres bandes (notamment la bande de
barrières est un élément clé de l’ingénierie de bandes, au cœur de trous légers et la bande de split-off ), donnant lieu à des effets de
la technologie des lasers à cascade quantique. non-parabolicité et donc à une dépendance de la masse effective
de l’énergie [3]. Dans la suite, par simplicité, on utilisera ce type
d’approximation. La figure 2a présente le profil de potentiel en
1.1 Transitions entre niveaux bande de conduction d’un puits quantique, avec trois niveaux
électroniques confinés d’énergie, accompagné (figure 2b) par les sousbandes
correspondantes. Pour un système de matériaux donné, la sépara-
Pour pouvoir comprendre le principe de fonctionnement d’un tion en énergie entre les niveaux électroniques dépend de l’épais-
laser à cascade quantique, il est important de rappeler les proprié- seur du puits quantique. En utilisant le même système de
tés des transitions entre niveaux confinés d’un puits quantique et matériaux, il est donc possible de réaliser des lasers à cascade
les mécanismes qui limitent le temps de vie des électrons sur un quantique qui émettent dans une large plage spectrale, du moyen
niveau excité. au lointain infrarouge.

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LASERS À CASCADE QUANTIQUE ______________________________________________________________________________________________________

En utilisant cette expression et celle des fonctions enveloppes


E [équation (2)], on montre que la radiation émise ou absorbée
lors d’une transition entre niveaux confinés d’un puits
quantique est polarisée selon la direction de croissance z.
L’élément de matrice dipolaire s’écrit alors :
3

(4)
2
Cela constitue la règle de sélection en polarisation des transi-
1 tions intersousbandes [2] [4].

k ⎜⎜

a profil de potentiel en bande b sous-bandes associées aux


1.2 Mécanismes de diffusion
de conduction d’un puits trois niveaux confinés dans électronique et temps de vie
quantique, avec trois niveaux l’approximation parabolique
confinés d’énergie Considérons un électron sur un niveau électronique excité d’un
Dans les deux images, les flèches indiquent les processus de diffusion ou puits quantique (figure 2). Plusieurs mécanismes de diffusion
de relaxation possibles pour les électrons dans le niveau 3 : diffusion limitent le temps de vie de l’électron. On peut tout d’abord distin-
élastique (en noir) ; émission d’un phonon optique (en bleu) ; émission guer les mécanismes de diffusion intersousbande (les états
radiative (en rouge). initial et final appartiennent à deux sousbandes différentes) et
intrasousbande (impliquant états différents de la même sous-
Figure 2 – Transitions entre niveaux confinés d’un puits quantique
bande). Typiquement, les transitions intrasousbandes ont lieu sur
une échelle de temps beaucoup plus rapide que les transitions
intersousbandes : elles permettent donc une redistribution rapide
Les fonctions d’onde associées aux sousbandes sont séparables des électrons de vecteur d’onde élevé vers le minimum de la sous-
selon les directions de l’espace et peuvent s’écrire, dans l’approxi- bande. Parmi les transitions intersousbandes, on peut distinguer
mation de la fonction enveloppe [2] [4] : deux catégories de phénomènes :
– les phénomènes de diffusion élastique, qui conservent
(2) l’énergie, mais pas le vecteur d’onde entre l’état initial et final de la
transition (flèche noire en figure 2) ;
avec projection du vecteur position dans le plan des – les phénomènes inélastiques, qui permettent d’atteindre un
couches, état final d’énergie différente. Parmi les mécanismes élastiques, on
χn (z ) fonction enveloppe des électrons dans le puits peut citer la diffusion par la rugosité d’interface, le désordre
quantique. d’alliage ou les impuretés ionisées (dues à la présence de don-
Cette expression reflète le fait que les électrons sont libres dans neurs dans le semi-conducteur).
le plan des couches, et donc décrits par une onde plane. En
revanche, pour connaître la partie de la fonction d’onde selon la L’ordre de grandeur typique pour le temps de diffusion
direction de croissance, il faut résoudre numériquement l’équation élastique est de quelques picosecondes [6]. L’interaction avec
de type Schrödinger qui décrit le mouvement de l’électron. On uti- les modes de vibration du réseau cristallin (les phonons) constitue
lise habituellement une méthode itérative, appelée de « shooting », le principal mécanisme de diffusion inélastique. Plus précisément,
qui consiste à calculer la fonction d’onde point par point en impo- un électron dans un état excité peut relaxer par émission sponta-
sant les conditions aux limites opportunes [5]. Cette méthode peut née de phonons optiques [7], si la séparation en énergie entre
également être utilisée en présence d’un champ électrique appliqué. les sousbandes initiale et finale est supérieure ou égale à l’énergie
du phonon optique dans le semi-conducteur, de l’ordre de 35 meV
En connaissant les fonctions d’onde, il est possible d’étudier les (flèches bleues en figure 2). Le temps de vie associé à ce phéno-
transitions optiques issues de l’interaction entre un électron mène est inversement proportionnel au vecteur d’onde échangé
confiné dans le puits quantique et le champ électromagnétique. lors de l’interaction, et varie de 0,1 ps, quand la séparation en
Pour cela, on remarque d’abord que l’épaisseur typique d’un puits énergie entre les deux niveaux est proche de l’énergie du phonon,
quantique, de l’ordre de la dizaine de nanomètres, est très infé- à 1 ps loin de la condition de résonance. Comme on le verra au
rieure à la longueur d’onde de la radiation dans l’infrarouge paragraphe 1.3, ce processus de diffusion sera au cœur de l’ingé-
moyen ou lointain (> 3 µm). Cette observation permet également nierie des temps de vie nécessaire pour obtenir du gain dans un
de négliger la variation spatiale du champ électromagnétique à ensemble de puits quantiques.
l’échelle du puits quantique (approximation de dipôle électrique).
En conséquence, le vecteur d’onde des photons est négligeable Il est important de mentionner que le temps d’émission sponta-
par rapport à celui des électrons : les transitions optiques entre née d’un photon est beaucoup plus long que les temps de diffu-
deux sousbandes sont donc verticales dans l’espace réciproque sion non radiative mentionnés plus haut. En effet, le temps
(flèche rouge en figure 2). Il est alors possible de montrer que le d’émission spontanée est proportionnel au cube de la longueur
taux de transition optique (absorption ou émission stimulée) d’un d’onde de la radiation émise. Ainsi, dans le moyen infrarouge, le
état initial i vers un état final f est proportionnel au module carré temps d’émission spontanée est de l’ordre de la centaine
de l’élément de matrice dipolaire µi→f : de nanosecondes et dans le térahertz, il atteint quelques
microsecondes.
(3)
En conclusion, le temps de relaxation électronique entre deux
niveaux confinés est complètement dominé par l’émission
avec vecteur unitaire de polarisation de la radiation
spontanée de phonons optiques, quelle que soit la température
incidente,
du système. Pour des énergies inférieures à l’énergie du phonon
q charge élémentaire, optique (c’est-à-dire pour des transitions intersousbandes dans le
opérateur position. térahertz) les mécanismes élastiques deviennent importants.

E 6 470 – 4 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

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_______________________________________________________________________________________________________ LASERS À CASCADE QUANTIQUE

1.3 Condition pour obtenir du gain J/q


optique 3

Pour réaliser un laser, il faut avoir deux éléments de base : un Injection t32
milieu à gain et un résonateur optique. L’objectif de ce para-
graphe est de montrer les conditions à satisfaire pour obtenir un t31
milieu à gain en utilisant un ensemble de puits quantiques de
semi-conducteur. 2

On dit qu’un matériau présente du gain optique si la puissance t21


optique à la sortie du matériau est supérieure à la puissance 1
optique en entrée (pour un milieu non réfléchissant). Dans un sys-
tème à trois niveaux, comme celui représenté en figure 3, cette Extraction
condition est satisfaite si la population du niveau 3, indiquée N3 , Le courant J est injecté dans le niveau 3.
est supérieure à N2 , la population du niveau 2. On parle dans ce Les flèches indiquent les transitions non radiatives possibles, dont les
cas de condition d’inversion de population, car à l’équilibre la temps caractéristiques sont indiqués avec le symbole t.
population du niveau de plus faible énergie est toujours supérieure
à la population du niveau supérieur. Dans ce cas, en présence Figure 3 – Schéma d’un système à trois niveaux sous pompage
d’une onde électromagnétique d’énergie , la puis- électrique
sance émise par émission stimulée lors de la transition 3 → 2 est
supérieure à celle absorbée dans la transition 2 → 3. Le niveau 1,
séparé du niveau 2 de l’énergie d’un phonon optique, possède la d’observer du gain dès le premier électron injecté. En consé-
fonction de dépeupler le niveau 2. Nous allons démontrer par la quence, la densité de courant de seuil n’est pas associée à une
suite que la condition d’inversion de population se traduit en une condition de transparence. Cela est une caractéristique importante
condition sur les temps de vie des niveaux 3 et 2. du laser à cascade quantique, qui le différencie des diodes lasers.
La figure 3 présente de façon schématique la brique de base de
la région active du laser à cascade quantique. Elle est constituée
d’un système à trois niveaux, qui sont les états confinés d’un sys-
tème de puits quantiques. Les électrons sont injectés électrique- 2. Principe de
ment sur l’état 3 à travers une région d’injection et ils sont extraits
des niveaux 1 et 2 via une région d’extraction. Nous avons égale- fonctionnement
ment indiqué sur la figure le temps de vie non radiatif associé aux
différentes transitions (indiquées par des flèches). La relaxation des lasers à cascade
des électrons est dominée par l’émission de phonons optiques,
comme discuté au paragraphe 1.2. Le temps d’émission spontanée
quantique
étant très long comparé au temps de relaxation non radiative,
l’émission spontanée de photons sera négligée par la suite.
En l’absence de photons, les équations de bilan pour les popula- 2.1 Ingénierie des états électroniques
tions sur les niveaux 3 et 2 s’écrivent :
La première condition à satisfaire pour dessiner la région active
d’un laser à cascade quantique est l’inversion de population
(5) entre l’état fondamental et l’état excité de la transition laser [8]
Nous avons vu au paragraphe 1.3 que la condition d’inversion de
population est satisfaite quand le temps de vie de l’état excité est
(6) supérieur au temps de vie de l’état fondamental. Pour cela, il est
nécessaire que les électrons dans l’état fondamental de la transi-
tion laser se désexcitent rapidement vers un niveau de plus basse
où énergie. L’émission spontanée de phonons optiques peut être utili-
sée pour satisfaire cette condition dans le cas d’un laser à cascade
fonctionnant dans l’infrarouge moyen. En effet, en suivant la
avec J densité de courant injecté dans la structure,
même notation que dans la figure 3, si les états 1 et 2 sont séparés
q charge élémentaire, d’une énergie proche de celle du phonon optique, bien inférieure à
η efficacité d’injection, l’énergie de la transition laser, alors τ32 > τ21 et le système est en
inversion de population.
n3 et n2 densités surfaciques de population des niveaux 3 et
2 respectivement. Un autre élément important à prendre en considération est le
En résolvant ce système d’équations à l’état stationnaire, on transport électronique : il faut assurer l’injection des porteurs
trouve que la condition d’inversion de population, n3 > n2 , est dans l’état excité de la transition laser et extraire les électrons
équivalente à la condition suivante sur les temps de vie : τ32 > τ21 . depuis l’état fondamental. On peut donc distinguer dans la région
Il est donc possible d’obtenir une inversion de population si l’on active d’un laser à cascade quantique trois régions distinctes : une
assure un dépeuplement rapide de l’état inférieur de la transition région d’injection, la zone dans laquelle l’émission laser a lieu (qui
laser. L’inversion de population s’écrit : constitue la zone active à proprement parler), et enfin une région
d’extraction. Le terme ingénierie des états électroniques
indique la possibilité de dessiner un matériau artificiel dans lequel
(7) on est capable de contrôler l’énergie et le temps de vie des élec-
trons en utilisant le confinement électronique et l’effet tunnel.
Le gain optique étant proportionnel à l’inversion de population, Pour comprendre l’utilisation de l’effet tunnel dans l’ingé-
on constate que dans un laser à cascade quantique, si la condition nierie des états électroniques, on peut considérer le cas simple
d’inversion de population est satisfaite, le gain est présent quel de 2 puits quantiques séparés par une barrière (figure 4). Si les
que soit le courant injecté dans le dispositif. En d’autres termes, il puits sont identiques et la barrière d’épaisseur suffisamment fine,
n’y a pas de seuil pour l’inversion de population et il est possible le couplage tunnel lève la dégénérescence entre les niveaux

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Lasers accordables

par François BALEMBOIS


Professeur des universités à l’Institut d’optique

1. Milieux amplificateurs accordables .................................................... E 6 480 - 2


1.1 Milieux amplificateurs utilisant l’émission stimulée................................. — 2
1.2 Milieux non linéaires ................................................................................... — 5
2. Principes de l’accordabilité dans un oscillateur ............................. — 6
2.1 Conditions d’oscillation ............................................................................... — 7
2.2 Accordabilité par la condition sur la fréquence......................................... — 7
2.3 Accordabilité par la condition sur le gain .................................................. — 8
3. Exemples de filtres spectraux pour accorder un oscillateur ....... — 9
3.1 Filtres à dispersion spatiale......................................................................... — 9
3.2 Filtres interférentiels .................................................................................... — 10
3.3 Filtres biréfringents ...................................................................................... — 11
3.4 Filtres diffractifs............................................................................................ — 11
4. Exemple de lasers accordables : les diodes laser ........................... — 13
5. Applications des lasers accordables .................................................. — 14
5.1 Lasers accordables pour interagir avec la matière par absorption ......... — 14
5.2 Lasers accordables pour caractériser ou mesurer (sans absorption)...... — 15
6. Conclusion.................................................................................................. — 15
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. E 6 480

n a souvent tendance à associer le terme de « lasers accordables » aux


O milieux laser dont la largeur spectrale dépasse plusieurs dizaines de
nanomètres (quelques THz en fréquence). L’accordabilité peut prendre cepen-
dant une définition plus générale qui indique la capacité d’un oscillateur
optique à changer sa longueur d’onde d’émission. Selon la nature des milieux
amplificateurs et le type de dispositifs mis en place pour contrôler le spectre, la
gamme spectrale peut s’étendre de quelques Hz à une centaine de THz.
L’accordabilité peut se faire par saut ou de façon continue. Elle peut être réa-
p。イオエゥッョ@Z@ュ。ゥ@RPQR@M@d・イョゥ│イ・@カ。ャゥ、。エゥッョ@Z@ウ・ーエ・ュ「イ・@RPQW

lisée de façon définitive ou alors donner au laser une certaine agilité en


fréquence. Tous les milieux laser sont-ils « accordables » ? On peut se poser la
question pour des atomes, des molécules ou des ions dont les diagrammes
d’énergie sont simples avec des niveaux quantifiés parfaitement définis, cor-
respondant donc à des longueurs d’onde discrètes. En fait, les niveaux sont
toujours élargis par une multitude d’effets physiques dont le plus fondamental
est la durée de vie des niveaux impliquant un élargissement spectral par trans-
formée de Fourier. Tous les milieux amplificateurs de lumière utilisant
l’émission stimulée sont donc accordables, il faut simplement regarder dans
quelle mesure.
On peut même aller plus loin en utilisant des milieux qui ne sont pas basés sur
l’émission stimulée mais sur des effets non linéaires. Avec des cristaux non
linéaires d’ordre 2, on peut réaliser des oscillateurs paramétriques optiques
capables de concurrencer voire de surpasser les sources accordables basées sur
l’émission stimulée. En utilisant l’effet non linéaire d’ordre 3 dans des fibres pho-
toniques, on peut générer un continuum de lumière sur une très grande plage de
longueurs d’onde et le filtrer pour obtenir une lumière accordable.

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LASERS ACCORDABLES ______________________________________________________________________________________________________________

L’objet de cet article est de faire le point sur les principes et les performances
des « lasers accordables » pris dans le sens le plus général. Le paragraphe 1
décrit les milieux amplificateurs accordables, lasers et non linéaires, en donnant
l’origine physique de la largeur des spectres suivant les milieux considérés. Le
paragraphe 2 donne les grands principes de l’accordabilité qui est réalisée dans
la très grande majorité des cas à partir d’une cavité optique contenant le milieu
amplificateur de lumière. Une méthode très courante pour accorder un laser est
d’insérer un filtre spectral à l’intérieur de la cavité, c’est pourquoi le
paragraphe 3 donne des exemples de filtres spectraux utilisés dans ce but. Le
paragraphe 4 donne un exemple de laser accordable : la diode laser. Le
paragraphe 5 présente les domaines d’application des lasers accordables.

1. Milieux amplificateurs et où F (ν ) traduit l’élargissement de la transition que l’on peut


observer sur l’émission spontanée liée à la transition. Dans cer-
accordables tains cas simples, il est possible d’en faire le calcul. Dans les autres
cas, la connaissance du profil de raie vient de la mesure du spectre
d’émission spontanée.
Un milieu amplificateur accordable présente par définition une
Les élargissements spectraux peuvent avoir une origine intrin-
certaine largeur spectrale de son gain en fonction de la fréquence.
sèque. Ils sont également liées à l’environnement de l’élément
Les oscillateurs optiques utilisent deux types de milieux
considéré et à l’état de la matière : gazeux ou solide (voire liquide
amplificateurs : soit les milieux laser, soit les milieux non linéaires.
dans certains cas).
Les principes physiques étant très différents, ils seront étudiés
dans deux sous-parties.
1.1.1 Élargissement dans les gaz
1.1 Milieux amplificateurs utilisant Considérons les deux niveaux d’énergie de la transition optique
sur laquelle l’amplification de lumière sera réalisée (définie comme
l’émission stimulée la transition « laser »). Ces deux niveaux d’énergie E1 et E2 ont une
durée de vie τ1 et τ2 (le niveau du bas, E1 , de la transition laser
Les éléments dont on considère les niveaux d’énergie peuvent être
n’est pas forcément le niveau fondamental, sa durée de vie n’est
des atomes indépendants (cas des gaz comme le néon), des molécu-
donc pas forcément infinie). Pour la définition de la durée de vie
les sous forme gazeuse ou dissoutes dans un solvant (cas des colo-
d’un niveau, on peut se reporter à l’article [AF 3 270]. Du fait de
rants), des ions piégés dans des matrices cristallines ou vitreuses ou,
l’émission spontanée, un atome arrivant sur le niveau E2 a une
enfin, des paires électrons-trous dans les semi-conducteurs.
probabilité d’occupation du niveau en fonction du temps qui varie
Si les niveaux sont multiples et bien séparés en énergie, le en exp (– t /τ2). La probabilité d’émission spontanée varie elle aussi
spectre d’émission sera un spectre de raies. L’accordabilité du sous la forme d’une exponentielle décroissante. Le spectre d’émis-
laser se fera donc par saut. sion associé, que l’on peut trouver par une transformée de Fourier
est alors de forme lorentzienne dont la largeur à mi-hauteur est
On peut citer les exemples du laser hélium-néon qui peut émettre ∆ν = 1/(2πτ2). Une autre façon d’aborder ce phénomène est de dire
sur de multiples raies dans le visible et l’infrarouge (543,3 nm, que la durée de vie finie des niveaux correspond à une certaine
632,8 nm, 1,15 µm, 3,39 µm pour les principales), du laser à CO2 incertitude de positionnement des niveaux en énergie :
avec une émission sur une multitude de raies vers 9,6 µm et
10,6 µm, ou du Nd:YAG avec une émission sur plus de 20 raies entre ∆E 1 = h / (2 πτ 1) et ∆E 2 = h / (2 πτ 2 )
869 et 1 444 nm.
avec h constante de Planck.
Les raies d’émission ont toujours une certaine largeur et elles Finalement, on peut montrer que la durée de vie des niveaux
peuvent même être très larges dans certains cas. On a alors un spec- contribue à donner une forme lorentzienne à la forme de raie, avec
tre d’émission continu qui permettra une accordabilité continue du
1  1 1
laser : ce qui est souvent l’objectif recherché. Le but de cette partie une largeur totale à mi-hauteur de ∆ν = + [1]. Cette forme
est de donner les origines physiques des élargissements spectraux 2π  τ1 τ 2 
que l’on observe dans les milieux amplificateurs. de raie est centrée sur la fréquence ν0 telle que hν0 = E2 – E1 .
La grandeur pertinente pour tenir compte de l’évolution du gain Cet élargissement est le plus fondamental, il existe dans tous les
du milieu amplificateur en fonction de la fréquence ν est la section systèmes dont on peut définir les niveaux d’énergie. On parle alors
efficace notée σ (ν ). Elle est reliée au profil de raie (ou forme de de largeur naturelle de la transition.
raie), noté F (ν ) par la formule suivante :
Les collisions dans le gaz sont aussi à l’origine d’un élargis-
sement car elles modifient la phase de l’émission des atomes de
c2
σ (ν ) = F (ν ) façon aléatoire [1]. S’il n’y avait que des collisions dans le gaz, le
(8πτ n2 ν 2 ) profil de raie serait également lorentzien.
avec c vitesse de la lumière dans le vide, La troisième origine de l’élargissement est l’effet Doppler.
Pour un atome de vitesse v qui émet de la lumière dans son réfé-
τ durée de vie du niveau d’énergie,
rentiel, on enregistre dans le référentiel du laboratoire un décalage
n indice du milieu, de la fréquence de la valeur v/c. La vitesse dans les gaz peut

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______________________________________________________________________________________________________________ LASERS ACCORDABLES

atteindre plusieurs centaines à plusieurs milliers de m/s selon la


température et la masse du gaz. La vitesse moyenne est donnée

Intensité (unité arbitraire)


par la formule :
1
kT
vD =
M
0,9
avec k constante de Boltzmann (1,38 × 10–23 J · K–1), π Gain
T température (en K), 0,8
M masse atomique du gaz (en kg).
La répartition des vitesses suit un profil gaussien centré sur la 0,7
vitesse nulle. Pour connaître l’expression du profil de raie, il faut
sommer toutes les contributions des atomes de différentes
0,6
vitesses. Celui-ci prend le nom de profil de Voigt qui est la
convolution entre une gaussienne et une lorentzienne [2]. Dans le
cas où la vitesse moyenne dans le gaz conduit à un décalage par 0,5
effet Doppler plus important que la largeur naturelle, le profil de σ
raie est gaussien et sa largeur totale à mi-hauteur vaut :
0,4
vD
∆ν = ν 0 8 ln 2
c 0,3

Les élargissements peuvent se ranger dans deux catégories :


– l’élargissement dit homogène pour lequel tous les atomes se 0,2
comportent de la même manière (par exemple, l’élargissement
naturel est homogène) ; 0,1
– l’élargissement dit inhomogène pour lequel chaque atome
peut avoir un élargissement différent ou un décalage spectral spé-
cifique et apporter sa contribution à l’élargissement d’ensemble 0
(par exemple, l’élargissement Doppler est inhomogène). 600 650 700 750 800 850 900 950 1 000 1 050
Longueur d’onde (nm)
Exemple : cas du néon dans les lasers de type He-Ne
Les durées de vie des niveaux sont τ1 = 10 ns et τ2 = 150 ns, l’élar- Le spectre est différent suivant les axes π et σ du cristal
gissement naturel est de 8,5 MHz.
La probabilité de collision pour une pression « standard » de l’ordre Figure 1 – Spectre de fluorescence du saphir dopé au titane (d’après [3])
de 70 Pa est de 1,9 MHz : la contribution à l’élargissement est de
0,3 MHz.
Dans le cas des terres rares, l’électron « optique » est sur une cou-
À température ambiante, la vitesse moyenne vD vaut : 352 m · s–1. che de type « 4fN » qui est écrantée par les couches de type 5s2 et
La largeur totale à mi-hauteur du profil de raie élargi par effet Doppler 5p6. L’interaction avec la matrice est réduite. L’élargissement reste
vaut 1,3 GHz, valeur largement prédominante par rapport aux deux cependant bien plus important que la largeur naturelle de la raie.
autres élargissements.
• La multiplicité des sites pour les ions actifs : selon les
De façon générale, les gaz couvrent le spectre optique de façon matrices, les ions peuvent s’insérer dans des sites différents et
discrète, de l’ultraviolet à l’infrarouge lointain. Les raies sont relati- donc voir des champs cristallins différents. Le champ cristallin
vement fines et leur largeur ne dépasse pas le GHz [AF 3 271]. modifie la position des niveaux d’énergie (effet Stark). Le profil de
raie global est la résultante de toutes les contributions des ions
issues des différents sites. Il s’agit d’un élargissement inhomo-
1.1.2 Élargissement dans les solides gène. Un exemple de cas extrême est celui des matrices vitreuses
qui donnent un environnement différent pour tous les ions.
Pour ce paragraphe, on pourra se reporter aux articles [AF 3 275]
et [AF 3 276]. Les milieux solides sont des cristaux ou des matrices
vitreuses dopés par des ions actifs dont on utilise les niveaux d’éner- Exemples : la largeur spectrale du verre dopé au néodyme est
gie pour obtenir des transitions laser. On ne considère pas les supérieure à 6 THz (longueur d’onde d’émission centrée à 1 053 nm
semi-conducteurs dans ce paragraphe (objet du paragraphe suivant). pour un verre phosphate, avec une bande spectrale qui s’étend typi-
quement de 1 045 nm à 1 070 nm) alors qu’elle n’est que de 120 GHz
Les ions peuvent être répartis en deux catégories : les ions de pour le même ion dans une matrice de YAG qui ne comprend qu’un
transition (type Cr3+ ou Ti3+) et les ions terre rare (type Nd3+, Er3+). seul site. De même, le verre dopé erbium a un spectre d’émission qui
La largeur naturelle n’est quasiment jamais l’élargissement pré- s’étend de 1 520 nm à plus de 1 570 nm. C’est grâce à cette largeur
dominant. spectrale que les fibres dopées à l’erbium permettent de réaliser du
Plusieurs phénomènes sont à l’origine de l’élargissement dans multiplexage en longueur d’onde dans le cas des télécommunications
les solides : optiques grandes distances.
• Le couplage électron-phonon : l’électron de l’ion actif à l’ori-
gine des transitions optiques peut interagir avec les modes de Exemple : cas du Nd3+ : YAG
vibration de la matrice qui l’environne. Selon la position de l’élec-
tron et la nature du champ cristallin, cette interaction peut causer Les durées de vie des niveaux sont τ1 sub-ns et τ2 = 230 µs, l’élargis-
des élargissements très importants. C’est le cas pour les ions de sement naturel est de 690 Hz.
transition avec un champ cristallin faible comme par exemple le L’élargissement à température ambiante est mesuré à 120 GHz
saphir dopé au titane (largeur de bande s’étalant de 660 nm à plus (longueur d’onde 1 064 nm) pour un cristal dopé à 1 % en masse.
de 1 100 nm, voir figure 1 [3]). L’origine de cet élargissement est l’interaction électron-phonon.

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LASERS ACCORDABLES ______________________________________________________________________________________________________________

Les principales longueurs d’onde et largeurs spectrales des La longueur d’onde d’émission moyenne est reliée à la valeur de
milieux laser solides peuvent être trouvées dans [AF 3 276]. On l’énergie de gap Eg par la relation λ = 1,24/Eg , avec Eg en eV. En
peut retenir que les milieux solides couvrent généralement modifiant la composition chimique et la nature des matériaux, il
l’infrarouge proche et l’infrarouge moyen. De façon plus margi- est possible d’ajuster la longueur d’onde d’émission. Les
nale, il existe des milieux émettant dans l’ultraviolet comme le Ce : semi-conducteurs couvrent quasiment tout le spectre visible. Ils
LICAF, le Ce : YLF ou le Ce : LiLUF [4] [5] accordables sur plusieurs sont particulièrement développés dans l’infrarouge proche, de
dizaines de THz. Les raies les plus fines sont émises par les ions 800 nm à 1 500 nm.
des terres rares (Nd3+, Er3+, Pr3+) dans des cristaux avec une lar- Dans le cas des lasers à cascade quantique, la largeur spectrale
geur spectrale minimale de l’ordre d’une centaine de GHz. Des est obtenue de façon très différente. L’électron reste dans la bande
spectres plus larges, jusqu’à une dizaine de THz, peuvent être de conduction qui est structurée en sous-bandes par l’utilisation de
obtenus en combinant les élargissements (couplage puits quantiques. En passant d’une sous-bande à une autre, l’élec-
électron-phonon + multisites + niveaux d’énergie proches dont les tron émet un photon. On parle alors d’émission par transition
raies peuvent se recouvrir) : c’est le cas pour les cristaux dopés par inter-sous-bande. Comme l’énergie entre deux sous-bandes
l’ion Yb3+. Enfin, les spectres d’émission peuvent être très larges dépend directement de la largeur du puits, donc de l’épaisseur de
pour les ions de transition (Ti3+, Cr2+, Cr3+, Cr4+...) : jusqu’à une la couche de semi-conducteur constituant le puits, il est possible
centaine de THz. de choisir la longueur d’onde émise en contrôlant cette épaisseur.
Les lasers à cascade quantique émettent dans l’infrarouge moyen,
typiquement entre 5 et 13 µm, suivant les matériaux utilisés et
1.1.3 Largeur spectrale dans les semi-conducteurs l’épaisseur des couches. Un laser à cascade quantique est capable
d’émettre sur une bande spectrale très large, de plusieurs micro-
Dans les semi-conducteurs, ce sont les niveaux d’énergie des mètres.
électrons et des trous de la matrice cristalline qui vont servir pour
les transitions laser. Les niveaux d’énergie sont si nombreux qu’ils
donnent naissance à des bandes dans lesquelles les électrons et 1.1.4 Largeur spectrale dans les lasers à colorant
les trous peuvent se trouver. La position des électrons dans la
Les lasers dits à colorant utilisent des molécules organiques
bande de conduction dépend de la température et du nombre de
complexes qui ont une multitude de niveaux d’énergie vibration-
paires électron-trou créées.
nels et rotationnels. À température ambiante, il n’est pas possible
Dans le cas d’un régime de faible injection de porteurs, un ordre de les résoudre si bien que le spectre d’émission est continu, sur
de grandeur de la largeur du spectre est [6] : une large bande spectrale. Cette dernière peut atteindre plusieurs
dizaines de nanomètres. On les appelle « colorants » car les molé-
∆ν = 1, 8 kT /h cules absorbent en général dans l’ultraviolet ou le bleu et
réémettent dans le visible. La plus connue est la Rhodamine 6G
avec h constante de Planck, qui émet entre 550 et 640 nm [7]. Ces molécules sont en général
k constante de Boltzmann, en solution dans un solvant (par exemple éthylèneglycol, métha-
nol ou éthanol) qui permet une circulation des molécules dans la
T température du composant. cavité laser, afin d’augmenter l’efficacité du laser et sa durée de
La largeur spectrale vaut une dizaine de THz à température vie. En utilisant différents types de colorants [8], il est possible de
ambiante, ce qui représente plusieurs dizaines de nanomètres couvrir le spectre visible et l’infrarouge proche de façon continue
pour une longueur d’onde de 1 µm. (figure 2) [9].
Énergie en sortie (valeur relative)

C-1
C-120 C-102 R-6G R-101
R-B
C-307 NILEBLUE690
PBBO C-153
OXAZINE750
BPBD DMOTC

DOTC+HITC
IR125

400 500 600 700 800 900


Longueur d’onde (nm)

C : coumarine
R : rhodamine

Figure 2 – Exemple d’accordabilité pour des lasers à colorant impulsionnels (d’après [9])

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Lasers à solides pour le domaine


UV-visible

par Richard MONCORGÉ


Professeur à l’Université de Caen Normandie (UCN)
Docteur ès Sciences physiques
Ex-Directeur de recherche au CNRS, France
Centre de recherche sur les ions, les matériaux et la photonique (CIMAP)
Unité mixte de recherche CEA-CNRS-ENSICAEN, Université de Caen

1. Différents types de lasers UV-visible et problématiques


associées.................................................................................................. E 6 485 - 2
2. Systèmes laser à solides à émission directe
dans le domaine UV-visible ................................................................ — 3
2.1 Lasers à semi-conducteurs à grand gap
(problématique du green-gap)................................................................. — 3
2.2 Lasers à ions de terres rares pour le proche UV .................................... — 4
2.3 Lasers à ions de terres rares pour le rouge-vert-bleu............................ — 6
3. Systèmes laser à solides associés à des cristaux
non linéaires convertisseurs de fréquence .................................... — 9
3.1 Conversion de fréquence des lasers à solides à ions de terres rares... — 9
3.1.1 Génération de second harmonique, somme de fréquences
et autodoublage de fréquence....................................................... — 9
3.1.2 Décalage Raman — 12
3.2 Conversion de fréquence des lasers à ions de transition...................... — 13
3.3 Conversion de fréquence des lasers à semi-conducteurs
(VECSEL et OPSL) ..................................................................................... — 14
3.4 Oscillateurs paramétriques optiques ...................................................... — 16
4. Systèmes laser à base de fibres optiques microstructurées .... — 18
5. Conclusion............................................................................................... — 18
6. Glossaire .................................................................................................. — 19
7. Sigles ........................................................................................................ — 20
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. E 6 485

e plus en plus de revues et de conférences scientifiques ont émergé vers


D la fin des années 1990 et le début des années 2000, et de plus en plus
d’articles sont consacrés chaque année à la découverte, au développement et
aux applications de nouveaux systèmes laser. Parmi ceux-là, les lasers fonc-
tionnant à partir de matériaux solides, qu’il s’agisse de matériaux diélectriques
ou semi-conducteurs, de cristaux, verres ou céramiques transparentes se pré-
sentant sous la forme de blocs massifs, de couches minces plus ou moins
épaisses ou de fibres plus ou moins grosses prennent de plus en plus d’impor-
tance. De fait, la plupart des conférences consacrées aujourd’hui aux sources
laser et à leurs applications ne traitent quasi-exclusivement que de systèmes
fonctionnant à partir de matériaux solides. Grâce à cet engouement et aux
innovations qu’elles permettent d’envisager, les sources laser à solides ont
ainsi envahi notre quotidien, parfois subrepticement, et dans tous les
p。イオエゥッョ@Z@、←」・ュ「イ・@RPQV

domaines.
Cela étant, on constate que certains types de sources fonctionnant dans des
domaines de longueurs d’onde bien particuliers ont pris plus d’avance que

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LASERS À SOLIDES POUR LE DOMAINE UV-VISIBLE _______________________________________________________________________________________

dans d’autres, d’abord en raison des applications auxquelles elles conduisent


mais aussi, très souvent, pour des raisons purement technologiques. C’est le
cas par exemple des sources laser à solides fonctionnant dans le moyen infra-
rouge autour de 1,54 µm. En effet, ce domaine de longueur d’onde est celui qui
a été choisi pour la transmission des informations par fibres optiques, d’abord
parce qu’il correspondait à un minimum d’atténuation des fibres de silice utili-
sées pour cette application, mais aussi parce qu’il s’agissait d’un domaine dit à
sécurité oculaire et qu’il permettait d’utiliser ce type de laser en espace libre.
C’est le cas également des sources laser fonctionnant dans le proche infra-
rouge autour de 0,8 et 1,05 µm. Ces sources laser sont aujourd’hui à un tel
degré de développement qu’elles permettent d’envisager d’ores et déjà, de par
les énergies et les puissances crêtes qu’elles délivrent ou qu’elles délivreront
bientôt, la construction d’accélérateurs de poche pour une thérapie plus sélec-
tive et une imagerie plus précise des tumeurs cancéreuses, voire même la
fusion nucléaire ou le guidage de la foudre.
À l’inverse, les lasers à solides dans le domaine UV-visible (en particulier en
dessous de 650 nm), bien que porteurs de nombreuses applications poten-
tielles ou déjà en cours de développement, en sont encore à leurs
balbutiements parce que les matériaux qui les constituent sont souvent à leurs
limites d’utilisation ou n’ont pas encore été découverts.
Le présent article est plus particulièrement consacré aux sources laser à
solides émettant dans le domaine UV-visible, aux possibilités déjà offertes
comme à leurs limitations. Pour cela, la présentation sera faite en quatre temps.
Une première partie sera d’abord consacrée à une description rapide des diffé-
rents types de sources laser émettant dans l’UV et le visible et aux
problématiques qui leur sont associées. On fera ensuite un état des lieux des
sources laser à solides pour lesquels le matériau laser proprement dit émet
directement dans le domaine UV-visible. Il sera question des diodes laser à
semi-conducteurs dits à « grand gap », des lasers à ions de terres rares émettant
un rayonnement accordable dans le proche UV et des lasers à ions de terres
rares émettant à des longueurs d’onde fixes du bleu au rouge profond. La partie
suivante regroupera toutes les sources laser UV-visible résultant d’une conver-
sion de fréquence à l’aide de cristaux non linéaires. Il sera d’abord question des
lasers à ions de terres rares les plus importants lorsqu’ils sont associés à des
cristaux doubleurs, tripleurs, quadrupleurs, voire quintupleurs de fréquence, et
au décalage Raman de certains d’entre eux. Il sera également question de lasers
accordables à ions de transition et de lasers à semi-conducteurs pompés électri-
quement ou optiquement et doublés intracavité. On traitera enfin le cas des
oscillateurs paramétriques optiques. La quatrième et dernière partie sera une
introduction aux systèmes laser associés à des fibres dites à « gap photonique »
pour la production de supercontinuum de lumière blanche.

1. Différents types Sur le plan fondamental, la raison réside entre autres dans
l’expression de la section efficace d’émission stimulée notée σem à
de lasers UV-visible l’origine du gain laser de tout milieu amplificateur et qui s’écrit par
exemple sous la forme (expression dite de
et problématiques Fuchtbauer-Ladenburg) :

associées
On peut utiliser différents types de milieux amplificateurs et dif-
férentes techniques pour obtenir une source laser émettant un Dans cette expression en effet, on remarque que la section effi-
rayonnement dans le domaine UV-visible. Cependant, à quelques cace σem est inversement proportionnelle à τR , la durée de vie
exceptions près, ce qui apparaîtra dans la suite de cette présenta- radiative du niveau émetteur et à n2, le carré de l’indice de réfrac-
tion, il est souvent plus difficile, pour des raisons technologiques tion du milieu amplificateur, mais surtout qu’elle est proportion-
mais aussi pour des raisons purement fondamentales, de faire nelle à la fonction forme du spectre d’émission de la transition
fonctionner un laser dans le domaine visible et surtout dans le laser considérée d’intensité I (λ) et à la longueur d’onde λ à la puis-
domaine UV, plutôt que dans les domaines du proche et du moyen sance 4 (si on tient compte du terme en λ apparaissant dans l’inté-
infrarouge. grale figurant au dénominateur). Cela explique pourquoi, à

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________________________________________________________________________________________ LASERS À SOLIDES POUR LE DOMAINE UV-VISIBLE

l’exception du premier laser à rubis émettant à 0,69 µm, les pre- de fréquence ou même des lasers à base de fibres microstructu-
miers effets laser ont été observés dans les années 1960 dans les rées à bande interdite photonique. Le principal challenge dans le
domaines des micro-ondes et du moyen infrarouge (maser NH3 domaine visible réside dans ce qu’on a coutume d’appeler le
à 12,49 mm, He-Ne à 1,15 et 3,39 µm, par exemple). green-gap, c’est-à-dire dans l’incapacité actuelle de développer des
sources laser à semi-conducteurs suffisamment stables et intenses
À plus courtes longueurs d’onde, donc à plus grandes énergies, fonctionnant, dans quelque régime que ce soit (impulsionnel ou
on se heurte à plusieurs types de problèmes. continu) dans le vert-jaune, ce qui limite encore la compacité et
À très courtes longueurs d’onde, à savoir dans le bleu et le l’efficacité globale des systèmes laser visible à base de matériaux
proche UV jusque dans le VUV (UV du vide), c’est-à-dire entre solides développés actuellement et mentionnés plus haut.
environ 150 et 450 nm, un domaine très important pour les appli-
cations (photolithographie, marquage, pulvérisation et dépôt de
couches minces, LIDAR atmosphérique, chirurgie refractive de
l’œil...), les seuls lasers à émission directe efficaces sont des lasers 2. Systèmes laser à solides
moléculaires ou à excimères (lasers ArF à 193 nm, KrF à 248 nm,
XeCl à 308 nm, par exemple). On peut encore utiliser (principale- à émission directe
ment en laboratoire) des lasers à gaz à fonctionnement continu
comme le laser He-Cd à 325 nm ou à fonctionnement impulsionnel dans le domaine UV-visible
(nanoseconde) comme le laser à azote à 337,1 nm, mais de plus en
plus rarement en raison de leur encombrement et de leur faible
intensité ou de leur très faible efficacité. Les lasers à excimères 2.1 Lasers à semi-conducteurs
sont aussi des lasers à gaz mais d’un genre un peu particulier
puisqu’ils donnent des rayonnements laser intenses très efficaces
à grand gap (problématique
mais ne peuvent fonctionner qu’en régime nanoseconde (état du green-gap)
moléculaire instable), ce qui convient malgré tout pour un grand
nombre d’applications. Par contre, comme tous les lasers à gaz, ils De nombreux systèmes et applications reposent aujourd’hui sur
restent encombrants et nécessitent une maintenance (changement l’utilisation de lasers à semi-conducteurs émettant dans le proche
des gaz) qui empêche certaines utilisations. Le challenge est donc et moyen infrarouge. Il s’agit en particulier, pour les plus puissants,
de trouver dans ce domaine des sources laser à base de matériaux de composés ternaires ou quaternaires tels que AlGaAs ou InGaAs
émetteurs solides qui soient à la fois stables, compactes et effi- émettant des rayonnements laser à fréquence fixe autour de 800 et
caces et qui puissent éventuellement fonctionner en mode continu. 980 nm. Nous verrons que pour obtenir en final un rayonnement
Nous verrons qu’il existe des solutions (lasers à ions de terres UV-visible, ces lasers à semi-conducteurs peuvent être utilisés soit
rares ou à semi-conducteurs à émission directe ou après conver- comme sources de pompage optique pour d’autres systèmes laser
sion de fréquence par exemple), mais qu’aucune actuellement (§ 2.3), soit directement mais après adjonction d’un convertisseur
n’est encore capable de détrôner les lasers à excimères, en tout de fréquence (§ 3.3), sachant, dans ce cas, que le matériau
cas dans l’UV du vide (longueurs d’onde inférieures à 180 nm), semi-conducteur en question peut être lui-même « pompé » soit
principalement pour des raisons de photostabilité. électriquement (comme une diode électroluminescente) soit opti-
quement (à partir d’un autre laser à semi-conducteurs).
Dans le domaine visible, entre environ 400 et 800 nm, domaine
très important lui aussi pour de nombreuses applications (affi- Le développement de diodes laser à semi-conducteurs émettant
chage, visualisation, vidéoprojection, microscopies de haute réso- directement dans le domaine UV-visible avec des puissances utili-
lution, diagnostic cellulaire, photothérapie...), la problématique est sables (de l’ordre du watt) est quant à lui beaucoup moins mature et
un peu différente. On a longtemps utilisé et certains utilisent encore en pleine évolution. En fait, les diodes laser réellement dis-
encore des lasers à gaz ou des lasers à colorants organiques. Les ponibles dans le commerce émettant dans ce domaine se divisent
lasers à gaz les plus répandus sont les lasers à argon ou krypton en deux catégories, le domaine du rouge et du rouge profond (650 à
ionisés à fonctionnement continu avec leurs raies d’émission les 700 nm) qui est couvert par des diodes à semi-conducteurs de type
plus intenses à environ 488 et 514,5 nm, pour le laser argon, et à GaAlInP et le domaine bleu-UV (figure 1). Pour ces dernières, tout a
647,1 nm pour le krypton. On a également beaucoup utilisé le laser démarré avec le nitrure de gallium GaN dans sa phase cubique,
à vapeur de cuivre à fonctionnement impulsionnel nanoseconde, matériau semi-conducteur binaire (III-V) dit à « grand gap » (bande
en particulier pour la séparation isotopique de l’uranium, avec ses interdite, c’est-à-dire écart entre bande de valence et bande de
deux raies d’émission à 510,6 et 578,2 nm. Les lasers à colorants conduction, d’environ 3,2 eV) conduisant à un rayonnement laser à
organiques fonctionnent quant à eux à partir de colorants préparés 390 nm, puis s’est poursuivi avec l’alliage ternaire InxGa1-xN
la plupart du temps sous forme liquide. Ils peuvent être préparés (InGaN), lequel permet aujourd’hui de produire des diodes laser
sous forme solide mais avec une photostabilité assez médiocre. Ils jusqu’à environ 470 nm. Il s’agit en fait du même matériau que l’on
peuvent fonctionner en mode continu comme en mode impulsion- utilise dans la fabrication des diodes laser à 405 nm exploitées dans
nel et sont très largement accordables (sur une bonne dizaine de les disques « Blu-Ray » et des diodes électroluminescentes (LED) à
nanomètres). C’est avec des colorants qu’on a pu fabriquer par 450 nm mises en œuvre dans les LED blanches.
exemple les premiers lasers à blocage de modes fonctionnant en Ces découvertes et développements technologiques sont
régime femtoseconde. Ce sont des lasers très efficaces mais qui aujourd’hui d’une importance considérable et ont valu à leurs
nécessitent un pompage par laser UV ou visible (initialement des auteurs (Shuji Nakamura, Isamu Akasaki et Hiroshi Amano) le Prix
lasers à azote, à argon ou krypton ionisé, puis des lasers à solides Nobel de Physique 2014. De telles diodes peuvent être fabriquées
à ions de terres rares associés à un ou plusieurs convertisseurs de à la demande sous forme fibrée avec des diamètres de cœur d’une
fréquences) qui est lui-même peu efficace ou trop encombrant. centaine de micromètres et des puissances dépassant la dizaine de
D’autre part, comme les lasers à excimères, les colorants sont de watts. Ce même type de matériau pourrait permettre d’atteindre
durée de vie très limitée, ce qui nécessite là encore une mainte- des puissances encore plus élevées, mais il semblerait que cette
nance qui va à l’encontre de nombreuses applications. Contraire- progression soit quelque peu freinée actuellement par la mauvaise
ment aux domaines UV, cependant, il existe d’ores et déjà miscibilité des composés InN et GaN et pour des problèmes de
plusieurs solutions de remplacement de ces lasers à colorants par substrat [1]. C’est vraisemblablement pour les mêmes raisons qu’il
des lasers à solides, ces lasers pouvant être des lasers à émission n’existe pas encore de diodes laser monoélément stables et suffi-
directe ou à émission infrarouge associée à un convertisseur de samment puissantes dans le domaine vert-jaune (500 à 600 nm).
fréquence. Cela peut être également des oscillateurs paramé- C’est ce qu’on a coutume d’appeler le green-gap. En tout cas, pour
triques optiques (OPO) infrarouges associés à des convertisseurs l’instant, les diodes laser InGaN fonctionnant autour de 450 nm

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LASERS À SOLIDES POUR LE DOMAINE UV-VISIBLE _______________________________________________________________________________________

7,0

AIN
En italique : bande
6,0 interdite indirecte
Diamant
BN
Largeur de la bande interdite (eV)

AIN
5,0
MgS

4,0
ZnS ZnS MgSe
Ultra- GaN
violet 4H-SiC ZnO GaN MgTe
3,0 2H-SIC
6H-SiC ZnSe ZnSe
CdS BP
AIP CdS
3C-SiC ZnTe
2,0 InN GaP
AIAs CdSe
InN GaAs
Infra- CdSe AISb
rouge CdTe
1,0 InP
Si
InAs
Ge GaSb InSb
0
2,0 3,0 4,0 5,0 6,0 7,0
Constante de réseau (Å)

Exemple : largeur de bande de InGaN : valeur intermédiaire de celles de GaN et InN suivant
la proportion de chacun d’eux, c’est-à-dire entre environ 3,2 et 2,2 eV, soit entre 390 et 560 nm

Figure 1 – Largeurs de bande interdite des principaux semi-conducteurs binaires donnant le domaine d’émission possible pour chacun d’eux et
pour leurs alliages

permettent déjà de servir de sources de pompage pour des sys- couche 4f pour les ions Ce3+, Pr3+ et Nd3+, respectivement. S’agis-
tèmes laser à solides très efficaces émettant eux-mêmes des sant de configurations électroniques de parités différentes, on a
rayonnements dans le vert-jaune. Ces systèmes seront présentés donc affaire à des transitions dipolaires électriques très intenses
dans le paragraphe 2.3. avec des sections efficaces de l’ordre de 10–18 cm2 et des durées
de vie de niveaux émetteurs de quelques dizaines de nanose-
condes. D’autre part, s’agissant, dans la configuration électronique
2.2 Lasers à ions de terres rares excitée 4fn–15d (écriture abrégée de Xe4fn–15d) d’un électron
pour le proche UV optique 5d très sensible à son environnement, les transitions
optiques sont en fait de type vibronique (électronique + vibration-
Hormis les diodes laser à semi-conducteurs, la plupart des sys- nelle) et se présentent en absorption comme en émission sous la
tèmes laser à solides utilisés aujourd’hui (et depuis longtemps) forme de bandes larges d’une trentaine de nanomètres.
reposent sur des matériaux, des verres ou des monocristaux à La figure 3a montre à titre d’exemple les bandes d’émission
l’état massif ou sous forme de fibres ou de couches minces, dopés caractéristiques de l’ion Ce3+ dans quatre types de cristaux dont
par des ions de terres rares trivalents [E 1 980]. Néanmoins, seuls ceux mentionnés plus haut. On est donc en présence de systèmes
certains cristaux dopés par l’ion Ce3+ se sont révélés vraiment uti- laser potentiellement très largement accordables, au même titre
lisables pour produire un rayonnement laser, qui plus est accor- que les lasers à centres colorés, le Ti:Saphir ou le Cr:ZnSe, mais
dable, dans le proche UV, et cela malgré de nombreuses études. Il dans le proche UV au lieu du proche et du moyen infrarouge (voir
s’agit des colquiirites LiCaAlF6 et LiSrAlF6 et des scheelites LiLuF4 tableau, figure 3b pour un résumé des principales caractéristiques
et LiYF4 , deux types de fluorures monocristallins se caractérisant spectroscopiques de ces différents milieux laser).
par une bande interdite de plus de 10 eV. C’est précisément grâce
à cette grande bande interdite et à la position des niveaux d’éner- Le schéma figure 2a montre aussi que la position des niveaux
gie de l’ion dopant Ce3+ par rapport aux bandes de valence et de bas des ions par rapport aux bandes de valence et de conduction
conduction des cristaux « hôtes » qu’il est possible d’obtenir un des réseaux hôtes est sensiblement différente, avec des niveaux
rayonnement laser UV efficace [2]. plus hauts pour l’ion Ce3+ que pour les ions Pr3+ ou Nd3+. Il montre
également que les énergies des transitions optiques mises en jeu
Cela se comprend bien à partir des schémas représentés sur la sont plus importantes, donc décalées dans l’UV et le VUV,
figure 2 où nous avons reporté les niveaux d’énergie et les transi- lorsqu’on passe de l’ion Ce3+ aux ions Pr3+ et Nd3+. Par ailleurs, le
tions optiques à l’origine des émissions UV de l’ion Ce3+, mais schéma de droite indique que plus les niveaux d’énergie sont
aussi des ions Pr3+ et Nd3+, par rapport aux bandes de valence décalés vers le haut et les transitions optiques mises en jeu sont
(VB) et de conduction (CB) du cristal hôte (figure 2a ), et les méca- importantes, plus on devra compter avec des mécanismes de
nismes d’excitation dans l’état excité et de formation de centres pertes optiques résultant de l’absorption (dans l’état excité émet-
pièges à l’origine des pertes optiques, voire parfois de l’absence teur de l’ion Ce3+) du rayonnement d’excitation ou du rayonne-
totale de gain laser (figure 2b ). ment émis vers des niveaux de la bande de conduction (étapes 1 et
Le schéma de la figure 2a indique d’abord que les transitions 2) et de la formation de centres colorés (ou centres pièges) perma-
optiques mises en jeu sont des transitions entre niveaux de configu- nents ou transitoires (étape 3) réduisant ou inhibant toute possibi-
rations électroniques fondamentales et excitées Xe4fn et Xe4fn–15d, lité de gain laser. Et c’est bien en raison de ces phénomènes qu’il
où n = 1, 2 et 3 représente le nombre d’électrons optiques sur la n’a jamais été possible d’obtenir un effet laser UV efficace et/ou

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________________________________________________________________________________________ LASERS À SOLIDES POUR LE DOMAINE UV-VISIBLE

CB Bande de conduction (CB)

5d 3 4
4f5d 4f25d

Pertes
ESA

1S 1 2 Pièges
0

2G 5d
7/2,9/2

2F
5/2,7/2

13
IP 4D
6 0,1,2 3/2 lexc lem
2F 2P
5/2,7/2 1D 3/2
2
Ce3+

4F 4f
3/2
3H
4
Pr3+
Eg ≈ 11 eV
4I
9/2
Nd3+ Bande de valence (VB)

VB

a b

Figure 2 – Niveaux d’énergie des ions Ce3+, Pr3+ et Nd3+ (a ) par rapport aux bandes de valence et de conduction d’un réseau hôte tels que
LiLuF4, et (b ) mécanismes de pertes optiques par absorption du rayonnement d’excitation ou du rayonnement laser (ESA) à partir du niveau
émetteur (5d, 4f5d ou 4f25d) ou de centres pièges vers la bande de conduction

3,0
Systèmes lem (nm) sem (cm2)
KMgF3 LuPO4 DE/E
LiCaAIF6 LiLuF4 vibroniques tf
2,5

Ce3+:LiCaAlF6 10–17
Intensité d’émission (u.a.)

280-315 12 %
2,0 (Ce:LiCAF) 30 ns

1,5 Ti3+:Al2O3 700-1 000 3 × 10–19 35 %


(Ti:Sa) 3,2 µs (effet Jahn-Teller)

1,0 –17
KCl:Ti0 1 400-1 600 1,3 × 10 14 %
1,6 µs
0,5
8 × 10–19
Cr2+:ZnSe 2 200-2 900 27 %
8 µs
0,0
240 260 280 300 320 340 360 380 400
Longueur d’onde (nm)

a b

Figure 3 – Spectres d’émission UV large bande de cristaux dopés par l’ion Ce3+ (a ) et caractéristiques (b ) des matériaux laser
les plus connus pour donner un rayonnement laser accordables dans un grand domaine de longueurs d’onde

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Techniques de combinaison
de sources laser

par Pierre BOURDON


Chargé de mission « Laser de puissance pour la défense »
Département d’Optique
Onera – The French Aerospace Lab, Palaiseau, France

L es lasers sont des sources de puissance lumineuse extrêmement


intenses, utilisées couramment pour déposer de l’énergie à distance,
que ce soit pour effectuer des mesures de paramètres physiques comme la
distance, la vitesse d’un objet ou la concentration d’une molécule, ou pour
interagir avec un matériau afin de modifier son état physique en le fondant
ou le brûlant (par exemple pour la découpe de pièces métalliques par laser
dans l’industrie automobile). Certaines applications militaires comme les
armes laser utilisent un faisceau laser pour échauffer fortement une cible à
distance dans le but de l’endommager ou même de la détruire. Quelle que
soit l’application, la portée d’action du laser, la vitesse d’interaction ou la
sensibilité et la précision pour les applications liées à la mesure peuvent
être améliorées en utilisant des lasers plus puissants. Aussi cherche-t-on
souvent à accroître la puissance émise par les sources laser.
Les lasers les plus puissants, les plus compacts et les plus efficaces
aujourd’hui sont les lasers solides, ainsi appelés car le milieu générant la
puissance lumineuse est sous forme solide : généralement un barreau
cylindrique ou une plaque parallélépipédique. Les fibres optiques dopées
constituent également des milieux solides de choix pour réaliser des
sources laser compactes, robustes et efficaces. Cependant, ces milieux
solides s’échauffent lorsqu’ils sont mis en œuvre, et leurs performances se
dégradent si l’échauffement devient trop important, limitant ainsi leur
montée en puissance. Dans les lasers à fibres où ces effets thermiques
sont toutefois beaucoup moins limitants que dans les lasers solides à bar-
reaux ou à plaques, des effets non linéaires viennent s’ajouter et limiter
aussi la montée en puissance.

Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire des termes utilisés.

Points clés
Domaine : Électronique – Photonique
Degré de diffusion de la technologie : Croissance
Technologies impliquées : Laser, optique, électronique
Domaines d’application : Développement de sources laser et montée en puis-
sance.
Contact : pierre.bourdon@onera.fr
p。イオエゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@RPQW

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1. Contexte sant et généreront une figure d’interférences composée de


lobes clairs où l’intensité lumineuse résultante est forte, et de
Afin de dépasser les limites en puissance et de continuer à lobes sombres où l’intensité lumineuse s’annule.
augmenter les performances des systèmes mettant en œuvre Pour parvenir à additionner par superposition des puissances
ces lasers solides, il est possible de parvenir à additionner la laser sans modifier la répartition d’intensité lumineuse dans le
puissance émise simultanément par plusieurs lasers, et de faisceau, il faut donc que les sources soient peu ou pas cohé-
dépasser les limites intrinsèques de montée en puissance d’un rentes et n’interférent pas.
seul laser. On appelle ces procédés d’addition de puissance
de plusieurs lasers unitaires des techniques de combinaison
de sources laser. Ils se distinguent les uns des autres par leur La combinaison incohérente de faisceaux laser est donc
efficacité, puisque certains procédés induisent des pertes qui ne une superposition additive sans interférence de ces fais-
permettent pas toujours de disposer, après combinaison, de ceaux, donc sans modification de la répartition d’intensité
100 % de la puissance additionnée des lasers. On vise bien évi- lumineuse dans le faisceau.
demment à atteindre cette efficacité maximale et à ne pas
Pour quantifier la performance des techniques de combi-
perdre de puissance laser lors de la combinaison mais, selon la
naison de lasers, on utilise la grandeur efficacité de com-
technique employée, cela n’est pas toujours possible.
binaison, qui correspond à la fraction de puissance
Les techniques qui ont été développées et testées au fil des résultant de la combinaison, rapportée à la puissance totale
années sont nombreuses : mélange incohérent en polarisations additionnée des N sources combinées.
croisées, mélange par multiplexage en longueurs d’ondes, addi-
Un paramètre souvent associé à l’efficacité de combinai-
tion cohérente de sources laser, combinaison cohérente par
son est le facteur de qualité d’un faisceau laser noté M2.
couplage par ondes évanescentes, combinaison cohérente par
contrôle actif de la phase ou encore combinaison cohérente par
conjugaison de phase. On peut les regrouper en deux grandes En effet, un faisceau laser n’est jamais parfaitement directif, il
familles que l’on décrira plus loin : les méthodes incohé- diverge et sa divergence minimale est impactée par la qualité
rentes et les méthodes cohérentes de combinaison, selon, spatiale de la source laser émettrice et par le diamètre des
respectivement, que les lasers se combinent sans interférence optiques utilisées pour mettre en forme et renvoyer ce faisceau.
en se superposant simplement, ou que les lasers interfèrent La divergence minimale d’un faisceau laser, si sa qualité spa-
quand on les additionne, générant un profil spatial de faisceau tiale est optimale, est inversement proportionnelle au diamètre
modulé par des franges d’interférence. On peut aussi distinguer de l’optique qui le met en forme ou le renvoie.
les techniques purement passives, où les lasers se combinent
sans action externe de l’utilisateur sur leurs paramètres d’émis-
sion (ces méthodes passives conduisent à des systèmes dits Le facteur M2 traduit la qualité du faisceau laser et l’écart à
auto-organisés) et les techniques actives où certains para- la divergence minimale, à cette limite de diffraction par un
mètres d’émission des lasers sont contrôlés en temps réel par facteur multiplicatif.
une boucle d’asservissement, afin d’optimiser l’efficacité de
combinaison en permanence. M2 vaut 1 pour un faisceau parfait qui aura exactement la
divergence minimale : on parle de faisceau limité par dif-
Dans cet article, nous décrivons les principes d’opération des fraction. Pour un faisceau de qualité moindre, M2 est supé-
principales techniques de combinaison de lasers, celles qui ont rieur à 1 et la divergence minimale du faisceau est multipliée
conduit aux gains en puissance les plus élevés, puis nous analy- par ce facteur M2. Par exemple, un faisceau de M2 = 2 sera
sons les points durs technologiques de mise en œuvre de ces 2 fois plus divergent que le faisceau parfait limité par diffrac-
procédés, ainsi que les limitations en montée en puissance que tion.
ces points durs technologiques induisent. On essaie pour
chaque technique de chiffrer ces limitations en fournissant, soit
un nombre maximum de sources laser combinables, soit un Nous allons maintenant examiner les différentes techniques
niveau maximum de puissance laser supporté. permettant de parvenir à effectuer la combinaison incohérente
de faisceaux laser par superposition sans interférences.
2. Techniques de combinaison
incohérente 2.1 Combinaison par superposition
de polarisations
Le principe fondamental de la combinaison de lasers repose
Une première technique de combinaison incohérente, la plus
sur l’addition des puissances émises par plusieurs sources laser
simple, est de superposer deux faisceaux laser dont les polari-
unitaires. La première approche à considérer est donc une
sations sont croisées.
addition par superposition de faisceaux laser où sont ali-
gnés plusieurs faisceaux laser, afin qu’ils illuminent la même
zone d’une cible ou d’un objet, ou encore de l’environnement
On appelle polarisation d’un faisceau laser la direction de
que l’on veut mesurer. La puissance totale additionnée des
son champ électrique. Cette polarisation est le plus souvent
lasers est alors égale, en théorie, à la somme des puissances
transverse, c’est-à-dire perpendiculaire à la direction de pro-
émises par chaque laser.
pagation du faisceau laser. De nombreux laser émettent des
Cependant, ce raisonnement n’est vrai que si les faisceaux faisceaux dont la polarisation est constante dans le temps :
laser n’interférent pas dans le plan où ils se recouvrent. Or, de on parle de polarisation linéaire ou de faisceaux polarisés
nombreux faisceaux laser sont très cohérents, c’est-à-dire que linéairement.
tous les photons émis par une source laser unitaire partagent
une même longueur d’onde, une même polarisation et une
même phase. Si toutes les sources laser sont identiques, elles Quand on superpose deux faisceaux laser linéairement polari-
partagent également cette même longueur d’onde et cette sés dont les directions de polarisation sont croisées (c’est-à-dire
même polarisation. De ce fait, elles interféreront en se superpo- perpendiculaires), les faisceaux ne peuvent pas interférer et

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additionneront simplement leurs profils spatiaux et donc leurs Il est possible dans certains cas d’étendre la technique de
puissances dans le plan de superposition. combinaison par polarisation à un nombre plus élevé de
Par contre, pour qu’il n’y ait pas d’interférence entre les fais- sources laser, en ajoutant des dispositifs de rotation de polari-
sation et en procédant de proche en proche « en cascade ». On
ceaux, les deux conditions précédentes sont indispensables afin
superpose les lasers 2 par 2, en ajoutant à chaque étape un
que les directions de polarisation instantanées des lasers
faisceau laser superposé (figure 2). Toutefois, cela n’est pos-
soient perpendiculaires. Cette condition d’orthogonalité des
sible que dans le cas particulier où les lasers sont très cohérents
polarisations limite donc cette technique à la combinaison de 2
(fins spectralement) et sont mis en phase, par exemple par un
sources laser au maximum.
contrôle actif de la phase. En effet, la polarisation résultante de
Cette technique de combinaison est néanmoins couramment la combinaison de deux faisceaux polarisés linéairement n’est
employée pour multiplier par 2 la puissance émise par certains pas forcément, quant à elle, polarisée linéairement. La direction
lasers de forte puissance, comme par exemple des diodes laser de son champ électrique peut fluctuer dans le temps au gré des
de puissance. Les diodes laser émettent généralement un fais- fluctuations de phase indépendantes des deux sources laser qui
ceau laser polarisé linéairement, perpendiculairement à la jonc- ont été superposées.
tion émettrice dans le matériau semi-conducteur qui les Si les deux lasers sont cohérents et mis en phase, par contre,
constitue. On profite de cette propriété de polarisation linéaire la résultante de leur combinaison par polarisation est un laser
pour utiliser cette méthode très simple de combinaison afin de linéairement polarisé à 45° de chacune des polarisations croi-
coupler 2 par 2 les modules de diodes laser de puissance et réa- sées initiales (figure 2). On peut donc envisager ensuite de
liser des systèmes de diodes laser encore plus puissants. La combiner de nouveau ce faisceau polarisé linéairement par
figure 1 montre comment superposer de la sorte deux fais- polarisation croisée, et construire ainsi un schéma de combinai-
ceaux, le faisceau du laser polarisé horizontalement représenté son par polarisation « en cascade », soit en ajoutant une lame
en rouge, et le faisceau du laser polarisé verticalement en bleu demi-onde pour tourner de 45° la polarisation avant le second
(les flèches placées à côté des axes de propagation indiquent prisme combineur (figure 2), soit en tournant de 45° le second
les polarisations des deux faisceaux). combineur et son axe sélectif en polarisation.
Les composants optiques utiles pour effectuer cette superpo- L’expérience montre cependant que cette approche en cas-
sition sont des polariseurs. N’importe quel polariseur peut être cade est limitée en nombre de sources combinées, à la fois par
utilisé pour ce faire, puisqu’un polariseur permet de séparer les difficultés d’alignement de ce type de dispositif, mais surtout
deux composantes de polarisation croisées. Utilisé en sens par les pertes de puissance à chaque étage de combinaison.
inverse, il superposera donc deux composantes croisées de Ainsi, l’institut Friedrich Schiller de Jena (Allemagne), qui a
polarisation. On peut ainsi utiliser aussi bien les prismes polari- tenté de combiner de la sorte plusieurs lasers femtoseconde, a
seurs (figure 1), par exemple les prismes de Glan, que les dû se limiter à en combiner 4 [1]. Au-delà de ce nombre, il ne
lames polarisantes recouvertes d’un traitement multi-couches s’est pas avéré possible de limiter les pertes de puissance suffi-
diélectriques séparateur de polarisations. samment pour maintenir une efficacité de combinaison de
100 %. Selon cette équipe, quelle que soit l’application, le seuil
rédhibitoire en matière de pertes induites par le composant de
combinaison, conduisant à une dégradation trop importante des
faisceaux laser combinés et une baisse d’efficacité de combinai-
+ son inacceptable, est estimé à 8 sources laser combinées.

2.2 Combinaison par superposition spatiale


Quand on dispose de lasers émettant un spectre très large,
leur cohérence temporelle est suffisamment faible pour que le
contraste des franges d’interférence obtenues en les superpo-
sant spatialement soit très réduit. On peut donc superposer des
lasers très larges spectres (plusieurs nanomètres de largeur
spectrale) sans risque que les interférences soient sensibles et
Figure 1 – Schéma de principe (vue de dessus) de la qu’elles perturbent le profil spatial du faisceau laser combiné
combinaison par superposition de polarisation résultant.

+ = +

Lame
demie-onde

Une lame demi-onde permet de tourner de 45° la polarisation entre deux combineurs consécutifs.

Figure 2 – Combinaison par superposition de polarisation en cascade

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La technique de combinaison incohérente la plus simple, dans


le cas de ces sources très larges spectralement, qu’il s’agisse de
diodes laser ou de lasers à fibres de forte puissance, est donc
d’utiliser des dispositifs d’alignement et de pointage des fais-
ceaux laser permettant de superposer spatialement dans un
plan donné tous les faisceaux. Les faisceaux ne pouvant pas
interférer efficacement vont simplement additionner leurs pro-
fils spatiaux (et donc leurs puissances) dans le plan où ils se
superposent.
Cette approche a été mise en œuvre pour réaliser trois
démonstrateurs d’armes laser anti-structures ; des sys- Figure 4 – Schéma du démonstrateur d’arme laser Rheinmetall
tèmes laser militaires de très forte puissance, de l’ordre de
50 kW, destinés à détruire à distance (plusieurs kilomètres) des
drones en les brûlant par échauffement laser. Les démonstrateurs d’armes laser anti-structures ainsi déve-
loppés sont :
2.2.1 Configurations optiques – le système LaWS (Laser Weapon System ) aux États-Unis
Deux configurations optiques ont été retenues pour co- par l’US Navy, composé de 6 lasers à fibres 8 kW IPG Photo-
aligner les faisceaux laser sur leur cible dans ces démonstra- nics superposés à l’aide d’un télescope pour une puissance
teurs d’armes laser. totale de 50 kW [2] [3] (figure 3b) ;
La première consiste à utiliser un télescope pour pré- – un démonstrateur 50 kW en Allemagne par Rheinmetall
aligner les faisceaux laser et les superposer (figure 3) : les composé de 5 lasers à fibres 10 kW IPG Photonics superposé
faisceaux laser, représentés en rouge, sont introduits en cou- sur cible à l’aide de 2 stations au sol, l’une pointant 3 des fais-
ronne dans le télescope et leurs directions pré-alignées pour ceaux laser (pré-alignés dans la tourelle de la station sol) et
qu’ils soient superposés au foyer en champ lointain, à grande l’autre assurant le pointage des 2 autres faisceaux laser [4]
distance. (figure 4) ;
– un démonstrateur 40 kW en Allemagne également, mais
Une autre approche consiste à utiliser des dispositifs de
par MBDA, composé de 4 lasers à fibres 10 kW IPG Photonics,
pointage séparés et à aligner plusieurs faisceaux laser sur un
superposés grâce à un télescope comme dans le système
même point de la cible en demandant à chaque dispositif de
LaWS [5].
pointage de viser le même point et d’assurer ainsi le co-aligne-
ment et la superposition des faisceaux sur cible. Évidemment, Des campagnes d’essais de tirs sur des objets cibles variés
cette approche est un peu plus complexe à aligner, mais elle ont été conduites avec ces démonstrateurs pour démontrer leur
fonctionne également. létalité. Les objets visés représentaient les cibles potentielles de
ces systèmes d’armes, à savoir des drones ou des munitions
explosives (obus, roquettes...).
Outre sa simplicité, l’intérêt de cette technique de combinai-
son est de permettre d’utiliser des sources laser fibrées dispo-
nibles commercialement (lasers à fibres 10 kW large bande
spectrale et limités par diffraction fabriqués par la société IPG
Photonics Inc. aux États-Unis), ainsi que des tourelles de poin-
tage standard pour les faisceaux laser.

2.2.2 Limitation des performances


a alignement des faisceaux laser Cependant, comme l’erreur de pointage ou d’alignement de
chaque faisceau laser s’additionne à celle de tous les autres,
cette approche conduit à un diamètre de zone éclairée par le
rayonnement laser d’autant plus grand que le nombre de lasers
superposés augmente. De ce fait, la portée des démonstrateurs
développés reste limitée, entre quelques centaines de mètres et
1 à 2 km, en raison de l’efficacité limitée de cette technique
simple à garder la puissance laser concentrée à longue dis-
tance. Et comme la létalité d’une arme laser repose sur sa capa-
cité à déposer une densité de puissance élevée sur sa cible (la
densité de puissance correspond au rapport entre la puis-
sance laser et la surface de la zone éclairée par laser), la baisse
de densité de puissance induite par les erreurs de pointage ou
d’alignement des faisceaux laser, qui doivent tous ensemble
pointer très précisément le même point de la cible, limite les
performances de ces démonstrateurs.
Le Naval Research Laboratory (NRL) a conduit une étude de
b configuration géométrique des faisceaux
faisabilité pour essayer d’optimiser cette densité de puissance
laser dans le télescope en utilisant des dispositifs de micro-pointage individuels
Seule la moitié des faisceaux laser est supplémentaires sur chacun des faisceaux laser [6]. Cette
représentée pour ne pas surcharger le schéma. solution permet une optimisation en temps réel, faisceau par
faisceau, du pointage et de l’alignement des lasers sur un même
Figure 3 – Principe de superposition de faisceaux laser par point de la cible. Malgré cela, l’étude du NRL montre que
télescope compte tenu de l’impact de la propagation atmosphérique des

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lasers, des défauts de pointage des dispositifs opto-mécaniques lant de l’information, et d’augmenter ainsi le débit des liaisons
et de l’instabilité de pointé intrinsèque d’un faisceau, la portée téléphoniques ou internet.
maximale d’une arme laser utilisant cette technique de combi- Ici, on considère non pas l’intérêt de ce multiplexage pour
naison par superposition optimisée est de 2 à 3 km seulement. additionner des signaux numériques, mais pour additionner des
La technique de combinaison par superposition spatiale de puissances laser en utilisant un procédé identique.
faisceaux brille donc par sa simplicité de mise en œuvre et sa
compatibilité avec n’importe quelle source laser large bande 2.3.1 Technique expérimentale
spectrale, mais reste limitée quant à la densité de puis- La combinaison spectrale repose toujours sur un composant
sance laser combinée qu’elle permet d’atteindre. L’étalement multiplexeur : un réseau diffractif. Le principe de fonctionne-
de la zone éclairée par le laser limite le nombre de sources que ment d’un réseau diffractif est simple : la direction dans laquelle
l’on peut combiner à une dizaine environ. le réseau renvoie la lumière varie avec la longueur d’onde et la
direction d’incidence de la lumière sur le réseau. Un exemple de
2.3 Combinaison par superposition spectrale réseau diffractif est le réseau gravé sur lequel des stries recti-
lignes parallèles et périodiques sont inscrites mécaniquement
ou optiquement. Il s’agit alors de réseaux holographiques avec
La combinaison spectrale, encore appelée combinai- inscription du réseau périodique sous forme d’hologramme, en
son par multiplexage en longueur d'onde, consiste à volume ou sur une faible épaisseur en surface ; le réseau est
superposer spatialement à l’aide d’un réseau diffractif, les donc présent en volume dans le matériau constituant le compo-
faisceaux de plusieurs lasers dont les spectres optiques sont sant holographique.
légèrement décalés. On peut montrer que la loi de diffraction en réflexion d’un
réseau gravé de la sorte est la suivante (figure 6a ) :

Un exemple de configuration de combinaison spectrale est


présenté en figure 5. Les 3 faisceaux sont superposés sur le
réseau de diffraction, mais ont des angles d’incidence différents
et adaptés, compte tenu de leurs longueurs d’onde respectives, avec d période du réseau de traits gravé,
pour que les 3 faisceaux laser soient diffractés dans la même θi angle d’incidence sur le réseau,
direction par le réseau. Dans cet exemple, les directions d’inci-
θr,m angle de réflexion définissant la direction dans
dence des 3 faisceaux laser combinés sont générées à l’aide
laquelle le réseau diffracte la lumière à la longueur
d’une lentille convergente, en décalant chaque faisceau laser
d’onde λ et pour l’ordre de diffraction m du réseau
du centre de la lentille pour qu’il ressorte de la lentille avec
(m étant un entier).
l’angle d’incidence approprié sur le réseau de diffraction. On
aurait aussi pu utiliser 3 miroirs distincts, un par faisceau laser, Sur un tel réseau où le pas d est fixé lors de sa fabrication, on
pour superposer les faisceaux sur le réseau avec les angles peut donc trouver, pour chaque longueur d’onde, un angle
d’incidence adéquats. d’incidence qui permet de renvoyer un faisceau laser à cette
longueur d’onde dans une direction donnée. Si on se fixe une
On notera que la combinaison spectrale est bien un processus direction de renvoi, on arrive au schéma de la figure 5, où cha-
d’« addition » de faisceaux laser, comme on peut le constater cune des 3 longueurs d’onde arrive sur le réseau avec un angle
en observant le spectre lumineux diffracté par le réseau d’incidence bien choisi pour être diffractée par le réseau dans la
(figure 5b) qui est l’addition des 3 spectres individuels des même direction que les 2 autres longueurs d’onde. On super-
lasers. pose ainsi en sortie de réseau de diffraction tous les faisceaux
Ce multiplexage en longueur d’onde est utilisé couramment, laser. Le spectre résultant est un peigne de longueurs
dans le domaine des télécommunications par fibres optiques d’onde, constitué de l’addition des spectres individuels des
par exemple, afin d’additionner des signaux numériques véhicu- lasers combinés.

Intensité
lumineuse
Réseau
de diffraction

λ1

λ2

λ3

Longueur
Faisceau multiplexé d’onde
en longueur d’onde

a exemple de configuration de combinaison b spectre optique résultant de la combinaison


spectrale de 3 faisceaux laser spectrale des 3 lasers

Figure 5 – Schéma de principe de la combinaison spectrale

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ture par couches d’indices de réfraction variables est pré-


q
calculée pour générer le bon filtre spectral en réflexion ou en
transmission.
qr,m Les réseaux de Bragg en volume sont similaires aux
réseaux de traits gravés décrits plus haut, mais sont inscrits en
profondeur, par holographie, dans le volume d’un verre pho-
tosensible.
qi De la même façon qu’un réseau gravé en surface d’un maté-
riau, les réseaux multi-couches diélectriques et les réseaux de
Bragg en volume vont renvoyer la lumière (c’est-à-dire la dif-
fracter), dans une direction qui dépend de la direction d’inci-
dence de la lumière et de sa longueur d’onde.
La technique de combinaison spectrale a été particulièrement
développée pour monter en puissance les lasers au début des
d années 2000, tout d’abord pour accéder à des puissances
laser combinées de quelques centaines de watts. Les deux
a cas général records principaux de l’époque, en combinaison spectrale, sont
détenus :
– par la société Aculight Corporation qui a démontré la
combinaison de 2 lasers à fibres dopées ytterbium continus
qr avec une puissance totale de 260 W [7], un M2 de 1,05 et une
efficacité de conversion de 93 % (ce qui signifie que 93 % de
la puissance totale des 2 lasers est concentrée dans le fais-
ceau réfléchi par le réseau de diffraction multi-couches
diélectriques) ;
q qi – par le laboratoire CREOL de l’université centrale de
Floride, qui a combiné 2 faisceaux émis par des lasers à fibres
dopées ytterbium continus grâce à un réseau de Bragg inscrit
dans un verre inorganique photo-thermo-réfractif (PTR) avec
une efficacité de 75 %, pour une puissance combinée de
125 W [8].
Plus récemment, les niveaux de puissance obtenus par com-
d binaison spectrale ont atteint des niveaux record. Les princi-
b réseau « blazé » paux records de puissance de la combinaison spectrale sont :
– l’IAP Jena (Allemagne) avec 2,3 kW pour un M2 = 1,5 [9]
obtenus en combinant 4 lasers à fibres de M2 = 1,2, qui pous-
Figure 6 – Diffraction d’ordre m par un réseau gravé
sés à leur puissance maximum de 2 kW chacun permettent
d’obtenir 8,2 kW combinés, pour un M2 = 4 [10], soit une
Néanmoins, même si une fraction importante de la lumière perte d’un facteur 2,8 en densité de puissance ; l’efficacité de
est renvoyée dans un ordre appelé ordre principal du réseau, combinaison obtenue est de 99 % ;
la lumière est aussi renvoyée dans une moindre proportion dans – Lockheed Martin Aculight avec 3,1 kW obtenus [11] en
d’autres ordres et dans d’autres directions. La direction de ren- combinant 12 lasers à fibres 280 W, le M2 initial des faisceaux
voi de la lumière n’est donc pas unique. C’est pourquoi on utilise est de 1,1, et la combinaison spectrale conserve une bonne
aussi très souvent des réseaux dits « blazés » où, au lieu d’ins- qualité de faisceau combiné avec un M2 final de 1,35 ; l’effica-
crire de simples traits en surface du réseau, on inscrit des zones cité de combinaison est de 92 %.
planes inclinées en « marches d’escaliers » appelées éche- On constate au passage, sur ces deux records, que la combi-
lettes, et dont l’inclinaison peut être optimisée pour rendre naison spectrale brille par son efficacité de combinaison qui
maximale la diffraction du réseau dans son ordre principal reste supérieure à 90 %, ce qui est excellent. De par sa nature
(figure 6b). On obtient ainsi des réseaux qui diffractent plus de incohérente, cette technique de combinaison permet également
90 % de la lumière dans un seul ordre et dans une direction de préserver la qualité de faisceau laser mieux que d’autres.
unique associée à cet ordre, définie par θr = 2θ – θi où θ est
l’angle de « blaze », c’est-à-dire l’inclinaison des échelettes. 2.3.2 Limites de la méthode
On retiendra qu’un réseau à échelette est optimisé pour fonc- Cependant, jusqu’à très récemment, ces records de montée
tionner pour des valeurs de θi proches de θ et qu’il faut donc pri- en puissance par combinaison spectrale ont été limités par trois
vilégier une direction incidence perpendiculaire au plan des facteurs.
échelettes.
■ Une première limite des techniques de combinaison spec-
Il existe d’autres types de réseaux inscrits, non pas en sur- trale est liée au fait qu’elle met en œuvre une configuration où
face, mais en profondeur dans un matériau. l’un des composants optiques employés, le réseau de dif-
Les réseaux multi-couches diélectriques sont gravés sur fraction, est exposé à l’intégralité de la puissance laser
une faible profondeur en surface d’un substrat, par dépôt de combinée. De plus, comme il se trouve en sortie de laser où
couches successives d’indices de réfraction variables. Le traite- les faisceaux combinés ont peu divergé, il reçoit en général
ment multi-couches diélectriques est déposé sous vide par des cette puissance sur un petit diamètre de seulement quelques
techniques de dépôt chimique en phase vapeur : on dépose millimètres, accentuant encore sa vulnérabilité au flux laser.
couche par couche des matériaux diélectriques différents choi- Cependant, ce n’est jamais le seuil de dommage du matériau
sis en fonction de leurs indices de réfraction respectifs. La struc- qui conduit à la limite en puissance combinée, mais plutôt les

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