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Sources laser
III
Cet ouvrage fait par tie de
Optique Photonique
(Réf. Internet ti520)
composé de :
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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Optique Photonique
(Réf. Internet ti520)
Patrick GEORGES
Directeur de recherche CNRS
Riad HAIDAR
Maître de recherches à l'ONERA, professeur à l'École polytechnique
Michel JOINDOT
Ingénieur en chef des télécommunications
Richard MONCORGÉ
Professeur à l'université de Caen
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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :
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VI
Sources laser
(Réf. Internet 42452)
SOMMAIRE
Réf. Internet page
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VII
Lasers à solides pour le domaine UV-Visible E6485 105
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Les applications, très nombreuses, ne sont pas traitées dans cet article. Le
lecteur intéressé par un domaine d’application spécifique pourra trouver les
informations adaptées dans les traités spécialisés : mécanique (traitement des
matériaux, usinage), électricité (optronique, communications)...
1. Niveaux d’énergie photons passant en ce point. Une probabilité de présence nulle tra-
duit alors l’absence de rayonnement ; cette approche permet
et transitions notamment d’interpréter les expériences d’interférence, typique-
ment de nature ondulatoire, par l’existence de photons. Ainsi récon-
ciliées, les deux théories reçoivent de plus le soutien d’une autre
théorie universelle, celle de l’indétermination d’Heisenberg. Celle-ci
1.1 Dualité onde-corpuscule nous enseigne que pour certains phénomènes, en particulier dans le
monde de l’infiniment petit, on peut trouver certains couples de
grandeurs caractéristiques ne pouvant jamais, par principe, être
connues parfaitement les deux à la fois ; les relations liant les incer-
Le but de ce paragraphe n’est pas de répondre en détail à la ques-
titudes avec lesquelles on peut les connaître simultanément portent
tion complexe « Qu’est-ce que la lumière ? » Il est toutefois difficile
le nom de relations d’indétermination de Heisenberg. Un calcul de
de parler de laser sans évoquer le problème de la nature du rayon-
quelques pages [9] montre que l’incertitude ∆n sur le nombre n de
nement. Celui-ci est-il plutôt une onde ou plutôt constitué de
photons mis en jeu dans une expérience et celle ∆ φ sur la phase φ de
corpuscules ? Le débat agitait déjà les esprits des plus illustres phi-
l’onde associée, sont liées par l’inégalité.
losophes grecs (Aristote avait « pressenti » la nature ondulatoire,
Empédocle et Pythagore, la nature corpusculaire). Après des siècles
de réflexion, de recherche et... de polémique, la science moderne ∆n ⋅ ∆ φ 2π (1)
répond aujourd’hui par une formule qui peut paraître ambiguë mais
qui, en fait, résume bien l’état de nos connaissances : la lumière se ■ Si l’on souhaite individualiser un photon, il faut pouvoir détermi-
comporte tantôt comme une onde, tantôt comme des corpuscules. ner n (ici n = 1) avec une erreur ∆n nulle ; on a alors indétermination
totale de la phase de l’onde associée car ∆ φ → ∞.
C’est au début du 20e siècle (1900) que Max Planck, dans le but de
résoudre l’énigme du rayonnement du corps noir, a formulé une ■ Si l’on veut connaître φ avec précision (∆ φ → 0), il faut tolérer que
hypothèse hardie, à l’origine d’une véritable révolution : les échan- ∆n tende vers l’infini ; on perd alors l’aspect corpusculaire.
ges d’énergie entre matière et rayonnement ne pourraient s’effec-
tuer que par quantités discrètes, multiples entiers d’une énergie Ce raisonnement est l’un des plus convaincants pour illustrer la
élémentaire de valeur : complémentarité entre les deux comportements du rayonnement,
notamment dans le domaine qui nous concerne ici : celui de la
E = hν (baptisée quantum) lumière visible et des deux zones voisines du spectre (infrarouge et
avec ν fréquence du rayonnement concerné, ultraviolet) qui correspond au L (light) de laser.
h constante universelle.
Pour la première fois, une approche « quantique » de l’énergie
apparaissait, alors que les « monuments » de la Physique (thermo- 1.2 Modèle idéalisé de l’absorption
dynamique, théorie électromagnétique de Maxwell) n’envisageaient et de l’émission
que des variations strictement continues. Cinq ans plus tard, les
confirmations expérimentales de la théorie de Planck ne permettant
plus le doute, Albert Einstein, aux prises avec une autre énigme
(l’effet photoélectrique), reprenait l’idée quantique et résolvait son La description du fonctionnement d’un laser passe par la compré-
problème spécifique en assimilant le rayonnement à un ensemble hension des phénomènes d’absorption et d’émission, constituant la
de quanta (ou « paquets ») d’énergie électromagnétique de base de la théorie de l’interaction lumière-matière. Le modèle le
valeur h ν, baptisés photons et présentant un comportement corpus- plus adapté est de type « énergétique », issu des hypothèses de
culaire (le terme de « grains » d’énergie est parfois utilisé, mais il Niels Bohr (1913) sur les états d’énergie des atomes. Ces derniers
évoque des particules dotées de masse et prête ainsi à confusion). présentent des états énergétiques stables et discrets, concrétisés
Cette approche, révolutionnaire et efficace, ne règle cependant pas par des niveaux quantifiés, le passage de l’un à l’autre correspon-
tous les problèmes ; le comportement ondulatoire de la lumière, dant à une transition. Dans le modèle idéalisé, chaque niveau est
indéniable dans les expériences d’interférences, de diffraction ou de parfaitement défini, la représentation graphique traditionnelle étant
polarisation, et génialement mis en équation par Maxwell, n’est pas celle de la figure 1 pour le cas simplifié d’un couple de niveaux.
pour autant rayé de la carte. Il faut seulement se rendre à Par ailleurs, une transition peut se produire par absorption de
l’évidence : le rayonnement présente un comportement soit ondula- lumière de fréquence ν (l’atome passe alors à un état d’énergie
toire, soit corpusculaire, suivant le type d’expérience considéré ; ce supérieur, dit « excité ») ou par émission de lumière de même fré-
comportement à double visage est baptisé « dualité onde- quence, s’il est excité (il retrouve alors son état d’origine). Ce
corpuscule ». modèle est parfaitement en accord avec la quantification de l’éner-
Ces deux aspects d’un même phénomène peuvent apparaître gie et la dualité onde-corpuscule si l’on suppose que le photon
contradictoires, voire inconciliables. En réalité, une approche statis- absorbé ou émis, correspondant à une onde de fréquence ν, pré-
tique (ou probabiliste) permet de montrer qu’ils sont sente une énergie égale à la différence entre les deux niveaux E1 et
complémentaires : il « suffit » d’admettre que l’intensité de l’onde E2 .
associée à un photon, est directement liée à la probabilité de pré-
sence du corpuscule en un point, ou encore, au nombre moyen de E 2 − E1 = h ν (2)
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Chaque atome présentant un couple (E1, E2) est donc susceptible ment des raies qui peut conduire à l’observation de bandes de
E2 – E1 niveaux difficiles à séparer (non résolubles) même à l’aide de sys-
d’absorber ou d’émettre un rayonnement de fréquence ν = ------------------ . tèmes dispersifs très résolvants.
h
Ce modèle a été précisé par Einstein, sur une base probabiliste, que Des lois complexes de la physique quantique, nous pouvons
l’on peut résumer ainsi : pour une population de N atomes en pré- extraire deux conclusions :
sence de rayonnement de fréquences variées, dont N1 sont dans — dans les cristaux, les interactions entre atomes compliquent le
l’état d’énergie E1 (état dit fondamental, si l’atome est en situation jeu en multipliant considérablement le nombre de niveaux d’éner-
gie à prendre en compte, ces niveaux pouvant présenter une dégé-
naturelle de « repos ») et N2 sont dans l’état excité E2, le nombre élé-
nérescence en bandes quasi-continues. Il existe, heureusement
mentaire de transitions par absorption, pendant un temps élémen- pour le laser, des exceptions importantes : certaines raies, associées
taire dt peut s’écrire : à la présence de quelques atomes d’impuretés (en réalité des ions),
dN1 = B12 N1 ρ (ν ) dt (3) demeurent très fines.
Pour obtenir une émission très monochromatique, le physicien
avec B12 probabilité d’absorption entre les niveaux E1 et
devra faire preuve de beaucoup d’ingéniosité pour trouver la bonne
E2 ,
impureté, insérée dans le bon cristal (cf. article Lasers à gaz et à
N1 « vivier » susceptible d’absorber des photons, solides) ;
ρ (ν ) densité spectrale du rayonnement ambiant. — En outre, les « édifices » moléculaires ne sont jamais figés ; en
Inversement, pour les atomes excités, le nombre élémentaire de première approximation, avec notre approche macroscopique du
transitions par émission pendant le même temps élémentaire peut monde microscopique, nous pouvons modéliser leurs mouvements
s’écrire : à partir des concepts classiques de la Mécanique sous forme de
rotations et vibrations. La Mécanique quantique en donne une
dN 2 = −A21 N2 dt (4) représentation plus abstraite, mais basée sur la même idée : les
mouvements de rotation et de vibration se traduisent, dans les
avec un signe − pour tenir compte de la diminution de N2 , molécules, par une forte multiplication des niveaux d’énergie.
A21 probabilité d’émission entre les niveaux E2 et E1 , Ces quelques éléments simplifiés permettent d’imaginer pour-
N2 « vivier » susceptible d’émettre des photons. quoi la recherche d’une émission lumineuse très monochromatique
On reconnaît la formulation différentielle classique d’une décrois- représentait un pari non gagné d’avance. En pratique, les physiciens
sance exponentielle de N2. ont retenu quelques mécanismes de transitions qui se sont révélés
porteurs et que nous retrouverons dans les lasers actuels (cf. article
N2 (t) = N2 (0) exp (−A21t) ou N2 (0) exp (−t / τ) (5) Lasers à gaz et à solides).
τ est la constante de temps qui traduit la « vitesse » de retour à l’état ■ Les transitions électroniques, dans lesquelles les changements
fondamental ; elle caractérise donc la durée de vie moyenne de de niveaux d’énergie s’effectuent par « sauts » des électrons d’une
l’état excité. Les deux probabilités B12 et A21 sont liées aux pro- orbite à l’autre dans une population d’atomes non ionisés : lors de
priétés intrinsèques de l’atome considéré et portent le nom de coef- la montée des électrons dans l’échelle énergétique, ceux-ci ne peu-
ficients d’Einstein. vent pas quitter leurs atomes d’origine. C’est le modèle le plus sim-
Le phénomène d’émission se produisant naturellement, comme ple à appréhender avec une approche mécanistique, c’est donc le
tout retour à l’équilibre d’un système physique possédant un excès plus répandu dans les ouvrages de vulgarisation (figure 2).
d’énergie, reçoit le nom d’émission spontanée. Aucune hypothèse ■ Les transitions ioniques, ou électroniques avec ionisation, dans
n’étant formulée sur la direction de propagation des photons ou lesquelles le mécanisme de base reste identique, mais avec un
sur leurs phases respectives, ce mode d’émission est baptisé inco- apport d’énergie extérieure suffisant pour que certains électrons
hérent spatialement : en d’autres termes, les directions de propa- soient arrachés à leurs atomes d’origine, transformant ceux-ci en
gation des photons et leurs phases sont aléatoires. Ce modèle ions. Ce mode d’excitation, rencontré dans certains gaz soumis à
représente une description simplifiée de l’émission lumineuse une décharge électrique (argon), est moins sélectif, mais aussi plus
rencontrée dans les lampes à incandescence ou les tubes fluores- « brutal » car les électrons devenus libres véhiculent dans le milieu
cents qui agrémentent nos nuits terrestres : à un détail près, mais un surplus d’énergie sous forme cinétique, qu’il faudra évacuer (cf.
d’importance : dans ces sources incohérentes, les niveaux d’énergie article Lasers à gaz et à solides).
discrets idéalisés n’existent pas.
■ Les transitions moléculaires, dans lesquelles les changements
d’énergie s’effectuent par une modification globale de l’état de
vibration (distance variable entre deux atomes constitutifs par
1.3 Mécanismes des transitions réelles exemple), ou de rotation des molécules. Ce mécanisme est typique
des gaz moléculaires, tel que le dioxyde de carbone (figure 2).
Plusieurs générations de physiciens se sont patiemment effor- Les physiciens connaissant bien les ordres de grandeur des éner-
cées d’établir un catalogue des niveaux d’énergie présents dans les gies à mettre en jeu dans ces différents modes de transition, la for-
atomes et les molécules. Les plus acharnés furent les spectroscopis- mule de Planck permet aisément de prévoir les domaines de
tes qui traquèrent les innombrables raies d’émission pour en fréquences, donc de longueurs d’onde concernés :
déduire la constitution fine de la matière : « les raies d’émission E2 − E1 = ∆E = h ν = h c/ λ
sont le langage des atomes » disaient-ils...
Le cas d’un atome isolé, hypothèse d’école, est le plus confortable avec h = 6,63 · 10−34 J · s,
à modéliser car il n’interagit pas avec d’autres « confrères ». Il en va c = 3 · 108 m/s ;
tout autrement dans les cristaux et les molécules, qui sont consti-
— transitions électroniques : ∆E elec ;
tués d’assemblages plus ou moins complexes d’atomes interagis-
sant entre eux. Il est donc prévisible qu’un gaz, constitué d’atomes — transitions moléculaires : ∆E vib (vibrations) ;
en mouvement, relativement éloignés les uns des autres, ne présen- ∆E rot (rotations).
tera pas les mêmes niveaux d’énergie qu’un cristal aux atomes pro- La hiérarchie énergétique étant bien établie (∆E elec > ∆E vib
ches et fortement liés entre eux. D’une façon générale, lorsque la > ∆E rot), les valeurs de ∆E conduisent à la prévision synthétique
masse volumique des corps augmente, il en résulte un élargisse- suivante :
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Jean SAGAUT
Opton Laser International (Orsay)
et Sophie LAPOINTE
Gentec Électro-Optique (Canada)
même que de ses applications. Aujourd’hui, le laser a pris des formes extrêmement
variées et est devenu un outil irremplaçable dans de nombreux domaines.
QS
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QT
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Modes
Miroir totalement Miroir partiellement longitudinaux
réfléchissant réfléchissant
Pompage
Faisceau laser
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Sources laser
par Gilles BRASSART
Ingénieur de l’École supérieure d’optique
Président-directeur général de BM Industries
Jean-Louis MEYZONNETTE
Ingénieur de l’École supérieure d’optique
Professeur à l’École supérieure d’optique
et Jean-Paul POCHOLLE
Chef du Laboratoire Sources laser pour optronique
au Laboratoire central de recherche (LCR) Thomson-CSF
car leur émission peut surpasser de loin celle de leurs concurrentes thermiques
par ses caractéristiques spatiale, spectrale, temporelle ou énergétique.
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L’un des avantages décisifs des lasers est la possibilité d’obtention de lumi-
nances spectriques élevées, donc d’émission de rayonnements à la fois très direc-
tifs (la divergence du faisceau peut être limitée par la diffraction dans le cas de
lasers monomodes) et quasimonochromatiques : cela permet d’une part d’opti-
miser un éclairement de cible ou une concentration d’énergie, même sur de
longues distances, et d’autre part de simplifier les optiques associées et de filtrer
plus efficacement les rayonnements parasites.
L’émission des lasers se prête de plus à des techniques de modulation, et donc
de traitement de signal, difficilement envisageables avec des sources thermiques
(modulation d’amplitude ou de fréquence, obtention d’impulsions très brèves,
accordabilité en longueur d’onde, etc.).
Après un bref rappel théorique, cet article présente l’état de l’art sur différents
types de lasers : diodes laser, lasers à gaz CO2 , lasers solides pompés par diodes
laser, et s’achève par des considérations sur la sécurité (en particulier oculaire)
dans l’utilisation des lasers.
1. Rappels de base Dans les années 60, les études portent largement sur le pompage
optique, en particulier grâce à N. Blombergen et A. Kastler (prix
Nobel en 1966). Le laser est analysé comme une machine de Carnot
1.1 Historique pour laquelle il est admis que le second principe de la thermo-
dynamique n’est pas remis en cause, malgré de nombreuses hési-
tations au sein de la communauté scientifique. Au cours de cette
C’est en 1917 que A. Einstein (prix Nobel 1921) établit le concept
période les différents types de laser sont à l’étude, les raies d’émis-
d’émission stimulée en analysant une population fictive d’atomes
sion analysées et les rendements mesurés expérimentalement.
à 2 niveaux d’énergie En et Em , distants de hν, en équilibre thermique
dans une enceinte à la température T. La statistique de Boltzmann
définit la répartition des atomes entre les deux niveaux, et la loi de
Planck fournit la densité spectrale du rayonnement électro- 1.2 Généralités
magnétique du corps noir constitué par cette collection d’atomes.
Les phénomènes d’absorption et d’émission spontanée des photons Bien que les lasers se présentent sous des dimensions très
d’énergie hν sont pris en compte par Einstein, qui admet qu’à l’équi- différentes les uns des autres (allant en volume de la tête d’épingle
libre thermodynamique le nombre, par unité de temps, de transitions au bâtiment entier), les interactions de base entre le milieu et le
de n vers m est égal à celui de m vers n. Dans ces hypothèses, Einstein rayonnement laser sont les mêmes, et ce paragraphe en rappelle
démontre que la loi de Planck entraîne la nécessité du concept brièvement les bases, communes à tous les lasers.
d’émission stimulée.
Un laser est en fait un oscillateur optique et peut donc être
En 1940, Fabricant réalise probablement la première inversion de considéré comme un amplificateur avec une boucle de contre-
population dans ses mesures d’absorption de lumière entre deux réaction positive. Tout d’abord, l’amplification aux fréquences
états excités d’espèces gazeuses, au cours desquelles il parvient à optiques est possible grâce au caractère discret des états éner-
désexciter rapidement le niveau le moins énergétique. Le laser aurait gétiques de nombreuses espèces atomiques (atomes, molécules,
pu naître à l’aube de la Seconde Guerre mondiale si Fabricant ions...). En général un rayonnement électromagnétique ne peut inter-
(reconnu comme le grand-père du laser) avait pensé à placer le gaz agir avec une espèce atomique que si sa fréquence ν est telle que
dans une enceinte avec deux miroirs en bout. l’énergie individuelle des photons qui le composent, hν, est égale
Dans les années 1952/1954 le phénomène d’amplification stimulée à la différence d’énergie entre les deux états permis du milieu.
est observé simultanément par les deux équipes de Townes, Gordon, Bien que, en pratique, tous les systèmes atomiques présentent
Zeiger (États-Unis) et de Basov et Prokhorov (URSS), qui, pour cela, un grand nombre d’états énergétiques permis, on ne considère
reçoivent simultanément le prix Nobel en 1964. En 1954, le jet molé- que les interactions de la lumière avec les deux états dont la diffé-
culaire en sortie d’un four dans lequel se trouvent des molécules rence d’énergie satisfait à la relation :
d’ammoniac (NH3) excitées par collision, passe entre deux électrodes
qui effectuent le tri des espèces excitées. Ces dernières sont E2 – E1 = h ν
envoyées dans une cavité résonnante et les expérimentateurs Si l’atome se trouve dans l’état énergétique le plus faible E 1 , il
observent une émission dans un guide d’onde à 2,3 × 1010 Hz. Le peut absorber un photon et donc atteindre le niveau d’énergie
Maser (microwave amplifier by stimulated emission of radiation ) supérieur E 2 . Le débit de photons absorbés est alors proportionnel
est ainsi inventé. au nombre d’atomes du milieu, au débit des photons incidents et
Cela conduit, en 1958, Townes et Schawlow à élaborer le concept à une constante de proportionnalité appelée probabilité de transi-
du maser à fréquences optiques, ou laser (light amplification by tion, qui est une caractéristique de ces deux niveaux.
stimulated emission of radiation ), à partir d’un milieu actif pompé Dans le cas où l’atome se trouve déjà dans le niveau supérieur,
optiquement placé dans un interféromètre de Fabry-Pérot, qui deux processus peuvent alors se produire.
constitue la cavité résonnante. C’est en juillet 1960 que Maiman réa-
lise le premier laser, sous forme de laser à rubis fonctionnant en ■ Le premier processus est celui de l’émission spontanée, dans
mode libre (émission dite relaxée). Quelques mois plus tard, Javan lequel l’atome retourne à l’état inférieur en émettant un photon de
fabrique le premier laser à gaz à émission continue. fréquence ν. Si la plupart des atomes émettent de cette façon, le
rayonnement résultant est incohérent car il n’y a pas de relation entre
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les instants d’émission d’un atome à un autre. La plupart des sources et, dans la mesure où elle est supérieure à I0 , il y a amplification
(à incandescence ou à fluorescence) émettent de cette façon. Le flux du faisceau à chaque aller-retour dans la cavité. Il se produit alors
émis par émission spontanée est indépendant de l’amplitude du des oscillations jusqu’à ce que la valeur du gain de l’ensemble
champ électromagnétique incident ; il est proportionnel au nombre retombe à 1 par un phénomène non linéaire.
d’atomes dans l’état excité et inversement proportionnel à leur durée La condition de seuil du laser peut s’écrire de la façon suivante :
de vie (c’est-à-dire au temps moyen pour qu’un atome passe dans
l’état excité avant de retourner au niveau le plus bas). α s > ( 1 ⁄ 2 ᐉ ) ln ( 1 ⁄ R )
■ Le second processus est celui de l’émission stimulée, dans lequel Les conditions sur la phase de la réaction sont remplies automa-
l’émission d’un photon par un atome est déclenchée par la présence tiquement si la séparation entre les miroirs est égale à n λ /2, où n
du rayonnement incident. Dans ce cas, l’instant où se produit l’émis- est un entier, et λ la longueur d’onde correspondant à la fréquence ν.
sion est dicté par le champ excitateur, auquel elle se superpose en À première vue, il peut sembler nécessaire que la distance entre
phase. Il s’agit donc d’un processus cohérent, qui constitue le cœur miroirs soit très précise mais, dans la plupart des cas, n est un
même du mécanisme laser. Le flux dû à l’émission stimulée est nombre très grand. Par conséquent, la séparation en longueur
proportionnel au nombre d’atomes qui se trouvent dans l’état d’onde ∆ λ , correspondant à la différence entre n et (n + 1)
excité, au débit de photons incidents et a la même probabilité demi-longueurs d’onde dans la cavité, est donnée par :
d’absorption que dans le cas de l’absorption.
On peut donc voir qu’un milieu, dont les atomes se trouvent en ∆ λ = λ2 /2L
plus grand nombre dans l’état fondamental que dans l’état excité, où L est la séparation entre les miroirs.
absorbera une fraction du faisceau incident, ce qui se produit
obligatoirement lorsque le milieu est en équilibre thermique avec On peut donc voir que la variation en longueur d’onde corres-
son environnement. Au contraire, il y aura production nette de pondant à deux entiers successifs est très petite et indépendante
rayonnement si les atomes sont plus nombreux dans l’état excité. de la valeur de n.
La recherche de matériaux laser doit donc se concentrer sur des En pratique, les milieux laser sont capables d’amplifier non
milieux qui ne soient pas en équilibre thermique avec leur environ- seulement l’onde dont la fréquence ν a été définie très précisément
nement et pour lesquels la durée de vie du niveau excité ne soit précédemment, mais aussi un ensemble d’ondes situées dans une
pas trop courte ; la durée de vie de la plupart des états laser va de bande spectrale située autour de cette valeur, par le fait que les
quelques microsecondes à des dizaines de millisecondes. niveaux des atomes ont des largeurs énergétiques non nulles. Ainsi,
dans la mesure où la largeur de bande est supérieure à la valeur
∆ λ, il y aura toujours une fréquence à l’intérieur de cette bande
1.3 Conditions d’oscillation d’amplification pour laquelle la condition de phase est satisfaite.
Exemple
La présence d’un milieu amplificateur seul ne suffit pas pour faire Considérons un milieu laser dont la bande d’amplification, de largeur
un laser. De même que pour un oscillateur électrique, il faut la pré- 1 nm, soit centrée à 1 µm et qui soit placé dans une cavité de 25 cm de
sence d’une boucle de contre-réaction pour que le gain global soit long. Il ressort que ∆ λ = 2 × 10–3 nm et dans la bande d’amplification,
supérieur aux pertes nettes du système. La façon la plus simple de il y aura 500 valeurs discrètes de fréquences pour lesquelles l’oscilla-
réaliser cette boucle est de placer le milieu amplificateur dans une tion est possible.
cavité constituée de deux miroirs plans, parallèles entre eux. On peut
constater simplement que les ondes, qui se propagent perpendicu- Ces valeurs discrètes représentent ce que l’on appelle les modes
lairement aux miroirs, restent à l’intérieur du milieu amplificateur longitudinaux du résonateur. Très souvent, un laser peut fonctionner
beaucoup plus longtemps que les ondes qui se propagent dans les sur plusieurs modes longitudinaux à la fois puisque les conditions
autres directions, et donc qu’elles vont croître en intensité beaucoup de gain peuvent être satisfaites sur un domaine important de la
plus rapidement que ces dernières. Le retour fourni par ces miroirs bande d’amplification. Les largeurs spectrales des différents types
est donc très directif, ce qui explique la très forte collimation d’un de matériaux varient considérablement de l’un à l’autre, puisqu’elles
faisceau laser émis de cette manière. Si les miroirs de la cavité étaient peuvent aller de quelques mégahertz dans certains gaz à des milliers
sphériques, il serait possible en principe de créer des ondes laser de gigahertz dans certains solides. Si la bande est très étroite, il faut
sphériques, mais cela ne présente qu’un intérêt académique, s’assurer qu’il existe bien un mode longitudinal dans la zone de fré-
puisqu’en pratique ce qui est demandé en priorité à un laser est une quences adéquate en ajustant la distance entre les miroirs, mais le
bonne collimation du faisceau émis. problème le plus souvent rencontré est d’obtenir un spectre étroit
à l’émission en limitant le nombre de modes longitudinaux que peut
Pour obtenir des oscillations, il faut que la boucle de contre-
émettre le laser, grâce à des éléments sélectifs en fréquence, tels
réaction réinjecte un signal de phase et d’amplitude correctes. La
que prismes ou étalons placés à l’intérieur de la cavité. Pour la plupart
condition sur l’amplitude est remplie si le gain du système sur un
des applications en avionique, le fait que le laser oscille sur un certain
aller-retour est supérieur à 1. Considérons une onde d’intensité I0
nombre de modes longitudinaux n’a que peu de conséquences sur
incidente sur le milieu amplificateur dont le gain par unité de lon-
les performances du système optronique parce que la largeur totale
gueur est α et l’épaisseur ᐉ ; α est lié directement à la différence
du spectre émis est faible vis-à-vis de la bande passante des autres
de population N2 – N1 et à la probabilité de transition entre les deux
composants optiques du système, tels que filtres, détecteurs, etc.
états. Après traversée du milieu, l’intensité devient :
Les cas où un émetteur monomode est réellement nécessaire sont
I = I 0 exp ( αᐉ ) très rares, mais peuvent se présenter, par exemple dans les systèmes
à détection hétérodyne.
Une méthode simple, pour coupler vers l’extérieur de la cavité
une fraction de l’énergie située à l’intérieur, est de placer un miroir
partiellement transparent à l’une des extrémités de cette cavité. Si 1.4 Modes transverses
ce miroir de sortie a un facteur de réflexion R et des pertes
négligeables, la fraction (1 – R ) de l’énergie sort de la cavité.
La représentation simple qui a été donnée précédemment d’un
L’intensité du faisceau lorsqu’il revient au point de départ est
résonateur, en terme d’une onde plane qui rebondit entre deux
alors :
miroirs plans est correcte de façon générale, mais elle n’est pas
I = R I 0 exp ( 2 αᐉ ) totalement exacte. Un résonateur optique peut, en effet, entretenir
plusieurs configurations de champ électromagnétique, ou modes.
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On a déjà présenté les modes dits longitudinaux ; à chaque mode 1.5.1 Modulation par contrôle
longitudinal, peuvent être associées des variations dans la struc- de la puissance d’excitation
ture du champ dans un plan perpendiculaire à la direction générale
de propagation.
Dans certains types de lasers, pour lesquels la durée de vie de
Pour constituer un mode du résonateur, la distribution de champ l’état excité est assez brève (inférieure à une microseconde) l’inver-
le long d’un miroir doit se reproduire en amplitude et en phase après sion de population est directement proportionnelle à la puissance
réflexion sur l’autre miroir, et ces distributions peuvent se calculer d’excitation de sorte que la variation de la puissance laser en sortie
par la théorie scalaire de la diffraction. Les modes d’un résonateur est une recopie de celle à l’entrée. Par exemple, les variations de
à miroirs plans ont été calculés par itération sur ordinateur, mais puissance en sortie d’une diode laser à semiconducteur (§ 2) suivent
les modes d’un résonateur à miroirs sphériques peuvent, dans cer- de très près celles du courant injecté dans la jonction et, par
tains cas, se calculer de façon analytique. Par analogie avec un réso- conséquent, on peut obtenir un fonctionnement impulsionnel sur un
nateur à micro-ondes, ces modes sont appelés TEMmn (Transverse domaine très large de cadences de répétition, les limitations pro-
Électromagnétique), où m et n sont deux entiers correspondant aux venant essentiellement de la capacité thermique du dispositif. De
nombres d’annulations du champ le long de deux directions ortho- même, certains types de laser à colorants organiques excités opti-
gonales dans les plans des miroirs. La figure 1 montre quelques-uns quement peuvent produire des impulsions de l’ordre de la micro-
des modes d’ordres les plus faibles calculés à partir d’une solution seconde avec des puissances crête de l’ordre du mégawatt si on les
analytique pour un résonateur à miroirs sphériques. Plus les valeurs excite par un flash.
de m et n sont élevées, plus la distribution du champ est étalée dans
Par ailleurs, les durées de vie à l’état excité de nombreux matériaux
le plan des miroirs et plus la divergence du faisceau émis par dif-
lasers solides et de quelques lasers à gaz sont comprises entre la
fraction est importante. La distribution du faisceau de sortie consiste
dizaine de microsecondes et quelques millisecondes. L’énergie peut
généralement en la superposition d’un nombre de modes trans-
alors être stockée par le milieu sous forme d’une forte inversion de
verses différents, à moins que des moyens de discrimination de
population et, à la limite, quand l’énergie à l’entrée est fournie sur
modes ne soient mis en œuvre dans la cavité.
une durée brève par rapport à cette durée de vie, l’inversion est direc-
La divergence minimale est obtenue pour le mode TEM00 , dont tement proportionnelle à l’énergie d’excitation. Cette énergie ainsi
le profil est gaussien, et qui peut être sélectionné, généralement, emmagasinée peut alors être convertie en impulsions par l’une des
en plaçant un diaphragme de dimension appropriée à l’intérieur de techniques décrites ci-dessous.
la cavité. Cependant, la dimension de ce mode est généralement
Une fois le seuil franchi dans un simple oscillateur de base,
beaucoup plus petite que le diamètre du milieu amplificateur, ce
consistant en un milieu amplificateur et une paire de miroirs, le
qui en réduit le rendement. Typiquement, la fraction de puissance
gain sur un aller-retour se sature et tout accroissement ultérieur de
disponible dans le mode TEM00 est comprise entre 20 et 60 %.
la puissance de pompe est directement converti par le processus
d’émission stimulée en un accroissement de la puissance de sortie.
Cependant, pour de nombreux lasers, en particulier les lasers
1.5 Méthodes de modulation solides, la puissance de sortie n’est pas proportionnelle à la puis-
sance d’entrée lorsqu’on s’intéresse à une échelle de temps de
en puissance d’un laser l’ordre de la microseconde. On trouve que la puissance de sortie
consiste en une superposition de nombreuses impulsions, dont la
durée typique est de l’ordre de la microseconde, ou moins, et aussi
Dans de nombreuses applications, on désire faire varier la puis- de trains d’impulsions amorties espacées dans le temps de façon
sance de sortie du laser en fonction du temps, généralement pour bien définie. Ces impulsions se produisent par couplage étroit
obtenir des impulsions. Pour cela, il existe différentes méthodes, entre le champ rayonné à l’intérieur de la cavité et l’inversion de
en fonction de la fréquence de répétition et de la durée d’impulsion population, et peuvent être déclenchées facilement par de faibles
recherchées, dont les plus courantes sont rappelées ci-dessous. perturbations sur la puissance de pompe, sur les pertes de la cavité
ou sur la fréquence de la cavité dues à de petites vibrations des
miroirs. En pratique, il est souvent essentiel d’éliminer ces fluctua-
tions et de produire des impulsions contrôlées. Cela peut s’obtenir
en insérant dans la cavité un commutateur optique (figure 2). Les
caractéristiques de ces commutateurs dépendent des applications.
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1.5.2 Fonctionnement impulsionnel système est, en général, très faible et, par conséquent, il faut que
de type Q-switch les pertes d’insertion du commutateur dans son état passant soient
très faibles. Pour cela, on choisit très souvent des commutateurs de
type acousto-optique. En effet, la diffraction dans un réseau de phase
La forme la plus courante d’émission laser impulsionnelle
(tel que celui qui est produit par une onde acoustique dans un maté-
s’obtient par la méthode du déclenchement dit Q-switch. Ce qui est
riau acousto-optique) réduit la transmission du composant, mais ce
exigé du commutateur, dans ce cas, est de pouvoir passer d’un état
dernier retrouve une excellente transmission en absence d’excitation
parfaitement opaque à un état parfaitement transparent en quelques
acoustique, la perte d’insertion du matériau acoustique pouvant être
nanosecondes. Au départ, le commutateur est dans un état opaque,
très faible.
de sorte qu’il n’y a aucune contre-réaction positive de la part de la
cavité. Par excitation du milieu amplificateur, on y instaure une inver- Les commutateurs passifs exploitent le fait que les absorptions
sion de population, qui, en l’absence du commutateur, se stabiliserait très élevées de certains colorants organiques peuvent se saturer
à un niveau tel que le gain sur un aller-retour soit égal à un. Par sous de forts niveaux d’éclairement. Si un tel absorbeur se trouve
contre, avec le commutateur à l’état opaque situé dans la cavité, le dans une cavité, la contre-réaction est annulée à cause de
gain sur un aller-retour est nul et l’inversion de population augmente l’absorption du colorant, mais, au fur et à mesure que l’inversion
jusqu’à ce qu’elle se trouve limitée par un autre facteur. Cela se pro- de population augmente, il arrive un moment où le gain sur un
duit quand l’augmentation de l’inversion de population se trouve aller-retour dans la cavité atteint la valeur de 1 ; le flux de photons
compensée exactement par sa décroissance due à l’émission spon- intracavité commence alors à croître et sous certaines conditions
tanée ou à la fluorescence. Lorsque l’excitation provient d’impul- devient suffisant pour rendre transparent le colorant et déclencher
sions de durée inférieure ou comparable à la durée de vie de une impulsion. L’instant exact du déclenchement ne peut malheu-
fluorescence du matériau, le maximum dans l’inversion de reusement pas se prévoir de façon très précise, ce qui rend impos-
population se produit en fin d’impulsion excitatrice, et le gain cor- sible sa synchronisation avec des paramètres extérieurs. Ce procédé
respondant à cet état peut être de beaucoup supérieur au seuil de est tout de même assez répandu à cause de sa simplicité et de son
gain défini en l’absence de commutateur. Si le commutateur s’ouvre prix.
à cet instant, le flux de photons dans le résonateur croît, depuis les
quelques photons de bruit dus à la fluorescence jusqu’à une valeur
beaucoup plus élevée que si le gain s’était saturé. Le flux de photons 1.5.3 Autres méthodes
continue alors à croître jusqu’à ce que l’inversion de population
s’annule et que l’énergie emmagasinée soit émise. Dans la mesure 1.5.3.1 Cavity dumping
où le commutateur s’ouvre assez rapidement, l’énergie est émise
sous la forme d’une impulsion unique. Pour les lasers solides à exci- Dans les cas où il est nécessaire de contrôler de façon précise un
tation impulsionnelle, l’impulsion déclenchée peut contenir des éne- train d’impulsions laser, le déclenchement répété d’un laser pompé
rgies qui vont typiquement du millijoule à plusieurs joules, avec des en continu, comme par exemple un laser Nd-YAG, peut conduire à
durées comprises entre quelque 5 et 100 ns. l’émission maîtrisée dans le temps d’impulsions, et cela à des
cadences allant de quelques centaines de hertz jusqu’à une trentaine
Des efforts considérables ont été faits pour développer des de kilohertz. À plus hautes cadences, le phénomène devient instable,
commutateurs optiques destinés aux lasers déclenchés. La solution et il existe une meilleure solution, basée sur la technique de cavity
la plus simple consiste à faire tourner à haute vitesse l’un des miroirs dumping . Dans cette méthode, le commutateur doit passer très rapi-
du résonateur. La cavité ne présente aucune contre-réaction tant que dement d’un état très transparent à un état qui permette de coupler
les miroirs ne sont pas alignés, mais si le maximum dans l’inversion la majeure partie du flux de photons à l’extérieur de la cavité. Le
de population se produit lorsque les miroirs sont parallèles, une laser doit être constitué d’une cavité comportant deux miroirs extrê-
impulsion se déclenche. Cependant, bien qu’elle paraisse simple, au mement réfléchissants. Au départ, le commutateur est placé dans
moins en principe, cette technique n’est pas facile à mettre en œuvre son état passant, de telle sorte qu’aucun flux ne sort de la cavité.
et elle présente l’inconvénient grave de ne pouvoir créer une impul- Au fur et à mesure du pompage, continu, la densité d’énergie à l’inté-
sion qu’au passage des miroirs à l’alignement, ce qui rend très dif- rieur de la cavité croît jusqu’à ce qu’elle atteigne une valeur d’équi-
ficile la synchronisation de cette émission avec des phénomènes libre pour laquelle l’énergie fournie à l’état supérieur est compensée
extérieurs au laser. Dans de nombreux cas, on lui préfère le déclen- par les pertes de la cavité. À cet instant, le commutateur doit se trans-
chement par commutation électro-optique ; cette technique met à former en déflecteur et l’énergie ainsi emmagasinée dans la cavité
profit le changement de polarisation d’un faisceau lumineux induit en est éjectée pendant une durée qui correspond au temps
dans des cristaux tels que LiNbO3 ou KD*P (phosphure dideutéré d’aller-retour intracavité, c’est-à-dire 2 L /c. Le commutateur repasse
de potassium) auxquels on applique un champ électrique. Le alors dans son état transparent et le processus peut se répéter à nou-
commutateur complet se compose du cristal électro-optique et d’un veau. Par cette technique, il est assez facile d’obtenir du laser des
polariseur. La lumière polarisée linéairement par le polariseur est puissances crêtes de l’ordre de 100 fois supérieures à la valeur de
convertie en lumière polarisée circulairement par application d’une la puissance moyenne du même laser. La méthode de cavity dum-
tension quart d’onde sur le cristal. Après réflexion sur l’un des miroirs ping peut s’appliquer à tout laser capable de fonctionner en continu,
de la cavité, la lumière polarisée circulairement est convertie à nou- et s’utilise aussi bien avec les lasers solides qu’avec les lasers à gaz ;
veau en lumière rectiligne, mais avec un plan de polarisation perpen- par exemple avec un laser Nd-YAG, on peut obtenir des cadences
diculairement au plan de polarisation initial, de sorte que le d’impulsions supérieures à 25 kHz, allant jusqu’à plusieurs méga-
commutateur se trouve dans son état bloquant pour ce faisceau. On hertz.
peut faire revenir le commutateur à l’état passant simplement en
annulant sa tension de commande. On obtient ainsi des temps de
1.5.3.2 Mode locking
commutation inférieurs à la nanoseconde.
De nombreux autres types de commutateurs ont été mis en œuvre, Si l’on recherche des cadences d’impulsions encore bien plus éle-
fondés notamment sur l’utilisation de miroirs vibrants, sur l’effet vées, c’est-à-dire jusqu’à plusieurs centaines de mégahertz (par
Faraday, sur des étalons contrôlés piézoélectriquement, etc. Parmi exemple dans les communications optiques), le commutateur idéal
ceux-ci, les deux types les plus importants sont les commutateurs doit produire une modulation périodique des pertes ou de la fré-
acousto-optiques et ceux à colorant ou absorbeur saturable. Un laser quence de résonance de la cavité, à une cadence qui corresponde
pompé en continu peut être commuté de façon répétitive et produire au temps d’aller-retour de la lumière dans la cavité. Si le commu-
ainsi un train d’impulsions régulièrement espacées dans le temps tateur est situé près de l’un des miroirs de la cavité, et si l’on module
si la durée de vie de fluorescence du milieu est supérieure à l’inter- sa transmission de façon périodique, la zone du faisceau qui traverse
valle de temps entre impulsions successives. Le gain d’un tel le commutateur, au moment où ce dernier se trouve dans l’état
ouvert (maximum de transmission), sera moins atténuée que celles
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qui le traversent à d’autres instants. La distribution spatiale des GaInAs/GaAlAs, InP, GaInAsP), du moyen infrarouge (GaSb, InAs,
photons à l’intérieur de la cavité présentera donc un maximum qui InAsSb...) ou de l’infrarouge (PbSe, PbS, HgCdTe...). Pour cette
correspond au paquet de photons qui rebondissent d’un miroir à dernière fenêtre, on peut également penser que les transitions intra-
l’autre et traversent le modulateur au bon moment. Une autre façon bandes dans les structures à puits quantiques dans les composés
de traiter ce problème est de considérer le commutateur comme un III-V et le génie quantique développé avec ces matériaux puissent
modulateur qui introduit une cohérence de phase entre les modes autoriser l’observation d’une émission laser.
axiaux du résonateur de sorte qu’ils correspondent au spectre de Le diagramme du paramètre cristallin et de la largeur de bande
Fourier de l’impulsion. En pratique, la technique de mode locking interdite caractérisant les principaux composés semiconducteurs
peut s’obtenir soit de façon active, par exemple au moyen de modu- III-V (association d’éléments des colonnes III et V de la table de
lateurs électro-optiques ou acousto-optiques, soit de façon passive, classification de Mendeleïev) est représenté sur la figure 3.
grâce à des absorbeurs saturables. Des durées d’impulsions de
quelques picosecondes peuvent s’obtenir par cette technique. Ces matériaux doivent donc offrir une aptitude à l’élaboration
par épitaxie sur des substrats disponibles sous forme massive et
permettre la formation entre eux de bonnes hétérojonctions, ce qui
est réalisé si ces matériaux déposés sur le substrat ont le même
2. Diodes laser (ou presque) paramètre de maille cristalline.
Les diodes laser sont des composants émetteurs de lumière 2.1.2 Structures à puits quantiques
compacts qui présentent un rendement de conversion
optique/électrique élevé. Ces diodes laser étendent aujourd’hui leurs Les structures à puits quantiques forment une nouvelle classe de
domaines d’application et la fenêtre spectrale couverte avec composants optoélectroniques. La fabrication de telles structures est
l’accroissement de la diversité de structures, de composés semi- rendue possible avec le développement des techniques modernes
conducteurs employés et la maîtrise technologique des procédés de d’épitaxie [épitaxie en phase vapeur à partir de composé organo-
dépôt de couches. métallique : MOCVD (metal organic chemical vapour deposition ),
Les domaines d’applications des diodes laser sont importants et EJM (épitaxie par jets moléculaires)] qui permettent d’ajuster le
couvrent un large domaine spectral qui ne cesse de s’étendre. De dépôt et l’épaisseur de couches monocristallines de matériaux semi-
telles sources optiques, par leur caractère miniature, accordable, ou conducteurs à une distance interatomique près.
monofréquence associé à un rendement électro-optique important, Ainsi, lorsqu’une mince couche épitaxée de matériau semi-
expliquent leur insertion dans les systèmes optiques. Ces percées conducteur à petite bande interdite (typiquement 10 nm) est prise
et les efforts technologiques sont cependant liés au développement en sandwich entre deux couches de matériau à bande interdite
de systèmes couvrant les domaines à grande diffusion (par exemple plus grande, les électrons et les trous du matériau à petite bande
les diodes émettant dans le visible). interdite se trouvent être confinés dans des puits de potentiel à une
Ce paragraphe fait le point sur ces composants en explorant dimension selon la direction z (figure 4a ). De tels effets peuvent
succinctement le fonctionnement de ces diodes et les propriétés des être obtenus, entre autres, dans la famille de matériaux GaAlAs
matériaux employés. Enfin, les principales caractéristiques d’émis- épitaxiés sur des substrats en GaAs.
sion sont évoquées. Le traitement en mécanique quantique du mouvement d’un
électron dans un puits créé dans la bande de conduction E c (ou
d’un trou dans un puits créé dans la bande de valence E v) montre
que cette particule prend des états permis d’énergie discrets. Ces
2.1 Matériaux et structures niveaux sont représentés par les états E e1 , E e 2 , etc., pour les
électrons et par E hh1 , E hh 2 , etc., pour les trous (figure 4b ). Une
Avec l’avènement des techniques modernes de dépôt des maté- modification de l’épaisseur du matériau à petite bande interdite
riaux semiconducteurs qui autorise la maîtrise de la croissance au s’accompagne d’une variation des états d’énergie pris par les
niveau de la monocouche atomique sur de grandes surfaces, des porteurs. On réalise ainsi des matériaux artificiels puisque l’on est
structures complexes de matériaux artificiels peuvent être fabri- à même de contrôler ou de positionner l’énergie de bande interdite
quées. Ces méthodes de croissance et les technologies développées du matériau épitaxié. Rappelons que cette énergie est égale à
bouleversent actuellement le domaine des composants électro- l’énergie de bande interdite du matériau à petit gap (matériau de
niques. Parallèlement, les propriétés optiques de ces matériaux puits) à laquelle viennent s’ajouter les énergies prises par les
ouvrent de nouvelles perspectives d’emploi. De ce point de vue, la électrons et les trous dans leurs bandes respectives. C’est cette
réalisation de multihétérostructures (puits quantiques) contribue propriété qui est mise à profit pour ajuster la longueur d’onde
largement à l’amélioration des caractéristiques des composants d’émission en fabrication de diodes laser.
optoélectroniques.
2.1.3 Géométries
2.1.1 Composés semiconducteurs
Comme toute structure laser, une diode laser est constituée d’un
Les matériaux semiconducteurs sont caractérisés par leur énergie milieu générateur et amplificateur de lumière (zone à gain) et d’une
de bande interdite. Celle-ci est liée à la structure de bande du (ou cavité optique résonnante. Le milieu amplificateur est constitué
des) composé(s) semiconducteur(s). Le domaine de transparence de d’une jonction PN qui était initialement composée d’une homojonc-
ces matériaux est atteint lorsque l’énergie d’un photon est inférieure tion et qui est actuellement représentée par une (ou plusieurs)
à celle de la bande interdite (gap ). Rappelons que la relation entre hétérojonctions de composés semiconducteurs à bande interdite
la longueur d’onde λ (µm) d’un photon et son énergie E (eV) est directe. Dans ces hétérostructures, on injecte en direct un courant ;
donnée par l’expression : une recombinaison radiative des paires électron-trou s’y développe
1,24 et se manifeste par la création de photons dans le matériau actif qui
λ = -------------- sont à l’origine de l’émission laser. Une double hétérojonction est
E
composée de deux jonctions séparées par une couche active de
En fonction des composés semiconducteurs, l’énergie de bande faible épaisseur (de type puits quantique par exemple). Les recom-
interdite (donc l’émission laser) peut couvrir le domaine du visible binaisons radiatives ont lieu dans cette couche qui est donc
(ZnS, ZnSe, GaN, GaP...), du proche infrarouge (GaAlAs /GaAs, elle-même insérée entre deux couches de confinement qui font office
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Lasers à semi-conducteurs
nventés dans les années 1960, les lasers à semi-conducteurs, ou, plus
I exactement, les diodes laser à semi-conducteurs, ont aujourd’hui atteint un
niveau de maturité technologique garantissant leur omniprésence dans de
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Lasers à gaz
1. Généralités................................................................................................. AF 3 271 - 2
1.1 Diversité des lasers à gaz............................................................................ — 2
1.2 Différences par rapport aux lasers à solide............................................... — 2
2. Modes d’excitation des lasers à gaz................................................... — 2
2.1 Niveaux d’énergie dans les molécules ...................................................... — 2
2.2 Décharge électrique..................................................................................... — 3
2.3 Excitation chimique ..................................................................................... — 3
2.4 Excitation thermique ................................................................................... — 3
3. Lasers à gaz atomiques .......................................................................... — 3
3.1 Laser hélium-néon....................................................................................... — 3
3.2 Laser à argon ............................................................................................... — 4
3.3 Laser à vapeur de cuivre ............................................................................. — 4
3.4 Laser à iode .................................................................................................. — 4
3.5 Autres lasers à gaz rare ionisé.................................................................... — 5
4. Lasers moléculaires................................................................................. — 5
4.1 Laser à CO2................................................................................................... — 5
4.2 Laser à CO .................................................................................................... — 5
4.3 Lasers chimiques (HF ou DF) ...................................................................... — 6
4.4 Lasers à excimères ...................................................................................... — 6
5. Lasers à gaz industriels.......................................................................... — 6
5.1 Paramètres importants................................................................................ — 6
5.2 Développements.......................................................................................... — 6
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Iode CO
Argon ionisé Vapeur de cuivre
1315 5à
488 à 514 nm 510 à 578 nm
HF DF 5,5 µm
Excimères 2,7 µm 3,6 µm
Hélium-néon à 3 µm à 4 µm CO2
192 nm ArF 249 nm KrF
632 nm 10,6 µm
308 nm XeCl 354 nm XeF
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Lasers à solides
armi les sources lasers, ce sont celles basées sur les matériaux solides qui
P connaissent aujourd’hui les développements les plus spectaculaires. Les
progrès réalisés sont dus principalement à trois facteurs :
— le développement de nouveaux matériaux issus de la cristallogénèse de
nouvelles matrices cristallines avec différents dopants ;
— le pompage par diodes lasers qui permet par rapport au pompage en
lumière incohérente par lampes d’obtenir des rendements élevés (jusqu’à 20 %),
une durée de vie accrue et un encombrement réduit ;
— la mise en œuvre des propriétés non linéaires de certains cristaux qui per-
mettent de modifier les longueurs d’onde fondamentales émises de façon à cou-
vrir tout le spectre depuis l’UV jusqu’à l’IR moyen (200 nm à 12 µm).
Les différentes techniques de mise en forme temporelle des émissions lasers
(modulation, déclenchement et couplage de modes) appliquées aux sources
solides permettent d’obtenir tous les modes de fonctionnement souhaités : fonc-
tionnement en régime continu ou pulsé répétitif à haute cadence avec des
durées d’impulsion de l’ordre de la femtoseconde (10 –15 s).
Le lecteur se reportera utilement aux articles de ce traité :
— Physique du laser [AF 3 270] ;
— Lasers à gaz [AF 3 271].
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1. Lasers à solides cristallins Ce cristal possède également une raie à 946 nm plus difficile à
obtenir, pas uniquement parce que la section efficace est plus faible,
mais surtout parce que le niveau inférieur de la transition se trouve
très proche du niveau fondamental et peut déjà être peuplé suffi-
1.1 Matériaux samment à la température ambiante. De ce fait, si la température
n’est pas suffisamment basse, le Nd : YAG pour la transition à
1.1.1 Systèmes à trois niveaux 946 nm se comporte comme un système à trois niveaux.
Il existe de nombreuses autres matrices (cristaux ou verres) qui
La transition laser a lieu entre les niveaux d’énergie E1 et le niveau dopés au néodyme donnent lieu à des émissions laser basées sur
fondamental E0. La durée de vie du niveau supérieur E2 dans lequel des systèmes à quatre niveaux : YLF (YLiF4), YVO4, GGG
on apporte l’énergie de pompage est très courte de sorte que la (Gd3Ga5O12), GSGG (Gd3Sc2Al3O12)… comme cristaux et des verres
densité de population N2 soit ≈ 0. au phosphate.
On peut donc écrire que les ions dopants du matériau sont répar- Par ailleurs dans le même matériau YAG, d’autres dopants
tis entre E0 et E1. L’inversion de population est atteinte lorsque : comme le thulium, l’erbium, l’holmium permettent d’obtenir des
N longueurs d’onde intéressantes :
N 1 = N 0 = ------T-
2 Tm : Ho : YAG à 2,08 µm
avec NT densité totale d’ions dopants. Er : YAG à 2,94 µm
La densité de puissance de la source de pompage doit donc être En dehors des propriétés optiques du matériau, ce sont les
au moins de : propriétés thermomécaniques qui jouent un rôle important en parti-
NT culier la conductibilité thermique. Contrairement aux lasers à gaz ou
P s = E 2 --------- à liquides, l’échange de chaleur est principalement conditionné par
2 τ1 la nature du matériau lui-même. De ce point de vue, les verres
pour atteindre le seuil d’inversion, τ1 étant la durée de vie du niveau E1. dopés qui ont une conductibilité près de dix fois inférieure à celle du
YAG ne sont pas bien appropriés aux lasers destinés à fonctionner
Exemple : pour le rubis E1 = 2,86.10 –19 J (E2 ≈ 2 E1) en cadence avec des puissances moyennes élevées.
NT = 1,58.1019 cm –3 (0,05 % Cr3+ en poids)
τ1 = 3.10 –3 s 1.1.3 Matériaux à émission accordable
Ps = 1,5 kW/cm3
Généralement dans un laser à solide, l’énergie des photons libé-
Le rubis est l’exemple type de matériau laser solide à trois rés lors d’une transition radiative est assez bien définie et la raie
niveaux. Dans la matrice Al203, un faible pourcentage d’ions Al3+ est d’émission laser assez étroite. Dans certains milieux cristallins,
remplacé par des ions Cr3+. l’émission stimulée de photons est intimement couplée aux quanta
Ce cristal uniaxe, à maille cristalline rhomboédrique est produit de vibrations de la maille cristalline. Dans ces lasers vibroniques,
de façon synthétique par la technique Czochralski [1]. l’énergie totale correspondant à la transition laser est répartie entre
les photons et les phonons, de façon continue.
Le matériau possède deux bandes d’absorption pour le pompage,
Nota : les phonons sont des quasi particules qui représentent le champ de vibrations
l’une dans le bleu centrée à 404 nm et l’autre dans le vert à 554 nm. de la matière avec une branche acoustique et une branche optique.
Lorsque le matériau est totalement inversé on peut extraire jusqu’à
1,6 J/cm3 d’énergie laser. Ces milieux laser offrent la possibilité d’accorder la longueur
d’onde sur une plage assez importante.
La section efficace d’émission stimulée à 694,3 nm est égale à
2,5.10 –20 cm2 et la largeur de raie naturelle d’émission est de 0,53 nm. Dès 1963 aux Bell Laboratories, certains matériaux comme MnF2,
MgO, MgF2, ZnF2 et KMgF3 dopés avec du cobalt ou du nickel ont
Le rubis est un matériau laser très résistant qui malgré son rende- permis d’obtenir des rayonnements laser de longueurs d’ondes
ment relativement faible ( < 0,8 %) permet d’obtenir en mode entre 1,12 et 2,17 µm. Le pompage de ces matériaux à température
déclenché des énergies de plus de 10 J par impulsion et jusqu’à cryogénique était assuré par des lampes flash.
100 J en régime relaxé.
Ces travaux n’ont pas été poursuivis lorsque les colorants organi-
ques ont permis d’obtenir des émissions laser accordables dans
1.1.2 Systèmes à quatre niveaux tout le spectre visible.
Le niveau inférieur de la transition laser E1 n’est pas l’état fonda- Ce n’est qu’au milieu des années 1970 que ces développements
mental et possède une durée de vie τ1 très faible, de sorte que ce de laser à solides accordables ont pu reprendre, avec en particulier
niveau soit toujours dépeuplé. Ainsi, l’inversion de population est la découverte d’un matériau à quatre niveaux dont l’émission est
plus facile à obtenir que dans le cas du système à trois niveaux. accordable entre 0,7 et 0,8 µm : BeAl2O4 dopé chrome (alexandrite).
L’efficacité du système à quatre niveaux est donnée par la largeur Aujourd’hui, on connaît plusieurs cristaux qui permettent d’obte-
spectrale du niveau supérieur E3 par lequel le pompage optique se nir une émission accordable, en particulier dans le rouge et le
fait (en particulier, pour le pompage incohérent par lampe) et les proche infrarouge (tableau 1).
processus de désexcitation non radiatifs en compétition avec la
transition radiation entre les niveaux E2 et E1 [AF 3 270, figure 4c].
La densité de puissance d’excitation pour obtenir le seuil d’inver-
sion est beaucoup plus faible que dans le cas du rubis et beaucoup
1.2 Sources de pompage
de lasers à quatre niveaux fonctionnent en régime continu en parti-
culier avec un pompage par diodes. 1.2.1 Pompage par lampes
Un des matériaux laser à quatre niveaux les plus répandus et
parmi les plus efficaces est le Nd : YAG. Dans ce cristal d’Y3Al5O12, La lumière émise par des lampes pulsées (flash) ou continues
environ 1 % (en masse) d’ions yttrium sont remplacés par des ions (lampes à arc) a été la première source de pompage des lasers à
néodyme. La transition la plus efficace entre les niveaux 4F3/2 et solides (rubis, Nd : YAG…). (0)
4I11/2 donne une émission à 1064 nm avec une section efficace Il est important que le spectre d’émission de ces sources de
d’émission stimulée de 2,8.10 –19 cm2. pompage coïncide le plus possible avec le spectre d’absorption de
Nota : YAG : Yttrium Aluminium Garnet. l’ion actif dopant le cristal. La nature du gaz et le choix de la densité
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
AF 3 272 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
SR
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afSRWU
et article sur les fondements des sources lasers à l’état solide est associé
C avec trois autres articles sur la luminescence cristalline appliquée aux
sources lasers [AF3276], les cristaux et l’optique non linéaires [AF3278] et la
génération d’impulsions lasers courtes (ns) à ultracourtes jusqu’à la femtose-
conde (fs) [AF3282].
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPQV
SS
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ST
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Un peu d’histoire
La couleur pourpre est une caractéristique des cristaux dopés par l’ion Nd3+.
Figure 2 – Exemples de découpe de barreaux et de plaquettes pour cavités lasers à partir de la boule cristalline de YAG : Nd3+
SU
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riaux ainsi que les applications médicales. Si le laser CO2 repré- surtout à impulsions émettant de l’ultraviolet à l’infrarouge. On a
sente 36 %, il est remarquable de constater que les lasers à solide tout d’abord fabriqué les lasers à impulsions dits relaxés (relaxed
pompés par diodes ou par lampes représentent près de 42 %. Les modes) à la milliseconde (ms), puis déclenchés (Q-switched laser)
lasers pompés par diodes représentent maintenant près de 20 % à la nanoseconde (1 ns = 10–9 s), plus récemment les lasers à
des lasers à solide. Ils sont compacts, les effets thermiques sont modes bloqués (Mode-locked laser) à la picoseconde (1 ps = 10–
12 s), les dernières réalisations commercialisées étant à l’échelle
réduits et les rendements électrique/optique sont meilleurs.
de la femtoseconde (1 fs = 10–15 s) basées sur des méthodes de
Aujourd’hui, les recherches sur de nouveaux milieux amplifica-
dérives de fréquences (voir [AF3282]).
teurs permettant de construire de nouvelles sources lasers sont
très actives, principalement d’ailleurs avec les solides, tant la
demande de longueurs d’onde variant progressivement de l’ultra-
violet à l’infrarouge est grande.
2. Principaux éléments
1.2 Quelques grands projets de laser d’une source laser
à l’état solide
L’amplification attendue avec les sources précédemment
Par ses principales propriétés, faisceau intense, de forte densité citées est possible en jouant sur les variations électroniques de
énergétique, apparaissant sous la forme d’un fil de lumière et population des niveaux d’énergie qui caractérisent les atomes
d’une grande finesse spectrale, il est possible d’utiliser les sources mis en jeu entre le niveau fondamental et les niveaux excités
lasers dans l’industrie, en médecine, pour l’instrumentation scien- après l’action du pompage optique, notion introduite en 1951
tifique et pour des applications de défense. Le public connaît, par par Alfred Kastler, alors professeur à la Faculté des sciences de
exemple, le traitement de matériaux en surface, le marquage, ou Paris.
le traitement en volume comme le soudage, le découpage, le per-
çage. Il connaît encore plus les traitements de décollements de la
rétine, de vaporisation de lésions, de cautérisation de vaisseaux Il convient de connaître a priori les diagrammes de niveaux
sanguins, de découpage des tissus biologiques sans endommager d’énergie des ions actifs que l’on rencontre dans les trois états de
les tissus voisins. Il connaît aussi les applications militaires la matière : He-Ne, Ar, Kr, CO2, CO, excimères dans les gaz, colo-
comme le guidage de missiles ou de satellites, l’éblouissement rant organique dans les liquides et ions de terres rares ou ions de
laser et, bien sûr, le projet initial IDS de l’administration Reagan transition luminescents dans les solides. Le point clé pour réussir
pour « Initiative de Défense Stratégique », réactivé par G.W. Bush l’opération est d’inverser les populations électroniques entre le
(NMD) consistant à créer un bouclier technologique de défense niveau d’énergie émetteur et le niveau final de la transition
destiné à détruire les missiles ennemis. Les utilisations les plus optique. Il s’agit en fait de diminuer l’importance de l’absorption
populaires sont probablement les lectures de codes-barres des des atomes par rapport à l’émission stimulée qu’ils sont suscep-
magasins, les autoroutes de la communication qui utilisent les tibles de produire. Comme dans toutes les sources, ce sont, en
diodes lasers pour transmettre les signaux téléphoniques, vidéos fait, des trains d’onde qui sont émis mais à la différence des
ou internet à longue distance ou encore mieux les lecteurs de sources de lumière d’éclairage délivrant des trains d’onde d’émis-
disques compacts très répandus dans le monde entier. Les lasers sion spontanée dans toutes les directions sans relation ni d’ampli-
de puissance, quant-à-eux, sont les sources d’énergie pour réali- tude, ni de phase entre eux, les lasers émettent des trains d’ondes
ser la fusion thermonucléaire contrôlée par confinement inertiel à d’émission stimulée dits cohérents dont les interférences sont
Livermore (Californie), à Limeil-Valenton au CEA et à Osaka au essentiellement constructives dans une seule direction. Il est facile
Japon. En France, on construit le fameux laser Mégajoule (LMJ) de comprendre que la réussite de cette opération d’amplification
au CEA près de Bordeaux et on développe depuis longtemps à dépend des paramètres spectroscopiques et thermiques qui carac-
Cadarache le procédé SILVA pour l’enrichissement isotopique de térisent le milieu actif mais dépend aussi beaucoup de la nature
l’uranium pour les centrales nucléaires. Les projets VIRGO (coopé- de la source excitatrice, ou plutôt de la source de pompage, et de
ration France-Italie) et LIGO (USA) de détection des ondes gravita- ses limites en puissance. Le pompage optique est fournisseur de
tionnelles, commencés il y a près de vingt ans, se poursuivent photons qui entrent en collision avec les électrons des couches
avec la réalisation par exemple des interféromètres de Michelson actives des colorants dans les liquides ou des ions luminescents
à Pise pour lesquels les conditions physiques extrêmes sont à la insérés dans les solides. Le pompage électrique, quant-à-lui, est
limite des frontières admissibles en optique. La détection des pol- mis en œuvre par établissement d’une différence de potentiel
luants dans l’atmosphère des villes ou l’évolution de la formation dans un gaz provoquant des collisions entre atomes et molécules
de l’ozone aux pôles utilisent des lasers appelés LIDAR (LIght ou entre électrons et des ions mais aussi dans les solides semi-
Detection And Ranging System) par analogie avec les RADAR conducteurs comme AsGa ou AlAsGa entraînant les recombinai-
(RAdiowave Detection And Ranging System). De même la com- sons d’électrons et de trous entre une bande de conduction et une
munauté internationale des astronomes attend beaucoup du bande de valence.
développement des sources lasers continues YAG : Nd3+ de puis-
Il est aussi assez intuitif d’imaginer que l’amplification obtenue
sance égale à 20 W, puis bientôt de 50 W, émettant à 589,159 nm,
dépend de la longueur du milieu actif et comme celle-ci est évi-
obtenues par l’addition des fréquences des deux raies lasers
demment limitée soit par le tube capillaire contenant un gaz, soit
1 064 nm et 1 319 nm de l’ion Nd3+, dans une cavité optique dou-
par la cuvette contenant un liquide colorant ou encore plus par la
blement résonnante contenant en outre un cristal non linéaire
longueur du barreau monocristallin ou vitreux d’un solide, il fallait
doubleur de fréquence de borate de LiB3O5 (LBO). Ces sources
trouver le procédé qui permette de mettre à profit pleinement ses
assurent le pompage optique du sodium par la raie D2a, créant
propriétés amplificatrices. Les allers et retours d’une onde intro-
des guides d’étoiles artificiels dans la couche mésosphérique du
duite dans une cavité résonnante optique du type Fabry-Pérot
sodium à 90 km, nécessaire à la mise en œuvre des nouveaux
peuvent aisément répondre à cette question. Pour commencer, on
télescopes terrestres équipés d’optique adaptative pour les
a donc disposé deux miroirs, l’un totalement réfléchissant, l’autre
mesures haute résolution de turbulences atmosphériques et de
semi-réfléchissant laissant échapper une partie de l’émission laser
corrections des distorsions d’ondes observées en astronomie. tout en injectant l’autre partie dans le milieu dont les atomes exci-
Enfin, l’essentiel du développement récent en physique ato- tés produisent à nouveau l’émission stimulée. Si bien que la lon-
mique, de l’optique en général et de l’optique non linéaire en par- gueur de la cavité amplificatrice peut être utilisée plusieurs fois
ticulier, est dû à la réalisation de sources lasers continues et uniquement grâce aux réflexions sur les deux miroirs. On met
SV
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SW
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SX
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SY
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Yb
(μm)
Figure 3 – Positions de raies d’émissions d’ions de terres rares insérés dans les réseaux cristallins d’oxydes
Ces ions de transition sont : Ti3+ (3d1), Cr4+ (3d2), Cr3+ et V2+
(3d3), Cr2+ (3d4), Co2+ (3d7) et Ni2+ (3d8) (tableau 1).
TP
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Zn Se 2 100 à 2 800 nm
Cd Se 2 300 à 2 900 nm
2+ 7 3 3
Co (3d ) MgF2 T2 A2 1 500 à 2 500 nm 21
(80 à 300 K)
2+ 8 3 3
Ni (3d ) MgF2 T2 A2 1 630, 1 730 à 1 750 nm
(20 à 200 K)
TQ
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Figure 7 – Spectres d’absorption, d’émission et de gain du saphir dopé par l’ion Ti3+ sous les deux polarisations habituelles s et p
absorption et émission. Un seul état électronique 2D apparaît avec nérescence finale due aux 2J + 1 orientations spatiales possibles
cet électron optique, l’indice supérieur à gauche indiquant la mul- du moment angulaire J peut être partiellement ou totalement
tiplicité du spin (2S + 1) tandis que la lettre majuscule D précise levée par application d’une perturbation extérieure comme celle
que le moment angulaire orbital est L = 2 (à S, on associe L = 0 et du champ électrique total des 6 anions environnant le cation Cr3+
en symétrie octaédrique (effet Stark). Les termes spectraux de
à P, L = 1). Ici comme le spin de l’électron est , l’ion libre peuvent être calculés à partir des paramètres de Slater
on a donc un doublet. Inséré dans le site octaédrique du saphir, il (F0, F2, F4) que Racah a noté A, B et C en appliquant la théorie des
faut tenir compte du champ cristallin et identifier les niveaux groupes. On trouve 8 termes ordonnés selon leurs valeurs abso-
d’énergie Stark à l’aide de la théorie des groupes de symétrie dont lues. Le terme de l’état fondamental est, d’après la règle de Hund,
les positions en énergie sont évaluées grâce aux diagrammes de celui dont la multiplicité 2J + 1 est la plus élevée et la valeur du
Tanabe et Sugano. Dans le cas de l’ion Ti3+, le niveau fondamen- moment angulaire orbital consistant avec cette multiplicité. Ici
tal est noté 2T2 et le niveau excité 2E donc la bande large d’émis- c’est un état 4F. Au-dessus, les états correspondants sont 4P, 2G,
2H, 2P, 2G, 2F, 2D et 2D' qui peuvent être évalués uniquement en
sion correspond à 2E → 2T2.
fonction de B et C, le terme A étant le même pour tous les
niveaux. Pour Cr3+, les paramètres de Racah sont B = 918 cm–1,
3.3 Ion Cr3+ en symétrie octaédrique C = 4 133 cm–1 et .
L’ion de transition Cr3+ admet pour configuration : 1s2 2s2 2p6 Placé en champ octaédrique, noté par le groupe de symétrie
3s2 3p6 3d3. Ainsi les 3 électrons de la couche 3d jouent un rôle ponctuel Oh caractérisé par un centre d’inversion, les représenta-
dominant dans l’interprétation des propriétés optiques de cet ion, tions irréductibles données par les tables de caractères sont respec-
chacun ayant des nombres quantiques principal n = 3 et orbital tivement A, B, E, G et T. On y ajoute soit la notation g (gerade) pour
. les représentations symétriques, soit la notation u (ungerade) pour
celles qui sont antisymétriques. Pour Cr3+, les 8 principales repré-
Le traitement habituel passe par la résolution de l’équation de
sentations sont A1g, A2g, Eg, T1g, T2g, E1/2g, E3/2g et Gg. L’hamilto-
Schrödinger d’abord avec l’hamiltonien H1 de l’ion libre portant à
nien est alors : H = H1 + He + HSO + Vc avec He > Vc > HSO dans ce
la fois sur l’énergie cinétique et l’énergie potentielle des électrons cas spécial de champ cristallin intermédiaire. Ainsi, les calculs des
dans le noyau de symétrie sphérique, l’interaction électrostatique niveaux d’énergie sont d’abord réalisés en négligeant Vc et HSO et
entre les électrons des différentes couches (He) ainsi que par en ne considérant que les termes LS de l’hamiltonien coulombien
l’interaction spin-orbite HSO qui couple le moment magnétique de H1 + He dans l’approximation de Russel-Saunders. Le champ cristal-
spins des électrons et le moment magnétique L causé par le mou- lin est appliqué comme une perturbation qui décompose les termes
vement orbital des électrons, ce qui conduit au moment angulaire de l’ion libre et l’interaction spin-orbite HSO est une autre perturba-
total J = L + S dans l’approximation de Russel-Saunders. La dégé- tion qui apporte une décomposition supplémentaire.
TR
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afSRWX
Cet article est la réédition actualisée de l’article [AF 3 278] intitulé « Cristaux et optique laser
non linéaires » paru en 2006, rédigé par Georges Boulon.
TS
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afSRWX
Les références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13]
avec ε0 permittivité du vide, [14] [15] [16] [17] [18] [19] [20] [21] [22] [23] [24] [25] [26] [27]
[28] [29] [30] sont relatives à la bibliographie des ouvrages et
coefficient de susceptibilité linéaire (d’ordre 1). articles sur le sujet des cristaux et de l’optique laser non
Mais si le champ électrique de la source laser incidente est linéaires.
élevé, alors les dipôles du milieu diélectrique ne répondent plus
linéairement et la polarisation induite P s’exprime comme un déve-
loppement de puissances du champ appliqué E :
2. Polarisation
avec χ(2) et χ(3) les tenseurs de susceptibilité électrique du maté-
riau respectivement d’ordre 2 et 3. 2.1 Loi de Malus
À titre de comparaison, si χ(1) = 1, χ(2) = 5 × 10–8 cm/V et
χ(3)= 3 × 10–15 cm2/V2, et comme avec les lasers à impulsions La lumière dite naturelle n’est que partiellement polarisée. Les
ultracourtes, les champs E sont très intenses, on ne peut plus ondes lumineuses émises individuellement sont bien polarisées
négliger les termes d’ordre 2 et 3 de la polarisation. Aujourd’hui, linéairement mais n’ont pas de corrélation directionnelle, ni
un laser de saphir dopé au titane Ti3+ qui émet une impulsion de d’amplitude, ni de phase entre elles. On dit que l’émission est inco-
30 fs (30 × 10–15 s) d’énergie 10 nJ (10–8 J) focalisé sur une surface hérente. Cela signifie que le vecteur champ électrique orthogo-
de 100 µm2 produit un champ de l’ordre de 107 V/cm. nal au rayon lumineux occupe en projection sur un plan
TT
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afSRWX
Cellule Étalon
perpendiculaire à ce rayon toutes les positions possibles d’une θ
à colorant
façon aléatoire. Il existe cependant des sources dites polarisées, Étalon M
dont de nombreux lasers, et il convient donc de définir les procé- Réseau
dés usuels de polarisation. En effet, les milieux appelés polariseurs Filtrage θ montage
Lentille
ne laissent passer qu’une composante de direction privilégiée de de modes cylindrique de Littrow
la lumière incidente, ils trient les vecteurs selon une direction,
pour le polariseur n° 1 et pour le polariseur n° 2 sur la figure 1.
Pompe laser
Rappelons l’expérience fondamentale de polarisation spectacu-
laire par sa potentialité à éteindre complètement le faisceau. Dans
ce montage, la lumière naturelle est polarisée selon la direction Figure 3 – Montage d’une cavité laser du type Hansch utilisant
indiquée par la flèche du polariseur n° 1. Cette vibration E1 est une cellule de colorant taillée à l’incidence de Brewster
reçue par un autre polariseur appelé analyseur qui ne laisse passer
que les vibrations faisant un angle α avec la précédente tel que
l’amplitude E2 soit E2 = E1 cos α. On sait que les récepteurs utilisés Les angles de Brewster sont par exemple de 60° 37’ à 694,3 nm
en optique ne sont sensibles qu’à l’intensité du faisceau, si bien pour le rubis et de 57’’ 16’ dans un verre silicate dopé par le néo-
que l’intensité transmise est proportionnelle au carré du champ dyme. L’angle est de 76° 178 pour les fenêtres de germanium
électrique : d’indice n élevé dans l’infrarouge utilisées avec les lasers à
CO2 à λ = 10,6 µm (10 600 nm).
TU
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afSRWX
z Peinture absorbante
E (2 ω ) 2 ω
ω
Rayon
ayon ordinair
ordinaire
E (ω ) Rayon Rayon
incident transmis
Rayon
k Axe extraordinaire
k = (kx , ky , 0) y optique
( au plan de la figure)
x
Le rayon extraordinaire sort perpendiculairement au plan de section
principale formé par la perpendiculaire à la face d’entrée et l’axe optique.
Figure 4 – Polarisation des rayons ordinaire et extraordinaire
à la sortie du cristal uniaxe a section droite des prismes
θm kω
n 2oω
nω n 2oω (θ ) = n 2oω
o
b vue générale
n 2eω (θ )
TV
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eVTTR
nies ne saurait être traitée ici de manière exhaustive, aussi un certain nombre
de choix – parfois arbitraires – ont-ils été nécessaires. Tout d’abord, par impul-
sion brève ou ultra-brève, on entend une impulsion dont la durée est comprise
TW
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eVTTR
1. Principes fondamentaux Il est important de remarquer que, tandis que le champ E(t) est
une grandeur réelle, sa transformée de Fourier inverse est a priori
une grandeur complexe. On notera E (ω) = |E (ω)| exp [iϕ (ω)], où par
Dans le domaine des radiofréquences, une impulsion électroma- définition |E (ω)| est l’amplitude spectrale et ϕ (ω) est la phase spec-
gnétique peut être aisément caractérisée simplement à l’aide d’une trale. Cette dernière grandeur permet notamment d’introduire le
antenne et d’un oscilloscope. Il en va autrement dans le domaine retard de groupe :
optique, où les photodétecteurs sont réputés insensibles à la
phase de l’onde lumineuse. Ce résultat, qui sera établi ci-dessous (3)
de manière générale, complique singulièrement la caractérisation
d’une impulsion lumineuse, et nous amènera à distinguer deux qui peut s’interpréter comme l’instant d’arrivée de la composante
classes distinctes de méthodes de caractérisation. spectrale ω considérée [1]. En prenant le complexe conjugué de
l’équation (1), et sachant que E (t) est une grandeur réelle, on en
déduit que E*(ω) = E (– ω). Les valeurs prises par la fonction E (ω)
1.1 Impulsions ultra-brèves pour des fréquences ω négatives ne comportent donc pas d’infor-
mation supplémentaire par rapport aux fréquences positives. Cette
À l’inverse d’un laser continu, qui produit un rayonnement sta- redondance incite à introduire une nouvelle grandeur que l’on
tionnaire, un laser à impulsions ultra-brèves [AF 3 282] produit un appellera le champ complexe.
faisceau lumineux associé à une onde électromagnétique localisée
dans le temps. Les aspects liés au profil spatial du faisceau lumi- 1.1.2 Champ complexe (ou représentation
neux n’étant pas abordés dans cet article, on caractérisera notre analytique)
impulsion par la seule évolution temporelle du champ électrique,
supposé scalaire et noté E (t). On se placera en outre dans le cadre Par analogie avec la notation complexe couramment utilisée
de l’optique classique, ce qui signifie que le champ électromagné- pour des signaux sinusoïdaux stationnaires, il est utile d’écrire
tique associé à notre faisceau lumineux ne sera pas quantifié. , où est par définition le champ complexe. Cette
Cette hypothèse est valide pour les impulsions lasers considérées seule équation ne suffit évidemment pas à définir le champ de
ici, qui peuvent être assimilées à des états quasi-classiques du manière unique, mais on pourra assurer cette unicité en imposant
champ électromagnétique. à de ne pas comporter de composantes spectrales de fré-
quences négatives. Dans l’espace de Fourier, la relation
devient . Dans le cas où
1.1.1 Notations ω est positif, notre hypothèse nous permet d’annuler le second
terme, d’où l’on déduit , ou encore, pour tout ω :
L’analyse des méthodes de caractérisation des impulsions ultra-
brèves exige de jongler en permanence entre l’espace direct et (4)
l’espace de Fourier. On introduit donc la distribution du champ
électrique dans l’espace des fréquences ω, donnée par la transfor- où Θ (ω) est la fonction de Heaviside.
mée de Fourier inverse :
L’équation (4) constitue la définition du champ complexe
dans l’espace des fréquences, une simple transformée de Fou-
(1) rier permettant de revenir dans l’espace des temps :
où, comme pour toutes les intégrales qui apparaîtront dans la suite (5)
de l’article, on intègre sur l’ensemble de l’intervalle ]– ∞, + ∞[,
même lorsque les bornes d’intégration ne sont pas explicitement La figure 1 illustre la démarche que nous venons d’évoquer, per-
mentionnées. Le champ électrique E (t) pourra alors s’exprimer à mettant de calculer le champ complexe à partir du champ réel à
partir du champ E (ω) à l’aide d’une transformée de Fourier : l’aide d’une transformée de Fourier inverse, suivie d’un fenêtrage
consistant à ne conserver que les fréquences positives, puis enfin
d’une transformée de Fourier. Le champ complexe est également
(2) appelé représentation analytique du champ E (t) et peut encore
s’exprimer à l’aide des transformées de Hilbert [2].
TX
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eVTTR
a t et la fréquence centrale :
(9)
F–1
À l’aide du théorème de Parseval-Plancherel, on peut montrer [1]
E(ω ) que l’instant moyen d’arrivée de l’impulsion est égal à la valeur
moyenne du retard de groupe, soit . De même, la fré-
quence centrale est égale à la valeur moyenne de la fréquence ins-
f(w) tantanée, soit . Enfin, on définit la durée et la largeur
spectrale de l’impulsion au sens de l’écart quadratique moyen à
b – w0 0 w0 w l’aide des relations . Ces deux
grandeurs sont liées par la relation , qui contraint lar-
F geurs temporelle et spectrale. Pour une intensité spectrale I (ω)
donnée, on peut montrer que la durée ∆t est minimale lorsque la
phase spectrale est une fonction affine de la fréquence [1], ce qui
correspond à ce que l’on appelle une impulsion limitée par trans-
E(t )
j(t) formée de Fourier. Dès que la phase spectrale s’écarte d’une telle
variation affine, on observe un allongement de l’impulsion par rap-
port à la limite ultime imposée par son intensité spectrale.
c t
1.1.4 Impulsions d’essai
Partant du champ électrique E(t) représenté en a , une transformée de
Fourier inverse permet d’obtenir le champ dans l’espace des Les diverses méthodes de caractérisation évoquées tout au long de
fréquences, représenté en b à l’aide de son module |E(ω)| et de sa cet article seront illustrées à l’aide de trois impulsions d’essai appe-
phase f(w). Le champ complexe E(ω) est obtenu en annulant la partie lées a , b et c , dont la figure 2 représente les profils spectraux, les
grisée correspondant aux fréquences négatives. Une transformée de profils temporels représentés figure 3 s’en déduisant par transformée
Fourier permet de revenir dans l’espace des temps, où le champ de Fourier. Ces trois impulsions partagent un même spectre gaussien
complexe E(t) est représenté en c à l’aide de son module |E(t)| et de centré sur une fréquence de 375 THz (correspondant à une longueur
sa phase j(t). d’onde centrale égale à 800 nm typique des lasers titane:saphir). La
largeur spectrale est choisie de sorte que l’impulsion a – définie par
Figure 1 – Du champ réel au champ complexe
(6) 0,8
10
0,7
Par abus de langage, on appellera intensité temporelle la
Intensité spectrale
5
grandeur , proportionnelle à la norme du vecteur de
Phase (rad.)
0,6
Poynting associé à notre faisceau. On appellera de même intensité a
spectrale la grandeur . En vertu du théorème de 0,5 0
Parseval-Plancherel, la grandeur :
0,4
-5
(7) 0,3 c
-10
0,2
proportionnelle à l’énergie contenue dans l’impulsion, peut s’écrire
aussi bien comme l’intégrale de l’intensité temporelle que comme -15
0,1
l’intégrale de l’intensité spectrale.
0 -20
300 350 400 450
1.1.3 Valeurs moyennes Fréquence (THz)
Pour une phase nulle a , quadratique avec f’’= 150 fs2 b et cubique
À l’instar de la fonction d’onde en mécanique quantique, il est avec f’’’= 2 000 fs3 c .
utile d’introduire les amplitudes de probabilités et
, dont les modules élevés au carré constituent des
densités de probabilité qui nous permettront de calculer diverses Figure 2 – Intensité spectrale (en bleu) et phases spectrales (en
valeurs moyennes, respectivement dans l’espace des temps et des rouge) pour trois formes d’impulsion
TY
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eVTTR
0
ou encore :
–1
(12)
– 100 – 50 0 50 100
Temps (fs) où l’on a utilisé un résultat bien connu d’analyse de Fourier [2]
Pour une impulsion limitée par transformée de Fourier a , une impul- nous permettant d’écrire le produit de convolution comme la trans-
sion présentant une phase spectrale quadratique b et une impulsion formée de Fourier du produit des deux termes exprimés dans
présentant une phase spectrale cubique c . l’espace des fréquences. Appelons TR le temps de réponse caracté-
ristique de l’ensemble de la chaîne de détection, typiquement de
l’ordre de 1 ns pour un dispositif électronique standard (voire
Figure 3 – Champ électrique simulé pour trois formes d’impulsion quelques dizaines de picosecondes si l’on sélectionne des compo-
sants électroniques particulièrement rapides). La réponse spectrale
aura alors une bande passante de l’ordre de 1/TR , soit typiquement
une phase spectrale nulle (figure 2a) et donc limitée par transformée quelques dizaines de GHz. Comme le montre la figure 4, la
de Fourier – soit associée à une intensité temporelle de largeur à mi- réponse R (1) (ω) tendra ainsi rapidement vers 0 pour des fré-
hauteur égale à 10 fs. L’impulsion b présente une phase spectrale quences supérieures à cette limite. Pour une impulsion électroma-
quadratique ϕ (ω) = (ϕ’’/2) (ω – ω0)2, avec ϕ’’ = 150 fs2 (figure 2b). Le gnétique dans le domaine des ondes radio (figure 4a), dont la
retard de groupe s’écrit alors τg (ω) = ϕ’’ × (ω – ω0), ce qui signifie que fréquence centrale ω0 est très inférieure à la bande passante, on
l’instant d’arrivée d’une composante spectrale donnée ω est propor- peut considérer que la fonction R (1)(ω) garde une valeur à peu près
tionnel à son écart (ω – ω0) par rapport à la fréquence centrale. On constante sur l’intégralité du support de E (ω). On en déduit :
parle d’une impulsion à dérive de fréquence linéaire, ce qui se mani-
feste par une augmentation de la fréquence d’oscillation du champ
électrique au cours du temps comme observé figure 3b. Enfin, (13)
l’impulsion c présente une phase spectrale cubique ϕ (ω) = (ϕ’’’/6)
(ω – ω0)3, avec ϕ’’’ = 2 000 fs3 (figure 2c). Le retard de groupe
τg (ω) = (ϕ’’’/2) (ω – ω0)2 est maintenant quadratique, ce qui signifie
qu’à un instant positif donné deux composantes spectrales symé- R(w)
triques par rapport à la fréquence centrale seront présentes simulta-
nément. Le battement entre ces deux composantes spectrales a b
explique la série de rebonds après l’impulsion principale que l’on
observe figure 3c.
100 GHz
100 PHz
100 THz
10 MHz
10 GHz
10 PHz
10 THz
1 MHz
1 GHz
1 PHz
1 THz
10 mm
100 nm
1 mm
100 cm
10 nm
100 µm
10 cm
1 nm
10 µm
1 cm
1 µm
UP
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UQ
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eVTSU
Nous nous intéressons dans cet article à l’émission de lumière par les maté-
riaux organiques, en posant les bases de la photophysique de ces matériaux dits
« pi-conjugués » permettant de comprendre quelles sont leurs spécificités et
leurs limitations. Nous développerons ensuite deux exemples d’applications à
des dispositifs pratiques : les OLED et les lasers organiques. Ces deux applica-
tions ont connu des développements différents en raison de la taille différente
des marchés qu’elles visent. Les OLED sont largement répandues dans le
domaine de l’affichage et elles ambitionnent de devenir une référence pour
l’éclairage, avec aujourd’hui plus de 100 lm/W d’efficacité lumineuse démontrés
pour des OLED blanches produisant un spectre proche du spectre solaire. Les
lasers organiques sont quant à eux encore à un stade de recherche, avec des
applications potentielles particulièrement prometteuses dans les domaines de la
spectroscopie, des capteurs ou des laboratoires sur puce.
1. Structure et propriétés
des matériaux organiques pz pz
sp2 sp2
1.1 Pi-conjugaison sp2
sp2
sp2 sp2
Les composés organiques sont constitués principalement
de carbone (C) et d’hydrogène (H), et de quelques hétéroatomes
tels que l’oxygène, l’azote ou le soufre. Parmi les millions
de composés organiques possibles, seules les molécules
-conjuguées possèdent des propriétés électroniques et optiques
(absorption ou émission de lumière) intéressantes pour les appli-
cations optoélectroniques. La π-conjugaison consiste en une alter-
nance de liaisons simples et de liaisons doubles (voir encadré Liaison σ Liaison π Liaison σ
« Les liaisons du carbone »).
H H
C C
UR
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Les transitions optiques (absorption, émission) surviennent On utilise également ces molécules très fluorescentes dans des
entre des orbitales de type π occupées (par deux électrons, un de OLED, mais dans ce cas bien sûr la matrice se doit d’être
spin up et l’autre de spin down ) et des orbitales de type π* qui conductrice de courant et les polymères isolants type PMMA ne
sont vides à température ambiante. L’écart en énergie entre la plus peuvent pas convenir. Comme on va le voir dans le paragraphe
haute orbitale moléculaire occupée (Highest Occuped Molecular suivant, on utilise alors plutôt comme matrice de petites molécules
Orbital ou HOMO) et la plus basse orbitale moléculaire inoccupée conjuguées (par exemple l’Alq3 (tris-aluminium (quinolate), voir
(Lowest Unoccuped Molecular Orbital ou LUMO) régit les figure 2a ) : les semi-conducteurs organiques.
propriétés optiques ; on l’appelle le « gap optique ». Plus le
nombre d’orbitales atomiques p partagées pour former un sys-
tème π-conjugué est grand, plus l’écart en énergie entre les orbita- 1.2.2 Semi-conducteurs organiques
les moléculaires diminue, comme les états d’énergie d’un électron
libre dans une boîte ou un fil quantique. Puisque chaque niveau Les semi-conducteurs organiques forment une classe de
énergétique est en fait lui-ême élargi par les interactions avec les matériaux plus riche, qui trouvent des applications à la fois en
vibrations de la molécule, on n’a pas en réalité affaire à des photonique et en électronique organique (et à la jonction des
niveaux d’énergie discrets, mais à des bandes d’énergie larges. On deux). Ils ont commencé à être vraiment développés à partir des
reprend donc souvent le vocabulaire de la physique du solide cris- années 1980 avec l’apparition des OLED et des cellules solaires
tallin en parlant de « bandes d’énergie ». On peut faire une analo- organiques. Seuls nous intéressent ici les semi-conducteurs orga-
gie entre la « bande de conduction » et l’orbitale LUMO d’une part, niques qui ont à la fois des propriétés semi-conductrices (§ 1.3.1)
et entre la « bande de valence » et l’orbitale HOMO d’autre part. et émissives de lumière (§ 2.2). Ces matériaux peuvent servir pour
des lasers et pour des diodes électroluminescentes organiques.
De même, en général plus la partie conjuguée de la molécule est Notons toutefois qu’un laser fonctionnant à partir d’un matériau
grande, plus le gap devient petit et plus l’absorption se décale vers organique pompé électriquement (autrement dit une diode laser
le rouge. La bande d’absorption des systèmes conjugués se organique ), n’a toujours pas été démontré à ce jour après plus de
produit alors à des longueurs d’onde supérieures à 200 nm, ce qui 15 ans de recherches intensives (§ 3.3). Seuls existent donc
rend ces composés adaptés à une excitation optique dans la partie aujourd’hui des lasers à base de matériaux organiques pompés
UV-visible du spectre. optiquement.
Les semi-conducteurs organiques sont mis en forme le plus
1.2 Différents types de matériaux souvent sous forme de films minces solides. On y reviendra dans
le paragraphe 1.4. Sur la base de considérations structurelles, on
organiques peut distinguer trois catégories de semi-conducteurs organiques :
les cristaux organiques, les petites molécules et les polymères
Il convient de séparer d’abord deux types de matériaux conjugués.
organiques solides utilisés en photonique organique : les isolants
et les semi-conducteurs organiques. Cette distinction repose sur Les cristaux organiques comme l’anthracène ou le pentacène
des propriétés électriques, qu’on abordera dans le ressemblent à des cristaux inorganiques et leurs propriétés de
paragraphe 1.3.1. transport peuvent être définies en termes de bandes. Dans la
pratique, la haute tension nécessaire pour obtenir de la lumière à
partir de ces cristaux et la difficulté de les faire croître avec une
1.2.1 Colorants laser qualité optique et des dimensions suffisantes limitent fortement
leur intérêt.
Dans la catégorie des matériaux isolants, on place ce qu’on
appelle communément les « colorants laser », dispersés dans des Les petites molécules désignent des molécules conjuguées for-
matrices généralement transparentes non conductrices. mées de quelques dizaines d’atomes de carbone au maximum ; les
colorants laser rentrent dans cette catégorie, mais pour être un
Exemple : les xanthènes (rhodamines et fluorescéines), les couma- semi-conducteur organique, il faut qu’il y ait continuité entre les
rines, les oxazines, ou encore les pyrrométhènes sont des colorants molécules, c’est-à-dire qu’elles soient en contact (qu’il y ait recou-
laser typiques. Le PMMA (polyméthacrylate de méthyle), le SU8 (une vrement même faible des orbitales moléculaires) pour permettre le
résine photosensible) ou le PVK [poly(9-vinylcarbazole)] sont des transport électronique par sauts décrit dans le paragraphe 1.3.1.
matrices transparentes typiques. Or, à cause du phénomène de quenching (extinction par concen-
tration) signalé précédemment, il arrive souvent qu’un film pur de
colorant ne possède plus de propriétés émissives (exemple : DCM
Les colorants sont des petites molécules, ou oligomères, figure 2d ). Il existe cependant des molécules qui gardent ces pro-
caractérisées par un fort rendement quantique de fluorescence priétés (exemple : Alq3 figure 2a ). Dans le cas des OLED, pour
(voir définition § 2.2). On a d’abord utilisé ces molécules dans les minimiser le quenching, on a recours à une technique de dopage
« lasers à colorant » liquides traditionnels, qui sont encore utilisés avec des systèmes dits « host:guest » (hôte : invité). Dans ce cas,
aujourd’hui (principalement dans les laboratoires de recherche), et la recombinaison des porteurs se passe dans le matériau « host »,
dans lesquels le milieu à gain est une solution de colorant dans un où se forme un exciton, et ce dernier, au lieu de se désexciter,
solvant organique comme le méthanol. Les lasers à colorant ont transfère son énergie au « guest », qui se désexcite en émettant un
été les premiers lasers accordables dans le spectre visible et ont photon (voir § 2.4 pour plus de détails).
permis de grandes avancées en spectroscopie. Leurs larges
spectres d’émission ont également permis de réaliser les premiers Les polymères conjugués sont des macromolécules présentant
lasers à impulsions femtosecondes. Les petites molécules du des segments conjugués. Ils ne sont pas évaporables thermique-
colorant, qu’il soit sous forme liquide ou solide, doivent cependant ment et peuvent seulement être déposés en solution (§ 1.4.1). Ils
être utilisées en faible concentration. En effet, un des problèmes peuvent présenter des rendements élevés de photoluminescence.
majeurs rencontrés avec ces petites molécules est l’extinction de Des exemples de polymères conjugués sont les poly(phénylène-
luminescence par concentration, ou concentration quenching. vinylène) ou PPV et les polyfluorènes (figure 2). À l’inverse des
Même si une molécule de colorant est très efficace pour émettre polymères non conjugués comme le PMMA, ils sont très
de la lumière quand elle est isolée, elle l’est en effet toujours absorbants dans le visible (typiquement la longueur d’absorption
beaucoup moins lorsqu’elle est trop proche d’autres molécules du du rayonnement est de l’ordre de la centaine de nanomètres).
même type, c’est-à-dire à concentration élevée, et ce bien souvent Alors qu’il est généralement difficile de faire des mélanges homo-
jusqu’à perdre toute propriété émissive si elle vient en contact gènes de polymères, les systèmes host:guest composés de deux
avec d’autres molécules de colorant. polymères ont été récemment démontrés [1].
US
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N
O O
Al
N n
N
O n
N C C N
O
CH3 n
N C8H17 C8H17 N N n
H3C O S H3CO
CH3
Figure 2 – Structure chimique de matériaux organiques typiques utilisés das les dispositifs optoélectroniques organiques
Signalons également le cas des cristaux liquides [2], dont la signifie simplement ici qu’il y a une possibilité pour une charge de
structure auto-organisée forme des bandes interdites photoniques passer par effet tunnel d’une molécule à l’autre, ce qui nécessite
qui peuvent être exploitées pour produire un effet laser ; dans ce un recouvrement non nul des fonctions d’onde électroniques (orbi-
cas le milieu à gain peut être un colorant classique incorporé dans tales π). Cette définition, quoique non restrictive, exclut toutefois
la structure, ou bien directement le cristal liquide lui-même. tous les polymères non conjugués dopés avec des petites molécu-
les conjuguées par exemple.
Pour comprendre les propriétés semi-conductrices, considérons
1.3 Polarons et excitons une molécule ionisée avec un électron en plus ou en moins.
Comme en physique du solide, on parle de « trou » quand un
1.3.1 Polarons électron est manquant dans la HOMO et d’« électron » quand un
électron supplémentaire est ajouté à la LUMO, mais le terme
La délocalisation des électrons (§ 1.1) permet d’expliquer les rigoureux pour désigner ces objets est le « polaron ».
principales propriétés optiques ; c’est aussi la clé pour comprendre Un polaron désigne la quasi-particule correspondant à la
pourquoi on parle de « semi-conducteurs organiques » pour des molécule chargée et son champ de polarisation. Cette charge
matériaux qui sont à la base des molécules organiques réputées supplémentaire sur la molécule est délocalisée sur le segment de
isolantes, et qui se présentent la plupart du temps sous forme de conjugaison et peut être considérée comme une charge mobile.
films solides amorphes (non cristallisés, les molécules étant Mais une telle charge capable de se mouvoir sur une fraction de
orientées de manière aléatoire). Il faut aborder ces notions en molécule ne fait pas encore d’un matériau à l’échelle macrosco-
ayant à l’esprit que la physique des semi-conducteurs organiques pique autre chose qu’un isolant : pour observer un courant électri-
est très différente de celle des semi-conducteurs inorganiques que, il faut encore que cette charge puisse passer d’un segment
comme le silicium. Si certaines notions se transposent (bande conjugué du polymère à un autre (ou encore d’une molécule à une
interdite, mobilité...), d’autres doivent être maniées avec précau- autre par exemple si l’on parle d’un film de petites molécules).
tion (comme le dopage p ou n) et certaines n’ont plus de sens Dans un milieu désordonné le transport se fait par « sauts »
puisqu’il s’agit rarement de cristaux et que les concepts de zone de (hopping ), un mécanisme qui procède essentiellement d’un effet
Brillouin ou de courbes de dispersion E (k ) disparaissent. tunnel. Le mécanisme de saut est très inefficace et représente clai-
Le gap optique (bande interdite) défini plus haut (§ 1.1) varie rement le facteur limitant qui explique la très faible mobilité des
typiquement entre environ 1 et 4 eV pour les systèmes porteurs de charges dans les semi-conducteurs organiques (typi-
π-conjugués, ce qui les classe dans la catégorie des isolants. La quement 10–7 à 10–3 cm2/V · s) par rapport à celle des cristaux
«bande de conduction » (LUMO) est donc presque vide à tempéra- semi-conducteurs inorganiques (10–3 cm2/V · s dans le Si). Les
ture ambiante. Dit autrement, il y a très peu de porteurs libres détails concernant le transport de charge dans OSC peuvent être
disponibles (typiquement moins de 1014 cm–3 dans les trouvés dans les références [4] [5] [6].
semi-conducteurs organiques, où la densité de chromophore est
autour de 1021 cm–3) [3].
1.3.2 Excitons
Les systèmes conjugués forment de manière macroscopique un
milieu semi-conducteur (sous forme de cristal organique, de film En plus d’une différence dans la nature des porteurs de charges,
polymère, ou de film de petites molécules) à partir du moment où les semi-conducteurs organiques diffèrent de leurs homologues
les molécules sont « en contact » les unes avec les autres, que ce inorganiques par la nature des états excités ou excitons. En revan-
soit dans un milieu ordonné ou désordonné. Le terme « contact » che, il n’y a pas ici de différence entre un exciton pour un
UT
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UX
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afSRXR
fonction d’onde sphérique ou plane u (x, t), solution de l’équation 2.2 Propagation dans un milieu
d’onde :
absorbant : vitesse de groupe vg
et coefficient de dispersion Dν
Selon le principe de superposition, si u1 (x, t) et u2 (x, t) sont L’ensemble des éléments qui suivent seront utiles pour la
des fonctions d’onde optiques, la fonction U (x, t) = u1 (x, compréhension de la génération des impulsions ultracourtes
t) + u2 (x, t) représente aussi une onde optique possible ; sub-picosecondes jusqu’à la femtoseconde.
3/ La fréquence de la lumière ne pouvait pas changer au cours
de la traversée du milieu ; En réalité, un milieu qui absorbe est représenté par sa suscepti-
4/ La lumière n’interagissait pas avec la lumière et bien sûr la bilité complexe :
lumière ne contrôlait pas la lumière.
Le développement des sources lasers a montré que, en réalité,
les principes précédents étaient mis en défaut : La constante diélectrique du milieu est donc aussi complexe :
1/ L’indice de réfraction et la vitesse de la lumière dans un milieu
optique changent selon l’intensité de la lumière ;
2/ Le principe de superposition est violé ;
3/ La fréquence de la lumière est altérée lorsqu’elle traverse un L’indice de réfraction est donné par :
milieu non linéaire ;
4/ La lumière peut interagir avec la lumière et peut donc contrô-
ler la lumière. Autrement dit, la lumière interagit avec la lumière
par l’intermédiaire du milieu.
avec nre = 1 + 2 π χre indice réel,
Les effets non linéaires deviennent appréciables quand le champ
électrique approche la valeur des champs interatomiques. Rappe- nim = 2 π χim indice imaginaire ou indice d’extinction.
lons que, pour le cas de l’atome d’hydrogène dont le rayon ato- Considérons une onde plane traversant dans la direction z :
mique est r = 0,53 · 10–10 m = 0,53 Å, le champ E = 5,8 · 1011 V.m–1. E exp j (ωt – kz). k est le vecteur d’onde :
2. Propagation
en posant :
des impulsions lumineuses
2.1 Constante de propagation
β est la constante de propagation de l’onde et représente le taux
L’impulsion est gouvernée par l’équation d’onde habituelle déri- de changement de phase selon z. α est le coefficient d’absorption
vée des équations de Maxwell : puisque l’intensité de l’onde décroît comme exp – αz :
avec On trouve :
avec χ la susceptibilité électrique linéaire. Le champ de sortie peut être écrit en fonction du champ d’entrée
L’induction électrique (déplacement) D à l’intérieur du milieu par :
s’écrit :
■ Dispersion chromatique
avec ε la constante diélectrique (permittivité). ε dépend en fait de La réponse d’un milieu au passage d’ondes électromagnétiques
la fréquence et caractérise la réponse optique du milieu. se manifeste par la dépendance fréquentielle de l’indice de réfrac-
L’indice de réfraction complexe s’écrit mais μr, per- tion, c’est-à-dire la dispersion chromatique. On caractérise la pro-
méabilité magnétique relative, est égale à l’unité et . pagation dans le vide par le paramètre β introduit plus haut, que
l’on appelle la constante de propagation :
Donc est la constante de propagation dans
laquelle la dépendance fréquentielle de l’indice de réfraction
représente la dispersion chromatique.
UY
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β0 est une constante qui n’a aucun rôle sur le profil de l’impulsion :
Le coefficient de dispersion en fonction de λ est défini ainsi :
mais
on sait que
donc
on a :
■ Coefficient de dispersion Dν
VP
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VQ
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peu efficaces. Le concept CPA consiste alors à augmenter la durée des impul-
sions, ce qui permet de diminuer uniquement l’intensité des impulsions tout
en conservant leur fluence.
Partant d’un oscillateur à blocage de modes, la première étape consiste à
allonger temporellement les impulsions laser extrêmement courtes par un
système fortement dispersif. On parle alors d’impulsions à dérive de fréquence
car la dispersion introduit une relation quasi-linéaire entre la fréquence optique
et le temps de groupe. Une impulsion de durée située dans la gamme allant de
la femtoseconde à la picoseconde est étirée typiquement dans le domaine
nanoseconde. Ce procédé permet ainsi de diminuer de plusieurs ordres de
grandeur la puissance crête de l’impulsion, qui peut donc être amplifiée à des
niveaux inatteignables autrement. Une fois le niveau d’énergie désiré atteint,
l’impulsion est ramenée à une durée comparable à la valeur d’origine par com-
pression temporelle en utilisant un élément de dispersion opposée à celle de
l’étireur.
Il s’agit du concept fondamental utilisé pour la réalisation de grandes instal-
lations lasers ultra-haute-intensité, atteignant des puissances crêtes dans la
gamme du petawatt. La méthode CPA est également utilisée avec succès pour
des puissances crêtes inférieures, telles que celles délivrées par des produits
commerciaux ou lorsque les impulsions sont aussi courtes que quelques
cycles optiques. On trouve aussi de nombreuses applications dans le domaine
des lasers fibrés pour lesquels les fortes intensités optiques sont inhérentes au
confinement de la lumière dans le cœur des fibres optiques.
L’objet de cet article est de décrire et d’expliciter le concept en donnant les
éléments fondamentaux et en présentant différentes technologies utilisées
pour réaliser les systèmes. Nous montrons ainsi comment gérer la dispersion
et comment amplifier des impulsions ultra-courtes, que ce soit par émission
stimulée ou par amplification paramétrique optique. Enfin, des exemples signi-
ficatifs de systèmes CPA illustrent les atouts majeurs de cette technologie.
Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire et un tableau des sigles
utilisés.
VR
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Impulsion
finale
Impulsion à dérive
de fréquence amplifiée
Impulsion à
Impulsion dérive de fréquence
initiale
z z z
z
Système Système
Oscillateur
dispersif Amplificateurs dispersif
femtoseconde
(+ j) (– j)
Les impulsions issues d’un oscillateur à blocage de modes sont tout d’abord allongées temporellement de plusieurs ordres de grandeur par un
système fortement dispersif. Elles sont amplifiées dans un milieu laser puis ramenées à une durée proche de celle d’origine.
La fréquence instantanée ν (t) est alors définie par : La durée quadratique moyenne ∆t et la largeur spectrale quadra-
tique moyenne ∆ω d’une impulsion quelconque sont définies de
manière statistique par les relations suivantes :
(2)
VS
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Facteur
Forme P (t ) (normalisée)
K 1.2 Propagation d’une impulsion
dans un système dispersif
Gaussienne 0,441
La dépendance de l’indice de réfraction d’un milieu transparent
en fonction de la fréquence de l’onde qui le traverse est appelée
Sécante hyperbolique dispersion chromatique. Lorsqu’une impulsion courte se pro-
carrée 0,315 page sur une longueur L dans un milieu dispersif d’indice n (ω),
elle accumule alors une phase spectrale :
Lorentzienne (5)
0,22
(3)
avec λ exprimé en µm.
(4) (7)
Exemple : une impulsion de forme spectrale gaussienne de lar- par unité de longueur, inversement proportionnel à la vitesse de
geur 16 nm centrée sur 1 053 nm possède une durée limitée par groupe de l’impulsion.
transformée de Fourier de 100 fs et une durée de 1 ns avec un terme Le terme β2 est la dispersion de vitesse de groupe par unité
de phase φ2 = 37 ps2. de longueur, souvent spécifiée à partir de la variation mesurée du
délai de groupe. Elle traduit le fait que les différentes composantes
L’impact de l’ordre 2 de la phase spectrale sur les différentes spectrales d’une impulsion se propagent à des vitesses différentes
caractéristiques (intensité spectrale, phase spectrale, délai de et, par conséquent, que la largeur temporelle d’une impulsion
groupe, intensité temporelle, phase temporelle, fréquence instan- courte augmente au cours de sa propagation. Le terme de phase
tanée) d’une impulsion est illustré sur la figure 2 dans le cas d’une d’ordre 2 généré, φ2 = β2L, induit une dérive en fréquence linéaire.
forme spectrale gaussienne centrée à 800 nm et de largeur 30 nm.
La largeur temporelle de l’impulsion est de 30 fs lorsque celle-ci Selon le signe de β2, on distingue deux types de régime de
est limitée par transformée de Fourier (figure 2a). Dans le cas où dispersion chromatique :
elle possède un terme de phase φ2 = 1 000 fs2, sa durée devient – lorsque β2 > 0, on parle de dispersion normale. Les compo-
100 fs (figure 2b). santes spectrales de grande longueur d’onde (basse fréquence) se
VT
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eVUQU
420
360
–5 –5 –5
340
400
Délai de groupe (fs)
100
380
25 5
– 100 360
340
– 300
0 0
2,15 2,35 2,55 – 100 0 100
Pulsation (rad · fs–1) Temps (fs)
b pour une phase spectrale quadratique j2 = 1 000 fs2
Exemples d’impulsions de forme spectrale gaussienne centrée à 800 nm et de largeur FWHM 30 nm.
Figures de gauche : intensités spectrale (noir), phases spectrales (bleu), délais de groupe (vert).
Figures de droite : intensités temporelles (noir), phases temporelles (bleu), fréquences instantanées (vert).
VU
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En pratique, et notamment dans le domaine des fibres optiques : dépendante de son intensité et par une variation de la fréquence
le délai de groupe par unité de longueur (exprimé en ps · km–1) s’écrit instantanée :
souvent en fonction de la longueur d’onde :
(8) (11)
où les coefficients du polynôme Dn sont généralement exprimés en
ps · nm1–n · km–1.
D = D2 est alors appelé la dispersion ; S = 2D3, la pente de la On parle alors d’automodulation de phase (SPM pour Self-
dispersion et C = 6D4, la courbure de la dispersion. Phase Modulation). Au signe près, la phase temporelle non linéaire
générée présente donc la même forme que l’intensité de l’impul-
On peut relier les termes des développements de D (λ) et de β (ω) sion. Lorsque la dispersion peut être négligée, l’amplitude tempo-
à l’aide des expressions suivantes : relle de l’onde n’est pas modifiée par la propagation dans le milieu
non linéaire.
À titre d’illustration, la figure 4a montre l’influence sur une
impulsion de forme temporelle gaussienne de durée 1 ns et
d’énergie 100 nJ centrée à 1 053 nm de la phase non linéaire géné-
(9) rée par sa propagation dans 20 m de fibre optique monomode
(profil transverse pris constant de rayon 6 µm). La phase tempo-
relle générée (en bleu) est de même forme (au signe près), que
l’impulsion qui se propage. Elle induit alors une modification du
spectre optique qui s’élargit et présente de fortes oscillations (en
rouge). Cet effet peut être mis à profit dans certains cas pour géné-
Bien que la dispersion chromatique des matériaux soit utilisable rer de nouvelles fréquences optiques.
(et utilisée) pour étirer des impulsions courtes, les facteurs d’étire- Dans le cadre de la technique CPA où les impulsions sont allon-
ment très élevés demandés par la technique CPA rendent souvent gées temporellement de plusieurs ordres de grandeur avant qu’un
plus attractifs les dispositifs basés sur des composants présentant effet Kerr significatif apparaisse, la phase non linéaire générée est
une dispersion angulaire, tels que les réseaux de diffraction. La considérablement plus faible que celle appliquée lors de l’étape
dispersion angulaire d’un composant correspond à la dépen- d’étirement de l’impulsion. La figure 4b reprend ainsi le même
dance de son angle de déflection θ (ω) en fonction de la pulsation exemple que celui de la figure 4a, avec, dans ce cas, une impul-
optique. Le principe de tels systèmes est alors de disposer géomé- sion de durée 1ns obtenue via l’ajout d’un terme de phase spec-
triquement les éléments optiques de manière à ce que les diffé- trale d’ordre 2 (φ2 = 37 ps2) à une impulsion de durée initiale
rentes composantes chromatiques d’une impulsion puissent 100 fs. La dérive en fréquence obtenue par effet Kerr est identique
parcourir des chemins optiques différents. Le paragraphe 2.1 pré- à la précédente, mais elle est beaucoup moins importante que
sente plusieurs illustrations de ces arrangements. celle due à l’étirement (gamme GHz par rapport à la gamme THz),
D’un point de vue formel, la phase spectrale accumulée par une l’incidence sur le spectre optique n’est pas perceptible.
impulsion se propageant dans un système dispersif basé sur la Cependant, l’effet Kerr n’est pas à négliger, car il a une influence
dispersion angulaire s’écrit : sur la qualité de compression des impulsions. Celle-ci est prise en
compte en considérant la phase non linéaire totale accumulée
jusqu’à l’étape de compression. L’intensité n’est pas constante, car
elle augmente pendant les phases d’amplification et elle diminue
lorsque le faisceau est agrandi spatialement. De plus, les maté-
avec Lopt (ω) chemin optique à la pulsation ω0, riaux traversés peuvent être différents. La phase non linéaire totale
le long de la propagation selon l’axe z, que l’on appelle intégrale
L0 longueur de référence du système.
B ou intégrale de rupture, s’écrit alors :
Les différentes notions présentées dans ce paragraphe restent
alors identiques.
(12)
1.3 Propagation d’une impulsion Le vocable d’intégrale de rupture prend tout son sens si on
dans un milieu Kerr considère le point de vue spatial. Dans ce cas, la non-linéarité a
pour effet de modifier le profil transverse d’indice d’un milieu
Même si la technique CPA a pour objectif de diminuer l’intensité via la dépendance transverse de l’intensité du faisceau :
des impulsions en les étirant temporellement, l’augmentation de n (r) = n0 + n2I (r). Ainsi, si l’intensité d’un faisceau sur son axe de
l’énergie dans les amplificateurs est souvent suffisante pour que propagation est supérieure à celle sur les bords (ce qui est le cas le
l’effet Kerr ne puisse pas être négligé. plus fréquent), l’apparition d’un déphasage plus important au
L’effet Kerr provient de la polarisation non linéaire générée par centre correspond à un effet de lentille que l’on nomme auto-
l’impulsion elle-même. Dans ce cas, la non-linéarité d’ordre 3 du focalisation. Comme la divergence d’un faisceau qui se propage
milieu traversé par l’onde intense provoque l’apparition d’un terme s’oppose à l’autofocalisation, on peut montrer en approximation
dépendant de l’intensité qui se rajoute à l’indice de réfraction paraxiale, que les deux effets se compensent pour une puissance
linéaire n0 :
critique donnée par : . Lorsque la puissance dépasse
(10)
cette valeur, l’autofocalisation l’emporte alors sur la diffraction.
avec n2 indice non linéaire du milieu (dans le cas de la silice,
n2 = 3 × 10–20 m2 · W–1). Exemple : les puissances critiques dans la silice (n2 = 3 × 10–20
m2 · W–1) et dans l’air (n2 = 0,5 × 10–22 m2 · W–1) se situent respecti-
D’un point de vue temporel, ce changement d’indice se traduit vement autour de 1 MW et 1 GW pour un faisceau de longueur
sur l’impulsion par l’ajout d’une phase temporelle non linéaire d’onde 1 µm.
VV
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eVTTU
VW
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1.1.1 Susceptibilité et polarisation non linéaires 1.1.2 Mélange non linéaire à trois ondes
Lorsqu’un milieu diélectrique est éclairé par une onde optique Considérons le cas de deux ondes optiques monochromatiques
intense, telle que celle émise par un laser, le déplacement des de pulsations respectives ω1 et ω2 , incidentes sur un milieu non
électrons sous l’effet de ce champ appliqué devient anharmonique linéaire quadratique, dont les champs électriques sont définis
[E 1 965]. En conséquence, le vecteur polarisation P de l’ensemble comme suit :
de dipôles du milieu optique s’exprime comme un développement
de puissances du champ électrique appliqué E : 1
E 1 (r , t ) = E 1 (r ) e−iω1t + c .c . (2)
2
P = ε0 (χ (1) : E + χ (2) : EE + χ (3) : EEE + ...) (1)
1
avec ε0 permittivité du vide, E 2 (r , t ) = E 2 (r ) e−iω 2t + c .c . (3)
(1) 2
χ susceptibilité linéaire liée aux indices de réfraction du
milieu diélectrique (tenseur d’ordre 2), avec c.c. complexe conjugé.
χ(n) susceptibilité non linéaire d’ordre n (tenseur d’ordre Le mélange non linéaire de ces deux champs va induire un
n + 1). vecteur polarisation non linéaire P3(2) (r , t ) qui va contenir les diffé-
P étant source du champ E rayonné à son tour par le milieu opti- rents termes sources suivants :
que, de nouvelles fréquences optiques (ou couleurs), harmoniques
du champ incident, sont réémises par le milieu. Parmi ces phéno- 1
mènes de conversion de fréquence, l’un des plus connu est la P3(2) (r , t ) =ε0 χ (2) : E 1 (r ) E 2 (r ) e−i(ω1+ω 2 )t + c .c .
2
génération de second harmonique qui permet, par exemple, de 1
produire un faisceau laser vert intense à 532 nm à partir du fais- + ε0 χ (2) : E 1 (r ) E *2 (r ) e−i(ω1−ω 2 )t + c .c . (4)
ceau infrarouge à 1 064 nm, invisible à l’œil nu, émis par un laser 2
Nd:YAG [AF 3 272]. 1
+ ε0 χ (2) : E 12 (r ) e−i2ω1t + ...
Du fait des symétries cristallines, de nombreux éléments des 4
tenseurs χ(n) sont nuls. En particulier, lorsque le milieu est centro- Chacun de ces termes sources correspond à la génération d’une
symétrique, tous les tenseurs d’ordre pair deviennent nuls. Ainsi, nouvelle pulsation optique 2 ω1 , 2 ω2 , ω1 + ω2 , ω1 – ω2 , etc. Suppo-
dans de tels milieux, le tenseur de susceptibilité non linéaire sons que, parmi ces différents termes, seul le terme de somme de
d’ordre le plus bas non nul est χ(3) tandis qu’il s’agit de χ(2) dans fréquence de pulsation ω3 = ω1 + ω2 donne lieu à une génération
les milieux non centrosymétriques [E 1 965]. efficace. Cette nouvelle onde de pulsation ω3 va, elle-même, se
Dans la grande majorité des cas (hors résonance et champ appli- mélanger avec chacune des deux ondes incidentes de sorte à créer
qué comparable au champ intra-atomique), on peut limiter le déve- des termes sources de fréquences différences de pulsations
loppement de l’équation (1) à l’ordre de tenseur non linéaire non ω1 = ω3 – ω2 et ω2 = ω3 – ω1 . Les trois ondes vont donc se trouver
nul le plus bas. En conséquence, on se limite à χ(2) dans les couplées les unes aux autres via ces trois processus : un processus
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k3
d ω Géométrie non colinéaire Conservation de l’énergie
E 1 (z ) = − i 1 χ ef(2) E z E * z
f 3( ) 2 ( ) e
−i∆kz (5)
dz 2 n1 c
Figure 1 – Illustrations du désaccord de phase (cas colinéaire
et non colinéaire) et de la condition de conservation de l’énergie
d ω dans le cas du mélange à trois ondes
E 2 (z ) = − i 2 χ eff
(2) E (z ) E * (z ) e−i∆kz
3 1 (6)
dz 2 n 2c
d ω ∆ϕ = π ∆ϕ = π ∆ϕ = π ∆ϕ = π
E 3 (z ) = − i 3 χ eff
(2)
E1(z ) E 2 (z ) e+i∆kz (7)
dz 2n3c Accord
+ χ(2) – χ(2) + χ(2) – χ(2) de phase
(2)
où le scalaire χ eff est le coefficient non linéaire effectif correspon- ∆k = 0
15
dant à la projection du tenseur χ(2) selon les directions de polarisa- Puissance DFG (u. a.) (biréfringence)
tion des trois ondes [E 1 965] et ∆k est le terme de désaccord de
phase défini par : Quasi-accord
de phase
10 ∆k = KQAP
∆k = k 3 − k1 − k 2 (8)
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1 ne (θ,ω) = no (2ω)
0,8 ne(θ)
ne(θ′) no
Indice optique
PDFG (u. a.)
0,6
Λc = L
0,4
0,2
ω 2ω Fréquence
0
L’accord de phase est réalisé pour l’angle θ tandis
– 6π – 4π – 2π 0 2π 4π 6π qu’il ne l’est pas pour l’angle θ′
∆k/L
La bande d’acceptance de DFG est définie par la condition Figure 4 – Illustration de l’accord de phase par biréfringence
Λc = L où L est l’épaisseur de matériau et Λc est la longueur dans le cas d’un processus de doublage de fréquence
de cohérence du processus non linéaire.
Figure 3 – Puissance générée par différence de fréquences (DFG) Par exemple, on peut considérer le cas du doublage de fréquence
en fonction du paramètre de désaccord de phase
d’un laser à 800 nm dans un cristal de BBO. Dans ce cas, l’onde
générée à 400 nm est extraordinaire tandis que l’onde fondamentale
nm (θ ) = n800nm, ce qui
e
est ordinaire. La condition à remplir est alors n400 o
l’intensité maximale pouvant être générée est d’autant plus impor-
tante que ∆k est petit. Dans le cas limite où ∆k = 0, on peut faire impose θ = 29,2˚ dans ce matériau.
l’approximation sin x ≈ x. L’intensité I1 (z ) devient alors proportion-
nelle au carré de la distance parcourue quelle que soit cette dis- La méthode d’accord de phase par biréfringence a été démon-
tance (tant que l’hypothèse I1 (z ) 33 I2 , I3 reste vérifiée). Il apparaît trée dès le début des années 1960 [2] [3] et a, pendant longtemps,
donc clairement que les processus pour lesquels ∆k ≈ 0 sont favo- été la seule à être mise en œuvre pour réaliser des dispositifs de
risés par rapport aux autres. Il est également mis en évidence qu’il conversion de fréquence efficaces. Cette méthode souffre néan-
y a une tolérance au désaccord de phase autour d’une situation moins de plusieurs limitations qui ont poussé au développement
d’accord de phase parfait tant que la longueur de cohérence reste de méthodes alternatives. La plus évidente de ces limitations est
supérieure ou égale à la longueur du matériau non linéaire que cette méthode ne peut être réalisée que dans des matériaux
(figure 3). biréfringents. Cela a pour conséquence de mettre hors-jeu plu-
sieurs matériaux non linéaires quadratiques ayant des propriétés
intéressantes.
1.2 Accord et quasi-accord de phase
C’est par exemple le cas de l’arséniure de gallium (GaAs) qui béné-
ficie de nombreux atouts (forte non-linéarité, large fenêtre de trans-
1.2.1 Accord de phase mission optique, maturité technologique) mais est isotrope en ce qui
concerne ses propriétés optiques linéaires.
Comme nous l’avons présenté au paragraphe précédent, il est
nécessaire de remplir la condition d’accord de phase pour permet- De plus, lorsque l’accord de phase par biréfringence peut être
tre un échange d’énergie efficace entre les ondes en interaction, réalisé, l’orientation du cristal permettant de le satisfaire ne corres-
tout le long de la propagation dans le milieu non linéaire. pond généralement pas à celle qui maximise le coefficient non
linéaire. En outre, selon la polarisation de chacune des ondes, il
Dans le cas d’une interaction colinéaire, la condition d’accord de est possible qu’un effet de double réfraction induise une sépara-
phase ∆k = 0 peut se réécrire : tion angulaire des faisceaux laser, donc une perte de recouvre-
ment spatial au cours de la propagation [4].
n 3 ω 3 = n1 ω 1 + n 2 ω 2 (12) En résumé, il faut se contenter des propriétés offertes par les
cristaux disponibles et il est rare de pouvoir trouver des conditions
L’approche usuelle pour réaliser cette condition est de permettant à la fois de réaliser une situation d’accord de phase par
compenser la dispersion chromatique qui conduit généralement à biréfringence et d’optimiser les autres paramètres de couplage
n3 > n1 , n2 car la longueur d’onde plus courte de l’onde 3 est plus non linéaire.
proche des résonances électroniques situées dans l’ultraviolet.
Pour ce faire, une méthode couramment utilisée est de réaliser le
1.2.2 Quasi-accord de phase
mélange à trois ondes dans un cristal non linéaire biréfringent de
sorte à pouvoir jouer sur la biréfringence du matériau pour Plutôt que de réaliser une condition d’accord de phase exacte, le
compenser la dispersion chromatique. Cette méthode appelée
principe du quasi-accord de phase est de compenser périodi-
accord de phase par biréfringence est illustrée sur la figure 4 dans
quement le déphasage accumulé entre chaque onde et son terme
le cas particulier où ω1 = ω2 , plus simple à représenter. Pour réali-
ser l’accord de phase aux longueurs d’onde souhaitées, il est alors source de polarisation non linéaire. Cette approche, proposée dès
nécessaire d’orienter le matériau non linéaire pour que la direction le début des années 1960 [5], n’a pu être mise en œuvre de
de propagation des faisceaux fasse des angles bien particuliers par manière efficace que depuis le milieu des années 1990, suite au
rapport aux axes cristallographiques du matériau. développement du procédé technologique de retournement
WP
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2 400
sance par épitaxie [9]).
2 300
2 200
1.3 Effet paramétrique optique
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ns ω c * Cône signal
E c (z ) = E c (0)cosh(g z ) − i E (0)sinh(g z ) (14) visible
nc ω s s
ωs, ks
(2)
avec le gain paramétrique g = χ eff /(2c ) ω s ω c /(ns nc ) Ep (0) . ωc, kc
WR
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ien que mis en œuvre pour la première fois dans les années 1960, les
B lasers à fibre ne sont utilisés de façon courante dans l’industrie que
depuis une dizaine d’années. Ce succès s’explique par leurs propriétés
singulières : ils combinent une grande efficacité optique, une bonne capacité à
dissiper la chaleur, un potentiel d’intégration élevé, et une excellente qualité de
faisceau. Ces propriétés, associées à la possibilité de pompage par diodes
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQR@M@d・イョゥ│イ・@カ。ャゥ、。エゥッョ@Z@。カイゥャ@RPQU
laser de forte puissance, font des lasers à fibre des sources dont la brillance est
particulièrement élevée. De plus, les nombreux développements techno-
logiques liés à l’industrie des télécommunications ont conduit à une grande
fiabilisation des procédés de fabrication et à la disponibilité d’une grande
variété de composants en optique guidée. Cet article s’attache à présenter de
manière générale les lasers à fibre, leurs propriétés, et leurs applications.
Une première partie part des propriétés de guidage des fibres optiques
actives pour déterminer les paramètres optogéométriques pertinents à la mise
en œuvre de sources laser à fibre. Les différents schémas de pompage optique
sont discutés. La qualité de faisceau est définie et les principales architectures
utilisées autour de la fibre optique active sont décrites. Enfin, un modèle basé
sur les équations de populations couramment utilisé est présenté, permettant
de déterminer quantitativement les performances des sources laser à fibre.
Dans la deuxième partie, nous présentons les mécanismes d’amplification
optique dans les fibres optiques, les différentes technologies qui leur sont
WS
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eVTUP
associées, ainsi que les domaines du spectre optique qui peuvent être atteints
en les utilisant. Trois terres rares dont les transitions radiatives sont couram-
ment employées pour l’amplification optique, l’erbium, l’ytterbium, et le
thulium, font l’objet d’une attention particulière. Des solutions plus polyva-
lentes en termes de domaine spectral, comme la diffusion Raman stimulée,
l’amplification paramétrique optique, ou la génération de supercontinuum,
sont brièvement présentées.
Les lasers à fibre peuvent être configurés pour émettre dans des régimes
temporels très différents : le rayonnement émis peut être continu, et même
monomode longitudinal, mais aussi être composé d’impulsions de durées
variables, jusqu’au régime femtoseconde. Nous présentons dans une troisième
partie les architectures laser permettant d’atteindre ces régimes, et les paramè-
tres qui influencent les propriétés des impulsions émises.
Enfin, nous décrirons les principales applications des sources laser dans dif-
férents domaines de l’industrie, de la médecine et biologie, et de la physique.
Nous verrons que les principales applications des lasers à fibre de forte puis-
sance dans l’industrie sont le découpage, la soudure, le marquage laser. Les
divers régimes temporels accessibles par les sources à fibre permettent
l’obtention de qualités de découpe ou de marquage très différentes. D’autres
applications plus spécifiques seront également examinées, telles que les cap-
teurs, les lidars, la métrologie de fréquence par peigne femtoseconde, ou des
applications en imagerie des tissus biologiques.
1. Présentation des sources ensuite la structure des fibres actives et introduisons des notions
de qualité de faisceau. Enfin, les principales architectures de cavi-
laser à fibre tés et de manière plus générale de sources laser à fibre sont décri-
tes, et nous introduisons un modèle théorique permettant de
prédire de façon quantitative les performances des oscillateurs et
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est important de donner un amplificateurs.
aperçu global des performances des lasers à fibre et des raisons de
leur succès. La puissance moyenne obtenue dans un faisceau limité
par diffraction peut atteindre plusieurs kilowatts en régime continu. 1.1 Fibres optiques actives
Cette puissance moyenne impressionnante est due en partie à la
géométrie de la fibre optique qui agit comme un très bon dissipa- Nous désignons par « fibres optiques actives » les fibres dont le
teur thermique du fait du grand rapport entre la surface d’échange cœur incorpore un dopant possédant des transitions résonnantes à
avec l’extérieur et le volume total. Cette puissance atteint 50 kW la longueur d’onde de la lumière guidée. Ces fibres optiques per-
pour des systèmes dont la qualité de faisceau n’est pas parfaite. mettent ainsi l’amplification optique par émission stimulée. Ce
Les sources à fibre optique permettent également la génération mécanisme n’est pas le seul qui permette l’amplification de la
d’impulsions optiques. Que ce soit en régime d’impulsions nano- lumière, et nous verrons ci-après que certains effets non linéaires
seconde ou femtoseconde, les puissances moyennes générées comme l’effet Raman ou le mélange à quatre ondes permettent de
atteignent plusieurs centaines de watts, et la limite en énergie par construire des amplificateurs et des lasers à fibre en utilisant des
impulsion est de quelques millijoules. Ces performances sont fibres passives. Ces mécanismes d’amplification sont néanmoins
généralement obtenues au moyen de fibres dopées ytterbium. Les beaucoup moins utilisés.
lasers à fibre permettent la génération d’impulsions très courtes,
de l’ordre de 30 fs à la fois autour de 1 µm (fibres dopées ytter-
bium) et autour de 1,55 µm (fibres dopées erbium).
1.1.1 Fabrication des fibres dopées
aux terres rares
Enfin, les lasers à fibre, combinés avec des fibres optiques très
non linéaires, permettent la génération de supercontinuum dont le 1.1.1.1 Création du profil d’indice par déposition
spectre s’étend du visible à l’infrarouge moyen. Ces sources de vapeur (MCVD)
gardent une grande cohérence spatiale, ce qui justifie l’appellation
de « laser blanc ». Ce paragraphe vise uniquement à donner une idée des tech-
niques de fabrication utilisées [1] pour en comprendre l’incidence
Ces performances uniques, associées à un niveau d’intégration sur les performances des lasers à fibre. Elle ne constitue en aucun
très élevé et à une grande robustesse, justifient l’explosion de leur cas une description détaillée. La technique la plus courante pour la
utilisation dans l’industrie et dans le monde scientifique. fabrication de préformes est appelée MCVD pour Modified Chemi-
Nous nous attachons dans ce paragraphe 1 à décrire les proprié- cal Vapor Deposition. Elle consiste à chauffer un capillaire de
tés géométriques et l’architecture générale des sources laser à verre, la préforme, à l’aide d’une flamme, en introduisant simulta-
fibre optique, et de les relier à leurs caractéristiques. Une première nément dans le capillaire des précurseurs chimiques, sous forme
partie aborde brièvement les méthodes de fabrication des fibres gazeuse, des oxydes qu’on désire obtenir. Cette composition peut
dopées aux ions terres rares afin d’en donner une idée générale et être modifiée en cours de processus afin d’obtenir à la fois le profil
d’en comprendre les limitations technologiques. Nous abordons d’indice voulu et l’inclusion d’ions terre rare.
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INNOVATION
Sources supercontinuum
à fibre optique
La révolution du laser blanc
Points clés
Domaine : Optique
Degré de diffusion de la technologie : Émergence | Croissance | Maturité
Technologies impliquées : sources laser, fibres optiques
Domaines d’application : métrologie, microscopie, imagerie
Principaux acteurs français :
Pôles de compétitivité :
Centres de compétence : Université de Franche-Comté (Institut Femto-ST),
Université Lille 1 (PhLAM), Université de Limoges (XLIM), Université de Bourgogne
(ICB)
Industriels : Leukos (France), Fianium (UK), NKT Photonics (Danemark)
Autres acteurs dans le monde : University of Bath (UK), Imperial College
London (UK), Technical University of Denmark (Denmark), University of Techno-
logy of Tempere (Finland), University of Auckland (New Zealand)
p。イオエゥッョ@Z@ュ。イウ@RPQQ
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INNOVATION
continuum étaient constitués d’un laser puissant et d’une fibre Physiquement, le terme β1 est inversement proportionnel à
optique à très petit cœur avec une faible dispersion anormale la vitesse de groupe vg de l’impulsion, et le terme β2 caracté-
à la longueur d’onde de pompe. Malheureusement, jusqu’à rise ainsi sa dispersion chromatique. Notons qu’on utilise
l’invention des fibres microstructurées, cette adéquation n’a généralement le paramètre de dispersion D (en ps/nm/km),
jamais pu être efficacement atteinte. En effet, les lasers qui exprime la dispersion chromatique de la vitesse de groupe
titane-saphir délivrant des impulsions de plusieurs centaines par rapport à la longueur d’onde λ et qui est relié à β2 par la
de kilowatts aux alentours de 800 nm ou les lasers YAG émet- relation :
tant aux alentours de 1 µm, n’ont jamais pu être combinés à
des fibres adaptées. En effet, les fibres standards sont carac- 2πc
D=− β2 (2)
térisées par une longueur d’onde de dispersion nulle le plus λ2
souvent supérieure à 1,2 µm, ce qui empêche le pompage de
avec c vitesse de la lumière dans le vide (3 · 108 m/s).
la fibre en zone de dispersion anormale avec les lasers préci-
tés. Selon le signe de D (ou β2), on distingue deux types de
régime de dispersion chromatique de vitesse de groupe :
L’invention des fibres microstructurées [4] en 1996 a – lorsque D < 0 (ou encore β2 > 0), on parle de dispersion
complètement changé la donne. Le premier résultat mar- normale (en référence au comportement de la lumière visible
quant obtenu avec ce type de fibres fut certainement de dispersée par un prisme de verre par exemple) : les
conduire à la fabrication d’une fibre optique fortement non composantes spectrales rouges de l’impulsion voyagent alors
linéaire dont le zéro de dispersion se situe à 800 nm. Un plus vite que les bleues ;
supercontinuum de plus d’une octave a alors été – lorsque D > 0 (ou encore β2 < 0), on parle de dispersion
démontré [5], impulsant alors un intérêt sans précédent anormale et le comportement est opposé : les composantes
pour cette thématique depuis une dizaine d’années. Le prix spectrales bleues de l’impulsion voyagent plus vite que les
Nobel de physique obtenu par T. W. Hänsch en 2005 est rouges.
d’ailleurs intimement lié aux progrès réalisés dans cette
thématique. La figure 1a représente schématiquement le comportement
temporel des impulsions lumineuses dans ces deux régimes.
Après avoir rappelé les propriétés linéaires et non linéai- Notons que dans les fibres usuelles, il existe alors une
res de base d’une fibre optique, nous introduirons briève- longueur d’onde λ0 pour laquelle la dispersion chromatique de
ment les fibres microstructurées. Ensuite, même si la vitesse de groupe s’annule. Celle-ci est appelée longueur
dynamique de formation des supercontinua est complexe, d’onde de dispersion nulle, et vaut environ 1 310 nm dans le
nous nous attacherons à en formuler une explication de cas de la fibre de télécom standard présentée sur la figure 1a.
base, simple mais qui devra être complétée par la lecture
des références plus précises pour les lecteurs désirant plus 2.2 Non-linéarité
de détails. Enfin, nous présenterons différents résultats
expérimentaux caractéristiques et fournirons un ensemble Dans ce paragraphe, nous allons introduire brièvement la
d’informations permettant de choisir et d’acquérir ce type notion de non-linéarité dans les fibres optiques. Les lecteurs
de sources. désirant approfondir l’étude de ces phénomènes pourront se
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INNOVATION
n (ω , I ) = n (ω ) + n2 I (4)
2 πn2
tourner vers la littérature spécialisée, très conséquente dans avec P = Aeff I et γ = .
λ Aeff
ce domaine (voir la référence [6] par exemple).
Le développement des lasers dans les années 1960 [1] a avec Aeff aire effective du mode guidé,
permis la génération d’ondes lumineuses de très fortes γ coefficient non linéaire de la fibre.
puissances crêtes, jamais atteintes auparavant. En effet,
l’amplitude du champ électrique associé aux ondes émises par Comme l’illustre la figure 1b, on peut montrer que le
les lasers approche celle des champs liant les électrons aux déphasage non linéaire induit l’apparition de nouvelles fré-
noyaux des atomes ou molécules (de l’ordre de 108 à quences au sein de l’impulsion lumineuse. De plus, ce proces-
109 V/m). Dans ce cas, les principes de l’optique linéaire ne sus non linéaire se traduit par un décalage des composantes
sont plus valables et des effets dits « non linéaires » spectrales rouges vers le front de l’impulsion et des
apparaissent. composantes spectrales bleues vers la queue de l’impulsion,
phénomène opposé aux effets de dispersion en régime de dis-
Ces effets non linéaires sont définis à partir de la polari- persion anormale (D > 0, ou β2 < 0).
sation p du matériau, comportant la réponse linéaire pL du
matériau à un champ électromagnétique faible et la réponse 2.2.2 Solitons optiques
non linéaire pNL , qui est liée à l’application d’un champ élec-
tromagnétique intense d’amplitude E. Ces deux composantes Un soliton optique est une impulsion lumineuse subissant les
sont liées au champ électrique présent dans le milieu par la effets antagonistes de la dispersion chromatique anormale et
relation suivante : de l’effet Kerr. En effet, en régime de dispersion anormale, les
composantes spectrales bleues de l’impulsion voyagent plus
p = pL + pNL = ε0 χ (1) E + ε0 χ (2) E 2 + ε0 χ (3) E 3 (3) vite que les rouges, alors que l’effet Kerr induit le phénomène
inverse. On parle alors de soliton lorsque ces deux effets se
compensent parfaitement. Ce phénomène se retrouve dans
avec ε0 permittivité diélectrique du vide,
plusieurs domaines de la physique, comme l’optique, la
χ(i) susceptibilité du ie ordre. physique des plasmas ou l’hydrodynamique. Mathémati-
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XP
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200 µm
50 µm
MEB
MEB
Laser
Laser
Matière
en fusion,
Chauffage gaz,
Zone affectée plasma
Éjection
Fusion, vaporisation de matière Impact laser Création d'un plasma Éjection rapide
(si intensité dense et localisé de matière
suffisante)
Des exemples de perçage dans le cuivre effectué à même énergie mais pour des durées de 8 ns et 180 fs (photos au microscope optique et au
microscope électronique à balayage) sont montrés pour illustrer les différences d'effets thermiques.
Figure 1 – Illustration des mécanismes d’interaction dans le cas d’une impulsion longue (de l’ordre de la nanoseconde et plus) et dans le cas
d’une impulsion ultrabrève
1.1 Rôle de la longueur d’onde technologiques, mais pour des raisons fondamentales. Ainsi, un
laser infrarouge femtoseconde peut avoir un effet très proche d’un
Les mécanismes d’interaction laser-matière ont pour origine rayonnement UV de durée d’impulsion plus longue. La
l’absorption du rayonnement, donc la conversion de photons en confrontation UV impulsion longue/IR femtoseconde peut être très
énergie à l’intérieur du matériau. Ainsi, la longueur d’onde joue instructive, car les procédés associés devront être contrôlés de
d’habitude un grand rôle. Elle est associée à l’énergie du photon manière différente. Pour compléter ce comparatif, il convient aussi
par la relation : de signaler que l’on peut utiliser des impulsions femtosecondes
E = hυ dans l’UV, soit par conversion de fréquence soit par amplification
dans un canal excimère (cf. par exemple les produits et activités
avec h constante de Planck et υ fréquence du photon, et elle cor- du Laser-Laboratorium Göttingen e.V.).
respond ou non à la différence entre deux niveaux d’énergie de la
matière considérée. En cas de correspondance, il y a absorption Le rôle de la longueur d’onde est donc profondément trans-
du photon et donc transfert d’énergie entre le rayonnement formé. Dans une absorption standard, deux cas sont à envisager :
lumineux et la matière.
– l’absorption du photon par le matériau est physiquement
Toute la question est alors de savoir ce que la matière va faire permise, et donc l’absorption est possible. Il reste alors à connaître
de cette énergie : c’est ce que nous verrons plus loin lors de « l’intensité » de cette absorption, plus ou moins importante, ce
l’exposé des mécanismes de relaxation énergétique. La première qui peut se mesurer par spectroscopie, ou éventuellement se
étape de ce processus est donc l’aptitude de la matière à absorber calculer si l’on dispose d’assez de données sur le matériau utilisé ;
les photons d’une énergie donnée. Une longueur d’onde dans le
rouge (photons de petite énergie, autour de 800 nm) ne va pas – la transition entre les deux niveaux d’énergie est physique-
avoir le même effet sur la matière qu’une longueur d’onde dans le ment interdite, et l’absorption ne peut pas avoir lieu.
bleu (photons de plus grande énergie, autour de 300 nm). Ainsi, Dans le cas d’une absorption multiphotonique, les règles phy-
les applications des lasers de longueur d’onde infrarouge ou ultra- siques de l’absorption sont différentes, et quoique plus faiblement
violette sont très différentes, mais dans tous ces cas il s’agit de permises, elles sont très fréquemment possibles. L’absorption est
l’absorption d’un seul photon par atome. Dans le cas d’une impul- donc également possible, elle est de plus favorisée par la forte
sion laser ultrabrève, la densité d’énergie disponible (donc le nom- densité d’énergie associée à la durée très brève de l’impulsion. En
bre de photons) est telle qu’un mécanisme d’absorption à conséquence, le rôle de la longueur d’onde sera moins décisif
plusieurs photons peut avoir lieu. Cette absorption multiphotoni- pour l’existence ou non d’une absorption, même si ce rôle existe
que suit un mécanisme très différent de l’absorption d’un seul toujours. Une expression « raccourcie » serait de dire qu’« en
photon et est associée à des effets non linéaires. femto tous les matériaux sont noirs ». Dans ce sens, remarquons
La physique de l’interaction laser-matière en mode femto- que les seuils d’ablation peuvent être presque toujours atteints
seconde est très différente de l’interaction laser-matière conven- pour tous les matériaux, quelle que soit la longueur d’onde
tionnelle, on l’aura compris, non pas pour des raisons utilisée, en fonction de l’énergie disponible.
XS
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eVTUU
XT
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eVTUU
CB
CB
CB CB
EGAP
VB
VB
VB VB
a ionisation multiphotonique b situation hybride où les deux c ionisation tunnel d ionisation provenant d'un niveau
phénomènes d'ionisation intermédiaire lié à une impureté
multiphotonique et tunnel ont dans le matériau
lieu simultanément
Figure 3 – Schéma de la diversité des processus d’absorption dans les matériaux diélectriques entre la bande de valence (VB) et la bande de
conduction (CB)
XU
XV
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eWPPU
précisément, sur toute la bande C (1,53 à 1,565 µm) par exemple. Cela facilite
XW
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eWPPU
beaucoup la gestion des stocks puisqu’il n’est plus nécessaire de disposer d’un
laser de rechange par longueur d’onde. Ils sont également un élément clé des
multiplexeurs à insertion-extraction accordables (Reconfigurable Optical Add
and Drop Multiplexers : ROADM), qui effectuent le routage du trafic et son
éventuelle conversion en longueur d’onde.
Le besoin croissant d’augmenter les fonctionnalités des composants,
conjugué à une maturité de la technologie sur semi-conducteurs III-V et sili-
cium, conduit aujourd’hui au développement rapide des circuits photoniques
intégrés (Photonic Integrated Circuits : PIC). Il s’agit d’intégrer, sur le même
substrat semi-conducteur, plusieurs éléments pour réaliser des fonctions
complexes. Il existe actuellement deux techniques développées parallèlement
pour la fabrication des PIC intégrant des fonctions actives (émission, modula-
tion et détection) : l’intégration monolithique sur InP et l’intégration hybride
III-V sur silicium.
Cet article a pour objectif de présenter les lasers et les amplificateurs opti-
ques à semi-conducteurs pour les applications en télécommunications
optiques. Il décrit les matériaux, les structures et les caractéristiques princi-
pales de ce type de lasers. Puis il passe en revue les lasers à contre-réaction
distribuée (DFB pour « Distributed Feedback Laser »), les lasers accordables,
les lasers impulsionnels et les circuits photoniques intégrant des lasers. Enfin,
cet article se conclut par les perspectives de développement de ce type de
lasers à semi-conducteurs dans les années à venir.
XX
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eWPPU
20 nm
50 nm
Figure 2 – Photographie prise au MEB de bâtonnets quantiques épitaxiés sur un substrat InP (Photo fournie par G. Patriarche du LPN, CNRS)
XY
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eWPPU
Tapers
Courant
Pin
Pout
ASE
Traitement
Antireflet
Figure 3 – Photo d’un SOA en module (à gauche), schéma général d’un SOA vu de dessus, avec la zone active en rouge
YP
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nmRPUP
cations optiques. La montée en débit et l’augmentation culièrement pour les réseaux LAN et FTTH. Le marché
de la capacité font croître l’intérêt pour des solutions des diodes laser émettant à 1,30 mm est donc énorme.
Toute reproduction sans autorisation du Centre Français d’exploitation du droit de copie NM 2 050 - 1
est strictement interdite. — © Editions T.I.
YQ
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nmRPUP
Longue distance Metropolitan Area Local Area Fiber To The Home Courant
10 Gbit/s Network Network (FTTH) a Boîtes quantiques de In As/GaAs
m
(MAN) (LAN) 1,25 Gbit/s 10 µ Électrode
1-
10 Gbit/s 10 Gbit/s b
L GaAs
c (
0,2 InAs QDs
-
2 Émission laser c
m
m
)
a schéma d'une diode b image de microscopie
laser émettant par électronique
la tranche (Edge- en transmission
Figure 1 – Différentes couches d’un réseau optique Emitting laser, en en tranche de la couche
global : réseaux optiques longue distance, MAN, LAN anglais). active, comprenant dix
et FTTH, et débits correspondants couches empilées de boîtes
quantiques d'InAs/GaAs.
Les diodes laser commercialisées actuellement sont c image de microscopie électronique à balayage
élaborées à partir de puits quantiques (Quantum (MEB) d'une couche de boîtes quantiques.
Well-QW-en anglais), couches minces semi-conductri-
ces d’épaisseur nanométrique. De nombreux travaux Figure 2 – Diode laser émettant par la tranche (Edge-
sont aujourd’hui dédiés aux boîtes quantiques Emitting Laser, en anglais)
(Quantum Dots-QD-en anglais) semi-conductrices,
nanostructures qui confinent les électrons à l’échelle
du nanomètre dans toutes les directions de l’espace. Énergie Région active
Ces structures ont le potentiel de supplanter les puits e-
quantiques en tant que couche active et d’améliorer n-AlGaAs p-AlGaAs
GaAs Ec
drastiquement les propriétés des diodes laser. De
plus, jusqu’à récemment, les lasers à semi-conducteur E2 hn12
[001] GaAs hn12
disponibles dans le commerce étaient élaborés seule- hn12
ment sur substrat de InP. Cependant, les diodes laser E1
élaborées à partir de substrats de GaAs offrent de bien
meilleures caractéristiques ainsi qu’un coût de fabrica- Les électrons et trous sont injectés dans la région
tion significativement inférieur. Le défi majeur, active respectivement depuis les couches de type
aujourd’hui, de la filière GaAs reste de créer une région n et p, où l'effet laser a lieu. La région active est
active de haute qualité optique émettant aux lon- ici simplifiée sous la forme d'un système à deux
niveaux, E1 (état fondamental) et E2 (état excité).
gueurs d’onde des télécommunications. L’élaboration
Lorsque l'inversion de population est créée par
de diodes laser à base de boîtes quantiques injection de courant, un photon incident (dont
d’InAs sur substrat de GaAs est aujourd’hui la l'énergie est égale à l'énergie séparant les niveaux
solution la plus prometteuse à 1,30 mm. E1 et E2 : hn12) crée un autre photon, strictement
identique en phase et énergie : le système est
1.2 Principe de fonctionnement d’une stimulé.
diode laser
Une diode laser est un dispositif optoélectronique
qui produit un faisceau de lumière cohérent créé par Figure 3 – Diagramme de la bande de conduction d’une
les phénomènes d’émission stimulée et de recombi- diode laser à semi-conducteur (polarisée en direct),
fabriquée sur substrat de GaAs avec des couches
naison radiative des porteurs de charge dans la zone
barrières de AlGaAs
active dans laquelle l’inversion de population est créée
par injection de courant : la lumière confinée au sein
de la zone active est amplifiée. 1.3 Principales caractéristiques d’une
Le schéma d’une diode laser émettant par la tran-
diode laser
che et le diagramme de bande correspondant sont Les principales caractéristiques d’une diode laser
représentés respectivement sur les figures 2 et 3. sont :
Une diode laser est composée typiquement de trois — la longueur d’émission ;
couches, qui forment un guide d’onde. La couche — le gain modal optique g, et tout particulièrement,
active (ici, boîtes quantiques d’InAs dans une matrice le gain de seuil (threshold en anglais) gth et le gain
de GaAs) est située entre deux couches barrières de maximal gmax ;
type AlGaAs, qui assurent un confinement électro-
— les densités de courant de transparence Jtr et de
nique (largeur de bande interdite supérieure) et seuil Jth ;
optique (indice de réfraction inférieur), formant le
guide d’onde pour le faisceau laser émis par la tran- — le rendement différentiel externe hd et le gain
che. Le confinement optique permet d’assurer notam- différentiel a.
ment une interaction efficace entre la lumière et le En raison du phénomène d’absorption, l’intensité
milieu amplificateur. d’un rayonnement lumineux se propageant dans un
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YR
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milieu décroît d’un facteur exp (– aL) après avoir par- est décrit par la température caractéristique T0, qui
couru une distance L. Suite à l’inversion de popula- décrit la dépendance en température de Jth :
tion, le cœfficient d’absorption a (cm–1) change de
1 ∂ðlnJ th Þ
signe lorsque la lumière est amplifiée. Le gain optique =
g est défini comme étant égal à (– a). La densité de T0 ∂T
courant d’injection assurant un gain nul est la densité Typiquement, Jth augmente en raison de la popula-
de courant de transparence Jtr. Cependant, un gain tion en porteurs de charge des états de haute énergie.
positif ne garantit pas l’effet laser en raison de pertes Une diode laser doit avoir une température caractéris-
optiques nuisibles au sein de la cavité laser. Les pertes tique T0 aussi élevée que possible.
optiques comprennent deux termes : les pertes utiles
am (mirror loss en anglais), dues à la transmission des
miroirs partiellement réfléchissants et qui constituent 2. Boîtes quantiques
le faisceau laser désiré, et les pertes optiques inutiles
ai, internes à la cavité, qui doivent être minimisées. Le
autoassemblées
total des pertes optiques constitue le gain de seuil 2.1 Effet du confinement électronique
(gth) et s’écrit :
! sur la densité d’états
1 1 Jusqu’à la moitié des années 1980, les lasers avec
g th = ai + am = ai + ln pffiffiffiffiffiffiffiffiffiffiffi (1)
Lc RbRf une zone active épaisse de plusieurs micromètres
dominaient le marché. Mais ce n’est qu’avec l’introduc-
avec Rf, Rb réflectivités des faces avant et tion des diodes laser à puits quantiques et la forte
arrière de la cavité, réduction des densités de courant de seuil, de l’ordre
Lc longueur de la cavité. de 50 A/cm2 [4], obtenue en premier par Z. I. Alferov,
prix Nobel de physique en 2000, que le marché des dio-
Le deuxième terme du membre de droite de l’équa- des laser explosa. En 1982, Y. Arakawa et H. Sakaki, de
tion (1) représente les pertes utiles am. Le gain de seuil l’université de Tokyo, étudièrent l’effet de confinement
gth est le gain minimal que la région active doit assurer de la zone active dans les trois dimensions de l’es-
pour que l’effet laser se produise. Jth est la densité de pace [5]. Pour un laser à boîtes quantiques, ils prédi-
courant de seuil correspondante. gth est déterminé par rent une très faible densité de courant de seuil et une
la géométrie et les caractéristiques de la cavité : complète indépendance des caractéristiques laser vis-
lorsque la longueur de la cavité (Lc) décroît, le gain de à-vis de la température (i.e. T0 infinie).
seuil augmente. La couche active, quant à elle, ne peut
Le paramètre clé est l’effet du confinement sur la
assurer qu’un certain gain, appelé gain modal de satu-
densité d’états qui se produit lorsque la dimension de
ration g max · g max est en fait égal à GGm, où G est le fac-
la zone active est du même ordre que la longueur
teur de confinement optique de la cavité ( ª 10 % pour
d’onde de De Broglie de l’électron (figure 4). Lorsque
un laser de type AlGaAs/GaAs/AlGaAs) et Gm est le
le confinement du mouvement de l’électron a lieu
gain de la couche active. Gm est une caractéristique
intrinsèque du matériau assurant l’effet laser, et G
dépend des indices de réfraction et des épaisseurs des
Densité d'états
Densité d'états
Densité d'états
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YS
YT
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eVTWP
YU
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eVTWP
YV
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eVTWP
E2
2,5 nm
2,5 nm
a b
À l’image est superposé le profil de bande de conduction et de valence, ainsi que les niveaux confinés du puits.
Les diodes lasers utilisent des transitions entre la bande de conduction et la bande de valence (transitions
interbandes a ). Les lasers à cascade quantique utilisent des transitions intrabandes, entre états confinés dans
la bande de conduction b .
Figure 1 – Image en haute résolution, réalisée par microscopie électronique en transmission, d’un puits quantique en GaAs/AlGaAs
peut distinguer les plans atomiques et l’interface abrupte séparant On considère un puits quantique de semi-conducteur. Soit z la
les deux matériaux semi-conducteurs. Sur la figure, nous avons direction de croissance des couches semi-conductrices et m* la
superposé aux couches semi-conductrices la structure de bande masse effective des électrons dans le puits. Comme mentionné
des matériaux correspondants : on voit le profil, le long de la direc- précédemment, le mouvement des électrons est confiné selon z et
tion de croissance, du minimum de la bande de conduction et du libre dans le plan des couches. Cela donne lieu à des niveaux
maximum de la bande de valence (trous lourds). La différence d’énergie (appelés sousbandes) de la forme :
d’énergie de bande interdite entre les deux semi-conducteurs
donne lieu, dans le matériau de faible bande interdite, à un puits
de potentiel pour les électrons en bande de conduction (et de (1)
façon analogue pour les trous en bande de valence). Si l’épaisseur
de la couche semiconductrice est plus faible que la longueur
d’onde de de Broglie des électrons dans le semi-conducteur
(~ quelques dizaines de nanomètres), le mouvement des électrons avec n entier positif,
est confiné selon la direction de croissance. Des niveaux d’énergie
quantifiés apparaissent, comme présenté en figure 1. Les lasers à vecteur d’onde des électrons dans le plan des
cascade quantique, comme on le verra par la suite (§ 2), exploitent couches,
les transitions entre niveaux quantifiés dans la bande de conduc-
tion (intrabande), à la différence des diodes lasers qui exploitent constante de Planck réduite .
quant à elles les recombinaisons électron – trou à travers la bande
interdite (interbande). Cette expression est obtenue dans l’approximation parabolique,
dans laquelle la masse effective des électrons est supposée
La croissance épitaxiale permet aussi de réaliser des structures constante en fonction de l’énergie. Pour les matériaux à faible
complexes composées de plusieurs puits quantiques, séparés par bande interdite, comme InAs, cette approximation n’est pas
des barrières. La possibilité de contrôler à l’échelle de la mono- valable et il est nécessaire de considérer le couplage entre la
couche des structures complexes composées de plusieurs puits et bande de conduction et les autres bandes (notamment la bande de
barrières est un élément clé de l’ingénierie de bandes, au cœur de trous légers et la bande de split-off ), donnant lieu à des effets de
la technologie des lasers à cascade quantique. non-parabolicité et donc à une dépendance de la masse effective
de l’énergie [3]. Dans la suite, par simplicité, on utilisera ce type
d’approximation. La figure 2a présente le profil de potentiel en
1.1 Transitions entre niveaux bande de conduction d’un puits quantique, avec trois niveaux
électroniques confinés d’énergie, accompagné (figure 2b) par les sousbandes
correspondantes. Pour un système de matériaux donné, la sépara-
Pour pouvoir comprendre le principe de fonctionnement d’un tion en énergie entre les niveaux électroniques dépend de l’épais-
laser à cascade quantique, il est important de rappeler les proprié- seur du puits quantique. En utilisant le même système de
tés des transitions entre niveaux confinés d’un puits quantique et matériaux, il est donc possible de réaliser des lasers à cascade
les mécanismes qui limitent le temps de vie des électrons sur un quantique qui émettent dans une large plage spectrale, du moyen
niveau excité. au lointain infrarouge.
YW
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eVTWP
(4)
2
Cela constitue la règle de sélection en polarisation des transi-
1 tions intersousbandes [2] [4].
k ⎜⎜
YX
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eVTWP
Pour réaliser un laser, il faut avoir deux éléments de base : un Injection t32
milieu à gain et un résonateur optique. L’objectif de ce para-
graphe est de montrer les conditions à satisfaire pour obtenir un t31
milieu à gain en utilisant un ensemble de puits quantiques de
semi-conducteur. 2
YY
QPP
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eVTXP
Lasers accordables
QPQ
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eVTXP
L’objet de cet article est de faire le point sur les principes et les performances
des « lasers accordables » pris dans le sens le plus général. Le paragraphe 1
décrit les milieux amplificateurs accordables, lasers et non linéaires, en donnant
l’origine physique de la largeur des spectres suivant les milieux considérés. Le
paragraphe 2 donne les grands principes de l’accordabilité qui est réalisée dans
la très grande majorité des cas à partir d’une cavité optique contenant le milieu
amplificateur de lumière. Une méthode très courante pour accorder un laser est
d’insérer un filtre spectral à l’intérieur de la cavité, c’est pourquoi le
paragraphe 3 donne des exemples de filtres spectraux utilisés dans ce but. Le
paragraphe 4 donne un exemple de laser accordable : la diode laser. Le
paragraphe 5 présente les domaines d’application des lasers accordables.
QPR
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eVTXP
QPS
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eVTXP
Les principales longueurs d’onde et largeurs spectrales des La longueur d’onde d’émission moyenne est reliée à la valeur de
milieux laser solides peuvent être trouvées dans [AF 3 276]. On l’énergie de gap Eg par la relation λ = 1,24/Eg , avec Eg en eV. En
peut retenir que les milieux solides couvrent généralement modifiant la composition chimique et la nature des matériaux, il
l’infrarouge proche et l’infrarouge moyen. De façon plus margi- est possible d’ajuster la longueur d’onde d’émission. Les
nale, il existe des milieux émettant dans l’ultraviolet comme le Ce : semi-conducteurs couvrent quasiment tout le spectre visible. Ils
LICAF, le Ce : YLF ou le Ce : LiLUF [4] [5] accordables sur plusieurs sont particulièrement développés dans l’infrarouge proche, de
dizaines de THz. Les raies les plus fines sont émises par les ions 800 nm à 1 500 nm.
des terres rares (Nd3+, Er3+, Pr3+) dans des cristaux avec une lar- Dans le cas des lasers à cascade quantique, la largeur spectrale
geur spectrale minimale de l’ordre d’une centaine de GHz. Des est obtenue de façon très différente. L’électron reste dans la bande
spectres plus larges, jusqu’à une dizaine de THz, peuvent être de conduction qui est structurée en sous-bandes par l’utilisation de
obtenus en combinant les élargissements (couplage puits quantiques. En passant d’une sous-bande à une autre, l’élec-
électron-phonon + multisites + niveaux d’énergie proches dont les tron émet un photon. On parle alors d’émission par transition
raies peuvent se recouvrir) : c’est le cas pour les cristaux dopés par inter-sous-bande. Comme l’énergie entre deux sous-bandes
l’ion Yb3+. Enfin, les spectres d’émission peuvent être très larges dépend directement de la largeur du puits, donc de l’épaisseur de
pour les ions de transition (Ti3+, Cr2+, Cr3+, Cr4+...) : jusqu’à une la couche de semi-conducteur constituant le puits, il est possible
centaine de THz. de choisir la longueur d’onde émise en contrôlant cette épaisseur.
Les lasers à cascade quantique émettent dans l’infrarouge moyen,
typiquement entre 5 et 13 µm, suivant les matériaux utilisés et
1.1.3 Largeur spectrale dans les semi-conducteurs l’épaisseur des couches. Un laser à cascade quantique est capable
d’émettre sur une bande spectrale très large, de plusieurs micro-
Dans les semi-conducteurs, ce sont les niveaux d’énergie des mètres.
électrons et des trous de la matrice cristalline qui vont servir pour
les transitions laser. Les niveaux d’énergie sont si nombreux qu’ils
donnent naissance à des bandes dans lesquelles les électrons et 1.1.4 Largeur spectrale dans les lasers à colorant
les trous peuvent se trouver. La position des électrons dans la
Les lasers dits à colorant utilisent des molécules organiques
bande de conduction dépend de la température et du nombre de
complexes qui ont une multitude de niveaux d’énergie vibration-
paires électron-trou créées.
nels et rotationnels. À température ambiante, il n’est pas possible
Dans le cas d’un régime de faible injection de porteurs, un ordre de les résoudre si bien que le spectre d’émission est continu, sur
de grandeur de la largeur du spectre est [6] : une large bande spectrale. Cette dernière peut atteindre plusieurs
dizaines de nanomètres. On les appelle « colorants » car les molé-
∆ν = 1, 8 kT /h cules absorbent en général dans l’ultraviolet ou le bleu et
réémettent dans le visible. La plus connue est la Rhodamine 6G
avec h constante de Planck, qui émet entre 550 et 640 nm [7]. Ces molécules sont en général
k constante de Boltzmann, en solution dans un solvant (par exemple éthylèneglycol, métha-
nol ou éthanol) qui permet une circulation des molécules dans la
T température du composant. cavité laser, afin d’augmenter l’efficacité du laser et sa durée de
La largeur spectrale vaut une dizaine de THz à température vie. En utilisant différents types de colorants [8], il est possible de
ambiante, ce qui représente plusieurs dizaines de nanomètres couvrir le spectre visible et l’infrarouge proche de façon continue
pour une longueur d’onde de 1 µm. (figure 2) [9].
Énergie en sortie (valeur relative)
C-1
C-120 C-102 R-6G R-101
R-B
C-307 NILEBLUE690
PBBO C-153
OXAZINE750
BPBD DMOTC
DOTC+HITC
IR125
C : coumarine
R : rhodamine
Figure 2 – Exemple d’accordabilité pour des lasers à colorant impulsionnels (d’après [9])
QPT
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eVTXU
domaines.
Cela étant, on constate que certains types de sources fonctionnant dans des
domaines de longueurs d’onde bien particuliers ont pris plus d’avance que
QPU
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eVTXU
1. Différents types Sur le plan fondamental, la raison réside entre autres dans
l’expression de la section efficace d’émission stimulée notée σem à
de lasers UV-visible l’origine du gain laser de tout milieu amplificateur et qui s’écrit par
exemple sous la forme (expression dite de
et problématiques Fuchtbauer-Ladenburg) :
associées
On peut utiliser différents types de milieux amplificateurs et dif-
férentes techniques pour obtenir une source laser émettant un Dans cette expression en effet, on remarque que la section effi-
rayonnement dans le domaine UV-visible. Cependant, à quelques cace σem est inversement proportionnelle à τR , la durée de vie
exceptions près, ce qui apparaîtra dans la suite de cette présenta- radiative du niveau émetteur et à n2, le carré de l’indice de réfrac-
tion, il est souvent plus difficile, pour des raisons technologiques tion du milieu amplificateur, mais surtout qu’elle est proportion-
mais aussi pour des raisons purement fondamentales, de faire nelle à la fonction forme du spectre d’émission de la transition
fonctionner un laser dans le domaine visible et surtout dans le laser considérée d’intensité I (λ) et à la longueur d’onde λ à la puis-
domaine UV, plutôt que dans les domaines du proche et du moyen sance 4 (si on tient compte du terme en λ apparaissant dans l’inté-
infrarouge. grale figurant au dénominateur). Cela explique pourquoi, à
QPV
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eVTXU
l’exception du premier laser à rubis émettant à 0,69 µm, les pre- de fréquence ou même des lasers à base de fibres microstructu-
miers effets laser ont été observés dans les années 1960 dans les rées à bande interdite photonique. Le principal challenge dans le
domaines des micro-ondes et du moyen infrarouge (maser NH3 domaine visible réside dans ce qu’on a coutume d’appeler le
à 12,49 mm, He-Ne à 1,15 et 3,39 µm, par exemple). green-gap, c’est-à-dire dans l’incapacité actuelle de développer des
sources laser à semi-conducteurs suffisamment stables et intenses
À plus courtes longueurs d’onde, donc à plus grandes énergies, fonctionnant, dans quelque régime que ce soit (impulsionnel ou
on se heurte à plusieurs types de problèmes. continu) dans le vert-jaune, ce qui limite encore la compacité et
À très courtes longueurs d’onde, à savoir dans le bleu et le l’efficacité globale des systèmes laser visible à base de matériaux
proche UV jusque dans le VUV (UV du vide), c’est-à-dire entre solides développés actuellement et mentionnés plus haut.
environ 150 et 450 nm, un domaine très important pour les appli-
cations (photolithographie, marquage, pulvérisation et dépôt de
couches minces, LIDAR atmosphérique, chirurgie refractive de
l’œil...), les seuls lasers à émission directe efficaces sont des lasers 2. Systèmes laser à solides
moléculaires ou à excimères (lasers ArF à 193 nm, KrF à 248 nm,
XeCl à 308 nm, par exemple). On peut encore utiliser (principale- à émission directe
ment en laboratoire) des lasers à gaz à fonctionnement continu
comme le laser He-Cd à 325 nm ou à fonctionnement impulsionnel dans le domaine UV-visible
(nanoseconde) comme le laser à azote à 337,1 nm, mais de plus en
plus rarement en raison de leur encombrement et de leur faible
intensité ou de leur très faible efficacité. Les lasers à excimères 2.1 Lasers à semi-conducteurs
sont aussi des lasers à gaz mais d’un genre un peu particulier
puisqu’ils donnent des rayonnements laser intenses très efficaces
à grand gap (problématique
mais ne peuvent fonctionner qu’en régime nanoseconde (état du green-gap)
moléculaire instable), ce qui convient malgré tout pour un grand
nombre d’applications. Par contre, comme tous les lasers à gaz, ils De nombreux systèmes et applications reposent aujourd’hui sur
restent encombrants et nécessitent une maintenance (changement l’utilisation de lasers à semi-conducteurs émettant dans le proche
des gaz) qui empêche certaines utilisations. Le challenge est donc et moyen infrarouge. Il s’agit en particulier, pour les plus puissants,
de trouver dans ce domaine des sources laser à base de matériaux de composés ternaires ou quaternaires tels que AlGaAs ou InGaAs
émetteurs solides qui soient à la fois stables, compactes et effi- émettant des rayonnements laser à fréquence fixe autour de 800 et
caces et qui puissent éventuellement fonctionner en mode continu. 980 nm. Nous verrons que pour obtenir en final un rayonnement
Nous verrons qu’il existe des solutions (lasers à ions de terres UV-visible, ces lasers à semi-conducteurs peuvent être utilisés soit
rares ou à semi-conducteurs à émission directe ou après conver- comme sources de pompage optique pour d’autres systèmes laser
sion de fréquence par exemple), mais qu’aucune actuellement (§ 2.3), soit directement mais après adjonction d’un convertisseur
n’est encore capable de détrôner les lasers à excimères, en tout de fréquence (§ 3.3), sachant, dans ce cas, que le matériau
cas dans l’UV du vide (longueurs d’onde inférieures à 180 nm), semi-conducteur en question peut être lui-même « pompé » soit
principalement pour des raisons de photostabilité. électriquement (comme une diode électroluminescente) soit opti-
quement (à partir d’un autre laser à semi-conducteurs).
Dans le domaine visible, entre environ 400 et 800 nm, domaine
très important lui aussi pour de nombreuses applications (affi- Le développement de diodes laser à semi-conducteurs émettant
chage, visualisation, vidéoprojection, microscopies de haute réso- directement dans le domaine UV-visible avec des puissances utili-
lution, diagnostic cellulaire, photothérapie...), la problématique est sables (de l’ordre du watt) est quant à lui beaucoup moins mature et
un peu différente. On a longtemps utilisé et certains utilisent encore en pleine évolution. En fait, les diodes laser réellement dis-
encore des lasers à gaz ou des lasers à colorants organiques. Les ponibles dans le commerce émettant dans ce domaine se divisent
lasers à gaz les plus répandus sont les lasers à argon ou krypton en deux catégories, le domaine du rouge et du rouge profond (650 à
ionisés à fonctionnement continu avec leurs raies d’émission les 700 nm) qui est couvert par des diodes à semi-conducteurs de type
plus intenses à environ 488 et 514,5 nm, pour le laser argon, et à GaAlInP et le domaine bleu-UV (figure 1). Pour ces dernières, tout a
647,1 nm pour le krypton. On a également beaucoup utilisé le laser démarré avec le nitrure de gallium GaN dans sa phase cubique,
à vapeur de cuivre à fonctionnement impulsionnel nanoseconde, matériau semi-conducteur binaire (III-V) dit à « grand gap » (bande
en particulier pour la séparation isotopique de l’uranium, avec ses interdite, c’est-à-dire écart entre bande de valence et bande de
deux raies d’émission à 510,6 et 578,2 nm. Les lasers à colorants conduction, d’environ 3,2 eV) conduisant à un rayonnement laser à
organiques fonctionnent quant à eux à partir de colorants préparés 390 nm, puis s’est poursuivi avec l’alliage ternaire InxGa1-xN
la plupart du temps sous forme liquide. Ils peuvent être préparés (InGaN), lequel permet aujourd’hui de produire des diodes laser
sous forme solide mais avec une photostabilité assez médiocre. Ils jusqu’à environ 470 nm. Il s’agit en fait du même matériau que l’on
peuvent fonctionner en mode continu comme en mode impulsion- utilise dans la fabrication des diodes laser à 405 nm exploitées dans
nel et sont très largement accordables (sur une bonne dizaine de les disques « Blu-Ray » et des diodes électroluminescentes (LED) à
nanomètres). C’est avec des colorants qu’on a pu fabriquer par 450 nm mises en œuvre dans les LED blanches.
exemple les premiers lasers à blocage de modes fonctionnant en Ces découvertes et développements technologiques sont
régime femtoseconde. Ce sont des lasers très efficaces mais qui aujourd’hui d’une importance considérable et ont valu à leurs
nécessitent un pompage par laser UV ou visible (initialement des auteurs (Shuji Nakamura, Isamu Akasaki et Hiroshi Amano) le Prix
lasers à azote, à argon ou krypton ionisé, puis des lasers à solides Nobel de Physique 2014. De telles diodes peuvent être fabriquées
à ions de terres rares associés à un ou plusieurs convertisseurs de à la demande sous forme fibrée avec des diamètres de cœur d’une
fréquences) qui est lui-même peu efficace ou trop encombrant. centaine de micromètres et des puissances dépassant la dizaine de
D’autre part, comme les lasers à excimères, les colorants sont de watts. Ce même type de matériau pourrait permettre d’atteindre
durée de vie très limitée, ce qui nécessite là encore une mainte- des puissances encore plus élevées, mais il semblerait que cette
nance qui va à l’encontre de nombreuses applications. Contraire- progression soit quelque peu freinée actuellement par la mauvaise
ment aux domaines UV, cependant, il existe d’ores et déjà miscibilité des composés InN et GaN et pour des problèmes de
plusieurs solutions de remplacement de ces lasers à colorants par substrat [1]. C’est vraisemblablement pour les mêmes raisons qu’il
des lasers à solides, ces lasers pouvant être des lasers à émission n’existe pas encore de diodes laser monoélément stables et suffi-
directe ou à émission infrarouge associée à un convertisseur de samment puissantes dans le domaine vert-jaune (500 à 600 nm).
fréquence. Cela peut être également des oscillateurs paramé- C’est ce qu’on a coutume d’appeler le green-gap. En tout cas, pour
triques optiques (OPO) infrarouges associés à des convertisseurs l’instant, les diodes laser InGaN fonctionnant autour de 450 nm
QPW
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
eVTXU
7,0
AIN
En italique : bande
6,0 interdite indirecte
Diamant
BN
Largeur de la bande interdite (eV)
AIN
5,0
MgS
4,0
ZnS ZnS MgSe
Ultra- GaN
violet 4H-SiC ZnO GaN MgTe
3,0 2H-SIC
6H-SiC ZnSe ZnSe
CdS BP
AIP CdS
3C-SiC ZnTe
2,0 InN GaP
AIAs CdSe
InN GaAs
Infra- CdSe AISb
rouge CdTe
1,0 InP
Si
InAs
Ge GaSb InSb
0
2,0 3,0 4,0 5,0 6,0 7,0
Constante de réseau (Å)
Exemple : largeur de bande de InGaN : valeur intermédiaire de celles de GaN et InN suivant
la proportion de chacun d’eux, c’est-à-dire entre environ 3,2 et 2,2 eV, soit entre 390 et 560 nm
Figure 1 – Largeurs de bande interdite des principaux semi-conducteurs binaires donnant le domaine d’émission possible pour chacun d’eux et
pour leurs alliages
permettent déjà de servir de sources de pompage pour des sys- couche 4f pour les ions Ce3+, Pr3+ et Nd3+, respectivement. S’agis-
tèmes laser à solides très efficaces émettant eux-mêmes des sant de configurations électroniques de parités différentes, on a
rayonnements dans le vert-jaune. Ces systèmes seront présentés donc affaire à des transitions dipolaires électriques très intenses
dans le paragraphe 2.3. avec des sections efficaces de l’ordre de 10–18 cm2 et des durées
de vie de niveaux émetteurs de quelques dizaines de nanose-
condes. D’autre part, s’agissant, dans la configuration électronique
2.2 Lasers à ions de terres rares excitée 4fn–15d (écriture abrégée de Xe4fn–15d) d’un électron
pour le proche UV optique 5d très sensible à son environnement, les transitions
optiques sont en fait de type vibronique (électronique + vibration-
Hormis les diodes laser à semi-conducteurs, la plupart des sys- nelle) et se présentent en absorption comme en émission sous la
tèmes laser à solides utilisés aujourd’hui (et depuis longtemps) forme de bandes larges d’une trentaine de nanomètres.
reposent sur des matériaux, des verres ou des monocristaux à La figure 3a montre à titre d’exemple les bandes d’émission
l’état massif ou sous forme de fibres ou de couches minces, dopés caractéristiques de l’ion Ce3+ dans quatre types de cristaux dont
par des ions de terres rares trivalents [E 1 980]. Néanmoins, seuls ceux mentionnés plus haut. On est donc en présence de systèmes
certains cristaux dopés par l’ion Ce3+ se sont révélés vraiment uti- laser potentiellement très largement accordables, au même titre
lisables pour produire un rayonnement laser, qui plus est accor- que les lasers à centres colorés, le Ti:Saphir ou le Cr:ZnSe, mais
dable, dans le proche UV, et cela malgré de nombreuses études. Il dans le proche UV au lieu du proche et du moyen infrarouge (voir
s’agit des colquiirites LiCaAlF6 et LiSrAlF6 et des scheelites LiLuF4 tableau, figure 3b pour un résumé des principales caractéristiques
et LiYF4 , deux types de fluorures monocristallins se caractérisant spectroscopiques de ces différents milieux laser).
par une bande interdite de plus de 10 eV. C’est précisément grâce
à cette grande bande interdite et à la position des niveaux d’éner- Le schéma figure 2a montre aussi que la position des niveaux
gie de l’ion dopant Ce3+ par rapport aux bandes de valence et de bas des ions par rapport aux bandes de valence et de conduction
conduction des cristaux « hôtes » qu’il est possible d’obtenir un des réseaux hôtes est sensiblement différente, avec des niveaux
rayonnement laser UV efficace [2]. plus hauts pour l’ion Ce3+ que pour les ions Pr3+ ou Nd3+. Il montre
également que les énergies des transitions optiques mises en jeu
Cela se comprend bien à partir des schémas représentés sur la sont plus importantes, donc décalées dans l’UV et le VUV,
figure 2 où nous avons reporté les niveaux d’énergie et les transi- lorsqu’on passe de l’ion Ce3+ aux ions Pr3+ et Nd3+. Par ailleurs, le
tions optiques à l’origine des émissions UV de l’ion Ce3+, mais schéma de droite indique que plus les niveaux d’énergie sont
aussi des ions Pr3+ et Nd3+, par rapport aux bandes de valence décalés vers le haut et les transitions optiques mises en jeu sont
(VB) et de conduction (CB) du cristal hôte (figure 2a ), et les méca- importantes, plus on devra compter avec des mécanismes de
nismes d’excitation dans l’état excité et de formation de centres pertes optiques résultant de l’absorption (dans l’état excité émet-
pièges à l’origine des pertes optiques, voire parfois de l’absence teur de l’ion Ce3+) du rayonnement d’excitation ou du rayonne-
totale de gain laser (figure 2b ). ment émis vers des niveaux de la bande de conduction (étapes 1 et
Le schéma de la figure 2a indique d’abord que les transitions 2) et de la formation de centres colorés (ou centres pièges) perma-
optiques mises en jeu sont des transitions entre niveaux de configu- nents ou transitoires (étape 3) réduisant ou inhibant toute possibi-
rations électroniques fondamentales et excitées Xe4fn et Xe4fn–15d, lité de gain laser. Et c’est bien en raison de ces phénomènes qu’il
où n = 1, 2 et 3 représente le nombre d’électrons optiques sur la n’a jamais été possible d’obtenir un effet laser UV efficace et/ou
QPX
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
eVTXU
5d 3 4
4f5d 4f25d
Pertes
ESA
1S 1 2 Pièges
0
2G 5d
7/2,9/2
2F
5/2,7/2
13
IP 4D
6 0,1,2 3/2 lexc lem
2F 2P
5/2,7/2 1D 3/2
2
Ce3+
4F 4f
3/2
3H
4
Pr3+
Eg ≈ 11 eV
4I
9/2
Nd3+ Bande de valence (VB)
VB
a b
Figure 2 – Niveaux d’énergie des ions Ce3+, Pr3+ et Nd3+ (a ) par rapport aux bandes de valence et de conduction d’un réseau hôte tels que
LiLuF4, et (b ) mécanismes de pertes optiques par absorption du rayonnement d’excitation ou du rayonnement laser (ESA) à partir du niveau
émetteur (5d, 4f5d ou 4f25d) ou de centres pièges vers la bande de conduction
3,0
Systèmes lem (nm) sem (cm2)
KMgF3 LuPO4 DE/E
LiCaAIF6 LiLuF4 vibroniques tf
2,5
Ce3+:LiCaAlF6 10–17
Intensité d’émission (u.a.)
280-315 12 %
2,0 (Ce:LiCAF) 30 ns
1,0 –17
KCl:Ti0 1 400-1 600 1,3 × 10 14 %
1,6 µs
0,5
8 × 10–19
Cr2+:ZnSe 2 200-2 900 27 %
8 µs
0,0
240 260 280 300 320 340 360 380 400
Longueur d’onde (nm)
a b
Figure 3 – Spectres d’émission UV large bande de cristaux dopés par l’ion Ce3+ (a ) et caractéristiques (b ) des matériaux laser
les plus connus pour donner un rayonnement laser accordables dans un grand domaine de longueurs d’onde
QPY
QQP
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Techniques de combinaison
de sources laser
Points clés
Domaine : Électronique – Photonique
Degré de diffusion de la technologie : Croissance
Technologies impliquées : Laser, optique, électronique
Domaines d’application : Développement de sources laser et montée en puis-
sance.
Contact : pierre.bourdon@onera.fr
p。イオエゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@RPQW
QQQ
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QQR
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additionneront simplement leurs profils spatiaux et donc leurs Il est possible dans certains cas d’étendre la technique de
puissances dans le plan de superposition. combinaison par polarisation à un nombre plus élevé de
Par contre, pour qu’il n’y ait pas d’interférence entre les fais- sources laser, en ajoutant des dispositifs de rotation de polari-
sation et en procédant de proche en proche « en cascade ». On
ceaux, les deux conditions précédentes sont indispensables afin
superpose les lasers 2 par 2, en ajoutant à chaque étape un
que les directions de polarisation instantanées des lasers
faisceau laser superposé (figure 2). Toutefois, cela n’est pos-
soient perpendiculaires. Cette condition d’orthogonalité des
sible que dans le cas particulier où les lasers sont très cohérents
polarisations limite donc cette technique à la combinaison de 2
(fins spectralement) et sont mis en phase, par exemple par un
sources laser au maximum.
contrôle actif de la phase. En effet, la polarisation résultante de
Cette technique de combinaison est néanmoins couramment la combinaison de deux faisceaux polarisés linéairement n’est
employée pour multiplier par 2 la puissance émise par certains pas forcément, quant à elle, polarisée linéairement. La direction
lasers de forte puissance, comme par exemple des diodes laser de son champ électrique peut fluctuer dans le temps au gré des
de puissance. Les diodes laser émettent généralement un fais- fluctuations de phase indépendantes des deux sources laser qui
ceau laser polarisé linéairement, perpendiculairement à la jonc- ont été superposées.
tion émettrice dans le matériau semi-conducteur qui les Si les deux lasers sont cohérents et mis en phase, par contre,
constitue. On profite de cette propriété de polarisation linéaire la résultante de leur combinaison par polarisation est un laser
pour utiliser cette méthode très simple de combinaison afin de linéairement polarisé à 45° de chacune des polarisations croi-
coupler 2 par 2 les modules de diodes laser de puissance et réa- sées initiales (figure 2). On peut donc envisager ensuite de
liser des systèmes de diodes laser encore plus puissants. La combiner de nouveau ce faisceau polarisé linéairement par
figure 1 montre comment superposer de la sorte deux fais- polarisation croisée, et construire ainsi un schéma de combinai-
ceaux, le faisceau du laser polarisé horizontalement représenté son par polarisation « en cascade », soit en ajoutant une lame
en rouge, et le faisceau du laser polarisé verticalement en bleu demi-onde pour tourner de 45° la polarisation avant le second
(les flèches placées à côté des axes de propagation indiquent prisme combineur (figure 2), soit en tournant de 45° le second
les polarisations des deux faisceaux). combineur et son axe sélectif en polarisation.
Les composants optiques utiles pour effectuer cette superpo- L’expérience montre cependant que cette approche en cas-
sition sont des polariseurs. N’importe quel polariseur peut être cade est limitée en nombre de sources combinées, à la fois par
utilisé pour ce faire, puisqu’un polariseur permet de séparer les difficultés d’alignement de ce type de dispositif, mais surtout
deux composantes de polarisation croisées. Utilisé en sens par les pertes de puissance à chaque étage de combinaison.
inverse, il superposera donc deux composantes croisées de Ainsi, l’institut Friedrich Schiller de Jena (Allemagne), qui a
polarisation. On peut ainsi utiliser aussi bien les prismes polari- tenté de combiner de la sorte plusieurs lasers femtoseconde, a
seurs (figure 1), par exemple les prismes de Glan, que les dû se limiter à en combiner 4 [1]. Au-delà de ce nombre, il ne
lames polarisantes recouvertes d’un traitement multi-couches s’est pas avéré possible de limiter les pertes de puissance suffi-
diélectriques séparateur de polarisations. samment pour maintenir une efficacité de combinaison de
100 %. Selon cette équipe, quelle que soit l’application, le seuil
rédhibitoire en matière de pertes induites par le composant de
combinaison, conduisant à une dégradation trop importante des
faisceaux laser combinés et une baisse d’efficacité de combinai-
+ son inacceptable, est estimé à 8 sources laser combinées.
+ = +
Lame
demie-onde
Une lame demi-onde permet de tourner de 45° la polarisation entre deux combineurs consécutifs.
QQS
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QQT
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lasers, des défauts de pointage des dispositifs opto-mécaniques lant de l’information, et d’augmenter ainsi le débit des liaisons
et de l’instabilité de pointé intrinsèque d’un faisceau, la portée téléphoniques ou internet.
maximale d’une arme laser utilisant cette technique de combi- Ici, on considère non pas l’intérêt de ce multiplexage pour
naison par superposition optimisée est de 2 à 3 km seulement. additionner des signaux numériques, mais pour additionner des
La technique de combinaison par superposition spatiale de puissances laser en utilisant un procédé identique.
faisceaux brille donc par sa simplicité de mise en œuvre et sa
compatibilité avec n’importe quelle source laser large bande 2.3.1 Technique expérimentale
spectrale, mais reste limitée quant à la densité de puis- La combinaison spectrale repose toujours sur un composant
sance laser combinée qu’elle permet d’atteindre. L’étalement multiplexeur : un réseau diffractif. Le principe de fonctionne-
de la zone éclairée par le laser limite le nombre de sources que ment d’un réseau diffractif est simple : la direction dans laquelle
l’on peut combiner à une dizaine environ. le réseau renvoie la lumière varie avec la longueur d’onde et la
direction d’incidence de la lumière sur le réseau. Un exemple de
2.3 Combinaison par superposition spectrale réseau diffractif est le réseau gravé sur lequel des stries recti-
lignes parallèles et périodiques sont inscrites mécaniquement
ou optiquement. Il s’agit alors de réseaux holographiques avec
La combinaison spectrale, encore appelée combinai- inscription du réseau périodique sous forme d’hologramme, en
son par multiplexage en longueur d'onde, consiste à volume ou sur une faible épaisseur en surface ; le réseau est
superposer spatialement à l’aide d’un réseau diffractif, les donc présent en volume dans le matériau constituant le compo-
faisceaux de plusieurs lasers dont les spectres optiques sont sant holographique.
légèrement décalés. On peut montrer que la loi de diffraction en réflexion d’un
réseau gravé de la sorte est la suivante (figure 6a ) :
Intensité
lumineuse
Réseau
de diffraction
λ1
λ2
λ3
Longueur
Faisceau multiplexé d’onde
en longueur d’onde
QQU
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