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OTT O M AN ES E T M U S U L M A N E S :
H ISTOIR E , DIS CO U RS , ET OR I E N TAT I ON S
CO N TEM P O RA I N E S
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ouverture : panorama critique et réflexions théoriques
Histoire de l’asservissement
au Moyen-Orient et en Afrique du Nord
Les Empires ottoman et kadjar constituent à la fois les dernières et les plus
grandes puissances musulmanes de l’ère moderne. À bien des égards, l’histoire
du Moyen-Orient de 1517 à 1918 constitue un chapitre de l’histoire ottomane,
et dans une moindre mesure, de l’histoire kadjar. Plusieurs caractéristiques
majeures de la vie politique, sociale, économique et culturelle qui naît, puis
se développe sous le règne des sultans et des shahs, perdurent au xxe siècle,
et il semble même en rester quelques traces de nos jours. Si ces empires ont
souvent été considérés par l’Occident comme des parangons de conserva-
tisme et d’immobilisme, la recherche contemporaine a montré qu’à plusieurs
périodes de leur longue histoire, ils constituaient en réalité des entités rela-
tivement complexes et fascinantes, caractérisées par leur dynamisme, leur
pragmatisme ainsi que leur capacité d’adaptation et de résistance. À certaines
époques, ils correspondaient certainement de bien des manières à l’image
négative que l’on se faisait d’eux, démentie cependant par l’ensemble des
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l’asservissement dans les sociétés ottomanes et musulmanes
1. Pour une étude de l’asservissement et de son abolition dans l’Empire ottoman, voir l’article de
Ehud R. Toledano, « Enslavement in the Ottoman Empire in the Early Modern Period », dans
David Eltis and Stanley L. Engerman (dir.), The Cambridge World History of Slavery, vol. 3 (1420-
1804), Cambridge, Cambridge University Press, 2011, p. 25-46 ; Michael Ferguson et Ehud R.
Toledano, « Ottoman Slavery and Abolition in the Nineteenth Century », ibid., vol. 4 (1804-2016),
Cambridge, Cambridge University Press, 2017. Concernant l’asservissement et son abolition dans
l’empire kadjar, consulter l’ouvrage de Behnaz Mirzai, A History of Slavery and Emancipation in
Iran, 1800-1929, Austin, TX, University of Texas Press, 2017.
2. Ehud R. Toledano, Slavery and Abolition in the Ottoman Middle East, Seattle, WA, University of
Washington Press, 1998, p. 4.
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ouverture : panorama critique et réflexions théoriques
3. Pour connaître l’ensemble des modes d’asservissement dans l’Empire ottoman, lire l’article
d’Ehud R. Toledano, « The Concept of Slavery in Ottoman and Other Muslim Societies: Dicho-
tomy or Continuum? », dans Miura Toru et John Edward Philips (dir.), Slave Elites in the Middle
East and Africa: A Comparative Study, Londres et New York, Kegan Paul International, 2009,
p. 159-176.
4. Pour une étude plus complète sur le concept d’une classe d’esclaves kul/harem, voir Ehud R.
Toledano, Slavery and Abolition, op. cit., chap. 1.
5. Madeline C. Zilfi, Women and Slavery in the Late Ottoman Empire: The Design of Difference, New York,
NY, Cambridge University Press, 2010, p. 104.
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l’asservissement dans les sociétés ottomanes et musulmanes
l’enfant, mais de toute façon, les tribunaux étaient souvent saisis afin de garan-
tir l’application de la loi.
Les origines géographiques, ethniques, ou raciales des individus asser-
vis dans les territoires ottomans permettent également d’établir différentes
catégories. De manière générale, les Africaines asservies devenaient plus sou-
vent des domestiques ou des subalternes, et plus rarement des épouses ou
des concubines. Qui plus est, elles avaient moins d’opportunités d’ascension
sociale que les Circassiennes ou les Géorgiennes asservies, par exemple. Parmi
les autres facteurs qui déterminaient l’expérience des sujets ottomans asservis,
on compte le statut social de leur maître et leur lieu de résidence : en ville, à
la campagne, ou selon un mode de vie nomade. Les esclaves kul/harem, dans
les demeures des grandes familles d’Istanbul ou de Téhéran, pouvaient espé-
rer plus d’opportunités, une plus grande mobilité sociale, et de meilleures
conditions de vie. Les domestiques vivant hors des grandes villes, ou au service
de familles n’appartenant pas à l’élite, menaient souvent une existence plus
difficile. Les hommes, eux aussi, devaient accomplir des tâches subalternes,
que ce soit comme pêcheurs de perle (majoritairement dans le golfe Persique),
ou dans le cadre de l’extraction minière, et parfois de travaux publics.
Contrairement à l’esclavage dans les Amériques, qui privilégiait le travail
agricole et constituait un atout considérable pour l’économie, l’asservissement
ottoman était de nature majoritairement domestique, et jouait un rôle plus
socio-culturel et socio-politique qu’économique. C’est pour cela qu’on se
réfère souvent aux sociétés ottomane et kadjar en termes de « sociétés avec
esclaves » et non de « sociétés esclavagistes », selon les catégories esquissées
par Moses Finley et qui ont donné lieu à maintes discussions dans les travaux
qui ont suivi. Certains spécialistes rapprochent cette pratique des types
d’asservissement qui existaient dans l’océan Indien plutôt que dans les sociétés
du monde atlantique.
Des données fragmentaires ainsi que de prudentes extrapolations
permettent d’estimer que le nombre d’esclaves transportés d’Afrique vers
l’Empire ottoman est de 16 000 à 18 000 hommes et femmes chaque année
au point culminant lors du xixe siècle, soit des années 1840 aux années
1860 6. Selon les chiffres proposés par Ralph Austen dans son analyse de la
6. L’étude de référence sur ce sujet est celle de Ralph Austen, « The 19th Century Islamic Slave Trade
from East Africa (Swahili and Red Sea Coasts): A Tentative Census », dans William Gervase Cla-
rence-Smith (dir.), The Economics of the Indian Ocean Slave Trade in the Nineteenth Century, Numéro
Spécial de Slavery and Abolition, no 9/3, 1988, p. 21-44. On peut citer également « The Mediter-
ranean Islamic Slave Trade out of Africa: A Tentative Census », Slavery and Abolition, no 13/1,
1992, p. 214-218. Voir aussi la réflexion très complète de Thomas M. Rick dans « Slaves and Slave
Traders in the Persian Gulf, 18th and 19th Centuries: An Assessment », dans W. G. Clarence-Smith,
The Economics of the Indian Ocean Slave Trade…, op. cit., p. 60-70. Pour les statistiques plus élevées
de Lovejoy, et son examen critique des chiffres donnés par Austen, consulter Paul E. Lovejoy,
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ouverture : panorama critique et réflexions théoriques
répartition des flux au sein de cette migration depuis l’Afrique (les côtes
swahili) jusqu’aux territoires ottomans, 313 000 esclaves allèrent jusqu’au
Moyen-Orient ottoman et en Inde ; 492 000 traversèrent la mer Rouge et le
golfe d’Aden ; 362 000 se rendirent en Égypte ottomane ; et 350 000 furent
envoyés dans les territoires ottomans d’Afrique du Nord (Algérie, Tunisie
et Libye). Sans compter les esclaves envoyés en Inde, on peut estimer que
cette migration massive se composait approximativement de plus d’1,3 million
d’individus. Au milieu du xixe siècle, en raison d’une diminution de la traite
atlantique, le nombre d’Africains asservis en tant que domestiques en Afrique
même, ainsi que le nombre d’Africains envoyés dans les Empires ottoman et
kadjar, a considérablement augmenté. La traite des Circassiens et autres non-
Africains s’élève à 3 000 individus durant la première moitié du xixe siècle, et
à quelques centaines à l’orée du xxe.
La majorité de ces esclaves (deux tiers environ) était constituée de femmes
assignées à des tâches domestiques, même si certaines devenaient ensuite les
épouses ou les concubines des membres de la grande famille qu’elles servaient.
Les violences sexuelles et l’absence de moyens de contraception plaçaient ces
femmes dans une situation bien plus délicate que celle des hommes asservis.
Néanmoins, certaines des femmes qui mettaient au monde les enfants de leurs
maîtres devenaient umm walad, ce qui leur conférait un statut plus respectable
et leur permettait de s’intégrer à la société. Ainsi, les femmes ne cessèrent
de quitter les rangs des asservies, mais continuèrent d’être réclamées en
nombre par les sociétés ottomane et kadjar au cours du xixe siècle, ce qui a
fait prospérer la traite des esclaves.
Malgré le grand nombre d’individus capturés et asservis dans les territoires
africains, puis transportés de force vers les Empires musulmans des régions du
Moyen-Orient et d’Afrique du Nord lors du long xixe siècle, on ne trouve que
peu d’habitants d’origine africaine dans les États-nations qui leur ont succédé.
En Turquie et en Iran, il existe de petites communautés africaines agricoles
et nomades 7. Dans le Levant post-ottoman, comme en Arabie Saoudite, dans
les pays du Golfe, et en Afrique du Nord, les individus d’origine africaine
sont surtout représentés dans les nombreuses tribus bédouines du désert et
dans les villages sédentaires avoisinants. En Égypte, ils semblent être plus
« Commercial Sectors in the Economy of the Nineteenth-Century Central Sudan: The Trans-
Saharan Trade and the Desert-Side Salt Trade », African Economic History, no 13, 1984, p. 87-95 ;
voir aussi P. Lovejoy (dir.), Transformations in Slavery: A History of Slavery in Africa, Cambridge et
New York, Cambridge University Press, 2000, chap. 7 : « The Nineteenth-Century Slave Trade ».
7. Günver Güneş, « Kölelikten Özgülüğe: İzmir’de Zenciler ve Zenci Folkloru », Toplumsal Tarih,
11/62, février 1999, p. 4-10 (les informations citées dans le paragraphe ci-dessus proviennent
des p. 4-5 et 9). Pour l’Iran, voir Behnaz A. Mirzai, « African Presence in Iran: Identity and its
Reconstruction in the 19th and 20th Centuries », Revue française d’histoire d’outre-mer (RFHOM),
89/336-337, 2002, p. 240 et suiv.
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l’asservissement dans les sociétés ottomanes et musulmanes
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ouverture : panorama critique et réflexions théoriques
hommes au « teint clair », et leur formation par les grandes familles pour
intégrer ensuite l’élite administrative et militaire de l’Empire ottoman. Ces kuls,
évoqués plus haut, et appelés en arabe mameluks, formaient depuis des siècles
les piliers de l’élite impériale ottomane ; dès la première moitié du xviie siècle,
dans la capitale mais surtout dans les provinces, les grandes familles avaient
commencé à recruter des serviteurs au sein de leurs propres milices armées.
Ces derniers étaient appelés les kuls de kuls (kullarin kullari, en turc), et ils
existaient toujours au xixe siècle 10. Les eunuques, ou hommes castrés, pivots
des systèmes kul/harem et gholam, jouaient le rôle de médiateurs entre les
femmes des harems de la classe dirigeante et le monde des hommes. À la cour
ottomane, le Chef des Eunuques africain et son groupe d’eunuques noirs ont
conservé leur influence jusqu’aux premières décennies du xxe siècle 11.
On compte parmi les dernières catégories de travail forcé le travail
agricole, qui concernait non seulement les réfugiés circassiens, mais aussi
certaines populations en Égypte : durant la pénurie de coton due à la guerre
de Sécession aux États-Unis au début des années 1860, des Soudanais asservis
ont été transportés dans la campagne égyptienne pour travailler dans les
champs de coton. Quelques années plus tôt, à partir de 1815 environ, alors
que Méhémet Ali Pacha (1805-1849) était gouverneur du pays, des Soudanais
furent recrutés dans l’armée pour remplacer les anciens bataillons commandés
par des kuls. À terme, malgré le recrutement de 10 000 soldats, cette politique
n’a pas porté ses fruits, et la plupart de ces unités ont été démobilisées au
début des années 1820 12. Pour constituer son armée, le Pacha a ensuite fait
recruter et entraîner de force des paysans égyptiens (fellahs) sous les ordres
d’officiers européens.
Dans le premier tiers du xixe siècle, il arrivait encore, si l’occasion se pré-
sentait, qu’on punisse la rébellion d’un peuple par son asservissement. Cette
pratique a disparu ensuite sous l’effet de la pression exercée par d’autres pays,
et de l’évolution de l’opinion publique, qui jugeait désormais inacceptable
l’asservissement de certaines populations. Le dernier cas notoire est celui des
Grecs orthodoxes de l’île de Chios durant la guerre d’Indépendance grecque
(1821-1832). Sur le plan juridique, les Grecs avaient rompu leur allégeance au
gouvernement ottoman en se révoltant, et avaient par conséquent renoncé à
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l’asservissement dans les sociétés ottomanes et musulmanes
toute protection que l’Empire aurait pu leur assurer 13. En 1822, l’armée otto-
mane a puni les habitants de Chios par le meurtre de la plupart des hommes
et l’asservissement des femmes et des enfants 14 ; plusieurs milliers d’individus
sont sans doute devenus esclaves suite à ces événements. Si le cas de l’île de
Chios est le plus connu, l’asservissement a sans doute été pratiqué de façon
systématique pendant la guerre d’Indépendance grecque 15.
Comme nous l’avons démontré dans d’autres travaux 16, la remise en
question de l’asservissement et du commerce des esclaves constitue l’une
des tentatives les plus frappantes des Ottomans de limiter, voire d’évacuer la
pression exercée par l’Europe, et par la Grande-Bretagne en particulier. Mais
la politique de l’Empire ottoman concernant l’esclavage doit également être
analysée dans le contexte plus large des réformes du xixe siècle, appelées
tanzimat. En 1857, cédant aux exigences de la Grande-Bretagne, les Ottomans
ont interdit la traite d’esclaves africains et l’ont progressivement éradiquée
jusqu’à la fin du siècle, tandis que l’asservissement lui-même est demeuré légal.
Par conséquent, les asservis s’en remettaient souvent aux représentants de
l’autorité britannique pour obtenir leur affranchissement par le gouvernement
et les tribunaux ottomans. À l’inverse, les Ottomans ont tenté d’empêcher
toute intervention d’autres pays concernant l’asservissement des non-Africains,
des femmes blanches et, dans une moindre mesure, des hommes blancs, car
il jouait un rôle socio-culturel central au sein de la classe dirigeante. La mise
en place de réformes nécessaires par le gouvernement a conduit d’elle-même
à l’abolition progressive de cette pratique, qui, si elle est demeurée légale
jusqu’à la chute de l’Empire (comme la traite des Africains), avait presque
disparu à cette date.
En Iran, sous le règne kadjar, ce sont également les actions diplomatiques et
la pression exercée par la Grande-Bretagne qui ont mené à l’édit de suppression
de la traite des esclaves africains, promulgué en 1848 17. Comme dans l’Empire
ottoman, ce premier traité a été suivi de plusieurs autres, en 1851, 1857, 1882
et 1890, qui ont imposé de nouvelles restrictions sur le commerce des esclaves
13. Y. Hakan Erdem, Slavery in the Ottoman Empire and Its Demise, 1800-1900, New York, St Martin’s
Press, 1996, p. 29-33.
14. Ce massacre et l’asservissement massif qui a suivi n’ont reçu que peu d’attention de la part des
spécialistes de l’esclavage. Nous espérons qu’à l’avenir, des recherches permettront d’établir
le nombre exact d’individus asservis et leur destination ainsi que l’identité des asservisseurs, et
de savoir si de telles pratiques ont perduré. Toute étude consacrée aux événements de Chios à
cette période devrait prendre pour point de départ l’ouvrage de Philip P. Argenti, The Massacres
of Chios described in Contemporary Diplomatic Reports, Londres, J. Lane, 1932.
15. Y. Hakan Erdem, Slavery in the Ottoman Empire…, op. cit., p. 26.
16. Ehud R. Toledano, The Ottoman Slave Trade and Its Suppression, 1840-1890, Princeton, NJ, Prin-
ceton University Press, 1982 (réédité par la Princeton Legacy Library, 2014).
17. Y. Hakan Erdem, Slavery in the Ottoman Empire…, op. cit., p. 125-188 ; Behnaz Mirzai, Slavery and
Emancipation in Iran, 1800-1929, op. cit., chap. 6.
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ouverture : panorama critique et réflexions théoriques
18. Ehud R. Toledano, Slavery and Abolition, op. cit., p. 155-158, et id., As If Silent and Absent: Bonds
of Enslavement in Islamic Middle East, New Haven, CT et Londres, Yale University Press, 2007,
introduction.
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l’asservissement dans les sociétés ottomanes et musulmanes
19. American Historical Review (AHR), no 105/2, 2001, p. 452-484 (contributions de Davis, Kolchin, et
Engerman) ; le 4e volume du projet de Cambridge est consacré à la période moderne et dirigé
par Eltis, Engerman, Richardson et Drescher. Les citations de Davis qui suivent sont extraites
de ce volume, p. 452, 454, 456-457, 460 et 467.
20. Le volume 3 sur le début des Temps modernes est paru en 2011, le volume 4 sur la période
moderne est paru en 2017, et le volume 2 consacré à la période médiévale est très avancé dans
sa préparation à la publication.
21. Herman Jeremias Nieboer, Slavery as an Industrial System: Ethnological Researches, La Haye, Nijhoff,
1900 ; Evsey D. Domar, « The Causes of Slavery and Serfdom: A Hypothesis », Journal of Economic
History, no 30, 1945, p. 18-32.
22. Pour des commentaires intéressants à ce sujet, voir Ronald Findlay, « Slavery, Incentives,
and Manumission: A Theoretical Model », Journal of Political Economy, no 83/5, octobre 1975,
p. 923-934.
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ouverture : panorama critique et réflexions théoriques
23. Jean M. Hébrard, « Slavery in Brazil: Brazilian Scholars in the Key Interpretative Debates »,
Translating the Americas, 1, 2013, p. 47-95 ; pour ce passage en particulier, p. 50-53.
24. Pour les fondements du modèle de Finley, voir Moses I. Finley, Ancient Slavery and Modern Ideo-
logy, Londres, Chatto & Windus, 1980, p. 147-150. Pour une critique approfondie de ce modèle,
voir Noel Lenski, chap. 1, « Framing the Question: What is a Slave Society? », dans Catherine M.
Cameron et Noel Lenski (dir.), What is a Slave Society? The Practice of Slavery in Global Perspective,
Cambridge, Cambridge University Press, 2018, p. 26 et suiv.
25. Claude Meillassoux, The Anthropology of Slavery: The Womb of Iron and Gold, Chicago, University of
Chicago Press, 1991, p. 79-83. Voir aussi Martin A. Klein, « Towards a Theory of Slavery » (note
critique sur l’ouvrage de Meillassoux), Cahiers d’études africaines, no 26/104, 1986, p. 693-697.
26. Alain Testart, L’Esclave, la dette et le pouvoir : Études de sociologie comparative, Paris, Errance, 2001,
p. 28-31.
27. Orlando Patterson, Slavery and Social Death: A Comparative Study, Cambridge, MA, Harvard Uni-
versity Press, 1980. Pour une critique historienne du modèle de Patterson, voir John Bodel et
Walter Scheidel (dir.), After Slavery and Social Death, Hoboken, NJ, John Wiley & Sons, Inc, 2016,
qui inclut également mes propres remarques sur les possibilités d’application de ce modèle à
l’asservissement ottoman.
28. Sur les différents aspects de cette théorie, voir Dale Tomich, « Commodity Frontiers, Conjunc-
ture and Crisis: The Remaking of the Caribbean Sugar Industry, 1783-1866 », dans Javier Laviña
et Michael Zeuske (dir.), The Second Slavery: Mass Slaveries and Modernity in the Americas and in
the Atlantic Basin, Vienne et Berlin, LIT VERLAG, 2014, p. 143-164 ; Michael Zeuske, « The
Second Slavery: Modernity, Mobility, and Identity of Captives in Nineteenth-Century Cuba and
the Atlantic World », ibid., p. 113-142 ; et Anthony E. Kaye, « The Second Slavery: Modernity in
the 19th-Century South and the Atlantic World », ibid., p. 175-202.
29. Cette théorie est esquissée par Damian Alan dans « CFP: Slaving Zones: Cultural Identities,
Ideologies, and Institutions in the Evolution of Global Slavery », colloque international organisé
par l’université de Leiden, Pays-Bas, 1-2 juin 2015, textes publiés sur H-SLAVERY, 13 novembre
2015. Les actes sont parus sous format papier : Jeff Fynn-Paul, Damian Pargas et Karwan Fatah-
Black (dir.), Slaving Zones: Cultural Identities, Ideologies, and Institutions in the Evolution of Global
Slavery, Leiden, Brill, 2018.
30. Noel Lenski, « Chapter 1: Framing the Question – What is a Slave Society? », op. cit.
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l’asservissement dans les sociétés ottomanes et musulmanes
sociologique, sur des éléments que l’on pourrait dire moins « scientifiques »,
tels que l’identité et l’idéologie, ou les « systèmes symboliques », selon les
termes de Clifford Geertz. Mais pour les historiens, tous les modèles, récents
ou plus anciens, posent problème, dans le cadre de l’étude de l’esclavage
comme dans d’autres domaines.
Puisque nous procédons invariablement par induction, et sommes toujours
à la merci des données d’un espace et d’une époque, nous autres historiens
n’avons jamais adopté un modèle théorique sans le remettre en question.
Des chercheurs ouverts d’esprit se sont inspirés de divers modèles à la fois,
sélectionnant certaines de leurs hypothèses, en particulier celles qui s’atta-
chaient à définir la source du questionnement, et offraient certaines pistes
d’explication des problèmes rencontrés au fil des études de cas. À l’inverse
des chercheurs en sciences sociales, dont le raisonnement est majoritairement
déductif, les historiens ont souvent vu en ces modèles théoriques de fausses
panacées, et aucun historien n’exigerait de son doctorant qu’il tente d’appli-
quer une théorie établie à une étude de cas historique. Les théories les plus
convaincantes formulées ces dernières années par des historiens de l’esclavage
sont sans doute celle de Finley sur les sociétés esclavagistes, et celle de Patter-
son concernant la « mort sociale » des anciens esclaves, car toutes deux sont
relativement simples à appliquer, et proposent des termes concis et efficaces
adaptés à l’analyse historique. Elles ne sont ni trop « mathématiques », ni trop
présomptueuses dans leur « rigueur intellectuelle » ; elles « font le travail »,
tout simplement, en permettant aux historiens de mettre en lumière certains
des aspects des sociétés esclavagistes qu’ils étudient.
La théorie de Finley, inspirée de ses travaux d’historien de l’esclavage dans
les sociétés ottomanes et musulmanes à l’époque moderne puis à l’époque
contemporaine, nous permet d’identifier les traits spécifiques de l’asservisse-
ment dans ces espaces, moins connus que dans le monde atlantique. Malgré ses
limites, ce modèle bipartite, souvent utilisé par les spécialistes de l’asservisse-
ment dans les sociétés des siècles passés, est un atout pour la recherche. Selon
Finley, les « sociétés esclavagistes » se composent en grande partie d’esclaves, et
l’esclavage occupe dans la société et l’économie une place bien plus centrale
que dans les « sociétés avec esclaves ». Comme l’a démontré Noel Lenski 31, la
théorie de Finley comporte de nombreuses failles, et ne peut fonctionner de
la même façon que les modèles dont s’inspirent les chercheurs en sciences
sociales. Cependant, dans le domaine de la théorie, les historiens sont connus
pour leur prudence et leur éclectisme, et le modèle de Finley leur est très utile
pour décrire les événements qu’ils souhaitent expliquer, et inscrire les sociétés
qu’ils étudient dans le contexte mondial de l’asservissement.
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ouverture : panorama critique et réflexions théoriques
32. Pour un état de la critique, voir Ehud R. Toledano, « Enslavement in the Ottoman Empire », et
Ferguson et Toledano, « Ottoman Slavery and Abolition » (voir supra, n. 1).
33. Par Harper & Row et Oxford University Press respectivement pour les éditions originales. Pour
les traductions françaises, Race et couleur en pays d’islam, trad. de l’anglais par André Iteanu et
Françoise Briand, Paris, Payot, 1982, puis Race et esclavage au Proche-Orient, trad. de l’anglais par
Rose Saint-James, Paris, Gallimard, 1993.
34. Patricia Crone, Slaves on Horses: The Evolution of the Islamic Polity, Cambridge et New York,
Cambridge University Press, 1980 ; Daniel Pipes, Slave Soldiers and Islam: the Genesis of a Military
System, New Haven, CT, Yale University Press, 1981 ; Ehud R. Toledano, The Ottoman Slave Trade
and Its Suppression, 1840-1890, op. cit. (voir supra, n. 16) – ouvrage inclus dans la liste des plus
prestigieux ouvrages déjà parus (« distinguished backlist ») de la Princeton Legacy Library.
35. Y. Hakan Erdem, Slavery in the Ottoman Empire and Its Demise, 1800-1909, op. cit. (voir supra,
n. 13) ; Dror Ze’evi, « Kul and Getting Cooler: The Dissolution of Elite Collective Identity and
the Formation of Official Nationalism in the Ottoman Empire », Mediterranean Historical Review,
no 11/2, 1996, p. 177-195 ; Ehud R. Toledano, Slavery and Abolition in the Ottoman Middle East,
(voir supra, n. 2) ; Mohammed Ennaji, Serving the Master: Slavery and Society in Nineteenth-Century
Morocco, New York, NY, St. Martin’s Press, 1999 ; et John Hunwick et Eve Troutt Powell (dir.), The
African Diaspora in the Mediterranean Lands of Islam, Princeton, NJ, Markus Wiener Publishers,
2002.
36. Mohammed Ennaji, Le Sujet et le mamelouk : esclavage, pouvoir et religion dans le monde arabe (avec
une préface de Régis Debray), Paris, Mille et une nuits, 2007 ; id., Slavery, the State, and Islam,
Cambridge, Cambridge University Press, 2013 ; Ehud R. Toledano, As If Silent and Absent: Bonds
of Enslavement in Islamic Middle East, op. cit. (voir supra, n. 18) ; Terence Walz and Kenneth M.
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l’asservissement dans les sociétés ottomanes et musulmanes
Cuno (dir.), Race and Slavery in the Middle East : Histories of Trans-Saharan Africans in Nineteenth-
Century Egypt, Sudan, and the Ottoman Mediterranean, Le Caire et New York, American University
in Cairo Press, 2010 ; Madeline C. Zilfi, Women and Slavery in the Late Ottoman Empire: The Design of
Difference, op. cit. (voir supra, n. 6) ; Roger Botte, Esclavages et abolitions en terres d’islam, Bruxelles,
André Versaille, 2010 ; Eve M. Troutt Powell, Tell This in My Memory: Stories of Enslavement from
Egypt, Sudan, and the Ottoman Empire, Stanford, CA, Stanford University Press, 2012 ; Ismael M.
Montana, The Abolition of Slavery in Ottoman Tunisia (préface de Ehud R. Toledano), Gainesville,
FL, University Press of Florida, 2013 ; Chouki El-Hamel, Black Morocco: A History of Slavery, Race,
and Islam, Cambridge et New York, Cambridge University Press, 2013.
37. A History of Slavery and Emancipation in Iran, 1800-1929 (voir supra, n. 1).
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ouverture : panorama critique et réflexions théoriques
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l’asservissement dans les sociétés ottomanes et musulmanes
dirigé par Sarga Moussa a été publié en 2010 40, et un second ouvrage – le
présent volume – réunissant les actes d’un colloque organisé à Lyon par Daniel
Lançon et Sarga Moussa est paru en 2019 41. Analysant des sources artistiques
appartenant au cinéma, au théâtre, au roman et aux arts visuels, ces travaux
se sont également intéressés aux colonies françaises en Afrique du Nord, qui
n’ont été que peu étudiées par les historiens et les spécialistes de littérature
de langue anglaise. Ces ouvrages incluent également des études sur l’Égypte,
visitée par les voyageurs, les peintres et les photographes français au xixe siècle ;
il faut poursuivre ces recherches, qui se prêteront bien à l’approche micro-
historique contemporaine.
En mai 2002, Eve M. Troutt Powell a proposé, dans le cadre d’un colloque
organisé à Istanbul, une étude doublée d’une critique des ouvrages existants
sur l’esclavage africain dans les sociétés musulmanes du Moyen-Orient, et plus
particulièrement dans l’Empire ottoman 42. Si son intervention témoignait de
l’ampleur de la recherche réalisée sur l’histoire de l’esclavage et le commerce
des esclaves dans les sociétés du Moyen-Orient, elle invitait également les
chercheurs à donner une nouvelle orientation à leurs travaux. Troutt Powell
a souligné la nécessité d’exhumer les témoignages des esclaves, et de déve-
lopper de nouveaux questionnements centrés sur la vie que menaient ces
esclaves au sein de la société, sur leur affranchissement, et sur l’attitude de la
société envers les esclaves affranchis. Il était temps de lancer cet appel légitime
à rompre le silence des esclaves et à leur rendre leur place dans l’Histoire.
Plusieurs chercheurs ont bel et bien répondu à l’appel, dont Troutt Powell
elle-même 43, ainsi que Hakan Erdem, Beth Baron et Avi Rubin 44, dont les
ouvrages et les articles écrits après 2002 ont proposé des pistes intéressantes
pour comprendre les témoignages et les expériences des individus asservis.
Cet ensemble de travaux inclut mes travaux antérieurs cherchant à étudier
l’asservissement ottoman comme un phénomène complexe, et nuancé,
selon une échelle allant de l’absence de liberté à la liberté, ainsi que ma
suggestion ultérieure de mettre en relation l’asservisseur et l’asservi en termes
40. Sarga Moussa (dir.), Littérature et esclavage, viiie-xixe siècles, Paris, Desjonquères, 2010.
41. « L’esclavage oriental et africain au miroir des littératures française et anglaise, xviiie-xxe siècles »,
Colloque international et interdisciplinaire, 6 et 7 février 2014, organisé par Daniel Lançon (EA
Traverses, Université Grenoble-Alpes) et Sarga Moussa (UMR LIRE, CNRS-Université Lyon 2).
42. « Will that Subaltern Ever Speak? Finding African Slaves in the Historiography of the Middle
East », dans Israel Gershoni, Amy Singer et Y. Hakan Erdem (dir.), Middle East Historiographies:
Narrating the Twentieth Century, Seattle, University of Washington Press, 2006 (article fondé sur
une intervention originellement réalisée dans le cadre du colloque intitulé « Twentieth Century
Historians and Historiography of the Middle East », organisé à l’université de Boğaziçi, 23-26 mai
2002).
43. E. Troutt Powell, Tell This in My Memory, op. cit.
44. Les références à leurs ouvrages se trouvent dans la note 38.
41
ouverture : panorama critique et réflexions théoriques
45. Pour ces deux concepts, voir Ehud R. Toledano, The Concept of Slavery (référence complète en
note 3), et As If Silent and Absent, op. cit., p. 23-24.
46. Ehud R. Toledano, ibid., p. 33.
47. Voir les références complètes en note 38.
48. Pour les détails du débat actuel, voir Ehud R. Toledano, « Abolition and Anti-Slavery in the
Ottoman Empire: A Case to Answer? », dans William Mulligan et Maurice Bric (dir.), A Global
History of Anti-slavery Politics in the Nineteenth Century, Houndsmills, Basingstoke, Hampshire,
2013, p. 117-136.
42
l’asservissement dans les sociétés ottomanes et musulmanes
49. Voir les premiers chapitres de son ouvrage intitulé Black Morocco: A History of Slavery, Race, and
Islam, Cambridge et New York, Cambridge University Press, 2013.
50. Londres, Hurst & Company. Voir également ma critique de cet ouvrage dans l’article intitulé
« Enslavement and Abolition in Muslim Societies », Journal of African History, no 48, 2007, p. 481-
485. Les citations figurant dans ce paragraphe sont de Clarence-Smith qui, lorsqu’il se réfère
aux « écrivains musulmans », donne l’exemple de deux ouvrages parus en 1998 et en 2000.
43
ouverture : panorama critique et réflexions théoriques
51. Pour l’Empire ottoman, voir Ehud R. Toledano, Suppression, op. cit., chapitres III et IV ; pour
l’Iran, voir Beneth Mirzai, op. cit., chapitre 6 (voir supra, n. 7).
52. Les arguments développés dans ce paragraphe ainsi que les suivants s’inspirent de l’ouvrage de
d’Ehud R. Toledano intitulé Abolition and Anti-slavery.
44
l’asservissement dans les sociétés ottomanes et musulmanes
45
ouverture : panorama critique et réflexions théoriques
54. Amal N. Ghazal, « Debating Slavery and Abolition in the Arab Middle East », dans Behnaz A.
Mirzai, Ismael Musah Montana, et Paul E. Lovejoy (dir.), Slavery, Islam and Diaspora, Trenton,
NJ, Africa World Press, 2009, p. 139-154.
55. Amal N. Ghazal, « Debating Slavery and Abolition in the Arab Middle East », op. cit., p. 151.
56. M. Zilfi, Women and Slavery in the Late Ottoman Empire op. cit., p. 226.
57. Y. H. Erdem, Slavery in the Ottoman Empire…, op. cit., p. 147-151.
46
l’asservissement dans les sociétés ottomanes et musulmanes
(rik) ne pouvait être aboli ». L’« abolition pure et simple », selon les termes
d’Erdem, n’était donc pas envisageable.
En fin de compte, c’est une explication socio-culturelle qui s’impose pour
comprendre l’absence de mouvements abolitionnistes et anti-esclavagistes
dans les Empires ottoman et kadjar. D’une certaine façon, le débat actuel
pose peut-être les mauvaises questions. Le cœur du problème est sans doute
de savoir pourquoi les abolitionnistes occidentaux et leurs gouvernements
attendaient des élites ottomane et kadjar, ainsi que d’autres classes dirigeantes
musulmanes, qu’elles abolissent une institution qui semblait non seulement se
distinguer de l’esclavage pratiqué dans le monde atlantique, mais faisait éga-
lement partie intégrante de ces sociétés, et de la structure même des familles
dirigeantes. L’histoire de la non-abolition, voire de l’anti-abolition dans les
sociétés du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, est celle de regards contra-
dictoires portés sur l’Autre, d’attentes peu réalistes vis-à-vis de cet Autre, et de
convictions fermement ancrées dans chacun des deux camps.
Avec la réintroduction récente de l’asservissement en tant qu’institution
autorisée par la loi et par Dieu dans les territoires contrôlés par le prétendu
Califat Islamique, également connu sous le nom d’EI (État Islamique), nous
sommes peut-être de retour au point de départ ; mais la situation a pris un
tour particulièrement révoltant. Le rétablissement de la légalité de l’esclavage
occupe une place prépondérante parmi les atrocités sans nom fièrement reven-
diquées par cette organisation, même si elle suscite moins de réactions que
les tueries massives d’Irakiens et de Syriens musulmans et non-musulmans,
et les exécutions spectaculaires de prisonniers étrangers. La capture, l’asser-
vissement et la vente de centaines de jeunes filles et de femmes yézidies, très
médiatisés au Moyen-Orient et sur le plan international, ont été vivement
condamnés par de nombreux dirigeants dans la région et à travers le monde ;
mais l’EI n’a pas cédé, affirmant qu’il agissait en accord avec les préceptes de
l’islam et les pratiques des premières communautés musulmanes. Le numéro
de septembre 2014 de son magazine intitulé Dabiq incluait même un article
de dix pages qui détaillait et justifiait l’asservissement et la vente de femmes
yézidies et non-musulmanes 58.
Selon les experts juridiques de la charia au sein de l’EI, la pratique de
l’asservissement s’appuie sur une interprétation littérale des textes sacrés par
les premières générations de musulmans. L’abolition de l’esclavage est d’après
eux le résultat d’une négligence : les musulmans se seraient détournés de la
Loi de Dieu, auraient adopté les mœurs occidentales, et abandonné le djihad.
Le retour contemporain à l’asservissement des femmes est un signe divin
58. « The Revival of Slavery before the Hour », Dabiq, no 4, Dhul-Hijjah, 1435 (septembre 2014),
p. 14-17 [consultable sur <http://media.clarionproject.org/files/islamic-state/islamic-state-isis-
magazine-Issue-4-the-failed-crusade.pdf>].
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ouverture : panorama critique et réflexions théoriques
Ehud R. Toledano
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