ALGÉRIENNES,
PAR
E. PELLISSIER,
CAPITAINE D’ÉTAT-MAJOR, CHEF DU BUREAU DES ARABES À ALGER
EN 1833 ET 1834
Tome Deuxième.
PARIS,
ANSELIN ET GAULTIER — LAGUIONIE,
LIBRAIRES POUR L’ART MILITAIRE,
Rue Dauphine, n° 36, dans le Passage Dauphine.
ALGER,
CHEZ PHILIPPE, LIBRAIRE.
MARSEILLE,
CHEZ CAMONI, LIBRAIRE.
1836
Livre numérisé en mode texte par :
Alain Spenatto.
1, rue du Puy Griou. 15000 AURILLAC.
http://www.algerie-ancienne.com
PREMIÈRE PARTIE.
LIVRE IX.
Arrivé à Sidi Haïd par une nuit fort noire, elle donna en
plein au milieu des Arabes, qui la reçurent par une dé-
charge presque à bout portant. Cette brusque fusillade, à
laquelle personne ne s’attendait, mit le désordre dans la
cavalerie qui se replia précipitamment sur les Zouaves,
lesquels furent ébranlés à leur tour. Si l’ennemi eût profi-
té de ce mouvement de confusion, on ne peut dire ce qui
serait arrivé ; mais il n’osa se porter en avant. Cette faute,
ou plutôt cette faiblesse, donna à la colonne le temps de
se reconnaître. Le brave commandant Duvivier eut bien-
tôt rallié les Zouaves. Quant à la cavalerie, les officiers
virent tous qu’il était impossible de la reformer réguliè-
rement dans un moment aussi critique, et qu’il n’y avait
d’autre ressource que de la porter en avant telle qu’elle
était. En conséquence, ils se précipitèrent eux-mêmes sur
l’ennemi, en appelant à eux leurs cavaliers qui ne furent
pas sourds à leur voix. Cet élan fut fort beau, et fut suivi
d’un plein succès. L’ennemi recula. Dans ce moment,
le jour commença à poindre : pouvant alors distinguer
les objets, on mit plus d’ordre dans le combat. La ca-
valerie arabe chargée par la nôtre abandonna lâchement
les fantassins dont une centaine furent sabrés ou tués à
coups de lances. Les fuyards se réfugièrent de l’autre
côté du défilé, et vers Sougali. Le général Fodoas ne
voulant pas les poursuivre, s’arrêta à l’entrée du défilé.
Il y rallia sa colonne qui déjeuna sur le champ de ba-
taille. Il reprit ensuite la route d’Alger ; mais à peine ce
mouvement de retraite se fuie il dessiné, que les Arabes
repassèrent le défilé pour recommencer le combat. La
colonne fit volte-face, la cavalerie chargea de nouveau,
LIVRE X. 35
___________________
(1) La seconde brigade était commandée par le maréchal-de-camp
Sauzet.
LIVRE X. 49
est faite, nos routes sont si belles que l’on ne doit pas re-
gretter le temps ni les bras qu’on y a employés. Mais ce
qui est à regretter, peut-être, c’est que le génie ait partout
voulu faire du neuf, et qu’il n’ait pas assez tiré parti de
ce qui existait.
L’ancienne route de Kouba, par exemple, était assez
large dans la plaine pour donner passage à deux chariots,
ce qui était bien assez ; mais on a voulu l’élargir encore, et
l’on coupe pour cela dans ce moment les beaux arbres et
les épaisses haies qui la bordent, et en font une délicieuse
promenade. Je pourrais citer d’autres exemples. On sait
que le génie, soit militaire, soit civil, est peu poétique de sa
nature, et qu’il sacrifie facilement l’agréable à ce qu’il croit
être l’utile; mais l’ombrage est ici aussi utile qu’agréable,
et pour le conserver là où il existe, ne pourrait-on faire un
peu fléchir les lois de l’équerre et du niveau ? L’applica-
tion trop absolue de ces mêmes loi nous a conduits, sans
nécessité apparente, pour le vulgaire du moins, à de forts
remblais qui, de dix à douze ans, n’auront pas la solidité
du sol naturel. De sorte que dans la saison des pluies, nos
routes sont souvent impraticables en plusieurs endroits, et
que le voyageur se voit forcé de demander au champ voi-
sin le point d’appui que lui refuse la route.
Sous l’administration turque, tout le massif d’Al-
ger était sillonné de chemins pavés pour la plupart, peu
larges, mais suffisants pour les besoins de la circulation,
dans un pays où tous les transports se faisaient avec des
bêtes de somme. Ces chemins, bordés d’arbres et de
haies, seraient encore de fort bonnes communications
vicinales s’ils étaient entretenus, mais depuis cinq ans
80 PREMIÈRE PARTIE,
qui arriva sur ces entrefaites, suivi des trois autres es-
cadrons de son régiment, crut devoir ordonner la retrai-
te. Elle se fit avec si peu d’ordre et tant de précipita-
tion, que les escadrons de M. de Thorigny perdirent 17
hommes dont un officier. L’ennemi ne s’arrêta qu’à la
vue d’un fort détachement d’infanterie qui marchait à
sa rencontre. Il eut le temps d’emporter les têtes cou-
pées aux hommes tués, conformément à un usage bar-
bare que nous avons le tort d’imiter trop souvent. Cette
affaire malheureuse fut la dernière. Le général Desmi-
chels, voyant les résultats équivoques des expéditions,
même les plus heureuses, sous le point de vue militaire,
désirait la paix. La disette commençait à se faire sentir à
Oran, où rien n’arrivait plus par terre, et comme les me-
sures habiles prises par Abdel-Kader rendaient impos-
sible tout arrangement partiel(1), il résolut de faire des
ouvertures à l’Émir lui-même, afin d’arriver à une pa-
cification générale. M. Busnac, qui était fort avant dans
sa confiance et qui connaissait parfaitement les affaires
du pays, le confirma dans cette détermination ; mais il
était assez difficile d’entamer celle-ci, sans augmenter,
chez Abdel-Kader le sentiment de sa puissance, et faire
naître en lui des prétentions exagérées. Pour parer autant
que possible à cet inconvénient, le général Desmichels
écrivit de nouveau à Abdel-Kader au sujet des prison-
niers faits à Arzew. Après lui avoir parlé de l’affaire qui,
par la forme, paraissait être la principale, il lui disait à la
____________________
(1) Le général Desmichels avait essayé de traiter avec Mustapha-
Ben-Ismaël, chef des Douers, et avec son neveu El-Mzary, mais ces
négociations ne purent avoir de suite.
LIVRE XIII. 161
TRAITÉ DE PAIX.
____________________
ouvrage d’arrangements passagers achetés à prix d’argent. On sait
maintenant à quel prix ont été achetés les arrangements de M. le géné-
ral Desmichels.
178 PREMIÈRE PARTIE,
_____________________
(1) Celui qu’avait institué le général Clauzel, n’existait plus de-
puis longtemps.
196 PREMIÈRE PARTIE,
I.
De la Religion.
à la vertu, mais tout est grand chez elle. Les autres reli-
gions ont pour base la charité, c’est-à-dire la fusion de
plusieurs âmes en une seule. La religion de Dieu les do-
mine et les comprend toutes. C’est l’idée la plus générale
et la plus féconde. Le lien le plus puissant est celui qui
conduit à l’application la plus étendue de la charité. C’est
le lieu des vertus, comme l’espace est le lieu des corps.
La religion de Dieu, ou simplement la religion, est
susceptible d’une foule de modifications qui donnent
plus ou moins d’étendue à l’idée qui lui sert de base,
c’est-à-dire à la charité, étendent ou resserrent le lien
social.
La croyance en plusieurs dieux tend à séparer les
hommes en sociétés nombreuses ; la croyance en un seul
Dieu tend à les réunir dans la même société.
Néanmoins comme les hommes ont cru longtemps
que la forme extérieure de leurs rapports avec Dieu, était
presque aussi importante que le fonds , et ont voulu ex-
pliquer par la langue défaillante de la raison, ce qui n’est
que du domaine de la conviction intuitive, il en est résulté
de fâcheuses discussions, même entre ceux qui reconnais-
sent l’unité de Dieu. Ils se sont groupés par sectes, et ces
sectes ont été trop souvent des nations ennemies. Mais
prises individuellement, elles formaient des sociétés com-
plètes, parce que les membres qui les composaient avaient
un lien commun, c’est-à-dire une croyance religieuse.
Plus tard, la raison justement fatiguée de ces discus-
sions oiseuses, dont les résultats étaient quelquefois san-
glants, se mit en révolte contre l’abus des croyances re-
ligieuses. Mais l’orgueilleuse philosophie ne se contenta
284 DEUXIÈME PARTIE, I.
pas d’attaquer les abus, elle s’en prit au fond même des
croyances. Il en résulta une réaction antireligieuse qui
ne tendait à rien moins qu’à briser le lien social. Toutes
les religions furent successivement battues en brèche ;
car en cherchant à saper celle de Dieu, on ébranla les
fondements de toutes, même celle de l’honneur qui en
paraît la plus indépendante. En France, où ces attaques
eurent le plus de force, elles eurent aussi le plus de suc-
cès; l’impiété, pour tromper les hommes, ayant pris le
masque séduisant de la liberté, on fit table rase. Tout fut
sapé, détruit, foulé aux pieds ; et quand les hommes fu-
rent en face de ce chaos, quand ils virent à nu ce que
les philosophes appellent la réalité, ils en eurent peur et
voulurent se rejeter dans ce que les philosophes appel-
lent des illusions.
Mais ce ne seraient point des illusions que ces
croyances sacrées qui portent dans leur sein la fécondité
et la vie. La vérité c’est l’existence, c’est ce qui produit,
ce qui se meut, ce qui crée. Or, ce qui produit, ce qui se
meut, ce qui crée, c’est la religion. Le matérialisme est
une négation; il ne vît, ne se meut, ni ne crée. C’est la
mort. Or, pouvez-vous expliquer la mort autrement que
par des attributs négatifs ? La vérité, c’est la religion; l’il-
lusion, c’est le matérialisme, illusion noire et désespéran-
te. Non, non, la vérité ne peut être où sont l’impuissance
et la mort. Il faut des croyances pour créer les sociétés ;
il en faut pour les conserver. Il n’est pas une seule insti-
tution humaine un peu durable, qui n’ait eu pour base un
principe religieux. Il n’est pas une action grande et ma-
gnanime, une entreprise féconde en grands et immortels
DEUXIÈME PARTIE, I. 285
De l’Administration.
De l’Armée.
____________________
(1) Cette prime est destinée à l’entretien des armes et des chevaux.
310 DEUXIÈME PARTIE, III.
De la Marine.
Des Finances.
Domaines.......................................157,862 98 fr. c.
Enregistrement…...........................133,294 59 fr. c.
Patentes…........................................70,155 fr. 81 c.
Licence des débitants de boissons..82,541 fr. 00 c.
Douanes…..................................1,102,678 fr. 68 c.
Postes…...........................................75,653 fr. 41 c.
Recouvrements divers réalisés
par le trésorier payeur…........365,155 fr. 97 c.
Produits réalisés à Bougie…............52,090 fr. 40 c.
Produits réalisés à Mostaganem…...91,291 fr. 59 c.
Produits municipaux......................462,748 fr. 15 c.
Total.....................................2,593,472 58 fr. c.
318 DEUXIÈME PARTIE, V.
VI.
De l’Agriculture.
De l’industrie manufacturière.
Du Commerce.
IMPORTATIONS.
De la Grande-Bretagne ; manufactures
de l’Inde et de l’Angleterre…..........2,700,000
De l’Espagne ; soie, brocard, poivre,
café des manufactures allemandes
et françaises…..................................1,620,000
De la France; sucre, café, poivre,
étoffes, acier, et autres objets…........1,080,000
Du Levant ; soie brute et soie
manufacturée.......................................540,000
De la France et de l’Italie ; bijoux,
joyaux, diamants, etc...........................540,000
Total..................................................6,480,000
EXPORTATIONS.
Pour Marseille, Livourne et Gênes,
20,000 quintaux de laine….................864,000
10,000 quintaux de peaux….......................432,000
600 quintaux de cire…..................................97,200
Plumes d’autruches et autres
petits articles…......................................81,000
Total…..............................................1,474,200
Les céréales ne figurent point dans ce tableau.
346 DEUXIÈME PARTIE, VIII.
IMPORTATIONS.
1832..................................................6,956,920
1833..................................................7,599,158
1834..................................................8,560,236
1835................................................12,164,064
DEUXIÈME PARTIE, VIII. 347
EXPORTATIONS.
1832….................................................850,659
1833…..............................................1,028,410
1834…..............................................2,376,662
1835…..............................................2,503,544
tous les sens, soit par des indigènes intelligents, soit par
des européens éclairés et connaissant la langue arabe. On
découvrirait de cette manière bien des choses que nous ne
connaissons encore assez que pour savoir qu’il nous serait
fort utile de les connaître entièrement. De nobles et belles
récompenses devraient être offertes à ceux qui se consacre-
raient à ces dangereuses explorations. Leur résultat serait
de faire refluer sur les ports de nos possessions tout le com-
merce de l’intérieur de l’Afrique. Alors il n’y aurait plus de
bornes à assigner à la prospérité de notre colonie d’Alger.
Dans ce moment, les négociants les plus éclairés
évaluent à un million de francs les capitaux circulant sur
la place d’Alger, capitale et centre de nos établissements.
Ils sont, il faut bien le dire, principalement alimentés par
la solde de l’armée. On s’en aperçoit par les époques
des paiements qui coïncident généralement avec celle du
paiement de la solde des officiers et autres employés.
Cependant une partie des capitaux, la moitié peut-être,
est en dehors de ce mouvement.
A Bône et à Oran les capitaux sont encore plus rares.
La richesse commerciale d’Alger est évaluée à
12,300,000 fr., répartis ainsi qu’il suit :
60 négociants possédant, terme moyen
50,000 fr.....................................…..3,000,000
50 négociants possédant, terme moyen
20,000 fr….......................................1,000,000
800 marchands européens possédant,
terme moyen 2,000 fr…...................1,600,000
400 marchands juifs possédant, terme
A reporter….....................................6,400,000
350 DEUXIÈME PARTIE, VIII.
Report…...................................................6,400,000
moyen 2,000 fr…................................800,000
900 marchands maures possédant
terme moyen 1,000…..........................900,000
Crédit…...................................................8,000,000
Total…. ..........................................15,300,000
Notices, Biographiques.
AHMED-BEN-AHMED-BEN-YOUSOUF. — De
la famille des marabouts de Miliana où il était du reste
peu considéré. Il s’attacha de bonne heure à la cause fran-
çaise, et rendit quelques services au maréchal Clauzel
qui le nomma gouverneur de Bélida avec le titre de kha-
lifa, et autorité sur les tribus des environs de cette ville.
Cette combinaison ne réussit pas, et Ahmed fut chassé
de Bélida. Il revint à Alger. Il alla ensuite à Oran avec
Ben-Omar. A son retour, le général Berthézène lui ayant
montré de la méfiance, il s’enfuit à Miliana où le peuple
le massacra comme partisan des Français.
ALLAL-OULID-BOUZEID-BEN-CHAOUA. —
Allal, fils de Bouzeïd, assassiné à Bouffarik en 1833, fut
nommé kaïd de Beni-Khalil, deux mois après la mort de
son père, par le général Voirol. Quelques grands de la tri-
bu ne voyant en lui qu’un enfant, refusèrent de lui obéir.
Parmi ces mécontents figuraient Mouça-Ben-Chaïb de
Douéra, et Allal-Ben-Allal de Dekekna. Oulid-Bouzeïd
dut à M. Vergé, qui alla rester quelque temps avec lui,
de voir enfin son autorité reconnue ; mais son incapacité
ayant plus tard été démontrée, il fut remplacé dans ses
fonctions de kaïd, et dut se contenter de celles de cheikh
de Ben-Chaoua.
DEUXIÈME PARTIE, IX. 371
AOUED-BEN-ABDEL-KADER. — Sid-Aoued
était sous les Turcs cadi maleki d’Alger. C’était un
homme instruit, ferme et loyal. Il jouissait dans toute la
province d’une réputation méritée de sagesse et de ver-
tu. On raconte qu’un jour un homme puissant qui avait
un procès à son tribunal, se présenta à lui avec une let-
tre de recommandation d’Hussein-Pacha. Le cadi après
l’avoir lue, se leva, se retira chez lui, et cessa de paraître
dans le lieu où il rendait la justice. Le Dey lui ayant fait
demander pourquoi il abandonnait ainsi ses fonctions,
il répondit avec courage, que puisque le prince voulait
que l’on jugeât les affaires par recommandation, et non
d’après la loi du prophète, son ministère devenait inu-
tile.
Après la prise d’Alger, il se retira à Bélida, dont les
habitants le reconnurent pour cadi. En 1834, le général
Voirol le nomma Muphty d’Alger, après le commence-
ment de trouble qui agita cette ville par suite de la con-
version d’une musulmane à la religion chrétienne. Nous
avons parlé de cette affaire dans la première partie de
ce volume, et nous avons dit pourquoi Sid-Aoued ne fut
pas installé dans ses fonctions. Sous le comte d’Erlon il
fut nommé cadi d’Alger. Il mourut du choléra dans cette
ville en 1835.
376 DEUXIÈME PARTIE, IX.
CHAOUCH-KOUIDER-BEN-REBEHHA. —
Kouider était sous les Turcs chaouch de l’agha. Il exer-
çait ces fonctions au moment de l’arrivée des Français
à Sidi-Féruch. Une balle lui traversa les deux joues à
la bataille de Staouéli. Après la prise d’Alger, il se re-
tira chez ses compatriotes les Hadjoutes qui, sans le re-
connaître pour chef, avaient grande confiance en lui. Il
profita plusieurs fois de son influence pour les engager
à la paix. En 1833 il eut une entrevue avec M. de la Mo-
ricière, alors chef du bureau arabe. En 1834, après la
paix faite avec les Hadjoutes, il fut nommé kaïd de cette
tribu par le général Voirol, qui l’indemnisa en outre des
pertes qu’il avait faites pendant la guerre, à laquelle il ne
prit personnellement aucune part. Peu de temps après, il
épousa une jeune et belle femme, et oublia tout dans ses
bras. Sa négligence à remplir les devoirs de sa charge,
ne contribua pas peu, sous le comte d’Erlon, à rallumer
la guerre. Il se retira alors totalement des affaires pour
vivre obscur à Bélida.
Abdel-Kader s’étant arrogé le droit de souveraineté
sur les Hadjoutes, leur donna un autre kaïd.
Kouider est un homme de 65 ans, vert encore et bien
conservé. Il a des manières tout à fait distinguées.
HAMDAN-BEN-OTHMAN-KHODJA. — C’est
un homme d’esprit et plus éclairé que ne le sont les Mau-
res; il était très avant dans la faveur d’Hussein-Pacha ; il
nourrit contre les Français une haine dont, plus que tout
autre, il devrait connaître l’impuissance. Son fils Has-
san, qui a été élevé à Paris, et qui ne manque pas de
mérite, partage en tout les sentiments de son père ; de
sorte que cette famille, que quelques lumières devraient
rapprocher de nous, se tient à l’écart et connaît assez peu
ses intérêts pour bouder un ordre de choses dans lequel
il n’aurait tenu qu’à elle de se créer une position. Il est
vrai que celle qu’elle occupait sous la domination des
DEUXIÈME PARTIE, IX. 383
IBRAHIM-BEN-MUSTAPHA-PACHA. — Ibra-
him, fils du pacha Mustapha, est l’habitant le plus nul
et le plus inoffensif de la Régence. Il habite Alger où il
jouit de beaucoup d’aisance. On l’a affublé de la déco-
ration de la légion d’honneur, sans motif et sans raison,
dans un voyage qu’il fit à Paris en 1832. C’est, du reste,
un fort honnête homme.
MOHAMMED-BEN-AISSA-EL-BARKANI. —
El-Barkani appartient à une famille fort ancienne et fort
puissante des Beni-Menasser, dans laquelle les fonctions
de cheikh sont héréditaires. Après la prise d’Alger, la
ville de Cherchel le reconnut pour kaïd, dignité dans la-
quelle il fut également reconnu par le général Clauzel.
Pendant toute son administration, il a cherché à entre-
tenir avec nous des relations amicales et de commerce.
Cependant il ne fut point complètement étranger à l’in-
surrection de 1832, puisqu’il paraît que du biscuit fut
expédié de Cherchel au camp des insurgés à Soug-Aly.
En 1834, un droit que les besoins de l’administration le
forcèrent de mettre sur les navires chargés qui sortaient
du port de Cherchel, servit de prétexte à ses ennemis
pour l’expulser de cette ville. Nous avons fait connaître
dans la partie historique les détails de cette petite révo-
lution. Après son expulsion de Cherchel, El-Barkani se
retira chez les Beni-Menad. Lorsqu’Abdel-Kader, mar-
cha contre Mouça-El-Darkaoui, il alla offrir ses servi-
ces à l’Émir qui les agréa. Il était au combat d’Amoura,
et poursuivit Mouça jusqu’à Bourakia. Abdel-Kader le
nomma bey de Médéah.
Il existe un autre Ben-Aïssa El-Barkani, général du
bey de Constantine.
DEUXIÈME PARTIE, IX. 389