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Introduction
Il est difficile de définir l’œuvre d’art. En effet, la diversité des œuvres, de leurs fonctions
éventuelles dans la société (religieuse, propagande, politique, etc), des intentions de
leurs auteurs, de leurs matériaux, de leur style fait qu’on ne dispose pas de critères
objectifs universels évidents pour juger qu’une œuvre est artistique. Même les effets
produits par ces œuvres sont très divers. Ces effets à partir desquels on tend à juger une
œuvre d’art ne sont d’ailleurs pas exclusifs de l’art : ce peut être l’émotion suscitée par
une œuvre qualifiée de romantique, ce peut être la réflexion à laquelle invite l’art
conceptuel.
Par ailleurs, l’autonomie de l’art par rapport à d’autres formes de production comme
l’artisanat est récente mais aussi mise ne question dans le design et son rôle dans
l'économie et dans l'incitation à la consommation.
Pourtant l’art ne semble pas pouvoir se réduire à une simple technique que pourtant il
suppose, ni même à une simple habileté que l’artiste partage avec l’artisan.
Enfin les goûts en matière d’art sont très divers et la sensibilité esthétique nécessite
parfois une éducation soit à des courants artistiques, soit à se débarrasser de préjugés
en matière esthétique, soit à une certaine culture pour pouvoir comprendre le sens de
certaines œuvres ou du moins en apprécier toute la richesse.
I. Art et technique.
1. Au-delà de l’utilité.
Dans la production artisanale, le produit a toujours une fonction utilitaire que toutes les
œuvres d’art ne possèdent pas, du moins depuis quelques siècles. Pourtant beaucoup
d’œuvres d’art ont été créées dans un but utilitaire. Par exemple, les totems africains, les
peintures de l’Egypte antique, les chants destinés à transmettre des messages religieux
ou à supporter une prière avaient une fonction religieuse ou sociale et ont été créés dans
ce but. Certes à travers ces œuvres leurs auteurs s’efforçaient de dépasser cette fonction
simplement utilitaire, profitaient des commandes qu’on leur faisait pour manifester leurs
qualités à travers ces œuvres. Alors quels critères permettent de distinguer une œuvre
artisanale et une œuvre d’art ?
On peut remarquer que la production d’un objet utilitaire dans l’artisanat répond à un
besoin précis de sorte que l’objet doit obéir à une sorte de cahier des charges qui
commandent dans sa réalisation l’accomplissement de règles précises dont la définition
préexiste à leur réalisation. Comme le fait remarquer Alain, l’objet artisanal, répondant à
des besoins précisément identifiables, le projet de la production artisanale préexiste avec
précision à sa réalisation et dicte à l’artisan les règles de la production. Au contraire, si
l’artiste a un projet (il travaille parfois et, jadis, souvent à la commande), ce projet qui
impose un certain nombre de prescriptions à l’artiste ne permet pas néanmoins de
présumer du résultat final de sorte que le projet se définit à mesure que l’artiste réalise
son œuvre et même n’apparaît complètement qu’une fois l’œuvre achevée.
L’originalité en art doit être exemplaire, elle doit être susceptible de donner naissance à
une école ou à un courant artistique. De ce fait, elle doit pouvoir servir de modèle pour
l’imitation simplement scolaire pour d’autres artistes sans génie ou d’inspiration pour
d’autres artistes de génie qui donneront de nouvelles intentions aux procédés qu’ils
auront empruntés à leurs sources d’inspiration. Ainsi, Georges de Latour (1593-1652)
reprend le procédé du clair-obscur utilisé par Le Caravage (1571-1610) mais en
l’investissant d’une nouvelle intention. L’imitation simplement scolaire imite le procédé
sans être capable de le réinvestir d’une intention originale jusqu’au maniérisme :
imitation de la forme ou du procédé pour lui-même sans l’investir d’aucune intention
originale.
Fin = but
ð L’oeuvre d’art, comme tout produit de l’action humaine délibérée, a le caractère
d’un produit qui a une fin (elle a donc une finalité) sans que pourtant l’on puisse
déterminer cette fin.
L’oeuvre d’art ou du moins ce qu’il y a d’artistique en elle n’est pas créé dans un but
utilitaire : par exemple, si le chant religieux est censé porter et transmettre un message,
l’originalité de ce chant, ce qu’il y a d’esthétique en lui et qui nous touche reste étranger
à ce message religieux au point que l’Eglise a pu jadis condamner la polyphonie vocale
dans le chant religieux sous prétexte que l’auditeur ou le chanteur risquait d’être
davantage sensible à la beauté du chant qu’au sens du message. De même, nous
pouvons apprécier un chant ou une musique sans comprendre sa signification (c’est
souvent le cas dans l’opéra) ou sans partager son intention religieuse.
Comment alors pouvons-nous juger de la présence de ce sens non utilitaire dans une
oeuvre humaine ? Par le sentiment qu’elle procure du fait de cette mise en forme, ce que
communément nous appelons la beauté ? Mais qu’est-ce que le beau ? Et toute oeuvre
d’art vise-t-elle la beauté ?
L’oeuvre d’art est un objet matériel donc sensible puisque c’est par nos sens que nous la
percevons. Or ce qui procure du plaisir aux sens relève de l’agréable. Peut-on assimiler le
beau et l’agréable ?
On qualifie d’agréable ce qui flatte nos sens en répondant à un désir ou à un besoin. Par
exemple, il est agréable de boire de l’eau quand on a soif ou de s’affaler dans un fauteuil
confortable lorsqu’on est fatigué.
Exemples :
3) Le beau n’est pas la représentation d’une belle chose mais la belle
représentation d’une chose.
Toutefois toute oeuvre d’art n’est pas figurative (par exemple, l’art abstrait, l’architecture
ou la musique ne renvoient à des choses que leur titre bien souvent qui nous aide à les
interpréter). Ne faut-il pas alors substituer à l’idée de l’art comme représentation (idée
que partage Kant) l’idée de l’art comme expression ?
4) Le beau est l’objet d’une satisfaction désintéressée qui ne s’adresse pas
seulement à nos sens par lesquels nous les percevons mais provoque en nous le
libre jeu de nos facultés.
« Le goût est la faculté de juger d’un objet ou d’un mode de représentation par une
satisfaction dégagée de tout intérêt. L’objet d’une semblable satisfaction s’appelle
beau . » (Kant Critique de la faculté de juger).
Cette satisfaction est désintéressée parce que le beau ne répond à aucun besoin, il n’a
aucune utilité. Plus que le contenu de l’oeuvre, c’est sa forme ou la mise en forme de ce
contenu qui nous touche. Par exemple, la manière dont les couleurs sont agencées (ce
pourquoi d’ailleurs l’art abstrait peut plaire), dont les sons sont ordonnées dans la
mélodie, etc. Il y a là un jeu de l’esprit de l’artiste qui nous séduit, nous intrigue et
provoque en nous le libre jeu de nos facultés (sensibilité, imagination et entendement).
La peinture ne s’adresse ainsi pas exclusivement à notre vue, la poésie à notre
entendement mais l’art met en mouvement aussi bien notre sensibilité que notre
entendement ou notre imagination.
5) Le beau est ce qui plaît universellement sans que l’on puisse dire
précisément pourquoi il nous plaît : le beau est irréductible à un concept.
« Le beau est ce qui plaît universellement sans concept » (Kant Critique de la faculté de
juger). On juge qu’une chose ou une oeuvre est belle sans disposer du concept, de la
règle générale qui nous permettrait d’établir ce jugement. Le jugement esthétique ne
dispose donc pas de critères objectifs. Avec le fait que le sens commun confond
jugement esthétique et sensation d’agréable, cette absence de critères objectifs du
jugement esthétique est l’autre raison qui permet d’expliquer pourquoi l’on considère que
la beauté est relative à celui qui la contemple. Alors pourquoi Kant écrit-il « ce qui
plaît universellement… » ?
Il me semble que la beauté que j’accorde aux choses est une qualité de cette chose elle-
même, indépendante de mon jugement. En effet, comme aucun intérêt ne motive mon
jugement esthétique, nous ne pouvons porter un jugement sur l’oeuvre ou la chose belle
qu’en supposant que tout homme ne peut que juger comme nous.
C’est pourquoi il faut distinguer une beauté servile qui consiste à correspondre à des
critères, à un canon socialement déterminé d’une beauté communément reconnue et une
beauté libre de tout modèle, qui plaît par le jeu libre des facultés qu’elle suscite chez
celui qui en juge.
Selon Kant le jugement de goût est un jugement singulier, il n'est ni un jugement par
lequel je définis un caractère objectif d'un objet en lui appliquant un concept ou une règle
générale, c’est-à-dire un jugement déterminant (lorsque je dis que cette table est
rectangulaire, j'applique à l'objet table le concept de rectangle), ni un jugement
personnel se fondant sur les penchants particuliers de ma sensibilité : il s'agit de ce que
Kant nomme un jugement réfléchissant. Je reconnais dans l'oeuvre d'art quelque chose
d'universel, mais je n'applique pas une règle universelle à l’objet particulier, c'est plutôt
l'objet particulier qui évoque en moi quelque chose d'universel, que je perçois comme
devant valoir pour tout homme jugeant à ma place.
Reste alors un problème : la définition que nous venons d’élaborer avec Kant (qui ne
connaissait bien évidemment que l’art figuratif) concernant le beau ou la beauté est-elle
suffisamment ouverte sans être vague pour être capable de rendre compte de la diversité
des intentions des œuvres d’art et, en particulier, celle par exemple de l’abstraction
géométrique ou de l’art conceptuel ? Ou bien faut-il alors penser que le but de l’art n’est
pas de produire la beauté ou de l’exprimer ? L’artiste ne peut-il simplement donner à
ressentir, à sentir ou même simplement à penser ? De sorte que l’artiste n’a plus
nécessairement à être un génie mais à s’exprimer pour lui-même qui est en même temps
cet autre pour qui il produit.
Il faut reconnaître que l’histoire de l’art rend problématique cette question surtout avec le
foisonnement des courants artistiques au XXème siècle mais parions que ce problème
sera fécond pour l’art dans l’avenir.
En annexe, vous trouverez quelques remarques pour compléter le cours et l'illustrer.