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dominique wolton

LES MÉDIAS, MAILLON FAIBLE DE LA


COMMUNICATION POLITIQUE

La communication politique a pris une place considérable en un demi-siècle avec


l'introduction des médias de masse puis avec celle des sondages, contraignant les hommes
politiques à modifier leurs relations avec la presse et à mieux prendre en compte les réactions, et
aspirations, de l'opinion publique.
Aujourd'hui, il n'y a plus de politique sans médias ni sondage, au point que certains, un
peu rapidement, en ont conclu que la politique se réduisait à la communication.
Si la politique ne se réduit pas à la communication1, son exercice en est cependant
sensiblement modifié, les sondages accentuant les changement déjà introduits par la radio et
surtout par la télévision dans le sens d'une plus grande visibilité de la politique.
On est ainsi passé d'un jeu à deux (hommes politiques — médias) à un jeu à trois
(hommes politiques — médias — sondages) et une des questions les plus intéressantes concerne
les conséquences de cet élargissement sur les relations entre ces trois acteurs et sur leurs rôles
respectifs dans la communication politique.
Face à ce changement de fait, le raisonnement le plus classique consiste à voir dans les
médias et les sondages le contrepoids indispensable à l'action des hommes politiques, qui
réciproquement trouvent dans l'information et les réactions de l'opinion publique les éléments
nécessaires à leur réflexion. Une sorte de complémentarité naturelle s'établirait ainsi entre les
trois : l'action aux hommes politiques, l'information aux médias et la connaissance de l'état de

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l'opinion aux sondages. Chacune des trois composantes de la politique moderne ne pouvant
exister sans l'autre et constituant en quelque sorte son contrepoids mutuel.
Ce consensus sur la complémentarité entre les trois principales rationalités de la
communication politique est récent et constitue le point de rencontre de deux processus de
nature différente. D'une part, il est la solution au problème qui a hanté la fin du 19e siècle et la
première moitié du 20 e siècle: A quelle condition peut-il y avoir une démocratie dans une
société de masse, l'histoire tragique du XXe siècle montrant souvent leur irréductibilité. D'autre
part, il est l'aboutissement du projet démocratique, inauguré par la révolution du 18e siècle: un
jeu politique tempéré par la presse libre et par l'expression de l'opinion publique.
La force de ce consensus vient probablement de ce qu'il est le point de rencontre entre
une logique fonctionnelle : comment « gérer » la société de masse, et d'une logique normative :
comment adapter le modèle de la démocratie, inventé dans une société inégalitaire, à une société
de masse égalitaire. C'est pourquoi les médias et les sondages ont été finalement acceptés, tout
simplement parce qu'ils permettaient l'adaptation du modèle démocratique à la société de
masse2. La communication venait ainsi au secours de la démocratie ou plutôt lui permettait de
se transformer en démocratie de masse. Mais cette place plus grande prise par la communication
dans le fonctionnement de la démocratie s'est souvent accompagnée d'un discours critique
dénonçant la politique spectacle ou la domination de la communication sur la politique.
Ce texte vise, au contraire, à montrer que l'émergence de la communication dans la
communication politique traduit en réalité la reconnaissance d'une logique conflictuelle. Les
trois logiques constitutives de la communication politique (l'information, la politique, la
communication) ne sont pas complémentaires, mais au contraire conflictuelles et c'est leur
interaction qui structure la communication politique considérée non pas comme un espace de
« communication », mais comme le lieu d'affrontement de logiques contradictoires.
La reconnaissance de cette absence de complémentarité ne conduit pas à invalider le
modèle démocratique, comme le pensent certains esprits critiques qui, en soulignant les écarts,
voire les contradictions entre la politique, l'information et l'opinion publique, concluent à
l'impossibilité d'un jeu démocratique authentique3. Notre hypothèse est inverse: le décalage
entre ces trois approches est une nécessité structurelle au fonctionnement de la communication
politique et à son rôle dans le jeu démocratique. Maintenir l'hétérogénéité entre ces trois
rationalités est d'autant plus nécessaire que dans la vie politique elles sont proches les unes des
autres. C'est dans les décalages de cette communication « ratée » que réside la communication
politique.
L'objet de ce texte est donc de montrer que l'affrontement politique se fait aujourd'hui
sur un monde communicationnel, et que le triomphe apparent de la communication sur la
politique, est en réalité à interpréter autrement, comme la condition pour que la politique,
comme l'affrontement, existe à l'échelle d'une démocratie de masse.
Ce changement a trois conséquences. La première concerne la politique qui dans la
démocratie de masse est inséparable des médias et des sondages qui sont les seuls moyens pour

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assurer une certaine « communication » entre les hommes politiques et l'électorat. La seconde
concerne le rôle respectif des sondages et des médias dans la communication. Leur rôle jusqu'à
présent complémentaire, va en réalité se différencier de plus en plus, les médias se comprenant
davantage dans une logique de l'information et les sondages dans une logique de la communica-
tion ; information et communication renvoyant progressivement à deux légitimités assez
distinctes. La troisième concerne le statut de l'opinion publique. Si celle-ci demeure la référence
des médias, comme des sondages et des hommes politiques, c'est cependant dans un sens
progressivement différent pour les uns et pour les autres. La place plus grande qu'elle occupe ne
s'accompagne pas du renforcement d'une de ses significations, mais au contraire du maintien
des différents sens qu'elle a toujours eu.
C'est ainsi qu'au moment où, pour la première fois, la publicité et la communication
jouent un rôle essentiel, donnant le sentiment de rapprocher les points de vue, que les décalages
entre les différentes logiques de l'espace politique apparaissent, au contraire, encore plus
nécessaires. La communication politique n'est donc pas le triomphe de la forme sur le fond, de
la communication sur la politique, mais la mise en lumière de tout ce qui sépare les frères
ennemis de la politique démocratique.
Cette transformation de la communication politique conduit non seulement à montrer
l'importance de l'interaction entre les trois logiques, mais aussi à montrer la distinction de plus
en plus nette entre le rôle des médias et celui des sondages. Ce sont les médias qui dans ce jeu à
trois occupent une place particulière mais finalement difficile. Ils sont apparemment dominants,
puisqu'ils assurent au sens strict la « communication » dans la communication politique, mais
en même temps leur légitimité est plus fragile que celle des sondages ou des hommes politiques
liées toutes les deux à un principe de représentativité. Dans le heurt des légitimités constitutives
de la communication politique, ce sont les médias qui sont donc dans une situation délicate.
C'est l'examen de cet aspect, spécifique, mais déterminant pour le fonctionnement général de la
communication politique, auquel est consacré ce texte.
Pourquoi les médias occupent-ils à la fois cette place particulièrement stratégique mais
finalement si fragile?

1. Médias, sondages, hommes politiques: dialogues de sourds


et concurrences
Nous avons vu au chapitre 1, les trois facteurs qui selon nous expliquent le caractère
antagonique des relations entre les trois principaux partenaires de la communication politique.
Il s'agit de la légitimité de leur discours, du rapport qu'ils entretiennent à la réalité politique, et
de leur conception de la communication. Ces données structurelles ont des conséquences
pratiques sur la manières dont les médias se situent par rapport aux hommes politiques et aux

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sondages. La position des médias à l'égard des deux autres acteurs est variable selon les
contextes et explique qu'en dépit des apparences, c'est plutôt le dialogue de sourds et la
concurrence qui anime ces relations que la coopération. Il en ressort à chaque fois une
structuration différente de la communication politique.

I — Les médias à mi-distance des hommes politiques et de l'opinion publique

Pendant un demi-siècle, les médias se sont adressés à l'opinion publique, qui est à la fois le
destinataire de leur travail et une légitimation de leur existence4. Le développement des
sondages n'a fait que renforcer cette relation, les journalistes trouvant auprès de ceux-ci,
notamment en période électorale, les ressources nécessaires pour obliger les hommes politiques
à s'éloigner un peu de la langue de bois.
Cette relation est aujourd'hui encore plus naturelle puisque les médias — on l'a vu — sont
les principaux clients des instituts de sondages. Mais rien ne dit que cette alliance restera aussi
forte car les conditions structurelles du jeu de la communication politique sont en train de
changer: l'élargissement du domaine politique, sa visibilité accrue et la connaissance des
préoccupations et des réactions de l'opinion publique changent les relations entre les trois
partenaires. On découvre progressivement que l'opinion publique n'est pas toujours du côté de
l'ouverture et du mouvement et que les manifestations de son conformisme déjà craintes par les
libéraux du 19e siècle (Tocqueville, B. Constant) et même certains auteurs du 20e siècle
(H. Arendt...) peuvent susciter des blocages et de l'hostilité dont les médias risquent d'être la
victime, notamment en période d'instabilité économique ou sociale.
On retrouve ainsi ce qui fait partie intégrante de l'histoire de la presse mais que celle-ci a
oublié un peu : les situations dans lesquelles hommes politiques et opinion publique se lient
pour dénoncer les méfaits et les menaces que la presse fait peser sur « l'unité nationale », « la
confiance du peuple»... Ces phénomènes ont existé lors des guerres coloniales et plus
récemment dans le cadre du terrorisme international.
Rien ne garantit, au moment où l'opinion publique semble disposer par l'intermédiaire
des sondages d'une représentation réelle, que son alliance avec les médias demeurera identique
à ce qu'elle fut souvent, notamment du fait de cette « incarnation sociographique ». L'opinion
publique demeurait, tant qu'elle restait un concept, « l'alliée » de la presse parce qu'elle était la
grande muette. L'homme politique pouvait s'opposer à l'alliance entre médias et opinion
publique et revendiquer pour lui-même une meilleure « connaissance » de l'opinion publique.
Mais là n'était pas l'essentiel, puisque l'opinion publique n'ayant pas de traduction directe
appartenait en réalité à tout le monde. Les sondages changent radicalement cette représentation
et font même parfois apparaître une opinion publique souvent plus conservatrice que celle
souhaitée par les médias. D'abord parce que les évolutions profondes de la société se traduisent
mal dans les sondages, ensuite parce que l'opinion publique, lors d'événements, n'est saisie

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qu'au travers des sondages qui ne permettent pas aisément de démêler la manière dont se
combinent les réactions positives, opposées, traditionnelles, novatrices de l'opinion publique et
enfin parce que la logique des sondages n'est pas si naturellement complémentaire de celle des
médias.
La conséquence de cette incarnation partielle de l'opinion publique dans les sondages
facilite le « découplage » entre les médias et l'opinion publique pouvant ainsi favoriser un
rapprochement entre l'opinion publique et les hommes politiques contre les médias. Cette
situation n'est pas à exclure, comme on l'a vu par exemple récemment aux Etats-Unis lors de
l'Irangate en 1986-1987, où l'opinion publique a explicitement soutenu les hommes politiques
contre « la folie » d'investigation des médias qui voulaient à tout prix connaître la vérité. Le
Colonel O. North incarnant finalement, y compris pour le Président Reagan, toutes les vertus
américaines, contre l'esprit négatif des médias. Ce décalage a également été très nettement
perceptible au printemps 1988 en Sicile, où l'opinion publique rejeta de plus en plus nettement
le comportement des journalistes qui voulaient, à l'occasion des procès anti-mafia, pousser trop
loin les enquêtes sur cette organisation. Non que l'opinion publique sicilienne et italienne aient
été hostiles à la lutte contre la mafia, mais elles l'étaient pour la manière dont la presse concevait
sa logique d'information et la conception de son rôle.
Car tel est le décalage structurel entre médias et sondages. Les premiers, quels que soient
leurs défauts sont motivés, la plupart du temps, par le désir de démêler l'écheveau de la réalité,
ce qui les conduit nécessairement à une attitude critique aussi bien à l'égard des hommes
politiques qu'à l'égard de l'opinion publique et des groupes sociaux. Les sondages, on l'a vu,
sont davantage liés à une préoccupation ponctuelle.
L'opposition entre les deux genres d'information risque d'être d'autant plus forte que
l'information des journalistes passe toujours par l'intermédiaire d'un travail personnel alors que
l'information du sondage est représentative, le sondeur se contentant d'interpréter des données
« objectives ».
Tout peut donc pousser les hommes politiques à chercher, et à trouver, auprès de
l'opinion publique, représentée par les sondages, un appui dans leur rapport de force avec les
médias. Et ce d'autant plus qu'opinion publique et hommes politiques ont une référence
commune : le poids de la légitimité représentative, les uns par l'élection, les autres par les vertus
de la statistique.
Cette légitimité un peu rapidement accordée à tout phénomène « représentatif » peut
concurrencer directement le rôle des journalistes puisque l'opinion de « quelques uns » vaut
toujours moins que « l'opinion représentative ». Des divergences ne manqueront pas d'appa-
raître entre la perception de la réalité par les journalistes et celle de l'opinion publique, mais il
faudra beaucoup de force de caractère aux premiers pour s'opposer aux choix de « l'opinion
publique démocratique ».
Contrairement à ce que nombre de journalistes pensent, « l'opinion publique socio-
graphique » est un allié incertain aussi bien en situations normales que lors des campagnes
électorales5.

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La distance plus grande à laquelle les médias doivent aujourd'hui se tenir vis-à-vis des
sondages et de l'opinion publique est donc le résultat paradoxal du double phénomène de
démocratisation et de meilleure connaissance de l'opinion publique. Cette « sociographisation »
de l'opinion publique les oblige à maintenir leur conception de l'opinion publique et à
réaffirmer leur légitimité indépendante d'un processus de représentativité, mais liée à une
valeur, l'information, au sein de la théorie démocratique occidentale. Cette valeur est hélas plus
fragile que la représentativité élective au nom de laquelle les hommes politiques agissent, ou de
la représentativité statistique au nom de laquelle les sondages sont censés apporter aujourd'hui
une « connaissance » sur tous les problèmes sociaux et politiques. Cette distance à construire
vis-à-vis de l'opinion publique et de la politique est d'autant plus paradoxale que dans la réalité
les deux semblent se rapprocher, grâce à ces mêmes médias !

II — Les médias aux côtés des hommes politiques contre l'opinion publique

C'est en quelque sorte la situation opposée et symétrique. Si les sondages sont les alliés
des hommes politiques contre le libéralisme « excessif » et « irresponsable » des médias, ils
peuvent tout autant devenir un poids pour les hommes politiques quand l'action de ceux-ci est à
contre courant de l'opinion publique. Dans ce cas, beaucoup plus fréquent qu'on ne l'imagine,
les hommes politiques trouvent dans l'existence de sondages sophistiqués autant d'éléments les
dissuadant d'une action impopulaire. Or, toute action politique d'envergure risque d'être
impopulaire, en tout cas d'être mal comprise puisque heurtant des habitudes et des intérêts.
Plus la représentation des états de l'opinion publique est fiable et fidèle, plus il est difficile aux
hommes politiques, d'agir « sans connaissance de cause », c'est-à-dire sans connaître les risques
de réactions négatives. Il leur faut alors d'autant plus d'énergie pour maintenir le projet.
Dans ce contexte les médias, par nature tournés vers la nouveauté, seront des alliés pour
les hommes politiques, au nom de la modernisation ou tout simplement du changement.
L'autonomie des médias par rapport à l'opinion publique peut donc favoriser l'action politique
de deux façons6. Soit en desserrant l'étau de l'opinion publique pour laisser aux hommes
politiques le temps de convaincre du bien-fondé de leur action. Soit en desserrant la pression
qu'exerce la base électorale de ceux qui ont élu les vainqueurs afin que les dirigeants puissent,
par-dessus leur base électorale, trouver un appui dans l'opinion publique. Dans ce jeu
compliqué entre discours politique, discours idéologique et aspirations de l'opinion publique,
les médias peuvent incontestablement introduire des facteurs de liberté favorables aux hommes
politiques.
C'est pourquoi la tendance croissante des médias à commander des sondages sur tous les
sujets d'actualité (commémoration de la Révolution, sida, Europe, sentiments religieux...) risque
d'être un piège pour eux-mêmes et même d'identifier définitivement opinion publique et
sondage.

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L'intention des médias en recourant aux sondages est apparemment louable puisqu'elle
consiste à vouloir, sur un fait politique — et surtout de plus en plus sur les faits de société —
obtenir une information plus « sérieuse », « objective », « représentative ». Mais cela présente
deux inconvénients : rapprocher encore plus l'information de la logique de la représentation et
d'autre part, réduire dans l'information la part de ce qui revient à l'événement par rapport à ce
qui revient à une information plus liée à la représentation. A quoi conduit la plupart du temps le
comportement des médias qui recourent de plus en plus aux sondages pour savoir « ce que
pensent les Français » sur tel ou tel sujet d'actualité ? Essentiellement à se transformer en
simples commentateurs ou à orienter leurs propres conclusions, car bien rares sont les enquêtes
qui vont dans le sens inverse des sondages!...
Il peut en résulter deux réactions, tout aussi néfastes pour les médias. La première est de
croire qu'il y a une sorte de continuité entre l'information-média et l'information-sondage. La
seconde est de créditer davantage l'information-sondage que l'information-média, alors même
qu'il s'agit de deux informations de nature différente.
Dans les deux cas, il y a un glissement de sens à propos du rôle des sondages. Autant
ceux-ci sont significatifs dans le domaine politique car les citoyens, par la suite, décideront et
trancheront par le vote, autant ils n'ont pas la même valeur pour les problèmes de société, de
valeur, de religion, car il s agit ia uc ι expression u opinions qui peuvent varier uans ic temps et
qui surtout ne conduisent pas à une décision comme pour le vote. Le sondage a un sens dans le
domaine politique, car la politique est l'affaire de tous et le vote est en définitive la réponse en
grandeur réelle. En revanche, l'usage des sondages dans tous les autres domaines, où il n'y a pas
cette égalité de statut et où surtout le vote n'apporte pas de réponse objectivement représenta-
tive, est dangereuse. Mais aujourd'hui, l'idéologie de la représentativité est telle que cette
différence entre les deux types de sondages est balayée, les deux étant investis de la même
force alors qu'ils n'ont ni la même véracité, ni le même statut. Distinguer la différence de nature
entre les deux genres de sondages, permet de relativiser le poids de l'opinion publique dans le
processus global de l'information.
Le dernier argument qui plaide en faveur de la logique des médias contre celle des
sondages résulte de ce qu'aucun sondage ne prévoit les crises politiques inhérentes à la vie
démocratique. Ce qui est peut-être le plus étonnant dans cette vogue actuelle des sondages, c'est
que personne ne songe, après les nombreuses crises politiques qui traversent notre vie publique,
à s'interroger sur le fait que la plupart du temps les sondages n'avaient rien vu venir, ou plutôt
avaient vu venir, mais sur des sujets à propos desquels la plupart du temps il ne s'est rien passé.
On touche là peut-être l'essentiel, la fonction de réassurance dont les sondages sont investis.
Ils sont appréciés parce qu'ils rassurent dans l'instant, donnant l'impression d'une maîtrise
possible de la réalité, même si chacun sait bien finalement qu'ils n'offrent guère de valeur
prédictive. Ils ne peuvent pas prédire les crises mais à la limite on ne le leur demande pas
puisque ce qu'on leur demande c'est de rassurer ici et maintenant.

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ίίί — Les médias aux côtés de l'opinion publique contre les hommes politiques

C'est la troisième situation de cette relation triangulaire, celle où les médias appuient des
mouvements d'opinion publique contre le pouvoir politique. Nous avons tous à l'esprit ces
mouvements sociaux qui en trente ans à propos de faits de société (mœurs, jeunesse, racisme...)
ont pris appui sur l'évolution de l'opinion publique pour obliger les hommes politiques à faire
des réformes. Les médias de par leur fonction de caisse de résonance, servent d'amplificateur
aux mouvements d'opinion publique facilitant même la visibilité des leaders, en leur offrant la
possibilité de s'exprimer, contribuant d'ailleurs à leur conférer une certaine légitimité.
L'ouverture aux mouvements d'opinion correspond naturellement à l'idéologie du
monde des médias, prompts à s'enflammer pour tout ce qui surgit de neuf, surtout s'il s'agit de
phénomènes à caractère libéral. Chacun garde en tête leur rôle, pendant Mai 68, sous la
présidence de Georges Pompidou, pendant la grève des lycéens en décembre 86...
Les médias sont en réalité « l'autre côté » de l'opinion publique, celle qui n'a pas
d'expression légitime ou officielle et qui est cependant susceptible de jouer un grand rôle.
« L'opinion publique » dont les médias sont l'interlocuteur est un ensemble composite bien
différent de celle des sondages. Elle est évidemment liée à l'opinion publique « officielle » mais
elle est aussi en liaison avec une opinion publique, plus floue, faite d'attitudes disponibles, et
elle est enfin sensible à l'opinion publique des mouvements sociaux qui surgissent de manière
non officielle, voire violente.
Face à cette diversité « des opinions publiques », les journalistes jouent un grand rôle
dans l'interprétation et la valorisation de certaines données par rapport à d'autres, et c'est en
cela que les journalistes ne sont pas de simples informateurs. Ils ont un rôle évident et nécessaire
d'interprétation.
Le rôle éminemment positif des médias demeure lié à leur capacité de faire remonter dans
l'espace politique les problèmes sociaux qui émergent, suggérant ainsi implicitement la fragilité
de la légitimité politique du moment7. La force des médias est d'être réceptifs à une opinion
publique ni légitime, ni représentative. L'arbitraire avec lequel ils amplifient ou minimisent cette
autre face de l'opinion publique est en réalité un facteur de souplesse essentiel à la communica-
tion politique. Si les médias anticipent un mouvement d'opinion non visible « statistiquement »,
ils permettent éventuellement aux hommes politiques de deviner certains phénomènes et
notamment d'être moins surpris si des mouvements sociaux viennent tout à coup perturber —
comme c'est fréquemment le cas — le jeu politique légal. Les mouvements sociaux, comme les
événements ne sont jamais représentatifs, mais ils sont à la fois une chance pour les médias et la
justification de leur raison d'être dans l'espace de la communication politique.

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2. Les deux faces de l'opinion publique ou l'enjeu du rapport
entre médias et sondages
L'étude du rôle des médias et des sondages dans la communication politique conduit à la
conclusion que les uns et les autres n'ont pas la même conception de l'opinion publique même si
en apparence ils parlent de la même chose. Cette distinction à maintenir entre les deux sens de
l'opinion publique est, selon nous, une condition de l'équilibre général de la communication
politique.
Que faut-il comprendre quand on dit que les deux références à l'opinion publique sont
radicalement différentes ? Non seulement qu'il n'y a pas de rapport direct entre la représenta-
tion sociographique des sondages et le concept véhiculé par les médias, mais surtout que les
médias seraient mal venus de vouloir rapprocher « leur » opinion publique de ces données
sociographiques omniprésentes et séduisantes. Autrement dit, plus l'opinion publique, qui fut la
référence historique commune pour les médias et les hommes politiques s'incarne dans des
chiffres et des données, devenant un acteur à part entière de la communication politique, plus il
est nécessaire de montrer que le même mot recouvre des réalités différentes selon qu'il soit
prononcé par les hommes politiques, les instituts de sondages, ou les journalistes. Si les hommes
politiques distinguent finalement l'opinion publique et l'électorat, les médias ont eux beaucoup
de difficultés à comprendre que « leur » opinion publique n'est pas celle des sondages et qu'il
leur est tout à fait nécessaire, pour eux comme pour le fonctionnement de l'opinion publique,
de maintenir cette différence de nature entre l'opinion publique sociographique des sondages et
l'opinion publique, concept politique des médias. L'incarnation de l'opinion publique dans les
chiffres ne rapproche pas l'opinion publique des médias de celle des sondages mais paradoxalement
l'éloigné peut-être un peu plus !
Une certaine représentation qualitative de l'opinion publique suffit aux médias, même si
celle-ci est partiellement fausse car elle laisse la liberté et la dose d'insouciance, voire parfois
d'inconscience nécessaire au travail de la presse. Une connaissance exacte de cette opinion
publique risque de la paralyser plus qu'elle ne la mobilise.
Cette différence de nature entre les deux acceptions de l'opinion publique se retrouve
dans les deux genres d'information gérés par les médias et les instituts de sondages:
l'information-événement dans un cas et l'information-représentation dans l'autre. Jamais la
valorisation de l'opinion publique et des médias n'a permis de voir à ce point ce qui sépare ces
deux genres d'information — même si l'une et l'autre sont liées au même espace politique
démocratique — car l'une est du côté de l'événement, et l'autre de l'interprétation.

I — L'information sondage, résultat d'une construction, est représentative

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Elle n'a pas d'existence réelle, mais présente l'avantage d'être représentative en donnant
une photographie de l'état de l'opinion publique à un moment donné. Par contre, elle n'offre
guère d'éléments d'interprétation pour comprendre l'avant ou l'après, à moins de disposer de
séries statistiques précises, requérant une construction des questions dans la perspective d'une
utilisation répétée, ce qui est rarement le cas. Elle nécessite en tout cas une interprétation qui est
toujours fonction des événements et du contexte politique.
Cette faiblesse structurelle ne retire rien à la force du sondage qui est d'offrir une
interprétation dans l'instant. La difficulté vient plutôt du fait que le sondage n'a d'intérêt que s'il
existe une certaine « opinion publique » sur le sujet concerné. Si celle-ci n'existe pas, le sondage
ne sanctionne pas une évolution et d'ailleurs n'intéresse guère. Or, la plupart du temps, cette
émergence d'une « opinion publique » sur un domaine est tributaire d'événements qui rendent
les sondages dépendants d'un changement d'opinion pour l'étudier. Ce fait traduit donc une
certaine faiblesse: le sondage exprime moins une nouveauté qu'il ne traduit les réactions à
l'égard de quelque chose qui a déjà eu lieu. Il ouvre moins qu'il ne sanctionne.
La dépendance de l'information-représentative d'une certaine « conscientisation » de
l'opinion publique, et de l'existence d'une demande solvable, est à la fois sa force et sa faiblesse.
Sa force, car elle illustre le fait que l'opinion publique n'intéresse pas en soi les acteurs politiques
ni les médias mais seulement en fonction d'un certain contexte d'utilité. Autrement dit, il existe
« des opinions publiques », différentes selon les sujets et les moments plus ou moins visibles
selon les outils d'observation mis en place. Sa faiblesse vient du fait qu'il est difficile d'apprécier
la maturité des esprits sur un sujet pour rendre significatif le moment où le sondage sera réalisé.
Les individus se font leurs opinions dans le temps, de manière complexe selon une logique qui
n'obéit pas, en tout cas pas seulement, à celle des événements, ni à celle des sondages ou des
discours politiques. Tout le problème est de savoir si le moment du sondage sera propice à une
photo significative de l'état de l'opinion sur le sujet traité.
La pression du calendrier politique permet en général de « cadrer » les enjeux et donc de
donner une certaine forme non pas à l'opinion publique mais à la manière dont les problèmes se
posent. La politique, comme on dit, impose son « agenda » à l'opinion publique, ce qui réduit
en partie la part d'inattendu, mais à condition toutefois de ne pas oublier que des événements
peuvent toujours venir bousculer un certain équilibre des rapports de l'opinion publique et les
hommes politiques. C'est le cas notamment lors des crises, intérieures ou extérieures où l'on
observe un effondrement des points de repères traditionnels, ouvrant la voie à une situation
politique incertaine. L'intérêt de l'information-représentative est secondaire par rapport à
Pinformation-événement. La diversité des situations qui viennent modifier le calendrier
politique normal suffit à montrer qu'il ne faut pas trop identifier opinion publique et sondage.

II — L'information-événement n'est jamais représentative

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Celle-ci est évidemment par nature inattendue, liée aux événements et à l'existence de la
presse. Le passage de l'événement à l'information dépend de nombreux facteurs, finalement
peu rationnels et du travail du journaliste qui sans pouvoir modifier complètement la réalité
peut la rapporter de manière plus ou moins objective.
Il existe également des informations qui ne sont pas liées à des événements mais à une
enquête du journaliste et qui sont encore plus marquées que les précédentes du sceau de celui
qui les a produites. De quelque côté que l'on se tourne, l'information-événement est teintée
d'une subjectivité liée à l'interprétation des événements.
La force de l'information-événement est d'empêcher le refermement du système politique
sur lui-même. Car en dépit de l'hommage classique rendu aux médias, chacun peut voir
combien les acteurs politiques presque naturellement rêvent de voir limiter le rôle de la presse
quand les événements ne leur sont pas favorables. Au caractère inattendu de l'information-
événement, les hommes politiques et plus largement les acteurs officiels préfèrent en général les
circuits de l'information institutionnelle c'est-à-dire en définitive, les systèmes d'information
dont la force est d'être représentatifs même s'ils sont nécessairement plus lents et parfois moins
adaptés. La liberté dont s'autorise la presse pour parler de n'importe quoi, n'importe quand, ne
plait jamais à un homme politique et l'on comprend sa préférence presque naturelle pour tout
circuit d'information plus « cadré » et plus représentatif. L'information créée par un acteur
représentatif (syndicats, parti...) aura toujours la préférence de l'homme politique car elle
s'insère dans un jeu de contraintes et de réciprocité, tandis que l'information issue des médias
est beaucoup plus difficilement contrôlable...
La croissance de l'information représentative est d'ailleurs à la fois un progrès car elle
traduit l'institutionnalisation de la vie politique et un danger car la vie politique ne peut se
réduire à un jeu de forces représentatives. La force de l'information-événement est justement
d'accorder sa place à l'événement surtout au moment où l'institutionnalisation de la politique
tend à rationaliser le produit de l'information et donc à « encadrer » le travail des médias.
Cela dit, il serait trop simple d'en conclure à la supériorité de l'information-événement
sur l'information-sondage ou de croire que l'une serait en soi plus libre que l'autre. Le rôle
essentiel que jouent les médias dans l'équilibre entre opinion publique et homme politique ainsi
que leur contrepoids naturel à l'information-représentative laisse deviner leurs forces et leurs
faiblesses. En un mot, tout ce qui est « news » n'est pas bien en soi, ni naturellement du bon côté
du contre-pouvoir de l'information face au mauvais pouvoir de l'opinion publique ou des
hommes politiques!
Les médias sont au mieux de leur rôle pour ouvrir un débat quand le consensus politique
et le conformisme empêchent la perception d'une partie de la réalité ou pour organiser la
confrontation des points de vue lors d'une controverse politique électorale ou non électorale.
Ils peuvent, en revanche, brouiller les pistes et rater leur mission d'animation de l'espace
public en ne « sentant » pas une situation historique ou pire en réduisant un problème
complexe à quelques formules-phares, sous prétexte que l'opinion publique « ne comprendrait

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pas ». Cette assurance avec laquelle ils décident de hiérarchiser, en général à la baisse, tout ce
qu'ils ne connaissent pas est une de leur plus grande faiblesse, d'autant qu'ils le font avec bonne
conscience au nom de leur « expérience » ou de « ce que veut le public »8. Leur responsabilité
dans l'organisation de ce qui fait débat est essentielle, sans pour autant d'ailleurs qu'ils en aient
totalement conscience. Mais il y a pire.
Ils sont en général faiblement compétents pour initier une réflexion sur un sujet peu
visible même s'il est important. Curieux de tout ce qui émerge, ils ont par contre une tendance
naturelle à sous-estimer ce qui n'est pas « visible ». L'événement les stimule surtout s'ils le
relayent bruyamment, mais à l'exception de presque tout autre phénomène. Ce qui a deux
conséquences graves. La première est qu'un événement chasse l'autre, c'est-à-dire que les
médias focalisant leur attention pour une durée brève sur un sujet, prétextant qu'en parler trop
longuement « ennuierait le public », alors même que ce sont souvent eux qui s'ennuient.
Rebondissant d'un sujet sur l'autre, ils vivent sur une mémoire de l'événement qui très souvent
n'agit pas en écho avec les préoccupations du public ou celles des hommes politiques. L'opinion
publique ne vit pas, en tout cas pas seulement, au rythme des événements. La seconde
conséquence négative, est liée à cette différence d'échelle de temps et de préoccupations entre
médias et opinion publique. Les médias, quasi naturellement confondent leur échelle de
préoccupations avec celles de l'opinion publique ou plutôt croient que ce qui les intéresse est
aussi ce qui intéresse le public. Or les décalages de préoccupations sont constants, visibles à
chaque élection au moment où les sondages font apparaître des préoccupations qui la plupart
du temps ne sont pas traitées par les médias. Ce décalage des préoccupations n'est pas en soi
gênant puisqu'il est constitutif de la communication politique, il le devient davantage quand la
croissance des médias tend à faire croire que leurs échelles de préoccupations correspondent à
celles du public...
En résumé, on peut dire que les médias ont l'initiative dans la communication politique,
quand un événement casse la logique de l'information-représentative, ou quand il évitent le
refermement de la communication politique sur elle-même par l'intermédiaire du poids des
discours des hommes politiques. Leur existence est la garantie que l'information-événement
permettra toujours la réouverture du jeu politique. Leur force est de pouvoir réagir à des
situations inattendues, pour y déployer d'ailleurs le plus souvent la quintessence de leur art,
apportant aux citoyens, mais surtout aux acteurs politiques, les éléments d'information et
d'appréciation indispensables en situation de crise.
Ils sont par contre beaucoup plus faibles quand il n'y a pas d'événements et éprouvent de
grandes difficultés à rendre compte des évolutions profondes de la société. Comme les sondages
d'ailleurs, ce qui met en lumière le rôle profond des acteurs extérieurs, au sens strict, de la
communication politique que sont les experts, les intellectuels, dans le fonctionnement de
l'espace public. Mais ceci dépasse le cadre de ce texte!

176
3. Les médias en porte-à-faux
L'analyse que nous avons voulu mener peut se résumer en cinq propositions.
I — La place plus grande occupée par la communication politique à la suite de
l'élargissement du champ de la politique, de la croissance des médias et du développement des
sondages ne change rien au caractère polémique, violent, imprévisible de la politique.
Simplement, les conditions de la communication politique sont à l'échelle des problèmes et des
mécanismes d'une démocratie de masse et l'affrontement politique se fait aujourd'hui dans les
démocraties davantage sur un mode communicationnel. L'adversaire n'est plus nié, mais admis
et intégré dans ce théâtre politique permanent qu'est la communication politique.
II — Les trois principaux discours de la communication politique non seulement ne sont
pas complémentaires, mais sont au contraire encore plus en concurrence les uns avec les autres
pour la maîtrise de l'analyse des processus politiques, chacun ayant de plus en plus vocation à
pouvoir exclure l'autre.
III — Au sein de la communication politique les médias occupent une position centrale,
non seulement parce qu'ils assurent au sens propre la circulation de tous les discours mais aussi
parce que en étant à mi-distance de la logique représentative de l'opinion publique et de la
politique, ils maintiennent la présence d'une logique de l'événement indispensable pour la non
clôture du système politique.
IV — L'opinion publique prend une place sans cesse croissante avec les sondages, tout en
demeurant le destinataire de la plus grande partie de ces discours et une des références
essentielles à la communication politique. Mais cette omniprésence de l'opinion publique
s'accompagne d'une distinction de plus en plus nette entre ses différentes significations.
L'opinion publique des hommes politique apparaît progressivement très distincte de celle des
médias et de celle des instituts de sondages. Ces différences sont à préserver si l'on veut
conserver à l'opinion publique les différents statuts qu'elle occupe dans une démocratie
pluraliste.
V — La croissance de l'information par l'intermédiaire des médias et celle de la
communication par celui des sondages, oblige à distinguer plus nettement les deux, en dépit de
leur proximité dans l'histoire de la démocratie. L'information est au fondement de l'existence
de la presse, centrée sur le récit des événements et sur le droit à la critique, alors que la
communication, au contraire, s'inscrit de plus en plus dans une logique institutionnelle et
représentative dont les sondages sont la réalisation la plus parfaite. Ces deux logiques doivent
clairement se distinguer pour que la communication politique puisse jouer son rôle.
La conclusion principale à laquelle nous arrivons concerne la place des médias dans la
communication politique. Elle est paradoxale.
C'est au moment où ceux-ci triomphent imposant leur loi, comme leurs excès, aux
hommes politiques et à tous que leur faiblesse structurelle au sein même de la communication

177
politique apparaît. En effet, ce n'est pas parce que les journalistes deviennent les personnages
centraux de notre mythologie des temps modernes que leur rôle et leur statut sont plus
renforcés ou légitimés. Au contraire, puisque leur légitimité est attaquée parallèlement à
l'encensement dont ils sont l'objet.
D'une part ils subissent une concurrence plus forte des hommes politiques qui ap-
prennent à se passer d'eux, et une diminution de l'appui que représentait l'opinion publique au
fur et à mesure que celle-ci, par l'intermédiaire des sondages, s'autonomise.
D'autre part, le domaine de l'information institutionnelle et représentative s'élargit
naturellement, en rapport avec l'extension de la sphère de la politique et de la démocratie, dont
la conséquence est de menacer la logique de l'information événement au profit d'une
information-institutionnelle plus proche des caractéristiques de l'information-représentative.
Enfin, il y a la tentation de subordonner davantage leur mission d'information aux
contraintes et aux performances réelles mais envahissantes de la communication. Les médias
doivent plus que jamais rappeler que la finalité de leur travail est l'information et non la
communication et que plus les deux logiques se développent parallèlement et apparemment de
manière complémentaire, plus il leur est nécessaire de rappeler au contraire ce qui les sépare.
Les médias se trouvent donc dans une situation étrange. Leur triomphe parfois même
encombrant dans le jeu d'une politique sans cesse plus médiatique accentue les critiques dont ils
sont l'objet et risquent d'aboutir à une sorte de contresens sur les enjeux de la situation:
craindre leur pouvoir excessif au moment où en réalité c'est leur statut qui est, non pas menacé,
mais attaqué, à la suite même des progrès du jeu démocratique et des performances de la
communication.
Si les journalistes ont le monopole du travail sur l'événement, ils n'ont plus celui de
l'information et encore moins celui de la communication. C'est en tenant compte de cette
nouvelle concurrence qu'ils pourront réaffirmer l'originalité et la légitimité de leur statut : faire
le récit, en temps réel, de l'histoire au jour le jour et maintenir ouvert l'espace de la critique.
A mi-chemin de la politique et de l'opinion publique, les médias maintiennent une sorte
d'équilibre fragile entre les trois dimensions de la politique moderne: l'information, la
communication, la représentation.

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