Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
Réalisé par le Médiateur pour la démocratie et les droits de l’Homme (MDDH, indiqué aussi
par le Médiateur), Le présent rapport est une contribution à la collecte de données, leur
analyse et à la formulation de recommandations, susceptibles d’attirer l’attention sur des
dysfonctionnements en vue de les corriger.
Le MDDH a suivi une méthodologie conforme aux normes et standards reconnus dans
l’élaboration des rapports des ONG des droits de l’Homme et a veillé à diversifier les sources
et les indicateurs retenus pour l’analyse des questions, objet de ce rapport.
A cet effet, nous avons procédé à la collecte, au traitement et à l’analyse des informations
rapportées par plusieurs supports médiatiques, ou qui sont parvenues à l’association, ou qui
ont fait l’objet de plaintes publiques, ou en provenance de parties prenantes ou impliquées
dans les cas que nous avons traités.
Les données publiées par les institutions publiques ont été aussi exploitées, et tenant
compte des engagements conventionnels du Maroc, ainsi que les données émanant des
agences et organes des traités des Nations unies, notamment pour déterminer les objectifs
et les indicateurs du suivi et du monitoring.
A chaque axe de ce rapport, nous avons indiqué les données et les indicateurs émanant du
pouvoir exécutif, et relevé les préoccupations du pouvoir législatif en matière de droits et
des libertés pour l’année 2019, à partir des questions des parlementaires. Afin de compléter
le monitoring, nous avons tenu à présenter notre lecture de certaines décisions judiciaires
relatives à l’exercice des droits et libertés.
Le Médiateur a abordé dans ce rapport dix thèmes afférents à certains droits et libertés. Ce
choix ne signifie pas que ce sont les sujets les plus saillants en matière des droits au Maroc ;
d’autres thèmes, tout aussi importants, ont été largement débattus par le mouvement des
droits de l’Homme et les médias.
Mais l’élément marquant qui encadre le débat sur les droits de l’Homme au Maroc en 2019
est le niveau de "régression" de "crise" des droits et le sentiment aigü de recul du respect de
ces droits, pour reprendre une expression d’une institution publique, le Haut-commissariat
au plan (HCP), rapportée dans son enquête de conjoncture auprès des ménages pour
l’année 2019, selon laquelle 23.8% des foyers avaient déclaré que la situation des droits de
l’homme au Maroc s’est dégradée contre 18.7% pour l’année 2018. Indépendamment de
toute prise de position, le présent rapport ambitionne, d’une part, de fournir des indicateurs
fiables et crédibles participant à une meilleure appréhension de la situation des droits et
libertés et d’autre part, d’actualiser l’approche des droits et libertés au Maroc afin de
dépasser la polarisation exacerbée entre le discours de la régression des droits et du retour
aux anciennes pratiques de violations graves des droits de l’homme et le discours vantant les
grandes réalisations dans ce domaine.
Dans un deuxième temps, le rapport présente des cas de violation du droit à la vie en lien
avec les libertés de réunions et de manifestation pacifiques, : le taux d’interdiction ou
d’usage disproportionné de la force a été de 1.17% avec l’enregistrement de deux cas de
décès durant l’année 2019.
Le rapport présente aussi des violations du droit à la vie en lien avec l’usage des armes de
service, le nombre élevé des accidents de la route et des suicides, des tentatives
d’émigration irrégulières, le non-accès aux services de santé ou leur faiblesse en cas d’accès.
Toutes ces données constituent un sujet de vive préoccupation et exigent une révision des
législations et l’élaboration et la mise en œuvre de politiques équitables garantissant la
protection de ce droit.
2
publiques ;
Le Médiateur a considéré que la justice a été saisie pour obtenir un jugement de dissolution
de l’association qui manque de fondements juridiques : l’association mise en cause a d’une
part nié tout lien avec l’activité invoquée par le Parquet général pour demander la
dissolution et d’autre part, le parquet n’a pas pu présenter de preuve irréfutable du lien de
Racines avec l’activité. Ce jugement est injuste et inéquitable et n’est pas conforme aux
garanties constitutionnelles attestées dans les articles 12 et 29.
En outre, Le Médiateur note que des décisions d’interdiction prises par les autorités depuis
des années ont continué en 2019 à porter atteinte à la liberté associative.
3
- Remise du reçu provisoire mais refus de remise du reçu définitif dans les délais
déterminés par la loi (60 jours), ou remise après ce délai, laissant les associations en attente,
ne peuvent faire d’opérations bancaires, surtout depuis que la Banque du Maroc a diffusé
une circulaire aux établissements bancaires leur demandant d’exiger le reçu définitif, ce qui
revient à arrêter les activités des associations et à impacter négativement leurs
engagements ;
- Non-accès aux différents espaces et locaux pour organiser des activités y compris
les assemblées générales et les congrès de renouvellement des instances, en violation des
dispositions de la circulaire n° 99/28, que le Conseil national des droits de l’Homme a
recommandé de transformer en décret ;
- Exclusion des associations lors des consultations et débats sur les politiques
publiques qui les concernent ; lorsqu’elles sont sollicitées, leur présence est là, juste pour
répondre aux exigences des partenaires internationaux ou parce que la pratique
conventionnelle l’exige pour l’élaboration des rapports nationaux. Cette participation
formelle des associations explique la non prise en compte de leurs propositions lors de
l’élaboration des politiques publiques ;
- L’abolition des peines privatives de liberté dans les textes législatifs concernant la
liberté d’association ;
4
III. Concernant la liberté de rassemblement et de réunion pacifique
Pour répondre aux questions des différents acteurs concernant la liberté de rassemblement
et de réunion pacifique, le gouvernement s’appuie sur une " rhétorique de chiffres ", une
approche quantitative : le fait de manifester est devenu une pratique normalisée, et
l’intervention des forces de l’ordre pendant les dix premiers mois de l’année 2019 n’a touché
que 941 manifestations sur un chiffre global de 12.052. Mais cette affirmation ignore des
évolutions inquiétantes et des paradoxes que Le Médiateur a relevés :
Œuvrer à l’abolition des peines privatives de liberté dans les textes législatifs en
rapport avec le droit de réunion et de manifestation pacifique ;
Engager les autorités à justifier les décisions d’interdiction et de les remettre par
écrit aux responsables des manifestations, pour leur permettre d’exercer leur droit de faire
appel devant les tribunaux ; et de veiller à respecter les procédures légales lors des
interventions ;
5
IV. Concernant le droit d’opinion et d’expression
Malgré la consécration par la constitution de la liberté d’opinion et de la liberté d’expression
avec les garanties nécessaires, et bien que le Code de la presse et de l’édition a intégré de
nombreuses revendications du mouvement des droits de l'homme et des professionnels des
médias, la pratique démontre les limites dans la protection de liberté d’opinion et
d’expression, comme le démontrent les cas suivants :
Mise sous scellés de domicile : cette affaire remonte à l’année 2006 à l’occasion de la
mise sous scellés de la maison de M. Mohamed Abbadi, secrétaire général du Groupe Justice
et Spiritualité (al-adl wal-Ihssane) pour ensuite toucher d’autres membres du même groupe
et atteindre 14 domiciles au cours de l’année 2019. Selon les autorités, ces domiciles
" accueillent des rassemblements publics non autorisés et certaines de ces maisons n’avaient
pas de permis de modification de construction ". Pour sa part, le Médiateur considère que la
mise sous scellés s’oppose aux dispositions de l’article 35 de la constitution qui garantit le
droit de propriété et aux dispositions de l’article 24 de la constitution qui reconnaît le droit à
la vie privée. Il n’y a pas de texte de loi qui encadre la procédure de mise sous scellés de
domicile, ni dans le Dahir des libertés publiques ni dans la loi sur les rassemblements. Cette
opération demeure donc une décision administrative empreinte d’arbitraire et d’abus de
pouvoir.
6
protéger la liberté d’opinion et d’édition ; de restreindre le pouvoir discrétionnaire de la
justice pour statuer dans les procès de la presse et de garantir la confidentialité des sources
d’information de manière claire, et de promulguer le principe de proportionnalité entre le
préjudice survenu et les indemnisations accordées dans les procès en diffamation ;
En contrepartie, la liberté d’exercice des pratiques religieuses par les autres minorités
(Marocains de confession et de religion autre que l’Islam ou le rite malékite ou des
Marocains sans religion) reste limitée puisque le citoyen né musulman n’est pas autorisé à se
convertir à une autre religion, ce qui l’oblige à une pratique secrète, ou à une dissimulation
de sa foi dans un environnement peu tolérant.
Malgré l’article 3, qui " garantit à tous le libre exercice des cultes ", la pratique montre que
seuls les chrétiens étrangers bénéficient de cette protection constitutionnelle. D’autant plus
que le Code pénal (articles 200 et 220) et le Code de la famille (articles (39 et 332) sont en
contradiction avec la constitution qui reconnaît la liberté de pensée, d’opinion et
d’expression, ainsi que l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Partant du principe que la liberté de conscience se fonde sur le rejet de toutes les formes de
violence, de fanatisme et de discrimination sur la base de la religion ou de la confession ou
en leur nom, le Médiateur a estimé judicieux de s’arrêter sur certaines situations survenues
en 2019. Il s’agit de discours émanant de personnalités religieuses visant des individus en
raison de leur croyance et incitant à la haine et à la violence à leur encontre. Le débat public
autour des libertés individuelles pendant la présentation du projet de code pénal devant
l’institution législative a été l’occasion de réaffirmer différentes formes de discours
d’incitation à la haine et à la violence, en l’occurrence les déclarations de Ahmed Raissouni,
Hamid Aqra et Hassan Kattani. D’autre part, lors de l’annonce de la formation des membres
de la commission spéciale du nouveau modèle de développement, Abdelilah Benkirane a
émis des propos dénigrant la compétence des membres de ladite commission sur une base
religieuse.
Par conséquent, le Médiateur ne s’est pas contenté de relever les contenus de ces discours
incitant à la haine et à la violence mais a tenu également à souligner la responsabilité morale
et politique quant aux répercussions et interactions avec ces discours. En effet, ces propos
ont été à l’origine d’une vague de diffamations et d’insultes réciproques fondées sur la
7
religion et la religiosité frôlant parfois l’extrémisme violent envers les deux parties, comme
en témoignent les réactions citées en exemple.
VI. Concernant les droits humains des femmes et l’égalité entre les
sexes
L’égalité entre les sexes ainsi que les différents droits humains des femmes demeurent un
engagement gouvernemental sans effectivité. Malgré l’interdiction constitutionnelle de
toute forme de discrimination sur la base du sexe, et malgré l’engagement du Maroc à
mettre en conformité ses lois avec la convention internationale pertinente et à mettre en
œuvre les objectifs du développement durable de 2030, les indicateurs se rapportant à la
garantie de la justice de genre au niveau des lois et de l’égalité entre les deux sexes dans la
vie politique et économique, reflètent encore la persistance de cette discrimination.
- 57 % des femmes ont été victimes d’au moins une forme de violence pendant
l’année 2019 ;
8
- La représentativité des femmes au sein du parlement est de 21% à raison de 81
femmes sur un total de 395 sièges ;
Adopter une stratégie nationale pour l’égalité entre les deux sexes et la garantie
des droits humains des femmes qui dépasse le calendrier électoral et se base sur une
approche droits ; et appliquer les engagements volontaires du Maroc en la matière ;
Compte tenu des données présentées ci-dessus, la capacité d’accueil globale jusqu’en
septembre 2019 est de 159.505 mètres carrés, ce qui amène la superficie pour chaque
détenu à 1.86 mètre carré alors que les normes européennes imposent un espace de vie
9
d’au moins 4 mètres carrés pour chaque prisonnier.
Cette situation s’aggrave avec les défis que pose l’accès aux soins médicaux puisque le
nombre des médecins ne dépasse pas 102 médecins, autrement dit un médecin pour 841
détenus et 71 dentistes pour 1200 détenus ; le nombre des infirmiers est de 478 à raison
d’un infirmier pour 179 détenus et un psychiatre pour 1649 détenus.
Appliquer l’Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus et veiller
à exécuter les recommandations des organes conventionnels, s’en inspirer lors de la
préparation des politiques y afférentes, en même temps que les propositions de la
Déclaration de Doha issue du treizième congrès des Nations unies sur l’interdiction du crime
et la justice pénale de 2015 ;
Six ans après la publication de la loi-cadre dans le Bulletin officiel, le gouvernement tarde
toujours à élaborer et publier les textes réglementaires de ladite loi, la vidant de sa teneur,
freinant ainsi l’impact de ses dispositions comme la création d’un comité national
chargé "du suivi de l’application des différentes stratégies et programmes en relation avec la
promotion des droits des personnes en situation de handicap et de la préparation d’un
10
rapport annuel ".
Il est donc nécessaire d’amender la loi-cadre pour être conforme avec la Convention comme
l’ont recommandé le Conseil national des droits de l’homme (CNDH), le Conseil économique,
social et environnemental (CESE) ainsi que les associations actives dans ce domaine.
Par ailleurs, le gouvernement n’a pas pris de mesures pour sensibiliser toutes les institutions
de la société aussi bien dans l’espace public que privé (la famille, l’école, la presse, les lieux
du travail, …), aux droits des personnes en situation de handicap, comme il n’a pas élargi les
attributions des centres de protection contre la violence créés au niveau des tribunaux pour
intégrer la protection les personnes en situation de handicap.
Reconnaître l’égalité des PSH avec tous devant la loi en leur conférant la capacité
juridique, et encourageant son exercice pour garantir le droit à la propriété, le droit de
succession, le droit de recours à la justice et assurer l’autonomie ;
Amender la loi régissant les prisons de manière à tenir compte des droits de
cette catégorie au sein des établissements pénitentiaires ;
11
IX. Concernant les droits de migrants et des réfugiés
Malgré les efforts déployés par le Maroc en matière de protection et de promotion des
droits des migrants et des réfugiés, l’application des engagements volontaires liés à la
convention y afférente, est confrontée à plusieurs défis qui impactent négativement la
situation des migrants et des réfugiés au Maroc.
- Malgré le droit des personnes ayant obtenu le statut de réfugié d’accéder aux
services sociaux, et principalement aux services sanitaires et juridiques sans considération
aucune de leur situation administrative, ces services ne sont pas dispensés dans la plupart
des cas en raison des faiblesses du système de santé au Maroc comme le manque en
ressources humaines et le coût onéreux de certains soins. Par ailleurs, certains
établissements sanitaires refusent de fournir les soins nécessaires en raison de la non-
application de la convention de base, liée à la couverture médicale. Ceci oblige d’intégrer les
migrants et les réfugiés à la population ayant droit de bénéficier du Régime d’assistance
médicale " RAMED " ;
12
racistes, l’absence d’un cadre légal sur les procédures d’octroi du statut de réfugié aux
frontières aux personnes susceptibles de la demander à raison, et enfin l’inadaptation des
programmes de formation professionnelle destinés aux femmes migrantes aux besoins du
marché du travail.
Poursuivre les efforts pour dépasser les obstacles de gestion au niveau des
administrations territoriales qui entraînent la privation des migrants du droit à la santé, à
l’éducation et au renouvellement des titres de séjour ;
13
similaire aux instances de bonne gouvernance stipulées dans les articles 161 à 170 ou en la
dotant d’une base juridique avancée lui permettant d’élargir ses attributions.
La protection des données personnelles et du droit à la vie privée se heurte encore à des
contraintes et à des défis. La pratique révèle de nombreux dépassements et violations
perpétrés par des institutions publiques et privées, par des individus et par des médias. Ils
reflètent une très faible prise de conscience de la société dans son ensemble, ce qui engage
la responsabilité de tous dans la protection des données personnelles et le respect de la vie
privée de tous.
14