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activités. Les entreprises qui se recentrent sur leur cœur de métier en extemalisant la
logistique se doivent d'assurerun niveau étroit de coordination avec leurs partenaires,
en partageant de façon sécurisée les flux d'information tout au long de la chaîne.
Les enj eux stratégiques de l'externalisation logistique, tant en termes de facteurs de
compétitivité pour l' entreprise, que de remise en cause éventuelle de sa pérennité,
constituent un champ d'étude qui ne pouvait être passé sous silence (chapitre 2).
Enfin, toujours dans le cadre de préoccupations fortement actuelles, si l'on conçoit
la supply chain comme facteur de compétitivité de l' entreprise, il convient aussi
d'analyser la nature des risques qui y sont associés. Fai re de la supply chain un fac-
teur de création de valeur pour l'entreprise et plus globalement pour ses partenaires
suppose d'une part d'identifier son degré éventuel de vulnérabilité et d'autre part de
le gérer. Celui-ci est d'autant plus prégnant que l'interaction entre organisations, le
développement de structures en réseaux, l' existence d'une architecture informatique
commune, etc. ne peuvent qu'amplifi er la nature des risques sous-jacents et leurs
conséquences. Cette problématique de gestion des risques, qui prend aujourd'hui
une dimension croissante dans le domaine de la gestion, ne pouvait donc pas être
ignorée dans celui du supply chain management (chapitre 6).
Les six chapitres ci-dessus présentés ne sauraient faire le tour du sujet. Il s tente-
ront d'en éclairer certains aspects sur la base d'une triple dimension: stratégique,
tactique et opérationnell e. Nous demandons à la fois au spécialiste et au généraliste
du supply chain management de ne pas être trop sévères, en pensant bien que le pre-
mier trouvera trop sommaire ce que le second percevra comme trop précis.
Adaptation de la supply
chain aux évolutions
de l'envlron..ne-ment
Stratégies d"extemallsatlon
Stratégies de collabo<atlon de la logistique
Gestion
Gestion des risques
de-s stocks e t des de la supply chaln
approvlsloMements
Optimisation
du niveau de setVlce
Optimisation
du systè-me d'inf(){matlon
1. ASLOG : Assodalion française des log:i.'iticiens d' enlreprise el depuis 2003 Association française
p<mr la logi'ilique; ELA : Europe.an l<>g i'ilic:s Assodalion (créée en 1984) dont le membre fondateur
est 1· ASLOG,comprend les assodalions d'une trenlaine de nalion.'i européennes.
2. À l'instar de l'assodalion NCPDtvt, il e..~t inléres.s.anl de constate r que la revue Log;stiques A1agazine
a po11é pendant une lrentained'année.'i le litreA1tu11tte1t1io11 et Stockage avant d'en change.r en 1985.
3. P.D. Larson, A. Halldorsson, « Logislic.~'i vs Suppl y Chaln fvtanagemenl : An lnte.rnalional Sutvey )),
/111en1t1tio11a/ .lounwl of Logistics: Research and Applications, vol. 7, n° 1, 2004.
4. P.D. Larson, R.F. PoL'~ A. Halldorsson, «Perspectives on loi,>islit" vs SCM: a survey of SCM
profes.sionals )), .Journal of Business Logisrics, vol. 28, n° 1, 2(X)7.
De la logisrique au supply chain management 7
Traditionnalist Unionist
Logistics
Re-labeling lntersectionist
l~
SCM
Figure 1.1 - Les quatre visions de la logistique versus supply chain management
Comme le graphique l'i ndique très clairement, les quatre perspectives sont :
- la vision des traditionalistes, qui considèrent que le SCM fait partie, est englobée,
dans la logistique;
- la vision des unionistes, à l' opposée de la précédente, qui présentent la logistique
comme un élément du management de la supply chain ;
- la vision des partisans d'un changement de nom, le contenu restant identique;
- la vision des intersectionistes qui considèrent que les deux tenmes ne recouvrent
pas le même contenu, malgré quellques éléments en commun.
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'§ L'article de 2007 rend compte d'une enquête menée très sérieusement par les
il auteurs auprès de 600 professionnels appanenant au CSCM P Gournalistes, consu l-
·~ tants, professeurs et indépendants furent écartés). Les résultats de cette enquête sont
·c
~ à la fois attendus et originaux. Qu'auriez-vous répondu? Pour laisser le temps au
E lecteur d'y réfl échir et pour lui donner quelques bases de réflex ion complémentai-
o res, nous présenterons les résu ltats à la fin de ce chapitre. Nous vous laissons par la
'§ même occasion découvrir notre propre positionnement.
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]
1 Section 1 • Évolution et définitions de la logistique
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Section 2 • Le supply chain management
8 LOGISTIQUE ET SUPPLY CHAIN MANAGEMENT
L' origine mil itaire de la logistique est incontestable. Durant des mill iers d'années,
alors que l'organi sation économique était fondée sur un artisanat éclaté, les seules
grandes organisations étaient les armées. Or l' effi cacité d'une armée dépend de sa
mobil ité et de la force de ses soldats. Alexandre Le Grand (356 - 323) fut certaine-
ment le premier chef de guerre à fournir une réponse novatrice à l'arbitrage mobi li té-
approvisionnements en vivre. Plutarque ' raconte que c'est Alexandre lui-même qui
a donné l'ordre de brû ler les chariots de son armée, afin de la rendre plus mobile. Le
parall èle avec l' entrepri se« agile» est immédiat: du fait de niveaux de stocks très
faibles, ell e peut être réactive et proactive.
Dans une étude passionnante, Xavier Laly2 indique que « les nombreux ouvrages
traitant d' Alexandre Le Grand montrent que celui-ci préparait très en avance ses
conquêtes, en sécurisant autant que faire se peut le soutien en vivres, eau, fournitures
le long des routes à emprunter. Il y avait une réelle planifi cation des opération s, des
points et dates de regroupement avec la flotte, la conception d'un réseau de magasins
avancés, des durées de campement prévues sur les territoires selon les saisons, etc.».
Alexan dre Le Grand, comme Jules César puis Napoléon, ont organisé la logistique
en lui donnant une cenaine fonne d ' autonomie. Sous Alexandre, le général Parmé-
nion avait le commandement d'un corps logistique chargé des activités de soutien ;
appartenant à l'état-major, il participait à l' élaboration des plans de bataille. Jules
César est connu pour avoir créé la fonction logista, à la tête de laquell e un offi cier
devait organiser les campements précédant les mouvements des légions, et prévoir
les dépôts d' approvisionnement en territoire soumis 3 . Enfin , Napoléon a créé le
train d' arti ll erie en 1800, le train du gén ie et le train des équipages en 1807. Face à
la tai lle croissante de l'armée napoléonienne, aux exigences de très forte mobil ité
imposée par !'Empereur et à l'éloignement des champs de bataill es, les compagnies
civiles privées ne furent plus j ugées assez efficaces. Ainsi , toutes les opérations de
transpon mi litaire sont maintenant effectuées par des mil itaires. En util isant quel-
ques expressions à la mode, on pourrait dire que l'acti vité de soutien non stratégique
assurée par des prestataires extérieurs devient stratégique et intégrée. Ces chan ge-
ments d'organisation logistique au sein des armées préfigurent de l'évolution qui
sera plus tard constatée au sein des entreprises.
D ' aill eurs, la notion de soutien ne disparaîtra pas du champ logistique, même si
elle change de sens. En effet, comme les militaires utilisent des systèmes d'arme-
ment dont la complexité est croissante, certains spécialistes considèrent que le
soutien logistique durant toute la vie d'un système est une préoccupation essentielle.
Il revient aux fonctionnaires et in gén ieurs du Department of Defense (États-Unis),
dès le début des années soixante, d'avoir initi é ce type de raisonnement à travers le
célèbre Integrated Logistic Support, traduit par «soutien logistique intégré». Ce
concept a très vite été élargi aux équipements industriels et aux produits, de plus en
plus perfectionnés, issus de la recherche civile. La création de la SOLE- Society of
Logistics En gineers 1 - en 1966 en est l'exemple type. E ll e définit la logistique
comme « la gestion adéquate et le soutien effectif des éléments logistiques durant
toutes les phases de la vie d 'un produit ou d 'un système afin d' assurer une approche
effi ciente des budgets et des dépenses». Nous retrouverons cette définition, qu'il est
nécessaire de compléter, à cause de son caractère spécifique.
Dans l'entreprise, les premiers spécialistes à avoir pris en compte des aspects
logistiques sont cenainement les hommes du marketing. L 'un des quatre P étant
pllwe, la distribution physique est naturell ement ancrée dans les problématiques du
marketing. Dès 1922, Fred E. Clark 2 insiste en précurseur sur les fonctions de trans-
port et de stockage, avant de reconn aître l'importance du service, qu'i l juge panie
intégrante du produit. Deux ans plus tard, dans ses Readings in Marketing, il va
consacrer un chapitre entier à la distribution physique, telle qu'ell e est toujours définie
aujourd'hui3. Il serait trop long de passer en revue tous les chercheurs en marketing
qui se sont intéressés à la logistique, puis qui en ont fait leur centre d'intérêt princi-
il pal. À titre d'exemple, citons Donald J. Bowersox et David J. Closs qui ont tous
-~
·c deux un Ph. D in marketing.
~E C'est ainsi qu'en 1948, le comité de l' American Marketing Association chargé
o des définitions propose pour le terme logistique : «mouvement et manutention de
"§ marchandises du point de production au point de consommation ou d'utilisation 4 ».
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1
1. Aujourd'hui, SOLE signifie The lntematioll{I/ Society of Logistics (hu p://www.sole.o rg ).
] 2 . F.E. Clark, Princip/es ofMarketing, New York, The Macmillan Company, 1922.
3. F.E. Clark, Readings in Marketing, New York, The Macmillan Company, 1924 .
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Q 4. Selon D. Tixier, H. Matheel J. Colin, La Logistique d'entœprise, ParL,, Dunod, 1996.
10 LOGISTIQUE ET SUPPLY CHAIN MANAGEMENT
Comme l'indiqu e à juste titre la définition, le spectre des activités liées à la distri-
bution physique est très large. Pour la première fois, la configuration du réseau
logistique (choix des emplacements des usines et des entrepôts) et les prévisions de
la demande sont intégrées dans le périmètre de la distribution physique. Notons
aussi que la panie amont de la chaîne est présente, malgré le terme réducteur« dans
quelques cas» !
Précurseur, J.F. Magee 3 va cependant très vite améliorer sa défin ition in itiale,
considérant que la logistique est une «technique de contrôle et de gestion des flux
des matières et de produits depuis leur source d'approvisionnement jusqu'à leur point
de consommation». Même si cette nouvelle définition n'évoque que les flux physi-
ques - et pas encore les flux d'information-, ell e n'en est pas moins fondamentale
car la panie amont de la chaîne logistique est enfin prise clairement en considération.
Progressivement, les définitions s'affinent et expriment parall èlement la montée
en puissance de cette fonction dans les entreprises. En 1972, le NCPDM propose
une nouvell e définition :
« Tem1e décrivam l'inlégration de deux activités (ou plus) dans le bm de planifier,
mettre en œuvre et comrôler un fl ux efficiem de matières premières, produi ts semi-
1. John F. fvtagee, «The logislics of dislrïbutton ))• Harvard Bus;ness Rev;ew, juillel 1960, trad. dans
Hnrvt1rrl· l'Erpn11si011, n° 2, en 1976.
2. D.J. B<)\ve.rsox, « Physical Distribulion Devek>pmenl, Currenl SLatus, and Polential )), .lounwl of
Marketing, vol. 33, n° 1, p. 63-70, 1969.
3. J.F. fvtagee, /11d11strit1/ Logisitcs. Analysis and A1a11age11œ111 of Physica/ Supply and Distribtttion
Systems, New York, McGrnw-Hill, 1968 .
De la logisrique au supply chain management Il
finis et produi ts finis, de leur poim d 'origine au poim de consommation. Ces activités
peuvem i nclure, sans que la liste soi t exhaustive, le type de service offert aux cliems,
la prévision de la demande, les communications liées à la distribution, le comrôle des
stocks, la manutention des matériaux, le traitement des commandes, le service après
veme et des pièce~ détachées, le choix des emplacemems d' usines et d'emrepôt~, les
achats, l'emballage, le trai temem des marchandise~ retournées, la négociation ou la
réutilisation des élémems récupérables ou mi~ à la ferraille, l'organisation de trans-
ports et le transport effectif des marc handises ainsi que 1' emreposage et le stockage. »
Très précise et exhaustive, cette définition comble les vides de la précédente version
de 1963, en y intégrant d'une part la question de la planification et du contrôle, et
d'autre part, les phases d'approvisionnements et de retour - reverse logistù,'s. Remar-
quons qu'elle n'évoque toujours pas les flux d'informations associés aux flux physi-
ques si largement décrits. Cenains spécialistes ne panagent pas toujours les définitions
de Jeurs confrères. Ainsi, selon Ball ou 1, la logistique ne peut pas tout englober:
« La mission de la logistique est de fournir des biens et des service~ aux consomma-
teurs au bon endroit, au bon moment, et dans les conditions souhaitées, tom en assu-
ram la plus grande comribrnion à l'emreprise. »
La définition actuelle fi gurant sur ne site du CSCMP 1 est très proche de cell e don-
née en 1986 et 1991 par le CLM, ce qui prouve que la définition s'est bien stabili-
sée. La seule nouveauté, de tai lle, consiste à préciser que la logistique correspond à
une partie du supply chain mtmagement :
« /.,,()gistics mtuwgement is lhat partt of supply chain management tlwt pltm!i, imple-
ment!i, tuul controls the ejJkient, effective f<>nvartl t11ul reverse flow tuul swrt1ge <>/
gt><><l!i, setvices antl re/atetl i11formt1tù>11 between the 1x>it1t <>/ 1>rigi11 tuul the 1x>it1t <>/
c1>11!iw11ptù>11 in <>rtler t1> meet cust1>111er.\·' ret1uirements. »
1. Nous rnppekms au lecteur que le CSCMP e.-t le nouveau nom du CLM, qui déjà remplaçait le sigle
NCPDM. Voir Counc:il of Supply Chain Management Profi:.o;.,i<mals, http://www.""'mp.org/
2 . Il s'agil de la logi.'ilique interne, qui couvre le mouvemenl des maliè.res, des compos.anls el des
produits reçu.' des fournL,seur.; (défi nitio11 de I' ASLOG).
14 LOGISTIQUE ET SUPPLY CHAIN MANAGEMENT
1. Celle question se.ra abordée dans le chapitre consacré à la gestion des besoin.'i.
De la logisrique au supply chain management 15
L 'objecti f traditionnel d'un système logistique, plusieurs fois rappelé dans les
définitions précédentes (notammen1 cell e d'Heskett en 1977), est d'atteindre un
niveau de service donné pour un coüt minimum. Mais plus précisément, cet objectif
est en fait celui de la physical distribution. Il ne doit donc pas masquer les autres
objectifs opérationnels de la logistique. Sans classement hiérarchique, ces derniers
sont présentés ci-dessous. Ensemble, ils déterminent la performance logistique :
- la réponse optimale au client: il s' agit de la capacité de l'entreprise à répondre
dans les mei lleurs délais aux exigences des clients. Depuis plusieurs années, les
entreprises s'intéressent à l' Efficient Consumer Response 1• C'est un ensemble de
pratiques et de techniques, tant en marketing qu'en logistique, qui vise à optimi-
ser les assortiments, les promotions et le niveau de service, par une meilleure
coopération entre l'industri e et Je commerce. L'expérience montre aujourd'hui
que l' ECR peut être considérée comme une stratégie à pan entière ;
- la variabi lité minimale: les retards de livraison, les problèmes lors de la fabri cation,
les livraisons vers un mauvais entrepôt. .. peuvent conduire à une forte variabilité
dans les processus logistiques, à l'origine de coüts élevés et de cli ents insatisfaits.
Les coopérations logistiques et les TIC permettent de réduire la variabilité;
- Je stock minimum : il est nécessaire de faire deseffons pour réduire les stocks, afin
de maîtriser les coüts logistiques, sans pour autant sacrifier Je niveau de service
client. Comme l'a montré Ishikawa, réduire les stocks conduit à mettre en lumi ère
des problèmes que les stocks masquaient auparavant. Malgré tout, il ne faut pas
négliger Je fait que les stocks sont uti les au fonctionnement d'un système logistique
et qu'ils peuvent être financièrement justifiés lorsqu'i ls permettent de réaliser
d'importantes économies d'échell e dans la production ou dans la livraison ;
1. Le sile d'ECR ~ France exp<>se dairemenl les objectifs, Lanl en markeLing qu'en logi.'ilique de /'effi·
cient consumer response: h u p://www. ec r~france. org.
16 LOGISTIQUE ET SUPPLY CHAIN MANAGEMENT
1. D.J. Bowe.rsox., D.J. Ck>ss, Log;stictd A1a11age11œ111: The /11tegra1ed Supply Chain Process,
McGrnw-Hill, 1996.