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RB É. Nodet – Rec. K.

Berthelot 2017 1

In search of the Promised Land? The Hasmonean Dynasty Be-


tween Biblical Models and Hellenistic Diplomacy (Journal of
Ancient Judaism, Sup. 24), par Katell BERTHELOT, trad. du fran-
çais par Margaret RIGAUD. 15 x 24 ; 494 p., cartes. Göttingen /
Bristol (CT), Vandenhoeck & Ruprecht, 2017. — Rel. 100 €
(ISBN 978-3-525-55252-0 ; ISSN 2198-1361).
Les premiers Asmonéens, du grand prêtre Jonathan (152-143) au roi
Alexandre Jannée (103-76), ont mené une politique de conquête autour de la pe-
tite Judée de Judas Maccabée, qui ne s’étendait que d’Emmaüs à Jéricho. Le ré-
sultat fut une extension territoriale considérable, très semblable aux domaines
bibliques conquis par Moïse en Transjordanie, puis par Josué en Canaan. Le
rapprochement a été fait, mais les sources connues, surtout 1-2 Maccabées et
Josèphe, ne parlent pas clairement de reconquête du Pays d’Israël. L’A. reprend
le dossier, en offrant un inventaire très complet des allusions possibles dans la
littérature ancienne.
Introduction. The Historiography of the Hasmonean Period. The Influence of
Biblical Models and of Modern Debates on the Creation of a Jewish State. Mal-
gré quelques voix dissidentes, le paradigme de la reconquête de Canaan par les
asmonéens est resté dominant, bien que Josèphe, la principale source sur toute
la période, n’y fasse jamais allusion. De plus, il est notable que les frontières bi-
bliques sont assez mal définies, et surtout qu’après l’exil il n’y a jamais eu au-
cun précepte explicite de reconquête à la manière de Josué. Une autre singulari-
té est la circoncision forcée des Iduméens par Jean Hyrcan, ce qui est expressé-
ment contraire à la perspective d’Esdras et Néhémie, car ceux-ci s’en tiennent
strictement à la généalogie pour définir Israël.
Part I – Did the Hasmoneans Seek to reconquer the Promised Land or Re-
store Juda ? The Accound of the Hasmonean Wars in 1 Maccabees. Il est admis
que ce livre fut écrit en hébreu, mais sa date est discutée, car il s’achève par une
courte notice sur les exploits de Jean Hyrcan (135-104), fils et successeur de
Simon. On suppose donc souvent qu’il fut rédigé après la mort de Jean, vers -
100 ; l’A. suggère un terminus ad quem de 112-111, avant les principales con-
quêtes de Jean. Le récit parallèle de 2 Maccabées, qui se présente comme un ré-
sumé de l’œuvre d’un certain Jason de Cyrène, est en fait très différent,
puisqu’il commence bien avant la crise de 167-164 et qu’il s’achève avant la
mort de Judas Maccabée, en -160 ; de plus, les brèves allusions à Jonathan et
Simon frères de Judas et futurs grands prêtres, sont peu flatteuses. Autrement
dit, les Asmonéens sont entièrement ignorés. Quant à Josèphe, il offre deux ré-
cits : d’abord, un bref survol est donné en G 1:32-56, où il ignore la fête de la
Dédicace, mais où il ajoute une rivalité à Jérusalem entre Oniades pro-égyptiens
et Tobiades pro-syriens ; plus tard, AJ 12:237-13:235 donne un récit détaillé très
parallèle à 1 Maccabées, sauf au début et à la fin. Simon conquit des territoires
jusqu’à la mer (Jaffa) et y installa des Juifs, mais c’était pour contrer les inva-
sions syriennes, et non pour suivre les traces de Josué. Lors d’une protestation
d’Antiochus VII de Syrie contre les conquêtes de Simon, celui-ci invoque le
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droit de reprendre « l’héritage de nos pères » (1 M 15,33), mais il s’agit surtout
d’un langage diplomatique hellénistique, bien davantage que des propriétés de
l’ancien territoire de Juda, reprises par des rapatriés d’exil (cf. Ne 11,20-24).
Cependant, 1 Maccabées a souvent une phraséologie deutéronomiste, et il offre
des allusions bibliques manifestes, puisque le testament de Mattathias men-
tionne comme exemples une série de personnages bibliques (d’Abraham à Da-
niel, 1 M 2,52-60). Pourtant, il s’agit là d’une légitimation de la dynastie asmo-
néenne, et non d’un programme de reconquête.
Part II – The Era of the Conquest. Rise and Fall of the Hasmonean State. Jo-
sèphe est la principale source, mais il y en a d’autres, qui permettent de situer sa
perspective. Strabon (de -63 à +24) explique qu’après de brillants débuts avec
Moïse, la Judée tomba dans la tyrannie à partir du roi Alexandre Jannée, avec
maraudages tout autour. Il dépendait pour une part de Posidonius (env. 130-46),
qui admirait le monothéisme de Moïse. De même, Trogue-Pompée, au temps
d’Auguste, loue aussi Moïse, mais signale des pillages de Judéens au temps de
Pompée. Tacite (env. 56-120) mentionne brièvement la violence du régime as-
monéen. Enfin, la plus importante source aurait dû être les Histoires de Nicolas
de Damas (env. 64-1), puisqu’il fut secrétaire d’Hérode, et comme tel suspect
d’être défavorable aux asmonéens que celui-ci avait supplantés ; ses œuvres,
que Josèphe cite, sont largement perdues, mais on peut conclure des extraits
conservés qu’il n’était pas défavorable. Quant à Josèphe lui-même, il ne cache
pas les oppositions internes aux asmonéens, mais il apprécie leur politique
d’expansion territoriale de la Judée, quoique sans allusion à une politique de re-
conquête de la Terre promise.
Après quelques difficultés à la suite de l’assassinat de Simon, son fils Jean
Hyrcan se rétablit et se lança dans des conquêtes après la mort d’Antiochus VII
Sidétès (-129), car la suzeraineté syrienne sombrait dans des querelles dynas-
tiques. Ainsi, sa richesse s’accrut, et la population juive put s’étendre et prospé-
rer. Après lui, son fils Aristobule (104-103) consolida une conquête de la Gali-
lée, ce qu’on sait surtout par l’archéologie, et la prolongea vers une partie de
l’Iturée, au Liban. Ensuite, Alexandre Jannée (103-76), un autre fils de Hyrcan,
s’assura le contrôle de la côte et de la vallée du Jourdain, puis il s’attaqua aux
Arabes de Moab et de Galaad, mais il se heurta aux forces syriennes et aux rois
nabatéens ; après quelques défaites, il finit par récupérer les territoires perdus. Il
n’avait pas d’autre motif que d’accroître sa richesse. Après sa mort, sa femme
Alexandra (76-67) se borna à stabiliser quelques conquêtes, puis le royaume se
désintégra par la rivalité de ses deux fils, Aristobule II et Hyrcan. En effet,
Pompée vint en -63 arbitrer le conflit et réduisit pratiquement la Judée à ce
qu’elle était au temps de Judas Maccabée. Pourtant, il restait des Juifs dissémi-
nés dans tout le pays, et en -56, le gouverneur Gabinius, voulant pour assurer la
paix éviter des intrusions romaines dans les affaires juives, établit cinq sanhé-
drins provinciaux, à Jérusalem, Gadara, Amathonte, Jéricho et Séphoris.
Quant à l’installation de populations juives dans les territoires conquis, on
voit d’abord Simon chasser les étrangers des places fortes conquises, mais à
partir de son fils Jean Hyrcan une nouvelle politique apparaît : les conversions
forcées. Selon AJ 13:257-258, Jean contraignit les Iduméens, qui occupaient
leur terre ancestrale au sud de la Judée, à adopter les coutumes juives, dont la
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circoncision, ou à s’exiler. Cependant, l’archéologie a montré que les Iduméens
avaient déjà des coutumes de purification et de circoncision, et l’A. conjecture
qu’ils ont obtenu un statut analogue aux « étrangers résidents » bibliques (ge-
rim), la circoncision n’étant obligatoire que pour la Pâque. Ensuite, selon AJ
13:318-319, Aristobule fils de Jean fit de même avec une partie des Ituréens,
pour des raisons analogues. Une telle politique d’absorption de nations étran-
gères reflète une influence hellénistique, éloignée de la perspective des premiers
grands prêtre asmonéens. Un aspect annexe de cette tendance fut le recrutement
de mercenaires, inauguré par Jean Hyrcan. Les détails ne sont guère fournis,
mais cela implique la présence de cultes étrangers au sein de l’armée nationale ;
il est cependant probable que leur loyauté était plus ferme, du fait de graves dis-
sensions au sein du peuple. En tout cas, les Asmonéens avaient les moyens de
se payer une armée.
Part III – Polemic, Memory, Forgetting. D’autres documents juifs anciens
non historiques évoquent incidemment les Asmonéens. Les textes de Qumrân
ignorent Mattathias et Judas Maccabée, et l’identification de Jonathan avec le
« prêtre impie », adversaire du Maître de Justice de 1QpHab, reste douteuse. En
4Q379, reproduit en 4Q175, un commentaire de Jos 6,26 (malédiction contre
quiconque rebâtira Jéricho), avec diverses allusions bibliques (surtout Jr), men-
tionne un « homme de Bélial » qui pourrait être identifié avec Jean Hyrcan.
4Q339 donne une liste de faux prophètes bibliques, et une restitution conjectu-
rale y introduit Jean Hyrcan. Dans le Rouleau du Temple, col. 57-58, la guerre
doit être faite par le peuple, ce qui implicitement exclut les mercenaires, d’où
une possible critique des Asmonéens. D’autres textes peuvent être interprétés
comme critiquant Alexandre Jannée, en particulier 4Q448, qui le mentionne
comme roi.
La littérature rabbinique présente une certaine ambivalence. Le document
Megilat Ta‘anit est une liste de 35 jours festifs commémorant des événements
heureux. Au moins sept d’entre eux se rattachent aux libérations obtenues par
les fils de Mattathias (non nommés) contre des adversaires, et le plus tardif
mentionne Hadrien ; quatre jours évoquent des conquêtes asmonéennes, dont la
destruction du Garizim par Jean Hyrcan (non nommé). Par ailleurs, plusieurs
passages talmudiques affirment que les Asmonéens ont rejeté le joug des Grecs,
ce qui correspond à Simon, et l’on rencontre des échos fantaisistes des con-
quêtes de Jannée. On trouve aussi une allusion au don de prophétie de Jean
Hyrcan, mentionné par Josèphe, mais il n’y a aucune critique de ses conquêtes.
Un cas intéressant est présenté en b.Qid 66a : Jannée, revenant d’une conquête,
offrit un festin où il étala sa richesse. Il lui fut alors demandé d’abandonner la
grand-prêtrise et de se contenter de la royauté, car il était soupçonné de bâtar-
dise ; finalement, il massacra les sages pharisiens et proscrivit leurs traditions.
Josèphe a un passage parallèle, rattaché à tort à Jean Hyrcan, mais plus clair : le
roi quitta les Pharisiens et leurs traditions pour s’attacher aux Sadducéens (AJ
13:292-296). Plus tard, sur son lit de mort, Jannée admit que c’était une erreur,
et recommanda à sa femme Alexandra, qui allait lui succéder, de revenir aux
Pharisiens (13:401).
Conclusion. Malgré l’importance que dans son testament Mattathias attribue
aux grandes figures bibliques, incluant Josué, il ne s’agit que d’une légitimation
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de la dynastie asmonéenne. Que celle-ci ait été appréciée ou vilipendée, on ne
trouve aucune trace littéraire suggérant que ses conquêtes territoriales furent
motivées par un désir de reconquérir la Terre promise à la manière de Josué. La
réalité était plutôt, après une sortie de la persécution au temps de Judas Macca-
bée, une volonté d’expansion à la manière hellénistique, en vue d’augmenter la
richesse des grands prêtres et des rois, avec des répercutions possibles sur la
prospérité du peuple. Certains textes (Jubilés 8-10 ; Genesis Apocryphon col.
16-17) ont voulu montrer que l’attribution du pays de Canaan à Israël remontait
à Sem fils de Noé, mais il s’agissait d’une vision marginale, quasi poétique. En
tout cas la notion de grand prêtre guerrier était une nouveauté peu biblique qui
n’a guère troublé Josèphe.

Cette étude extrêmement fouillée, où les diverses opinions sont présentées et


discutées, établit clairement le point en débat : on ne discerne aucune trace dans
l’expansionnisme asmonéen d’une volonté de reconquête de la Terre promise.
L’A. craint en finale que cet argument e silentio soit discutable, mais on peut
étoffer son résultat par quelques considérations complémentaires.
1. La paraphrase biblique de Josèphe est issue d’un exemplaire hébreu pris
par Titus en 70 dans les archives du Temple ; il offre d’intéressants contacts
avec des fragments de Qumrân, et surtout il ne doit rien à la LXX (cf. Cahiers-
RB 92, 2018, p. 260-263). Son témoignage est donc très utile, particulièrement
pour les livres de Josué et de 1 Maccabées. Pour le premier, on remarque
d’abord des analogies entre Josèphe et la version samaritaine (première partie de
la Chronique II), alors qu’il s’agit certainement de traditions séparées. En parti-
culier, le lot attribué à Juda lors de la conquête est un petit territoire : en AJ
5:76-79, Josèphe explique que les domaines de Juda (Jérusalem) et Benjamin
(Jéricho) sont très fertiles et ont la même valeur que ceux des autres tribus ; ils
sont donc de superficie modeste. Au contraire, selon Jos 15 canonique, Juda
s’étend sur tout le sud de Canaan, absorbant la tribu de Siméon et les Philistins.
À ce sujet, le cas d’Édom biblique embarrasse Josèphe, car pour lui c’est
l’Idumée, vaste région au sud de Juda, commençant à Beth-Çur, à mi-chemin
entre Jérusalem et Hébron, et s’étendant de la mer Morte à la Méditerranée. Il
explique laborieusement qu’après la mort d’Isaac, Ésaü et sa postérité « occupè-
rent la partie de l’Idumée nommée Gobolitide, et celle qui s’appela Amalécitide
d’après Amaleq. L’Idumée ancienne s'étendait loin ; l’Idumée actuelle a conser-
vé le nom de cet ensemble et les autres parties de l’Idumée ancienne ont tiré
leur nom de leurs fondateurs » (AJ 2:6). Il attribue cette extension en Transjor-
danie au fait qu’Ésaü était surnommé Édom.
Pour Josèphe, donc, lorsque Pompée réduisit la Judée à sa dimension primi-
tive, il s’agissait approximativement du lot de Juda, qui correspond aussi au ter-
ritoire défendu par Judas Maccabée. On peut ajouter qu’il n’utilise jamais le
terme « Israël » à propos des conquêtes asmonéennes : ce ne sont que des ex-
tensions de la Judée. En outre, il est conscient de ce que celle-ci ne représente
pas tout Israël. En effet, paraphrasant l’invitation du roi perse Artaxerxès à Es-
dras de revenir à Jérusalem avec son peuple exilé (Esd 7,13), il explique (AJ
11:133) : « L’ensemble du peuple des Israélites resta dans la région. C’est pour
cela que deux tribus seulement (i.e. Juda et Benjamin) sont maintenant sous
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domination romaine, en Asie et en Europe, alors que les dix autres sont encore
au-delà de l’Euphrate, formant des myriades sans fin qu’il est impossible de dé-
nombrer proprement. »
2. De manière plus spécifique, Josèphe reste mal à l’aise avec les Samari-
tains du Garizim. À propos des colons importés par les Assyriens après la chute
de Samarie en -722, qu’il appelle Kutéens, il explique qu’après avoir été ins-
truits du culte au Dieu d’Israël, « ils l’adorèrent avec zèle, et… encore au-
jourd’hui, ils continuent à observer les mêmes coutumes. Mais ils changent
d’attitude selon les circonstances : lorsqu’ils voient les Juifs prospérer, ils les
appellent leurs parents, étant issus de Joseph (i.e. Éphraïm et Manassé), en qui
ils voient l’origine de cette parenté ; mais quand ils les voient en difficulté, ils
disent n’avoir rien en commun avec eux » (AJ 9:290). Ainsi, Josèphe ne les
soupçonne nullement de syncrétisme, ce qui signifie qu’il ignore 2 R 17,29-34,
passage classique qui fait traditionnellement des Samaritains, surtout dans le
TM, une secte hybride issue du Judaïsme, ce qui est très inexact. En AJ 11:306-
312 il signale, peu avant l’arrivée d’Alexandre en -332, une réforme lancée par
les « anciens » de Jérusalem, expulsant en Samarie ceux qui ont épousé des
Israélites locales, qualifiées d’étrangères. Ces « anciens » avaient une doctrine
conforme à celle d’Esdras et Néhémie, pour qui Israël est strictement défini par
la généalogie des rapatriés d’exil. De fait, des fouilles archéologiques ont mon-
tré que le temple du Garizim remonte au moins au Ve s., et les deux temples ont
coexisté jusqu’à la crise maccabéenne. Selon 2 M 5,22-23, Antiochus IV se reti-
ra après avoir pillé Jérusalem, et « il laissa des préposés pour faire du mal à la
nation : à Jérusalem, Philippe… et sur le mont Garizim, Andronique » ; la na-
tion avait donc deux temples légitimes. Dans ce contexte, Josèphe cite une sup-
plique des Samaritains à Antiochus, où ils se présentent comme « Sidoniens de
Sichem » et veulent se distinguer des Juifs (AJ 12:258) ; il s’agit donc bien
d’Israélites locaux, rattachés à la nébuleuse phénicienne.
La coexistence se poursuivit quelque temps, car en -152 le roi syrien Démé-
trius Ier offrit trois districts de Samarie à Jonathan fils de Mattathias, pour le sé-
duire, car sa légitimité était contestée par Alexandre Balas. Il stipulait que la
population concernée devrait désormais obéir au grand prêtre de Jérusalem, qui
allait être Jonathan (1 M 10,38) ; cela n’impliquait aucun changement de reli-
gion, mais le régime asmonéen n’était pas encore proprement instauré. Quand il
le fut, une crise éclata. Josèphe rapporte un épisode à Alexandrie, vers -150, où
Juifs et Samaritains demandèrent au roi Ptolémée VI de décider lequel des deux
sanctuaires était conforme aux lois de Moïse ; les Juifs gagnèrent, nous dit-on,
mais c’était pour des raisons politiques, car les Samaritains avaient de meilleurs
arguments bibliques (AJ 13:74-78 ; cf. Dt 11,29 etc.). Le régime asmonéen était
donc une réalité nouvelle, et plus tard, vers -111, Jean Hyrcan prit soin de dé-
truire le temple du Garizim, car il constituait une menace pour sa légitimité ;
bien entendu, il ne chercha pas à judaïser les Samaritains, et la Samarie est res-
tée comme un corps étranger dans la Judée élargie.
3. Le livre de 1 Maccabées est un récit de fondation de la dynastie asmo-
néenne, avec la Dédicace du 25 Kislev commémorant la reconquête du sanc-
tuaire par Judas en -164. Il suggère que la fête fondatrice fut acceptée de tous,
ce qui crée une illusion d’optique, car les livres de 2 Maccabées et Daniel affi-
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chent des vues très différentes. Le premier est essentiellement un récit de fonda-
tion du « Jour de Nikanor », le 13 Adar, qui commémore la victoire de Judas
Maccabée contre ce général syrien. C’est la veille du « Jour de Mardochée », ou
Purim, ce qui renvoie à la diaspora, car le livre d’Esther rapporte une persécu-
tion lointaine qui fut réglée sur place, sans aucune allusion au pays d’Israël. La
finale 2 M 15,37 est remarquable : après la disparition de Nikanor, Jérusalem
« demeura en la possession des Hébreux », ce qui ignore superbement les as-
monéens et leurs longues luttes, car la citadelle syrienne de Jérusalem ne fut fi-
nalement réduite qu’en -142, soit quelque 20 ans plus tard, par le grand prêtre
Simon, frère et successeur de Jonathan (1 M 13,51). Par ailleurs, le livre est pré-
facé par une lettre des Juifs de Jérusalem à ceux d’Égypte ; elle est datée de -
124, sous Jean Hyrcan fils de Simon, et en cite une autre datée de -142, l’année
de la victoire de Simon. Il s’agit d’une invitation répétée à célébrer la « fête de
la Demeure » le 25 Kislev, c’est-à-dire la Dédicace, fête de huit jours instaurée
par Judas Maccabée lors de sa reconquête du Temple (1 M 4,59). En clair, cela
signifie que les Juifs d’Égypte résistaient à la dynastie asmonéenne, tout comme
les Samaritains. Le terme employé (σκηνοπηγία) signifie dans la LXX « fête des
Tentes », et pour harmoniser avec 1 M, il en est résulté l’insertion en 2 M 10,1-
8 d’un paragraphe un peu étrange où Judas, après avoir purifié le Temple, cé-
lèbre une « fête des Tentes » le 25 Kislev, au moment de la mort d’Antio-
chus IV Épiphane ; en fait, Judas était arrivé victorieux à Jérusalem bien aupa-
ravant (2 M 8,20).
Quant au livre de Daniel, on y lit, sous forme de prophétie, un récit fleuri où
l’on reconnaît les luttes après Alexandre entre les rois de Syrie et d’Égypte ; il
culmine sur la persécution orgueilleuse d’Antiochus IV. On apprend que chez
les Juifs, parmi les doctes, certains ont pris les armes, avec une nuance négative
(Dn 11,33-34), ce qui par contraste valorise l’héroïsme des martyrs de 1 M 1,63
(et 4 M). Très logiquement, Judas et sa fête ne sont pas mentionnés, et il est
abusif d’en conclure, comme on le fait souvent, que le livre a été écrit juste
avant sa victoire. En effet, il est dit peu auparavant que l’invasion de l’Égypte
par Antiochus IV a été bloquée par les Kittim (11,30) et l’on sait par l’historien
Polybe qu’il s’agit des Romains. L’allusion est négative, car cet arrêt fut la
cause de l’intervention brutale en Judée d’Antiochus en mal d’argent. Or, ces
Kittim désignaient plus anciennement les Grecs (cf. 1 M 1,1) ; de plus, on lit en
1 M 8,1-16 un éloge appuyé des Romains, de leur force et de leurs institutions
stables ; ils ont même vaincu les Kittéens (8,5). Cette vue favorable est certai-
nement antérieure à l’invasion de Pompée en -63, suivie d’une domination ro-
maine durable. Il y a donc lieu de supposer que ce chapitre (Dn 11) a été com-
posé après cette date (cf. RB 2011, p. 260-268). Il en est d’ailleurs de même
pour les écrits de Qumrân mentionnant la férocité des Kittim.
4. Quand il composait la Guerre, Josèphe ne connaissait ni 1 Maccabées ni
la Dédicace. Son bref récit de la crise s’achève sur la conquête de Judas, qui a
refoulé Antiochus (1:39) : « Une fois maître du Temple, il purifia les lieux, bâtit
une muraille autour, remplaça les ustensiles cultuels… il construisit un autre au-
tel et commença les sacrifices expiatoires. » Judas paraît donc agir comme
grand prêtre, et Josèphe ne l’a pas oublié, car en AJ 12:434 il en fait un grand
prêtre acclamé par le peuple, qui combattit les Grecs jusqu’à sa mort, ce qui est
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évidemment aberrant, puisqu’à l’époque le grand prêtre de Jérusalem était un
fonctionnaire nommé par l’autorité syrienne. Entre ces deux récits, on voit que
le sommaire du livre 12, tel que donné par les mss, est un très mauvais résumé,
mais qu’il s’explique bien comme une esquisse préliminaire de l’auteur : la
trame en est fournie par le récit de la Guerre, mais y sont insérés des blocs
qu’on retrouve dans 1 M, non sans quelques incohérences (cf. CRB 89, 2017, p.
46-50). Or, Josèphe utilisait une source hébraïque analogue à la source de 1 M
grec, avec parfois des tournures mieux comprises que dans la LXX (cf. RB
2015, p. 507-539), mais il n’a pas vu exactement cette source, car il diverge au
début et à la fin. Au début, il ne rend pas 1 M 1, qui est schématique, omettant
les grands prêtres antérieurs ainsi que les Samaritains, et il le remplace par des
renseignements étoffés sur les grands prêtres, l’Égypte et la Syrie (AJ 12:237-
264), qu’on retrouve en partie en 2 M. À la fin, AJ 13:215-235 est parallèle à
1 M 14-16, quoique distinct, et se prolonge sans heurt avec l’histoire de Jean
Hyrcan. L’impression d’ensemble est qu’un unique récit a été résumé (ou ampli-
fié) de deux manières indépendantes : 1 M reformule brièvement le début, puis
ajoute un décret honorifique sur Simon (14,27-49), ainsi que l’alliance formelle
avec les Romains (15,15-24), qui est issue d’un document d’archive. Il n’y a
donc pas de raison de conclure que 1 M représente l’original, sans même parler
d’une approbation universelle : on a pu composer un extrait, dûment arrangé,
d’un document hébreu beaucoup plus long. En particulier, Josèphe ignore
l’éloge des ancêtres du testament de Mattathias (1 M 2,52-60), qu’il remplace
par une exhortation vertueuse (AJ 12:279-284). Il y a donc un soupçon que
l’original hébreu de 1 M ait été rédigé bien après la mort de Jean Hyrcan.
5. Cet original, qui a pu servir de modèle pour la révolte messianisante de
Bar Kokhba (132-135), a été banni de la bibliothèque rabbinique. Origène,
Comm. in Ps 1, observe que le livre est « à l’extérieur » et lui donne un titre hé-
breu approximatif, σαρβηθσαρβανεελ, dont la restitution la plus probable est
‫ ספר בית סרבני אל‬ou Livre de la maison des rebelles contre Dieu, ce qui est fort
peu flatteur pour les Asmonéens. Le nom de « Maccabée » est ignoré des
sources rabbiniques, et le petit récit talmudique de l’origine de la Dédicace se
borne à indiquer brièvement une victoire sur les Grecs, sans aucun détail paral-
lèle à 1 M (b.Shab 21a), ce qui rejoint les courtes allusions signalées par l’A.
Cependant, la tentative de Bar Kokhba était l’aboutissement d’un esprit zélote
né en Galilée, qui s’opposait farouchement à la domination romaine instaurée
par Pompée, et qui, après divers détours, fut responsable de la ruine de 70. Le
village d’Emmaüs en était devenu un symbole, car c’est là que Judas Maccabée,
menant une guerre sainte selon Dt 20,1-8, avait remporté contre les Grecs une
victoire décisive ouvrant la route de Jérusalem, et « une insigne délivrance s’est
opérée ce jour-là en Israël. » (1 M 4,25). Selon G 2:63.71, ce fut le point de ral-
liement d’un mouvement zélote, après la mort d’Hérode. En Lc 24,21 des dis-
ciples de Jésus à l’esprit zélote se rendaient tristement à Emmaüs : ils avaient
espéré que celui-ci « délivrerait Israël », et ils faisaient justement le trajet in-
verse, de Jérusalem à Emmaüs. Yohanân b. Zakkaï, un ancêtre galiléen de la
tradition rabbinique, avait fondé en 68 une école à Yabneh-Iamnia, en Judée ; il
répudiait l’activisme zélote et affirmait que ceux qui allaient à Emmaüs per-
daient leur Tora. Ce fut le cas de son disciple Éliézer b. Arakh, qui avait pour
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admirateur Aqiba, lequel crut un temps que Bar Kokhba était le Messie.
On ignore jusqu’à quel point les divers mouvements zélotes avaient en vue
une restauration de l’Israël biblique, mais il y a au moins un cas où l’ombre de
Josué fut active. Josèphe rapporte (AJ 20:97-98) qu’au temps du procurateur
Fadus (44-46) « un faux prophète nommé Theudas persuada une grande foule
de gens de le suivre vers le Jourdain en emportant leurs biens ; il prétendait être
prophète et affirmait qu’à son commandement le fleuve se fendrait ». Il
s’agissait bien d’une reconquête armée de Canaan par un peuple venu de loin
avec ses bagages, ce qui n’échappa pas à Fadus.
6. Les Juifs d’Égypte et les Samaritains sont restés méfiants à l’égard du ré-
gime asmonéen, car il s’agissait d’une autre culture, ce qu’on voit bien à propos
du sabbat. Selon 1 M 2,41, après un massacre de Juifs qui ne pouvaient se dé-
fendre ce jour-là, on prit la décision avec Mattathias de permettre la défense ar-
mée le sabbat. Le fait notable est que le problème était nouveau ; aucun précé-
dent n’était invoqué, alors que l’histoire biblique plus ancienne est constellée de
guerres. Josèphe rapporte que cette décision resta en vigueur dans l’État de Ju-
dée jusqu’à son temps, ce dont les assaillants romains surent tirer parti (cf. AJ
14:63). Pourtant, en AJ 13:251, Josèphe cite Nicolas de Damas disant que lors
d’une campagne contre les Parthes, Jean Hyrcan venu en auxiliaire
d’Antiochos VII Sidétès demanda un arrêt de deux jours pour ses troupes, car il
y avait un sabbat suivi d’une Pentecôte. Le renseignement est édifiant, mais
douteux, car il est évident qu’un soldat qui observe le sabbat est inutilisable en
campagne, ce qui peut expliquer aussi l’emploi de mercenaires par Jean Hyrcan
et ses successeurs. Or, le précepte biblique du repos du sabbat n’implique nul-
lement l’abstention de toute défense. Par contre, le modèle babylonien de Né-
hémie, qui impose la pureté généalogique, est fondé non pas sur la perspective
d’un État, mais sur des villes entourées de murailles, lesquelles ont le sabbat
une fonction sacrale d’isolement complet (Ne 7,1-3 ; 13,19-22). Mattathias, puis
Judas Maccabée et ses frères étaient de cette culture. Par contraste, il est notable
que 2 M, qui ignore toute idée d’État, prend soin d’éviter toute activité guerrière
le sabbat et le souligne (cf. 5,25 ; 8,26). Par ailleurs, au moment de la crise
(167-164), il y avait un grand prêtre en fonction, Ménélas (173-162), ce qui
tempère la grandeur de la victoire cultuelle de Judas. Par la suite, après Alkime,
successeur de Ménélas, il n’y eut plus de grand prêtre à Jérusalem pendant sept
ans (159-152), jusqu’à la promotion de Jonathan, alors qu’il y avait un temple
au Garizim et un autre en Égypte, vers Héliopolis, avec un grand prêtre légi-
time, Onias (cf. AJ 20:236). C’est justement dans ces circonstances que les Sa-
maritains voulurent faire abolir le temple de Jérusalem. En outre, il n’est pas
certain que les premiers asmonéens, grands prêtres institués par l’autorité sy-
rienne, aient été très à l’aise avec le culte de ce temple.
7. Ce dernier point soulève une question sur le bon usage de la Bible au
Temple. Le fragment de Qumrân 4Q448 mentionne comme indiqué par l’A. le
roi Alexandre Jannée, qui s’est attaché aux Sadducéens, et il formule le vœu que
les guerres s’achèvent. Il a été rattaché, pour des raisons de fond et de forme, à
l’important document 4QMMT, qui a été reconnu par des talmudistes comme
présentant des coutumes sadducéennes. Ce document a été conservé en trois
parties disjointes : d’abord un calendrier, qui est celui des Jubilés, utilisé aussi
RB É. Nodet – Rec. K. Berthelot 2017 9
par les Esséniens ; ensuite, des règles de pureté rituelle, surtout relatives au
culte du Temple, et aussi au statut marital, en relation avec les prêtres et le
Temple, le tout expressément fondé sur l’Écriture ; enfin, une exhortation à mé-
diter les exemples bibliques, qui commence ainsi : « Vous savez que nous nous
sommes séparés de la majorité du peuple et de toute leur impureté […] Nous
t’avons écrit pour que tu étudies soigneusement le livre de Moïse et les livres
des Prophètes et David. » Il s’agit donc d’une invitation respectueuse pour un
redressement du peuple qui s’est dévoyé. Elle est adressée à un haut respon-
sable, apparemment le roi Jannée, qui n’est ni un adversaire ni un grand prêtre.
Le ton est modeste (« nous pensons que… »), et il n’est invoqué aucune cou-
tume ancienne à reprendre. Josèphe dit que le peuple a refusé cette réforme sad-
ducéenne et qu’avant de mourir, Jannée a conseillé à Alexandra de revenir aux
Pharisiens. Le refus du peuple n’était probablement pas dû aux minuties cul-
tuelles, mais plutôt au changement de calendrier, qui bouleversait l’ordre des
fêtes tel que prévu dans le calendrier babylonien traditionnel, lequel étant lu-
naire était facile à suivre pour tous (cf. RB 2012, p. 186-212). Le point impor-
tant à noter ici est que malgré l’abondance d’appuis bibliques, il n’est nullement
question dans 4QMMT d’une reconquête du Pays d’Israël, bien au contraire.
En résumé, donc, la conclusion de l’A. se trouve renforcée : les Asmonéens
n’avaient aucune raison d’envisager une réalité biblique au-delà de la Judée ;
leurs conquêtes avaient des raisons purement mondaines. Une tradition rabbi-
nique ultérieure admet un précepte d’habiter au Pays d’Israël (Canaan ou Pales-
tine), mais elle n’envisage pas un État à établir humainement (Maïmonide).

Jérusalem, juillet 2018


Étienne NODET, enodet@gmail.com

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