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a
Faculté de médecine, université Paris-Descartes, Paris, France
b
Département de physiologie, hôpital européen Georges-Pompidou, 20-40, rue Leblanc, 75015 Paris, France
c
Inserm U 652-IFR 58, Paris, France
d
Service de néphrologie pédiatrique, CHU de Rouen, Rouen, France
MOTS CLÉS Résumé Le rôle vital des reins est intimement lié à leur fonction dans l’homéostasie du milieu
Tubule rénal ; intérieur, permettant de protéger les cellules vis-à-vis des conséquences des variations envi-
Test dDAVP ; ronnementales de l’organisme. L’atteinte des fonctions tubulaires, qu’elle soit primitive ou
Charge acide ; secondaire, met en péril cette homéostasie. L’étude des fonctions tubulaires trouve deux
Réabsorption du grandes indications : la recherche et la caractérisation d’un déficit primitif d’une ou plusieurs
phosphate ; fonctions tubulaires et la détection des altérations précoces des fonctions tubulaires au cours des
Réabsorption du maladies rénales glomérulaires. Après un bref rappel physiologique, cet article décrit la
glucose ; démarche du diagnostic positif et étiologique d’une altération tubulaire, que celle-ci soit
Charge en bicarbonate ; détectée à partir de l’analyse étiologique d’un désordre métabolique ou spécifiquement
Désordres recherchée à l’aide d’un test dynamique. Les principaux critères d’interprétation pour déter-
hydroélectrolytiques miner l’origine rénale ou extrarénale des désordres métaboliques sont rappelés. Sont exposés le
principe général, l’indication et l’interprétation des explorations les plus couramment utilisées
pour l’exploration des réabsorptions tubulaires proximales (calcul ou mesure des capacités
maximales de réabsorption ou Tm, du glucose, du phosphate ou du bicarbonate), des réabsorp-
tions distales de chlorure de sodium (réponse aux diurétiques, test de charge en chlorure de
sodium hypotonique), de concentration/dilution (tests de restriction hydrique avec ou sans
administration de dDAVP, test de charge aqueuse) ou d’acidification distale des urines (charge
acide, charge en bicarbonate, test au furosémide). Finalement, un exposé sur l’exploration
tubulaire ne serait pas complet, s’il ne concluait pas sur la possibilité d’accéder en routine au
diagnostic génétique de la plupart des tubulopathies héréditaires (syndrome de Bartter/Gitel-
man, diabètes insipides néphrogéniques, acidoses tubulaires distales, syndromes de Lowe et
de Dent).
# 2008 Elsevier Masson SAS et Association Société de Néphrologie. Tous droits réservés.
§
Cet article est paru initialement dans EMC-néphrologie, II-2006, volume 1, 18-012-A-10, 14 pages. Nous remercions la rédaction de
EMC-néphrologie pour son aimable autorisation de reproduction.
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : anne.blanchard@egp.ap-hop-paris.fr (A. Blanchard).
1769-7255/$ — see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS et Association Société de Néphrologie. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.nephro.2008.03.004
Exploration des fonctions tubulaires rénales 69
Summary The vital role of the kidneys is closely related to their interior homeostatic function
KEYWORDS that provides a protection to the cells regarding the consequences of environmental variations of
Renal tubule; the organism. Any primary or secondary damage caused to the tubular functions may impair this
dDAVP test; homeostasis. Two indications justify an analysis of these functions: the search for and char-
Phosphate; acterization of a primary defect of one or several tubular functions and the detection of early
Glucose Tm; alterations of tubular functions in glomerular renal diseases. Following a brief overview of
Bicarbonate load; physiological aspects, the positive and aetiologic diagnosis of a tubular alteration is described,
Hydroelectrolytic whatever the way the disorder have been detected, aetiologic analysis of a metabolic disorder or
disorders specific screening using a dynamic test. Main criteria used to determine the renal or extrarenal
origin of the metabolic disorders are reviewed. General principles are described, together with
the indication and interpretation of the most current investigation procedures for proximal
tubular reabsorption (calculation or measurement of bicarbonate, phosphate, or glucose Tm),
distal NaCl reabsorption (response to diuretics, hypotonic saline load test), concentration/
dilution (dDAVP water restriction test, water load test) or distal urinary acidification (acid load,
bicarbonate load, furosemide test). Last, as a conclusion, we highlight the possibility of
performing routinely genetic diagnosis of most hereditary tubular diseases (Bartter/Gitelman
syndrome, nephrogenic diabetes insipidus, distal tubular acidosis, and Lowe and Dent syn-
dromes).
# 2008 Elsevier Masson SAS et Association Société de Néphrologie. Tous droits réservés.
Tableau 1 Critères de jugement pour déterminer la présence ou l’absence d’une perte rénale hydroélectrolytique.
fonctions tubulaires proximales [14] ou de caractériser le Analyse des désordres hydroélectrolytiques et/
comportement tubulaire d’autres solutés comme le calcium ou du métabolisme minéral
[17], le magnésium [18].
Pour détecter et/ou caractériser une anomalie d’adapta- Pertes rénales de potassium et/ou de chlorure de
tion tubulaire rénale, en particulier lorsqu’il n’existe pas de sodium
désordre hydroélectrolytique à l’état basal, il est souvent Une perte rénale de sodium peut facilement être mise en
nécessaire de tester la réponse rénale à un « stress évidence en confrontant l’excrétion rénale de sodium
métabolique ». Les trois épreuves les plus couramment mesurée sur un échantillon d’urines ou dans les urines de
utilisées sont : 24 heures à l’état du volume extracellulaire [23]. En pré-
sence d’un tableau de contraction du volume extracellulaire
le test de charge acide, qui apprécie la fonction d’aci- d’origine extrarénale, la réponse normale du rein, sous
dification distale de l’urine [19] ; l’influence de l’hyperaldostéronisme secondaire essentielle-
l’épreuve de restriction hydrique avec administration ment, est de réabsorber la quasi-totalité du sodium filtré par
de 1-désamino-8-D-arginine vasopressine (dDAVP), qui le glomérule. Dans ce cas, l’excrétion urinaire de sodium est
estime le pouvoir de concentration des urines [20,21] ; effondrée, inférieure à 10 mmol/l dans un échantillon ou à
le test de charge aqueuse, qui estime le pouvoir de 20 mmol par 24 heures.
dilution.
Pertes rénales de chlorure de sodium hypokaliémiques
Ces épreuves peuvent être complétées par des tests La présence simultanée d’une hypovolémie clinique et/ou
pharmacologiques, afin de localiser la ou les anomalies tubu- d’un hyperaldostéronisme secondaire (élévation de la rénine
laires et d’en déterminer les mécanismes. Cet aspect est et de l’aldostérone en dehors de tout traitement capable
illustré par exemple par l’étude de la réponse natriurétique à d’influer sur leur sécrétion) et d’une natriurèse supérieure à
différents diurétiques comme outil de localisation du défaut 30 mmol par 24 heures permet d’affirmer l’existence d’une
de réabsorption de NaCl au cours des syndromes de Bartter/ perte rénale de NaCl. Dans les situations intermédiaires
Gitelman [22] ou du défaut de réabsorption des cations (excrétion urinaire de sodium entre 20 et 30 mmol/
divalents caractérisant certaines tubulopathies héréditaires 24 heures), on peut d’abord corriger la déshydratation extra-
[22]. cellulaire en apportant du NaCl, puis imposer ensuite une
restriction des apports de NaCl pendant quelques jours
(apports de moins de 20 mmol par 24 heures). Le rein normal
Points forts adapte son excrétion urinaire de sodium aux apports (natriu-
Il est possible d’explorer par des tests simples, rèse inférieure à 20 mmol par 24 heures) en 2 à 4 jours, ce qui
réalisables en ambulatoire, les principales fonc- n’est pas le cas d’une situation de perte rénale de sodium où
tions tubulaires ;leur interprétation correcte sup- le rein s’adapte sur une période beaucoup plus longue,
pose une bonne connaissance de la physiologie expliquant l’apparition d’une déshydratation extracellu-
laire. C’est le cas des atteintes spécifiques médullaires
tubulaire.L’étude du comportement tubulaire
(polykystoses rénales, pyélonéphrite chronique, uropathie
consiste à mesurer la quantité filtrée et excrétée obstructive, etc.), mais aussi de l’insuffisance rénale chro-
d’une substance donnée. En l’absence d’anoma- nique, en particulier dans le cadre du syndrome d’hyporéni-
lies à l’état stable, une anomalie des processus némie—hypoaldostéronisme.
d’adaptation du tubule rénal est recherchée après Une kaliurèse inférieure à 20 mmol par 24 heures
administration d’une dose de charge ou création contemporaine d’une hypokaliémie signe l’origine extraré-
d’une situation de restriction. Ces épreuves sont nale de cette hypokaliémie. Inversement, une kaliurèse
complétées, le cas échéant, par des tests phar- supérieure à 40 mmol par 24 heures signe l’origine rénale
macologiques. de cette hypokaliémie [24]. À noter qu’il existe une zone
d’incertitude qui justifie de répéter cette exploration après
Exploration des fonctions tubulaires rénales 73
administration orale ou intraveineuse de potassium, mais de diurétiques et les vomissements intermittents entraı̂nent
avant correction totale de cette hypokaliémie. Une fois la des périodes de perte rénale de sodium espacées par des
perte rénale établie, il convient d’en analyser les méca- périodes au cours desquelles l’arrêt des diurétiques ou des
nismes et en particulier de rechercher si cette hypokaliémie vomissements permet l’adaptation rénale à l’hypovolémie
s’associe à une perte rénale ou extrarénale de NaCl. Si la dont témoignent les natriurèses périodiquement adaptées.
kaliurèse est évaluée sur un échantillon, il est préférable de
calculer le gradient transtubulaire de potassium (GTTK ;
abréviation anglo-saxonne : TTKG), qui tient compte de Points forts
l’état d’antidiurèse des patients et donc de l’élévation de hypovolémie (et/ou hyperaldostéronisme secondaire
la concentration urinaire du potassium liée à la concentra- non induit par un traitement) plus natriurèse supérieure
tion des urines [25]. à 30 mmol par 24 heures égale à perte de sel d’origine
L’association d’une perte rénale de NaCl à une alcalose rénale ;
hypokaliémique d’origine rénale évoque une diminution de la hypovolémie plus kaliurèse supérieure à 40 mmol par
réabsorption de sodium dans un segment localisé en amont du 24 heures égale à hypokaliémie d’origine rénale ;
canal collecteur : branche ascendante large ou tubule alcalose hypokaliémique d’origine rénale plus perte de
contourné distal. Cette perte de NaCl peut être liée à sel d’origine rénale : rechercher une diminution de la
l’utilisation de diurétiques capables d’inhiber spécifique- réabsorption de sodium dans la branche ascendante de
ment la réabsorption de sodium dans ces segments : diuré- l’anse de Henle ou dans le tube contourné proximal ;
tiques de l’anse de type furosémide pour la branche les troubles hydroélectrolytiques liés à des pertes diges-
ascendante large ou diurétiques thiazidiques pour le tube tives hautes se caractérisent par leur association à une
contourné distal. Des tableaux similaires sont observés dans chlorurie très basse.
des pathologies héréditaires congénitales : les syndromes de
Bartter et de Gitelman. Les cinq sous-types de syndrome de
Bartter décrits à ce jour correspondent à des défauts génét-
iques portant sur des protéines directement ou indirecte-
ment impliquées dans le transport cellulaire de NaCl dans la Pertes rénales de chlorure de sodium
branche ascendante large de l’anse de Henle, tandis que le hyperkaliémiques
syndrome de Gitelman est généralement secondaire à une Une perte de NaCl associée à une hyperkaliémie, ainsi qu’à
inactivation génique du cotransport NaCl thiazide-sensible une acidose métabolique doit faire évoquer en priorité un
ou, plus exceptionnellement, du canal chlore basolatéral défaut primitif (insuffisance minéralocorticoı̈de) ou secon-
ClCKb. Ces syndromes peuvent être différenciés entre eux daire de sécrétion d’aldostérone dans le cadre d’un
par la précocité des signes, la présence d’un hydramnios hyporéninémie—hypoaldostéronisme. Dans ce contexte, la
anténatal, d’un défaut de concentration des urines, d’une présence exceptionnelle de concentrations élevées de rénine
néphrocalcinose et/ou d’une hypercalciurie (caractéristiques et d’aldostérone évoque un pseudohypoaldostéronisme de
du syndrome de Bartter) ou d’une hypomagnésémie qui est type 1. Dans le pseudohypoaldostéronisme de type 1, la perte
plus sévère dans le syndrome de Gitelman (pour revue [7,26]). rénale de NaCl et l’acidose hyperkaliémique s’associent à des
La chlorurie est conservée au cours des prises de diuré- concentrations plasmatiques élevées de rénine et d’aldos-
tiques hypokaliémiants et dans les syndromes de Bartter/ térone, témoins de la résistance rénale à l’action de l’aldos-
Gitelman. Elle permet de différencier ces états de la perte de térone. Ces états rares peuvent être secondaires à des
sodium et de potassium induite par des vomissements profus mutations inactivatrices du gène du récepteur aux miné-
qui s’associent à une chlorurie inférieure à 10 mmol/l [25]. ralocorticoı̈des ou de celui du canal EnaC responsable de
Dans cette dernière situation, la perte extrarénale d’acide la réabsorption de sodium dans le canal collecteur [9].
chlorhydrique correspond pour l’organisme à une perte de
chlore associée à un apport brutal de bicarbonate, que le rein
élimine en association avec du sodium et du potassium. La Point fort
déplétion chlorée stimule la réabsorption rénale de chlore, Perte de sel plus hyperkaliémie plus acidose
dont témoigne la chlorurie effondrée (inférieure à 10 mmol métabolique : évoquer en premier lieu un syn-
par 24 heures) alors que la natriurèse est conservée et le pH drome hyporénine—hypoaldostérone (primaire ou
urinaire alcalin supérieur à sept. À l’arrêt des vomissements, secondaire).
l’hypovolémie précédemment constituée stimule la réab-
sorption rénale de sodium et la natriurèse devient adaptée
à l’hypovolémie (natriurèse inférieure à 10 mmol/l ou
20 mmol par 24 heures). En revanche, l’hyperaldostéronisme Réponse rénale à une acidose métabolique
secondaire qui stimule la sécrétion distale de potassium L’analyse de la réponse rénale à une acidose métabolique est
explique que la kaliurèse demeure inappropriée à l’hypoka- plus complexe. La première étape consiste à calculer le trou
liémie qui s’est antérieurement constituée tant que la volé- anionique plasmatique (TAP = [Na]p [K]p [CI]p [HCO3] p,
mie n’est pas corrigée. normale : 17—21 mmol/l). En présence d’une acidose hyper-
La répétition des mesures de la natriurèse et de la chlo- chlorémique (TAP normal), l’analyse de la réponse rénale
rurie est donc un élément important dans le diagnostic permet de différencier la surcharge acide avec fonction rénale
étiologique d’une hypokaliémie rénale. La natriurèse reste normale de la diminution primitive de la capacité d’excrétion
constamment inappropriée à l’hypovolémie dans les syn- des ions H+, définissant l’acidose tubulaire [15]. Dans l’acidose
dromes de Bartter et de Gitelman. Au contraire, la prise extrarénale, le rein normal adapte au maximum sa capacité
74 A. Blanchard et al.
d’excrétion rénale d’ions H+ et l’excrétion urinaire de NH4+ est que le sodium. La mesure de l’osmolarité plasmatique et le
donc toujours élevée, supérieure à 70 mmol par 24 heures, ce calcul du « trou osmotique », différence entre l’osmolarité
qui témoigne d’une réponse appropriée du rein. Dans l’acidose plasmatique mesurée et celle calculée (natrémie 2) peut
rénale, l’excrétion de NH4+ est inférieure ou égale à 40 mmol révéler alors un trou osmotique augmenté (supérieur à 10
d’ions H+ par 24 heures. La mesure du NH4+ urinaire n’étant mOsm/kg d’eau). Il convient alors de mesurer l’urée et la
pas encore de pratique courante, il a été proposé d’estimer glycémie et d’évaluer la notion de chronicité d’une éventuelle
l’ammoniurie par le calcul du trou anionique urinaire (TAU). Le hyperglycémie, afin de mieux préciser si l’osmole en cause est
TAU est égal à la différence entre anions et cations indosés ou non osmotiquement active. Ainsi, une élévation du trou
de l’urine (TAU : Na + K Cl, la quantité de HCO3 urinaire osmotique par élévation de l’urée non osmotiquement active
étant considérée comme quantitativement négligeable lors- est banale au cours de l’insuffisance rénale chronique.
que le pH urinaire reste inférieur à 6,5). Le principe est Une hyponatrémie hypotonique correspond nécessaire-
que l’augmentation de l’excrétion de NH4 se traduit par ment à une hyperhydratation intracellulaire, qui doit entraı-
l’augmentation de l’excrétion de cations indosés et de chlore. ner un état de dilution. Dans cette situation, une osmolarité
Plus l’ammoniurie est importante, plus le TAU diminue, jus- urinaire supérieure à 150 mOsm/kg d’eau signe un état d’anti-
qu’à se négativer. Chez un sujet à fonction rénale normale, diurèse inappropriée, tandis qu’une osmolarité inférieure à
sans acidose et soumis à une alimentation occidentale, 150 mOsm/kg d’eau signe un apport hydrique dépassant des
l’excrétion urinaire de NH4+est voisine de 40 mmol par capacités d’excrétion hydrique normales ou altérées par des
24 heures et le TAU physiologique est positif (environ 30 mmol apports osmotiques faibles. Inversement, une hyperosmola-
par 24 heures). En cas d’acidose métabolique extrarénale, rité efficace témoigne d’une déshydratation intracellulaire,
l’augmentation progressive du NH4 urinaire à une valeur qui doit entraı̂ner une rétention hydrique. Une osmolarité
supérieure à 70 mmol par 24 heures (les autres anions et urinaire inférieure à 850 mOsm/kg contemporaine d’une
cations indosés ne variant pas significativement) explique hypernatrémie signe une altération du pouvoir de concentra-
que le trou anionique urinaire diminue et devienne négatif. tion des urines tandis qu’une osmolarité urinaire supérieure à
Lors d’une acidose rénale, il n’y a pas d’augmentation de 850 mOsm/kg contemporaine d’une hypernatrémie signe une
l’excrétion urinaire de NH4 et le TAU urinaire reste positif. La perte hydrique extrarénale ou un apport hypertonique dépas-
limite de cette approche est que la mesure de la chlorurie est sant des capacités d’adaptation rénales normales. Ce dernier
parfois plus difficile à obtenir en routine que celle de l’ammo- critère de jugement doit cependant être ajusté au degré de la
niurie. L’analyse physiopathologique d’une acidose tubulaire polyurie éventuellement associée, qui altère en soi le pouvoir
requiert la réalisation de tests dynamiques : en pratique, un de concentration (cf. infra, test de restriction hydrique avec
test de charge en bicarbonate, complété éventuellement d’un administration de dDAVP).
test au furosémide (cf. infra). Finalement, l’absence d’aci-
dose métabolique à l’état basal n’exclut pas un défaut
d’excrétion acide distal (acidose distale partielle) qui néces- Points forts
site, pour être objectivé (ou exclu) la réalisation d’un test de hyponatrémie hypotonique plus osmolarité urinaire
charge acide (cf. infra). supérieure à 150 mOsm/kg H2O égale à l’antidiurèse
L’insuffisance rénale chronique s’associe à l’apparition inappropriée.
progressive d’une acidose métabolique à trou anionique hypernatrémie plus osmolarité urinaire inférieure à
plasmatique augmenté, reflet de l’accumulation plasma- 850 mOsm/kg H2O égale l’altération du pouvoir de con-
tique d’anions partiellement dissociés au pH plasmatique. centration des urines.
En présence d’une insuffisance rénale, l’apparition d’une
acidose métabolique sans élévation parallèle du trou anio-
nique plasmatique doit faire évoquer une acidose d’origine
extrarénale ou la présence d’une acidose tubulaire proximale
surajoutée. Exploration du comportement tubulaire d’un ou
plusieurs solutés
Tableau 2 Principales causes de syndrome de Fanconi. variation de la concentration plasmatique (glucose, acide
aminé) ou d’une baisse de la concentration plasmatique
Héréditaires Cystinose (phosphore, bicarbonate) avec une excrétion urinaire
galactosémie conservée et donc inappropriée. Une altération globale de
syndrome de Lowe, toutes les réabsorptions tubulaires proximales définit le
syndrome de Dent syndrome de Fanconi rénal, dont les principales causes sont
tyrosinose listées dans le Tableau 2, parmi lesquelles on notera les
intolérance au fructose nombreuses causes médicamenteuses [28].
Atteinte rénale Amyloses
de pathologies syndrome de Sjögren
systémiques myélome multiple Réabsorption tubulaire du phosphate
myélome multiple
myélome multiple La concentration plasmatique de phosphates chez le sujet
transplantation rénale normal (voisine de 1 mmol/l) est supérieure au seuil réel
plasmatique. Il existe donc une excrétion urinaire physiolo-
Médicaments et toxiques Tétracycline périmée gique notable de phosphates qui représente environ 30 % des
streptozotocine phosphates filtrés [29]. La valeur du Tm rapporté au DFG
gentamicine (TmPi/DFG) mesure la capacité de réabsorption maximale de
azathioprime phosphates indépendamment des variations de la charge
cisplatine filtrée, résultant soit d’une variation de la phosphatémie,
plomb soit d’une variation du DFG [30]. Sa valeur est comprise, chez
cadmium les sujets normaux, entre 0,77 et 1,45 mmol/l de filtrat
mercure glomérulaire. L’excrétion fractionnelle et la réabsorption
Idiopathique fractionnelle du phosphate (connue sous le terme de TRP)
ne devraient plus être directement interprétées car elles
sont influencées par la charge filtrée et donc par la concen-
avec l’élévation de la calcémie. L’étude de la relation entre tration plasmatique du phosphate et le DFG. Ainsi, lorsque la
la concentration plasmatique et l’excrétion urinaire permet phosphatémie diminue, l’excrétion fractionnelle diminue et
de comparer l’excrétion urinaire de calcium avec celle obte- la réabsorption fractionnelle augmente et inversement. Leur
nue chez des sujets sains, à calcémie et charge filtrée calcul à partir des mesures de concentrations plasmatiques
identiques et de documenter une éventuelle modification et urinaires de phosphate et de créatinine chez un sujet à
de la réabsorption tubulaire de calcium [17]. jeun permet cependant de déduire le TmPi/DFG à partir d’un
nomogramme [31].
La diminution primitive du TmPi/DFG est généralement
Exploration des fonctions tubulaires associée à une diminution de la phosphatémie et ne doit pas
proximales être confondue avec la diminution du TmPi/DFG à phospha-
témie normale observée en réponse à des apports de phos-
Un certain nombre de constituants du filtrat glomérulaire phates élevés ou au cours de la réduction néphronique. Dans
sont quasi totalement réabsorbés (glucose et acides aminés) ces situations, la baisse du TmPi/DFG représente une adap-
ou de manière prédominante (phosphates, 70 % ; bicarbo- tation par rapport à l’augmentation des apports ou à la
nate, 85 %) dans le tubule proximal. Une diminution de leur charge filtrée de phosphate augmentée par néphron résiduel
capacité de réabsorption dans le tubule proximal s’accom- et ne doit pas être interprétée comme une anomalie primi-
pagne d’une excrétion urinaire anormalement élevée sans tive de la réabsorption tubulaire rénale de phosphates. Les
sécrétion d’acide urique) et de benzbromarone (commercia- Réabsorption tubulaire des acides aminés
lisé en France jusqu’en 2003 sous le nom de Desuric1,
qui inhiberait préférentiellement la réabsorption Chez le sujet normal, la concentration plasmatique d’acides
« postsécrétoire »). aminés est également au-dessous de leur seuil de réabsorp-
tion. Plus de 98 % des acides aminés filtrés sont réabsorbés
dans le tubule proximal et l’aminoacidurie physiologique est
Point fort très faible. On détecte facilement une aminoacidurie patho-
La clairance de l’acide urique est normalement logique avec une chromatographie des urines. Une aminoa-
égale à environ un dixième de la clairance de la cidurie pathologique et non sélective implique toujours une
créatinine. anomalie de la réabsorption tubulaire proximale. En pré-
sence d’une aminoacidurie sélective d’acides aminés diba-
siques (cystine par exemple), neutres (méthionine,
tryptophane, histidine) ou diacides (acides aspartique, glu-
Réabsorption tubulaire du bicarbonate tamique et aminoglycinurie), il devient absolument néces-
saire de vérifier l’absence d’élévation dans le plasma des
Chez le sujet normal, 85 % de la charge filtrée de bicarbonate acides aminés correspondants. Cette mesure permet de dis-
est réabsorbée dans le tubule proximal. Le seuil réel plasma- tinguer une aminoacidurie prérénale par augmentation de la
tique du bicarbonate est légèrement supérieur à la concen- concentration circulante et de la quantité filtrée, d’un défi-
tration normale de bicarbonate plasmatique, l’excrétion cit spécifique tubulaire proximal du transport d’un groupe
urinaire est donc physiologiquement négligeable. En cas d’acides aminés.
d’acidose tubulaire proximale, la diminution de la capacité
de réabsorption de bicarbonate entraı̂ne la diminution de la
concentration plasmatique, jusqu’à ce que la baisse de charge Point fort
filtrée soit suffisante pour contrebalancer la baisse de réab- La chromatographie des acides aminés urinaires
sorption tubulaire. La perte urinaire de bicarbonate s’arrête permet le diagnostic des troubles de la réabsorp-
alors et un état stable s’instaure, caractérisé par une acidose tion tubulaire proximale des acides aminés.
métabolique profonde mais un bilan acide équilibré. En effet,
l’excrétion nette acide est égale à la production quotidienne
d’acides fixes, puisque la fonction distale d’acidification des
urines est intacte. Le pH urinaire peut théoriquement être
acide. Cependant, les patients sont souvent explorés alors que Tests de localisation des défauts tubulaires
leur acidose est partiellement corrigée par un apport exogène de réabsorption de chlorure de sodium
de bicarbonate. Ce traitement, qui maintient artificiellement
leur concentration plasmatique de bicarbonate au-dessus de Lorsque le contexte clinique et biologique est fortement
son seuil de réabsorption, explique que le pH urinaire observé compatible avec un syndrome de Bartter ou de Gitelman,
soit fréquemment supérieur ou égal à sept, pouvant faire il est possible, par des épreuves appropriées, de mieux
conclure abusivement à une acidose tubulaire distale. Le documenter la diminution de NaCl dans le segment de dilu-
diagnostic d’une acidose tubulaire proximale repose sur la tion (qui inclut la branche ascendante large de Henle et le
mesure du Tm du bicarbonate dans une situation de charge tubule contourné distal). Les tests peuvent consister en
filtrée normalisée. L’épreuve consiste à corriger la concen- l’étude de la réponse natriurétique aux diurétiques (réponse
tration plasmatique de bicarbonate (valeur supérieure à natriurétique au furosémide diminuée dans le syndrome de
24 mmol/l), généralement à l’aide d’une perfusion de NaHCO3 Bartter, réponse natriurétique aux diurétiques thiazidiques
hypertonique. Une excrétion fractionnelle du bicarbonate diminuée dans le syndrome de Gitelman) [34] ou à estimer
supérieure à 15 % contemporaine d’une bicarbonatémie nor- indirectement la réabsorption de NaCl dans le segment de
male (24—26 mmol/l) ou mieux un TmHCO3 /DFG inférieur à dilution [35]. Cette dernière épreuve consiste à mesurer la
20 mmol/l de filtrat glomérulaire permettent d’affirmer clairance de l’eau libre et la clairance du chlore au cours
l’acidose tubulaire proximale. À noter que dans l’insuffisance d’une perfusion de NaCl hypotonique [36]. Le principe du test
rénale chronique la diminution de la capacité de réabsorption est que la réabsorption de NaCl dans le segment de dilution
de bicarbonate garde toute sa valeur spécifique d’une atteinte permet de soustraire des osmoles du fluide tubulaire et
tubulaire proximale car, en dehors de cette situation, l’insuf- d’excréter en situation de charge aqueuse un grand volume
fisance rénale s’accompagne plutôt d’une augmentation du d’eau sans osmole, volume qu’il est possible de quantifier par
TmHCO3 /DFG, reflet de la réabsorption augmentée par le calcul de la clairance de l’eau libre (CH2O). Le débit de
néphron résiduel. NaCl délivré au segment de dilution est indirectement estimé
par la somme de la clairance du chlore (reflet de la quantité
de NaCl délivrée, non réabsorbée et excrétée dans l’urine) et
Point fort de la clairance de l’eau libre (reflet du NaCl délivré au
Le diagnostic d’acidose tubulaire proximale segment de dilution et réabsorbé à ce site). Le rapport
repose sur la mesure du Tm du bicarbonate après CH2O/(CH2O + CCl) est utilisé pour estimer la réabsorption
correction de la concentration plasmatique de fractionnelle de NaCl dans le segment de dilution. Ce rapport
bicarbonate. Il est possible même en cas d’insuf- est fortement affecté au cours du syndrome de Bartter et, à
fisance rénale chronique. un moindre degré, dans le syndrome de Gitelman. La clai-
rance du lithium, proposée comme reflet de la réabsorption
78 A. Blanchard et al.
de NaCl dans le tubule proximal, s’avère peu spécifique en mutations hétérozygotes du gène qui code l’échangeur Cl/
pratique. HCO3AE1. Les formes autosomiques récessives sont liées dans
80 % des cas à des mutations homozygotes ou hétérozygotes
Exploration des fonctions tubulaires distales composites du gène qui code les sous-unités B1et A4 de la
H ATPase (cf. infra).
Étude du pouvoir d’acidification des urines
Défaut de voltage
Dans le voltage defect, la sécrétion acide par les cellules
Épreuve de charge acide
intercalaires n’est pas primitivement altérée mais insuffi-
Cette épreuve est inutile et néfaste chez un patient pré-
samment stimulée, parce que la réabsorption de sodium est
sentant une acidose métabolique spontanée. En revanche,
inhibée (exemple : prise d’amiloride) ou non stimulée
dans les anomalies partielles d’acidification des urines, le
(exemple : hypoaldostéronisme). Ce défaut est corrigé par
défaut d’excrétion peut être compensé par la mobilisation
les manœuvres qui augmentent la différence de potentiel
des tampons osseux. Dans ce cas, la pathologie peut être
transépithéliale lumière négative (charge en bicarbonate,
révélée par une déminéralisation osseuse ou par des calculs
test au furosémide). Il s’associe généralement à une ten-
rénaux. Biologiquement, il n’existe pas d’acidose, mais une
dance hyperkaliémique qui inhibe la production et l’accu-
hypocitraturie qui témoignerait de l’acidose intracellulaire
mulation interstitielle de NH3/NH4+. La faible disponibilité en
associée à une hypercalciurie. Une anomalie d’acidification
tampons interstitiels dans les acidoses distales hyperkalié-
en l’absence d’acidose métabolique spontanée (acidose dis-
miques fait que le pH urinaire peut de manière trompeuse
tale partielle) peut être recherchée par un test de charge
s’abaisser de manière appropriée en réponse à la charge
acide, consistant à administrer 2 mmol/kg de NH4Cl en solu-
acide, alors que l’excrétion acide n’est pas stimulée de
tion aqueuse. La réponse est jugée dans les six à huit heures
manière appropriée.
qui suivent sur deux critères : l’acidification urinaire (le pH
Un sous-type de voltage defect est le « shunt au chlore »
urinaire doit s’abaisser au-dessous de 5,5) et le débit
décrit dans le syndrome de Gordon, aussi nommé impropre-
d’excrétion acide, qui doit augmenter.
ment pseudohypoaldostéronisme de type 2, caractérisé
par une rétention rénale primitive de NaCl avec freination
secondaire de l’axe rénine—angiotensine. On sait mainte-
Points forts nant que cette acidose est liée à l’hypoaldostéronisme,
il est inutile et dangereux de réaliser une épreuve de associée à une stimulation de la réabsorption de NaCl
charge acide en cas d’acidose métabolique non dans le tubule contourné distal qui diminue la charge de
compensée ; NaCl délivré au canal collecteur. L’anomalie primitive
le test de charge acide consiste à mesurer l’abaissement est liée au déficit d’une protéine régulatrice du cotranspor-
du pH urinaire et l’augmentation du débit d’excrétion teur NaCl thiazide-sensible du tube distal. La particularité
acide urinaire dans les six à huit heures qui suivent de ce syndrome est d’être extrêmement sensible aux diuré-
l’absorption de chlorure d’ammonium en solution tiques thiazidiques dont de faibles doses corrigent l’hyper-
aqueuse. tension artérielle, l’acidose et l’hyperkaliémie (pour revue
[38]).
Défaut de gradient
Dans le gradient defect, la sécrétion acide par les cellules
Caractérisation du défaut d’acidification des urines
intercalaires est conservée, mais il existe une incapacité
L’acidification des urines nécessite le fonctionnement couplé
tubulaire à maintenir le gradient de pH. Le modèle physio-
des cellules principales et intercalaires du canal collecteur.
pathologique de ce type de défaut est l’acidose tubulaire
Selon le schéma classique, la réabsorption électrogénique de
induite par l’amphotéricine B.
sodium par les cellules principales est indirectement liée à la
génération d’une différence de potentiel négative dans la
lumière qui stimule la réabsorption de Cl paracellulaire (qui Tests dynamiques
tendrait elle-même à dissiper la différence de potentiel
transépithéliale), la sécrétion de potassium par la cellule Ces défauts sont caractérisés à l’aide de tests dynamiques.
principale et de protons par la pompe à protons apicale des
cellules intercalaires (H+ATPase). L’acidification de l’urine Charge en bicarbonate
crée un gradient de pH entre l’urine et l’interstitium favo-
rable à la diffusion de NH3 qui est piégé et excrété dans Elle permet de tester la sécrétion acide en mesurant l’élé-
l’urine sous forme de NH4+. vation de la pression en gaz carbonique (PCO2) urinaire par
rapport à la PCO2 plasmatique, reflet de la PCO2 du liquide
Défaut sécrétoire interstitiel cortical. Le principe de ce test est d’utiliser le
Dans le secretory defect, la sécrétion acide par les cellules bicarbonate urinaire comme un réactif qui génère du CO2
intercalaires est primitivement altérée. Ces défauts peuvent en quantité proportionnelle au débit de sécrétion acide.
être acquis ou secondaires à l’inactivation génique d’un L’épreuve n’est interprétable que s’il n’existe pas de
transporteur impliqué dans la sécrétion acide distale [37]. néphropathie interstitielle avancée (ce dont peut attester
Il existe deux formes d’acidoses tubulaires distales hérédi- une capacité conservée de concentration des urines) et si
taires. La forme autosomique dominante est liée à des la bicarbonaturie est suffisamment élevée en cours
Exploration des fonctions tubulaires rénales 79
Acidoses tubulaires proximales Isolées héréditaires (mutations des gènes de l’anhydrase carbonique
de type 2 cytosolique CA2 ou du cotransport Na-HCO3, NBC1)
Syndrome de Sjögren, gammapathies monoclonales,
amylose et myélome
Déficit en vitamine D, médicaments et toxiques
Cystinose ++, maladie de Wilson
Inhibiteurs de l’anhydrase carbonique,
métaux lourds (plomb, mercure, cuivre)
Ifosfamide
Acidoses tubulaires distales Héréditaires autosomomiques dominantes (AE1) ou récessives
hypokaliémiques (secretory defect) (sous-unités de la H+ATPase)
Maladies auto-immunes
Syndrome de Sjögren ++
Autres causes d’hypergammaglobulinémie
Acidoses tubulaires distales Amphotéricine B
hypokaliémiques (gradient defect)
Acidose distale hyperkaliémique Déficit en minéralocorticoı̈de (maladie d’Addison, bloc surrénalien,
(voltage defect, défaut de NH4 interstitiel) infection par le virus de l’immunodéficience humaine)
Hyporéninémie-hypoaldostéronisme, héparines,
anticalcineurines, AINS-COXIB, IEC-ARA2
Résistance à l’aldostérone
Diurétiques hyperkaliémiants (spironolactone, amiloride)
Pseudohypoaldostéronisme type 1
Néphropathies tubulo-interstitielles (néphropathie diabétique ++)
Uropathies obstructives
Drépanocytose
Secretory defect : la sécrétion des ions H+ par les cellules intercalaires est primitivement altérée, en particulier par dysfonction de la
H+ATPase ; voltage defect : la réabsorption électrogénique du Na+ est diminuée et l’électronégativité luminale est réduite ; gradient defect :
l’épithélium est anormalement perméable et incapable de maintenir le gradient de pH.
d’exploration. Une élévation insuffisante de la PCO2 urinaire Étude du pouvoir de concentration/dilution des
(PCO2 urinaire — PCO2 plasmatique inférieure à 20 mmHg) urines
témoigne d’un défaut primitif de sécrétion acide
(Tableau 5). Étude du pouvoir de concentration des urines :
tests de restriction hydrique et d’administration de
Test au furosémide dDAVP
Une altération primitive de la capacité de concentration des
Il consiste à stimuler la réabsorption distale de NaCl urines entraı̂ne une déshydratation intracellulaire habituel-
par l’administration combinée de minéralocorticoı̈de et lement limitée par une stimulation de la soif. Le signe plus
de furosémide qui entraı̂ne chez le sujet sain une acidifica- précoce d’un défaut de concentration des urines est donc
tion des urines et une stimulation de l’excrétion acide. Une généralement une polyurie, définie par un volume d’urines
réponse anormale signe un défaut primitif de sécrétion supérieur à 3 l par 24 heures.
acide. Pour tester la capacité de concentration des urines, il
Relation entre ammoniurie et pH urinaire faut interpréter l’osmolarité urinaire en période d’hyperna-
Elle permet finalement de détecter une acidose tubulaire trémie, que celle-ci soit spontanée ou provoquée par une
distale par faible disponibilité interstitielle de NH3/NH4+ épreuve de restriction hydrique. L’épreuve de restriction
[39]. hydrique habituelle dure de 12 à 16 heures et commence la
veille au soir, en dehors des cas de polyuries majeures
supérieures à 6 l par 24 heures où une surveillance médicale
permanente est nécessaire. La restriction hydrique est
Points forts poursuivie jusqu’à ce que l’osmolarité plasmatique dépasse
une élévation de la PCO2 urinaire inférieure à 20 mmHg 290 mOsm/kg d’eau (en l’absence de trou osmotique) et
après charge en bicarbonate témoigne d’un défaut que l’osmolarité urinaire se stabilise sur trois recueils
primitif de sécrétion acide tubulaire distale ; urinaires successifs de une heure chacun. Chez un sujet
une réponse anormale au test au furosémide signe un sain non polyurique, l’osmolarité urinaire s’élève au-dessus
défaut primitif de sécrétion acide tubulaire distale. du 850 mOsm/kg d’eau et le débit urinaire est inférieur à
0,5 ml par minute. Le bilan d’osmoles, en particulier de
80 A. Blanchard et al.
Tableau 7 Osmolarité urinaire maximale approximative tité d’eau équivalente à 20 ml/kg de poids corporel en
attendue sous 1-désamino-8-D-arginine vasopressine (dDAVP) l’espace d’une demi-heure provoque une diminution atten-
en fonction du degré de polyurie chronique (données obte- due de l’osmolarité plasmatique de l’ordre de 10 mOsm/kg
nues chez des patients atteints de polydipsie primitive [40]). d’eau et de la natrémie de l’ordre de 5 mmol/l. Cette
épreuve permet d’apprécier la capacité rénale d’excrétion
Diurèse les jours Osmolarité maximale hydrique, qui permet normalement d’éliminer 70 % de la
précédant le test attendue charge hydrique en moins de quatre heures.
2l > 800 mOsm/kg d’eau Le défaut de dilution est lié à la stimulation de la sécrétion
4l 700 mOsm/kg d’eau d’ADH par une hypovolémie vraie ou efficace (stimulus volé-
6l 600 mOsm/kg d’eau mique de l’ADH) ou en rapport avec un tableau de SIADH dont
8l 500 mOsm/kg d’eau les principales causes sont résumées dans le Tableau 8.
10 l 400 mOsm/kg d’eau Les apports osmotiques sont évalués par la quantité
12 l 250 mOsm/kg d’eau d’osmoles excrétées dans un recueil urinaire de 24 heures.
14 l < 200 mOsm/kg d’eau Des apports osmotiques faibles limitent les capacités
d’excrétion hydrique et prennent une importance particu-
lière chez des sujets ayant une petite altération de la
capacité de dilution. C’est ainsi qu’une personne âgée ayant
une légère altération (physiologique) de sa capacité de
Étude du pouvoir de dilution par le test de charge dilution (osmolarité urinaire minimale 150 mOsm/kg d’eau)
aqueuse a une diurèse maximale de 6 l si ses apports osmotiques sont
de 900 mmol par 24 heures (900/150 = 6), mais ne peut
L’organisme possède une capacité d’élimination hydrique excréter que 2 l d’eau dans les urines si ses apports osmo-
impressionnante, puisque les reins sont théoriquement capa- tiques sont faibles, à 300 mmol par 24 heures (300/150 = 2).
bles d’excréter près de 20 % du DFG, ce qui amène la capacité Cette personne a alors une propension à développer une
d’excrétion hydrique théorique à plus de 20 l par 24 heures hyponatrémie, pour peu que son alimentation soit essentiel-
comme en témoignent les diurèses extrêmement élevées lement basée sur des apports liquidiens (soupes, thé, tisanes,
exceptionnellement observées en pathologie clinique [41]. etc.). Ce tableau est décrit sous le terme de tea and toast
Cette capacité d’excrétion hydrique dépend de trois syndrome.
éléments : le DFG, la capacité de dilution et les apports
osmotiques du sujet, qui doivent être tous trois évalués
parallèlement. Une insuffisance rénale ne peut expliquer Point fort
par elle-même l’apparition d’une hyponatrémie que si elle Le pouvoir de dilution des urines peut être évalué
est sévère (DFG inférieur à 20 ml par minute). grâce à une épreuve de charge hydrique.
La capacité de dilution est appréciée chez un sujet dont
l’osmolarité plasmatique est inférieure ou égale à
280 mOsm/kg d’eau, qui entraı̂ne chez un sujet sain une
augmentation de la diurèse et une diminution de l’osmolarité
urinaire à une valeur minimale inférieure ou égale à Diagnostic génétique des tubulopathies
100 mOsm/kg d’eau, ce qui définit la capacité intrinsèque héréditaires
de dilution des urines du sujet. Une osmolarité urinaire
supérieure à 100 mOsm/kg d’eau (150 chez la personne âgée) Un grand nombre de tubulopathies héréditaires sont main-
contemporaine d’une hyponatrémie hypotonique signe une tenant élucidées à l’échelle moléculaire. Les renseignements
altération de la capacité de dilution. En l’absence d’hypo- concernant ces maladies orphelines, leurs présentations
natrémie spontanée, l’état de dilution peut être induit par un cliniques, les centres de soins ou de diagnostiques spécialisés
test de charge aqueuse. L’administration orale d’une quan- dans ces pathologies sont consultables sur le site Orphanet
Tableau 9 Diagnostics de tubulopathies réalisés en routine (département de génétique moléculaire, hôpital européen Georges-
Pompidou, Paris).
(http://www.orpha.net). Les principaux diagnostics dispo- collecting duct cells. Biochem Biophys Res Commun 2003;300:
nibles à ce jour dans le cadre du réseau de soin « maladies 305—10.
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