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La « conversion » de Synésios
Henri Irénée Marrou
Marrou Henri Irénée. La « conversion » de Synésios. In: Revue des Études Grecques, tome 65, fascicule 306-308, Juillet-
décembre 1952. pp. 474-484;
doi : https://doi.org/10.3406/reg.1952.3297
https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1952_num_65_306_3297
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LA « CONVERSION » DE SYNÉSIOS 475
compagne, nous n'entendrons plus parler après cette Lettre 105; Synésios. qui
n'aura plus d'autres enfants, n'en dit jamais plus rien : faut-il conjecturer qu'elle
est morte, assez opportunément, peu après l'élection à Pépiscopat ?
Mais nous avons mieux à faire que d'émettre des hypothèses en l'air :
l'œuvre de Synésios atteste bien avant 410 non seulement une attirance profonde
pour le christianisme mais bel et bien une adhésion formelle. J'oserai pour ma
part être plus nettement afflrmatif que M. L. ne s'est cru autorisé à l'être.
J'observe, pour commencer, que nous ne trouvons, de fait, aucun indice positif du
paganisme de Synésios. Sans doute, comme M. L. l'observe finement, il n'était
pas très facile de se montrer païen dans ces années 391 et suivantes qui avaient vu
478 HENRI 1RÉNÉE MARROU
la destruction du Serapeum et l'impitoyable législation de Théodose, interdisant:
les sacrifices, même privés. Mais les convictions restaient libre*, et je ne voie
pas de témoignage net attestant les convictions proprement païennes de
Synésios (ne mêlons pas à cette question religieuse les problèmes philosophiques).
Tout au plus vois-je à signaler l'emploi, dans les Hymnes, du mot « dieux »,.
au pluriel, ainsi Hymne III, v. 164, 168, 268Terzaghi; mais on sait (depuis,
l'étude bien connue de Harnack à ce sujet) combien l'abus qu'en avaient fait les
païens avait eu pour résultat de démonétiser le mot θεός, et surtout, dirai:je^
le pluriel θεοί, dont les Chrétiens pouvaient eux aussi user en un sens dérivé. —
surtout en vers; Synésios s'en sert encore dans Γ Hymne IX, qui, lui, est authen-
tiquement chrétieu d'inspiration et d'affabulation, hymne au Christ-Roi, « enfant
d'une vierge de Solymes » : au v. 48, la lune est appelée « pasteur des dieu»
nocturnes », ποιμήν νυχιών θεών.
En contre-partie, que d'indices très nets de christianisme t et cela dans les
œuvres certainement antérieures au mariage; je ne parle pas seulement de-
témoignages de sympathie, comme celle qu'il manifeste volontiers à l'égard des
moines, mais d'une prise de position personnelle. Négligeons le témoignage
ambigu des Discaurs de Constantinople (si dans le Récit égyptien Synésios parle-
du christianisme comme de « notre religion » et condamne l'arianisme des-
Goths, 1, 1256C, 1257A, ce peut Hve par diplomatie; le De Regno est beaucoup-
moins affirmatif, 1068B : cf. Lacombrade, Thèse complém., p. 43, n. 43). Celui
des Hymnes est devenu décisif, depuis que l'effort de M. L. nous a permis de
voir net dans leur chronologie; un accident typographique ayant troublé le-
tableau qu'il nous donne p. 175, n. 21 (où il faut lire» Terz. » au lieu de « Por-
tus», transcrire les chiffres romains en chiffres arabes, et réciproquement),,
je crois utile de le présenter à nouveau pour ia commodité du lecteur :
Ordre reçu (éd. Portus) I II 111 IV V VI VU VIII IX
Ed. Terzaghi Θ' s' α' β' γ' S' ς' ζ' -η'
Lacombrade 142 3658 79
M. Lacombrade en effet nous propose non pas une numérotation nouvelle, ce
qui bouleverserait inutilement le système reçu de référence (il continue, et nous
l'imitons, à citer les Hymnes d'après le numéro de l'édition Portus;, mais un ordre
de lecture, les rangeant en tine série continue selon leur degré croissant de·
christianisme, depuis YHymne /, encore tout philosophique, jusqu'aux
Hymnes Vll-lX, d'un ton déjà tout « ecclésiastique ». Le critique doit souligner qu'il·
s'agit là d'une progression logique, qui ne devient chronologique qu'à la
condition «l'admettre le postulat d'une évolution régulière de la pensée religieuse de
Synésios, dans le sens d'un approfondissement progressif de son christianisme,
— postulat vraisemblable, postulat cependant. Deux Hymnes seulement peuvent-
être datés avec certitude : YH. Ill, écrit à Cyrène nu retour de l'ambassade, soit
en 402, 17/. VIII, qui se place après la naissance des trois fils de Synésios et
avant l'épiscopat, soit entre 405 et 410.
Ne retenons ici que le témoignage sûr de Y Hymne III : il est, en fait, très précis.
Évoquant devant Dieu les tourments de ses longs mois de. démarches et d'attente-
à Constantinople, le p'oète décrit' ainsi les loisir» forcés de son ambassade :
« Tous ceux des temples, δ Roi, qui ont été construits pour ton culte sacré, je
les ai visités! Suppliant, je me prosternais, imbibant le sol des pleurs de me»
paupières. Et, pour que mon voyage ne fût pas inutile, je conjurais ces divins
Serviteurs, tous ceux qui protègent le sol fécond de Thrace et tous ceux_ojui
régissent, sur la rive opposée, les champs Chalcédoniens, serviteurs, ô Roi, que
tu as couronnés d'angéliques rayons, et dont tu as fait tes ministres sacrés... »-
LA « CONVERSION » DE STNÉSIOS 479
(V. 450-470 Terzaghi; je cite la traduction de M. Mario Meunier, Hymnes de
Synésius de Cyrène, Paris, 1941, p. 154). L'affabulation poétique ne peut
obscurcir l'allusion : nous sommes dans la Constantinople et la Ghalcédoine du temps
d'Arca.iius, ces temples (νηοί sont des églises ce culte (τελιττ,φορίαι) le culte
chrétien, ces « serviteurs » les martyrs. Plus loin, implorant de Dieu la délivrance
suprême, Synésios s'écrie : «Que mon âme suppliante porte enfin le sceau du
Père » σφραγίδα πατρός (ν 620 621). Expression technique pour désigner le
baptême chrétien : M. L. nous renvoie avec raison à l'étude classique de F. J. Dol-
ger, Sphragis (Paderborn, 1914) ; mais je ne puis imiter sa « circonspection »
<p. 189) à admettre cette interprétation : la suite de V Hymne, v. 622-636, montre
bien que de la réception de ce sceau Synésios attend les effets qu'un chrétien
attend du baptême, — la vie éternelle :
« Épouvantait pour les Génies hostiles qui, bondissant des gouffres.de la terre,
soufflent aux mortels des impulsions impies, que cette empreinte (sic, Meunier;
gr«*c : σύνθημα, « signe de reconnaissance ») nie fasse reconnaître tes saints
ministres qui, dans les profondeurs du radieux univers, gardent les clefs des
montées flamboyantes, afin qu'ils m'ouvrent les portes de la lumière I » (trad.
Meunier,
Je' p. 162).
m'en tiens à ce texte (on retrouve ailleurs dans le même hymne,
v. 537-540, les mêmes termes, σφραγίς. σύνθημα, mais on peut estimer que leur
portée y est moins claire) : il établit à mon sens que dès 399-401 Synésios se
comporte en chrétien, prie dans les églises chrétiennes le Dieu et les martyrs des
chrétiens et demande la Kfâce du baptême. Qu'il ait- retardé la réception de ce
sacrement ne saurait étonner : c'était là pratique courante de son temps, non
certes, comme l'imagine volontiers la malignité des modernes, qu'on spéculât
sur l'intérêt pratique qu'un pécheur avait à recevoir le plus tard possible le
sacrement merveilleux qui d'un coup liquide toutes les fautes, mais parce qu'on
prenait très au sérieux les engagements contractés au baptême, et nul ne
s'avisait de les contracter avant d'être sûr de pouvoir, avec une générosité totale,
conformer sa vie à l'idéal austère et difficile de la véritable vie chrétienne.
On comprend dès lors que, si Synésios ne s'était toujours pas senti le courage
de faire le pas, ce soit a fortiori avee la plus grande répugnance qu'il ait
accueilli les responsabilités, plus lourdes encore, de l'épiscopat. Relisons encore
une fois la lettre 105 : il est clair que notre « gentleman-farmer », ce lettré
délicat, attaché à ses chères habitudes, à une vie douillette de loisirs élégants, est
bien loin de se sentir prêt à se charger d'un fardeau si lourd, à consommer un
sacrifice à ses yeux héroïque \Ep. 10S, 1484A; L. p. 220). Mais il n'avait pas
stricto sensu à se « convertir » au christianisme : catéchumène depuis des
années, et peut-être depuis toujours (encore une fois, on ne peut signaler aucune
décision formelle à ce sujet et les faits concernant son frère Evoptios,
rassemblés p. 19-20 par M. L., peuvent donner à penser que leur famille était
chrétienne), Synésios était déjà chrétien.
Tiède sans doute, — mais peut-être ne mesurait-il pas lui-même les ressources
insoupçonnées que renfermait son âme; plus que les paroles comptent les actes,
et le véritable Synésios est celui que va révéler son comportement effectif en
face du problème de la « vocation ». Pour beaucoup d'entre nous, et cela sous
l'influence de la tradition issue du χ vu· siècle français, disons la tradition sulpi-
cienne pour faire court, la vocation à l'état ecclésiastique appàratt comme la
prise de conscience, subjective, d'une grace de sanctification personnelle; mais,
«n saine théologie, la « -vocation ■ sacerdotale est tout autre chose : c'est d'abord
Γ « appel », objectif, que Dieu, par la voix de l'Église, adresse à un de ses.
480 HENRI IRÉNÉE MARROU
fidèles pour qu'il se consacre au service du peuple chrétien; elle implique certes
un aspect intérieur, mais ne suppose pas nécessairement le désir du sacerdoce,
l'acceptation suffit.
11 n'y a pas de douté qu'en dépit de ses répugnances Synésios n'ait toujours
été décidé à accepter, si l'Église l'exigeait, le sacerdoce (Ep. Î05.4488C, L. p. 223)
«t qu'il l'ait finalement accepté ; ce faisant il avait bien conscience d'obéir à la
volonté souveraine de Dieu, comme il Ta exprimé, en termes émouvants, dans
sa première lettre à ses prêtres (Ep. 11, 1348C, L. p. 227); sa vie tout entière,
dans les- années qui vont suivre, prouve assez avec quelle sincérité profonde,
<quel don de soi entier et sans, retour, il a compris et pratiqué ses devoirs de
pasteur. Son acceptation du sacerdoce a donc bien été pour lui l'occasion d'une
« conversion », mais au sens spirituel, pascalien du mot; en 410 il en était plus
près, plus capable, qu'il ne l'a dit, qu'il ne pouvait le penser.
II. N'est-ce' pas faire bon marché des « objections contre la foi » que
Synésios formule d'autre part dans là lettre 105 ? Je n'oublie pas que,
spirituellement autant que philosophiquement, il a été formé par l'école païenne d'Hy-
patie. Si, pour reprendre une période fameuse de Péguy, « si la mémoire
d'Hypatie demeure une des plus hautement honorées entre toutes les mémoires
humaines », — c'est parce qu à nos yeux elle est devenue le symbole de la
fidélité de lame païenne à la vieille religion hellénique : c'est bien comme symbole
de la résistance païenne quelle a trouvé la mort, en mars 415, sous les coups
de partisans fanatisés de saint Cyrille ; mais ce qui confère à cette mort atroce
un caractère particulièrement dou'oureux, c'est qu'elle était bien imméritée : on
■commettrait en effet le pins grave contresens sur l'école néoplatonicienne
d'Alexandrie au temps de Synésios en l'imaginant comme un centre de
propagande anti-chrétienne. Il ne faut pas se faire une image trop simpliste, trop
linéaire, de l'évolution du néoplatonisme et de ses implications religieuses.
De Plotin à Porphyre puis a Jamblique, de là (en passant par Julien) à l'école
d'Athènes, de Plutarque et Proclus à Damascins. puis aux « Sabéens » de Har-
ran, nous voyons le néoplatonisme resserrer toujours davantage les liens qui
l'unissent au paganisme et spécialement aux aspects les plus troubles de cette
religion : divination, magie, théurgie, occultisme de tout genre. Mais cette δια-
■δοχή n'épuise pas tout le néoplatonisme ; en Occident, celui de Marius Victori-
nus. du milieu philosophique milanais autour de saint Atnbroise que les belles
recherches de P. Courcelle viennent de remettre en pleine lumière), de, saint
Augustin enfin, pour ne rien dire de ses épigones jusqu'à Claudien Maunert, le
néoplatonisme d'expression latine sera un néoplatonisme chrétien qui, au prix
-de tout un travail d'adaptation et de transposition, mettra la tradition issue de
Plotin au service de la Foi.
En Orient, l'école d'Alexandrie occupe une position intermédiaire ; sans doute,
pour longtemps encore ses maîtres seront personnellement des païens; mais
ils réagissent contre le mysticisme effréné où sombrent leurs confrères
d'Athènes, cherchent à purifier leur doctrine de ces compromissions avec
l'irrationnel, insistant, dans leur pédagogie, sur les strictes disciplines de la logique
«t des mathématiques. Leur enseignement n'est animé d'aucun prosélytisme
religieux et accueille avec sympathie et respect de nombreux élèves chrétiens.
Tous les historiens de la philosophie antique sont d'accord pour souligner la
parfaite neutralité religieuse de leur école, entre la fin du iv siècle et le début
LA « CONVERSION » DE SYNÉSIOS 484
du vie (où avec Jean Philopou la direction passe aux mains de chrétiens) : à
l'autorité de J. Bidez, qu'invoque à juste titre M. L., je joindrais celle de
K. Prâchter, dans le classique Gnindriss d'Ueberweg (I1*, p. 635, 638-9), qui
caractérise fort justement l'école de Théon et Hypatie comme une neutral philo-
sophtsche Ans tait.
Entre autres intérêts majeurs, l'œuvre de Synésios offre celui d'apporter un
témoignage sur une étape précoce de cette évolution. Une de ses lettres de
jeunesse, écrite d'Athènes, exprime avec une naïve simplicité la rivalité des deux
écoles : à ses yeux les mai très d'Athènes ne comptent plus en face de sa chère
Hypatie (Ep. 135, 1524 G, L. p. 76). A Alexandrie, il a eu comme condisciple un
diacre chrétien, que M. L. croit pouvoir identifier avec Isidore de Péluse,, qui
restera le conseiller spirituel et théologique de Synésios (p. 54-5). Mieux encore,
nous saisissons, en train de s'effectuer, le redressement doctrinal qui va. de
plus en plus, opposer les Alexandrins à Athènes: M. L. a su souligner, avec
beaucoup de bonheur, les textes qui nous montrent Synésios, fidèle interprète
de l'enseignement qu'il a reçu, rompant avec Jamblique et se rapprochant de
Porphyre, — et non pas du Porphyre de VAdversus Christianos ou de V Antre des
Nymphes, non pas de l'apologiste païen : sa sympathie va, chez Porphyre, à ce
qu'il y a en lui de saine rationalité, et de plus acceptable pour un chrétien, de
plus facile à « infléchir vers la doctrine chrétienne » (L. p. 49, 148, 165 6, 168,
213). Dans une pensée en pleine évolution c'est le mouvement qui compte, la
direction et le sens du mouvement : se séparer de Jambiique (et sur un point
aussi caractéristique que 'la théurgie), revenir & Porphyre,, c'était tourner le dos
au paganisme contemporain et marcher à la rencontre de la pensée chrétienne.
L'enseignement d'Hypatic n'était donc pas de nature à écarter Synésios de la
religion chrétienne ; reste à savoir si la philosophie qu'elle lui avait inculquée
était de nature à lui faciliter l'intelligence des vérités de la foi. C'est là un tout
autre problème, qui n'a pas toujours été vu dans une exacte perspective : il' ne
faut pas poser l'alternative : christianisme ou philosophie ? Synésios est-il
néoplatonicien ou chrétien ? Pour lui, — comme pour tout chrétien cultivé, —
le problème philosophique se pose à l'intérieur de l'âme chrétienne, qui doit
s'efforcer d'accorder, de faire se rejoindre, la raison et la foi. Problème
difficile (mais la Foi, phénomène d'ordre religieux, ne suppose pas qu'on ait résolu
à l'avance toutes les apories d'ordre philosophique : sans quoi, qui pourrait se
dire chrétien ?), que chacun doit résoudre pour son compte ; et il y réussit plus
ou moins, — suivant ses lumière!), suivant le climat où s'est développée sa
pensée : il y a des philosophies totalement incompatibles avec le christianisme,
d'autres qui lui sont plus ou moins favorables...
Il n'y a pas de mérite à reconnaître que, tel qu'il l'avait reçu ejt compris, le
néoplatonisme soulevait, pour Synésios, bien des difficultés. Les textes sont si
nets, que le danger serait plutôt de s'en exagérer la portée. Né confrontons pas
la pensée de Synésios avec l'orthodoxie pointilleuse d'un théologien d
aujourd'hui, solidement retranché derrière les précisions doctrinales que lui ont
léguées les quinze derniers siècles. Il faut replacer les objections de la lettre
105 dans l'atmosphère du temps. Sur trois points, nous dit-il,, ses convictions
rationnelles lui paraissent s'opposer aux doctrines reçues (Ep. 105, 1485 B, L.
p. 222) :
(a) « Je ne pourrai jamais estimer que la naissance de l'âme ait suivi celle du
corps » : mais l'orthodoxie était-elle, en 410, nettement définie sur cette difficil-
lima quaeslio de l'origine de l'âme? Saint Augustin, en 419/420, avoue s'y achop- .
per encore ; en'Oiïent, 1 évêque Nétuésius d'Émèse, qui parait bien avoir écrit
482 HENRI 1RÉNÉK MARROU
vers le temps de Synésios, n'éprouve aucun embarras à professer expressément
la doctrine platonicienne de la préexistence de l'âme dans son traité De la
nature de l'homme, qui, traduit en latin, circulera au moyen âge sous le nom
de saint Grégoire de Nysse et, couvert par cette autorité, causera bien des *
scrupules aux scolastiques.
(b) « Je n'irai pas dire que le monde, dans toutes ses parties, est voué à la
ruine ». Difficulté majeure: oserai-je rappeler qu'en plein xiu* siècle saint
Tbotnas d'Aquin lui même professera « qu on ne peut démontrer avec évidence
qu'une création éternelle soit impossible » ; exigerons-nous plus de Synésios ?
J'observe du moins que la difficulté pour lui se réduit déjà de moitié, puisqu'il
parle seulement de la fin du monde, sans soulever, semble-t-il, difficulté à sa
création dans le temps.
(c) « Quant à la résurrection qu'admet l'opinion courante, c'est là, ce semble»
un mystère ineffable, où je ne m'accorde pas, tant s'en faut, avec le sentiment
du vulgaire ». La résurrection des corps heurtait de front le dualisme
platonicien, pour qui la matière, et donc le corps, avait partie liée avec le Mal. Mais
ici encore je trouve Synésios en bonne voie : il ne s'oppose pas au dogme
chrétien en tant que tel (il paratt bien l'admettre en tant que « mystère »), mais k
l'image, en fait bien souvent grossière et toute matérielle, que le vulgaire s'ea
faisait. Reportons nous à son Traité des Songes publié en 405 : on y trouve une
théorie de Τεϊδωλον, théorie originale où, « sous l'influence accentuée des idées
chrétiennes » (c'est le jugement de M. L, p. 168), il n'hésite pas â corriger la
pensée de son guide Porphyre, et où, avec un peu>de bonne volonté, o» peut
voir comme une esquisse, point trop maladroite, de la doctrine orthodoxe du
« corps glorieux ».
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