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La gouvernance et la prise de risque
de l’entreprise
Par Pascal Nguyen

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les entreprises ont tendance


à ne pas prendre suffisamment de risques. La raison doit beaucoup à
la motivation qu’ont les dirigeants à ne pas s’exposer de façon inutile.
C’est pourquoi les différents mécanismes de gouvernance ont un rôle
important à jouer.
Parmi ces mécanismes, la menace d’une prise de contrôle externe et
les incitations financières s’avèrent particulièrement efficaces. Mais
les structures internes, comme la composition du Conseil
d’administration ou l’équilibre des pouvoirs entre actionnaires,
peuvent également influencer le degré de prise de risque des entre-
prises.
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La performance de l’entreprise dépend

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des risques qu’elle prend

La prise de risque est essentielle à la réussite de l’entreprise. Comme dit


le proverbe « qui ne risque rien n’a rien ! » Trouver le bon équilibre
constitue toutefois un exercice délicat. Prendre trop de risques peut
conduire l’entreprise à sa perte. C’est le sort que la société informatique
Apple a failli connaître lorsqu’elle décida de lancer le premier ordina-
teur à interface graphique contrôlé par une souris. Avec un produit
aussi original que coûteux, difficile de prédire ce que seront les ventes.
Et si celles-ci ne sont pas au rendez-vous, les conséquences peuvent être
dramatiques pour l’entreprise. De façon similaire, Vivendi se lança
sous la houlette de J.-M. Messier dans une folle série d’acquisitions
destinées à accélérer sa transformation en leader mondial du secteur
des médias. Cette stratégie risquée s’est finalement soldée par une
ardoise de 23,3 milliards d’euros qui représente encore à ce jour la perte
la plus importante jamais enregistrée par une société française.
Pour autant, ne pas prendre suffisamment de risques peut se révéler
tout aussi hasardeux. En effet, c’est courir le risque de se laisser décro-
cher par des concurrents plus téméraires. Les firmes implantées dans la
Silicon Valley doivent souvent leur succès aux paris audacieux qu’elles
ont été amenées à faire. À titre d’exemple, Salesforce.com est devenue
l’une des principales sociétés de services informatiques dans le monde
en proposant à ses clients de payer en fonction de leur utilisation alors
que ces derniers avaient l’habitude de payer une fois pour toutes au
moment de l’acquisition des logiciels. De plus, le service était exécuté à
distance, sur les ordinateurs du fournisseur, pour être ensuite livré au
client. Les géants de l’informatique comme Oracle n’ont pas vu venir la
menace du fait de leur attachement à un modèle économique bien
établi. Ce faisant, ils ont ainsi laissé le champ libre à un dangereux
concurrent qui pourrait leur causer encore beaucoup de soucis. Dans
l’histoire, des batailles célèbres ont aussi été remportées grâce à des
manœuvres intrépides qui ont laissé l’adversaire sans réponse. C’est le
cas de l’offensive des troupes napoléoniennes à Austerlitz qui surprit les
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forces russes en plein redéploiement pour les mettre en déroute. On


peut ajouter la traversée des Alpes par l’armée d’Annibal que Rome

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avait jugée totalement improbable et qui faillit mener à sa destruction.
En règle générale, les investisseurs comprennent la nécessité de
prendre des risques. Certains, comme les fonds de capital-risque, se
sont même spécialisés dans le financement des startups dont le taux de
réussite est pourtant très faible malgré une sélection rigoureuse et un
suivi attentif. Par chance, les rares succès parviennent à compenser les
nombreux échecs. C’est même ce qui a permis l’éclosion du secteur
des biotechnologies, puis l’essor des technologies de l’information et à
présent l’émergence des énergies renouvelables. À partir du moment
où le risque en vaut la chandelle, les investisseurs savent répondre
présent.

La réserve des dirigeants vis-à-vis


de la prise de risque
La raison pour laquelle les entreprises rechignent à prendre des risques
se trouve au cœur même de ces dernières. Pour commencer, toute
décision risquée accroît la probabilité de faire face à des difficultés
financières. Le dirigeant intrépide pourra alors être démis de ses fonc-
tions et en sortira avec une réputation ternie qui lui laissera peu de
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chances de retrouver un bon poste. Bien souvent, il verra ses marges de


manœuvres réduites par l’immixtion des investisseurs dans la gestion
de l’entreprise. En règle générale, la mise en œuvre de stratégies
risquées s’accompagne de problèmes plus nombreux mais aussi plus
complexes. Il s’agit de disposer de ressources parfaitement adaptées à
la situation, ce qui impose de redéployer fréquemment les salariés sur
de nouvelles missions et d’en faire évoluer rapidement les compé-
tences. L’entreprise aura aussi plus souvent recours à des licencie-
ments, ce qu’elle n’apprécie pas forcément. Certains investissements
devront être liquidés avant terme et pourront entraîner des pertes s’ils
ne sont plus adaptés au contexte. En fin de compte, faire le choix d’in-
vestissements risqués revient à accepter d’être confronté de façon
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récurrente à des difficultés qui demanderont plus d’attention et d’ef-


forts pour pouvoir être surmontées.

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Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que les dirigeants
préfèrent éviter de prendre de risques. En d’autres termes, leur choix
est d’avoir une carrière bien paisible. Après tout, pourquoi suivre une
route semée d’embûches quand des chemins plus sûrs peuvent être
empruntés ? C’est là que la qualité de la gouvernance de l’entreprise
joue un rôle indispensable. Dans les entreprises où ils ont plus de
libertés pour faire le choix qui les arrange, les dirigeants choisiront la
solution de facilité, même quand ce n’est pas dans l’intérêt des action-
naires. Pour contrer cette prédisposition, ces derniers peuvent comp-
ter sur plusieurs mécanismes destinés à faire en sorte que les dirigeants
prennent les bonnes décisions. Il s’agit de la discipline imposée par les
prises de contrôle non sollicitées, des incitations financières données
aux dirigeants, et du contrôle exercé par les grands actionnaires et par
le Conseil d’administration.

Le rôle disciplinaire des prises de contrôle


sur la prise de risque de l’entreprise
Aux États-Unis, le marché financier joue un rôle déterminant dans la
gouvernance des entreprises. Si les entreprises disposent de la capa-
cité à faire des propositions, la décision de les mettre en œuvre revient
sans conteste aux investisseurs. Lorsqu’elles ne produisent pas les
résultats attendus, les entreprises sont lourdement sanctionnées. Le
prix de leurs actions dégringole parfois de moitié, ce qui attire tout de
suite l’attention de fonds spécialisés dans la reprise d’affaires en diffi-
culté. En un mot, les entreprises non performantes peuvent faire
l’objet d’une prise de contrôle non sollicitée dont le but est de rempla-
cer l’équipe dirigeante et de mettre en place des mesures appropriées,
ce qui peut inclure un démantèlement de l’entreprise par la vente de
ses actifs. Après tout, l’entreprise est plus un moyen qu’une fin en soi.
Si le même objectif peut être accompli plus efficacement par d’autres,
autant les laisser faire au lieu de chercher à les en empêcher.
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Toutefois, certains états américains permettent aux entreprises


installées sur leur territoire de s’opposer plus facilement à une prise de

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contrôle non sollicitée. Il en découle un enracinement des dirigeants
qui varie selon l’état où leur entreprise est installée. Bertrand et Mullai-
nathan (2003) mettent à profit cette différence pour analyser l’effet de
la discipline de marché sur le taux d’ouverture de nouvelles usines et le
taux de fermeture d’usines existantes. La conclusion de leur étude est
que plus les dirigeants sont protégés contre une prise de contrôle
hostile, plus le taux d’ouverture et de fermeture d’usines diminue. Il
en découle aussi une baisse sensible de leur taux de productivité. Ces
résultats montrent que s’ils en ont la possibilité les dirigeants préfèrent
ne pas se créer trop de problèmes et, par voie de conséquence, qu’ils
éviteront de prendre des risques superflus.
De façon plus directe, Ferreira et Laux (2007) étudient le lien entre
la discipline de marché et le risque spécifique de l’entreprise. Ce risque
est mesuré en décomposant la volatilité totale des actions (qui constitue
en elle-même une mesure du risque) en une composante systématique
(que l’entreprise ne contrôle pas puisqu’elle est liée à l’évolution du
marché) et une composante spécifique (sur laquelle l’entreprise peut
jouer à travers ses choix d’investissement). Il ressort de l’analyse que les
entreprises mieux disciplinées par une moindre protection contre une
prise de contrôle hostile se caractérisent par un risque spécifique relati-
vement élevé. En même temps, ce risque est associé à de meilleures déci-
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sions d’investissement en ce sens que les entreprises qui ont besoin


d’investir davantage augmentent leurs investissements tandis que celles
qui ont besoin de moins investir diminuent leurs investissements. Il en
découle que les entreprises disciplinées sont mieux valorisées par le
marché. C’est ce que démontrent Gompers, Ishii et Metrick (2003).
Pour leur part, Masulis, Wang et Xie (2007) examinent l’effet de la
discipline de marché sur la qualité des acquisitions effectuées par l’entre-
prise. La méthode utilisée consiste à observer la réaction des investis-
seurs à l’annonce d’une acquisition. Une réaction positive traduit le
sentiment du marché que la cible est acquise à un prix favorable, ce qui
est bon pour les actionnaires, tandis qu’une réaction négative suggère
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que la cible est surpayée, ce qui va au détriment des actionnaires de l’ac-


quéreur. Les résultats empiriques soulignent clairement la capacité du

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marché à discipliner les dirigeants en forçant ceux-ci à mieux sélection-
ner leurs cibles et à les payer sans excès.

L’effet des incitations financières reçues


par les dirigeants

Les incitations financières constituent un outil efficace pour atténuer


l’aversion au risque des dirigeants et les amener à être plus entrepre-
nants. Dans un article tiré de sa thèse, Low (2009) constate que les arrê-
tés de la cour suprême du Delaware restreignant les prises de contrôle
hostiles se sont traduits par une baisse du risque des entreprises enregis-
trées dans cet état qui ne n’apparaît pas chez les entreprises enregistrées
dans les autres états américains. Ce phénomène est particulièrement
prononcé parmi les entreprises ayant mis en place un système de pilules
empoisonnées (“poison pill ”) et dont le Conseil d’administration est
renouvelable par tranches (“staggered board ”). L’explication vient du fait
que ces conditions sont très dissuasives pour un acquéreur potentiel. Les
pilules empoisonnées augmentent le coût d’acquisition (en autorisant
par exemple l’émission d’actions à des tiers à des conditions préféren-
tielles) ou rendent l’acquisition moins attractive (en déclenchant la
cession de certains actifs). Quant au renouvellement par tranches des
administrateurs, il retarde la prise de contrôle effective de la cible, ce qui
n’arrange pas les affaires de l’acquéreur. De fait, aucune prise de contrôle
hostile n’a eu lieu dans l’état du Delaware au cours des six années qui ont
suivi l’évolution de la législation. En outre, Low montre que la baisse du
niveau de risque est concentrée parmi les entreprises offrant peu d’inci-
tations financières à leurs dirigeants. Mais lorsque ces derniers disposent
de stock-options en quantité suffisante, la baisse du risque n’est plus
significative. Ce résultat démontre le pouvoir incitatif des stock-options
et pourrait être l’une des raisons majeures de leur large utilisation dans
les startups car ils encouragent les cadres concernés à maintenir leurs
efforts malgré le risque que ces efforts s’avèrent infructueux.
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Le rôle des organes de gouvernance internes

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à l’entreprise

Au niveau des structures internes de l’entreprise, le Conseil d’admi-


nistration occupe une place centrale. C’est à lui que revient la
responsabilité de nommer et de démettre le directeur général. Il a
aussi la haute main sur la définition des axes stratégiques de l’entre-
prise. Pour s’y appliquer de façon efficace, il est nécessaire que le
Conseil d’administration dispose d’une certaine indépendance et
qu’il soit d’une taille appropriée. En effet, s’il est trop restreint, il
sera vite débordé par l’ampleur de la tâche qu’il doit accomplir. S’il
est trop élargi, il court le risque de faire preuve d’immobilisme et
que ses membres se sentent moins impliqués dans les affaires de
l’entreprise (Jensen, 1993; Yermack, 1996). Tout compte fait, c’est
ce deuxième cas qui semble poser le plus de problèmes.
Sur un plan théorique, Sah et Stiglitz (1986) montre que dans un
groupe de décideurs dont les choix sont indépendants plus la taille du
groupe est grande, plus les projets risqués ont tendance à être écartés.
Il s’ensuit que la taille du groupe est inversement liée au risque moyen
des projets retenus. L’implication pratique est que les membres d’un
Conseil d’administration ne doivent pas être trop nombreux sous
peine d’entraîner un biais défavorable à la prise de risque de l’entre-
prise. Or cette prise de risque est nécessaire pour permettre à l’entre-
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prise de saisir les meilleures opportunités de croissance qui sont celles


qui contribuent le plus à accroître sa valeur.
L’influence négative de la taille du Conseil d’administration sur la
valeur de l’entreprise a été prouvée par Yermak (1996). Pour une
entreprise américaine dont la taille du Conseil d’administration est
située dans la moyenne, qui est de 8 membres, l’ajout d’un adminis-
trateur supplémentaire fait baisser la valeur de l’entreprise d’environ
4 % ce qui est significatif. L’une des raisons principales est que
lorsqu’ils sont trop grands, les conseils d’administration semblent
avoir du mal à révoquer un directeur général dont les performances
sont médiocres. Il en résulte que ce dernier peut rester en poste plus
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longtemps et continuer à mener une politique dommageable pour la


valeur de l’entreprise.

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Concernant la prise de risque plus particulièrement, Cheng
(2008) constate l’existence d’une relation négative entre la taille du
Conseil d’administration des entreprises américaines et des indica-
teurs de risque habituels, comme la volatilité des profits ou la disper-
sion des rendements boursiers. Les dépenses de recherche et
développement diminuent également avec le nombre d’administra-
teurs que compte l’entreprise, conformément à l’idée qu’il s’agit d’in-
vestissements risqués dont les bénéfices n’apparaîtront probablement
qu’au bout de plusieurs années.
Dans un article coécrit avec Makoto Nakano de l’université Hitot-
subashi, j’ai par ailleurs montré que l’impact négatif de la taille du
Conseil d’administration concerne principalement les entreprises à
faibles opportunités de croissance (Nakano et Nguyen, 2012). L’ex-
plication est relativement simple. Lorsqu’une entreprise a de
nombreux projets, l’élimination de quelques projets risqués laisse
suffisamment de projets à fort potentiel pour que l’entreprise puisse
se développer. En revanche, lorsqu’elle dispose de peu de projets
risqués, l’élimination de ces projets se traduit par un repli sur des
projets moins prometteurs. Or ce sont les entreprises caractérisées
par un grand nombre d’administrateurs qui sont les plus grandes et
qui ont le plus de ressources disponibles. Ce sont donc elles auraient
le plus à gagner d’une plus grande prise de risque.

L’influence contrastée de la structure


de propriété

Les actionnaires ont aussi un rôle important à jouer dans la gouver-


nance de l’entreprise. Certains le font sans avoir de représentants au
Conseil d’administration en approchant directement la direction de
l’entreprise. Mais comme Shleifer et Vishny (1997) le rappellent,
seuls les grands actionnaires ont l’intérêt suffisant et les moyens
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appropriés pour se faire entendre. Pour les petits actionnaires, l’effort


n’en vaut pas la chandelle. C’est la raison pour laquelle plus l’action-

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nariat de l’entreprise est dispersé, plus la valeur de l’entreprise baisse
du fait que la pression sur le dirigeant a tendance à devenir moins
forte. Au contraire, quand l’actionnariat de l’entreprise est concentré,
avec en par particulier une forte présence d’investisseurs institution-
nels, la performance de l’entreprise va en augmentant car les institu-
tionnels contribuent à une meilleure sélection des dirigeants et à un
contrôle plus étroit de leur gestion.
L’un des moyens les plus efficaces à la disposition des dirigeants
pour faire croître leur entreprise et modifier son profil de risque est
d’effectuer une acquisition. Selon Amihud et Lev (1981) beaucoup
d’opérations sont réalisées dans le but unique de réduire le risque de
l’entreprise. Les dirigeants y gagnent sur le plan personnel à travers
une sécurité renforcée de leur capital humain. Mais du côté des action-
naires, le compte n’y est pas. Pour preuve, lorsque la participation des
dirigeants au capital est suffisamment importante, la probabilité de
telles fusions est beaucoup plus faible. La présence d’investisseurs
institutionnels contribue aussi à dissuader l’entreprise de chercher à
réduire son risque par le biais d’acquisitions sans liens avec son activité
de base. Les investisseurs institutionnels semblent aussi être associés à
des niveaux de dépenses plus élevés en recherche et développement
qui correspondent typiquement à des investissements risqués.
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Le cas des entreprises familiales


En prenant le cas des entreprises familiales françaises, j’ai montré avec
deux collègues que l’actionnaire de contrôle a tendance à éviter de
prendre des risques (Boubaker et al., 2015). Ce résultat s’explique par
plusieurs raisons. La plus importante est que les actionnaires familiaux
sont peu diversifiés dans la mesure où pratiquement toute leur richesse
est investie dans le capital de l’entreprise. Si celle-ci venait à faire
faillite, ce serait tout leur patrimoine qui partirait en fumée. De plus,

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les actionnaires familiaux sont souvent à la limite des ressources

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financières qu’ils peuvent consacrer à leur entreprise. C’est pourquoi
ils ont fréquemment recours à des mécanismes destinés à renforcer
leur pouvoir de contrôle, comme les holdings en cascade et les actions
à droits de vote double. En cas d’appel de fonds, ils auront du mal à
suivre, ce qui entraînera une dilution de leur participation et une
possible perte de contrôle. En règle générale, les actionnaires familiaux
sont très hostiles à cette éventualité car il s’agit pour eux de transmettre
la richesse, mais aussi le pouvoir, aux générations futures (Anderson et
Reeb, 2003).
Un exemple révélateur s’est présenté récemment lorsque Peugeot a dû
procéder à une augmentation de capital suite à des pertes importantes.
Les réticences du clan familial se sont clairement affichées face à la
perspective de devoir partager le pouvoir avec leur partenaire chinois
Dongfeng et l’État français. Finalement, le besoin de renforcer les
fonds propres de l’entreprise et la perspective d’accélérer son
développement en Chine l’ont emporté.
Pour toutes ces raisons, les entreprises familiales françaises ont tendance
à prendre moins de risques par rapport aux entreprises non familiales.
C’est là que les gros actionnaires présents aux côtés de la famille peuvent
avoir un rôle utile à jouer. Dans la mesure où leur intérêt est moins de
protéger leur contrôle, avec tous les avantages qui s’y rattachent, ces
actionnaires sont davantage motivés par les perspectives de création de
richesse de l’entreprise. Comme celles-ci passent généralement par une
plus grande prise de risque, il en découle que leur capacité à pouvoir
atténuer l’influence de l’actionnaire familial se traduit par une hausse
de la prise de risque. Ce rôle est particulièrement important puisqu’il
s’exerce surtout lorsque les mécanismes de gouvernance internes sont
fragiles, et plus précisément lorsque le Conseil d’administration est
d’une grande taille et lorsque la famille dispose de droits de vote
excédant sa part au capital de l’entreprise.

Dans un monde devenu hautement concurrentiel, l’entreprise ne


peut réussir sans prendre de risques. Vouloir à tout prix les éviter serait
laisser le champ libre à des concurrents plus audacieux. Mais si les effets
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désastreux d’une prise de risques excessive font davantage les gros titres
de la presse, ce sont surtout les dérobades devant les risques à prendre

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qui sapent le dynamisme de l’entreprise. L’origine de ce biais en défa-
veur de la prise de risque pourrait découler de la préférence des diri-
geants pour des trajectoires lisses et sans accrocs. Plusieurs mécanismes
permettent toutefois d’inciter les dirigeants à prendre les risques néces-
saires. La menace d’une prise de contrôle semble suffisante pour atté-
nuer leurs préférences pour plus de quiétude. Les stock-options jouent
un rôle similaire lorsque les dirigeants sont mieux enracinés. Dans les
pays où les prises de contrôle hostiles et les incitations financières sont
moins répandues, d’autres mécanismes de gouvernance prennent le
relais. Le Conseil d’administration a un rôle plus important à jouer.
Mais pour qu’il puisse pleinement assumer ses responsabilités, il est
important qu’il soit d’une taille modérée. D’autres conditions qui
restent à explorer peuvent aussi s’appliquer. Enfin, la structure de
propriété semble avoir un effet très significatif. Pour s’assurer que l’en-
treprise a bien le bon niveau de risque, il est nécessaire que les investis-
seurs prennent en compte tous ces aspects.

À retenir
Alors qu’elle est indispensable à leur réussite, la prise de risque est
souvent négligée par les entreprises. Cette contradiction s’explique
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par le fait que les dirigeants ont beaucoup à perdre d’une prise de
risque malheureuse. Plusieurs mécanismes internes et externes à
l’entreprise permettent toutefois de lever leurs réticences à prendre les
risques nécessaires.
La menace d’une prise de contrôle alourdit le coût d’une prise de
risque insuffisante tandis qu’une rémunération sous forme d’actions
ou de stock-options accroît le gain potentiel associé à une prise de
risque plus importante. Le contrôle par les actionnaires majoritaires
et l’équilibre des pouvoirs entre ces derniers influencent également la
prise de risque des entreprises. Enfin, les processus de décision liés à
l’organisation interne de l’entreprise peuvent avoir des effets plus ou
moins marqués suivant la nature de l’entreprise.
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