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La formulation des lois de comportement fait appel à des expériences mécaniques par nature
tri-dimensionnelles, qui font apparaître des comportements réels complexes. L'objectif de ces
experiences est double. D'une part, des essais caractéristiques permettent de classer le type de
comportement du matériau (élastique, visqueux, plastique). D'autre part, ces essais permettent de
calculer de façon empirique les coefficients associés aux diverses relations de comportement. Avant
d'évoquer les expériences qui sont utilisées pour déterminer les lois de comportement des matériaux
lithosphériques, il est utile de décrire de façon simple les principaux essais mécaniques et le
comportement de matériaux idéaux. On se restreint dans ce qui suit à des essais unidimensionels.
Un essai caractéristique consiste à imposer une sollicitation connue en contrainte ou en
déformation, tout en observant l'évolution des quantités duales. On distingue trois essais
caractéristiques principaux (cf. Lemaitre et Chaboche, p. 73, 1985).
• L'essai d'écrouissage consiste à soumettre une éprouvette à une déformation à vitesse
constante. En réponse, on mesure l'évolution de la force, ce qui permet de tracer un graphe
(ε,σ). Le relachement de la force appliquée en fin d'expérience permet d'observer une
éventuelle recouvrance, qui permet d'évaluer la réversibilité de la déformation.
• L'essai de fluage consiste à appliquer une force constante, et à mesurer l'évolution de la
déformation ε au cours du temps t (pendant et aprés la sollicitation).
• L'essai de relaxation consiste à mesurer la réponse en contrainte durant l 'application d'un
echelon de déformation.
Ces trois essais sont utilisés pour identifier les réponses élastiques, visqueuses, plastiques des
matériaux. En pratique, on observe souvent un comportement qui traduit une combinaison de ces
réponses: un matériau peut être élastique au début d'une sollicitation, puis se comporter de manière
visqueuse ou plastique aprés une certaine déformation ou un certain temps. Comme le montre la
figure II.1, les modèles rhéologiques simplifiés sont souvent représentés par des associations
d'éléments mécaniques élémentaires rappelant l'élasticité (le ressort), la viscosité (l'amortisseur), et
le comportement à seuil de contrainte (le patin).
Figure II.1 : Représentation des modèles rhéologiques élémentaires ainsi que des relations contraintes - déformations
Le solide élastique est le plus simple des solides. La déformation est par définition réversible
(Figure II.2), et la meilleure vérification de ce comportement est fournie par l'essai d'écrouissage.
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Figure II.3 : Caractérisation d'un corps de Maxwell ; a) courbe d’écrouissage ; b) courbe de fluage ; c) courbe de
relaxation.
Figure II.4 : Caractérisation d'un corps de Kelvin-Voigt ; a) courbe d’écrouissage ; b) courbe de fluage ; c) courbe de
relaxation.
Si un solide initialement élastique se déforme de façon arbitrairement grande au delà d'un seuil de
contrainte, on qualifie ce comportement de d'élastoplastique. Il faut prendre garde à la signification
du qualificatif plastique, qui porte un sens différent pour la communauté des mécaniciens
théoriciens (mécanique des milieux continus et techniques numériques) et pour certains
mécaniciens expérimentaux en sciences de la terre. En général, les premiers désignent ainsi un
comportement à seuil dans lequel le temps n’intervient pas explicitement (Lemaitre, 1985, Poirier,
p.13). Les seconds sous entendent un comportement visqueux (Kohlstedt 1995, Nicolas 19XX).
Nous employons dans ce livre le sens utilisé en mécanique théorique, ce qui permet de distinguer
les phénomènes à seuil de ceux dépendant du temps. L'association d'un patin en série avec un
ressort est bien caractérisée par l'essai d'écrouissage (Figure II.5) , qui permet de mettre en
évidence la montée en charge élastique, la limite d'élasticité σ s et le seuil d'écrouissage, au delà
duquel le comportement est adoucissant. La déformation après recouvrance peut être arbitrairement
grande. Les essais de fluage et de relaxation sont identiques à ceux du solide élastique en deçà du
seuil, et ne sont pas applicable au delà (système hors d'équilibre).
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Une notion importante associé au comportement plastique est celle d'écrouissage. Cela signifie que
le seuil de plasticité évolue avec l'accumulation de la déformation plastique. Un écrouissage positif
(=strain hardening) correspond à une augmentation du seuil avec la déformation (partie A-B). Ce
phénomène est stabilisant, car il rétablit une bijection du couple (ε,σ) lors d'un essai en traction ou
en compression simple. Un écrouissage négatif (=strain softening) correspond à une baisse de ce seuil
(partie B-C), ce qui peut conduire à une rupture totale (par exemple dans le cas d'un échantillon
rocheux en traction simple).
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d'expériences de déformation en laboratoire sur des échantillons de taille centimétrique ou
décimétrique;
• L'échelle macro est celle de l'objet étudié. Pour modéliser la déformation lithosphérique, il
faudra utiliser des cellules de modélisation de taille typiquement kilométriques, dont les
propriétés seront celles d'un milieu continu.
La difficulté est donc d'utiliser les résultats obtenus à l'échelle mini-macro, pour en tirer des
relations de comportement ou des variables physiques utilisable pour un milieu continu équivalent.
Pour une grandeur comme la masse volumique, seul le passage micro-mini est hasardeux: telle
valeur ponctuelle mesurée dans une zone fissurée n'est pas représentative d'une mesure faite avec un
échantillon d'un kilogramme. Par contre, les études gravimétriques montrent que les mesures sur
échantillon sont directement utilisables pour les modèles d'échelle crustale. Toutefois, pour qui a
quelques notions de géologie de terrain ou de tectonique, le passage entre l'échelle mini et macro
peut paraître bien incertain s’il s’agit d’extrapoler le comportement mécanique des roches. En effet,
l'hétérogénéité des déformations ainsi que la variabilité spatiale de quantité telles que la
composition minéralogique, la répartition des fluides, l'anisotropie des structures, semble interdire
le passage d'une échelle à l'autre. Les développements qui suivent donneront des éléments de
réponse.
a) Déformation élastique
Si l'on suppose un milieu élastique linéaire isotrope, deux expériences permettent de caractériser le
matériau. La première fait intervenir une compression isotrope ∆V , et le module
d'incompressibilité K est donc défini en régime hydrostatique comme le rapport de la pression P sur
la déformation volumique :
∆V
P=K⋅ .
V
1 ∆V
Comme P = ⋅ tr (σ ) et = tr (ε ) , on trouve aussi:
3 V
tr (σ ) = 3K ⋅ tr (ε ) .
Le module de compressibilité χ est défini comme 1/K. La seconde expérience fait intervenir un
cisaillement pur (i différent de j):
σ ij = 2Gε ij ,
σ = K ⋅ tr (ε ) ⋅ I + 2G ⋅ dev(ε )
ou
σ = λ ⋅ tr (ε ) ⋅ I + 2G ⋅ ε
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en posant λ = K − G . λ et G sont appelés coefficients de Lamé. Dans le cas d'un milieu isotrope,
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les axes principaux des déformations et des contraintes doivent coïncider. Exprimé dans un tel
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repère, l'équation précédente prend la forme explicite suivante:
σ 1 = (λ + 2G )ε1 + λε 2 + λε 3
σ 2 = λε1 + (λ + 2G )ε 2 + λε 3
σ = λε + λε + (λ + 2G )ε
3 1 2 3
σ1
E=
ε1
Le coefficient de Poisson ν est défini lors de cette même expérience par le rapport de la
déformation latérale sur la déformation longitudinale, ce qui donne :
ε2
ν =−
ε1
Le coefficient de Poisson a des valeurs comprises entre 0 et 0.5, cette dernière valeur traduisant
l’incompressibilité du matériau. Les trois équations précédentes permettent de relier E et ν aux
coefficients de Lamé :
3λ + 2G λ
E = G⋅ et ν= .
λ +G 2λ + G
Inversement, les coefficients de Lamé sont reliés au module d’Young et au coefficient de Poisson
par les relations :
λ= νE et G= E
(1+ν)(1−2ν) 2(1+ν)
Les propriétés élastiques des roches peuvent être évaluées avec en laboratoire par des sollicitations
sollicitations statiques ou dynamiques (propagation d'ondes). Pour les roches indurées les plus
courantes, le module d’Young varie entre 50 et 100 GPa, et le coefficient de Poisson entre 0,15 et
0,35 (cf. Table II.1). Ces propriétés sont déterminées à l'échelle « mini ».
Les propriétés élastiques des roches peuvent également être déterminées en utilisant les relations
entre la vitesse de propagation des ondes et les constantes élastiques. L'équation de propagation
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s'obtient en combinant l'équation générale de la dynamique XX (chapitre I ?) et la relation de
comportement élastique YY. Si l'on considère une onde plane de compression (onde P) se
propageant dans la direction Ox, et en négligeant les forces de volume, l'équilibre dynamique est
donné par :
E (1 − ν ) ∂ 2u x ∂ 2u x
= ρ
(1 + ν )(1 − 2ν ) ∂x 2 ∂t 2
Cette équation admet une solution en déplacement de la forme u x ( x, t ) = ei ( kx−ϖt ) , ce qui permet
d'exprimer la vitesse V P de l'onde P comme :
VP = λ +2G
ρ
De la même façon, la propagation d'une onde longitudinale S conduit à une vitesse de cisaillement
VS de la forme:
G
VS =
ρ
Les mesures des vitesses ondes P et S peuvent être effectuées en laboratoire à l'aide d 'ondes
ultrasoniques. Parmi les divers modules d’élasticité, le coefficient de Poisson d’un milieu isotrope
peut être étudié de façon précise car il dépend exclusivement des vitesses de propagation :
ν = 1 1− 1
2 (Vp /Vs ) −1
2
Figure II.6 : Mesures en laboratoire du coefficient de Poisson des roches crustales (Christensen, 1996)
Un des intérêts des méthodes acoustiques est la mesure directe par géophysique des vitesses de
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propagation dans les milieux superficiels (souvent des sédiments) ou profonds (croûte et manteau
supérieur). Les roches sont alors dans leurs conditions de pression naturelle (jusqu'à plusieurs
centaines de MPa pour la lithosphère), et elles intègrent un volume représentatif important (échelle
« macro »). Si l’objectif est de modéliser la déformation à l’échelle de la lithosphère, ces mesures
peuvent être préférées à des mesures obtenues en laboratoire. Les valeurs de coefficients de Poisson
peuvent être obtenus avec les temps d’arrivées des téléséismes pour les ondes P et ses converties au
Moho (Ps et PmPms). L’histogramme des valeurs de coefficients en fonction du type de croûte
présenté sur la figure II.7 révèle une valeur moyenne et médiane à 0.27, en parfait accord avec les
données de laboratoire. Le coefficient de Poisson dans la croûte supérieure serait voisin de 0.26, et
de 0.30 dans la croûte inférieure, les mesures inférieures à 0.23 et supérieures à 0.33 présents dans
l’histogramme pouvant être le résultat de situations structurales complexes.
Figure II.7 : Mesures du coefficient de Poisson dérivées des observations télésismiques (Zandt et Ammon, 1996).
L’usage combiné des données gravimétriques et sismologique permet de proposer des profils
moyens de densité pour la lithosphère continentale et océanique. Le module d’Young pouvant
s’exprimer comme 2ρ(1+ν)VS2 , il est donc possible de calculer les deux paramètres d’élasticité en
fonction de la profondeur, comme l’illustre la table II.2.
Table II.2 : Vitesses d'ondes P et S, densité (Meissner, 1986 et Panza, 1980) et modules d’élasticité associés pour la
lithosphère et le manteau supérieur.
Continents
Profondeur (km) ρ (kg/m3) VP (km/s) VS (km/s) ν E (GPa)
0-10 2.75 6.06 3.49 0.252 83.9
10-30 2.85 6.35 3.67 0.249 95.9
30-50 3.08 7.05 3.85 0.288 117.6
50-115 3.45 8.17 4.65 0.260 188.0
115-365 3.54 8.35 4.30 0.320 172.7
365-450 3.65 8.80 4.75 0.294 213.2
Océans
0-4 1.03 1.52 0.00 0.500 0.0
4-5 2.10 2.10 1.00 0.353 5.7
5-10 3.07 6.41 3.70 0.250 105.1
10-60 3.40 8.10 4.65 0.254 184.4
60-210 3.40 7.60 4.15 0.288 150.8
210-240 3.65 8.80 4.75 0.294 213.2
Les coefficients de Poisson ainsi obtenus sont voisins de ceux déduits des données télésismiques et
des mesures acoustiques en laboratoire. Le module d’Young varie plus largement avec la
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profondeur. On peut toutefois assigner des valeurs moyennes de l’ordre de 90 GPa pour la croûte
continentale et de 170 GPa pour le manteau lithosphérique océanique et continental. Ce sont en
général ces valeurs qui sont utilisées dans les modélisations mécaniques présentées dans les
chapitres VI, VII et VIII.
Quand la roche se déforme par des processus de fracture ou de friction, la déformation est souvent
qualifiée de fragile. Cette appelation peut être comprise dans un sens géométrique : un matériau
fragile ne peut pas subir de déformation importante sans produire une fracture macroscopique, c'est
à dire un déplacement net entre deux points initialement voisins. Cette définition, suggérée par
Paterson (1978, p. 2), est d'une nature cinématique : elle ne considère pas l'évolution de la force
appliquée sur l'échantillon. Cette définition est en général appliquée en géologie structurale. Un
matériau qui ne se comporte pas ainsi sera qualifié de ductile. En laboratoire, il est possible
d'observer différents modes de rupture fragile (Figure II.8), reliés à deux modes fondamentaux:
l'ouverture (mode I), généralement orientée perpendiculairement à l'axe de compression minimum
σ 3 , et le cisaillement (mode II), qui s'opère en général à un angle inférieur à 45° par rapport à σ 1 .
Figure II.8 : Quatre modes de rupture fragile (a) cisaillement en extension, (b) fracture normale et séparation en
extension, (c) cisaillement en compression, (d) fracture axiale (d'après Paterson, 1978).
Cette définition ne permet pas de classer de façon précise le comportement d'un matériau pour
plusieurs raisons. Premièrement, une fracture macroscopique peut se produire si une grande vitesse
de déformation est appliquée, mais pas si la déformation est lente. La température joue également
un rôle important, les matières plastiques usuelles sont plus fragiles (cassantes) à basse température
qu’à haute température. Deuxièmement, la fracture macroscopique d'un matériau peut se révéler
continue si l'observation est faite à une échelle inférieure. Inversement, une déformation
apparemment continue peut être totalement discontinue à l'échelle inférieure. Une autre définition,
proposée par exemple par Byerlee (1968), Jaeger et Cook (1979, p. 80) et Ranalli (1987, p. 89)
postule qu'un matériau fragile voit sa résistance diminuer rapidement lorsque sa déformation
augmente au delà d'une valeur faible. Cette vision mécanique de la fragilité est identique à celle
donnée pour un comportement plastique à écrouissage fortement négatif (II.1). Cette définition est
adaptée au laboratoire, où l’on peut mesurer l’évolution du couple déformation-contrainte en
fonction du temps, et nous l’adopterons pour la suite. Dans le cas des roches, l'expérience la mieux
adaptée est celle du « test triaxal simple». Ce terme désigne généralement un test en compression
dans lequel σ 2 = σ 3 (pression de confinement initial). La figure II.9 illustre le principe de ce test.
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Les courbes contrainte-déformation des roches consolidées font apparaître une dépendance marquée
du comportement envers la pression et de la température. Au vu de la définition du comportement
fragile, la transition fragile ductile sur la Figure II.10 a lieu entre 24 et 35 Mpa. Il est important de
noter que la montée en pression et température s'accompagne également d'un changement du style
de déformation: on passe d’une déformation accommodée par une fracture à une déformation
distribuée sur des plans de fracturation conjugués dont la densité s’accroît (Figure II.11).
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Figure II.11 : Déformation et fracture d’un échantillon de marbre (Paterson p. 163) après compression triaxiale sous
diverses pressions de confinement (a : pression ambiente ; b 3.5 MPa ; c 35 MPa ; d 100 MPa.
Des courbes précédentes, on peut retenir que les roches sous pression de confinement modérée
passent par trois phases de comportement durant une déformation en écrouissage: un comportement
quasi-élastique, un comportement irréversible durcissant, et un comportement adoucissant
correspondant à la rupture fragile. En utilisant le test triaxial simple et en augmentant
progressivement σ1−σ 3 , jusqu’à l’apparition d’une fracture macroscopique ou d’un clivage, il est
possible de déterminer expérimentalement le pic de résistance d’un échantillon (du moins dans le
domaine fragile). Si β est l’angle que fait la fracture avec la direction de compression maximale
σ1 , on peut exprimer, dans la géométrie présentée par la figure II.12, les relations entre les
contraintes normales et tangentielles au plan de fracture comme :
Figure II.12 : relation géométriques entre les contraintes principales et les contraintes appliquées sur une fracture.
Figure II.13 : a : construction du couple ( σ n,τ ) à partir de ( σ 1 ,σ 3 ) ; b : enveloppe de Mohr contruite à partir d’un
ensemble d’essais en compression.
Plusieurs paramètres sont utilisés pour caractériser l’enveloppe de Mohr. T0 correspond à la tension
uniaxiale maximale σ 3 lorsque σ1 =0, et τ 0 est défini comme la cohésion, soit la cission maximale
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lorsque σ n = 0. σ UCS correspond à la compression maximale supportée lors d’un essai uniaxial
(=uniaxial compressive strength).La pente locale de l’enveloppe de Mohr est définie comme tg(φ) ,
φ étant l’angle de friction interne de l’échantillon. La table II.3 résume les valeurs de σ UCS et T0
pour quelques roches courantes.
Table II.3 Valeurs de compression et de tension uniaxiale (d’après Jaeger, p. 190). La cohésion C0 est estimée à partir
du critère de Griffith modifié.
Les expériences et les théories sur la friction des roches ont une importance considérable
pour la modélisation de la déformation de la croûte fragile. En effet, les déformations visibles dans
la croûte supérieure résultent souvent du jeu de failles dont la taille va de la centaine de mètres
jusqu’à plusieurs centaines de km pour une limite de plaques, et qui déplacent les terrains de part et
d’autres de quantités allant de quelques décimètres lors d’un séisme jusqu’à plusieurs centaines de
kilomètres pour des failles actives depuis plusieurs millions d’années (voir Wells et Coppersmith,
1994 et Stirling et al. 1996 pour les relations longueur/déplacement sur les failles actives).
L’investigation minière et l’imagerie géophysique de forage démontre qu’à toute échelle et toute
profondeur existent des plans de discontinuités (fractures, joints, failles) qui font de la croûte un
milieu fracturé à toute échelle, dont les plans de clivage peuvent être activés si la contrainte
tangentielle excède un certain seuil. La connaissance de ce seuil, et des variables qui le contrôlent
peut-elle être déduite des expériences et des lois tirées des expériences sur des échantillons rocheux,
ou bien doit-elle provenir d’autres types d’expérimentations, qui assurent une meilleure
reproduction des phénomènes naturels ?
La déformation d’échantillons rocheux telle qu’elle a été décrite précédemment semble donc mal
adaptée à l’évaluation de la friction des failles crustales. En effet, le matériau initial n’est pas
fracturé, et le chargement induit une série de phénomènes transitoires (élasticité, endommagement,
dilatation puis fracturation macroscopique) se terminant éventuellement par de la friction entre deux
compartiments de l’échantillon. Par contre les failles crustales se comportent essentiellement
comme des discontinuités frictionnelles, fonctionnant en régime stationnaire à l’échelle géologique,
le cycle sismique pouvant alors être considéré comme une instabilité autour d’un état d’équilibre
moyen. La transition entre une roche initialement intacte et une roche contenant une ou plusieurs
discontinuités frictionnelles est illustrée par la figure II.14
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Figure II.14 : Evolution de la résistance d’une roche entre un échantillon homogène et un échantillon possédant des
discontinuités frictionnelles (adapté de Carmichael, 1982).
Pour comprendre le comportement des failles et déduire des paramètres frictionnels, des
expériences de laboratoire plus ou moins proches de la réalité géologique ont été imaginées. La plus
simple d’entre elles consiste à tirer lentement à une vitesse v un patin de masse M sur un substratum
de même nature (Figure II.15). L’expérience peut être réalisée avec ou sans gouge, un troisième
corps constitué de particules finement broyées interposées entre les blocs, ou qui peut naturellement
résulter de l’abrasion des parois frottantes. De façon schématique, deux comportements peuvent
apparaître (Figure II.16) au delà du chargement élastique : (1) un glissement saccadé (=stick-slip
motion) du patin suivi d’une phase de rechargement. Brace and Byerlee ont posé en 1966 les bases
de l’analogie entre ces saccades et le cycle sismique ; (2) un glissement stable (=stable sliding). Les
conditions de transition entre ces deux comportements sont à la base de nombreux travaux sur la
physique des séismes. Il ressort que l’augmentation de la température au delà de 200-300°C
favorise l’apparition du glissement stable, tandis que l’augmentation de la contrainte normale au
delà de 200-400 MPa conduit à un glissement instable. Pour plus de détails, on se reportera aux
travaux de Byerlee and Brace(1968), Stesky (1974) et de Scholz (1990).
Figure II.16 : Glissement stable D-F-G et glissement saccadé D-E-F (d’après Byerlee, 1978)
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Le coefficient de friction du matériau est défini par le rapport des contraintes tangentielles et
normales durant l’expérience. Il est possible de définir un coefficient de friction initial (point C),
maximum (point D) et résiduel (point F, voir Byerlee, 1978). Pour des contraintes normales
suffisamment grandes (1 MPa), la relation entre σ n et τ est donnée par la relation affine
τ = A+ Bσ n ou A et B sont des constantes (loi d’Amonton). De façon remarquable, pour des
contraintes normales suffisamment grandes (> 5-10 MPa), la friction varie peu suivant le type de
roche. Contrairement à l’intuition, une roche dure tel que le granite peut avoir un coefficient de
friction similaire à celui d’une roche très tendre comme un tuf. La rugosité des surfaces en contact a
aussi peu d’influence sur la friction dès lors que l’on opère à forte contrainte normale. Le
coefficient de friction maximal (Figure II.17) est celui qui présente le moins de variation, et peut
être représenté pour une friction sans gouge par deux relations :
Figure II.17 : Friction maximum pour différents types de roches (d’après Byerlee, 1978).. Certains matériaux présentent
une friction notablement plus faible : M = montmorillonite ; V = vermiculite ; I = illite ; S = serpentinite ; C = chlorite.
connues sous le nom de loi de Byerlee. Pour simplifier, ces deux relations peuvent être condensées
en la relation linéaire τ =0.65σ n pour 3< σ n < 1700 Mpa. La friction en présence de gouge est
souvent identique à celle d’une friction à deux corps, sauf pour certains matériaux tels que la
montmorillonite, la vermiculite ou l’illite, qui sont des matériaux argileux (Morrow et al., 1982).
Deux mécanismes distincts semblent pouvoir expliquer cette faible friction : la présence d’eau
intersticielle pour la montmorillonite et la vermiculite peut modifier la contrainte normale
apparente ; la réorientation des minéraux jusqu’à ce que la direction de glissement minimal s’aligne
avec la direction de glissement. Le comportement des expériences « avec gouge » est d’un intérêt
particulier en géologie, car les failles contiennent souvent ce type de matériau, formé par broyage
progressif de la zone de faille. L’épaisseur de gouge dans la nature peut aller jusqu’à plusieurs
centaines de mètres pour des failles matures ayant accumulé plusieurs centaines de km de
glissement relatif (Unsworth et al., 1997). La présence d’eau ou d’autres fluides dans les zones de
faille ou dans les expériences de friction peut modifier la friction apparente. Si une pression de
fluide Pf règne dans les pores et interstices de la zone de friction, alors la loi d’Amonton devient :
τ = A+ B(σ n −Pf )
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La loi de Byerlee est elle applicable dans la partie fragile de la croûte ? Si oui, cela signifie que l’on
peut calculer en tout point de la croûte l’état de contrainte critique, en écrivant une relation entre les
contraintes principales. La réalisation de grands forages pétroliers et scientifiques, qui atteignent des
profondeurs maximales de l’ordre de 10 km, ont permis de répondre partiellement à cette question.
Il est possible dans ces forages de mesurer la pression de fluide . D’autre part, l’ovalisation de la
section du trou de forages due au différentiel de contraintes autour du puits et l’hydrofracturation
des parois par injection de fluide permet d’estimer la contrainte horizontale minimale σ H min et de
calculer la contrainte horizontale maximale σ H max (voir Brudy et al., 1997 pour une description de
la méthode). La contrainte verticale σ v est estimée en intégrant la charge lithostatique au dessus du
z1
point de mesure ( σ v = ∫ ρ ( z ) gdz ) ou z est la profondeur et ρ la masse volumique moyenne. Les
z0
résultats obtenus sur les forages de Cajon Pass en Californie (3.5 km) et de KTB en Allemagne (8
km) montrent que σ H min et σ H max augmentent linéairement avec la profondeur (Figure II.18), la
pression de fluide Pf étant voisine de la valeur hydrostatique. Si la cohésion du matériau est
négligeable, et faisant l’hypothèse que des fractures de toutes orientations sont présentes, il est
possible d’utiliser le modèle de Coulomb pour aboutir à la relation (Zoback et Healy, 1984, Jaeger
et Cook, 1979 ?) :
[( ) ]
σ1−Pf = µ 2 +1 1/ 2 +µ 2
σ 3−Pf
Toutefois, il faut se garder de généraliser cette relation à tous les environnements tectoniques:
certaines discontinuités lithosphériques semblent fonctionner avec une résistance à la friction plus
réduite, comme par exemple la faille de San Andreas, ou certaines zones de subduction. Les
modèles rhéologiques correspondants à ces failles de moindre résistance (=weak faults) sont
présentés dans le chapitre V.
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Figure II.18 : Contraintes minimales et maximales dans deux forages profonds (Cajon Pass et KTB)
(d’après Zoback et Healy, 1989 ; Brudy et al., 1997)
Figure II.37 Schématisation de divers modes de déformation actifs dans la croûte supérieure supposée préfracturée (1 :
déformation continue élastique ou plastique ; 2 : friction sur les failles, 3 : endommagement, fracture et fissuration)
En fonction de l’échelle de temps et d’espace retenue, diverses lois de comportement peuvent être
utilisées pour décrire le comportement mécanique de la lithosphère. Il s’agit de présenter ici les lois
de comportement utiles pour modéliser la déformation des principales unités rhéologiques (croûte
supérieure, croûte inférieure, manteau supérieur) sur des échelles de temps supérieures à celles du
cycle sismique (103-108 ans). Comme annoncé dans le chapitre II.1, trois grandes classes de
comportement sont à prendre en compte. Le comportement élastique n’est adapté que pour des
faibles déformations. Pour des déformations supérieures à 1%, il est essentiel d’utiliser des lois
plastiques indépendantes du temps (time independent plasticity), ou des lois visqueuses (time
dependent plasticity) afin de prendre en compte les processus de fluage et de friction. Le
comportement résultant peut donc être elasto-plastique (pour la croûte supérieure) et visco-élastique
(pour la croûte inférieure et le manteau). Dans la mesure ou l’on souhaite s’affranchir des
déformations élastiques, des lois de comportement rigide-plastique ou visqueuse peuvent aussi être
employées.
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• La partition des déformations entre la déformation élastique, réversible εe et la déformation
irréversible ε p . Cette séparation est justifiée au niveau microscopique par la distinction
claire entre la déformation élastique, qui correspond à une variation des distances
interatomiques sans modification de site, et les déformations anélastiques qui impliquent
une modification de l’arrangement atomique. On écrit donc :
ε =εe +ε p
• Les déformations élastiques et plastiques possèdent des relations de comportement
découplées, l’une contrôlant la déformation élastique (voir équation XX du chapitre II), en
deça d’un seuil σ s , l’autre contrôlant l’écoulement plastique au delà de ce seuil. Le
découplage des relations de comportement implique en particulier que le module d’élasticité
n’est pas modifié par l’écoulement plastique. L’utilisation de la plasticité pour des
applications géologiques signifie que les propriétés élastiques du modèle restent inchangées
par l’histoire de la déformation. Cette hypothèse semble justifiée par les études des
paramètres élastiques dans la lithosphère présentées au chapitre II.3 , qui semblent reliés à la
composition des roches et à leur densité plus qu’à leur histoire de déformation.
2
On voit en égalant σ 3 et σ 2 à zéro que J 2D correspond bien à la contrainte non nulle dans le cas
uniaxal.
18
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Critères de plasticité indépendants de la pression: Tresca, Von Mises
Historiquement, les deux premiers critères de plasticité sont celui de Tresca (1864) et celui de Von
Misès. Le critère de Tresca, qui postule que la déformation plastique débute lorsque le cisaillement
maximum τ max = 1 (σ1 −σ 3 ) atteint un seuil σ s caractéristique du matériau. Le critère de seuil
2
s’exprime comme :
f =Sup(σ i −σ j )−σ s =0
i≠ j
ou comme :
f =(σ1 −σ 3 )−σ s =0
Ce critère ne tient pas compte de l’effet de la contrainte intermédiaire σ 2 , ni de la contrainte
moyenne. Un critère voisin est celui de Von Misès, qui exprime que le seuil de plasticité est lié à
l’énergie élastique de cisaillement. Celui est directement lié au 2nd invariant du déviateur des
contraintes :
f = 3sII −σ s =0
ou comme
f = J 2 (σ)−σ s =0 .
Ces deux critères sont représentés géométriquement dans la figure II.38 par respectivement un
prisme droit à base hexagonale et par un cylindre dans le plan du déviateur des contraintes
Divers critères de fracturation ont été proposés pour rendre compte de la forme de l’enveloppe
limite de Mohr. Le critère de fracturation le plus simple est directement relié à la loi de Coulomb
s’appliquant sur un plan de fracturation, qui exprime que le glissement a lieu si la contrainte
tangentielle τ est telle que :
τ =τ 0 +µσ n ,
où est τ 0 la est la cohésion du matériau et µ le coefficient de friction. Le sens de glissement est
donné par le signe de τ . Ce modèle défini pour des états de contraintes compressifs, qui représente
la version linéarisée de l’enveloppe de Mohr, est à la base de la modélisation du comportement
mécanique des failles. Exprimé en terme des contraintes principales, ce critère, souvent appelé
critère de Mohr-Coulomb, devient:
Il est à noter que ce critère ne fait pas intervenir la contrainte intermédiaire σ 2 . D’autres critères
permettent de rendre compte de la convexité de l’enveloppe de Mohr. Parmi eux, le critère de
19
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Griffith (1921) à 2 dimensions s’exprime comme :
τ 2 =4T0(σ n +4T0 )
Au delà de l’aspect tridimensionnel du critère de Murrel, celui ci permet de mieux rendre compte du
rapport observé entre la contrainte uniaxiale compressive et la résistance à la tension. En effet on
trouve σ UCS /T0 =8 pour le critère de Griffith, alors que ce rapport est de 12 pour le critère de Murrel,
ce qui est plus conforme aux valeurs présentées dans la table II.3.
D’autres critères de plasticité dépendant de la pression ont été développés dans le cadre de la
mécanique des sols, comme celui de Drucker-Prager (1952), qui s’exprime comme :
J 2 (σˆ)−α σ + τ 0 =0 ,
tanφ
6sinφ
α= .
3−sinφ
Le critère de Drucker-Prager rend compte d’une relation linéaire entre le second et le premier
invariant, contrôlée par les paramètres τ 0 et α , présentée dans la figure II.39. Ce critère à deux
paramètres est à rapprocher de celui de Mohr-Coulomb qui présente une relation similaire, cette fois
dans l’espace contrainte normale-contrainte tangentielle.
Figure II.39 Représentation des critères de Mohr-Coulomb et de Drucker-Prager dans les espaces respectifs ( σ n,τ ) et
( σ , J 2 (σˆ) )
20
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Si l’on représente ces deux surfaces dans le plan du déviateur défini par σ1+σ 2 +σ 3=cte ,
l’intersection correspond à un hexagone irrégulier pour le critère de Mohr-Coulomb et à un cercle
pour le critère de Drucker-Prager, comme le montre la figure II.40. Enfin, le critère de Van Eekelen
(1980), développé dans le cadre de la mécanique des sols, à l’avantage de pouvoir se rapprocher du
critère de Drucker-Prager ou de celui de Mohr-Coulomb suivant la valeur d’un paramètre de
convexité (Barnichon, 1998)
Figure II.40 Représentation des critères de Drucker-Prager et de Mohr-Coulomb dans le plan du déviateur des
contraintes.
21
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différence σ H max −σ H min tend généralement vers des valeurs inférieures à 5 MPa (voir Zoback and
Healy, 1984, pour des mesures superficielles. Si l’on fait l’hypothèse que le modèle de Mohr-
Coulomb s’applique pour la croûte, alors la relation entre cohésion et contrainte uniaxiale
compressive s’écrit comme :
σ UCS[(µ 2 +1)1/ 2 −µ ]=2τ 0
Si µ = 0.6, on trouve σ UCS ≈3.53τ 0 , ce qui conduit à des valeurs pour τ 0 de l’ordre de 1.4 MPa si
σUCS = 5MPa. La cohésion de la croûte apparaît donc comme faible au regard des contraintes
différentielles engendrées par la friction à grande profondeur, qui sont de l’ordre de 200 MPa. Le
paramètre de contrôle dominant de la loi de comportement serait donc bien la friction.
Seules les lois de comportement présentant une dépendance envers la pression permettent de
modéliser l’augmentation de la contrainte différentielle avec la profondeur. Afin de visualiser la
limite des contraintes élastiques pour une profondeur représentative de la croûte supérieure, il est
utile de calculer l’enveloppe de plasticité pour des contraintes principales définies comme σ v , la
contrainte verticale, σ H1 et σ H2 étant les deux composantes principales dans le plan horizontal. A
partir de la, trois régimes de contraintes sont classiquement définis (Anderson, 1951).
• Un état de contraintes compressif si σ1 est horizontal (c.a.d. si σ1 = σ H1 ou si σ1 = σ H2 );
• Un état de contraintes extensif si σ1 est vertical (c.a.d. si σ1 = σ v ) ;
• Un état de contraintes décrochant si σ 2 est vertical.
Dans l’hypothèse ou les failles se forment dans le plan de cisaillement maximum qui est
perpendiculaires au plan correspondant au plan contenu par les directions de contraintes maximale
et minimale σ1 et σ 3 , ces trois états sont compatibles avec respectivement l’activation de failles
inverses ou chevauchements (=thrust faults), de failles normales (=normal faults), et de failles
décrochantes (=strike-slip faults). En utilisant une valeur de 2800 kg/m3 pour la croûte, σ v est de
l’ordre de 200 MPa vers 7 km de profondeur, comme représenté dans la figure II.41.
22
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Figure II.41 Représentation de la limite d’élasticité de la croûte fragile vers 7km de profondeur pour des lois de
comportement de type Mohr-Coulomb (MC), Drucker-Prager (DP), Griffith (GR) et Murrel (MU). Le rond figure σv ,
les axes les contraintes principales horizontales
Les quatre critères étant sensibles à la pression ou à la contrainte normale, la résistance de la croûte
en compression est plus importante que celle de la croûte en extension. Le contour anguleux des
critères de Mohr-Coulomb et Griffith provient du changement des contraintes σ1 et σ 3 (permutation
entre composante horizontale et verticale lors du passage entre les quadrants extensifs, compressifs
et décrochants.
Dans l’état actuel des connaissances, l’identification d’un critère pertinent pour la croûte supérieure
n’est pas possible en l’absence de mesures de contrainte à grande profondeur pour chacun des trois
régimes tectonique. De plus, pour un régime donnée, les mesures ne permettent pas de discriminer
pour un quadrant donné une limite courbe (cas de Drucker-Prager et Murrel) d’une limite rectiligne
ou quasi- rectiligne (Mohr-Coulomb et Griffith). Par contre, les mesures in situ montrent que la
limite atteinte par le rapport σ1 / σ 3 est de l’ordre de 2 pour des profondeurs comprises entre 1 et 7
km, pour des régimes décrochants (KTB) ou extensifs (Dixie Valley). Il est donc possible de
déterminer de façon empirique les valeurs des paramètres de ces quatre lois de comportements. Une
friction de 0.35 est nécessaire pour le critère de Mohr-Coulomb, ainsi qu’un angle de friction
interne de 15° pour Drucker-Prager. Les valeurs classiques de 0.6 et 30° déterminées en laboratoire
fournissent pour ces deux modèles des rapports σ1 / σ 3 de l’ordre de 2.5 ou 3, manifestement trop
23
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importants.
Comme cela a été exposé au § II.2.C, cette différence est probablement due à la pression de fluide
dans la croûte, qui modifie la pression apparente. La relation de Coulomb en présence d’un fluide
intersticiel peut être réécrite comme :
Pf
τ =τ 0 +µ(1− )σ n ,
σn
A des températures supérieures à 0.3-0.7 fois la température de fusion T f , les roches se déforment
plus efficacement par fluage plutôt que par fracturation ou friction. Le terme fluage ( =creep ) est
employé ici dans un sens distinct de l’essai de fluage, défini au chapitre II.1. Il désigne ici un
comportement pour lequel la contrainte est contrôlée par la vitesse de déformation. Les lois de
fluage utilisées pour les matériaux lithosphériques s’écrivent sous une forme unidimensionnelle
comme des lois de fluage (loi de Norton) :
ε&=σ /η
Si n = 1 la viscosité est newtonienne (linéaire). Les lois avec n > 1 sont couramment appelées lois
puissance ( = power law ). Le terme A dépend du type de matériau, et des conditions physiques P, T ,
ainsi que des fluides présents dans le milieu. Dans les roches, les mécanismes élémentaires qui
conduisent à un fluage correspondent tous à des migrations de défauts : les mouvements de lignes
de dislocation à travers les grains, la déformation du réseau par diffusion atomique, qui séparent des
et le transport de matière par dissolution - recristallisation sous contrainte. La carte de déformation
pour le quartz (Figure II.19) renseigne sur les mécanismes dominants : montées de dislocations à
forte contrainte, diffusion à faible contrainte et haute température, dissolution-recristallisation à
basse température.
24
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Figure II.19 : mécanismes de déformation dominants pour le quartz (Rutter 1976 ; Guéguen p. 158)
Fluage par dislocation. L’observation directe des roches lithosphériques anhydres déformées sous
forte contrainte à une température supérieure à 0.5 T f montre que ce sont les défauts d’arrangement
du réseau cristallin (les dislocations) qui assurent la déformation lors de la mise sous contrainte. Le
glissement se propage progressivement pour traverser le cristal de part en part. Deux types de
dislocations peuvent se développer : les coins et les vis (Figure II.20), qui se caractérisent par
l’orientation de leur vecteur de glissement (vecteur de Burgers) ainsi par rapport à la ligne de
dislocation.
La vitesse de déformation correspond à une équation de transport (équation d’Orowan, c.f. Guéguen
p. 112, Poirier p. 62). La loi constitutive résultante est de la forme (Weertman, 1978) :
Q+ PV
ε&= A0 (σ1−σ 3)n exp −
RT
Q
ε& = A0 (σ 1 − σ 3 ) n exp −
RT
Les exposants pour les minéraux les plus courants de la lithosphère sont compris entre 2 et 5, la
valeur 3 étant le plus souvent rencontrée. Par contre, les énergies d’activation varient grandement,
avec des faibles valeurs pour des minéraux comme le quartz humide, (100-200 KJ/mol), et des
valeurs beaucoup plus importantes pour l’olivine (400-600 KJ/mol). Cette variation se retrouve
également pour les lois de comportements des roches (Table II.4) .
Table II.4 Paramètres des lois de fluage dislocation pour les roches lithosphériques (s=sec, h=humide)
La représentation des lois puissance de la table II.3 dans un diagramme 1/T - Log10 (σ1−σ 3) rend
compte des effets respectifs des paramètres Q et A0. La figure II.21 rend bien compte du contrôle
respectif de ces deux paramètres : l’énergie d’activation Q contrôle la pente de la droite, alors que le
terme pré-exponentiel A0 en contrôle l’origine.
26
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Figure II.21 : Evolution de la contrainte différentielle en fonction de 1/T pour les matériaux de la table II.4
A forte contrainte et à faible température, les données expérimentales montrent que la vitesse de
déformation croit de façon quasi exponentielle lorsque la contrainte augmente. L’utilisation de la loi
puissance conduit à des exposants très élevés. Ce nouveau régime (= power law breakdown regime,
voir Tsenn et Carter, 1987) semble être atteint lorsque la contrainte dépasse une valeur seuil de
l’ordre de 10−2G . La loi utilisée est alors de la forme (Goetze, 1978 ; Kolhstedt, 1995):
Q (σ1−σ 3) 2
ε&=ε&0exp 1−
RT σ p
Figure II.22 : Transition entre la loi puissance contrôlée par les dislocations et une loi contrôlée par la contrainte de
Peierls (d’après Goetze et Evans, 1979)
Les fluides exercent également une influence importante sur le fluage – dislocation du quartz
27
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et de l’olivine. En laboratoire, la déformation de ces matériaux s’effectue souvent en présence
d’eau afin d’augmenter la vitesse de déformation. Le contenu en eau s’exprime par la fugacité
(=fugacity) qui correspond à ????. A température et à contrainte constante, la vitesse de
déformation croit avec la fugacité de l’eau, selon la relation expérimentale ε&∝ fHp O . En
2
combinant cette équation avec la loi puissance, on trouve des valeurs de p comprises entre 0.8
et 1.2 pour des roches riches en quartz (Kohlstedt et al., 1995). A reprendre
Fluage par diffusion. A une température proche de la température de fusion et sous faible
contrainte, la diffusion atomique et le glissement au joints de grains peuvent devenir plus efficace
que le fluage par dislocation. La déformation par diffusion correspond au fluage de Nabarro-
Herring. La déformation par glissement aux joints de grains a été formalisée par Coble (1963). Les
relations sont contrôlées par la température de façon identique aux lois de fluage dislocation. Par
contre, ε& est une fonction linéaire de σ . La formule proposée par Coble (1963) :
La présence de fluide dans les joints de grains peut augmenter considérablement augmenter la
vitesse de déformation à basse température, le processus actif étant la diffusion en solution. Trois
étapes peuvent être distinguées : dissolution aux endroits de forte contrainte, transfert en solution,
recristallisation dans les zones de faible contrainte. Ce processus est particulièrement actif pour le
quartz, le grès ou la calcite. La relation constitutive correspond à une loi de fluage linéaire du type
ε&=σ /η . Dans le cas d’un fluide interagissant avec des fractures ou des grains, la relation suivante a
été proposée (Gratier et al., 1999) :
ε&=αDwcV (σ1−σ 3)
RTd3
28
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affectés par les fluides, qui conduisent à un affaiblissement important. Les lois de
fluage-dislocation de la croûte inférieure et du manteau supérieur sont aussi
modifiées par la présence d’eau, qui diminue l’énergie d’activation apparente ;
• les vitesses de déformation en laboratoire sont de 5 à 10 ordres de magnitude
supérieures à celles opérant à l’état naturel. De plus, les températures utilisées sont
fréquemment supérieures aux températures adaptées pour la lithosphère.
L’extrapolation des lois puissance nécessite d’une part une bonne détermination des
énergies d’activation, d’autre part que les mécanismes de déformation opérant au
laboratoire soient ceux actifs pour la lithosphère ;
• les rhéologies utilisées sont représentatives d’agrégats monominéraux, et restent mal
déterminées pour des roches polyminérales. En effet la déformation de ces roches
s’accompagne souvent de fusion partielle, liée à l’abaissement de la température de
solidus du mélange. Pour s’affranchir de ce problème, des techniques de calcul de
lois de mélange à partir des lois des constituants ont été employées. Bien que cette
approche produise de bons résultats si les phases sont de compétence similaires, elle
ne prédit pas une vitesse de déformation correcte pour des phases rhéologiques
contrastées (Kolhsdtedt, 1995). Dans ce cas, une modélisation de la déformation par
éléments finis en utilisant la géométrie de l’agrégat et les lois monominérales peut
être utile (Bauer84, Tullis91) ;
• la déformation des agrégats dans des conditions naturelles conduit souvent à de
grandes déformations, des transformations de microstructures qui conduisent à une
anisotropie structurale et rhéologique, des réactions métamorphiques. Ces
phénomènes sont difficiles à reproduire en laboratoire, et les lois de comportement
correspondantes n’ont pas été formulées.
La résistance de la lithosphère dépend d’une part de la pression lithostatique qui contrôle la friction
effective, d’autre part de la température T, qui influence la loi de fluage. Contrairement au terme
lithostatique, simplement lié à la densité et donc relativement bien connu, la température dans la
lithosphère n’est pas une fonction simple de la profondeur. L’équation fondamentale pour le calcul
du géotherme est l’équation de la chaleur, qui traduit la conservation de l’énergie pour un transfert
thermique conductif (loi de Fourier) :
ρCT& =div(k⋅grad(T))+r ,
ou les concentrations sont exprimées en ppm. Les valeurs de r varient beaucoup suivant le type de
roche, le granite étant la roche la plus radiogénique. La production de chaleur pour les roches
crustales s’échelonne entre 0 et 4 µW/m2 (Cermak, 1983), mais atteint parfois des valeurs de 8
µW/m2 (Roy, 1968). La contribution de chaleur radiogénique du manteau supérieur au flux de
chaleur est par contre négligeable (r ≈ 0). L’autre mesure essentielle est l’estimation du flux de
chaleur en surface q0. Ce flux correspond à la quantité intégrée de matière radiogénique
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(essentiellement dans la croûte) auquel s’ajoute le flux provenant de l’asthénosphère. Une relation
assez claire existe entre le temps écoulé depuis le dernier événement tectonothermique de la
lithosphère et le flux de surface (Chapman77, Cermak83), qui présente des valeurs allant de 30
mW/m2 pour des cratons de 1 milliard d’années, à des valeurs de 90 mW/m2 ou plus pour des
provinces jeunes telles que le Tibet ou certaines parties du Basin and Range. Dans le cas d’une
lithosphère stratifiée, la seule variable d’espace est la dimension verticale z. La distribution de
température est donnée par le problème aux limites suivants :
∂T 2 r(z)
∂z 2 =− k
T(0)=T0
∂T (0)= q0
∂z k
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des lois puissance permet d’estimer la contrainte différentielle pour une lithosphère se déformant à
une température et à un taux de déformation donné. Le modèle assurant le niveau de contrainte
minimale est tenu comme mode de déformation dominant. A partir de régimes thermiques
correspondants à un flux fort, modéré et faible, illustré par Figure II.24, et en utilisant les lois de la
table II.4 et les relations de Byerlee, il est possible de construire des structures rhéologiques
caractéristiques de la lithosphère océanique et continentale.
Figure II.24 Géothermes caractéristiques de la lithosphère. Les flux de surface q0 pour les lithosphères chaudes, normale
et froide sont respectivement de 90, 60 et 30 mW/m2.
Figure II.25 Contrainte déviatorique prédite par les matériaux de la table II.4 pour une lithosphère océanique chaude.
Trois cas principaux peuvent être distingués en ce qui concerne la lithosphère continentale, illustrés
par les figures II.25 à II.27:
• Dans le cas d’un fort flux de chaleur en surface (90 mW/m2) et d’une croûte épaissie,
comme cela est le cas au Tibet ou dans l’Altiplano, les températures élevées dans la croûte
inférieure limitent les contraintes en dessous de 10 M Pa pour des roches granitiques ou
anorthositique. La température au Moho étant de l’ordre de 1200 °C, même les roches à
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forte teneur en olivine se déforment à faible contrainte. Par conséquent, la lithosphère
mécanique se limite à la croûte supérieure, et sa résistance ne devrait pas dépasser 2 1013 N.
Figure II.25 Contrainte déviatorique prédite par les matériaux de la table II.4 pour une lithosphère continentale chaude.
• Dans le cas d’un flux de surface modéré (60-70 mW/m2) , la baisse de la température dans la
partie supérieure du manteau augmente de façon significative la résistance de cette partie de
la lithosphère, qui peut égaler ou devenir dominante par rapport à la contribution de la
croûte supérieure à comportement frictionnel. Le croûte moyenne joue le rôle de niveau de
découplage seulement si le comportement dominant est celui du quartz (1-9). Si la rhéologie
de la croûte moyenne est contrôlée par des roches plus basiques (10-14), le manteau pourrait
être solidaire de la croûte supérieure.
Figure II.26 Contrainte déviatorique prédite par les matériaux de la table II.3 pour une lithosphère continentale
normale.
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Figure II.27 Contrainte déviatorique prédite par les matériaux de la table II.4 pour une lithosphère continentale froide.
Les données de sismicité, les paléopiézomètres, et les modèles de flexion lithosphérique apportent
un éclairage partiel sur ces aspects.
Figure II.28 Relation entre profondeur de sismicité, age de la lithosphère et température à l’intérieur des plaques
océaniques (d’après Chen83).
Dans les zones continentales ou la sismicité est abondante et bien localisée en profondeur, on
constate que les séismes se répartissent entre la surface et une profondeur généralement comprise
entre 5 et 35 km, au delà de laquelle les séismes disparaissent sur quelques kilomètres. La figure
II.29 illustre cette tendance pour le rift Baïkal.
Figure II.29 Répartition des séismes avec la profondeur dans le rift Baïkal (d’après Deverchère, 2001).
34
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La sismicité du manteau dans les zones continentales semble occasionnelle (Maggi et al., 2000). De
nombreuses études (e.g. Meissner82, Sibson82, Chen83, Maggi00) font apparaître une nette
corrélation entre la profondeur maximale de la sismicité crustale et le flux de chaleur. La figure
II.30 illustre cette dépendance pour la lithosphère continentale: les séismes crustaux disparaissent
au dessous de 10 km au Tibet (lithosphère chaude) et persistent jusqu’à 30 ou 40 km dans le rift
Baïkal ou la Sierra Nevada (lithosphère normale ou froide).
Figure II.30 Profondeur maximale de 90% de la sismicité et flux de chaleur pour diverses provinces tectoniques. 1 :
Sierra Nevada (b,e); 2 : Baïkal (h); 3 : Nord Californie (a,f); 4 : Nord Landers, Sud Californie (g) ; 5 : Sud Landers (g);
6 : Wasatch, Utah (b) ; 7 Baie de San Fransisco (a,f); 8 : Coso, Sud Californie (b) ; 9 : Californie Centrale (a,b,f); 10 :
Tibet (d) ; 11 : Geysers, Nord Californie (b). Références : a=Lachenbruch 1980 ; b=Sibson 1982 ; c=Meissner 1982 ;
d=Chen 1983; e=Smith 1984 ; f=Miller 1988; g=Williams 1996 ; h=Deverchère 2001. Voir Maggi00 pour d’autres refs
(Afrique et Inde). Les flèches indiquent des flux notablement plus forts dans des zones hydrothermales.
Néanmoins des zones dont le flux est comparable à celui du Baïkal (zones 3 et 4) présentent une
sismicité beaucoup plus superficielle, et il n’est pas possible de faire ressortir une relation univoque
entre les données de flux et de sismicité. Les raisons de cette corrélation médiocre peuvent être liées
aux données géothermiques et sismologiques : 1) la grande hétérogénéité des données de flux rend
difficile le choix d’une valeur moyenne représentative (voir Lachenbruch, 1980); 2) le géotherme en
profondeur dépend de façon importante de la production radiogénique et du flux à la base de la
lithosphère ; 3) le régime thermique peut être transitoire plutôt que stationnaire ; 4) la localisation
des séismes en profondeur peut être imprécise. Les données peuvent être ainsi entachées de
plusieurs dizaines de degrés d’incertitude, ainsi que de plusieurs kilomètres d’imprécision. Des
raisons rhéologiques peuvent également expliquer ces variations. Par exemple les zones 3 et 4 ou la
sismicité disparaît vers 250°C pourraient correspondre à des roches se déformant ductilement à
basse température, alors que la limite vers 32 km du rift Baïkal pourrait être due à la présence de
roches basiques comme la diabase. Des variations de régime de déformation ou la vitesse de
déformation affectent également la transition fragile-ductile, comme le montrent les courbes
enveloppes des figures II.24 à II.27. Toutefois, des causes plus fondamentales peuvent aussi altérer
la relation flux-séismes, qui repose sur plusieurs postulats :
• En accord avec la notion d’enveloppe de contrainte, la lithosphère est chargée jusqu’à sa
limite frictionnelle, et ne possède pas de domaine élastique. Cette hypothèse, qui peut se
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justifier pour une lithosphère faible (chaude) pour laquelle la force disponible aux limites est
supérieure à la résistance totale de la plaque, peut être inadaptée pour des lithosphères plus
rigides. Dans ce cas , seule la partie supérieure de la plaque pourrait atteindre la limite
frictionnelle, les parties profondes de la croûte et du manteau se comportant de façon
élastique.
• La zone sismogène est identifiée à la zone frictionnelle. En fait il est possible que la
disparition de la sismicité soit due à la transition stable-instable de la friction de certaines
roches comme le granite (voir Blanpied et al., 1995), plutôt qu’à une transition friction
instable-comportement visqueux, qui survient plutôt vers 350°C pour cette même roche.
• La présence des séismes indique une chute de la contrainte tectonique, comprise et 1 et 10
MPa, mais ne renseigne pas sur la magnitude de la contrainte tectonique, qui peut se situer
bien en deçà de l’enveloppe classiquement utilisée si la friction statique est faible ou si la
pression de fluide est élevée.
∂ 2M ∂ 2w
− N 2 −∆ρgw=L(x) ,
∂x 2 ∂x
∆ρ étant le contraste de masse volumique entre l’asthénosphère et le fluide sus-jacent à la plaque
(air, eau, sédiment). M étant défini pour une plaque mince par :
∂ 2w
M =−D 2 ,
∂x
il vient :
∂ 4w ∂ 2 w
D + N 2 +∆ρgw=L(x) .
∂x4 ∂x
La rigidité de la plaque est reliée à son épaisseur élastique he et aux coefficients élastiques comme :
D= E 2 he3
12(1−ν )
Ce modèle est particulièrement utile pour analyser les petites déformations de la lithosphère
océanique, car la bathymétrie et les charges lithosphériques sont plus aisément identifiables que
pour la lithosphère continentale.
36
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Figure II.31 Flexion d’une plaque élastique homogène en domaine océanique (voir Lowrie p. 320 ou 321)
Figure II.32 Relation épaisseur élastique equivalente (he) – age en domaine océanique (voir Watts 1980)
La prise en compte d’un seuil de contrainte dans la lithosphère, conformément aux relations de
Byerlee, permet d’expliquer la faible valeur de he comparée à l’épaisseur déduite de la rhéologie de
l’olivine (Mc Nutt et Ménard, 1982). Comme l’illustre la Figure II.33, la contrainte déviatorique
dans une plaque élastique est proportionnelle à la distance à la fibre neutre. Ce modèle n’est pas
valable pour la partie superficielle de la lithosphère, dans laquelle la contrainte est limitée par la
friction des roches. Le noyau élastique du modèle doit donc exclure cette partie superficielle, ce
d’autant plus que la flexion de la plaque est grande. La Figure II.34 illustre la supériorité du
modèle élastique-plastique pour expliquer la topographie d’une plaque en subduction. En effet, une
plaque élastique ne permet pas d’ajuster simultanément la topographie de la zone externe (faible
courbure) et de la fosse (forte courbure), ce qui devient possible en utilisant un modèle à seuil de
plasticité.
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Figure II.33 Contraintes dans une plaque élastique et dans une plaque à seuil dépendant de la profondeur (voir Goetze79
p. 466 et Watts 1985 p. 305)
Figure II.34 Ajustement de la flexion d’une plaque en subduction avec un modèle élastique et élastoplastique (voir
Watts 1985 p. 297)
Alors qu’il est défendable d’assimiler la déflection du plancher océanique à de la flexion élastique
ou élastoplastique d’une plaque mince, cette hypothèse est plus difficile à justifier et à tester pour la
lithosphère continentale. A justifier, car la structure rhéologique et thermique de la lithosphère
continentale est plus complexe et moins bien connue (éventuel niveau de découplage dans la croûte
moyenne, variations latérales de rhéologie). A tester, car la charge de la lithosphère continentale est
plus difficile à définir, et des processus comme l’érosion agissent directement sur la topographie.
Néanmoins, des modèles élastiques ou viscoélastiques ont été employés dans le domaine spatial
pour interpréter la subsidence de bassins intracontinentaux (Watts82), la remontée des épaules de
rifts (Weissel89) ou la flexion de la lithosphère lors de la formation des bassins d’avant chaînes
(Beaumont82). De façon alternative, il est aussi possible de résoudre l’équation de flexion dans le
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domaine fréquentiel (Dorman et Lewis, 1970, Karner85), ce qui permet de calculer la corrélation
entre la flexion de la plaque et le champ de gravité induit en fonction de la longueur d’onde. Une
plaque infiniment rigide, représentée sur la Figure II.35, est caractérisée par une absence de
corrélation, alors qu’une plaque de faible rigidité occasionne une corrélation parfaite (négative)
entre la topographie et l’anomalie de Bouguer.
Figure II.35 a) lithosphère rigide : l’anomalie gravimétrique n’est pas corrélée à la topographie ; b) une lithosphère
flexible induit une corrélation négative entre gravimétrie et topographie.
Pour un jeu de données réel, la longueur d’onde à laquelle on observe une transition entre une
bonne corrélation (grande longueur d’onde) et une décorrélation (courte longueur d’onde) fournit
une estimation de la rigidité de la plaque. Comme l’illustre la figure II.36, une analyse spectrale
systématique à l’échelle du continent Nord Américain fournit des rigidités comprises entre 1021 et
1025 N/m. Les épaisseurs élastiques équivalentes seraient alors de l’ordre de 100 km pour les
boucliers précambriens, de 40 km pour les Appalaches, de 18 km pour le plateau du Colorado, et de
4 km pour le Nord du Basin and Range. D’autres analyses fournissent des valeurs de he de 30 à 40
km pour des bassins d’avant chaînes de l’Himalaya ou du Tien Shan (Maggi00), de 25 km pour le
rift Est-africain, et des valeurs comprises entre 2 et 15 km pour des zones se déformant en Asie
(Maggi00).
Figure II.36 Evaluation de l’épaisseur élastique équivalente sur le continent Nord Américain. (Bechtel 1990)
Les valeurs de he trouvées pour les boucliers précambriens sont compatibles avec l’épaisseur de la
zone à forte contrainte prédites par les courbes enveloppes des zones à faible flux (90 km pour 30
mW/m2). Pour des lithosphères froides, la croûte et la manteau seraient donc solidaires sur des
échelles de temps géologiques. Les faibles valeurs de he sont elles aussi compatibles avec un
manteau à faible résistance. La zone à forte contrainte serait donc située exclusivement dans la
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croûte supérieure, d’une épaisseur de l’ordre de 10 km. Les valeurs intermédiaires de he, entre 15 et
40 km, peuvent être associées à des flux de chaleur intermédiaire, entre 40 et 70 mW/m2, pour
lesquels la contribution de la résistance du manteau est notable, ainsi que celle de la croûte
inférieure.
La présentation de ce chapitre pourrait donner l’impression au lecteur qu’un bon accord sur les
propriétés rhéologiques de la lithosphère découle des méthodes d’investigation en laboratoire et des
méthodes géophysiques, et que les profils d’enveloppe de contrainte sont suffisants pour déduire le
régime de contrainte d’une province tectonique en utilisant un taux de déformation mesuré à la
surface, et un profil rhéologique standard déduit des propriétés thermiques et des lois de
comportement moyenne pour la croûte et le manteau. Une telle façon de procéder n’est pas
productive, pour trois raisons principales.
• Le champ de contrainte n’est pas une observable suffisamment robuste. En effet, notre
perception du champ de contrainte dans la lithosphère est ponctuelle, et n’intéresse qu’une
enveloppe superficielle de quelques km. De plus ces contraintes ne constituent pas en soit
pas une véritable observable, mais bien la retranscription d’une observation de déformation
(ovalisation d’un forage, mouvement d’un séisme) par l’utilisation d’une loi de
comportement.
• Une vitesse de déformation constante avec la profondeur n’est qu’une hypothèse commode
pour présenter les profils de résistance de la lithosphère dans des contextes de faible ou forte
déformation. La lithosphère se déforme à priori de façon variée tant en profondeur que
latéralement. Cette déformation constitue d’ailleurs notre principale observable, que ce soit
à l’échelle géologique (millions d’années) , à l’échelle du cycle sismique (100-1000 ans) ,
ou à l’échelle de la mesure géodésique (1-100 ans). Le véritable test est donc de vérifier si
les lois rhéologiques standards de la lithosphère produisent des déformations et des
contraintes géologiquement raisonnables lorsqu’on applique à un modèle mécanique des
conditions aux limites elles aussi raisonnables. C’est l’enjeu de la modélisation numérique,
et le propos des chapitres suivants.
• Les lois rhéologiques présentées dans ce chapitre ne sont pas adaptées pour décrire certains
phénomènes tectoniques, en particulier ceux liés à la localisation de la déformation inter- ou
intra-plaques, pour des raisons détaillées au chapitre V. De façon plus générale, la
lithosphère étant un système complexe et inhomogène, il n’y a pas de garantie que les lois
de comportements « standards » soient partout adaptées. Un second enjeu de la modélisation
numérique est de tester des lois non-standards afin de modéliser des situations mécaniques
particulières, comme le glissement des failles à faible friction, ou le comportement des
zones à forte pression de fluide.
Bibliographie du Chapitre II
Ouvrages :
Atkinson
Carmichael82
Desai
Geguen92
Jaeger79
40
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Lemaitre85
Paterson78
Ranalli87
Scholz90
Articles :
Brace80
Kohlstedt95
41