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www.scholarvox.com:ENCG Oujda:1410094318:88836233:160.164.167.2:1591449599
La gouvernance et la prise de risque
de l’entreprise
Par Pascal Nguyen
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des risques qu’elle prend
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avait jugée totalement improbable et qui faillit mener à sa destruction.
En règle générale, les investisseurs comprennent la nécessité de
prendre des risques. Certains, comme les fonds de capital-risque, se
sont même spécialisés dans le financement des startups dont le taux de
réussite est pourtant très faible malgré une sélection rigoureuse et un
suivi attentif. Par chance, les rares succès parviennent à compenser les
nombreux échecs. C’est même ce qui a permis l’éclosion du secteur
des biotechnologies, puis l’essor des technologies de l’information et à
présent l’émergence des énergies renouvelables. À partir du moment
où le risque en vaut la chandelle, les investisseurs savent répondre
présent.
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Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que les dirigeants
préfèrent éviter de prendre de risques. En d’autres termes, leur choix
est d’avoir une carrière bien paisible. Après tout, pourquoi suivre une
route semée d’embûches quand des chemins plus sûrs peuvent être
empruntés ? C’est là que la qualité de la gouvernance de l’entreprise
joue un rôle indispensable. Dans les entreprises où ils ont plus de
libertés pour faire le choix qui les arrange, les dirigeants choisiront la
solution de facilité, même quand ce n’est pas dans l’intérêt des action-
naires. Pour contrer cette prédisposition, ces derniers peuvent comp-
ter sur plusieurs mécanismes destinés à faire en sorte que les dirigeants
prennent les bonnes décisions. Il s’agit de la discipline imposée par les
prises de contrôle non sollicitées, des incitations financières données
aux dirigeants, et du contrôle exercé par les grands actionnaires et par
le Conseil d’administration.
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contrôle non sollicitée. Il en découle un enracinement des dirigeants
qui varie selon l’état où leur entreprise est installée. Bertrand et Mullai-
nathan (2003) mettent à profit cette différence pour analyser l’effet de
la discipline de marché sur le taux d’ouverture de nouvelles usines et le
taux de fermeture d’usines existantes. La conclusion de leur étude est
que plus les dirigeants sont protégés contre une prise de contrôle
hostile, plus le taux d’ouverture et de fermeture d’usines diminue. Il
en découle aussi une baisse sensible de leur taux de productivité. Ces
résultats montrent que s’ils en ont la possibilité les dirigeants préfèrent
ne pas se créer trop de problèmes et, par voie de conséquence, qu’ils
éviteront de prendre des risques superflus.
De façon plus directe, Ferreira et Laux (2007) étudient le lien entre
la discipline de marché et le risque spécifique de l’entreprise. Ce risque
est mesuré en décomposant la volatilité totale des actions (qui constitue
en elle-même une mesure du risque) en une composante systématique
(que l’entreprise ne contrôle pas puisqu’elle est liée à l’évolution du
marché) et une composante spécifique (sur laquelle l’entreprise peut
jouer à travers ses choix d’investissement). Il ressort de l’analyse que les
entreprises mieux disciplinées par une moindre protection contre une
prise de contrôle hostile se caractérisent par un risque spécifique relati-
vement élevé. En même temps, ce risque est associé à de meilleures déci-
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marché à discipliner les dirigeants en forçant ceux-ci à mieux sélection-
ner leurs cibles et à les payer sans excès.
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à l’entreprise
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Concernant la prise de risque plus particulièrement, Cheng
(2008) constate l’existence d’une relation négative entre la taille du
Conseil d’administration des entreprises américaines et des indica-
teurs de risque habituels, comme la volatilité des profits ou la disper-
sion des rendements boursiers. Les dépenses de recherche et
développement diminuent également avec le nombre d’administra-
teurs que compte l’entreprise, conformément à l’idée qu’il s’agit d’in-
vestissements risqués dont les bénéfices n’apparaîtront probablement
qu’au bout de plusieurs années.
Dans un article coécrit avec Makoto Nakano de l’université Hitot-
subashi, j’ai par ailleurs montré que l’impact négatif de la taille du
Conseil d’administration concerne principalement les entreprises à
faibles opportunités de croissance (Nakano et Nguyen, 2012). L’ex-
plication est relativement simple. Lorsqu’une entreprise a de
nombreux projets, l’élimination de quelques projets risqués laisse
suffisamment de projets à fort potentiel pour que l’entreprise puisse
se développer. En revanche, lorsqu’elle dispose de peu de projets
risqués, l’élimination de ces projets se traduit par un repli sur des
projets moins prometteurs. Or ce sont les entreprises caractérisées
par un grand nombre d’administrateurs qui sont les plus grandes et
qui ont le plus de ressources disponibles. Ce sont donc elles auraient
le plus à gagner d’une plus grande prise de risque.
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nariat de l’entreprise est dispersé, plus la valeur de l’entreprise baisse
du fait que la pression sur le dirigeant a tendance à devenir moins
forte. Au contraire, quand l’actionnariat de l’entreprise est concentré,
avec en par particulier une forte présence d’investisseurs institution-
nels, la performance de l’entreprise va en augmentant car les institu-
tionnels contribuent à une meilleure sélection des dirigeants et à un
contrôle plus étroit de leur gestion.
L’un des moyens les plus efficaces à la disposition des dirigeants
pour faire croître leur entreprise et modifier son profil de risque est
d’effectuer une acquisition. Selon Amihud et Lev (1981) beaucoup
d’opérations sont réalisées dans le but unique de réduire le risque de
l’entreprise. Les dirigeants y gagnent sur le plan personnel à travers
une sécurité renforcée de leur capital humain. Mais du côté des action-
naires, le compte n’y est pas. Pour preuve, lorsque la participation des
dirigeants au capital est suffisamment importante, la probabilité de
telles fusions est beaucoup plus faible. La présence d’investisseurs
institutionnels contribue aussi à dissuader l’entreprise de chercher à
réduire son risque par le biais d’acquisitions sans liens avec son activité
de base. Les investisseurs institutionnels semblent aussi être associés à
des niveaux de dépenses plus élevés en recherche et développement
qui correspondent typiquement à des investissements risqués.
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les actionnaires familiaux sont souvent à la limite des ressources
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financières qu’ils peuvent consacrer à leur entreprise. C’est pourquoi
ils ont fréquemment recours à des mécanismes destinés à renforcer
leur pouvoir de contrôle, comme les holdings en cascade et les actions
à droits de vote double. En cas d’appel de fonds, ils auront du mal à
suivre, ce qui entraînera une dilution de leur participation et une
possible perte de contrôle. En règle générale, les actionnaires familiaux
sont très hostiles à cette éventualité car il s’agit pour eux de transmettre
la richesse, mais aussi le pouvoir, aux générations futures (Anderson et
Reeb, 2003).
Un exemple révélateur s’est présenté récemment lorsque Peugeot a dû
procéder à une augmentation de capital suite à des pertes importantes.
Les réticences du clan familial se sont clairement affichées face à la
perspective de devoir partager le pouvoir avec leur partenaire chinois
Dongfeng et l’État français. Finalement, le besoin de renforcer les
fonds propres de l’entreprise et la perspective d’accélérer son
développement en Chine l’ont emporté.
Pour toutes ces raisons, les entreprises familiales françaises ont tendance
à prendre moins de risques par rapport aux entreprises non familiales.
C’est là que les gros actionnaires présents aux côtés de la famille peuvent
avoir un rôle utile à jouer. Dans la mesure où leur intérêt est moins de
protéger leur contrôle, avec tous les avantages qui s’y rattachent, ces
actionnaires sont davantage motivés par les perspectives de création de
richesse de l’entreprise. Comme celles-ci passent généralement par une
plus grande prise de risque, il en découle que leur capacité à pouvoir
atténuer l’influence de l’actionnaire familial se traduit par une hausse
de la prise de risque. Ce rôle est particulièrement important puisqu’il
s’exerce surtout lorsque les mécanismes de gouvernance internes sont
fragiles, et plus précisément lorsque le Conseil d’administration est
d’une grande taille et lorsque la famille dispose de droits de vote
excédant sa part au capital de l’entreprise.
désastreux d’une prise de risques excessive font davantage les gros titres
de la presse, ce sont surtout les dérobades devant les risques à prendre
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qui sapent le dynamisme de l’entreprise. L’origine de ce biais en défa-
veur de la prise de risque pourrait découler de la préférence des diri-
geants pour des trajectoires lisses et sans accrocs. Plusieurs mécanismes
permettent toutefois d’inciter les dirigeants à prendre les risques néces-
saires. La menace d’une prise de contrôle semble suffisante pour atté-
nuer leurs préférences pour plus de quiétude. Les stock-options jouent
un rôle similaire lorsque les dirigeants sont mieux enracinés. Dans les
pays où les prises de contrôle hostiles et les incitations financières sont
moins répandues, d’autres mécanismes de gouvernance prennent le
relais. Le Conseil d’administration a un rôle plus important à jouer.
Mais pour qu’il puisse pleinement assumer ses responsabilités, il est
important qu’il soit d’une taille modérée. D’autres conditions qui
restent à explorer peuvent aussi s’appliquer. Enfin, la structure de
propriété semble avoir un effet très significatif. Pour s’assurer que l’en-
treprise a bien le bon niveau de risque, il est nécessaire que les investis-
seurs prennent en compte tous ces aspects.
À retenir
Alors qu’elle est indispensable à leur réussite, la prise de risque est
souvent négligée par les entreprises. Cette contradiction s’explique
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par le fait que les dirigeants ont beaucoup à perdre d’une prise de
risque malheureuse. Plusieurs mécanismes internes et externes à
l’entreprise permettent toutefois de lever leurs réticences à prendre les
risques nécessaires.
La menace d’une prise de contrôle alourdit le coût d’une prise de
risque insuffisante tandis qu’une rémunération sous forme d’actions
ou de stock-options accroît le gain potentiel associé à une prise de
risque plus importante. Le contrôle par les actionnaires majoritaires
et l’équilibre des pouvoirs entre ces derniers influencent également la
prise de risque des entreprises. Enfin, les processus de décision liés à
l’organisation interne de l’entreprise peuvent avoir des effets plus ou
moins marqués suivant la nature de l’entreprise.
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