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Universidade
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Montreal
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A batalha das memórias | Yan Hamel
Capítulo 4.
Memória de
Memória
p. 287-380
Texto completo
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11/04/2020 La bataille des mémoires - Chapitre 4. La mémoire de la mémoire - Presses de l’Université de Montréal
Romances do presente
1 Da mesma forma que "qualquer coisa que ofereça uma
1
reconstrução voluntária do evento, para fins sociais ", Os
textos estudados até agora fazem parte do vasto conjunto do
que Henry Rousso chama de" vetores de memória ". Os
romances analisados nos três primeiros capítulos
apresentam imagens muito contrastantes, mas que (re) dão
sentido (ou ausência de sentido) não apenas à guerra, mas
também aos seres humanos, às relações sociais, à nação
Francês, à literatura e ao papel do escritor, isto é, aos
principais fundamentos do pensamento e da cultura cuja
legitimidade foi abalada pelo cataclismo da Segunda Guerra
Mundial. Esses textos constituem tantas posições que foram
adotadas em nome de valores, crenças, desejos e visões do
mundo cuja particularidade não vem do passado
representado, mas dos contextos contemporâneos aos ditos.
Na maioria dos casos,
2 Como vimos, a memória está localizada nos antípodas do
que seria uma conservação fiel e neutra do evento passado.
Para aqueles que se lembram de procurar, acima de tudo,
fundar a legitimidade de sua identidade particular e de suas
reivindicações no contexto atual, o processo de lembrança é
sempre influenciado por lógicas coletivas que reajustam
constantemente um conjunto de imagens, impressões e
narrativas mais ou menos desamarradas, mas sempre
fragmentárias e parciais, a fim de constituir uma
representação do passado dada apenas no nível da verdade
histórica e exemplar no nível de valores. Ao contrário da
História, a memória é acima de tudo apaixonada, o que
geralmente deixa de ser importante para afastar-se do
tratamento que reserva para o passado.do qual podem ser os
apoios, é dotado de uma grande capacidade adaptativa que
lhe permite remodelar seu material de acordo com as
transformações conjunturais e ideológicas que afetam a
sociedade, sem acompanhar suas sucessivas
autocontradições.
3 Nada nos romances de guerra discutidos até agora contradiz
essas suposições básicas. Tudo acontece com essas obras
como se uma memória justa e inalterável da guerra tivesse
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Confusions
20 Les romans mémoriels autoréflexifs produisent ce que
Régine Robin appelle « une mémoire sociale
discontinuiste2 7 ». La route des Flandres, Le grand voyage,
Des hommes illustres et La compagnie des spectres « tissent
et détissent2 8 » des traces disparates, des fragments de
récits, des souvenirs déliés, des manques et des trop-pleins
dont ils conservent au moins en partie les ouvertures et les
discontinuités. Par les stratégies d’écriture qu’ils
développent, Simon, Semprun, Rouaud et Salvayre
dépeignent de quelles manières l’acte de remémoration tend
à brouiller les événements passés et leurs cadres
spatiotemporels. De façon tantôt littérale, tantôt
symbolique, ils mettent explicitement en scène l’activité de
la mémoire, qui bricole à partir d’une matière malléable et
de restes hétérogènes. Travaillant sur le souvenir de la
guerre, leurs romans figurent et critiquent dans un même
souffle une mémoire consciente d’elle-même qui reste, aux
antipodes de l’objectivité historienne, la seule vérité du passé
appréhensible par celui ou celle qui se souvient.
Plasticités temporelles
21 Les romanciers de la mémoire autoréflexive élaborent un
traitement du temps romanesque capable d’établir des
passages immédiats et constants entre le moment de la
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50 Le cheval sur lequel Reixach meurt, qui est, nous l’avons vu,
le principal leitmotiv d’un roman axé sur la répétition et le
ressassement, reproduit en miniature la liquéfaction
généralisée du monde dont il figure l’inexorable progression.
Au moment où le capitaine est abattu sur sa monture, le
narrateur constate qu’il reste d’abord en place,
comme si son cheval et lui avaient été coulés tout ensemble
dans une seule et même matière, un métal gris, le soleil
miroitant un instant sur la lame nue puis le tout — homme
cheval et sabre — s’écroulant d'une pièce sur le côté comme
un cavalier de plomb commençant à fondre par les pieds et
s’inclinant lentement d’abord puis de plus en plus vite sur le
flanc, disparaissant le sabre toujours tenu à bout de bras
derrière la carcasse de ce camion brûlé effondré là, indécent
comme un animal une chienne pleine traînant son ventre par
terre, les pneus crevés se consumant lentement. (RF, 12)
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Transmissions
78 En mêlant les époques, en délitant les espaces et les éléments
qui composent les décors, en confondant partiellement les
instances énonciatives et les fragments d’histoire enchâssés,
les romans de la mémoire autoréflexive traitent des écueils
sur lesquels bute l’élaboration d’un récit à partir du souvenir
et, par le fait même, des problèmes que posent la
communication et le partage d’une mémoire particulière de
la guerre. Dans les romans de Simon, Semprun, Rouaud et
Salvayre, la remémoration de la Seconde Guerre mondiale
n’est pas seulement l'affaire d’individus isolés aux prises avec
un passé qui s’impose à eux sans se laisser parfaitement
circonscrire ; elle concerne également l’existence de
communautés qui parviennent difficilement ou qui ne
parviennent pas du tout à se réunir autour d’une mémoire
collective.
79 Suivant Halbwachs, selon qui le souvenir doit être
reconstruit « à partir de données ou de notions communes
qui se trouvent dans notre esprit aussi bien que dans ceux
des autres, parce qu’elles passent sans cesse de ceux-ci à
celui-là et réciproquement, ce qui n’est possible que s’ils ont
fait partie et continuent à faire partie d’une même
société4 2 », Gérard Namer a fort bien compris que
la mémoire est d’abord une répétition en notre for intérieur
de ce qu'elle vise à être une fois actualisée : une pratique du
discours telle qu’elle a lieu dans notre société avec un public,
des contraintes de la parole et une intention de communiquer
par ces paroles avec le groupe, c’est-à-dire d’utiliser la
tonalité, le rythme qu’il est prêt à recevoir.
Pour un sociologue, la mémoire ne peut être qu’un processus
total dans lequel le moment où l’on « met en mémoire »
préfigure le moment où l’on va pratiquer socialement la
mémoire. Se souvenir, c’est donc reproduire en ébauche ce
que, dans une civilisation donnée, dans un groupe d’âge, de
profession on a acquis comme « forme » du discours social4 3 .
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112 C’est d’une manière plus réfractée que Des hommes illustres
aborde la question du rapport que le roman entretient avec
l’esthétique, la mémoire et la communication. Plutôt qu’une
remise en cause généralisée des modèles issus du passé et
des traditions qui se situerait dans le sillage de la modernité,
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122 Une voix répond posément à une autre voix, qui lui est
opposée et qui semble préférer le silence au déballage de
l’horreur. Cette première voix indique, avec espoir, que la
parole qui nomme le mal, qui « touille la saloperie »
permettra seule d’arriver un jour à une vie véritablement
raisonnable, en déconstruisant et en dévoilant les
mécanismes des paroles autoritaires, fortement limitatives
(« arrêts ») et néfastes (« obscurs ») qui se donnent pour
bienfaisantes, mais qui, en réalité, déchaînent des « pulsions
obscures ». Dès le départ, le roman de Salvayre annonce sa
propre esthétique de la mémoire, qui passera, à travers la
folie et les débordements langagiers de ses deux personnages
féminins principaux, par un déferlement continu. Avec les
récits logorrhéiques de la mère et de la fille qui s’enchâssent
et qui excèdent tous les cadres (ceux du bon goût, de la
bienséance, de la raison), le roman exalte un usage du
langage où l’imbrication des registres incompatibles,
l’outrance et l’humour offrent un espoir de libération. Bien
que l’œuvre de Salvayre se situe aux antipodes de
l’esthétique engagée et du type de propos sur la Seconde
Guerre mondiale que tiennent les romans résistancialistes
analysés dans le premier chapitre, elle n’en prend pas moins
fortement position contre le monologisme au pouvoir et, par
le fait même, en faveur d’une utilisation de la langue
donnant droit de cité aux déphasages, heurts, mélanges et
hybridations de toutes sortes qui, en ne laissant jamais le
récit se ramener à une signification univoque, en font toute
la valeur critique.
123 Tous les textes analysés jusqu’ici prennent position en faveur
d’une pratique romanesque contre des utilisations du
langage qui, selon eux, galvaudent ou menacent la mémoire
particulière de la guerre dont ils sont les vecteurs. Il n’en va
pas autrement chez Claude Simon, à cette distinction près
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pour nous abuser nous-mêmes vivre une vie de sons sans plus
de réalité sans plus de consistance que ce rideau sur lequel
nous croyons voir le paon brodé remuer palpiter respirer
imaginant rêvant à ce qu’il y avait derrière. (RF, 259)
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Notes
1. Henry Rousso, Le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Paris,
Éditions du Seuil, 1990, p. 251.
2. Henri-Pierre Jeudy, Mémoires du social, Paris, Presses Universitaires
de France, 1986, p. 35.
3. Ibid., p. 376.
4. Rappelons que le premier roman de Rouaud, Les champs d’honneur
(1990), est partiellement consacré aux réminiscences de la Première
Guerre mondiale et de son horreur dans la mémoire familiale du
narrateur.
5. Francine Dugast, « Le “Je me souviens” de Jean Rouaud », Revue des
lettres modernes, nos 1349-55, 1998, p. 118.
6. Aucun texte retenu ici n’aurait pu être intégré au corpus des romans
antirésistancialistes, ce qui ne veut pas dire — tant s’en faut ! — que le
roman mémoriel antirésistancialiste n’existe pas. Henry Rousso consacre
quelques pages du Syndrome de Vichy aux romans-témoignages écrits
par des « enfants de la collaboration », tels que La guerre à neuf ans
(1971) de Pascal Jardin, Les lauriers du lac de Constance (1974) de
Marie Chaix et L’ombre d’un père (1978) de Jean-Luc Maxence, qui ont
tous « contribué [...], en dépit des oppositions légitimes, à réintégrer leurs
parents dans la conscience collective » (Henry Rousso, op. cit., p. 151). À
ces quelques exemples, on pourrait ajouter des titres plus récents : La
guerre civile (1986) de Michel Mohrt ; Le démon de l’oubli (1987) de
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nous n’en savons rien. Ce qui peut être relativement indifférent dans un
autre roman, devient plus troublant dans un récit de remémoration, a
fortiori si celui-ci recourt de façon aussi importante au participe présent
dont l’effet est d'actualiser les images mentales. L’éclosion d’autres
présents (mentaux) dans le présent (effectif) a complètement effacé
celui-ci, le narrateur est arraché à son ici-maintenant par son acte
narratif » (Dominique Viart, Une mémoire inquiète, op. cit., p. 80).
30. François-Jean Authier, « Écume de mer et vent de printemps : Le
grand voyage de la parole et de l’autofiction chez Jorge Semprun », La
Licorne, no 51, 1999, P-87.
31. Debout sur un toit au début du bombardement, Joseph a le « visage
tourné vers le ciel » (HJ, 168) ; les avions libérateurs se trouvent dans un
« bain bleu d'empyrée » (HJ, 168) ; l’ombre qu’ils projettent relie le ciel à
la terre « par une curieuse échelle de Jacob » (HJ, 168) ; la première
vague d’explosions fait perdre ses « mitres » (HJ, 168) à une cheminée ;
les conduites de gaz arrachées qui crachent des flammes dans les rues
sont comparées à « l’enfer souterrain [joignant] ses forces maléfiques à la
fureur céleste » (HJ, 170).
32. Voir Pierre Michon, Vies minuscules, Paris, Gallimard, 1996, 248 p.
33. De ce point de vue, l’écriture de Salvayre se compare davantage à
celle de Simon et de Semprun qu’à celle de Rouaud. En outre, il faut
mentionner que, s’ils ne constituent pas à proprement parler une
interruption dans la progression de l’histoire, les agissements répétitifs
de la mère contraignent néanmoins la narratrice à décrire plusieurs fois
de suite des scènes similaires, ce qui renforce encore davantage cet effet
de ressassement. C’est ce qui arrive au début du quatrième chapitre, où
Louisiane décrit une nouvelle sortie de Rose avec les mêmes formules et
le même type de répétition que dans l’incipit : « J’en étais là de mes
cogitations lorsque je vis ma mère dont la conduite n’obéissait plus
qu’épisodiquement aux impératifs de la bienséance, lorsque je vis ma
mère apparaître pour la troisième fois dans le même équipage : une
chemise de nuit sale et son horrible sac banane accroché à la ceinture, et
crier avec force, malgré la dose de neuroleptiques à rétamer un bœuf
qu'elle venait d’ingurgiter,/ C’est Darnand qui t’envoie ? » (CS, 27)
34. Pour accepter cette proposition, il faut délaisser la perspective sur le
réalisme adoptée par Jacques Dubois qui arrête cette esthétique à
Simenon (voir Les romanciers du réel : de Balzac à Simenon, Paris,
Éditions du Seuil, 2000, 358 p.) pour adopter celle proposée par Henri
Mitterand, selon qui « l'objectif du romancier moderne n’est [...] pas de
tourner le dos à l’objet réel, mais d’élaborer des formes qui au contraire
en révèlent totalement les richesses. En fait, la littérature française du
XXe siècle, de Proust à Le Clézio, en passant par Malraux, Céline, Giono,
Genet, Butor, s’est construite moins sur le procès du réalisme que sur son
expansion, son approfondissement et ses transformations » (Henri
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