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Alimentation
Agriculture
Environnement
N°15 - DÉCEMBRE 2010 magazine
◗ DOSSIER
Biotechnologies vertes :
de nouvelles pistes
pour répondre aux défis
de l’agriculture
N
ous avons perdu l’un des nôtres.
la recherche s’organise
Xavier Leverve, directeur scientifique
Expertise et prospective pour éclairer les enjeux
de la société
« Alimentation » de l’Inra, nous a quittés,
à l’issue d’un long combat contre la maladie.
Le choc de sa disparition est d’autant plus terrible
06◗ RECHERCHES qu’il a fait montre d’une incroyable force morale,
& INNOVATIONS restant présent par ses avis précieux et ses conseils,
De l’ammoniac dans l’air nourrissant l’espoir de tous ses collègues et amis
Y aura-t-il plus ou moins de phytoplancton ? jusqu’au dernier jour.
La recherche avicole déploie ses ailes
Entré à l’Inra en 2002 comme chef du département
Le sexe des truffes en kit « Alimentation humaine » avant d’être nommé
Les climatologues en campagne directeur scientifique « Nutrition humaine
et sécurité des aliments » en 2004, puis directeur
scientifique « Alimentation » en 2009,
13◗ DOSSIER ce brillant médecin et chercheur a contribué
Biotechnologies à affirmer le positionnement de notre Institut
sur les questions alimentaires et nutritionnelles.
vertes :
Il représentait d’ailleurs l’Inra en tant
de nouvelles que directeur adjoint de l’Institut « Circulation,
pistes pour métabolisme, nutrition » au sein d’Aviesan,
répondre l’alliance nationale pour les sciences de la vie
aux défis et la santé depuis 2008, et présidait la fondation
de l’agriculture « Alimentation et santé ».
Alors que l’Inra élaborait ses orientations
scientifiques 2010 - 2020, Xavier disait que celles-ci
25◗ REPORTAGE devaient être envisagées dans une optique
Des pistes pour ménager sa monture de développement durable et de mondialisation
Passeport pour la recherche des échanges, faute de quoi les meilleures intentions
Une belle comédie aromatique scientifiques dans le domaine de l’alimentation
buteraient sur des réalités incontournables.
32◗ IMPRESSIONS Cette approche, qu’il décrivait comme un
« compromis au sens noble du terme », était portée
34◗ REGARD par un homme passionné, dont l’humanité
et la clairvoyance scientifique nous manqueront.
Alimentation, travaillons ensemble
Marion Guillou
Présidente
Directrice de la publication : Marion Guillou. Directeur éditorial : Jean-François Launay. Directeur de la rédaction : Antoine Besse. Rédactrice en chef : Pascale Mollier. Rédaction :
Géraud Chabriat, Magali Sarazin, Brigitte Cauvin, Ana Poletto, Catherine Foucaud-Scheunemann. Photothèque : Jean-Marie Bossennec, Julien Lanson, Christophe Maître. Couverture : Photo
: Christophe Maître. Maquette : Patricia Perrot. Conception initiale : Citizen Press - www.citizen-press.fr. Impression : Imprimerie CARACTERE. Imprimé sur du papier issu de forêts gérées
durablement. Dépôt légal : décembre 2010.
◗
risques, systèmes d’alerte etc.). La CONGRÈS INTERDISCIPLINAIRE - ACCAE (Adaptation
démarche pluridisciplinaire, marque au Changement Climatique de l’Agriculture et des Ecosystèmes)
20-22 octobre 2010 - Clermont-Ferrand. Table ronde 1 : Jean-François
de fabrique des métaprogrammes, se Soussana, Maryline Loquet, Vincent Gitz.
justifie pleinement sur ce thème, par
exemple pour concevoir des modèles
de transformation des systèmes de la coordination entre les program- ronnementaux sur le long terme pré-
production en combinant biologie, mes nationaux des Etats membres. sents en Europe et dans le monde ».
écologie, biophysique, agronomie, Jean-Marc Guehl (5) en souligne l’en- Enfin, à l’échelle internationale,
sciences économiques et sociales. jeu : « Au-delà de la rationalisation l’initiative FACCE établit des contacts
des efforts de recherche entre États avec différents programmes comme
Travailler à différentes membres, la dimension européenne la GRA (6), initié en 2009 par la Nou-
échelles géographiques constitue souvent la bonne échelle d’a- velle-Zélande et axé sur les effets de
Il faut pouvoir raisonner aussi bien à nalyse pour comprendre les phénomè- serre, ou le CCAFS (7), plus explici-
l’échelle régionale (et, à ce titre, amé- nes. Certaines dynamiques écologiques tement dédié aux problèmes de l’ali-
liorer la résolution spatiale des comme les flux de gènes, la migration mentation mondiale. ●
modèles d’impact du changement cli- des espèces ou la progression des bio-
matique) qu’à des échelles plus larges. agresseurs n’apparaissent bien qu’à Pascale Mollier
C’est pourquoi le métaprogramme l’échelle continentale. Les partenariats
ACCAF s’inscrit dans des niveaux de internationaux fournissent aussi une (1) Professeur d’écologie globale au Postdam Institute
for Climate Impact Research. Il coordonne le chapitre sur
coordination nationaux, européens vision prédictive intéressante. On sait les impacts du changement climatique dans le prochain
et internationaux, emboîtés à la par exemple que le climat méditerra- rapport du GIEC, à paraître en 2014. GIEC : Groupe
d’experts intergouvernemental sur le changement
manière de poupées gigognes. néen aura tendance à s’étendre vers le climatique.
A l’échelle nationale, il contribuera Nord et l’Ouest. Les études sur ce climat (2) Atelier de réflexion prospective ADAGE, conclu en
2009 (projet ANR, 150 experts pluridisciplinaires).
aux travaux d’AllEnvi (3) et de son peuvent donc nous permettre d’antici- https://www1.clermont.inra.fr/adage
groupe thématique « Changement per les futures conditions de cultures (3) AllEnvi est une Alliance nationale de recherche, qui
a pour objectif de bâtir une programmation coordonnée
global et climat ». et les capacités d’adaptation de certai- sur le thème de l’environnement au niveau national.
A l’échelle européenne, le métapro- nes zones françaises. Il est donc Abordant principalement les thèmes de l’alimentation,
de l’eau, du climat et des territoires, elle élabore des
gramme fera pleinement partie de indispensable d’intensifier nos parte- priorités qu’elle soumet au gouvernement et aux
l’initiative de programmation nariats afin notamment de valoriser agences de financement françaises et européennes.
AllEnvi associe douze acteurs de recherche : BRGM,
conjointe « FACCE » (4), qui organise tous les réseaux d’observatoires envi- CEA, Cemagref, Cirad, CNRS, CPU, Ifremer, Inra, IRD,
LCPC, Météo France et MNH.
(4) L’initiative « Agriculture, sécurité alimentaire, et
changement climatique » (en anglais JPI FACCE),
Mobiliser toutes les disciplines : les métaprogrammes animée par l’Inra et le BBSRC, réunit une vingtaine de
pays européens (+Israël et Turquie). Voir Inra magazine
n°14 rubrique « Regard ». www.faccejpi.com
Les métaprogrammes organisent une programmation pluridisciplinaire au (5) Directeur du département « Écologie des forêts,
sein de l’Inra et de ses partenaires sur une thématique donnée. Ils mobi- prairies et milieux aquatiques » de l’Inra, en charge
du métaprogramme ACCAF.
lisent plusieurs départements de l’Institut sur une longue durée (5 à 10 ans). (6) GRA : The Global Research Alliance on Agricultural
A terme, ils représenteront 30 % des forces de recherche de l’Inra. Greenhouse Gases.
Six métaprogrammes sont d’ores et déjà identifiés pour la période 2010- (7) CCAFS : Climate Change, Agriculture and Food
Security, initiative lancée en 2010 par le CGIAR
2020. (Consultative Group on International Agricultural
- Gestion intégrée de la santé des plantes Research) et l’ESSP (Earth System Science
Partnership).
- Gestion intégrée de la santé animale
- Sélection génomique
- Métagénomique des écosystèmes microbiens
- Déterminants et effets des comportements alimentaires +d’infos
Oweb :
- Adaptation de l’agriculture et de la forêt au changement climatique. www.inra.fr/la_science_et_vous/dossiers_
scientifiques/changement_climatique
Des chercheurs de l’Inra Versailles-Grignon ont mis au point ROSAA, un nouvel analyseur
automatique d’ammoniac. Ce système permet un suivi fiable des émissions de ce gaz dans
l’atmosphère. ROSAA a été testé avec succès au champ et fait actuellement l’objet d’un dépôt
de brevet. Il est promis à de nombreux débouchés, notamment pour mesurer la pollution
atmosphérique, à la fois en recherche et dans les domaines de l’environnement,
de l’agriculture et de la santé.
P lus de 98 % de l’ammoniac
atmosphérique (NH3) pro-
vient, en France, des secteurs
agricoles et sylvicoles, principalement
de l’élevage et de l’utilisation des
des impacts divers (asthme, voire effet
de serre).
Pour réduire ces émissions, il faut
d’abord pouvoir les mesurer avec pré-
cision, d’une part au laboratoire,
de ng par m2 et par s), robuste (il suf-
fit d’un entretien bi-hebdomadaire et
d’un contrôle hebdomadaire) et
pourvu d’un étalonnage automatisé.
engrais (1). d’autre part sur le terrain (au champ L’épreuve du terrain
ou en bâtiment d’élevage) pour Aujourd’hui, cet analyseur a déjà été
L’ammoniac atmosphérique mieux étudier les processus qui en utilisé pour quantifier l’ammoniac
doit être surveillé sont à l’origine. Les analyseurs exis- émis par les surfaces agricoles après
Les dépôts d’ammoniac atmosphé - tants ne répondent pas à l’ensemble apport d’engrais. Dans le cadre d’une
rique entraînent des effets négatifs de ces besoins. campagne expérimentale menée à
sur les écosystèmes naturels ou culti- Partant de ce constat, une équipe de Grignon en 2008, les pertes azotées
vés : acidification des sols et des eaux, scientifiques et de techniciens de l’Inra qui ont été mesurées après apport de
eutrophisation (2) des milieux aqua- de Versailles-Grignon (3) a développé lisier au champ représentaient 25 %
tiques, avec des conséquences sur la le système ROSAA (Robust and sen- de l’azote apporté. Ces teneurs ont
biodiversité. Extrêmement réactif, ce sitive ammonia analyser) : un analy- été comparées à celles obtenues par
gaz peut aussi se combiner à d’autres seur d’ammoniac très sensible (il d’autres systèmes et méthodes de
molécules, formant des aérosols ayant mesure des flux de quelques dizaines mesure validés. Les faibles écarts
(1) Source : Centre interprofessionnel technique d’étude de la pollution atmosphérique, 2009. +d’infos
(2) Eutrophisation : détérioration d'un écosystème aquatique par la prolifération de certains végétaux, Ocontacts :
en particulier des algues planctoniques, résultant d’un excès de nitrates, phosphates et matières organiques. Erwan Personne, erwan@grignon.inra.fr
(3) Unité mixte de recherche Environnement et grandes cultures Inra AgroParisTech. Celine Decuq, celine.decuq@grignon.inra.fr
© Inra / Olivier Fanucci
de
En 1972, les premières mesures de
réduction des apports en phosphore
sont mises en application. Cependant,
les taux n’ont commencé à diminuer
qu’à partir de 1982 pour atteindre
une baisse de 60% autour de 1989 (2).
Cette diminution de la disponibilité
du phosphore coïncide avec le ralen-
tissement de la productivité du phy-
toplancton.
La température ne fait
pas tout
ASTERIONELLA
FORMOSA, espèce
◗ « Mon travail concilie des résultats pré-
de phytoplancton cédemment obtenus dans les milieux
répandue
dans les lacs, océaniques par des équipes internatio-
dont le Léman. nales » complète Rémy Tadonléké. On
© Inra / Frédéric Rimet, CARRTEL
Tous les quatre ans, le congrès européen d’aviculture (EPC) réunit scientifiques
et professionnels de la filière. De nombreux chercheurs de l’Inra ont pris part à l’organisation
de sa dernière édition, qui a eu lieu à Tours du 23 au 27 août dernier. L’affluence record
lors de l’événement reflète l’importance grandissante de la production de volaille
au niveau mondial.
C
déjà intégrée par les agriculteurs qui
fement climatique, les ven- printemps. C’est comme si nous dispo- préfèrent des variétés à cycle de plus
danges et la floraison des sions d’une « grande ferme », sur en plus long ». Ils allongent ainsi la
arbres fruitiers sont plus laquelle nous pouvons faire des obser- durée d’exposition de la plante au
précoces. Mais qu’en est-il pour les vations ». C’est ainsi qu’en 2006, douze rayonnement, qui augmente le rem-
cultures annuelles, qui sont semées de ces unités expérimentales associent plissage du grain et favorise des ren-
chaque année ? Les scientifiques de leurs efforts pour collecter et mettre en dements supérieurs. Et la chercheuse
l’unité Agroclim de l’Inra d’Avignon forme des informations, jusque-là de conclure : « Mais le maître-mot
ont eu l’idée de collecter sur plusieurs inexploitées, sur ces cultures annuelles. pour qualifier la dernière décennie est
années les données issues des unités La base de données Phetec est élaborée « variabilité ». C’est une composante
expérimentales de l’Inra. « Chacune par Bernard Baculat, ingénieur importante du changement climatique
des unités expérimentales héberge des d’Agroclim, avec deux types de don- que l’on a tendance à oublier. » ●
expérimentations au champ, explique nées : la phénologie (levée de la plan-
Nadine Brisson, coordonnatrice du tule, floraison, maturité du grain) et Magali Sarazin
projet et agronome spécialiste des rela- les pratiques culturales (dates de
tions entre cultures et climat. Mais la semis, choix des variétés), dont elle
surface agricole restante n’est pas laissée dépend directement. Or, les pratiques (1) www.inra.fr/presse/phenoclim_une_base_de_
donnees_pour_suivre_l_impact_du_rechauffement_
en friche pour autant : elle est cultivée de dépendent elles-mêmes des condi- climatique_sur_les_arbres_fruitiers_et_la_vigne
la même manière que les terres de la tions climatiques. S’il fait plus chaud
région. Les agents de l’Inra, comme les au printemps, l’agriculteur sème plus
agriculteurs, sèment par exemple du blé tôt son maïs. Mais le climat reste-t-il,
+d’infos
Ocontact :
et du colza l’hiver, et du maïs, du tour- aujourd’hui encore, le critère de déci- nadine.brisson@avignon.inra.fr
L
es cultures sont précieuses. Elles sont tributaires
des sols, du climat, des maladies et des ravageurs.
Et ce d’autant plus que le changement climatique
en cours laisse augurer l’accentuation du déficit en eau
dans les zones sensibles, de l’érosion des sols et des épisodes
climatiques extrêmes. Les biotechnologies vertes
ont contribué au fil de leurs progrès à développer
l’agriculture, en améliorant les espèces cultivées.
En constante évolution, elles offrent aujourd’hui de nouvelles
possibilités pour aborder des caractères agronomiques
complexes comme la tolérance à la sécheresse, au froid,
ou une moindre consommation d’azote, autant de caractères majeurs
pour s’adapter aux futures conditions et contraintes imposées
aux productions végétales.
© William Beaucardet
© William Beaucardet
out d’abord, les biotechno- de terre, arbres fruitiers, fleurs), ou queurs, transgenèse, etc.), elles sont
O FRANÇOIS HOULLIER Directeur général délégué pour la science à l’Inra, situe le rôle de la recherche
dans le développement des biotechnologies.
Bien en amont des applications biotechno- dans les années 1990, un mécanisme très travaux fondamentaux, les chercheurs ont
logiques, les chercheurs étudient des mé- général du vivant, le rôle crucial des petits ainsi fait une découverte qui pourra avoir des
canismes biologiques et développent pour ARN dans la régulation de l’expression des répercussions majeures en sélection et qui
ce faire des techniques d’étude du vivant. gènes. Deuxième exemple, la connaissance fait l’objet d’un des plus récents brevets de
A l’Inra, certaines de ces recherches ont des génomes est un enjeu en soi, dont les l'Inra. En moyenne, nous prenons ainsi cinq
d’emblée un objectif finalisé. C’est le cas en prolongements sont parfois inattendus. Des à six brevets par an dans le domaine végé-
amélioration des plantes, où les recherches consortiums mondiaux se sont mis en place tal et une vingtaine de Certificats d’obten-
se focalisent sur des caractères agrono- pour séquencer le génome des espèces tion végétale. Ces innovations ne seront
miques particuliers (résistance à des mala - modèles ou cultivées. Sur la base de ces développées que si elles correspondent aux
dies ou à la sécheresse, élaboration du ren- séquences, des approches de paléogéno- attentes des professionnels et de la société.
dement, qualité des produits) dont certains mique éclairent l'évolution des espèces, elles Finalement, le rôle de la recherche dans l’in-
sont intrinsèquement complexes. De très contribuent aussi à mieux comprendre l'ori- novation consiste à ouvrir et explorer des pis-
nombreuses recherches ont aussi pour gine de certains traits agronomiques es- tes, à en vérifier la faisabilité, et à en exami-
vocation première de faire progresser les sentiels. Troisième exemple, les recherches ner les éventuels effets non attendus. A l’Inra,
connaissances. Leur intérêt peut sembler menées à Versailles sur un mécanisme bio- nous essayons de le faire avec discernement
moins immédiat, mais il est bien réel. Pre- logique de base, la méiose (2), illustrent en considérant les innovations dans leur glo-
mier exemple, c’est en étudiant des plantes comment des approches cognitives peuvent balité et en travaillant en étroit contact avec
transgéniques que l’on a mis en évidence, déboucher sur une innovation. A partir de les partenaires professionnels (3).
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tent mal par indifférenciées qui
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pomme de terre
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donnent naissance
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graines. De même,
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la quasi-totalité des aux organes, sont
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framboisiers cultivés en sine. Ici proto- indemnes de virus. Ici,
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France proviennent de la mul- plastes de
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culture de méristème chez la
tiplication in vitro. feuilles de laitue plante grasse Kalan-
choé.
GÉNOME
ADN • Séquençage et bio-
informatique :
identifier de nouveaux gènes,
trouver des similitudes
avec des gènes connus
• Clonage à l’aide Protéine
de marqueurs liés
ARN
au gène : isoler le gène
• Mutagenèse et conséquences
sur l’aspect de la plante : identifier le gène PROTÉOME, MÉTABOLOME
et la fonction touchée TRANSCRIPTOME
• Transgenèse : vérifier la fonction d’un gène isolé Analyser l’expression • Connaître et localiser les protéines
des gènes dans les tissus • Comprendre leurs interactions avec
les autres composantes du métabolisme
O ETIENNE HAINZELIN Conseiller du PDG du Cirad, commente les bénéfices des biotechnologies
pour l’agriculture
Etendre à grande échelle des variétés « high Et pour faire cela, on projette d’utiliser pré- cherche plutôt à réduire les effets négatifs,
tech » peut restreindre la base génétique cisément les nouvelles technologies qui se jusqu’à des régions d’Afrique où la sim-
des cultures et induire une certaine fragi- développent, la génétique d’association par ple application de fertilisant fait bondir les
lité. Il y a aussi le risque de prise de mono- exemple (4). Celle-ci permettrait d’avoir rendements.
pole par les grandes firmes qui vendent très rapidement, et avec de gros débits, On peut aussi viser la sélection de com-
ces variétés. Cependant, sans pécher par une idée globale de la valeur génétique binaisons d’espèces plutôt que d’espèces
excès d’optimisme, je dirais qu’on voit les d’une variété et de prédire sa capacité isolées, par exemple dans l’agroforesterie
prémices d’une inversion de tendance : d’adaptation à un milieu donné. Ainsi, on tropicale. On s’intéresse alors aux inter -
le concept même de sélection commence pourra tester de nombreux génotypes issus actions entre espèces, pour optimiser
à changer. Au lieu de modeler le milieu de la biodiversité naturelle. D’où l’impor- l’accès aux ressources, par exemple ce qui
en tentant de supprimer les facteurs limi- tance de conserver la richesse génétique… se passe sous terre dans les échanges
tants (par l’irrigation, la fumure ou les pesti - A contre-courant d’une idée commune, les racinaires et les immenses réseaux myco-
cides), et d’employer des variétés très pro- biotechnologies donnent donc les moyens rhiziens qui se tissent entre les différents
ductives mais parfois fragiles, la nouvelle de diversifier les variétés et les systèmes végétaux. Grâce aux progrès des connais-
démarche consiste à diminuer l’artificiali- de culture. Elles permettent de s’adapter sances, on évolue vers une démarche de
sation des terres et à rechercher des à des situations contrastées, depuis des plus en plus intégrée, prenant en compte
variétés adaptées aux contraintes qu’elles régions comme la France où les rende- la complexité des milieux et les interactions
imposent (sécheresse, pathogènes, etc.). ments sont proches de l’optimum et où l’on entre ses composantes.
O INTERVIEW
et réaliser l’hybridation chaque fois. méiose, en utilisant des mutants pour
Ce qui est parfois compliqué et identifier les gènes impliqués. Nous
coûteux, surtout chez les espèces auto- avons repéré le premier mutant (osd1)
games pour lesquelles il faut empê- et fait des hypothèses sur son fonc-
cher l’autofécondation (castration du tionnement. Puis, nous avons réalisé le
maïs, utilisation de la stérilité mâle croisement avec le double mutant
cytoplasmique pour le colza). Un (spo11/rec8) pour vérifier ce que l’on
© Pierre Maraval
hybride qui se multiplie tout seul per- pensait avoir compris des mécanis-
mettrait de lever toutes ces barrières. mes. L’idée de chercher à mimer
De nombreux hybrides adaptés à tou- l’apomixie n’est venue qu’après.
Raphaël Mercier tes sortes de milieux pourraient être
produits plus rapidement et plus Comment valorisez-vous
Quelle est la portée économiquement. L’apomixie est sou- ces résultats ?
de vos résultats ? vent présentée comme une technolo- R. M. : Outre, bien sûr, les publica-
Raphaël Mercier : Lorsque nous gie de choix pour les pays en tions scientifiques, nous avons pris
serons arrivés à la fin du processus, c'est- développement. un brevet sur le mutant Mime, car
à-dire lorsque nous serons capables c’est un domaine très concurrentiel.
d’avoir une plante apomictique, qui se Où en êtes-vous Beaucoup d’équipes essaient de trans-
multiplie par graine en restant identique actuellement ? férer l’apomixie naturelle de certai-
à elle-même, nous pourrons nous atten- R. M. : Nous avons obtenu, en com- nes plantes sauvages vers des plantes
dre à une véritable révolution dans le binant plusieurs mutations, une cultivées, sans succès pour l’instant.
monde de la sélection végétale, car cela plante qui produit des pollens et des On ne connaît pas les gènes impli-
modifie le mode de reproduction des ovules identiques à elle-même. Il faut qués dans cette apomixie naturelle.
plantes. Dès la sortie de notre première maintenant arriver à développer un Le fait que ce soit l’Inra, institut public
publication, nous avons été contactés embryon à partir de ces pollens ou à but non lucratif, qui brevète le sys-
par des sélectionneurs, principalement de ces ovules. Il est très difficile tème, est plutôt une garantie qu’il res-
étrangers. Un des principaux enjeux d’estimer à quelle échéance nous y tera accessible à une diversité de
serait la reproduction des hybrides (1). parviendrons. Déjà, nous ne pensions partenaires, y compris aux « petits »
Malgré leurs performances agrono- pas atteindre si vite la première étape ! sélectionneurs.
miques, les hybrides présentent un Nous essayons aussi de reproduire ces
inconvénient majeur, pour l’agriculteur, résultats chez des espèces de grandes
du fait qu’il doit racheter les semences cultures. Cela semble fonctionner sur
(1) Les hybrides dits de première génération (F1) sont
chaque année. Il ne peut pas ressemer le riz. Nous avons bon espoir pour issus d’un croisement entre des parents assez éloignés
les graines qu’il récolte, car si les hybrides d’autres plantes cultivées, car il se génétiquement : les deux chromosomes de chaque
paire, dont l’un est d’origine maternelle et l’autre d’origine
se croisent entre eux, du fait du brassage trouve que les gènes impliqués sont paternelle, possèdent donc des gènes différents.
génétique, on ne reproduit pas le même des gènes conservés entre les espèces. Il est démontré depuis de nombreuses années que les
hybrides possèdent des propriétés particulières connues
hybride mais on obtient une descen- sous le nom de « vigueur hybride ». Les plantes cultivées
dance hétérogène qui perdra les pro- Comment en êtes-vous pour lesquelles on développe des hybrides sont de plus
en plus nombreuses : maïs, colza, tournesol, carotte,
priétés initiales au fil des générations. Le arrivés à cette découverte ? choux, courgette, tomate, melon etc. La forte productivité
des hybrides renouvelle leur intérêt dans un contexte
sélectionneur, quant à lui, doit conserver R. M. : Au départ, nous cherchions à mondial d’augmentation de la demande alimentaire
des stocks de graines des deux parents décortiquer le mécanisme de la et non alimentaire.
Mutants en pagaille
En résolvant le problème de la détec-
© Inra
A
DE TOMATES
MUTANTES en plus rapide des génomes,
de Bordeaux
Cette technique, dite de génétique provoque des mutations ponctuelles
permet d’utiliser l’étude de la fonction de ces inverse, prend le contre-pied de la affectant le plus souvent une seule
le Tilling pour milliers de gènes identifiés démarche habituelle. En effet, classi- paire de nucléotides par gène. Ces
étudier la
biologie du fruit. constitue en effet un enjeu majeur quement, on s’intéresse à une fonc- modifications subtiles permettent d’ac-
pour la décennie à venir. Pour les cher- tion donnée sans rien connaître des céder aux fonctions essentielles de la
cheurs, il s’agit de comprendre le fonc- gènes impliqués. On recherche donc plante en les perturbant sans les anni-
tionnement biologique de la plante au les phénotypes mutants pour lesquels hiler complètement. Autre avantage,
niveau moléculaire. Pour les sélec- cette fonction est perturbée, puis on la mutagenèse chimique introduit plu-
tionneurs, l’enjeu est de trouver des remonte au(x) gène(s). Dans le Tilling, sieurs mutations dans le génome et
voies d’améliorations pour construire au contraire, on part d’un gène de permet donc d’obtenir facilement, et
des variétés innovantes. Une approche séquence connue dont on soupçonne pour toutes les espèces, des collections
classique pour étudier la fonction d’un la fonction puis on recherche les « saturées » dans lesquelles tous les
gène est de le perturber par une muta- mutants correspondants. On observe gènes sont potentiellement mutés une
tion et d’en étudier les conséquences. ensuite leurs phénotypes pour véri- fois et donc analysables. Avec une
Les méthodes actuelles reposent sur fier l’hypothèse de départ. population de plusieurs milliers de
l’introduction aléatoire de mutations Stimulée par le séquençage du génome plantes, il devient même possible d’ob-
dans le génome d’un grand nombre de nombreuses espèces, cette approche tenir une série allèlique, c'est-à-dire
de plantes. Tout le problème consiste connaît actuellement un fort déve- un éventail de mutations différentes
ensuite à repérer rapidement quels loppement. Les chercheurs de l’URGV pour un même gène. Les effets plus
endroits ont été touchés afin de savoir ont joué un rôle important dans ce ou moins marqués éventuellement
si c’est le cas du gène que l’on désire succès. Abdelhafid Bendahmane, observés peuvent alors donner des élé-
analyser. La technique du Tilling (1) responsable de l’équipe « génomique ments de compréhension supplémen-
permet de repérer rapidement une des plantes cultivées », et ses collègues taires. Pour Abdelhafid Bendhamane
mutation dans un gène donné parmi ont été les premiers à utiliser le Tilling « Toute l’efficacité et l’élégance de la
une population de milliers d’indivi- sur des espèces à grand génome méthode réside dans la conception d’une
dus ayant subi une mutagenèse comme le pois, le colza, la tomate ou le collection performante qui équilibre une
chimique. Une prouesse rendue pos- melon. La technique avait été initiale- forte densité de mutations avec un taux
sible par la capacité qu’ont certaines ment conçue aux Etats-Unis pour des de survie élevé des plantes. Une fois ce
enzymes de couper spécifiquement espèces modèles aux génomes plus travail effectué, nous ne manipulons
l’ADN au niveau d’un changement de petits comme la drosophile ou Arabi- plus que de l’ADN en routine ce qui
base nucléotidique. Une fois la muta- dopsis thaliana. Autre apport majeur, permet de travailler de manière auto-
tion isolée, les chercheurs peuvent ils ont réussi à sélectionner et caracté- matisée donc à haut débit ». La muta-
alors étudier le phénotype de la plante riser chez A. thaliana une nouvelle genèse peut aussi faire apparaître des
qui la porte et déterminer ainsi la fonc- enzyme, baptisée ENDO 1, plus facile allèles ayant des caractères agrono-
tion du gène correspondant. à obtenir en grande quantité. Cette miques intéressants. « La variabilité
◗ LA PLATEFORME
DE PHÉNOTYPAGE
de Montpellier permet de tester
la sensibilité à la sécheresse
de milliers d’individus
de génotypes différents
(ici du maïs).
« Aux Etats-Unis, les OGM n’existent alternatives. Les chercheurs ont donc quetage, de liberté de choix et de droit
pas » s’exclame Pierre-Benoît Joly « ou disséqué le principal mécanisme de à l’information ont pu émerger. Aux
du moins ils n’ont pas d’existence légale » formation de l’opinion publique : la Etats-Unis, en vertu du principe
précise-t-il. C’est l’une des raisons lutte que se livrent les acteurs de la « d’équivalence en substance », il n’y a
mises en lumière par le sociologue, controverse pour définir les différentes pas eu initialement de législation spéci-
directeur de l’IFRIS (1), pour expli- dimensions du débat. fique aux OGM. Ils n’existaient donc
quer le fait que les OGM ne posent Il en ressort que les arguments des pas officiellement en tant que catégo-
pas problème dans ce pays malgré leur opposants aux OGM sont très simi- rie, ce qui réduit leur visibilité. Autre
usage massif alors que c’est le cas en laires des deux côtés de l’Atlantique : la différence qui influe sur la perception
France où leur utilisation est réduite. question de l’étiquetage des aliments de l’utilité des cultures transgéniques :
Pour élucider ce paradoxe, les cher- transgéniques, le débat sur le lien entre le statut de l’agriculture. Alors qu’en
cheurs ont réalisé une analyse compa- choix d’une technique et choix d’un Europe le modèle d’une agriculture
rée de la construction des OGM système économique, la controverse intensive et exportatrice, auquel les
comme problème public en France et sur le cadre d’évaluation des risques. En OGM sont associés, est fortement
aux Etats-Unis (2). France, les arguments des opposants remis en cause, il est toujours connoté
L’argument le plus souvent avancé s’appuient sur des événements très positivement aux Etats-Unis. Enfin, le
pour expliquer ce phénomène est que médiatisés (importation de soja trans- rapport à l’analyse des risques joue un
les aliments transgéniques sont plus génique, affaire du « Terminator » rôle important dans ceux que l’on peut
facilement acceptés aux Etats-Unis en Monsanto, destruction d’essais en attribuer aux OGM. Les crises ali-
raison de perceptions différentes des champs d’OGM...) pour élargir mentaires comme celle de la vache folle
risques, de l’alimentation et de la l’audience du débat et en définir les ont influencé la réforme de l’expertise
nature. Or, de nombreuses études sur différentes dimensions. Ce phénomène scientifique en France et en Europe.
les attitudes personnelles viennent n’a pas eu lieu aux Etats-Unis, la Celle-ci a évolué vers des cadres
infirmer cet argument. Elles démont- controverse ne s’est donc pas trans- d’analyse plus larges et construits avec
rent en effet, qu’en 2001, seuls 33% de formée en problème public. des acteurs venant d’horizons multi-
la population étaient conscients de Les chercheurs attribuent cette trajec- ples. Aux Etats-Unis, la prise en compte
l’existence d’aliments transgéniques toire divergente à trois facteurs. En pre- des incertitudes ne joue pas dans le
en supermarché. Une étude de la mier lieu, les choix réglementaires même sens. La nécessité de faits scien-
« Food and Drug Administration » effectués à la fin des années 80. En tifiques avérés comme préalable à toute
montre que l’annonce de la présence Europe, la réglementation a été fon- décision politique y fait toujours foi.
d’OGM dans l’alimentation entraîne dée sur le procédé de fabrication, (1) Institut Francilien Recherche Innovation Société.
des réactions négatives similaires à installant de facto une différence de (2) Joly P.-B., Marris C. Les Américains ont-ils accepté les
OGM ? Analyse comparée de la construction des OGM
celles que l’on retrouve en Europe. Il nature entre aliments transgéniques comme problème public en France et aux Etats-Unis.
fallait donc explorer des hypothèses ou non. Dès lors, les questions d’éti- Cahiers d’économie et sociologie rurales, n° 67, 2003.
es nouvelles biotechnologies public et du privé et atteindre une Le nouveau GIS associera aussi les
Prendre en compte
les critères de toute la filière
rance à la sécheresse, aux hautes et modèle de l’espèce Arabidopsis. En Cet élargissement du partenariat cor-
basses températures, meilleure utili- 2011, l’Inra élargit encore son parte- respond à la nécessité d’avoir une
sation de l’azote pour économiser les nariat à travers un nouveau GIS, vision plus intégrée de l’amélioration
engrais, donc l’énergie. Mais l’effort appelé « Biotechnologies vertes », qui des plantes. En effet, améliorer un
de recherche est considérable et succède à Génoplante. Sont invités caractère isolément, aussi important
requiert un investissement important autour de la table des acteurs de toute soit-il, n’est souvent pas suffisant.
en moyens humains et en infrastruc- la filière des productions végétales, Pour prendre un cas d’école, un blé
tures à haut débit. Il y a dix ans, l’Inra de l’amont à l’aval : entreprises de panifiable pourra être cultivé dans
a créé Génoplante, un groupement biotechnologies, semenciers, coopé- un système à bas intrants s’il possède
d’intérêt scientifique (GIS), pour ratives de collecte et de première des résistances aux pathogènes, mais
conjuguer les forces de recherche du transformation, groupes industriels. aussi s’il est suffisamment productif, 2
Des pistes
pour ménager sa monture
our un cheval de course de rapport aux pistes « souples ». Le lien est l’une des rares équipes mondiales
Souples ou dures ?
Ces essais sont l’occasion d’étudier
de nouveaux appareils pour évaluer
la dureté des pistes. Labosport,
partenaire de Séquisol, teste ici un
appareil sur les mêmes pistes qui
servent aux enregistrements
des passages au galop. Il s’agit alors
de trouver la meilleure concordance
entre les variables biomécaniques
mesurées sur le cheval et les mesures
prises par la machine
au même endroit.
Séquisol, projet labellisé par le Pôle de Compétitivité « filière équine », associe deux entreprises partenaires Labosport (spécialisé dans la certification
des sols sportifs) et Normandie Drainage (fabricant de sols équestres). Il bénéficie de crédits du Fond Unique Interministériel, de la Région Basse-Normandie,
des Haras Nationaux, du FEDER.
Remerciements à France-Galop pour son accueil lors d’une journée d’essais sur ses pistes d’entraînement à Chantilly.
La science serait soporifique ? En tout cas, pas quand les comédiens, s’inspirant
des chercheurs de l’Inra, jouent leur pièce « Les clowns parlent du nez »… Ce suspense olfactif
a vu le jour grâce à l’accueil de trois comédiens dans l’unité Neurobiologie de l’olfaction
et modélisation en imagerie (NOeMI) de l’Inra à Jouy-en-Josas.
ous les projecteurs, trois Baly, Marie-Christine Lacroix, Patrick mortels. On compte 100 000 chercheurs
S « scientaisistes » sont
confrontés à une odeur de
banane persistante. Qui a
bien pu l’écraser ? Avec quel mobile ?
Tandis que ses effluves rappellent au
Mac Leod, Edith Pajot, Roland Salesse
ou Didier Trottier - qui ont accueilli
les comédiens dans leur unité.
Pour Roland Salesse, les motivations
étaient simples : « on entend trop sou-
pour 60 millions de Français, impossi-
ble d’imaginer que les premiers pour-
ront s’adresser à chacun d’entre nous !
Les médiateurs, qui regroupent non
seulement ceux qui ont pour métier la
personnage de la commissaire son vent « à quoi sert la recherche ? ». Le médiation scientifique mais aussi les
premier amour, il apparaît vite que théâtre est un moyen de faire com- enseignants, les journalistes et les artis-
la complexité de son odeur rend fou prendre à tous la nécessité de la science tes, permettent de démultiplier les mes-
l’expert scientifique, qui voudrait la en général et de susciter l’intérêt pour la sages scientifiques. »
voir réduite à une seule molécule. neurobiologie olfactive en particulier. L’histoire commence en 2009 lorsque
Toute ressemblance avec des person- Et si le public est déjà initié à la science, Roland Salesse, alors directeur de
nes ou des situations existantes ne il la considèrera sous un angle diffé- l'unité de Neurobiologie de l'olfac-
saurait être que fortuite… Après qua- rent, moins figé que dans les livres. » tion et de la prise alimentaire
rante minutes de jeux de scène, le Le chercheur entend par ailleurs (NOPA (1)) et Edith Pajot, directrice
public a tout loisir d’en savoir plus « privilégier les médiateurs, qui sont de l’unité NOeMI qui a succédé à
sur la reconnaissance des odeurs en des professionnels de la vulgarisation, à NOPA en janvier 2010, sont contactés
questionnant les véritables scienti- la différence des chercheurs, dont le lan- par Anne Rougée, animatrice de la
fiques présents dans la salle - Christine gage reste étranger au commun des compagnie « Les Passeurs d’Ondes ».
◗
la finalisation de leur pièce théâtrale. cains récompensés en 2004 par un prix rantes et les fameux récepteurs olfac- MANIPULATIONS
Nobel, on sait que 350 à 400 gènes tifs, pas encore tous identifiés et dont avec Roland Salesse
à l'unité Inra NOeMI.
Poire, banane et acétate codent pour les protéines-réceptrices certains pourraient être utilisés par
d'isoamyle situées sur les neurones olfactifs qui l’unité NOeMI pour concevoir un dia-
Premier temps pour les comédiens, tapissent notre nez. Ce sont elles qui gnostic olfactif de certains cancers.
s’approprier les connaissances scien- détectent toutes les molécules odoran- Cette aventure renoue avec une tra-
tifiques acquises au cours des vingt tes, même si les humains ne distinguent dition d’ouverture de l’Inra aux arts.
dernières années par les neurobiolo- que 10 000 odeurs. Or, d’un individu à Ainsi, dans les années 90, les connais-
gistes. « Nous avons enchaîné confé- l’autre, ces gènes diffèrent. De plus, cha- sances du végétal, des biotechnologies
rences, colloques, visites au laboratoire et cun associe une odeur à une expérience animales, de l’entomologie et même de
tests olfactifs, retrace Denis Falfoyo, émotionnelle. Bref, chacun de nous vit la génétique, ont influencé tour à tour
l’un des trois comédiens. Deuxième dans un monde olfactif qui lui est pro- sculpteurs, photographes, dessinateurs
temps, être certain d’avoir tous compris pre. C’est l’un des messages que nous ou musiciens. Ce spectacle a, quant à
la même chose. Très vite, des chiffres et avons voulu transmettre. » Dernière lui, un prolongement pédagogique
des faits ont frappé notre imaginaire : étape, transformer les concepts scien- inédit : il sera représenté en janvier au
des millions d’odeurs existent, résultant tifiques en langage scénique. « Un vrai centre Inra de Jouy-en-Josas dans le
de la combinaison de centaines de casse-tête ! » témoigne Eliane Le Van cadre d’une formation intitulée
milliers de molécules odorantes volatiles. Kiem, metteur en scène. « La créativité « Science, théâtre et médiation » des-
L’odeur de la banane et celle de la poire des artistes, beaucoup plus débridée que tinée aux enseignants du secondaire
sont par exemple constituées de molé- celle des chercheurs, les a conduits à des des académies d’Ile-de-France. Les
cules dont certaines sont communes, trouvailles très visuelles » note Christine chercheurs y témoigneront des condi-
comme l'acétate d'isoamyle. Pourtant Baly, qui s’empare aussitôt d’immen- tions dans lesquelles la résidence théâ-
elles exhalent des parfums complète- ses clés et serrures bleues que les trale s'est effectuée et interviendront
ment distincts. Grâce à Linda Buck et clowns trimballent dans leur valise. pour partager leurs connaissances
Richard Axel, deux généticiens améri- Elles représentent les molécules odo- scientifiques. « Les artistes inspirent
aussi les chercheurs » avoue finalement
Roland Salesse, qui participera à un
projet de recherche sur la création
olfactive contemporaine (3). ●
Magali Sarazin
+d’infos
© Inra / Bertrand Nicolas
Ocontacts :
Coordinatrice des actions de formation :
Catherine Foucaud-Scheunemann,
catherine.foucaud@versailles.inra.fr
Directrice de la compagnie Les Passeurs d’Ondes :
Anne Rougée, anne.rougee@lespasseursdondes.com,
◗
www.lespasseursdondes.com
CHRISTINE BALY dissuade les clowns de mettre les clés dans leur nez. Directrice de l’unité NOeMI : Edith Pajot, edith.pajot@jouy.inra.fr
OCAHIERS AGRICULTURES
EDITIONS JOHN LIBBEY EUROTEXT
oup de projecteur sur la revue scientifique « Cahiers d’études et de recherches
C francophones-Agricultures », revue scientifique soutenue entre autres par l’Inra,
le Cirad, l’IRD (6 numéros par an depuis 1992). A noter les articles du dernier numéro
(5-2010) « Transformations des systèmes d’élevage et du travail des éleveurs » ;
et le numéro spécial de mars 2010 « Le commerce équitable en questions ».
Articles en ligne : www.cahiersagricultures.fr ou revue papier sur abonnement
A
lors que le Conseil National
de l’Alimentation (CNA) fête
ses 25 ans, son secrétaire
interministériel, Alain Blogowski,
nous parle de cette instance consultative
et de ses liens avec l’Inra.
20/24 février
PARIS
8/10 mars
LILLE
11/15 avril
EDIMBOURG
18/21 avril
AVIGNON
L'objectif du colloque est de faire le point et de tracer des perspectives pour favoriser l’intégration
de considérations environnementales dans les politiques publiques sectorielles agricoles et territoriales.
Il se veut un moment de partage entre chercheurs et praticiens (organisations professionnelles
agricoles, parcs naturels, conservatoires, collectivités locales…), avec une grande diversité de points
de vue : depuis des expériences innovantes d'associations ou de collectivités locales, jusqu'aux
résultats de recherche sur les effets des pratiques agricoles sur l'environnement.
Unité d'Ecodéveloppement
Partenaires : MAAP, MEEDDM, Région PACA, ACTA, Parcs nationaux de France, Parcs naturels régionaux de France,
Département SAD Les Conservatoires d'espaces naturels, CDC Biodiversité, Association de science régionale de langue française,
Centre de recherche PACA Chambres d'agriculture, CIVAM, Eccorev