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La Fontaine et Molière

Author(s): Pietro Toldo


Source: Revue d'Histoire littéraire de la France, 18e Année, No. 4 (1911), pp. 733-766
Published by: Presses Universitaires de France
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/40517057
Accessed: 23-06-2020 07:54 UTC

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Revue

d'Histoire littéraire
de la France

LA FONTAINE ET MOLIÈRE

La Fontaine n'a pas écrit une seule pièce de théâtre qui soit
digne de passer à la postérité et, malgré cela, on ne saurait lui
contester des talents comiques de premier ordre. Il nous a présenté
lui-même son vaste recueil de fables, comme « une ample comédie
à cent actes divers », où les bêtes devraient représenter les hommes,
mais où il n'est question bien souvent que d'acteurs humains.
Voyez Le savetier et le financier, Le vieillard et ses enfants,
L'oracle et l'impie, La vieille et les deux servantes, Le mal marié,
Le trésor et les deux hommes, où Ton ne rencontre pas même
l'ombre d'un animal. Tous ces personnages, quel que soit le degré
qu'ils occupent dans l'échelle des êtres vivants, pensent, agissent,
se remuent et surtout parlent, en des dialogues ou en des mono-
logues courts et pétillants de verve, avec l'enjouement et la malice
des Zanni et des Scapins. Écoutez ce boniment de bateleur débité
par le singe Gille et vous verrez paraître devant vous la foire avec
ses baraques de saltimbanques et de prodiges :

Venez de grâce;
Venez, Messieurs, je fais cent tours de passe-passe.
... votre serviteur Gille,
Cousin et gendre de Bertrand,
Singe du Pape en son vivant, .
Tout fraîchement en cette ville
Arrivé en trois bateaux...
... Il sait danser, baller,
Kevlk d'hist. littéh. de la France (18* Ann.). - XVIII. 48

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734 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE.

Faire des tours de toute sorte,


Passer en des cerceaux ; et le tout pour six blancs.
Non, messieurs, pour un sou; si vous n'êtes contents
Nous rendrons à chacun son argent à la porte 1 !

Plus loin, Tabarin appelle, à son tour, la foule à renfort 3


grands cris :

Oui, messieurs, un lourdaud, un animal, un âne;


Que Ton m'amène un âne renforcé,
Je le rendrai maître passé 2.

Puis, dans la rue, des commères bavardent sur l'homme qui a


pondu un œuf et se confient le grand secret à l'oreille :

Au nom de Dieu, gardez-vous bien


D'aller publier ce mystère,
Vous moquez-vous?... ah! vous ne savez guère
Quelle je suis. Allez ne craignez rien3.

Enfin sur la grand'route passent deux paysans, père et fils,


qui vont vendre leur âne au marché et que tout le monde apos-
trophe comme vous savez4. D'autres exemples se présentent en
foule à mon souvenir : la cigale repoussée par la fourmi, maître
renard tenant son fameux discours à maître corbeau, le dialogue
si plaisant de cet ivrogne renfermé, par sa femme, dans un
tombeau :
Quelle personne es-tu? -
De Satan... et je porte à manger
A ceux qu'enclôt la tombe noire. -
... Tu ne leur portes point à boire? -

Ajoutez la mouche qui injurie la fourmi « vil et rampant animal»


et celle-ci ripostant de plus belle, le monologue célèbre de l'âne
jaloux du chien que Ton caresse, et les répliques à l'avare qui a
perdu son trésor3. C'est une scène mouvementée. Grippe-sou
« gémit, soupire, se tourmente, se déchire ». Un passant lui
demande le pourquoi de tous ces cris :

C'est mon trésor que l'on m'a pris. -


Votre trésor! où pris? - Tout joignant cette pierre. -
Eh! sommes-nous en temps de guerre,
I. JA, ó.
2. IV. 9.
3. vin, 6.
4. Ill, 1.
5. I, 1, 2; III, 7; IV, 3, o, 20.

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LA FONTAINE ET MOLIÈItE. 735

Pour rapporter si loin? N'eussiez-vous pas m


De le laisser chez vous en votre cabinet,
Que de le changer de demeure?
Vous auriez pu sans peine y puiser à toute
A toute heure, bons dieux! ne tient-il qu'à c
L'argent vient-il comme il s'en va?
Je n'y touchais jamais.

Et le passant de s'écrier :

Puisque vous ne touchiez jamais à cet argent


Mettez une pierre à la place;
Elle vous vaudra tout autant.

Ces bouts de conversations sont tellement dans le caractère


artistique de notre poète, qu'il lui arrive parfois, dans ses contes,
de les entremêler aux récits, en formant ainsi des piécettes, avec
les noms des acteurs en tête et des rôles fixés d'après le caractère
des personnages. La servante justifiée nous offre deux interlo-
cuteurs : La Voisine et la Femme; la nouvelle suivante, La gageure
des trois commères, met en scène Guillot, le Mari et la Femme;
Camille et Constance s'adressent directement au public dans La
courtisane amoureuse.
La vis comica de La Fontaine paraît aussi à l'agencement de
ses fables dont les sujets forment autant de petits drames tantôt
badins et tantôt émouvants. Il y a des farces du Moyen Age et de
la Renaissance, certaines comédies même du xviie siècle, déve-
loppant de plus minces sujets. On peut choisir les exemples de ce
que j'avance parmi les pièces les plus connues. Quel canevas vif et
intéressant que celui, par exemple, du Savetier et du Financier1 !
Le rideau se lève et le premier de ces personnages se présente à
la rampe, maniant les outils de son métier et chantant une gaie
chansonnette, de celles qui courent les rues. Le financier, en son
hôtel, écoute. Bien qu'il roule sur l'or les soucis l'entourent; il
dort peu et mange moins. Comment se fait-il que ce savetier, qui
ne possède pas le sou, a l'air si heureux? Peut-on être heureux
sans un palais, sans un carrosse, sans l'assurance du moins de
l'avenir? Qu'un dé ses valets aille le quérir. Le disciple de
saint Crépin se passerait volontiers de cette visite. Les grands
seigneurs sont toujours redoutables, surtout lorsqu'ils paraissent
s'intéresser à vous. D'un air gauche, le savetier entre dans le
cabinet et le seigneur le contemple du haut de son trône :
i. vu, 2.

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736 REVUE d'iIISTÛIRK LITTERAIRE DE LA TRANCE.

Or ça, sire Grégoire,


Que gagnez-vous par an?

Par an? la question étonne le bonhomme, car ce n'est pas là


sa manière de compter. « II me suffit que chaque jour amène
son pain ». Le richard sourit :

Prenez ces cent écus; gardez-les avec soin,


Pour vous en servir au besoin.

Générosité étrange, unie à un conseil de la dernière prudence.


Le savetier remercie tout confus et retourne dans son taudis,
agité, affolé. Cent écus! mais c'est un trésor sur lequel il faudra
veiller sans cesse. Y a-t-il un endroit où le cacher? Sa cave est-elle
sûre? Est-ce que personne n'a vent de l'affaire? Les valets du
richard ne l'ont-ils pas épié? Il songe, il enterre son or et sa joie;
la nuit se remplit d'ombres menaçantes, il tend l'oreille, tressaille
et si un chat fait du bruit, le chat vole son argent. Puis vient le
dénouement, d'une moralité aussi douteuse qu'absurde : la resti-
tution de l'argent au financier qui va le prendre certainement
pour fou.
Tournez quelques pages et vous trouverez l'idylle des deux
pigeons qui s'aiment, se quittent, se désespèrent et se retrouvent *,
puis l'aventure plus complexe de L'en fouisseur et son compère,
ensuite, dans la dixième fable du même livre, l'histoire d'une
gravité d'exempla du berger que le roi a élevé à la dignité de
ministre et que les courtisans envient et tâchent de perdre.
Arrêtons-nous un instant devant un tableau de mœurs. Il est
question d'un petit bourgeois qui a recours au seigneur du village
afin qu'il le délivre d'un lièvre qui mange ses choux :

Je vous en déferai, bon homme, sur ma vie2.

C'est la parole d'un gentilhomme et le lièvre n'a qu'à se tenir


sur ses gardes. Le jour suivant, le hobereau arrive suivi de ses
valets et de ses chiens, « tous gens bien édentés » :

Ça, déjeunons, dit-il : vos poulets sont-ils tendres?


La fille du logis, qu'on vous voie, approchez !
Quand la marierons-nous, quand aurons-nous des gendres?

11 a bien l'air de vouloir prendre part à la noce et la fait asseoir


auprès de lui :
1. IX, 2.
2. IV, 4.

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LA FONTAINE ET MOLIÈRE. 737

Prend une main, un bras, lève un coin du m


Toutes sottises dont la belle
Se défend avec grand respect.

Puis la curée commence; la cuisine et la cave mises au pillage,


les jambons emportés, l'enclos ruiné et la pauvre haie trouée
d'une « horrible et large plaie ». Figaro conclurait la pièce par un
cri de révolte; le bourgeois, qui est bien de son siècle, soupire en
silence et s'écrie : « Ce sont là jeux de prince ». Cela est peint,
aurait dit Mmc de Sévigné.
Tout le xvir siècle raffole de portraits et de caractères depuis
les satires de Boileau et de Molière jusqu'aux Mémoires et aux
Caractères de Saint-Simon et de La Bruyère. L'église elle-même
s'en mêle, et les sermonnaires représentent à l'envi les vicieux
bien plus que les vices. Les nouvellistes débordent de ces légers
croquis, et le révérend Pierre de la Vergnede Tressan fait paraître,
en 1670, son Examen général des devoirs de tous les états et condi-
tions et des péchés que l'on // peut commettre où l'on voit défiler les
avares, les hypocrites, les courtisans, les dames légères et
coquettes, de même que dans les Satires générales de Louis Petit1.
La Fontaine partage ce goût universel des « portraitures » et
bien des personnages et des scènes de sa « comédie » rappellent
de près l'œuvre de son ami Molière. Ces rencontres, qui ne nous
paraissent pas toujours dues au hasard, méritent un examen
attentif.
*

Commençons par la cour et par la noblesse, en laissant de côté


le lion-roi, parce que ce redoutable animal disposait alors de
griffes acérées qui conseillaient le respect. La Fontaine et ses amis
ne pensaient pas sans doute ce qu'ils écrivaient du Roi soleil,
mais ils ont porté dans le tombeau le secret de leurs sentiments et
de leurs griefs :

On ne peut trop louer trois sortes de personnes,


Les Dieux, sa maîtresse, et son roi2

Au contraire, avec ces messieurs du bel air, on ne faisait pas


tant de façons; on les montrait au doigt, on riait à leurs dépens;

1. Cf. Maurice Lange, La Bruyère critique des conditions et des institutions


sociales. Paris, Hachette, 1909.
2. Fables, I, Ü.

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738 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE.

c'était là aussi une manière de se rendre agréable à celui qui


nivelait tout le monde au pied de son trône.
Molière et son confrère peignent de même les courtisans et leur
vie désœuvrée. Dans L'Impromptu, deux marquis ¡se rencontrent
dans l'antichambre du roi : « Têtebleu! quelle foule! » On attend
que la porte s'ouvre pour être admis à ce lever qui rend si fière
la valetaille de la couronne : « II y a là vingt gens qui sont fort
assurés de n'entrer point, et qui ne laissent pas de se presser et
d'occuper toutes les avenues de la porte ». Et Clitandre, dans Le
Misanthrope, s'écrie bien haut qu'il vient du Louvre. Les héros de
La Fontaine en font de même se trouvant :

... au coucher, au lever, à ces heures


Que l'on sait être les meilleures *,

« prêts à tout », se mordant à belles dents et « singeant le maître2».


Si, dans Les Fâcheux, Éraste se plaint que le rang :

... dont on veut tout couvrir,


De cent sots tous les jours nous oblige à souffrir,

le fabuliste n'oublie pas non plus la vanité des habits brodés et de


tout ce monde « à ressorts » :

Oh! que de grands seigneurs, au léopard semblable?,


N'ont que l'habit pour tous talents 3!

Sous cette vanité féminine, faisant admirer, comme Mascarille,


la petite-oie, les rubans et le parfum des perruques, vous retrouvez
la méchanceté foncière de ceux qui se croient les maîtres de l'uni-
vers. Sganarelle avait dit : « Un grand seigneur méchant homme
est une terrible chose » et La Fontaine d'ajouter :

Peu de grands sont nés tels en cet âge où nous sommes :


L'univers leur sait gré du mal qu'ils ne font pas4.

Ainsi le grand discours cornélien de Dom Louis à Dom Juan :


« Et qu'avez-vous fait dans le monde pour être gentilhomme?
Croyez-vous qu'il suffise d'en porter le nom et les armes...? » fait
songer à Laridon, chien tombé dans la misère vicieuse, mais issu,
lui aussi, d'une race hardie et illustre :

1. VIÏ, 12.
2. VIII, 14.
3. IX, 3.
4. XII, 12.

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LA FONTAINE ET MOLIÈRE. 730

On ne suit pas toujours ses aïeux ni son père :


Le peu de soin, le temps, tout fait qu'on dégénè

Le marquis Mascarille et Dom Juan battent


et foulent au pied ce qui n'est pas de « qualit
liste explique et commente :
On en use ainsi chez les grands :
La raison les offense; ils se mettent en tête
Que lout est né pour eux, quadrupèdes et gen

Outre cette communauté d'idées, partagée par


et La Fontaine ont des points de contact en
Sosie, l'esclave d'Amphitryon, se plaint de ce
sont pas écoutées :
Tous les discours sont des sottises
Partant d'un homme sans éclat;
Ce seraient paroles exquises,
Si c'était un grand qui parlât.

N'est-ce pas là l'affabulation de l'apologue du chien battu par son


maître?...
Son raisonnement pouvait être
Fort bon dans la bouche d'un maître,
Mais n'étant que d'un simple chien
On trouva qu'il ne valait rien*.

A côté des marquis, bien souvent bras dessus, bras dessous,


voyagent doucement sur la carte du Tendre, Cathos, Madelon,
Bélise, toutes ces précieuses épurant la langue, retranchant les
syllabes déshonnêtes et ayant l'horreur du mariage vulgaire. « II
faut qu'un amant, pour être agréable, sache débiter les beaux sen-
timents... » La fille et la nièce de Gorgibus dédaignent ces braves
gens qui débutent par « le mot mariage » et Armande repousse
Clitandre, dont elle voudra plus tard lorsque l'âge aura éloigné les
meilleurs partis.
La Fontaine nous apprend, à son tour, que
... les précieuses
Font dessus tout les dédaigneuses5,

et présente un spécimen de ces aimables créatures :


1. VIII, 24.
2. x, 2.
3. Cf. la satire de Boileau sur la noblesse.
4. XI. 3.
5. VII, 5.

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740 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE.

Quoi! moi! quoi! ces gens-là! l'on radote, je pense.


A moi les proposer 1 Hélas! ils font pitié.
Voyez un peu la belle espèce!

Mais, comme pour Armande, le temps passe et les beaux rêves


s'évanouissent :

Sa préciosité changea lors de langage '

Vadius et Trissotin marchent à la suite de Philaminte, de Bélise


et d'Armande. Ils se louent réciproquement pour en imposer aux
autres et ils exigent que leurs hommages soient payés de retour :

Trissotin. - Vos vers ont des beautés que n'ont point tous les autres.
Vadius. - Les Grâces et Vénus régnent dans tous les vôtres.
Trissotin. - Vous avez le tour libre et le beau choix des mots.
Vadius. - On voit partout chez vous Vithos et le pathos.

Si vous voulez savoir pourquoi asinns asimim fricat, deman-


dez-le à la fable Le lion, le singe et les deux ânes2. L'amour-propre
fait qu'on exalte ses confrères

Car c'est un bon moyen


De s'élever aussi soi-même.

Les deux baudets se présentent partant àia rampe du théâtre du


fabuliste et se tirent de grandes révérences :

Les humains sont plaisants de prétendre exceller


Par dessus nous! Non, non; c'est à vous de parler,
A leurs orateurs de se taire.
Voilà le« vrais braillards. Mais laissons-là ces gens!
Vous m'entendez, je vous entends :
II suffit. Et quant aux merveilles
Dont votre divin chant vient frapper les oreilles,
Philomèle est, au prix, novice dans cet art :
Vous surpassez Lambert. L'autre baudet repart :
Seigneur, j'admire en vous des qualités pareilles.

On sait que Trissotin et Vadius se jalousent et s'injurient et que


les maîtres de M. Jourdain se lancent à la figure tous les gros
mots de leur dictionnaire; cela paraîtrait contradictoire si La Fon-
taine ne servait encore de commentaire à l'œuvre de son ami :

4. VII, 5.
2. XI, 5.

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I.A FONTAINK ET MOLIÈRK. 741

Toute profession s'estime dans son cœ


Traite les autres d'ignorantes,
Les qualifie impertinentes.

Si vous voulez que le tableau soit plus c


scène Métaphraste, Pancrace, Marphurius,
comédie moliéresque et demandez au bon
autobiographiques :

Certain enfant qui sentait son collège,


Doublement sot et doublement fripon
Par le jeune âge et par le privilège
Qu'ont les pédants de gâter la raison....
Ne sais bête au monde pire
Qu'est l'écolier, si ce n'est le pédant '

Ecoutez-le ce magister citant Virgile et Cic


saisir l'esprit et qu'il fait haïr à ses élèves;
mal à propos l'enfant qui est tombé dans l
à son secours2, et si vous voulez qu'une aut
de ses amis, relisez les pages où Hoileau
pédants et aux faux beaux-esprits de son
plaint, en Clymène, que « chacun forge de
de rime » et il ajoutera autre part dans u
aimerait mieux :

Un glaive aux mains d'un furieux


Que l'étude en certains génies.

Saint-Marc Girardin remarque, à ce propos ' que nous recon-


naissons ici les pensées de Molière dans Les Femme* savantes,
quand Clitandre et Trissotin discutent ensemble sur le mérite des
lettres et que le premier s'écrie :

... J'aimerais mieux être au rang des ignorans,


Que de me voir savant comme certaines gens.

Les astrologues ne sont pas moins effrontés. Ils fréquentent les


hôtels des riches et ont accès au Louvre.

1. IX, 5.
2. I, 19.
3. III- satire.
4. Cf. son La Fontaine el les fabulistes.

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742 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE.

Il y a une chose - dit l'auteur des Amants magnifiques - qui


m'étonne dans l'astrologie; comment des gens qui savent tous les
secrets des dieux, et qui possèdent des connaissances à se mettre au-
dessus de tous les hommes, aient besoin de faire leur cour et de
demander quelque chose.

La Fontaine, qui se souvient de la lecture de Rabelais, renchérit


davantage. Après avoir exposé certaines histoires d'horoscopes,
qui semblent donner raison aux gens superstitieux, le poète tient
à expliquer clairement sa pensée : « Je maintiens que cet art est
faux ». Mais son affirmation ne suffit pas; il faut raisonner et
prouver, et La Fontaine de nous dire qu'il est absurde de croire
que la nature nous lie les mains. Notre sort dépend parfois d'une
conjoncture de lieux, de personnes, de temps, mais non pas des
conjonctions que les charlatans ont inventées. Un berger et un
roi naissent le même jour et sous le même astre, cependant l'un
porte la houlette et l'autre le sceptre. Un astrologue se laisse
tomber dans un puits et le poète de s'écrier, avec un accent d'indi-
gnation qui ne lui est pas habituel :

Charlatans, faiseurs d'horoscope,


Quittez les cours des princes de l'Europe1;

et dans Les devineresses, il lance d'autres traits2.


Au pied du trône sied la justice; pour la peindre, on peut dire
que les quatre amis des Amours de Psyché se servent du même
pinceau. Nous savons bien ce que le poète des Plaideurs en pense;
Boileau a raconté la fable de l'huître3 et protesté contre « ce pays
barbare » où l'on voit l'innocence

Errer dans les détours d'un dédale de lois;

et quant à Molière, écoutez l'avis de son Scapin :


« Jetez les yeux sur les détours de la justice; voyez combien
d'appels et de degrés de juridiction, combien de procédures embar-
rassantes, combien d'animaux ravissants par les griffes desquels
il vous faudra passer : sergens, procureurs, avocats, greffiers,
substituts, rapporteurs, juges et leurs clercs. » On dirait que c'est
là le style de La Fontaine énumérant les malheurs de la chicane :

'. il, 3.
2. VII, Ì5.
3. lre satire.

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LA FONTAINE ET MOLIÈRE. 743

Et le sort principal, et les gros intérêts,


Et les sergents, et les procès... *;

et l'apostrophe du gai personnage moliéresqu


écho, dans une autre fable :

Mettez ce qu'il en coûte à plaider aujourd'hu


Comptez ce qu'il en reste à beaucoup de fam

Puis une protestation indignée contre cette


bon sens qui nous « mange, gruge et mine
était vrai du temps du bonhomme, ne l'est pas
où :
L'hirondelle, en passant, emporte toile et lout,
Et l'animal pendant au bout3.
*

Un ennemi bien plus redoutable se présente sur la scène des


deux théâtres. Vous connaissez cette engeance patheline qui s'est
formée à l'école de Tartufe. L'hypocrisie joue aussi un rôle dans
« la comédie » de La Fontaine, rôle que les studieux n'ont pas
assez mis en évidence et elle se personnifie dans une bète peu
connue aux fabulistes latins et médiocrement à ceux du moyen âge.
Je demande pardon aux lecteurs d'une digression qui me paraît
indispensable. Taine et les autres critiques qui ont suivi ses
brisées considèrent le bonhomme surtout comme un peintre de la
nature sauvage. A force de lire dans ses fables les exploits du
lion, de l'ours, du renard et du loup, ils ont cru se trouver dans
une forêt a selvaggia ed aspra e forte » et ils ont peint leur poète
assis « le long d'un clair ruisseau », s'attardant à suivre l'enterre-
ment d'une fourmi ou scrutant les mystères de ces bois qu'on lui
avait confiés et qu'il surveillait d'ailleurs si mal. Ce n'est pas qu'il
ne sut peindre admirablement

Le héron au long bec emmanché d'un long cou '

le lapin parmi le thym et la rosée,

Damoiselle belette, au corps long et fluet3,


1. XII, 7.
2. IX, 9.
3. X, 7.
4. VII, 4.
s. iv, n.

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744 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE.

et la tortue qui va « son train de sénateur1 », mais dans ces com-


paraisons même, on peut se demander si c'est le terme humain ou
le terme animal qui Ta frappé le plus : la demoiselle et le séna-
teur, ou la belette et la tortue. On s'est extasié devant les noms
qu'il a donnés à ses animaux, le chat Bodilardus, l'âne maître Ali-
boron, le mouton Robin, Raminagrobis, Grippeminaud, etc., sans
vouloir se souvenir que c'étaient là des emprunts faits à Rabelais,
de même que les tours des habitants des forêts qu'il tirait des
recueils de la Grèce, de Rome et de l'Orient. On a fait aussi trop
de grâce à son abus d'images mythologiques, troublant la vision
sincère de la nature, y compris celle de Téthys chassant « Phébus
aux crins dorés » évoquée pour nous dire qu'une vieille, aussi
usée que cette métaphore, éveillait ses servantes à la pointe du
jour2.
Ce n'est pas pour dire que l'éminent fabuliste n'eût point ce
sentiment de la vie champêtre, effacé presque du souvenir de ses
contemporains, bien qu'ici encore on ait exagéré la couleur du
tableau, au point d'oublier que Boileau avait chanté, de même que
notre poète, les plaisirs d'une retraite tranquille :

O fortuné séjour! ô champs aimés des cieux!


Que, pour jamais foulant vos prés délicieux,
Ne puis-je fixer ma course vagabonde,
Et connu de vous seuls oublier tout le monde3!

Ce que j'affirme c'est que La Fontaine n'a jamais été si vrai que
lorsqu'il a reproduit ses impressions de Paris, de ce Paris qu'il a
toujours aimé au point d'oublier, pour ses attraits, Château-Thierry,
sa femme et son fils; j'ajoute encore que les animaux qu'il peint
le mieux sont ceux de la ville, rapprochés des citadins. De la
fenêtre de son cabinet de travail ou en se promenant dans les
rues, il voyait le mulet, marchant d'un pas relevé et agitant sa
sonnette, les rats trottant d'un pas agile, les hirondelles nidifiant
sous le toit, tandis que le chat ronronnait au coin du feu, les yeux
i. VI, 10.
2. Je cite, au hasard, les images mythologiques qui se présentent à mon esprit,
le •• royaume du vent » où Borée domine (I, 22), le « sage Ulysse », le « vaillant
Diomède » et «« l'impétueux Ajax »(11,1),« Jupiter et Ganimède » (11, 8), « l'oiseau
de Vénus »• (11, 12), ce renard qui menace le peuple bêlant :
Tel vôtu «les armes d'Achille,
Patroolo mil l'alarme au camp et dans la ville (XII, 9);
ses Coridon et ses Tireis et les exploits des héros de la Ratrachomyomachie, Arto-
pax, Psycarpax, Aléridarpax (IV, G), etc. Ailleurs il parait précieux et appelle les
miroirs « les conseillers muets » (1, IX) et le nom d'Olympe (M11" de Montespan)
« rempart et abri • de son œuvre.
3. Epilre, VI.

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LA FONTAINE ET MOLIÈRE. 745

demi-clos, dans l'attente d'une proie. Il peut b


distractions lorsqu'il parle, par exemple,
nourrit de mouches et de vermisseaux, et
croquent les rats1, mais il ne se trompe jam
des bêtes domestiques, qu'il connaît autant
son quartier et les courtisans du Louvre et qu
nature.

La tradition classique continuée au moyen âge a donné à maître


Renard la première place, c'est lui le représentant de la ruse,
ayant cent tours à son sac; selon certains critiques, ce représen-
tant des faibles annonce parfois même Figaro. La Fontaine
n'oublie pas, surtout dans les premiers livres, les mérites de
l'ancien goupil, mais peu à peu il remplace cet animal sauvage
qu'il connaît très peu par un animal domestique, que les fabulistes
italiens, entre autres Abstémius et Faërne, ont célébré sur tous
les tons et qu'il connaissait toujours mieux que l'hôte des terriers2.
Ainsi le chat, ronflant peut-être sur les genoux du poète, tandis
que la muse lui dictait ses charmants récits, finit par jouer tous
les rôles du renard, et ce qui nous intéresse le plus, celui de
l'hypocrite.
L'effacement du roi de la fable dans l'œuvre de notre fablier
paraît déjà dans Le Loup et le renard :

Mais d'où vient qu'au renard Esope accorde un point


C'est d'exceller en tours pleins de matoiseries?
J'en cherche la raison et ne la trouve point.

Cette gloire usurpée finit par l'ennuyer :

J'oserais peut-être
Avec quelque raison contredire mon maître;

et ailleurs il osera davantage et lui arrachera la couronne pour la


donner à maître Mitis3. Voici le chat et le renard qui vont en
pèlerinage :

1. X, 7; IV, li.
2. Le triomphe du chat sur le renard (La Fontaine, Fables, IX, 14) se trouve déjà
dans le Roman du Renart; l'aventure du chat, de la belette et du petit lapin (ibid.,
VII, 46) a une origine orientale et populaire; la rencontre que le souriceau fait du
chat et la peinture de l'hypocrisie de ce dernier (VI, 5) est un emprunt fait à Absté-
mius et à Verdizolli. La fable Le chat et le rat a pour modèle un conte oriental (VII, 22)
et Faërne a introduit des éléments modernes dans ce qu'Esope avait raconté du
chat et du vieux rat (111, 18). Tibert, dans la vieille littérature, jouait un rôle fort
modeste, et les éléments que La Fontaine a réunis de toute part pour nous repré-
senter son héros témoignent de l'intérêt qu'il ressent pour lui.
3. IX, 14.

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746 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE.

C'étaient deux vrais tartufs, deux archipatelins.

Remarquez bien ce mot de « tartufe », qui indique la qualité


la plus saillante des deux sires et que le premier de ces per-
sonnages finit par s'approprier. Ce mot indique aussi un rappro-
chement d'idées, l'accord, dans une même satire, de Molière et de
La Fontaine, et, jusqu'à un certain point, l'influence du premier
sur son confrère. Comme le chemin était long et qu'il n'y avait
pas toujours de la volaille à croquer, les deux bêtes disputaient
pour le raccourcir :

Le renard au chat dit enfin :


Tu prétends êlre fort habile ;
En sais-tu tant que moi?

Le défi est lancé, des chiens surviennent ; c'est le moment où


les deux compères vont montrer leur valeur. Le renard

Entra dans cent terriers, mis cent fois en défaut


Tous les confrères de Brifaut,

- le vieux héros ne se rendra pas si facilement; - mais enfin les


bassets l'étranglent, tandis que son rival, le chat, grimpe sur un
arbre et peut s'écrier de là-haut, comme le valet de Turcaret,
après la défaite de son maître : « ton règne est fini, le mien va
commencer ».

Il serait fort intéressant de rappeler les exploits de

L'Alexandre des chats,


L'Attila, le fléau des rais,

et de décrire comment il fait le mort pour attraper l


menu, et comment il se niche et se blottit dans une
son rôle d'imposteur nous intéresse encore davant
moment bornons-nous à contempler sa démarche
fait aucun bruit, et ses pattes au poil caressan
griffes. Certain souriceau, rien qu'à le voir, rest
douceur du petit saint :

II est velouté comme nous,


Marqueté, longue queue, une humble contenance,
Un modeste regard et pourtant l'œil luisant 2.

I. 111,18.
2. V!, 5.

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LA FONTAINE ET MOLIËKE. 747

Ah, qu'il est innocentée pauvre animal, s'i


quoi cet œil luit ! Ailleurs « un saint hom
gros et gras » (on dirait « le pauvre h
moque de la belette et du lapin qui ont
c'est d'un accent pieux, que le traître im
pour qu'il le délivre du filet où il est tom

Je t'ai toujours choyé, t'aimant comme me


Je n'en ai point regret, et j'en rends grâ
J'allais leur faire ma prière,
Gomme tout dévot chat en use les malins....

Si Tartufe est le prototype de l'imposture, remarquons qu'il n'est


pas pour cela dans l'œuvre moliéresque le seul représentant du
vice de son siècle. Autour de lui se pressent des hypocrites de
toute espèce; Mmc Pernelle, Arsinoé, l'adversaire d'Alceste,
M. Loyal et le Dom Juan des dernières scènes sont des nuances d'un
caractère, qui prouvent l'universalité de l'ennemi redoutable qu'il
faut bien démasquer. Il en est de même dans les fables de La Fon-
taine. Le chat n'est pas non plus le seul animal affectant le ton
doucereux de la secte; le loup est aussi hypocrite que lui, lorsqu'il
tâche, par de belles paroles, de séduire le mouton et la chèvre; le
renard n'a pas non plus oublié ses mœurs de jadis, il parle de
paix et d'amitié fraternelle au coq qu'il veut dévorer et s'introduit
dans le bercail sous la peau d'un chien. Le rat, à son tour, affecte
des mœurs pures et le détachement de toute chose terrestre :
« Vous le connaissez ce rat, las des soins d'ici-bas, qui :
Dans un fromage de Hollande
Se retira loin du tracas.
Il devint gros et gras3...

Le dévot personnage est visité par les habitants de Ratopolis


que l'ennemi assiège :
Mes amis, dit le solitaire,
Les choses d'ici-bas ne me regardent plus :
En quoi peut un pauvre reclus
Vous assister? que peut-il faire
Que de prier le ciel qu'il vous aide en ceci?
1. vn, te.
2. Vili, 22.
3. VU, 3. Phèdre, dans son Poeta, avait prêté le rôle de trompeur à la mustela
(belette) remplacée par le chat RodilarJ dans la fable de La Fontaine (11, 2). Ajou-
tons que chez La Fontaine c'est la chatte, qui, par son langage hypocrite, 8ème la
discorde et en profite. (La Fontaine, Fables, III, 6.)

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748 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE.

Après ces grands tableaux, des croquis d'autre genre, enlevés plus
rapidement de la main des deux artistes. Tous les deux sortis de
la bourgeoisie, ils sympathisent avec ces travailleurs trottant
comme la fourmi sèche et maigre, pour saisir, compter et entasser.
Dans certaine fable de la Fontaine ! c'est l'esprit d'un pâtre qui
l'emporte sur un marchand, un gentilhomme et le fils d'un roi :

Croit-on
Que le ciel n'ait donné qu'aux têtes couronnées
De l'esprit et de la raison?

et après cette remarque, qui ne manque pas d'une petite audace,


le poète ajoute :

La main est le plus sûr et le plus prompt secours,

ce qui signifie, en d'autres termes, que le travail manuel est parfois


plus méritoire que les autres. Mais cette maxime et la riposte de
Dom Louis et de Sganarelle à Dom Juan, n'empêchent pas que les
deux écrivains ne satirisent aussi ce milieu où ils ont passé leur
jeunesse. C'est que les artistes sont faits comme çà : leur observa-
tion s'exerce sur ce qui les frappe, même aux dépens de leurs
amis; les portraits flattés ne se font que sur commande. Dans
cette galerie bourgeoise, le bourgeois gentilhomme est au premier
rang. Nous connaissons monsieur Jourdain entouré de flatteurs et de
pique-assiettes et flanqué d'un noble déchu, jouant le rôle d'escroc
et servant ainsi de contrepoids à la satire des classes inférieures,
qui aspirent à s'élever. George Dandin, dont le nom s'allonge en
monsieur de la Dandinière, est une autre victime de cette manie
de s'anoblir, et il a, lui aussi, à ses côtés, des gentilshommes
ridicules, qui ont vendu leurs filles pour dorer leur blason. Les
parasites de la comédie classique, Ergasile, Curculion et Artotrogue
portent maintenant des habits brodés et affichent leurs aïeux.
Les fables de la Fontaine servent ici encore de commentaire :

Se croire un personnage est fort commun en France;


On y fait l'homme d'importance
Et Ton n'est souvent qu'un bourgeois2.
Et ailleurs :

Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs.

i. x, 16.
•2. VIII, 15.
3. I, 3.

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LA FONTAINE ET MOLIÈRE. 749

Puis encore un mulet se vantant de sa noble


la misère, de se souvenir que son père était â
que le produit de cette vanité, peinte avec ins
logue : Le Corbeau qui veut imiter l'aigle. Le
du Paon, Le Chameau, Les Bâtons flottants, q
de loin, mais qui ne sont rien de près, et ces
rencontrent sur un pont étroit et croient qu
leur rang si elles se cédaient le pas 2 :

Elles avaient la gloire


De compter dans leur race, à ce que dit l'hist
L'une, certaine chèvre, au mérite sans pair
Dont Polyphème fit présent à Galatée
Et l'autre la chèvre Amalthée.

Elles avancent rigides : « pas à pas,


Nez à nez, nos aventurières,
Qui toutes deux étant fort fîères,
Vers le milieu du pont ne se voulurent pas

céder le pas, ce qui fait qu'elles tombent dans l'eau.


On dirait le bourgeois Ludovic, des Fiancés de Manzoni, mar-
chant en droite ligne vers certain gentilhomme d'un pas fier,
la tete haute, l'insolence et le dédain sur les lèvres. Tous deux
cheminaient en rasant le mur « comme deux figures mouvantes
de bas-relief.... » Malheur d'ailleurs au pot de terre qui a la vanité
de faire voyage avec le pot de fer!
Le lion, lui-môme, malgré sa crinière royale, prend parfois un
petit air de monsieur Jourdain 3 et demande au singe de lui apprendre
la morale, ce que celui-ci fait avec plus de circonspection que le
philosophe moliéresque, lui conseillant surtout de se méfier des
maîtres es arts, qui se chamaillent dans l'antichambre. Ce qui
caractérise particulièrement le bourgeois de La Fontaine, c'est son
mépris de la science. Ignorant comme son aïeul, qui a fait de la
prose toute sa vie sans s'en être aperçu, il dédaigne les savants,
marchant dans la boue :

Je ne sais d'homme nécessaire


Que celui dont le luxe épand beaucoup de bien4.

1. VII, 7.
2. XII, 4.
3. XI. .".
4. VIII, 10.

Revui: d'iiist. littér. de la France (lSe Ann.). - XVIII. 49

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750 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE.

Il vante ses richesses, contemple avec fierté les adorateurs de


ses trésors, annonce peut-être Turcaret, mais il descend sans
doute en ligne droite de M. Harpin, de La Comtesse dCEscar-
bagnas1.
Le bourgeois de Molière a'est pas cependant toujours ridicule ; il
a son petit bon sens et s'il ne connaît pas ses défauts, il aperçoit
du moins ceux des autres. Tout le monde se rappelle la réponse
de Sganarelle à ceux qui le conseillent, selon leur état : « Tous
ces conseils sont admirables assurément; mais je les tiens un peu
intéressés... Vous êtes orfèvre, monsieur Josse... » Voyez mainte-
nant le renard ayant la queue coupée et recommandant à ses amis
de couper les leurs :

Votre avis est fort bon, dit quelqu'un de la troupe,


Mais tournez-vous de grâce, et l'on vous répondra2.

La bourgeoisie est chiche, économe et tombe facilement dans


le vice d'Harpagon. Tel est ce grippe-sou que le fabuliste nous
peint admirablement en peu de traits :

II passait les jours et les nuits


A compter, calculer, supputer sans relâche,
Calculant, supputant, comptant comme à la tâche 3.

Un vilain usurier cache son trésor; un malheureux que la


misère pousse à se pendre, le découvre, l'emporte et fesse-mathieu
de se livrer au désespoir et de se pendre à sa place :

Ce qui le consola peut-être


Fut qu'un autre eòi, pour lui, fait les frais du cordeau4.

La haine du poète pour l'avarice n'est pas moins acérée que


celle de la famille de son devancier moliéresque, et la fable lui
permet une affabulation, une conclusion morale que le grand
comédien confie à l'esprit de ses auditeurs :

I. Un personnage de la VIIIe satire de Boileau exprime, à peu près, les mêmes


senlimeuls :
Veux-lu voir tous les grands à ta porte courir?...
Prends-moi le bon parti, laisse là tous les livres.
Cent francs au denier cinq combien font-ils? Vingt livres.
C'est bien dit. Va, tu &ais tout ce qu'il faut savoir.
2. V, 5.
3. XII, 3.
Ì. IX, 10.

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LA FONTAINE ET MOLIÈRE. 751

L'avare rarement finit ses jours sans pleur


II a le moins de part au trésor qu'il enserre
Thésaurisant pour les voleurs,
Pour ses parents ou pour la terre.

Ce n'est pas sur une enumeration ennuy


La Fontaine que je désire attirer l'attention
Ton remarque cependant le caractère parti
donné à l'aventure de Ven fouisseur et son
directe c'est une historiette d'Abstemius, trè
« Vir quidam admodum dives, thesaurum
nemine praeter compatrem, cui plurimum
quum paucis post diebus ad eum visendum
effosum atque ablatum. Suspicatus igitur i
patre sublatum eum conveniens : Volo, inquit
áureos, ubi thesaurum abdidi, adhuc infode
plura lucrari, retulit, reposuit thesaurum : qu
nus paulo post accedens reperisset, secum
niensque compatrem, inquit : Fidifrage ne su
ut ad thesaurum accedas : amplius enim n
indicat, quam facile sit virum avarum spe
Mais le « compater » n'est pas un avare, c
titre d'avare convient plutôt à celui qui a enf
forêt. C'est là une chose que n'ont pas rem
sa 198e nouv., inconnue aux commentateurs
autres qui ont développé ce même sujet. Le f
l'occasion pour blâmer l'avarice de son « enfo
a tant amassé qu'il ne sait plus où loge
l'embarrasse :

Le bien n'est bien qu'en tant que Ton peut s'en défaire ;
Sans cela, c'est un mal.

Et ailleurs2, il revient sur la même pensée :

Quand ces biens sont oisifs, je tiens qu'ils sont frivoles.

Enfin se souvenant de ses études de droit :

L'usage seulement fait la possession3.


i. x, 5.
2. XII, 3.
3. IV, 20.

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752 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE.

Si vous voulez revoir Harpagon tournant autour du pot classique,


relisez cette fable de L" Avare qui a perdu son trésor :

(II) Ne possédait pas l'or, mais l'or le possédait,

et le malheureux est obsédé par cette précieuse cassette enfouie


dans la terre :

Qu'il allât ou qu'il vint, qu'il bût ou qu'il mangeât,


On l'eût pris de bien court, à moins qu'il ne songeât
A l'endroit où gisait celte somme enterrée.
11 y fit tant de tours qu'un fossoyeur le vit
Se douta du dépôt, l'enleva sans rien dire.

Dans la pièce de Molière, ce « fossoyeur» s'appelle la Flèche. La


« comédie à cent actes divers » a bien d'autres rapports avec celle
de son illustre confrère. Les deux poètes combattent les méchants,
mais ils n'oublient pas pour cela les gens de bien. Chez Molière,
Henriette s'oppose à Armande, et la religion naïve de Sganarelle
s'oppose de même à l'impiété de son maître. Chez La Fontaine la
colombe sauve la fourmi, l'alouette veille sur ses petits, la gazelle,
le corbeau, la tortue et le rat, s'allient et s'aident réciproquement.
On a critiqué les moralités du fabuliste et les dénouements de l'au-
teur comique, parce que tous les deux font mourir le loup dans sa
peau, parce que la justice et la raison ne triomphent pas sur les
deux scènes, mais est-ce qu'elles triomphent dans la vie réelle? Ce
dont les deux poètes s'occupent surtout, c'est de reproduire fidèle-
ment la société qui les entoure et l'enseignement consiste dans le
spectacle des vices et des défauts des hommes, dans ces masques
qui tombent afin que les gens de bien se tiennent sur leurs gardes
et se méfient des beaux discours des Tartufes, des Trissotins, des
Renards et des griffes veloutées de Mitis.
*

En parcourant les comédies et les contes de notre fabuliste,


nous rencontrons d'autres preuves de l'amour avec lequel il avait
médité sur le théâtre de son con/rère. Je sais bien que, quant aux
premières, la paternité de La Fontaine est tant soit peu sujette à
caution, mais la collaboration de Champmeslé n'empêche pas
qu'on ne reconnaisse, du moins quelquefois, la main du maître.
Le ballet Les rieurs du Beau-Richard, qui appartient en propre au
bonhomme, développe une aventure crue réelle, bien que la
lecture de certain conte du Moyen de parvenir, échappé aux

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LA FONTAINE ET MOL1KKE. 753

critiques, ne soit pas sans me donner


ballet avait été écrit en 1659, Tannée mêm
retrouve comme un écho de cette pièce da

Qui ne rirait des précieux ;


Qui ne rirait de ces coquettes
En qui toul est mystérieux,
Et qui font tant les guillemettes?
Elles parlent d'un certain ton,
Elles ont un certain langage
Dont aurait ri l'ainé Caton...

Ces vers ne sont guère beaux, mais la malice du poète perce


davantage dans la recommandation que le mari fait à sa femme
de «tousser, tousser, tousser» ainsi que dans la scène fameuse
d'Orgon, d'Elmire et de Tartufe, rencontre d'ailleurs purement
casuelle.
Bien que Ragotin soit issu du Roman comique de Scarron, on
voit que ses auteurs avaient l'esprit imbu de souvenirs molié-
resques. Madame Bouvillon, sorte de précieuse qui, malgré son âge
avancé, se prend d'amour pour le jeune comédien Le Destin et
s'attribue les encens, les déclarations et les lettres galantes que
celui-ci adresse à Isabelle, est apparentée de près à la Bélise des
Femmes savantes et à la comtesse d'Escarbagnas. La scène VIII*
du Ier acte où Madame répond aux objections de Le Destin, par
des « Je ne dis pas cela », rappelle, bien que la situation soit diffé-
rente, le dialogue entre Alceste et Oronte dans la IIe scène du
Ier acte du Misanthrope :

Oronte.

Est-ce que vous voulez me déclarer par là


Que j'ai tort de vouloir?...

i. 11 s'agit du même sujet de la nouvelle Le savetier de notre poète, que je


résume d'après Walkenaer et l'éd. des Grands Écrivains par Régnier. Un pauvre
savetier de la ville de Château-Thierry, dont la femme était jolie, avait acheté à
crédit un demi-muid de blé, et avait donné en paiement un billet à terme. L'échéance
arrivée, le vendeur du blé pressa le savetier de le payer, et en même temps il chercha
à cajoler la femme de son débiteur : celle-ci en avertit son mari, qui lui dit de donner
rendez-vous au galant, et de tout lui promettre, à condition que le billet lui serait
rendu, puis de tousser, mais de tousser fort, au moment critique. Tout fut exécuté
ponctuellement. Le mari sort de sa cachette et chasse le marchand qui n'ose plus
réclamer le paiement de cette somme dont il avait livré le titre. Je me rappelle
avoir illustré dans la Romania (XXXII, p. 552, et suiv.) le cycle du Fableau de
Constant du Hamel, auquel cette historiette se rattache, mais la version qui res-
semble le plus à celle de La Fontaine se lit dans le Moyen de parvenir (éd. Jacob,
p. 253).

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754 revue d'histoire littéraire de la france.
Alceste.

Je ne dis pas cela...


Oronte.

Est-ce que j'écris mal ?


Alceste.

Je ne dis pas cela.


Et dans Ragotin :
Le Destin.

Je vais Touvrir (Za porte).


Madame Bouvillon.

Je ne dis pas cela


Monsieur; mais aujourd'hui la médisance est telle...
Le Destin.

Je vais, pour l'empêcher, rappeler Isabelle.


Madame Bouvillon.

Je ne dis pas cela.

La vieille folle prend pour elle, ainsi que son aïeule la Com-
tesse, une déclaration écrite, ce qui donne origine à des quipro-
quos, et d'autres équivoques assez comiques naissent de cette
scène de confusion nocturne1, où les personnages s'échangent et
prennent pour leurs confidents ceux dont ils devraient se défier
le plus, scène que les lecteurs de George Dandinn ont pas oubliée,
sans doute. Ragotin et La Rancune se faisant beaucoup de céré-
monies et se louant réciproquement, descendent, en ligne droite,
de Vadius et de Trissotin des Femmes savantes précisément pour
ce dialogue que nous venons de citer :

Ragotin (buvant).
Au plus illustre acteur que Ton voit en ces lieux !

La Rancune (en faisant de même).


Au plus grand avocat qui soit devant mes yeux !

Ragotin.

Pour un homme meublé d'une âme non commune,


J'ai toujours regardé le savant La Rancune;
A son génie!...

1. Il, 9.

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la fontaine et molière. 755

La Rancune.

ëd homme au dernier point lettré,


Ragotin s'est toujours à mes regards montré :
A sa science!...

Á son tour, la manière dont s'y prend La Rancune pour exploiter


l'amitié et la bourse du malheureux avocat, reproduit les artifices
de Dorante vis-à-vis de M. Jourdain, dans le Bourgeois gentil-
homme :
La Rancune.

Je ne les prendrais pas d'un autre (ces écus).


Ragotin.

Trop d'honneur!
La Rancune.

Si je n'avais pour vous une ardeur singulière,


Je ne vous ferais pas une telle prière 1...

puis empochant une pistole, il demande à sa victime : « Est-elle


de poids? » C'est la question de Sganarelle à Géronte dans le
Médecin malgré lai, lorsqu'il a l'air d'en refuser les présents :

Sganarelle.

Ce n'est pas l'argent qui me fait agir.


Géronte.
Je le crois.

Sganarelle (après avoir pris l'argent).


Cela est-il de poids2?

Ajoutez, pour en revenir au rôle de Dorante dans le Bourgeois


gentilhomme, que La Rancune feint à son tour de rendre à sa dupe
les services de Mercure complaisant. Enfin, au dénouement, le
comédien Olive se précipite sur la scène, se déclarant blessé à
mort, juste comme le Scapin des Fourberies, prêt à se porter le
mieux du monde lorsqu'on lui aura pardonné sa fourbe :

Le Destin.

Mais il faut vous panser, où vous a-t-on blessé ?


L'Olive.

Mon ami, j'ai le cœur d'outre en outre percé.


1. v, i.
2. H, 8.

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756 revue d'histoire littéraire de la france.

La Rancune.

Je ne vois point de sang en nul endroit.


L'Olive.

Il faut donc que la peur


M'ait fait tourner la tête en me frappant au cœur.

Le Florentin, autre pièce due à la collaboration de La Fontaine


et de Champmeslé, déborde des souvenirs de L École des maris et
surtout de L'Ecole des femmes, Harpagème (est-ce qu'il y a des rap-
ports entre ce nom et celui d'Harpagon?) vient d'enfermer la jeune
fille qu'il veut épouser, dans une maison bien gardée et solitaire.
C'est la précaution d'Arnolphe et, comme celui-ci, notre sire est
« froid, noir, bizarre et farouche ». Les fiancés des deux comédies
ont eu, de la même manière, la première révélation de l'amour :
Agnès.

J'étais sur le balcon à travailler au frais,


Lorsque je vis passer sous les arbres d'auprès
Un jeune homme *...

Et dans Le Florentin :
Hortense.

J'étais à ma fenêtre à prendre souvent l'air;


D'un logis près un homme en faisant tout de même 3.

On a ri à cette lecture des « Maximes du mariage ou les devoirs


de la femme mariée » qu'Arnolphe débite à Agnès, d'un ton bourru
et avec la gravité d'un pédagogue, et Harpagème de nous raconter
que pour fournir à Hortense des passe-temps plus doux,

II lui lit les devoirs de l'époux à l'épouse.

Vous souvenez- vous que, dans Le Sicilien, Dom Pèdre est tou-
jours sur le qui vive et qu'il sort armé de pied en cap au moindre
bruit? Il en est ainsi du héros du Florentin qui « court, cherche,
rôde et fait partout la ronde » et c'est avec la même amplification
qu'il appelle à son aide ses valets : « Barthélemi, Christophe,
Ignace, Ambroise, à moi ».

Dom Pèdre (dans Le Sicilien).


Holà! Francisque, Dominique, Simon, Martin, Pierre, Thomas,
George, Charles, Barthélemi; allons, promptement, mon épée...
i.ll, 6.
2. Se. JX.
3. Sicilien, VII.

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LA FONTAINE ET MOLI EUE. 7 57

Écoutez encore Polichinelle, dans le 1er i


imaginaire :

Champagne, Poitevin, Picard, Basque, Breton!

Quel est le problème qui s'agite dans la comédie de La Fontaine


et de Champmeslé? Qu'il n'y a pas de verrous qui vaillent pour
garder une femme, qui ne veut pas se garder elle-même. C'est là
la thèse des deux Écoles de Molière, aussi bien que celle du Sici-
lien. Sicilien et Florentin ça signifie également, pour les deux Fran-
çais, un Italien jaloux comme un tigre. Isidore dit à Dom Pèdre :
« Vous prenez un mauvais parti; et la possession d'un cœur est
fort mal assurée, lorsqu'on prétend le retenir par force. Pour moi,
je vous l'avoue, si j'étais galant d'une femme qui fût au pouvoir de
quelqu'un, je mettrais toute mon étude à rendre ce quelqu'un
jaloux, et l'obliger à veiller nuit et jour celle que je voudrais
gagner. C'est un admirable moyen d'avancer ses affaires... » Tel
est aussi l'avis d'Ergaste, le valet de Valere :

Apprenez, pour avoir votre esprit raffermi,


Qu'une femme qu'on garde est gagnée à demi M

et celui de Lisette2 :

Pensez-vous, après tout, que ces précautions


Servent de quelque obstacle à nos intentions?
Et, quand nous nous mettons quelque chose à la tête,
Que l'homme le plus ftn ne soit pas le plus bête?

Agathe, la mère d'Harpagème, va sur les brisées de ses devan-


ciers :

Mon fils, bouleverser l'ordre des éléments,


Sur les flots irrités voguer contre les vents,
Fixer selon ses vœux la volage fortune,
Arrêter le soleil, aller prendre la lune ;
Tout cela se ferait beaucoup plus aisément
Que soustraire une femme aux yeux de son amant...

et puis elle ajoute que son mari voulait lui aussi la garder sous
clef:

1. Éc. des maris, 1, 6.


2. //>/</., 1, 2.

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758 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE.

Mais, s'il n'eût mis un frein à cette ardeur trop prompte,


II se serait trompé sûrement dans son compte1,

confidence un peu étrange, dans la bouche d'une mère.


Dans le Sicilien, Hàli, vêtu en Espagnol, se présente à Dom
Pèdre et lui pose la question : « Comment faut-il se venger de
celui qui vous a donné un soufflet»? Et Dom Pèdre répartit :
a Assassiner, c'est le plus court chemin ». C'est là la source évi-
dente de l'opinion d'Harpagème, en matière de tromperies
galantes :

A tout examiner,
Le moyen le plus sûr est de l'assassiner ;

et s'il ajoute :

Bon ! bon ! morte est la bête, et mort est le venin.

c'est qu'il se souvient aussi d'un conte des Joyeux devis 2 où l'on
illustre le proverbe italien : « Morta la bestia, morto il veleno ».
Le déguisement du mari en confesseur auquel a recours notre
jaloux est puisé aux traditions populaires qu'un fabliau a fait
connaître au moyen âge, cependant l'effet de ce travestissement,
qui ne trompe personne, est le même que celui qu'Arnolphe, dans
V École des femmes, tire de l'interrogatoire qu'il impose à sa pupille.

Hortense.

Mon jaloux me parut d'un dégoût manifeste;


Et je pris sa personne en haine.

Harpagème (à part).
Je déteste...

Hortense.

Quoi donc! ce franc aveu vous déplait-il? Comment?


Est-ce que je m'explique à vous trop hardiment?

Harpagème.
Non pas, non pas.
Hortense.

Je vais me contraindre.

l.Sc. 111.
2. Devis, XC.

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la fontaine et molière. t59

Harpaglme.
Au contraire,
De ce que vous pensez il ne faut rien me taire.

Et dans L École des femmes :

AGNÈS.

Qu'avez-vous? Vous grondez, ce me semble, un petit :


Est-ce que c'est mal fait ce que je vous ai dit?
Arnolphe.

Non. Mais de cette vue apprenez-moi les suites *.

Le héros moliéresque interrompt la confession de celle qu'il


aime et dont il est trompé, par des cris de passion : « Je souffre en
damné », et, lorsqu'il écoute les confidences d'Horace : « Ah! je
crève! », « La fâcheuse pilule! » Les auteurs du Florentin n'ont
pas eu à se mettre en frais d'imagination pour les interjections
d'Harpagème : « J'enrage! », « Que nature pâtit », « Ah! je
crève », « Quelle pilule! » lien est de même pour le passage rapide
de la colère à la tendresse, de la menace à la prière. Arnolphe et
Harpagème donnent à leur voix une inflexion d'une douceur tout
à fait nouvelle aux oreilles de leurs fiancées ; mais puisque cette
douceur ne sert de rien, Yimperium du maître reprend aussitôt ses
droits :
Arnolpue.

Ah! c'est trop me braver, trop pousser mon courroux


Je suivrai mon dessein, tête trop indocile...

Et Harpagème :
Ah ! coquine
Je n'y puis plus tenir. Connaissez votre erreur,
Et craignez les effets de ma jusle fureur!

Quels vers fades, mon Dieu, et qu'ils sont fades aussi les deux
suivants, renfermant cette menace des « chaudières bouillantes »
faite déjà par Arnolphe à sa prisonnière !

Songez qu'à m'épouser votre foi vous engage,


Ou bien que du démon vous serez le partage;

où cette foi « qui engage » n'a d'autre raison que celle de la rime.
Enfin le trait final. Marmette, voyant Harpagème, attrapé par sa

i. il 5

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760 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE.

machine et dans l'impossibilité de poursuivre sa belle, lui rit au


nez et s'écrie : « Adieu; prenez un peu de patience ». C'est, si je
ne me trompe, le « piglialo su » de M. de Pourceaugnac.
Même dans La Coupe enchantée, pièce que les deux collaborateurs
ont tirée d'un conte de Boccace et d'un épisode du Furieux aux-
quels La Fontaine avait déjà puisé deux jolies nouvelles, l'œuvre
de Molière n'est pas non plus oubliée. Le raisonnement de Thi-
baut sur l'honneur1 parait calqué sur celui de Sganarelle dans la
comédie homonyme 2.
Sganarelle.

Je ne suis point battant, de peur d'être battu,


Et l'humeur débonnaire est ma grande vertu.
Mais mon honneur me dit que d'une telle offense
11 faut absolument queje prenne vengeance :
Ma foi! laissons le dire autant qu'il lui plaira;
Quand j'aurai fait le brave, et qu'un fer, pour ma peine,
M'aura d'un vilain coup transpercé la bedaine,
Que par la ville ira le bruit de mon trépas,
Dites-moi, mon honneur, en serez-vous plus gras?

Oui, mais sans cela on va devenir cocu :

Quel mal cela fait-il? la jambe en devient-elle


Plus tortue, après tout, et la taille moins belle ?
Peste soit qui premier trouva l'invention
De s'affliger l'esprit de cette vision,
Et d'attacher l'honneur de l'homme le plus sage
Aux choses que peut faire une femme volage!

Tel est aussi l'avis du mari pacifique de La Coupe enchantée


refusant de vider ce hanap qui pourra lui apprendre l'heur ou l
malheur de son état conjugal : « Et si le vin allait se répandre par
hasard? Cestiguc, voyez-vous, je suis maladroit de ma nature
Quand je saurais ça, en serais-je plus gras? en aurais-je la jamb
plus droite? » Quant au raisonnement sur les rapports entre le
cocuage et l'honneur, vous n'avez qu'à consulter la nouvell
homonyme de La Fontaine, ce qui peut indiquer aussi que le mor-
ceau de la pièce comique a été écrit par la même plume :

Pauvres gens! dites-moi, qu'est-ce cocuage?


Quel tort vous fait-il, quel dommage?

I. Se. XVIII.
2. Se. XVII.

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LA FONTAINE ET MOLIÈRE. 'Tôl

En mettez-vous votre bonnet


Moins aisément que de coutume?
Oui, mais l'honneur est une étrange affaire!
Qui vous soutient que non? ai-je dit le contraire?
Eh bien! l'honneur! l'honneur! je n'entends que ce mot;

et le poète de démontrer que l'honneur n'a rien à voir à tout cela,


que lorsque vous êtes ce que vous savez, on vous garde, avec les
meilleurs morceaux, la meilleure place, que tout le monde vous
chérit, et que vous découvrez, dans votre femme, des charmes
dont vous ne vous doutiez pas auparavant. Cette plaisanterie n'offre
d'ailleurs aucune originalité. Un « capitolo » de Mauro, In dishonor
dell' honore, avait inspiré Amadis Jamyn, le poète courtisan de
Catherine de Médicis, Théophile Viaud, le sieur de la Valletrye,
Du Lorens et je ne sais combien d'autres artistes, à court de sujets
plus intéressants.
Mais revenons à la comédie de notre poète, car si Thibaut a
l'air de faire bon marché de son front, ce n'est pas faute de ten-
dresse pour sa femme : « Aile aime à batifoler; je suis d'humeur
batifolante; je batifolons sans cesse » ce qui paraît répéter - et
l'emploi des patois campagnards ajoute à la ressemblance - le
récit de Pierrot à Charlotte, dans le Dom Juan : «... j'étions sur le
bord de la mar, moi et le gros Lucas, et je nous amusions à bati-
foler avec des mottes de tarre que je nous jesquions à la tête, car,
comme tu sais bian, le gros Lucas aime à batifoler, et moi, par-
fouas, je batifole itou. En batifolant donc, puisque batifoler y a,
j'aiaparçu... » Ailleurs, d'autres imitations de détail. Perrette dit
à Bertrand, auquel Lucinde offre de l'argent : « Eh! va, va, prends
toujours2 » et un vers du Dépit amoureux se présente à notre
esprit. Gros-René à Marmette :

Pauvre honteuse, prends, sans davantage attendre3.

Ajoutez encore certaine comparaison de Josselin : « L'homme


ne vient point sur terre comme un champignon4 » reproduisant
une partie du discours que Sganarelle adresse à son maître : « Je
comprends fort bien que ce monde que nous voyons n'est pas un
champignon qui soit venu tout seul dans une nuit5 ».

'. n, i,
2. Se. I.
3. 1,2.
4. Se. IX.
5. Dom Juan, III, 1.

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762 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE.

L'emprunt probable que nous venons de signaler dans le conte


La Coupe enchantée, nous pousse à étendre nos recherches dans le
vaste recueil des contes. Constatons, tout d'abord, l'accord des deux
poètes touchant la liberté qu'ils accordent aux femmes dans le choix
de leurs maris. La verte réponse d'Angélique à George Dandin
« M'avez-vous, avant le mariage, demandé mon consentement, et
si je voulais bien de vous? Vous n'avez consulté pour cela que
mon père et ma mère; ce sont eux proprement qui vous ont
épousé; et c'est pourquoi vous ferez bien de vous plaindre toujours
à eux des torts que l'on pourra vous faire. Pour moi, qui ne vous
ai point dit de vous marier avec moi, et que vous avez prise sans
consulter mes sentimens, je prétends n'être point obligée à me
soumettre en esclave à vos volontés », paraît suggérer la riposte
de Bartholomée à Richard de Quinzica dans Le Calendrier des
vieillards. Vous me parlez de votre honneur?

Est-il temps maintenant


D'en avoir soin? s'en est-on mis en peine
Quand, malgré moi, l'on m'a jointe à vous?...
Vous et les miens avez mérité pis :
Vous, pour avoir mal mesuré vos forces
En m'épousant; eux, pour s'être mépris,
En préférant les légères amorces
De quelque bien à cet autre point-là.

Il est vrai que Boccace1 avait déjà fait les mêmes considéra-
tions, ce qui pourrait faire penser que Le Décaméron a inspiré les
deux poètes, mais La Fontaine met en tête de sa nouvelle certains
vers expliquant une théorie très chère à son ami. On ne considère
point les qualités morales et physiques des maris que l'on impose
aux jeunes filles, et ce dont les parents se soucient surtout, c'est
de savoir s'ils sont riches. Et cependant ils ont soin :

D'avoir chevaux à leur char attelés


De même taille, et mêmes chiens couplés;

ce qu'il répète, dans le Berceau :

Ne gênez point, je vous en donne avis


Tant vos enfants, 0 vous, pères et mères!

D'autres ressemblances, le mari confident, une grave matrone,

1. Dec, II, X.

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LA FONTAINE ET MOLIÈRE. 763

qui sert d'intermédiaire, à son insu, entre de


bien que les jugements sur la légèreté du bea
origine du Décaméron et s'ils rappellent par
Molière, c'est que les deux auteurs avaient
mêmes modèles. Cependant ce brave docteur, p
qui écoute les aventures galantes que Tun d
avec sa femme et qui dresse des machines et
parer inutilement les coups, n'est pas sans r
V École des femmes*. Comment ne pas y songe
heureux écoute les confidences de son rival :

A ces discours jugez quels étaient les supplices


Qu'endurait le docteur?

Ce sont parfois les mêmes maximes :

Quand les galants sont défendus,


C'est alors que Ton les souhaite,

des rencontres peut-être de hasard, mais dans la dernière scène


de V Amphitryon, Sosie remarque :

Sur telles affaires toujours


Le meilleur est de ne rien dire.

ce que La Fontaine paraît traduire dans Joconde :

Le moins de bruit que l'on peut faire


En telle affaire
Est le plus sûr de la moitié.

Enfin Le Paysan qui avait offensé son seigneur, ainsi que Régnier
Ta dit, a des rapports indiscutables avec le premier intermède du
Malade imaginaire. Polichinelle est aux prises avec quatre archers,
qui lui donnent à choisir entre six pistoles, trente croquignoles et
deux coups de bâton. Polichinelle accepte d'abord les croquignoles,
mais à la quinzième, il change d'avis et se décide pour les coups
de bâton, qu'il ne peut endurer longtemps, ce qui fait qu'il délie
les cordons de sa bourse : « Ah! ah! ah! Je n'y saurais plus
résister. Tenez, messieurs, voilà six pistoles que je vous donne ».
Le Seigneur de La Fontaine impose à sa victime, à peu près, le
même choix, savoir de manger des aulx, de recevoir des coups ou

1. L. IV, n. 8.

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764 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE.

de payer de l'argent, et le paysan, altéré par la soif et ne pouvant


plus supporter les étrivières, débourse enfin les écus qu'il avait
tâché d'épargner. Il est vrai que Bruno, dans son Candelaio,
avait développé le même sujet, cependant il paraît plus probable
d'admettre que La Fontaine connût plutôt l'aventure de Polichinelle
que celle du pédant Mamphurio.
*

* *

Ces ressemblances ne nous empêchent pas de


différence sensible entre l'esprit qui anime les
Molière possède, à un degré eminent, la haine q
aux âmes généreuses et bien qu'Alcestene soit pas
il n'aime pas lui non plus la vertu commode et les
sances pour les injustices, les flatteries et les tr
rigidité nuit, s'écrie-t-il avec Philinte, mais il
courageuse à toute sorte d'hypocrisie, celle de
lettres, de la religion et de l'amour; il raille les m
cieuses, les Jourdain, les Dom Juan et les Doran
vengeances qui s'acharnent sur sa vie et sur sa
que les amis du grand poète avaient compris a
c'est ce qui dictait l'élégie mélancolique de Boile

Avant qu'un peu de terre, obtenu par prière,


Pour jamais sous la tombe eût enfermé Molière...

et l'épitaphe enthousiaste de La Fontaine.


Le grand fabuliste a, au contraire, un peu de
Philinte, et s'il peint parfois les mêmes tableau
c/est généralement sans aigreur, en homme qui e
(|ue les choses d'ici-bas marcheront toujours de
X'est-ce pas que malgré toutes les belles maxim
sophie :

La raison du plus fort est toujours la meilleure,

et que le loup n'a tort :

Que quand il n'est pas le plus fort?

Le bon Dieu, qui sait bien ce qu'il fait, a mis deux tables sur la
terre :

1. X, 5.
L>. IX, 4.

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LA FONTAINE ET MOLIÈRE. 765

L'adroit, le vigilant et le fort sont assis


A la première, et les petits
Mangent leur reste à la seconde *

et c'est là un destin immuable. Enfin, « la pu


et le misérable baudet, qui change d'état e
prières, ne fait qu'empirer son triste sort. -
résignation, une morale après tout fort relâc
politique du fabuliste ne nous paraît pas meil

Le sage dit, selon les gens :


Vive le roi, vive la ligue 3!

La Fontaine, en sage qu'il est, si on lui do


trésors de l'état, suivrait probablement l'exem
au lieu de repousser les assaillants, prend jo
curée4. On peut se plaindre du train dont
« des corvées et des impôts » et du lourd far
du bûcheron, mais :

Hélas! on voit que de tout temps


Les petits ont pâti des sottises des grands 5.

Quant à lui, il a su trouver un petit coin à l


dants, des dames et des princes, et cette dom
moins en apparence, qui le fâche. Au milieu
rienne, il poursuit le plaisir jusqu'à un âge av
par Jeanneton, sans prendre sa part au poi
contraindre surtout « la bonne nature » ainsi
Port-Royal, qui font « cesser de vivre avant
Ce que nous aimons en lui, c'est sa gaieté,
quille dont il envisage les hommes qu'il con
les habitants de la forêt et son insouciance
l'antichambre du Louvre et la richesse bou
grises, il bâtira, comme Perrette, des château

Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes


Tout le bien du monde est à nous,
Tous les honneurs, toutes les femmes,
i. x, 6.
2.X. 10.
3. II, 5.
4. Vllï, 7.
5. II, 4.
C. XII, 21.
Revus d'hist. littér. de la France (18e Ann.). - XVIII. 50

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766 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE.

les dernières surtout qu'il aime à la folie et s'il se réveille « gros


Jean, comme devant » ce ne sera pas certainement pour se déses-
pérer. A quoi bon les richesses? « Quels registres, quels soins »,
quels complots de voleurs! « Heureux les indigents!1 » La mort
elle-même ne l'épouvante point, du moins lorsqu'il est bien por-
tant :
La mort ne surprend point le sage;
II est toujours prêt à partir *

et dans sa vieillesse, il se console en pensant que la Parque en


veut à tous les âges :

Qui de nous des clartés de la voûte azurée


Doit jouir le dernier? 3

En concluant, ce n'est pas lui qui se serait frotté aux jésuites, aux
nobles, aux précieuses et aux Trissotins, ainsi que son ami
Molière, car ses petits tableaux, ses railleries ne tirent pas à con-
séquence et ce n'est pas l'auteur du Misanthrope non plus qui aurait
chanté, comme le bonhomme, toutes les puissances du jour, y
compris « Mignon, chien de S. À. R. madame douairière d'Or-
léans! »
Pietro Toldo.

i. vu, e.
2. vin, i.
3. XI, 8.

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