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2 4 L'IDENTITÉ EN GÉOGRAPHIE
Si cette catégorisation peut être d’ordre professionnel, Marie-Christine Fourny définit l’identité territoriale
sexuel, ou encore générationnel, les géographes se sont comme la « modalité à partir de laquelle une société fonde
surtout intéressés à celles qui renvoient à des logiques de la conscience de sa[28] singularité en la référant à un espace
localisation (les quartiers ouvriers, le continent noir) ou qu’elle institue sien ». En tant que manifestation identi-
environnementales (les montagnards, les peuples tropi- taire collective, l’identité territoriale prend dès lors forme
[17]
caux, etc.) . grâce à un rassemblement d’ « une quantité suffisante de
gens par l’identification des croyances personnelles à une
croyance commune[29] ». L’identité territoriale apparaît
4.1.3 L'identité personnelle comme une forme d’identité collective dont les attributs
relèvent d’une territorialité et d’un territoire[30] .
On pense l’identité comme un processus personnel quand Définie comme une « construction identitaire »[25] , la
on la conçoit comme le « produit d’un exercice de construction territoriale consiste ainsi non seulement à
« conscientisation » de soi : « ce que je pense que je conférer une utilité à de la matière (objets naturels et
suis »[18] ». L’acception personnelle de l’identité suggère construits) mais aussi à lui donner un sens symbolique[31] .
que bien qu’elle soit résolument collective, elle n’en reste Les groupes sociaux influent directement sur le territoire,
pas moins un « choix individuel, ce qui laisse à l’individu en valorisants certains objets, qui vont faire office de mé-
un rôle essentiel d’acteur[19] ». diateurs. Dans cette perspective, « le territoire forme la
Si cette acception n’a été que très peu mobilisée dans le figure visible, sensible et lisible de l’identité sociale[32] ».
champ de la géographie, certains chercheurs s’en sont ins-
pirés dans des analyses sur le rôle des expériences des tra-
jectoires individuelles et des lieux et dans la construction 4.3 Critiques et limites du concept
de cette identité personnelle[20] . Ainsi un lieu serait iden- d'identité territoriale en géographie
tifiable grâce au rapport qu’il a avec le passé des individus,
de la société et de l’espace[21] . Certains usages du concept d’identité territoriale ont été
critiqués dans le champ de la géographie.
4.1.4 L'identité collective Un des travers de la notion serait d’être souvent la justifi-
cation d’un modèle de coïncidence pure et parfaite entre
Dans une perspective constructiviste, l’identité collective identité et territoire, dans le cas du déterminisme natu-
se définit comme « le sentiment et la volonté partagés raliste par exemple. Cette théorie, largement abandonnée
par plusieurs individus d’appartenir à un même groupe ». aujourd’hui, est une des idées les plus anciennes et les plus
Ainsi, le groupe ne pourrait exister que si les individus le répandues dans le champ de la géographie[33] .
reconnaissent comme tel[22] . Cette approche suggère que des entités sociales découlent
L’identification collective se définit par l’élévation au rang des entités géographiques, qui les inscrivent toutes deux
de symboles identitaires d’attributs comme la langue par dans la durée. Ainsi, le déterminisme naturel consiste à
exemple, qui deviennent des composantes essentielles de donner nécessairement aux individus qui composent un
l’identité d’un groupe[23] . En désignant, en combinant et espace géographique la même identité qui est désignée
en écartant tour à tour certains attributs, le groupe est à cette entité[34] . On peut trouver une approche de ce
en permanente reconstruction[24] . Dans ce processus in- type dans le Tableau de la géographie de la France de
fini de sélection, ce sont les cas où des référents géogra- Vidal de la Blache. Cette correspondance entre l’iden-
phiques ou des objets matériels fonctionnent comme des tité géographique et l’identité sociale constitue une des
marqueurs identitaires qui ont particulièrement intéressé nombreuses modalités possibles qui caractérisent l’identi-
les géographes. On parlera dans ce cas d’identité territo- té territoriale[35] . Pour certains, il s’agit de se garder d’ap-
riale. pliquer un modèle de superposition parfaite entre iden-
4 5 NOTES ET RÉFÉRENCES
tité et territoire remis en cause par la mondialisation [14] Debarbieux 2006, p. 341.
notamment[36] .
[15] GLACKEN C.J., Histoire de la pensée géographique, Pa-
Une autre critique consiste à mettre en garde contre une ris, CTHS, 2000-2005, 3 volumes, cité dans Debarbieux
surestimation de l’importance du territoire dans les pro- 2006, p. 343.
cessus identitaires. En prenant un espace délimité pour
objet d’étude, on aurait tendance à faire l’impasse sur les [16] Debarbieux 2006, p. 341.)
différentes identités à l’œuvre en son sein, pour n’en pri-
[17] Debarbieux 2006, p. 343.
vilégier qu’une seule, harmonieuse et homogène[37] .
De plus, certains usages du concept d’identité territo- [18] LOCKE J., An essay Concernind Human Understanding,
riale donneraient à penser que l’identité collective est un Londres, Basset, 1689, cité dans Debarbieux 2006, p. 342.
processus construit par les individus, en négligeant l’in-
[19] Gervais-Lambony 2004, p. 479.
fluence des pouvoirs politiques dans celui-ci[38] . Le ter-
ritoire, étant une source de conflit, parce que potentiel [20] Debarbieux 2006, p. 342.
porteur de multiples identités, peut être manipulé politi-
quement pour promouvoir ou imposer certaines formes [21] Gervais-Lambony 2004, p. 483.
de territorialisation[39] .
[22] POCHE, Bernard, L’auto-définition culturelle des mondes
locaux. Le cas des mondes alpins, In BERTRAND,
Georges, Identités et cultures dans les mondes alpins et ita-
5 Notes et références lien (XVIIIe -XXe siècle), Paris, L'Harmattan, 2000, p. 209-
226, cité dans Petite 2011, p. 15.
[1] Ferréol 2010, article Identité.
[23] APPADURAI, Arjun, Après le colonialisme. Les consé-
[2] Christelle Declercq, « De la construction de l’identité quences culturelles de la globalisation Paris, Payot & Ri-
sexuée aux différences psychologiques selon le genre ». vages, 2001, cité dans Petite 2011, p. 15.
[3] J-P. Codol, Une approche cognitive du sentiment d'identité, [24] Petite 2011, p. 15.
in « Information sur les sciences sociales », Éd. SAGE,
Londres et Beverly Hills, 20,1, 111-136. [25] Gervais-Lambony 2004, p. 471.
[4] Hanna Malewska-Peyre, L'identité comme stratégie, in
[26] Guérin-Pace 2006, cité dans Petite 2011, p. 33.
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mage à Carmel Camilleri », Jacqueline Costa-Lascoux, [27] Petite 2011, p. 31.
M-A Hily et G. Vermès (sous la dir. de), l'Harmattan,
2001. [28] FOURNY, Marie-Christine, Identités et dynamiques terri-
toriales. Coopération, différenciation, temporalités. Thèse
[5] Tajfel H., Bilig M., Bundy R.P., Flament C., Social ca-
d’habilitation à diriger des recherches, Grenoble, Univer-
tégorisation and intergroup behavbiour, European Journal
sité Joseph-Fournier, 2005, p. 122, cité dans Petite 2011,
of Social Psychology , 1, 149-178 cité et traduit par Ge-
p. 31.
neviève Vinsonneau, Inégalités sociales et procédés identi-
taires, Armand colin, Paris, 1999.
[29] Guermond 2006, p. 293.
[6] Dortier 1998, pages 270 à 276.
[30] Petite 2011, p. 25.
[7] (en) Julian Baggini, Barry Loewer (éditeur) et al., 30-
Second Philosophies : The 50 most thought-provoking [31] Petite 2011, p. 27.
philosophies, each explained in half a minute, Fall River
Press, 2009 (ISBN 978-1-43510957-5) [32] DI MEO, Guy et BULEON, Pascal, L’espace social. Lec-
ture géographique des sociétés, Paris, Armand Colin, 2005,
[8] Gervais-Lambony 2004. cité dans Petite 2011, p. 31.
[9] Guermond 2006, p. 292 ; Guérin-Pace et Guermond [33] GLACKEN C.J., Histoire de la pensée géographique, cité
2006, p. 289. dans Debarbieux 2006, p. 343.
[10] GRANJON, Fabien. APPADURAI Arjun, Après le co-
[34] Guérin-Pace et Guermond 2006, p. 289.
lonialisme [Compte rendu]. In COMMpsite , 2002/1
[en ligne] http://www.commposite.org/index.php/revue/
[35] Debarbieux 2006, p. 347.
article/view/58/57 (consulté le 11 janvier 2014)
[13] LAPIERRE J. W., L’identité collective, objet paradoxal : [38] Ibid, p. 293.
d'où nous vient-il ?. In : Recherches sociologiques, 15
(2/3), 1984, p. 195-206, cité in Ibid.[pas clair] p. 16. [39] Gervais-Lambony 2004
6.2 Articles connexes 5
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