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CONFÉRENCE SUR LES DISCOURS

Guy Clastres

EPFCL-France | « Champ lacanien »

2012/1 N° 11 | pages 65 à 85
ISSN 1767-6827
ISBN 9782916810119
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-champ-lacanien-2012-1-page-65.htm
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65

Conférence sur les discours


Guy Clastres1

Lacan a donné une définition de la civilisation qui nous fait rire. Lacan
me faisait beaucoup rire parce qu’il osait dire des choses que personne
n’osait dire. Le drame c’est qu’aujourd’hui nous sommes entrés dans une
époque où le conformisme est général.
Lacan disait « La civilisation c’est le déchet ». Ce n’était pas pour faire
déchoir la civilisation. C’est vrai, la civilisation c’est le déchet et quand
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on fait l’histoire de la civilisation, on va chercher les petits morceaux de
vases, les petites pointes de flèches, les petits trucs qui sont de côté, qui
sont enfouis dans la terre et qu’on va sortir. Lorsque notre civilisation aura
passé on retrouvera beaucoup de déchets. Nous sommes à une époque où
les déchets, on n’arrête pas d’en produire, et même plus qu’il n’en faudrait.

Quatre discours

Alors, les discours qu’est-ce que c’est ? Les quatre discours, je dirais
que c’est la dernière élaboration structurale de Lacan. Il l’a produite après
les événements de mai 68, exactement en 1970. C’est sa dernière produc-
tion structurale, ensuite il est passé à la topologie des nœuds pour rendre
compte des difficultés qu’il rencontrait dans la pratique et pour saisir la
jouissance, les Noms-du-Père, etc. Il a terminé sa vie en essayant de penser
le nœud qui pourrait rendre compte de cette tripartition particulière que
nous connaissons tous : le réel, le symbolique et l’imaginaire – tripartition
à laquelle il ajoutait un quatrième qui est le symptôme.
Alors les quatre discours sont juste antérieurs à ce passage nouveau
que Lacan va faire vers les nœuds.

1 Intervention faite dans le cadre du Pôle 9, dans le séminaire animé par Elisabeth Léturgie
au Havre le 17 mai 2003.

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66 Conférence sur les discours

Foucault et d’autres ont parlé du discours. Mais pour Lacan, cela a une
définition très précise, c’est ce qui détermine les conditions de la parole.
Ces discours constituent la réalité – ce que nous appelons la réalité – à
notre insu. C’est pour ça que Lacan n’a pas intitulé ce Séminaire Les quatre
discours, il l’a intitulé L’envers de la psychanalyse.

La psychanalyse est une pratique où quelqu’un demande à quelqu’un


d’autre de l’aider à s’orienter dans ses embarras, son symptôme, parfois
sa perversion, parfois pire s’il est psychotique – là ça pose un autre
problème… disons que cette pratique de l’analyse est une pratique de
parole, d’associations impliquant un certain usage du langage. Elle s’ef-
force à déchiffrer ce qui agit dans le sujet, à sa place pourrait-on dire, et
qui s’appelle l’inconscient.
À partir du moment où Lacan a défini l’inconscient comme ce qui était
structuré comme un langage, il va produire un certain nombre de thèmes
qu’il va ensuite utiliser pour parler des discours.
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Autrement dit, c’est à partir de sa pratique d’analyste, de la sélection
d’un certain nombre de termes, de la définition d’un certain nombre de
places, qu’il s’est efforcé de penser la réalité humaine, n’ayons pas peur
du mot, ou la réalité du parlêtre si vous voulez. Parlêtre, c’est une définition
que Lacan a donnée de l’humain, et c’est beaucoup plus fort que « l’hu-
main » parce qu’au moins parlêtre ça veut dire que c’est quelqu’un qui
parle, et qui parlant, s’efforce de soutenir son être, de le rejoindre ou de le
poursuivre. Le « parle-être », celui qui parle. Il n’y a que nous qui parlons
dans l’espèce vivante et c’est ce qui nous caractérise.
Donc il se trouve que dans la réalité qui nous entoure, qui nous déter-
mine, que nous composons et qui nous compose dans la même occasion,
cette réalité, selon Lacan, est constituée de quatre discours et pas plus.

C’est-à-dire que tant qu’il y aura du parlêtre sur cette terre… peut-être
qu’un jour il disparaîtra. Imaginez par exemple, je dis ça en passant, que la
pneumopathie qui vient de Chine se mette à exploser de tous les côtés et
que ça rétame toute la planète, il n’y aurait plus de parlêtres. Nous sommes
donc à la merci d’une mutation virale qui pourrait… enfin n’envisageons
pas le pire, nous allons essayer de terminer notre conférence d’abord.

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Conférence sur les discours 67

Alors donc, c’est très fort de la part de Lacan de calculer. Il faut bien
comprendre que les quatre discours tels qu’il les compose, il les calcule.
C’est ainsi qu’il a tenté de penser la réalité, il l’a composée de quatre
discours.
Ce qui est sûr c’est que si les hommes continuent à fonctionner ils ne
pourront pas faire autre chose que de tourner à l’intérieur de ce quater-
naire de discours qu’il va falloir définir les uns après les autres. C’est ce
que je vais faire rapidement.

Il y a un discours qui n’est pas écrit là et que Lacan n’a jamais écrit,
et ce n’est pas par hasard s’il ne l’a pas écrit même s’il l’a mentionné. Il
l’appelle le discours capitaliste. Le discours capitaliste, c’est ce discours
particulier qui n’est pas celui dans lequel nous vivons parce que nous
vivons malgré tout – même sous l’ère libérale du capitalisme – dans des
discours qui existent encore, qui sont encore repérables…
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Les quatre discours je les nomme. Le discours dit du maître, c’est celui
qui est apparu le premier. Le discours de l’hystérique ensuite.
Le discours du maître c’est celui-là, je l’ai mis ici… le discours de l’hys-
térique dessous, parce qu’il y a une relation entre le discours de l’hysté-
rique et le discours du maître. C’est étonnant que Lacan fasse de l’hystérie
un discours, c’est pourtant le cas. Ensuite il décrit le discours dit de l’uni-
versité, et enfin le dernier apparu qu’il appelle le discours de l’analyste.

Schéma des 4 discours.

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68 Conférence sur les discours

L’expérience le démontre : les discours font lien social. Si on veut faire,


si on veut appartenir à, si on veut avoir des relations avec les autres, il
faut parler, échanger – ou se taire – mais enfin il faut s’inscrire dans un
de ces quatre discours. Si on n’y parvient pas, on a de sérieux ennuis. Il
y a des êtres humains qui parlent, qui écrivent, mais qui n’arrivent pas à
s’inscrire dans un de ces discours. C’est le cas des psychotiques.

Le premier discours, que Lacan a appelé le discours du maître, fait


voir comment il les construit. Il les construit à partir de l’expérience de
la psychanalyse et à partir de la définition qu’il a donnée de l’inconscient
structuré comme un langage, il les construit à partir de ce qu’il va déduire
de la structure de la linguistique.

Qu’est-ce que raconte la linguistique ? La linguistique dit qu’entre le


signifiant et le signifié, il y a une barre, il n’y a pas de relation qui conduise
directement de l’un à l’autre. C’est ce qui se vérifie dans une analyse, on
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peut dire que la psychanalyse pousse la conséquence de cette séparation
entre le signifiant et la place dite du signifié, puisqu’elle va dire qu’à la
place du signifié, au fond, il y a la place du phallus et de la castration.
C’est ça le problème de la psychanalyse.

Les quatre termes en question sont, comme je l’ai dit, le fait que quand
on parle, on parle à quelqu’un, donc il y a un locuteur, il y a celui qui
reçoit le message, etc.
Il compose les discours à partir d’une place dite de l’agent, c’est-à-dire
celui qui est acteur, ou la place dite dominante.
À partir de cette place-là quelque chose s’institue qui peut être un
ordre, une intention, une intimation qui vise un autre. On pourrait écrire
l’Autre avec un grand A. Et comme il s’agit de langage, il s’agit de parole
aussi, donc la question de la vérité se pose, elle se pose de toute façon. S’il
n’y avait pas de langage on ne se poserait pas la question de la vérité. On
ne s’est jamais posé la question de la vérité de l’escargot par exemple. Il
fait ses trucs, on ne se demande pas s’il ment ou s’il dit la vérité. Pour un
être humain, on est bien obligé de se demander s’il dit la vérité, surtout
quand il s’adresse à vous.
On s’adresse aussi aux médecins, on leur demande des tas de choses,
mais enfin le médecin n’exige jamais de son patient qu’il lui dise la vérité.

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Conférence sur les discours 69

D’ailleurs le psychanalyste non plus ne l’exige pas mais enfin c’est impli-
cite. Quand l’analysant se plaint, sa crainte est justement de ne pas arriver
à dire la vérité qui le concerne, cette vérité la plus intime, celle-là même
qu’il ne voudrait pas savoir.
Donc il faudrait que l’analyste lui-même ne soit pas trop effrayé par la
vérité que l’analysant pourrait avoir à dire, qu’il soit prêt à l’accueillir et à
la recueillir. Même s’il a essayé d’épurer les préjugés – tous les analystes
en ont – qui tiennent à son histoire, ses fantasmes, ses croyances, il n’em-
pêche qu’il en subsiste.
La question de la vérité va se poser et donc Lacan inscrit une place de
la vérité qui soutient, qui est au-dessous de la place de celui qui donne
l’ordre, qui intime. Et puis il propose aussi une place de la production.
Alors la conséquence, voyez comment ça marche : il y a un agent qui vise
l’autre, un autre, les termes vont changer de place selon la structure des
discours Si on est par exemple dans le discours de l’université, cela ne va
pas être la même chose que si on est dans le discours du maître.
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Comme nous avons tous ici ou presque, une expérience de l’université,
nous savons qu’à l’université il y a quelque chose qui est promu : c’est le
savoir. Face à ce savoir de l’université, on se soumet, on écoute, on prend
des notes et on se tait. C’est là que Lacan va mettre le petit a. Il va mettre
selon les discours des termes différents, les places, elles, sont toujours les
mêmes, la matrice du discours ne change pas.
Tout cela est développé dans ce texte : L’envers de la psychanalyse.

Le discours du maître

Je vais présenter rapidement le discours du maître. J’ai dit que c’était le


premier, le premier dans l’histoire, mais enfin il est toujours là, le discours
du maître. Dans nos contrées il a pris des formes, on va dire suppor-
tables. La république se construit selon un certain nombre de conditions,
la royauté c’était autre chose, mais c’est quand même toujours le discours
du maître, c’est-à-dire le discours du politique. Évidemment nous n’avons
plus de maître en France, ça n’existe plus. Mais enfin des maîtres il y en
a encore.
Je vais évoquer l’actualité très vite, l’actualité récente. Vous avez vu
Saddam Hussein : c’est un maître, l’expression même, l’incarnation du

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70 Conférence sur les discours

maître. Pourquoi ? Parce qu’il ne veut rien savoir, c’est vraiment patent. Il
a reçu quand même quelques avertissements, il aurait dû savoir. Il ne veut
pas savoir, il vit sur un mensonge absolu. Il vivait aussi sur un monceau
de cadavres – on est en train de découvrir des charniers en pagaille – il
voulait que ça marche mais il ne voulait rien savoir. C’est la position d’un
maître : il avait autour de lui des esclaves. C’est ça le discours du maître.
Dans l’histoire de la cité grecque le maître ne veut pas savoir, c’est l’es-
clave qui sait, ça c’est une thèse classique de Lacan et des philosophes.
Mais évidemment, Saddam Hussein ce n’est pas le maître grec !
L’esclave sait ce que le maître veut et même on pourrait dire qu’il évite-
rait presque au maître cette petite difficulté, enfin cette grande difficulté,
d’avoir à désirer. L’esclave a un certain savoir-faire, c’est sa fonction. Ce
savoir-faire lui permet d’occuper cette place qui est la place de l’Autre, et
qui donc essaie de répondre à l’intimation du maître : « Je veux ci, je veux
ça, faites-ci, faites-ça. » C’est pourquoi Lacan a écrit cette place, S1 S2, S2
représentant le symbole, l’écriture, le mathème du savoir. Ce peut être à la
fois un petit mot sur une feuille et ça peut représenter tout le savoir de la
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bibliothèque, des encyclopédies complètes, disons que c'est un mathème
du savoir.

Lacan explique qu’il y a eu dans l’histoire une « entourloupe », c’est


comme ça qu’il l’évoque, dont la responsabilité tient aux philosophes. Ce
que j’ai compris de ce que Lacan a dit là-dessus c’est que, depuis Aristote,
les philosophes ont transmué le savoir-faire de l’esclave en savoir de
maître. Toute l’opération consiste à faire qu’entre le maître et l’esclave les
places soient bien distinguées – qu’il n’y ait pas de confusion possible.
L’esclave est à sa place, le maître est à sa place et le philosophe vient entre
les deux. Il va faire du savoir de l’esclave, parce qu’en effet l’esclave sait
ce qu’il a à faire. Le maître, est-ce qu’il sait ce qu’il a à faire ? C’est pas
sûr ! sauf qu’il commande. Alors, vous savez bien que le maître est maître
parce qu’il n’a pas reculé devant la mort, c’est la thèse hégélienne. Vrai
ou pas, l’esclave s’est soumis parce qu’il a refusé le risque de la mort. Le
maître ne l’a pas refusé et donc il occupe cette place de maître.
J’évoquais Saddam Hussein dont les discours de son pitre de ministre
de l’information disaient que jusqu’à la mort il serait là. Il prenait tous les
milliards de la banque de Bagdad pour les faire partir je ne sais où. C’est
ça le maître ! Donc il fait croire qu’il va périr. Il y a des maîtres qui sont
morts et puis d’autres, les maîtres modernes, qui n’ont, semble-t-il, pas le
même courage.

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Conférence sur les discours 71

Lacan évoque les maîtres antiques parce que c’est avec eux que le
discours du maître s’est institué dans la société humaine. C’est comme
ça que les choses ont commencé à se répartir, quand nous étions des
Gaulois sauvages complètement abrutis qui pensaient que les choses nous
tombaient sur la gueule et que les Romains sont arrivés pour nous civi-
liser. Parce que c’est ce qu’ils ont fait ! Il ne faut pas l’oublier : on a été civi-
lisés par les Romains. Les Romains nous ont fait entrer dans un discours
policé comme son nom l’indique. Ils nous ont appris ce que c’était que le
maître, l’esclave, le savoir. Il y a eu des philosophes qui ont contribué, en
quelque sorte, à donner appui à cette structure. C’est comme ça que les
choses se sont passées.

Le discours de l’universitaire

Ce que Lacan appelle le discours de l’universitaire n’a pas existé tout


de suite. Il a fallu que quelque chose d’un savoir se constitue pour qu’il y
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ait des écoles puis ensuite des universités.
À ce moment-là, la place du savoir a changé dans la civilisation.
Quelque chose s’est institué dans la relation de maître à élève, à partir du
savoir. Mais ça supposait, c’est du moins ce que je comprends, que le savoir
change de place déjà au sein du discours du maître. La thèse de Lacan,
c’est que le discours de la philosophie, quels qu’en soient les mérites et la
qualité, a en quelque sorte menti. Comprenez-moi bien, ce n’est pas un
mensonge calculé de la part du philosophe. De la particularité du philo-
sophe à essayer de s’inscrire dans cette fonction du discours du maître, il
s’en est suivi ce que Lacan appelle « l’entourloupe » par laquelle le philo-
sophe fait croire au maître qu’il veut savoir, et il lui fournit le savoir qui
est celui qu’il est allé prélever sur le savoir-faire de l’esclave.

Alors en quoi ce discours du maître nous intéresse-t-il ? Il nous inté-


resse parce que nous en avons été les uns et les autres les produits. Nous
sommes, comme êtres vivants, plus ou moins ratés – je me mets dans le
lot, bien entendu je ne me permettrais pas de faire des distinctions – mais
nous sommes au lieu de la production. Nous sommes des produits de ce
discours qui détermine des places, des choix, qui détermine la produc-
tion. Je pourrais dire que comme êtres existants, nous existons au monde
comme des objets. Après il va falloir que la question du sujet se pose à
nous, ou que nous la fassions nôtre.

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72 Conférence sur les discours

J’ai mis là, dans le petit tableau, le discours du maître… J’ai évoqué
l’ordre, la position dominante, ici le savoir et le fait qu’on ne peut pas
commander au savoir, sauf – c’est un peu la thèse de Lacan – quand on a
l’appui d’un philosophe.
Je vais vous donner un exemple récent, puisque nous l’avons tous
connu, auquel nous avons parfois adhéré : le discours des maîtres sovié-
tiques, celui qui s’est constitué après la révolution d’Octobre et qui a
institué un régime de fer, c’est un discours du maître. Il était prévu que
quelque chose de la liberté se produise, or c’est exactement l’inverse qui
est arrivé, cela a été le retour dans le réel d’un ordre de fer – vous voyez
qu’entre réel et réalité, il y a une différence. Dans le régime soviétique,
c’est Marx qui a servi d’appui, Marx qui par ailleurs n’avait jamais pensé
dans sa réflexion sur le capital à instituer un tel État. C’est le détourne-
ment par Lénine du discours marxiste qui a donné appui dans le savoir à
l’institution particulière de ce discours et au fait qu’il est devenu tellement
féroce qu’il a abouti exactement au résultat inverse de ce qui avait été rêvé
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par ceux qui en avaient été les animateurs et par tous les croyants qui sur
la terre croyaient en ce discours comme leur mère croyait en Dieu. Je sais
à qui je pense quand je dis ça.
La philosophie sert d’appui pour l’institution de ce discours. Là, le
discours s’est effondré de lui-même parce qu’il n’avait pas les moyens de
sa subsistance et que quand même, il y a des gens qui ont fait en sorte
qu’il s’effondre. D’une part, quel que soit le mépris qu’on lui porte, Ronald
Reagan qui avec sa guerre des étoiles a réussi à faire peur à l’URSS et
d’autre part le pape. Comme quoi Dieu n’a pas dit son dernier mot.

Le discours de l’hystérique

Revenons sur la question de l’hystérie. L’hystérie c’est de la clinique.


L’hystérique existe depuis toujours elle aussi. D’abord parce que ce sont
des femmes. Pas toutes les femmes sont hystériques, ce n’est pas ce que je
dis, mais comme il y a du maître depuis longtemps, il y a forcément de
l’hystérique. Ce qui intéresse l’hystérique c’est le maître et c’est le savoir,
le savoir du maître. Ça l’intéresse, l’hystérique, le savoir du maître, pour
faire la démonstration que c’est ce savoir qui ne lui convient pas. Je vous
en donnerai un exemple tout à l’heure.

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Conférence sur les discours 73

Au xixe siècle, l’hystérique, sujet assez méprisé, est considéré comme


malade : on la montre, on lui fait des piqûres, des chocs électriques, on
dit qu’elle est menteuse, on dit qu’elle ne veut rien savoir. On ne dit pas
qu’elle fait mentir la médecine parce que la médecine a trouvé la neuro-
logie et tout ça ! Les médecins savent très bien comment ça fonctionne et
pourtant, en voilà une qui justement leur démontre que ça ne fonctionne
pas comme ils croient.
Pourquoi Freud s’est-il accroché à ce que montre l’hystérique ? On ne
sait pas ! Peut-être parce qu’il avait un certain désir de savoir. Peut-être
aussi parce qu’il était neurologue… Lacan n’était pas neurologue, je le
précise : il était psychiatre. C’est pourquoi leur entrée dans l’analyse a
été différente. L’un est parti de la neurologie et est tombé sur l’hystérique
qui lui a montré quelque chose, avec Charcot, qui lui a semblé avoir un
prix clinique, et offrir un savoir en espérance. Lacan, lui, est tombé sur
une amoureuse folle, Aimée, dont la paranoïa l’a conduite à devoir le
rejoindre. Il est devenu Lacan par la même occasion. Il a rejoint Freud
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comme ça. Ce départ différent n’a pas eu les mêmes conséquences dans
l’élaboration de savoir.

J’en reviens à mon hystérique. Elle montre quelque chose qui ne corres-
pond pas à l’imaginaire qu’on se fait de ce qu’est le sujet, de ce qu’est
le Moi. Elle montre justement un sujet qu’on appelle le sujet divisé. Elle
montre un corps ou des symptômes qui révèlent qu’au sein d’elle-même
quelque chose se manifeste malgré elle et malgré ce qu’elle voudrait en
dire. Ce sujet divisé a évidemment attiré l’attention des cliniciens et celle
de Freud. Et Freud, ce sujet divisé, il l’a fait parler. C’est ainsi que de sa
rencontre avec l’hystérique est né ce que Freud a appelé l’inconscient,
c’est-à-dire un langage qui se déchiffre, qui se montre dans les rêves, dans
les lapsus, etc. – on ne va pas reprendre toute l’histoire – et qui témoigne
de la division du sujet.

Si on rapproche les deux discours, le discours du maître et le discours


de l’hystérique, qu’est-ce que le discours du maître s’efforce d’instituer par
sa jouissance de maître ? C’est que le maître n’est pas divisé. Il voudrait
tenir à l’écart la question de la division du sujet. À la place de la vérité,
dans le discours du maître, il y a le sujet divisé. Si le maître disait la
vérité, il dirait : « Je ne suis pas le maître que vous croyez, je suis moi
aussi un pauvre petit sujet divisé par le langage et je vous mens à tour de

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74 Conférence sur les discours

bras… ». Or ce n’est évidemment pas ça qu’il va dire, il va dire exactement


l’inverse. Il va s’efforcer, pour dire l’inverse, de s’appuyer sur un certain
nombre de discours et d’appareils qui visent à maintenir cette division, ce
manque-à-être du sujet, le fait, qu’au fond, le maître n’a pas d’être. Il y a
des maîtres qui ont de l’être, ça dure un temps. Par exemple vous prenez
Napoléon, c’est vrai que c’était un vrai maître, c’est flamboyant, l’affaire
Napoléon, mais ça n’a pas duré longtemps, ça n’a pas même duré vingt
ans. Bien sûr il a installé partout la famille, les rois, il a changé l’Europe,
il a modifié… il est quand même tombé sur l’Angleterre lui aussi… on
tombe toujours sur l’Angleterre…

Alors l’intérêt de l’hystérique, c’est qu’elle révèle la division du sujet


que le maître veut cacher. Si dans le discours du maître je peux m’ima-
giner ne pas être assujetti au langage, je peux me faire croire à moi-même
que je suis un être plein, sans failles. L’hystérique va s’efforcer de me
montrer le contraire.
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Qu’est-ce qu’elle fait l’hystérique ? Elle s’efforce de trouver un maître
sur lequel elle règne – je vous cite une phrase de Lacan – elle, l’hysté-
rique, un maître qu’elle va tenter d’intéresser au savoir. Regardez bien
comment son discours fonctionne, elle s’adresse à quelque chose qui est
le signifiant-maître. S1 ne veut pas dire un maître, ça peut être personnifié
dans quelqu’un qui incarnerait le signifiant-maître suprême. Mais en fait
ce qui intéresse l’hystérique, c’est celui qui a ce trait de maîtrise.

Elisabeth Léturgie, de la salle : Pouvez-vous redonner les termes ?


Les termes sont tous écrits ici… S1 c’est celui que Lacan a appelé le
signifiant-maître. Quand vous dites : « Bois ! Mange ! Tais-toi ! La ferme !
Parle ! » c’est du signifiant-maître. Ça peut être dans la tête. Il y a même
des psychotiques qui, ce signifiant-maître, le sonorisent. Ils s’imaginent
l’entendre comme étant leur voix.
En dessous je vous ai dit que Lacan inscrit le savoir qui s’articule
toujours au signifiant-maître. Alors je vais vous donner un exemple. Une
cure analytique, c’est un travail de parole, une prise de parole pendant les
séances où l’on associe, où l’on parle de ce qui nous intéresse, de ce qui
nous anime, de ce qui nous angoisse, de ce qui nous fait souffrir. Au bout
du compte, tout ce dont on parle, ça constitue un savoir articulé, et on
peut arriver à faire de ce savoir articulé un message qui va se transmettre,
qui pourrait même se transmettre à d’autres, c’est ça le savoir de l’analyse.

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Conférence sur les discours 75

Évidemment c’est propre à la psychanalyse mais ce savoir peut être


le savoir qu’il y a dans les bibliothèques ou le savoir de quelqu’un. Le
professeur d’université qui a travaillé toute sa vie sur quelque chose d’ex-
trêmement particulier, il peut avoir un savoir qu’il est le seul à avoir parce
qu’il a travaillé là-dessus, et à ce titre il est unique. Il y a des gens comme
ça ! Je crois que Georges Dumézil qui a été un certain temps professeur à
l’École pratique des hautes études et qui a travaillé sur les mythes indo-
européens, je crois qu’il était le seul avec une autre personne du Caucase
à parler la langue. Quand l’autre est mort, il n’y avait plus que Dumézil.
Avec qui pouvait-il parler la langue ?

Après, j’ai écrit ici le sujet, $, mais qu’est-ce que c’est que le sujet ? C’est
la question si j’ose dire…
Le sujet c’est que je ne peux pas me dire « je », je ne suis pas le « je » de
mon être. Mon être, il est comme question ou comme résultat, le produit
de l’Autre et le produit de mon rapport à l’Autre, le produit de ce que je
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fais quand je me mets à travailler, à me déplacer, à penser – n’allons pas
si vite : essayer de penser, ou à essayer de dire. Donc mon être de sujet est
un être qui n’est pas fixe. On voudrait bien, mais non, ce n’est pas comme
ça que ça se passe. L’analyse le montre très bien, les choses varient.

J’ai écrit aussi a : l’objet perdu. La philosophie voit une relation dialec-
tique entre le sujet et l’objet, elle essaie de définir le sujet à partir de l’objet.
Je vais vite, je demande pardon aux spécialistes de la philosophie. C’est
justement ce que la psychanalyse ne fait pas. Elle ne peut pas le faire,
c’est-à-dire que dans la psychanalyse, l’objet est perdu, il est absolument
perdu, il ne sera jamais retrouvé. Tous les objets qui se proposent comme
manifestation de la jouissance, sont des objets de substitution. Le névrosé
peut en trouver dans son corps propre : le regard, la voix, les fèces… Ce
sont des objets que le corps produit, qui ont une relation intime avec cette
question du manque-à-être du sujet, mais ça ne sera jamais l’objet perdu
qui est de toute façon toujours perdu.
Dire cela institue de fait la fonction du manque comme détermi-
nante du manque-à-être, comme déterminante dans la psychanalyse. Le
discours analytique ne propose pas un objet, il propose des concepts.
L’objet de la psychanalyse est un objet qui a essentiellement la structure
d’un manque. Et donc le psychanalyste s’il prétend occuper cette place,
moi-même je le prétends, cela suppose qu’il soit toujours à la hauteur de

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76 Conférence sur les discours

cette fonction du manque. C’est une question. C’est pour ça que Lacan ne
comprenait pas très bien pourquoi il y avait tant de sujets qui voulaient
devenir psychanalystes. Parce qu’après tout c’est une place pratiquement
impossible à soutenir, de se faire le support du manque, or c’est ça qui est
important.

J’en reviens à mon hystérique de tout à l’heure, avant que madame


Léturgie ne m’oblige à vous faire ce rappel, à juste titre. Quelle heure
est-il ?
Dans la salle : quatre heures !
On a encore un petit peu de temps… L’hystérique met la question
du manque-à-être du sujet sur la scène. Je vous ai rappelé ce que Lacan
disait : elle cherche un maître, quelqu’un qui soit affecté de la fonction de
la maîtrise. Elle veut que ce maître produise un savoir, et ce savoir, à la
limite, elle va manifester qu’il l’insatisfait, elle.
C’est ce qui se passe avec le médecin. Les hystériques vont voir les
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médecins pour leur montrer que ce qu’ils disent, ça ne va pas. Elles, elles
en savent plus qu’eux, c’est-à-dire que jamais ils ne parviendront à les
coincer là où ils souhaiteraient les faire rentrer, il y a toujours quelque
chose qui rate. C’est ce ratage qui est la particularité de la relation de
l’inconscient des hystériques au savoir. Alors évidemment, l’hystérique
a une relation au discours du maître mais elle a une relation elle-même
à la maîtrise. Non pas qu’elle soit elle-même fascinée par la maîtrise, elle
dispute au maître sa place, l’hystérique se voudrait elle-même maître ou
maîtresse – si c’est un homme hystérique on dit maître. Quand toute cette
opération-là qui peut faire l’intrigue du sujet hystérique rate, il ou elle
peut s’adresser au psychanalyste.

Le discours de l’analyste

Je vais passer au discours du psychanalyste. C’est le dernier discours


apparu comme référence. Ce qui m’a surpris la première fois où Lacan
a parlé du discours analytique comme lien social, c’est que précisément
il en parlait comme un lien social. Comme je suis d’origine médicale, je
suis médecin, je pense que l’idée que je me faisais de la relation analysant
analyste était calquée sur la relation médecin malade. Or en avançant
dans l’âge et dans la pratique, je peux concevoir que la psychanalyse est

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Conférence sur les discours 77

un lien social et qu’au fond, par la fonction de la parole, elle assure à un


certain nombre de sujets une place qu’ils ne parviendraient pas à se faire
dans d’autres discours ou qu’ils ne souhaitent tout simplement pas avoir
dans d’autres discours.
Un signifiant représente le sujet pour un autre signifiant. Cela veut dire
que le signifiant est en position maîtresse, c’est lui l’agent et il représente
le sujet. Si le sujet n’a pas de représentation, il n’est pas. Au fond, quand
quelqu’un commence une analyse, c’est ça qu’il cherche, un signifiant qui
va l’aider à se faire représenter, puisqu’il se sent destitué, souvent, dans
son être de sujet. Alors simplement, pour que cette opération se fasse
– un signifiant représente le sujet pour un autre signifiant – il faut que
quelque chose se perde, c’est ça l’objet petit a. L’objet petit a est le résultat
de la perte de cette opération par laquelle je me fais représenter par un
signifiant pour un autre.
Dans une analyse il arrive qu’on change de place, de position, qu’on
change de jouissance, qu’on change de partenaire, qu’on fasse des choses
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différentes que celles qu’on faisait au départ, ou qu’on arrive à faire des
choses qu’on ne pouvait pas faire. À ce moment-là quelque chose se perd.
Pour que cette opération s’opère, il faut que quelque chose se perde.
Quand il a construit les discours, Lacan a mis cette perte, ou ce symbole
de la perte qu’il a appelé l’objet petit a, en position d’agent, de cause par
rapport à la division du sujet. Je ne vous parlerai pas de la théorie logique,
topologique de l’objet petit a : c’est un casse-tête !

Pourquoi une hystérique commence-t-elle une analyse ? Après tout


on peut se le demander puisqu’elle arrive à faire lien social… enfin, pas
toujours. Elle y arrive dans les divers endroits où elle peut exercer son
activité d’hystérique. Mais son activité d’hystérique, ce n’est pas injurieux
pour les hystériques, c’est simplement de faire des intrigues, de repérer
là où est le signifiant-maître, d’en démontrer si possible l’imposture. Elles
sont très fortes les hystériques, pour démontrer l’imposture du signifiant-
maître, dévoiler le fait que le maître ment, que c’est la structure du
discours du maître d’être le plus menteur. D’une certaine façon l’hysté-
rique se voue à la vérité, mais en même temps, attention : si elle veut bien
dévoiler le mensonge du maître, ça ne veut pas dire pour autant qu’elle ait
envie de dévoiler sa vérité à elle.
Alors parfois elle est obligée d’entrer en analyse parce que tout ça
ne marche pas, tout ce qu’elle fait, tout ce qu’elle met en activité, son

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78 Conférence sur les discours

industrie – Lacan, il l’appelle « industrieuse », l’hystérique. Elle met les


autres au travail aussi, et au fond elle vient en analyse quand elle ne peut
plus supporter la vie que lui impose le fait de ne pas avoir d’être, d’être
assujettie au manque-à-être.
Il y a des femmes hystériques qui paient le prix très cher pour être.
Lacan les appelle, dans un autre article, les amoureuses, qu’il qualifie de
« géniales ». C’est vrai, elles sont prêtes à tout pour tenter d’être alors qu’elles
sont assujetties à ce manque-à-être qui est de structure. Parfois elles ne
supportent pas la vie, les sacrifices qu’elles font – il faut voir les sacrifices
à quoi une femme peut consentir pour simplement pouvoir essayer d’être.
Quand elle n’y parvient pas, elle demande à l’analyste l’appui pour tenter
de colmater, au moins pendant un temps, ce manque-à-être.

Mais dans l’analyse que va faire l’hystérique ? Elle va instruire l’ana-


lyste. J’apprends beaucoup grâce à Lacan d’une part et grâce aux hysté-
riques d’autre part. Elles apprennent et ont appris beaucoup de choses à
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Freud. Elles l’ont trompé aussi. Elles lui ont fait croire que le père voulait
les séduire et Freud a construit toute une théorie de la séduction unique-
ment sur le fantasme hystérique du père séducteur. Elles lui ont dicté
l’œdipe. C’est la thèse de Lacan. Lacan ne dit pas que l’œdipe n’existe pas,
mais il dit que la question des discours est beaucoup plus importante.
Freud a construit l’œdipe – vous savez ce que c’est l’œdipe – l’histoire
du père qu’il faut tuer pour enfin pouvoir jouir. C’est une construction.
Freud a construit un mythe auquel il a cru. Il l’a cru alors que c’est lui
qui l’a construit. Mais il a cru que ce père de la horde existait, parce qu’il
fallait que nécessairement il y eût, à un moment de l’histoire, un père de
la horde, c’est-à-dire l’équivalent du signifiant-maître de tout à l’heure :
un maître, un type qui jouissait de tous les côtés. Freud a construit ça, le
signifiant-maître originel du père de la horde.
C’est la référence à Totem et tabou, et vous savez l’histoire, les fils le
tuent, ensuite il y a un rituel et on passe à la fonction phallique etc. Donc
il faut d’abord tuer. C’est une construction freudienne, inspirée à Freud
par son travail avec les hystériques. Alors Lacan pense que Freud, en
raison de ce qu’il était, de sa position originelle, sa position initiale, a raté
quelque chose par rapport à l’hystérie.
Freud avait des préjugés, je vous l’ai dit tout à l’heure, il pensait que
forcément, une jeune femme ou une jeune fille, Dora par exemple qui avait
16 ans, quand un monsieur essayait de la coincer dans un coin, elle devait

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Conférence sur les discours 79

être ravie. Les filles c’est pour les garçons, Monsieur K, par exemple. C’est
un total préjugé et il dit très clairement que Dora, ce n’était pas le sexe
de Monsieur K qui l’intéressait. Monsieur K l’intéressait parce qu’il avait
un sexe masculin mais surtout parce qu’il était le mari de Madame K. Et
comme elle s’intéressait à ce que c’est qu’être une femme, il fallait que
Monsieur K désire sa femme pour qu’elle puisse continuer à avoir une
relation d’intrigue avec Madame K, Monsieur K et son père. Tout ça c’est
l’histoire du cas Dora. Et Freud est tombé dans le panneau de Dora qui lui
a en quelque sorte fait croire un certain nombre de choses.
Comme Freud est un honnête homme, il écrit très clairement dans son
cas Dora qu’il n’avait pas mesuré ce qu’il a appelé l’homosexualité hysté-
rique. Il ne s’agit pas d’homosexualité au sens de jouissance du terme, au
sens pervers du terme, il s’agit d’intérêt, d’interrogation sur ce qu’est une
femme, ce qu’elle veut, ce qu’elle désire.
C’est un des intérêts premiers de l’hystérie.
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Deuxièmement son point d’accrochage, à l’hystérique, c’est le père.
Mais le père comme signifiant-maître et pas du tout comme ce qu’il est.
Un père, au mieux, c’est un brave homme qui fait un travail, qui
nourrit la famille et puis qui ne se prend pas pour plus que ça. Ce n’est
pas cette sorte d’image absolument incroyable que Freud en a fait. Et donc
l’hystérique lui a transmis cette relation idéalisée à son père, et au père
en général, et elle ne lui a pas transmis que le père est castré comme le
maître est castré aussi.

Et la castration qu’est-ce que c’est ? C’est d’être assujetti à l’ordre du


langage. Le fait d’être soumis au signifiant, ça castre, on ne peut pas en
être le maître.
Les seuls qui s’imaginent être maîtres du signifiant, il n’y en a pas beau-
coup, ce sont les psychotiques. C’est très difficile de traiter un psychotique
et notamment par la psychanalyse, je vais même dire ça : c’est impossible.
C’est impossible de vouloir faire faire une analyse à un psychotique. Il
n’est pas impossible que les analystes reçoivent des psychotiques : ils les
reçoivent, ils les écoutent, et même je vais dire, ils sont peut-être les mieux
placés pour le faire, mais ils ne leur font pas faire une analyse, pour bien
des raisons.

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80 Conférence sur les discours

Alors le maître du signifiant dans la cité, comme Lacan s’exprime


quelque part, je ne sais plus où, c’est le psychotique. Mais du même
coup, puisqu’il n’est pas castré, le psychotique, il ne participe à aucun
lien social. Il est « hors discours » comme Lacan s’exprime, c’est-à-dire il
n’entre pas dans un discours, il ne se soumet pas à la loi, il ne va pas à
l’université – enfin il peut toujours y aller, mais il ne va pas entrer dans le
discours universitaire puisque de toute façon il a un savoir qui destitue
le savoir de l’université. Bien entendu il n’a rien à faire avec le discours
de l’hystérique. Quand il y vient en analyse, il donne au transfert un tour
très particulier où l’analyste ne peut plus se croire l’interprétant ou l’in-
terprète du discours. Il peut tout au plus apprendre à être modeste, outre
qu’il faut l’être en général, et ne pas faire des interprétations qui viseraient
à faire entrer le psychotique dans le discours analytique, parce que ça ne
marchera pas. Pourquoi je dis ça ? Parce que j’ai essayé et que ça m’est
revenu, je crois qu’il ne faut pas faire ça.
Bon j’arrête, quelle heure est-il ? Je m’excuse mais je n’ai fait qu’effleurer
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le sujet.

Question : — Est-ce que vous savez pourquoi Lacan n’a pas pris du tout le
discours de l’obsessionnel comme mode de…
Ah oui voilà un point que j’avais pensé évoquer. D’abord il n’y a pas
de discours de l’obsessionnel. L’obsessionnel ne fait pas lien social, mais
attention il n’est pas hors discours. Les obsessionnels font des maîtres, des
politiques, des universitaires excellents. Évidemment, parfois, ils souf-
frent, ils souffrent beaucoup de la pensée, vous savez bien que c’est bien
là le pire, ils souffrent du signifiant. Ils souffrent d’éprouver cette relation
au langage comme intrusive. Ils ne la trouvent pas intrusive au point de
la croire étrangère, mais parfois une pensée obsédante ça fait intrusion.
Ce n’est pas interprété par l’obsessionnel comme une intrusion du grand
Autre, de là-bas, de l’Autre. Donc quand ça ne va pas ils vont voir un
analyste. Et là quand ils vont en analyse, ils s’hystérisent, c’est ce que dit
Lacan.

— Oui mais justement, quand ils ne sont pas en analyse, est-ce qu’à ce
moment-là ils sont dans le discours de l’universitaire ?
Pas forcément, ils sont dans le discours qui peut être dans le discours
du maître. Ils ne sont pas dans le discours hystérique, parce que ce qui
les fait entrer dans le discours de l’hystérique c’est la psychanalyse.

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Conférence sur les discours 81

Pourquoi ? Parce qu’elle met l’accent sur la division du sujet qui est juste-
ment ce que les obsessionnels supportent le moins bien. Puisque au fond,
quand quelque chose fait intrusion dans la pensée, c’est l’expression de
cette division à laquelle ils sont assujettis. C’est ce que Lacan appelle dans
un texte à propos de l’obsessionnel : « L’impossible évanouissement du
sujet. » Cet impossible, c’est dans le texte « Subversion du sujet et dialec-
tique du désir ». Quand il parle de l’impossible évanouissement du sujet,
il veut dire par là à cette époque que contrairement à l’hystérique qui
peut s’évanouir, y compris sur la scène pour vraiment en mettre plein
la vue à tout le monde, l’obsessionnel ne le peut pas. Donc il est vigilant,
toujours campé sur ses deux pieds, le regard attentif, retenant tout etc.
C’est simplement l’analyse qui l’hystérise, parce que ça le fait rêver. Pas
seulement que ça le fait rêver, ça le met en relation avec la cause, la cause
que j’ai évoquée tout à l’heure, et aussi avec le manque. C’est pourquoi
une analyse d’obsessionnel ne peut pas se faire sans angoisse. Elle est
toujours la rencontre pour le sujet avec l’angoisse, c’est-à-dire avec le point
de manque que l’être rencontre.
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Le seul discours qui lui conviendrait dans le fantasme, à l’obsessionnel,
ce serait le discours du maître. C’est son aspiration à maîtriser son corps,
à maîtriser sa pensée, à maîtriser sa mort, il voudrait être le maître. C’est
un fantasme bien entendu, cela n’a rien à voir avec l’histoire du maître
antique, c’est un fantasme de maîtrise. C’est parce qu’il est névrosé que ça
échoue, ou plutôt c’est parce que ça échoue qu’il révèle sa névrose et qu’il
entre dans le discours hystérique et que donc, il s’hystérise. Donc l’hysté-
risation, c’est-à-dire toucher à la division de l’être, est quelque chose qui
est l’effet de l’analyse. L’analyse ne colmate pas l’être, au contraire.

— Justement quand vous disiez que tous les analystes, même les non laca-
niens sont en position de « a » comme agent…
Ils le sont
— Pas forcément puisque s’il y a des analystes qui veulent au contraire
combler le sujet…
Oui mais ça ne marche pas.
— C’est pas de l’analyse, mais dans certaines écoles il y a quand même quelque
chose qui…
Mais qu’est-ce qu’ils font ? Ils se sont bien aperçus que ça ne marchait
pas. Ils se taisent, ça devient des puits de silence.

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82 Conférence sur les discours

Question : — Et le pervers ?
Le pervers, il y a un seul discours qui lui convient, c’est le discours de
l’analyste. Attention… il y a sûrement des analystes pervers… Pourquoi ?
D’abord, je vais répondre à cette question sérieuse. Les vrais pervers ne
viennent jamais en analyse.
— Ils sont dans un discours…
Ils peuvent être des maîtres, des politiques, des universitaires, ils
peuvent être aussi des analystes. Le seul lien de perversion où il y a un
lien, c’est ce qu’on appelle le couple sado-masochiste, mais enfin est-ce que
ça fait couple ? Il y a des réseaux pervers, on ne les connaît que quand on
en fait partie. Ce sont des petites associations où se protège la jouissance
dans la clandestinité, dans les marges d’un certain nombre de discours
existants.
La jouissance est toujours interdite, parce que la jouissance dans le
discours du maître, elle ne peut être que là, au lieu de la production. Il y
a des pervers qui se plaisent vraiment à produire l’effet d’angoisse dans
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l’autre. C’est un trait de structure, produire l’effet d’angoisse. L’effet d’an-
goisse ça se fait à partir de l’effet produit dans le sujet en le divisant, c’est-
à-dire en faisant surgir l’effroi, l’horreur ou tout ce que vous voudrez…
Par exemple parmi les pédophiles actuellement pistés sur Internet, on
trouve de tout : des magistrats, des médecins, des instituteurs, des curés,
on trouve tous ceux qui s’inscrivent dans la structure ou de la maîtrise
ou de l’idéalisation. Enfin tout ce qui évoque après tout quelque chose du
côté de l’idéal, du signifiant-maître. C’est l’envers ou plus exactement le
versant absolument opposé de la position qu’ils occupent.
Donc ce qu’il faut pour préciser la question que vous me posez – si je
n’ai pas réussi à vous le faire comprendre c’est parce que je me suis mal
exprimé – les quatre discours ne sont pas des structures cliniques. Le
discours de l’hystérique, il n’y est qu’en tant que l’hystérique parvient à
faire lien social, que ce soit par la foule, que ce soit par la contamination
du trait hystérique. L’accent n’est pas mis dans l’hystérie, au moins dans
le discours hystérique, mais sur la faille. C’est sur la faille que l’accent
est mis, mais pas sur la clinique de la faille. Ce n’est pas au titre où elle
serait névrosée que Lacan l’a inscrite dans un discours. C’est au titre où
sa particularité c’est effectivement de faire lien social. Mais le reste, ce ne
sont pas des structures cliniques.

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Conférence sur les discours 83

En plus le discours de l’hystérique va dire ceci, il faudrait le démontrer


– je ne vais pas le faire, on n’a pas le temps – c’est que le discours de la
science actuelle, ce qui se répand dans notre monde et ce dans quoi nous
sommes pris nous aussi, que ce soit par ce que la science produit ou par
le fait qu’elle modifie complètement l’ordre du savoir à tous les niveaux, le
discours de la science, il est construit comme le discours de l’hystérique.
Pourquoi ? Parce que la science ne s’intéresse pas au sujet, mais à ce qu’elle
fait, à ce qu’elle produit, aux lois, aux axiomes. Elle ne s’intéresse qu’à
ça, pas au reste. Donc le sujet disparaît. Qui est-ce qui s’est intéressé à la
question du sujet à part les philosophes ? Les psychanalystes, Lacan.
Donc la science, elle destitue le sujet. D’ailleurs quand vous arrivez à
faire tout le génome humain et à multiplier, à repérer les molécules, peut-
être pas encore les molécules… tous les différents gènes etc., on ne voit
plus où est la question du sujet ! Lacan l’a dit, l’a écrit : le discours de la
science a la même structure que le discours de l’hystérique. Comme l’hys-
térique c’est celle qui veut faire produire du savoir, on voit sa parenté et
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son intervention dans l’histoire humaine avec la question de la maîtrise.
Le jour où les maîtres, les vrais de vrai se sont laissés séduire par les
savants qui leur ont dit : « voilà, donnez-nous de l’argent, on va vous
produire du savoir, on va vous produire des choses », les maîtres ont
été foutus, ont été castrés parce que ce ne sont plus eux qui ont dirigé.
Qui dirige aujourd’hui ? Ce sont les grands instituts de recherche de la
science, c’est ça qui marche, ce ne sont pas les maîtres. Les maîtres ce sont
des séquelles aujourd’hui. C’est un Saddam Hussein qui n’était pas sorti
d’Irak, paraît-il depuis trente ans, il y est peut-être encore d’ailleurs…

Question : — Lacan, sur le discours religieux.


Lacan n’a pas décrit de discours religieux. Si l’on veut identifier le
discours religieux, moi je le mettrais plutôt du côté du discours du maître,
puisque, s’il y a un signifiant-maître qui en impose, qui est supposé en
imposer, c’est Dieu. Aujourd’hui Dieu est à l’honneur, que ce soit par
l’Islam d’un côté ou que ce soit par les Américains de l’autre, ceux des
croyants américains qui en défendent l’idée. Et en effet ce qui est promu
c’est un retour de la fonction divine dans le réel. D’ailleurs Lacan l’avait
évoqué dans son Télévision par rapport à la question de ce qui nous reste
comme garant de la vérité dans l’Autre. Il avait évoqué la montée du
racisme, ce qui est patent, il avait évoqué la crainte du retour du passé
funeste de Dieu. C’est exactement sa phrase : « Son passé funeste. » Je

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84 Conférence sur les discours

crois que pour une part, nous en sommes là. Dieu merci pas partout, c’est
le cas de le dire, mais enfin pour ceux qui mettent toute la gomme pour
y croire et pour incarner le retour de sa vengeance, c’est clair qu’il est là.
En plus ceux-là, comme leur jouissance c’est de mourir, vous imaginez…
C’est très difficile de se protéger de gens comme ça.

Question : — Pourquoi quatre discours et quatre seulement ?


Alors ça c’est une question… Je me souviens, quand Lacan était de ce
monde, qu’on la lui avait déjà posée. Quelqu’un très proche de lui, un de
ses élèves, lui avait dit : « Je pense avoir trouvé le discours de la perver-
sion. » Alors il a dit : « Écoutez, je me suis cassé la tête, je vous assure, je
n’en ai trouvé que quatre. »
Alors pourquoi quatre ? Parce que d’abord, il y a une constante chez
Lacan dans toute son œuvre. Il faudrait que vous la lisiez pour savoir
pourquoi je dis ça. Il y a la constante de quatre termes, il y a un quater-
naire constant. Ça commence dès qu’il fait la topologie du schéma L, ça
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continue avec le graphe où il y a quatre termes fondamentaux qui sont
les croisements des lignes de l’énoncé et de l’énonciation. Il y a quatre
concepts fondamentaux, je vous les rappelle : ce sont la répétition, l’in-
conscient, le transfert et la pulsion. Il y a donc toujours quatre termes.
Alors pourquoi quatre ? Je n’en sais rien. Même à la fin de son parcours,
il va tomber sur quatre termes : le réel, le symbolique, l’imaginaire et le
symptôme. Donc cette constante du quatre, c’est quelque chose qui parti-
cipe de la chaîne signifiante. Un signifiant représente le sujet pour un
autre signifiant, ça fait trois termes mais dans l’opération, il y a une perte,
quelque chose qui se perd : ça fait quatre termes. Quand il construit les
discours, évidemment qui sont comme je vous l’ai dit une place : l’agent,
l’autre, la vérité, la production, c’est parce qu’il considère que cette matrice
première est celle qui révèle, qui s’est révélée dans l’analyse elle-même.
La vérité elle est dans l’analyse, elle y est. À partir du moment où on
parle dans l’analyse, on s’efforce de toucher à la vérité, et l’analyste aussi
est responsable de la vérité qui va se dire. Il n’est pas responsable entiè-
rement : après tout qu’est-ce qu’il en sait de la vérité de son patient ? Mais
au moins il est responsable au titre où il peut empêcher de la faire advenir
ou il peut aider à ce qu’elle advienne, c’est ce point-là le plus important.
La structure générale de l’analyse révèle cette prévalence des quatre
termes. Alors Lacan a essayé d’analyser le discours et après tout il n’était
pas si mal placé que ça ! Au fond, quand je réfléchis je m’aperçois que

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ces quatre discours évoquent quelque chose de mon parcours, de mon


histoire, de mon rapport à l’université, de mon hystérisation dans ma
propre analyse, dans le fait qu’actuellement je suis un praticien. C’est
quelque chose qui a un sens. Je ne prétends pas résumer l’expérience à
moi tout seul, mais je veux dire que l’effet de l’inscription est repérable.

Lacan a mentionné un autre discours : c’est le discours capitaliste. S’il


ne l’a pas écrit, c’est parce que ce discours est une perversion du discours
du maître. Avec le discours du maître on voit le jeu des signifiants, les
relations qui s’établissent, on voit la structure, on voit l’action. Avec le
capitalisme… le capitalisme brouille les cartes, c’est un fait.

Question : — C’est-à-dire que tel que c’est construit, il ne peut pas y en avoir
d’autre puisqu’il y a quatre places et quatre termes et que chacun est obtenu
toujours dans le même ordre.
Dans cette écriture-là c’est vrai. Ensuite il passe au nœud borroméen,
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c’est-à-dire qu’il essaie de terminer sur une topologie qui n’a jamais été
pensée. Il faut comprendre que ce fameux nœud borroméen est ce nœud
triple qui tient ces trois qui sont noués – mais trois égalent un, si j’ose
dire, parce qu’il faut en défaire un et ça défait les autres… Avec le nœud
borroméen, il pense quelque chose qui n’a jamais été pensé. Vous voyez la
relation qu’il y a entre ce nœud borroméen qui vient terminer le parcours
de Lacan et le fait que Freud a pensé quelque chose qui n’avait jamais
été pensé un siècle avant, pas tout à fait un siècle, au moment où il a
rencontré l’hystérique : l’inconscient. Au fond il y a une correspondance,
une relation entre ce nœud borroméen qui est le nœud de l’impossible à
penser l’être de l’inconscient par le discours analytique et la façon dont
Freud a pensé l’inconscient comme étant lui aussi quelque chose d’un
impossible à penser. L’inconscient ne se livre pas comme ça, il est sous la
barre, il faut le déchiffrer, il faut en faire un discours. Donc moi je vois un
lien entre l’un et l’autre, sauf que l’analyse a enseigné à Lacan qu’il faut
penser la topologie. C’est pour ça qu’il parle du tore, de la coupure sur le
tore, du retournement de la sphère – ce sont des choses qu’on ne peut pas
évoquer ici – et puis il en vient au nœud. Le nœud c’est quelque chose
qui ne se pense pas. Essayez de penser à un nœud, vous allez voir. Il faut
toucher. Il faut le construire.

Je vous remercie.

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