Lʼélection de lʼIrlandais Donohoe à lʼEurogroupe, une défaite pour la France et lʼAllemagne 10/07/2020 13(27

Lʼélection de lʼIrlandais Donohoe à

lʼEurogroupe, une défaite pour la
France et lʼAllemagne
LʼEspagnole Nadia Calvino, soutenue notamment
par la France et lʼAllemagne, partait favorite. Mais
le retrait du candidat luxembourgeois a fait le jeu
de ce candidat conservateur.

Le ministre des finances irlandais, Paschal Donohoe, à Dublin, en octobre 2019. PAUL FAITH / AFP

Il aura fallu deux tours pour que les dix-neuf ministres des finances de la
zone euro choisissent celui qui présidera leur cénacle, durant les deux ans
et demi à venir. Et finalement, ce club informel et très masculin, qui depuis
la crise de la Grèce joue un rôle fondamental sur la scène communautaire,
a élu, jeudi 9 juillet, lʼIrlandais conservateur Paschal Donohoe, qui
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remplace donc son homologue portugais, Mario Centeno.

LʼEspagnole Nadia Calvino, membre du gouvernement social-démocrate

de Pedro Sanchez, partait pourtant favorite. Elle avait dʼailleurs emporté
neuf voix au premier tour – Allemagne, France, Espagne, Italie, Portugal,
Grèce, Finlande, Malte et Chypre – et il lui a manqué un bulletin pour
lʼemporter. Mais le retrait avant le second tour du Luxembourgeois libéral
Pierre Gramegna, qui était soutenu par la Belgique, les Pays-Bas et le
Luxembourg, a fait le jeu de M. Donohoe. « Elle ne pouvait pas gagner au
deuxième tour », commente un diplomate.

Lire aussi Eurogroupe : trois candidats sont en lice

Le choix des argentiers européens nʼest pas anodin, alors que la

pandémie due au coronavirus a mis à lʼarrêt lʼéconomie mondiale et que le
Vieux Continent traverse une récession sans précédent (selon les
dernières prévisions de la Commission européennes publiées cette
semaine, la zone euro devrait voir son activité se contracter de 8,7 %
en 2020).

Il lʼest dʼautant moins que le Brexit renforce le poids de lʼunion monétaire,

qui représente 86 % du produit intérieur brut de lʼUnion européenne, et
que le plan de relance, tel quʼil a été imaginé par Bruxelles, dessine
lʼébauche dʼune Europe plus fédérale.

Candidat naturel du nord de lʼEurope

Affilié au Fine Gael (centre droit), au pouvoir depuis 2011, Paschal
Donohoe était le candidat naturel du nord de lʼEurope. Si les Pays-Bas et
la Belgique ont voté au premier tour pour le ministre luxembourgeois,
comme ils sʼy étaient engagés, cʼest parce quʼils avaient sollicité sa
candidature à une époque où seule Nadia Calvino était dans la course
(lʼIrlande nʼavait alors pas encore de gouvernement).

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M. Donohoe nʼest pas la bête noire absolue des pays du Sud, dans la
mesure où son pays, lʼIrlande, a dû, comme la Grèce, lʼEspagne ou le
Portugal, se réformer en profondeur pour bénéficier des plans de
sauvetage de lʼEurope et du Fonds monétaire international (FMI), en pleine
crise de la zone euro. « Dʼailleurs, personne ne sʼest mobilisé contre sa
candidature », commente un diplomate. « Sur la zone euro, lʼIrlande nʼest
pas un problème. Ce nʼest pas comme sur la question de la fiscalité, qui
ne relève pas de lʼEurogroupe », poursuit cette source.

Lire aussi En matière dʼimpôts, lʼIrlande nʼest plus ce quʼelle était

A lʼheure où les Européens tentent de se mettre dʼaccord sur un plan de

relance et où les blessures dʼil y a dix ans ne sont pas refermées, le
nouveau patron de lʼEurogroupe devait être relativement consensuel. « En
tant que président, je chercherai à jeter des ponts entre tous les membres
de la zone euro et à dialoguer activement avec eux pour faire en sorte que
nous adoptions une approche consensuelle concernant la relance de nos
économies et de nos sociétés », a déclaré Paschal Donohoe jeudi.

Contre une taxe européenne sur les géants du

numérique
Agé de 45 ans, fan de Star Wars, décrit comme « très fin, très sophistiqué
et très intelligent » par un autre diplomate, le ministre irlandais de
lʼéconomie est un redoutable opérateur qui sait faire consensus. Dans son
pays, il a gravi les échelons du gouvernement un à un : secrétaire dʼEtat
aux affaires européennes en 2013, aux transports, aux sports et au
tourisme en 2014, aux dépenses publiques en 2016, puis à lʼéconomie à
partir de 2017.

Après la défaite, de justesse, de son parti aux élections législatives de

février, et la création, en juin, dʼun gouvernement de coalition entre le Fine
Gael, le Fianna Fail et les Verts, il a réussi à conserver son portefeuille,
gagnant la confiance du nouveau premier ministre, Micheal Martin.
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Lire aussi En Irlande, le dirigeant du Fianna Fail, Micheal Martin, élu

premier ministre par les députés

Il y a néanmoins un dossier sur lequel le ministre de lʼéconomie irlandais

fait nettement moins lʼunanimité en Europe : la fiscalité. Vigoureusement
opposé à lʼidée dʼune taxe européenne sur les géants du numérique, il a
été lʼune des personnes-clés qui ont fait capoter le projet.

A la place, il a toujours plaidé pour une approche mondiale sur la question,

par lʼintermédiaire de lʼOrganisation de coopération et de développement
économiques (OCDE). Mais ce dernier projet a récemment été mis à mal
par les Etats-Unis, qui se sont retirés des négociations et menacent
désormais de représailles les pays qui imposeraient cette taxe. Craignant
une contre-offensive européenne, M. Donohoe tente de temporiser ; il
faisait valoir, le 2 juillet, dans le Financial Times que « le processus de
lʼOCDE est seulement en pause, pas arrêté ».

Le dossier de lʼimposition dʼApple en Irlande

M. Donohoe ne veut pas dʼharmonisation fiscale entre les Vingt-Sept et il
défend envers et contre tout le fameux taux dʼimposition sur les sociétés à
12,5 % de lʼIrlande. Il a aussi mené la bataille contre la Commission
européenne à propos de lʼimposition dʼApple. Le géant américain, très
présent en Irlande, avait été condamné en 2016 par Bruxelles à payer
13 milliards dʼeuros dʼarriérés dʼimpôts au tigre celtique. Dʼaprès Bruxelles,
lʼentreprise aurait bénéficié de deux accords secrets avec Dublin, lui
permettant de payer beaucoup moins que le taux de 12,5 %.

LʼIrlande est vent debout contre cette sanction. Elle se retrouve dans
lʼétrange position de refuser 13 milliards dʼeuros (qui représentent 18 % du
budget de lʼEtat) et a fait appel de la sanction de la Commission.
En septembre 2019, M. Donohoe promettait encore de mener « une
défense très robuste » du point de vue irlandais sur ce sujet.

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Lire aussi La zone euro se protège face à une crise de la dette

Né à Dublin en septembre 1974, ayant grandi et fait ses études

dʼéconomie et de politique dans la capitale irlandaise, et élu député de
Dublin Central depuis 2011, lʼhomme est un pur produit de cette ville. Il
sʼen est cependant éloigné quelques années à la sortie de lʼuniversité,
quand il a travaillé au Royaume-Uni pendant six ans pour Procter
& Gamble. Il sʼest ensuite lancé en politique, en 2004, dʼabord comme
conseiller municipal à Dublin, puis sénateur et enfin député. Plutôt à lʼaise
dans les médias, habile débatteur, habitué du Forum économique mondial
de Davos, le voilà désormais avec un rôle européen central.

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