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1 Brzozowski (2009) pour l’étude d’un outil de réseau social interne à HP,
DiMicco et Millen (2007) pour une étude de l’usage de Facebook à IBM, Skeels et
Grudin (2009) pour Microsoft.
experts et surtout de les contacter, même si on ne les connait pas, dans un réseau
interne. Mais le gros reproche qui est fait à l’outil est l’absence de capitalisation, soit
sur les réseaux existants, soit sur les usages que les individus souhaitaient développer.
Cette dernière remarque exprime bien le point de vue sur l’outil : pensé sans objectif,
sans réflexion sur l’investissement en moyen humain pour le faire vivre (prise en
compte des besoins des utilisateurs, accompagnement des usages, prise en compte
dans le travail du temps nécessaire à l’animation d’une communauté), mais aussi sur
les réticences à surmonter dans un groupe où la confiance dans les dirigeants a
beaucoup diminué ces dernières années.
On trouve là un problème au cœur des entretiens, mais aussi des affaires
judiciaires autour des outils de réseau social : peut-on maîtriser son exposition
numérique? Dans un contexte professionnel, s’ajoute au problème individuel (que
risque le salarié) le risque d’exposition de l’entreprise. D’autant plus que les
personnes que nous avons interrogées nous disent que plus on utilise ces réseaux, plus
on se rend compte de la difficulté à séparer les liens privés des liens professionnels.
Au niveau des bénéfices, si l’enquête statistique montre un lien très net entre le
nombre de réseaux utilisés (notamment d’un point de vue professionnel) et l’utilité
perçue de ces réseaux (aussi bien pour suivre des personnes, faire de la veille, trouver
du travail), seule une minorité, parfois faible, des plus utilisateurs, dit que ces outils
lui permettent d’accéder à de l’expertise, de trouver de l’assistance, diminuent la
barrière hiérarchique, augmentent son efficacité professionnelle.
Le temps nécessaire pour gérer ces frontières finement peut être très important
(donc très coûteux) et dépasse largement celui de l’apprentissage des simples
paramétrages techniques indispensables à la relative protection des données. Et c’est
un investissement sans fin, car ces outils changent en permanence, proposant de
nouvelles fonctionnalités qui, potentiellement, « dévoilent » davantage.
C’est ce qui peut donner l’impression que les réseaux sociaux en ligne sont des
zones de non droit, ou tout au moins des zones difficilement apréhendables par le
droit classique. Si la distinction entre sphère privée et sphrère publique est
effectivement encore floue, les grands principent demeurent : respect des personnes et
des institutions, notamment de son employeur ; respect des dispositions légales dans
l’obtention des preuves, et notamment du caractère privé des correspondances, mais
aussi dans leur utilisation pour les recrutements et les promotions, qui ne doivent pas
être discriminatoires ; respect, enfin, en interne, des chartes et règlements, à
conditions que ceux-ci aient été rédigés dans les règles, ce qui implique, le plus
souvent, que les représentants des salariés aient été associés à leur rédaction.
En un mot, ces réseaux sociaux en ligne, matérialisés par des outils comme
Facebook, Viadeo ou Twitter, interrogent nos pratiques des relations sociales, parce
qu’ils permettent de nouveaux échanges et exposent, plus qu’avant, ces échanges.
Pour que leur usage soit bénéfique aux entreprises et à leurs salariés, ils impliquent
sans doute l’échange et la construction de nouvelles relations de confiance entre les
différents acteurs de l’entreprise.
Fpt partie II
Rapport.
Chapitre 1
Contexte et définitions.
1.1 Contexte.
Le développement des Technologies de l’information et de la communication (TIC)
s’est étendu à toutes les sphères de la société, tenant une place de plus en plus
importante dans nos vies quotidiennes. L’introduction d’outils et de services (sites
internet, forums de discussions, wikis, communautés de pratique en ligne, outil de
réseau social) a favorisé l’émergence de pratiques inédites dans les modes de
sociabilités comme dans les modes de production, de création, de circulation de la
connaissance, débouchant sur des situations sociales et organisationnelles nouvelles.
Loin d’être neutre, la technique peut redéfinir les temporalités et la production du
travail, déplacer, voire mêler les frontières traditionnelles de nos mondes sociaux
(familial et privé, personnels, professionnels), les rendant plus ou moins poreux ou
perméables. C’est dans ce contexte de généralisation de la diffusion de l’accès à ces
outils et de leurs usages que la pratique d’Internet apparaît et peut être conçue comme
« un tout interconnecté »(Coutant et Stenger, 2009), renvoyant à de nombreuses
configurations sociotechniques, plus ou moins associées à des catégories d’activité
(recherche d’informations, de compétences, archivage de contenus, sociabilité, etc.)
Transposés dans un contexte professionnel, à l’échelle d’une entreprise, les usages
des outils de réseau social par ses personnels sont envisagés globalement selon deux
registres de discours : l’un qui tend à encenser les potentiels offerts et l’ouverture
générée par ces outils, en matières d’innovation, de collaboration et de
transformation des méthodes de travail et d’efficacité ; l’autre plus « réservé » tend à
développer une attitude plus fermée sur les utilisations de ces outils, décrites comme à
risques : soit en matière de diminution de la productivité, soit en matière de
divulgation d’informations.
Des mutations s’opèrent au sein des organisations, engendrées notamment par des
nouvelles formes de coordination des activités rendues possibles par l’introduction
d’outils technologiques d’information et de communication et particulièrement des
outils de réseau social. L’unité de référence peut dès lors ne plus être l’entreprise
uniquement, mais tout un système de relations entre différents acteurs.
1.2 Définitions.
Dans un avis n°5/2009 du 12 juin 2009, le G29 (« groupe de travail de l’article 29 »,
constitué des représentants des « CNIL » européennes) définit le réseau social
comme :
« une plateforme de communication en ligne permettant à des personnes
de créer des réseaux d’utilisateurs partageant des intérêts communs […]
Les réseaux sociaux partagent certaines caractéristiques : les utilisateurs
sont invités à fournir des données à caractère personnel permettant de
donner une description ; les réseaux sociaux mettent à disposition des
outils permettant aux utilisateurs de mettre leur propre contenu en ligne ;
les réseaux sociaux fonctionnent grâce à l’utilisation d’outils mettant à
disposition une liste de contacts pour chaque utilisateur avec une
possibilité d’interaction ». En fait un réseau social « se présente comme
un site Internet qui permet d’accéder à une plate-forme d’échange
d’information de tous ordres avec d’autres internautes ». (Fel et Sordet,
2010b)
De son côté, la trentième conférence mondiale des Commissaires à la protection des
données et de la vie privée, qui s’est tenue à Strasbourg du 15 au 17 octobre 2008,
retient dans sa résolution sur la protection de la vie privée dans les services de
réseaux sociaux qu’« un service de réseau social a pour principal objet la création
des réseaux sociaux en ligne de communautés qui partagent des activités et des
intérêts communs, ou qui se sentent concernées par les intérêts et les activités
d’autres personnes. Une grande partie de ces services proposent un ensemble de
méthodes d’interaction entre les utilisateurs ».
Par ailleurs, Séverine Dupuy-Busson, relève qu’« un réseau social est un
ensemble d’entités sociales, reliées entre elles par des liens crées lors des
interactions sociales. Il se présente comme une forme de groupement social ayant
Internet pour support ». (Dupuy-Busson, 2010)
Il ressort de ces différentes définitions plusieurs caractéristiques du réseau social
numérique. En premier lieu, il faut noter que ce que l’on nomme réseau social est en
fait une plateforme, un service, qui permet à un utilisateur de constituer son réseau
social. Ce service permet de mettre en relation des individus partageant normalement
au moins un intérêt. Mais déjà on remarquera l’introduction d’une nuance qui montre
toute l’étendue du réseau social, puisque le réseau peut aussi être constitué avec des
utilisateurs « qui se sentent concernés par les intérêts et les activités d’autres
personnes ». Ainsi, au contraire d’un réseau social que l’on pourra qualifier de
physique, un réseau social numérique peut regrouper très vite un nombre considérable
d’individus. Chaque utilisateur constitue son profil sur la plateforme. Ce profil est
composé de l’ensemble des données personnelles qu’un utilisateur accepte de rendre
visible aux autres membres du réseau social. C’est notamment grâce à ces données
rendues visibles qu’une communauté d’intérêt peut se créer. Ces données seront
visibles via la page personnelle du membre. Celle-ci est l’espace de la plateforme mis
à disposition de l’utilisateur par le service de réseau social sur lequel le membre
déposera effectivement ses données personnelles, telles que l’âge, le sexe, les
opinions religieuses, les opinions politiques…
Une fois le profil constitué, un membre pourra mettre en ligne du contenu
(photographies, vidéos, mais aussi par exemple opinions, humeurs…) sur sa page
personnelle. Il pourra également interagir avec d’autres membres de la plateforme.
C’est là tout l’intérêt du service de réseau social numérique qui permet à chaque
membre de constituer son propre réseau. Or, ces membres seront appelés contacts ou
amis sur le réseau. Mais cette utilisation du terme ami contribue à brouiller ce que
sont réellement ces contacts.
Le terme « ami » prend évidemment une signification différente lorsqu’on se
trouve dans la vie « réelle » dans une discussion avec une dizaine d’amis et lorsqu’on
se trouve dans la vie « numérique » dans une interaction avec 120 « amis » (moyenne
du nombre d’amis d’un utilisateur de Facebook). Cela aura des conséquences très
lourdes lorsqu’il s’agira de considérer si un propos tenu sur un site de réseau social
est privé ou public.
FIG. 1.1: Usage des outils de réseau social selon l’âge des personnes interrogées.
Étude menée par l’IFOP en décembre 2009.
De même, l’individu membre de ces réseaux peut aussi être le salarié d’une
entreprise, qui peut être amené à dialoguer avec ses collègues, en abordant des
questions relatives à la vie de l’entreprise. Il semble que 55% des amis sur Facebook
soient des collègues, 16% des supérieurs hiérarchiques, 13% des clients et 11 % des
prestataires. De plus, selon une étude Viavoice publié en janvier 2011, 21% des
Français accros aux médias sociaux y évoquent leur entreprise de façon critique,
sachant que Facebook, pour ne parler que du plus célèbre, compte suivant les
estimations de 18 à 20 millions de membres français (et 8 millions en ont une
utilisation quotidienne), pour près de 500 millions d’utilisateurs dans le monde. Enfin,
de nombreuses entreprises interviennent sur ces réseaux, essentiellement à des fins
commerciales. Ainsi, selon une étude récente, 79% des grandes entreprises
internationales utiliseraient les outils de réseau social « comme mode d’interaction
privilégié avec leurs parties prenantes », 65 % utilisant Twitter et 54 % utilisant
Facebook, notamment à des fins de marketing2.
Des entreprises, comme Orange avec Plazza, ont donc développé des outils
internes. Il s’agit du propre outil de réseau social de l’entreprise. L’avantage de ses
réseaux est leur sécurité. À l’inverse des intranets d’entreprise qui sont des outils de
communication hiérarchique, créant du lien entre des pages ou des documents, ces
réseaux permettent de créer du lien entre les individus. Ils invitent à prendre en
compte un aspect collaboratif, rompant avec les traditionnelles strates hiérarchiques.
Enfin, les outils de réseau social professionnels sont des outils utilisés
essentiellement à des fins de recherche d’emploi, du type Viadeo ou LinkedIn. Ces
réseaux permettent une entrée en contact bien en amont d’un entretien d’embauche
entre un futur salarié et un recruteur. Viadeo représente 30 millions d’utilisateurs dans
2 http://www.facebook.com/notes/burson-marsteller-
paris/79-des-grandes-entreprises-internationales-ont-
choisi-les-reseaux-sociaux-pour-i/339471546044.
le monde dont 3 millions en France et LinkedIn représente 90 millions de membres
dans le monde dont 2,5 millions en France.
Il s’agit alors d’outils ou services informatiques extérieurs à l’ordinateur de
l’utilisateur, hébergés par une institution, l’employeur dans le cas de Plazza, ou une
entreprise externe dans le cas de Facebook ou de LinkedIn/Viadeo. Se pose alors le
problème de qui accède aux données personnelles qui sont échangées, de la
conservation de ces données, notamment quand on intègre, dans ce contexte,
l’employeur : en quoi le comportement des salariés et leurs contributions aux réseaux
sociaux en ligne sont sensibles pour l’employeur, en quoi celui-ci peut contrôler
(réguler et/ou surveiller) le comportement de ses salariés.
Les stratégies et les comportements des acteurs, ainsi que les fonctionnements des
groupes auxquels ils contribuent via l’usage de ces outils de réseau social par
exemple, affectent ainsi l’organisation du travail, l’exercice de l’activité (ou métier),
l’image ou l’affichage identitaire des acteurs (individus et institutions ou
organisations). Un contexte qui peut déboucher sur un paradoxe : celui de l’injonction
managériale plus ou moins forte à participer ou s’engager sur des sites de réseau
social, ou encore à être visible, mais une obligation sous contrainte d’usage : une
action raisonnée (raisonnable) et fortement régulée (au niveau des contenus et de la
diffusion).
Ces réseaux sociaux en ligne contribuent donc au brouillage des frontières
professionnelles et personnelles, les réseaux personnels pouvant être utilisés à des fins
professionnelles.
Chapitre 2
Enquête quantitative par questionnaire
adressé à l’ensemble des salariés de
France Télécom.
2.1 Introduction du chapitre.
Ce document présente les résultats de l’enquête statistique réalisées par Télécom
Bretagne pour le CE Rosi Groupe. Il s’agit des résultats du questionnaire en ligne
envoyé aux salariés du groupe entre le 15 février et le 7 mars 2011. Un peu plus de
9000 personnes ont répondu (sur 107300, soit un peu moins de 9% de taux de
réponse) et après nettoyage des réponses, nous en avons conservées 8618. Il n’a pas
été possible de faire un redressement sur les réponses, faute d’avoir reçu des
informations sur la répartition des salariés du groupe. Nous présentons donc une
photographie approchée des comportements des salariés du groupe, mais ce n’est
pas une photographie qui se veut « représentative ».
Le document comporte trois parties :
– d’abord une présentation des répondants et de l’importance de leur usage
des réseaux sociaux en ligne. Le principal enseignement est que c’est une
pratique encore minoritaire, puisque seulement la moitié des répondants a
un usage de ces réseaux, et qu’a peine un tiers les utilise vraiment ;
– ensuite, une analyse des facteurs expliquant l’usage des réseaux,
notamment les facteurs d’âge et de diplôme. Ce qu’il faut retenir, c’est que si
l’accès aux réseaux est plus courant parmi les jeunes, ce sont plutôt les
cadres expérimentés (30-40) qui ont des usages professionnels
(LinkedIn/Viadeo). Il s’agit de régressions logistiques sur les usages de ces
réseaux ;
– enfin, nous présentons des profils d’utilisateurs des réseaux, via des analyses
de type « classification », qui montrent une segmentation assez forte entre
des usages privés, chez les jeunes, autour de Facebook et des usages
professionnels, chez les cadres autour de LinkedIn/Viadeo. Les utilisateurs
de Plazza se répartissant eux deux types, les « fans de réseau social » (cadre,
plutôt dans l’innovation, 30-40 ans), qui l’utilisent en plus des autres
réseaux et les non-utilisateurs de réseaux (plutôt âgés, n’utilisant que
Plazza) et qui accèdent là à une première communauté, sans y être forcément
très actifs.
Sur ces 8618 personnes, seules 4187 (48,6%) répondent qu’elles sont inscrites sur
un réseau social, et cette inscription est plutôt récente (Illustration 2.1) : les inscrits
depuis plus de 3 ans ne représentent que 15% des répondants.
C’est cohérent avec les chiffres (redressés) de l’étude réalisée en interne en juin
2010, qui comptait 39% de salariés inscrits sur un réseau social. Par contre, cela
montre une stagnation des inscriptions sur certaines tranches d’âge (les plus de 30
ans) et en moyenne. Ces résultats sont cependant à prendre avec précaution, car ils ne
sont pas redressés (colonne 1) ou redressés partiellement (colonne 2), selon l’âge et le
sexe, le fait d’être ou non cadre, mais pas selon la bande3.
Cette stagnation pourrait s’expliquer par le fait que dans l’enquête 2010, le réseau
« copain d’avant » était compté comme un réseau social, ce qui n’est pas le cas ici.
Toutes les bandes sont représentées (Illustration 2.4), ainsi que tous les métiers
(Illustration 2.3), même si les métiers informatiques sont sans doute sur-représentés
par rapport à la structure des emplois à France Télécom4.
FIG. 2.6: Comparaison des bandes des répondants connectés et non connectés.
[Répartition des bandes des répondants à l’enquête URSO inscrits sur un réseau
social.]
FIG. 2.7: Répartition des utilisations suivant les outils (question A 1.2, sur 4187
réponses, les utilisateurs de réseaux sociaux en ligne).
Conclusion de la partie.
On a vu que l’entrée par les types de réseaux utilisés était assez discriminante en
terme de profil d’utilisateur, mais aussi de vision de l’intérêt d’un réseau social. La
distinction principale se fait entre les personnes qui ont une vision professionnelle de
ces réseaux (les utilisateurs de LinkedIn, les multi-réseaux, souvent des cadres) et
ceux qui ont une vision privée (les utilisateurs de réseaux, plus jeunes, moins
diplômés). Les usages des réseaux sont cohérents avec cette vision.
FIG. 2.8: Répartition des répondants, pour chaque outil, suivant différents types
d’usages.
[Pour partager des photos.]
[Pour regarder ce que font les autres.]
FIG. 2.9: Répartition des répondants, pour chaque outil, suivant les personnes avec
qui ils échangent.
[Pour échanger des messages avec des collègues.]
FIG. 2.10: Répartition des répondants, pour chaque outil, suivant les données qui y
sont mises.
[Des données personnelles.]
[Des données
professionnelles.]
Mais le mélange entre vie privée et vie professionnelle apparaît, puisque certains
affichent des données personnelles sur tous les réseaux. Et surtout, la plupart des
salariés de FT ont de « vrais » amis dans l’entreprise, ce qui se retrouve dans les
contacts Facebook... La difficile gestion de ces intrications, déjà soulignée dans la
littérature (Cardon et al., 2005), se retrouve ici. Comme on le verra dans l’enquête
qualitative, c’est une difficulté perçue par les gros) utilisateurs des outils de réseau
social.
FIG. 2.11: Caractéristique des contacts des utilisateurs, suivant les outils de réseau
social (avez-vous...)
FIG. 2.13: Répartition des répondants, selon le nombre de réseaux auxquels ils
sont inscrits, sur leur point de vue sur l’utilité des réseaux sociaux en ligne pour gérer
des contacts.
[Ces outils permettent de suivre des gens.]
FIG. 2.15: Répartition des répondants, selon le nombre de réseaux auxquels ils
sont inscrits, sur leur point de vue de l’utilité des outils de réseau social pour
l’amélioration de leur connaissance.
[Ces outils permettent d’accéder plus faciliment à de l’expertise.]
[Ces outils sont un moyen de rester en contact avec vos connaissances « réelles
».]
Et ces outils ne semblent pas changer de façon profonde l’organisation
hiérarchique du travail, même s’ils facilitent les contacts avec ceux qui ont des profils
en ligne.
FIG. 2.16: Répartition des répondants, selon le nombre de réseaux auxquels ils
sont inscrits, sur leur point de vue de l’impact des outils de réseau social sur
l’organisation du travail.
[Le fait d’être « ami » avec des supérieurs sur les réseaux diminue la barrière
hiérarchique.]
Mais, et c’est l’intérêt de l’enquête qualitative, cet usage existe aussi, et est très
important pour ceux qui l’ont.
Chapitre 3
Enquête qualitative par voie
d’entretiens semi-directifs.
Remerciements.
Pour cette partie de l’enquête, je voudrais remercier tout particulièrement ici toutes
les personnes qui ont accepté de répondre à mes questions, qui m’ont accordé du
temps. La richesse de leur propos dépasse largement le rendu de ce rapport. J’espère
qu’en retour, ce travail d’analyse leur sera utile
3.1 Introduction.
Chapitre 4
Réseaux sociaux numériques et droit.
4.1 Quelle qualification juridique?
Les réseaux sociaux numériques recouvrent plusieurs phénomènes sous la même
appellation. Ces réseaux ont été regroupés dans des catégories non juridiques. La
jurisprudence, de son côté, tente d’apprécier ces nouveaux modes de communication
au regard de notions préexistantes.
Pour les outils de réseau social personnel, cette qualification signifie externe à
l’entreprise, généralement. On y retrouve les réseaux numériques les plus connus, tels
« Facebook » ou « Twitter ». Ces réseaux sociaux numériques ont des vocations
diverses. Facebook permet de rester en contact avec des personnes telles que
d’anciens camarades de classe. « Myspace a une vocation plus artistique, dans la
mesure où les internautes créant leur page sur ce réseau ont essentiellement vocation
à faire connaître leurs œuvres » (Dupuy-Busson, 2010). C’est également le cas de
Flickr. « Twitter peut être considéré comme un mini-blog. Un blog est un site web
constitué par la réunion de billets agglomérés au fil du temps. Chaque billet, aussi
appelé note, est, à l’image d’un journal de bord, un ajout au blog. Twitter permet
ainsi, en temps réel, de résumer en une phrase ce que l’on fait ou son humeur du
moment » (ibid). Ils sont accessibles par tous et ont une finalité traditionnellement
privée, mais comme le note le Groupe de travail international sur la protection des
données dans les télécommunications, ces services sont de plus en plus offerts aux
professionnels7.
Les utilisateurs des réseaux sociaux numériques, surtout en ce qui concerne les
réseaux sociaux personnels, ont une vision floue de la nature de ceux-ci. Certains ont
pu parler de vision en clair-obscur. Malgré la nouveauté qu’ils représentent, ils se
voient pourtant appliquer des principes classiques.
8 Cass. Soc., 18 octobre 2006, note E. Caprioli, Comm. Com. Electr., janvier
2007, p. 40 et s.
9 Cass. Soc, 17 mai 2005.
10 CA de Reims, 9 juin 2010, RG n° 09-3209.
l’utilisateur utilise un paramétrage plus souple et un accès plus large aux
informations.
Il faudra toutefois être vigilant. En effet, sur Facebook, un membre a en moyenne
environs 120 « amis ». Rien ne dit que les juridictions ne vont pas considérer qu’une
page personnelle fait partie de la sphère publique dès lors qu’un utilisateur du réseau
a un si grand nombre d’ « amis » ou même dès lors qu’un seul de ces 120 amis
partage sa page personnelle avec les amis de ses amis ou avec tous les membres du
réseau.
Dans le contexte des travaux sur l’évolution de la notion de vie privée, la mixité
de certains espaces est en tout cas un fait largement reconnu. Mais il reste difficile à
appréhender en droit, même si la reconnaissance par le juge de la difficulté que
peuvent éprouver les personnes elles-mêmes à qualifier les espaces est à porter au
crédit d’un effort de meilleure compréhension des nouveaux usages.
En effet, une telle difficulté été prise en compte par le Conseil disciplinaire de
Versailles qui a prononcé une suspension d’un mois à l’encontre d’un employé de
mairie qui avait inscrit des propos diffamatoires sur son mur.
Cette décision révèle une nouvelle approche de la délimitation des espaces.
Contrairement à l’approche de la Cour d’appel de Reims (9 juin 2010) qui considérait
que les contenus non « privatisés » sont publics par défaut, le Conseil disciplinaire de
Versailles tient compte du fait que le fonctionnaire ne savait pas qu’il pouvait limiter
son accès et que sa page personnelle était accessible à tous.
Comme l’illustre cette affaire, la question n’est pas seulement de savoir si
l’employeur peut avoir accès ou non à certains espaces et s’il peut se servir des
informations collectées à titre de preuve. Il faut également que la preuve soit
constituée dans le respect de certaines règles. Il est avéré qu’une simple capture
d’écran ne suffit pas et que le recours aux huissiers de justice (sous réserve de respect
de certaines conditions techniques), au CELOG ou à l’APP selon le cas est
nécessaire. De surcroît, il faut se demander quel est le résultat de cet accès dès lors
qu’il ne s’agit que de la photographie d’un échange à un instant donné hors d’un
contexte lequel pourrait être pris en compte par le juge s’il s’attache à examiner le
rôle joué par des éléments tels que les smileys par exemple.
L’obligation de loyauté.
La preuve doit ensuite avoir été acquise de manière loyale. Le principe de la loyauté
de la preuve est tiré d’une jurisprudence constante. Ainsi « l’employeur est tenu
d’une obligation de loyauté et de correction : il doit respecter la moralité et la dignité
du travailleur, employer un moyen de preuve conforme à de tels impératifs »11. Dès
lors, si par exemple les écoutes téléphoniques réalisées après avertissement des
salariés, constituent un mode de preuve licite, il découle de la jurisprudence Néocel
une interdiction de recourir à des stratagèmes, des mises en scène ou encore des
artifices pour placer le salarié dans une situation fautive qui pourrait lui être
reprochée par la suite. Cette jurisprudence trouve à s’appliquer en matière de réseau
sociaux numériques.
Ainsi, dans le cas Alten, la preuve est loyale dans la mesure où l’employeur n’a
pas, semble-t-il, cherché par tous les moyens à obtenir cette copie de la page
personnelle. En revanche, si l’employeur avait recouru à un stratagème tel que la
création d’un faux profil ou avait par exemple demandé à un salarié de lui fournir ce
type d’information, la décision du Conseil des prud’hommes de Boulogne Billancourt
aurait été autre. A ce titre, il va être intéressant de suivre l’évolution d’une affaire en
cours devant le Conseil des Prud’hommes de Périgueux, dans laquelle l’employeur, à
Hansen, http://www.workforce.com/section/recruiting-
staffing/feature/discriminatory-twist-networking-sites-
puts-recruiters-in/index_printer.html
22 Attention, cependant, aux conclusions trop hâtives. On sait que ces outils
sont utilisés principalement par les cadres. Il faudrait vérifier la proportion de noirs et
d’hispaniques parmi les cadres avant de parler de sous-utilisation de ces outils par ces
populations.
de l’association « à compétences égales » dont les partenaires sont entre autres
l’Association Nationale des Directions des Ressources Humaines (ANDRH), les
cabinets Syntec Conseil en recrutement, Viadéo (réseau social dit professionnel), le
MEDEF, le Mouvement des Entreprises de France (MEDEF), L’Association Pour
l’Emploi des Cadres (APEC)…
Cette charte, dont la faiblesse réside dans le fait que son application ne dépend
que du bon vouloir des signataires, insiste sur plusieurs points dont la limitation du
recours aux réseaux sociaux dits personnels à la seule diffusion d’une offre d’emploi,
la non utilisation des moteurs de recherche ni des réseaux sociaux numériques comme
outil d’enquête pour collecter ou prendre connaissance d’informations d’ordre
personnel même si elles sont rendues accessibles par les utilisateurs eux-mêmes ou
encore la sensibilisation et la formation des recruteurs sur la nécessité de ne pas
collecter ni tenir compte de telles informations.
À l’heure actuelle, il semble que seuls certains cabinets de conseil en recrutement
se soient engagés dans ce type de charte et non pas des entreprises. Pour prendre
l’exemple des cabinets de conseil en recrutement Syntec, ces derniers s’engagent à ne
pas retenir au moment du recrutement ce qui a pu être vu sur les réseaux sociaux
numériques. Ainsi, si une présélection est effectuée par les chargés de recrutement, le
consultant n’en a pas connaissance et son choix se fait sans a priori au moment du
face à face avec le candidat.
Enfin, un autre risque apparaît pour le salarié de l’entreprise, notamment en cas de
refus de promotion. Selon l’article L.1152-2 du code du travail, « aucun salarié ne
peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe
ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement,
d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de
mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir […] relatés [des agissements de
harcèlement moral] ». L’article L.1153-3 reprend les mêmes dispositions en ce qui
concerne le harcèlement sexuel. Or, le phénomène des réseaux sociaux numériques
permet de relater de plus en plus facilement ce type d’évènement. Chacun, d’un
simple « click », peut devenir le témoin d’un évènement. Les risques pour un salarié
témoin sont donc accrus. Cependant, là encore, le problème pour le salarié témoin
sera d’apporter des éléments factuels de nature à démontrer qu’une promotion
professionnelle par exemple lui a été refusée parce qu’il a relaté ce type d’évènement.
Enfin, on pourra noter que le risque de l’utilisation des réseaux sociaux
numériques par un candidat à un recrutement ne concerne pas uniquement les risques
de discrimination mais tout simplement un risque de non recrutement dû à l’image
véhiculée ou à certaines opinions sur l’entreprise, par exemple. Ainsi peut-on citer
l’exemple de cette Américaine qui s’était vu proposer un emploi chez Cisco et qui
avait publié sur son compte Twitter le commentaire suivant : « Cisco m’a proposé un
poste. Maintenant je dois évaluer l’utilité d’un gros salaire pour un job que je vais
détester m’obligeant à un trajet quotidien à San José ». Cisco a immédiatement retiré
son offre…
Le contrat de travail.
Le contrat de travail peut prévoir le respect d’une obligation de loyauté (en plus de
l’obligation légale de loyauté pesant sur le salarié vis-à-vis de l’employeur)
Le contrat de travail peut prévoir le respect d’une obligation de confidentialité,
d’une obligation de discrétion attachée à certaines informations.
Ces clauses contractuelles peuvent s’accompagner d’une clause relative à
l’utilisation des outils de communication dans l’entreprise.
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