ransr u ra l

T initiatives n°480 / juin – juillet 2020 / 10 euros

•La convention citoyenne pour le climat… et les ruralités ?

•Hauts-de-France, poubelle des Parisiens
•Kochersberg : de la lutte
à la recherche de résilience

Dossier
Zoom sur les ruralités dans l’épidémie de Covid-19
 sommaire
Transrural initiatives
est publiée par l’Adir, association d’édition de :

Le réseau des Centres d’initiatives pour valoriser

l’agriculture et le milieu rural (Civam), ce sont
plus de 200 associations qui défendent depuis
plus d’un demi siècle des enjeux tels que la pré-
vivre ensemble
servation de l’environnement, l’offre d’aliments
de qualité, l’élaboration d’un autre modèle énergétique, la pro- Agriculture
motion d’une agriculture durable, le maintien d’un monde rural
facteur de cohésion sociale (www.civam.org).
4 Réforme de la PAC : les enjeux du plan
Lieu de rencontres, d’échanges et vecteur d’inté-
stratégique national
gration socio-économique, le Mouvement rural de Politique
jeunesse chrétienne (MRJC), propose aux jeunes 5 Crépuscule ou aube de la démocratie
de treize à trente ans vivant à la campagne ou
qui l’envisagent, de s’engager avec d’autres pour participative ?
l’amélioration de la qualité de vie, de leur environnement et de la 6 La convention citoyenne pour le
société qui les entoure par l’action, la réflexion, la recherche de sens
et la formation. (www.mrjc.org). climat… et les ruralités ?
Le Réseau d’expérimentation et de liaison
des initiatives en espace rural (Relier) consi- Société
dère qu’il est nécessaire de soutenir le déve- 8 « Nous n’héritons pas de la terre de
loppement d’autres activités à la campagne nos parents, nous l’empruntons à
et, face aux interrogations de notre société, nos enfants »
qu’il est urgent de leur donner un sens : s’installer à la campagne,
monter une entreprise rurale, c’est d’abord faire le choix d’un
mode de vie. Depuis 1984, l’association d’éducation populaire
Relier contribue à créer et animer des lieux d’échange et de mise
en lien des personnes qui font le choix de s’installer et vivre en
milieu rural (www.reseau-relier.org).
Le centre de ressources sur les
un autre développement
pratiques et les métiers du dé-
veloppement local Cap Rural a Initiative
pour vocation de promouvoir le développement des territoires
ruraux et périurbains de Rhône-Alpes. Depuis 1996, Cap Rural
13 Kochersberg : d’un grand projet
porte le projet d’espaces ruraux vivants aux fonctions diversi-
fiées (productive, résidentielle, touristique et nature), compo-
ménager les ressources inutile à la recherche de résilience
sés par une mixité de populations et d’activités, et mettant en Aménagement
œuvre de réelles dynamiques économiques, sociales et envi- Environnement 14 Densifier les campagnes urbaines ?
ronnementales, dans le cadre de relations équitables avec les 10 Les Hauts-de-France, poubelle des
espaces urbains (www.caprural.org). Parisiens Agriculture
Le Réseau des Créfad est une
coordination d’associations se
16 « L’abattage est le chaînon
reconnaissant dans des valeurs
Agricuilture indispensable qui permet aux
communes en référence au Manifeste de Peuple et Culture 12 Des éleveurs répondent aux critiques éleveurs d’accéder au marché »
comme l’éducation populaire, la laïcité, la lutte contre les iné- sur leur travail
galités, les injustices, ou encore dans l’entraînement mental. 18 Les abattoirs,
Ses membres travaillent les thèmes de l’accompagnement, de foyers de contamination
l’habiter, de la vitalité des territoires ruraux, de la jeunesse, de
l’interculturel, du rapport à la lecture et à l’écriture. Ils œuvrent
ensemble pour se renforcer, s’inspirer et se soutenir mutuelle-
ment, construire du neuf (www.reseaucrefad.org).
Directeur de publication : Raphaël Jourjon - Équipe
de rédaction permanente : Fabrice Bugnot, Jade
Lemaire - Ont participé à ce numéro : Isabelle
Barnier, Alexia Beaujeux, Maxime Bergonso, Hugues
Boiteux, Michel Carré, Benoît Chaboud-Mollard, Quatrième de couverture
David Chomentowski, Bertrand Coly, Vincent Dulong,
Goulven Le Bahers, Brigitte Lech, Jean-Claude Moreau,
L’exposition Hexagone est née d’une discussion des photographes de
Jean-Marie Perrinel, Odile Proust et Catherine Rouvière. guerre Éric Bouvet et Yan Morvan, pendant la campagne électorale de
Notes de lecture et revue de presse : Alain Chanard 2017. Soucieux de raconter autre chose que les frasques de Fillon, ils
Maquette : Catherine Boé sont partis plus de deux ans à la rencontre des Français·es, pour faire
Impression : Evoluprint, Bruguière leur portrait à la chambre 20x25, appareil mythique qui nécessite une
Administration / Rédaction : longue pose. Lors de l’unique prise de vue, que Yan Morvan compare
58 rue Regnault – 75 013 Paris
Tél. 01 48 74 52 88
à du « Nadar avec de la couleur », ils ont recueilli la parole de quidams
Site internet : www.transrural-initiatives.org rencontré·es via leur réseau. Parmi les 400 portraits réalisés – dont 80 sont exposés jusqu’au 1er septembre à
Mail : transrural@globenet.org Paris-gare de Lyon et Avignon-TGV au lieu des Rencontres d’Arles – celui de Jérémy Durier, « un vrai Viking ».
Ex-menuisier installé en maraîchage bio à Saint-Pair-sur-Mer (50) sur les terres de son grand-père, il incarne
Crédit photo de la couverture : carte Gouvernement, une génération de paysan·nes fier·ères de reconnecter alimentation et territoires. Pour goûter à ses légumes,
loupe Freepik, photo Maison paysanne de l’Aude rendez-vous au Garde-Manger, route de Granville.
et de la couverture du dossier : Maison paysanne
de l’Aude

Reproduction autorisée sous réserve de demande (Ré)abonnez-vous à Transrural initiatives

– n°CPPAP : 0620G86792 – ISSN : 1165-6166 –
2 Transrural
Dépôt légal : juillet 2020.
initiatives sur la boutique en ligne de la revue
 éditorial

Initiative Monde d’après/monde d’avant

19 « On est des catalyseurs »

Chronique
20 La guerre des mots – acte XXXVI
L es masques ne servent à rien/ils sont obligatoires. Restez chez vous/
allez travailler. Vous pouvez prendre le train/ne vous baladez pas en forêt.
On a assez de tests/il faut les réserver aux soignants. Il n’y pas d’argent
magique/un plan de relance de 100 milliards d’euros. La France doit retrouver
sa souveraineté alimentaire/signons des accords de libre-échange… On entend
presque, depuis sa tombe, le rire jaune de George Orwell, auteur de la dystopie
1984 et inventeur du concept de novlangue. Un numéro entier n’aurait pas suffi
découvrir à relever les incohérences et insuffisances1 des réponses politiques, en France
mais aussi ailleurs, face à la Covid-19. Nous ne vous parlerons donc pas de ces
21 En revues soignantes empêchées de se confiner dans un Ehpad avec des pensionnaires pour
les protéger, de ces entreprises ayant lancé la production de masques mais attendant
22 Au fil des lectures toujours les commandes des collectivités, des salariés ayant alerté leur direction
ou les médias sur l’absence de mesures de protection aujourd’hui licenciés...
Dans le dossier central de ce numéro, nous avons essayé de parler de cette épidémie
vue du rural et de montrer ce qu’elle révélait du fonctionnement de notre société :
des territoires ruraux qui peuvent être un refuge ou un piège, des inégalités et une
pauvreté qui progressent, un système agroalimentaire fragile et incohérent ; mais
aussi une solidarité et une capacité des habitants, des associations ou des collectivités
à réagir et s’organiser pour nourrir, soigner ou loger... « Le confinement avait rendu
encore plus flagrant l’obsolescence et la morbidité d’un modèle néolibéral qui
produisait comme un cheval emballé besoins, aspirations, excitations factices et son
I à XVI DOSSIER lot de frustrations et de désœuvrement », peut-on lire d’une des plumes du réseau
Relier, dont les écrits, sensibles, montrent que nos corps comme nos esprits ont été
marqués par ces quelques mois étranges (cf. p. XIV). Rien d’étonnant, donc, à ce que
Zoom sur les ruralités dans l’épidémie les appels, tribunes et plan d’actions pour construire le monde d’après se multiplient.
de Covid-19 Pourtant, comme le prévenait l’économiste Frédéric Lordon2, « il y a “ du monde ” en
La crise de la Covid-19 aggrave et révèle les nombreux dysfonction- face. Certes, un tout petit monde, mais très resserré, très coordonné, et très déterminé
nements de nos sociétés et fournit l’occasion à de nombreux acteurs - à ne rien changer du tout (…)  Quand Le Maire en appelle à “ un capitalisme
d’appeler aux changements politiques espérés. Transrural suit le flot plus respectueux des personnes, plus soucieux de lutter contre les inégalités, plus
médiatique et donne la parole aux territoires ruraux, loin d’être épargnés respectueux de l’environnement ”, comme il inviterait sans doute un tigre croisé
par la pandémie. Amap, Civam, Unadel, élus, associations, citoyens… dans la jungle à se mettre à la salade, et les entreprises du CAC 40 qui touchent
promeuvent la solidarité entre mangeurs et producteurs ou au sein des le chômage partiel à la modération en matière de dividendes ; quand Darmanin
collectifs d’agriculteurs, la rupture avec le centralisme, la coopération… organise des téléthons pour l’hôpital sans qu’il ne lui vienne un instant que le
Autant de réponses concrètes à la crise sanitaire dont s’inspirer pour rétablissement immédiat de l’ISF, la suppression de la flat tax et du CICE ne sont plus
penser la résilience. seulement des évidences financières mais des évidences morales ; quand Pénicaud
casse l’inspection du travail, dernière barrière contre le salariat à mort s’il le faut,
nous connaissons exactement nos chances en matière de “ jours heureux ” ».
Ces chances existent pourtant, incarnées par ces citoyens du Kochersberg
(cf. p.13), mobilisés au départ contre le grand contournement ouest de
Strasbourg et aujourd’hui engagés dans des dynamiques locales de transition ;
maison paysanne de l’Aude

ou par ces éleveurs de Côte-d’Or qui disposeront dans quelques mois d’un
abattoir mobile (cf. p. 16), dont le sens est encore plus évident depuis que des
centaines de travailleurs ont été contaminés par la Covid-19 dans les usines de
transformation agroalimentaires. Le 15 juillet, les opposants et les résidents de la
forêt de Chambaran ont aussi fêté l’abandon du projet de Center parcs à Roybon
(Isère) après treize ans de lutte3. Il y a quand même des raisons d’espérer.
Fabrice Bugnot, responsable de la rédaction
1 - www.bastamag.net/Faute-erreurs-gouvernement-Macron-gestion-de-l-epidemie-
masques-tests-confinement-urgence-sanitaire

2 - https://blog.mondediplo.net/quatre-hypotheses-sur-la-situation-economique

3 - Même si le devenir des terres détenues par le groupe de tourisme n’est pas encore
réglé... : https://reporterre.net/A-Roybon-l-abandon-du-Center-Parcs-n-est-qu-une-
http://boutique.transrural-initiatives.org etape-dans-la-lutte
 DoSSIeR
● La campagne, refuge des bourgeois·es,
piège des ouvrier·ères.........................II
● Un nouvel élan pour les campagnes... III
● Des inégalités entre citoyen·nes
et territoires mises au jour............... IV
● Une crise qui révèle l’incohérence
de nos systèmes agroalimentaires..... V
● La souveraineté alimentaire
sera paysanne ou ne sera pas........... VI
● Des initiatives du monde paysan....... VII
● La solidarité comme réponse
à l’épidémie ......................................... X
● Chroniques de l’après Covid............. XIV
● Repenser la production
et retrouver le chemin des luttes.... XVI.
Zoom sur les ruralités
dans l’épidémie de Covid-19
L a crise liée à l’épidémie de coronavirus Covid-19 aggrave et révèle les nombreux dys-
fonctionnements de nos sociétés. Des problèmes bien plus profonds que les conditions
de confinement ou le détail des aides aux entreprises pourraient advenir sur le moyen
terme et nul ne peut anticiper quelles en seront les conséquences politiques - s’il y en a.
Seulement peut-on se contenter d’appeler et de participer aux changements que l’on espère.
Transrural initiatives, revue participative regroupant des acteurs du monde rural et agricole, a
certes choisi de suivre le flot médiatique et de parler du coronavirus dans ce dossier. Mais en
donnant avant tout la parole aux acteurs des territoires ruraux pour témoigner de leur vécu -
d’agriculteur, d’habitant, de retraité, de responsable associatif pour partager les initiatives qu’ils
ont mis en place ou leurs réflexions sur ce que ce moment révèle, notamment par rapport à la
thématique du local et des inégalités.
Pour les Amap, il montrerait la pertinence de leur modèle grâce à la solidarité entre produc-
teurs et mangeurs. Pour les Civam, l’épidémie confirme le bien-fondé d’un mode de production
économe et autonome et l’importance des collectifs d’agriculteurs. Pour l’Unadel, la gestion de
cette crise renforce la nécessité de rompre avec le centralisme tout puissant et de prendre en
compte la diversité des territoires et des individus. Pour le MRJC, ce moment rend d’autant plus
nécessaire la coopération et la solidarité afin d’éviter que cette crise sanitaire ne devienne aussi
une crise sociale, etc.
Enfin, si le confinement a paru au premier abord plus facile à vivre dans les espaces peu denses
et que le nombre de morts y est plus faible, les difficultés d’accès aux soins, aux services ou à
l’alimentation se sont renforcées pour certaines populations dans des territoires ruraux où la
précarité est plus marquée qu’en ville. Mais les campagnes sont aussi, par leur configuration
spatiale et socio-économique, des territoires où l’innovation et l’entraide jouent un rôle crucial.
Si un regard du rural sur cette crise peut inspirer des changements pour une société plus rési-
liente, parlons-en.
n˚480 • juin-juillet 2020 Transrural initiatives I
 un autre développement
un autre développement

Le jeune collectif La Traverse, constitué de trois diplômé•es en politique territoriale, sillonne les routes de France
à la rencontre des acteur•rices qui font des territoires ruraux des lieux de vie singuliers et favorables à la tran-
sition écologique et sociale. Une série d’articles restitue quelques-unes de ces rencontres, détaillées dans des
podcasts sur le site : latraverse.lepodcast.fr. Quatrième étape dans le Bas-Rhin.

Kochersberg : d’un grand projet inutile

initiative

à la recherche de résilience
La construction d’une autoroute sur les territoires ruraux proches
de Strasbourg a rencontré une vive opposition. Celle-ci a permis
d’impulser des dynamiques locales de transition.

L e Kochersberg est une région

naturelle située à l’ouest de
Strasbourg, qui tend à devenir
une zone périurbaine. Elle s’étend
sur la Communauté de communes
du Kochersberg (25 000 habitants,
130 km2) et sur la partie occidentale
de l’Eurométropole de Strasbourg
(500 000 habitants, 340 km2). Sur
ce territoire, la réalisation du grand
contournement ouest (GCO), dans les

CC 2.0 - Rue 89 Strasbourg

cartons depuis les années 1970, est
en cours. Construite par l’entreprise
Vinci, cette autoroute de 24 km a
officiellement pour objectif de dimi-
nuer l’engorgement des routes dû au
trafic pendulaire entre la métropole Depuis 2005, les opposants à la construction du grand contournement ouest de Strasbourg ont multiplié les actions et les
et les territoires alentours. Toutefois, recours juridique sans parvenir à faire échouer le projet.
au vu des nombreux rapports qui ont
prouvé que cette solution était ina- 1 - Voir par exemple L’opposition fets et déplore que les autres options
daptée1, l’ambition principale de ce celui du bureau C’est justement au nom de ces telles que le ferroutage ou le fret flu-
projet est plutôt de faciliter le trafic d’étude TTK de deux enjeux que des habitants vial n’aient pas été privilégiées3.
2005 : https://
routier européen. Il constitue une gcononmerci.org/ du Kochersberg se sont massive- Le GCO entraîne également la béto-
pièce d’un ensemble d’infrastruc- tout-sur-le-gco/ ment mobilisés contre le projet. nisation d’espaces agricoles et fores-
tures visant, selon ses opposants, rapports. L’association Duppigheim qualité de tiers, dont 300  hectares de terres
« à transformer la plaine d’Alsace en 2 - Collectif des vie (DQV) a mis en avant le manque agricoles. « On est sur des terres par-
couloir à camions ». Pour eux, l’auto- plumes dans le de considération pour les impacts mi les plus fertiles d’Europe, qui vont
route rentre dans la catégorie des goudron, Résister sur la santé des riverains dans les être bétonnées alors qu’elles sont
au grands projets
« grands projet inutiles et imposés ». inutiles et imposés, villages proches du GCO, et a prévu vitales pour notre autonomie alimen-
Ils se caractérisent par le fait d’être Editions textuel, de réaliser des relevés de pollutions taire », déclare Luc Huber, maire de
2018.
imposés par le haut, ici l’État, de atmosphérique et sonore sur le tracé Pfettisheim. Dix hectares de forêts
correspondre à un impératif de crois- 3 - Voir à ce sujet avant et après la mise en activité de centenaires ont également été dé-
sance économique, et de se faire au les positions de cette route. Le collectif Strasbourg truites, alors qu’elles jouaient un rôle

…
l’association :
mépris des impacts localisés sur la https://strasbour- respire, créé en 2014 par un groupe d’atténuation de la pollution atmos-
santé et l’environnement2. grespire.fr. de médecins, pointe du doigt ces ef- phérique autour de Vendenheim et

n˚480 • juin-juillet 2020 Transrural initiatives 13

un autre développement
… permettaient que la ville, bien qu’ad-
jacente à une autoroute pré-existante,
soient relativement peu polluée.
La mobilisation contre ce projet, de-
puis son retour en force en 2005, a
pris différentes formes : distributions
de tracts, manifestations, blocages
de machines et installation d’une
éphémère zone à défendre (ZAD).
Située à Kolbsheim, celle-ci avait pour
vocation d’héberger les opposants à
proximité des lieux du chantier, pour
qu’ils puissent alerter les habitants,
notamment en sonnant au clocher
du village. La lutte s’est également
déclinée sur le terrain du droit, avec
de nombreux recours juridiques et des
études supplémentaires, sous l’impul-
sion entre autres de l’association
Alsace Nature.
Prise de conscience
accélérée
Si cette forte mobilisation n’a pas suf-
fi à empêcher le début des travaux,
elle laisse des marques durables, no-
tamment grâce aux liens créés entre
les opposants. Elle a entraîné, chez
Densifier les campagnes urbaines ?
aménagement
Les impératifs écologiques, notamment de lutte contre
l’artificialisation des sols ou les émissions de gaz à effet de serre,
imposeraient de densifier les villes comme les campagnes.
U ne petite maison, son jardin
et son garage... Deux-tiers
des Français souhaitent vivre
en habitat pavillonnaire et depuis le
lancement du programme de pro-
motion des maisons individuelles en
1969, l’étalement urbain n’a cessé
de progresser. Mais l’État a entamé
un demi-tour conceptuel à partir des
années 20001 avec l’adoption de l’im-
pératif de densification, d’abord dans
les villes puis dans le périurbain ou
les « campagnes urbaines ». L’objectif
14 Transrural initiatives n˚480 • juin-juillet 2020
des personnes qui n’étaient pas for-
cément des militants de longue date,
une prise de conscience accélérée
des effets destructeurs du modèle
dominant. C’est bien le fait d’être
touché dans sa vie quotidienne et
dans sa santé, et d’être confronté à
la violence policière4, qui permet de
s’interroger sur des problèmes systé-
miques. Cette lutte a ainsi entraîné,
chez les opposants, un regain d’inté-
rêt pour la transition écologique. En
témoigne par exemple l’organisation
à l’été 2018 d’un festival construit
sur deux axes : une impasse Robert
Herrmann (du nom du président de
l’Eurométropole), et une autoroute
de la transition, présentant les alter-
natives dans le domaine de la mobi-
lité (organisation de covoiturage à
l’échelle d’un village, autostop orga-
nisé…) ou afin de développer l’auto-
nomie du territoire pour qu’il puisse
4 - Comme au se passer des flux de camions.
moment de l’éva-
cuation de la ZAD
de Kolbsheim, qui De nouvelles vocations
avait réuni plusieurs
centaines d’habi-
Plusieurs associations créées à
tants du village. l’occasion de la lutte contre le GCO
1 - Notamment affiché est de lutter contre l’artificiali-
avec loi Solidarité
et renouvellement sation des sols, notamment agricoles,
urbains (2000) puis mais aussi de concentrer les popula-
les lois de Grenelle II
(2010) qui obligent
tions pour favoriser la mutualisation
les communes à d’équipements et de transports en
fixer des objectifs commun. Mais densifier ne revient-il
chiffrés pour limiter
l’urbanisation. pas à recréer la ville ? Peut-on espé-
rer un résultat plus probant que celui
2 - Densifier les des précédentes politiques de protec-
campagnes ? Étude
du discours des tion des espaces agricoles ou natu-
architectes sur la rels ? Comme l’explique dans son
densification en
milieu rural. 2019. mémoire2 Pauline Reiss-Calvigna, « la
Ensa Paris Belleville. question de la densification est donc
élargissent aujourd’hui leurs mis-
sions. C’est le cas de l’association
La réserve du Bishnoï, qui a orga-
nisé, malgré le confinement, un
marché aux plantes reproductibles,
et cherche à pérenniser un mar-
ché local et de vrac dans le village
d’Ernoslheim. Même son de cloche
à Duppigheim, où Julien Haegy,
de l’association DQV, déclare  :
« même si l’autoroute se fait, il y a
d’autres choses à défendre, d’autres
combats à mener ». L’opposition
a également créé des vocations,
puisque, d’après Christine Ludes,
du collectif GCO non merci, « on
a dans le Kochersberg entre 10 et
20 listes pour les municipales qui
contiennent des anti-GCO. Bon
nombre d’entre eux ne se seraient
jamais présentés sans cette aven-
ture. » Plusieurs, dont Julien Haegy
et Guillaume Bourlier, de La réserve
du Bishnoï, ont été élus et sont bien
déterminés, chantier ou pas, à ac-
célérer la transition écologique de
leur village.
■ Alexia Beaujeux (La Traverse)
celle d’un équilibre à trouver entre des
problématiques écologiques […] et
une remise en question de nos modes
de vies individuels. C’est donc une
question politique dans toutes ses
dimensions ».
La densification, d’abord pensée
pour les villes, a été promue en 1930
par certains architectes comme Le
Corbusier, qui dénonçait le «  gas-
pillage de biens de consommation,
…
de sol et de temps  » des habitats indi-
viduels et promouvait des habitats
 a bo n ner
ouv ez vou en ligne sur :
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Transrural
Vous p r un numéro s.org
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Transrural
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initiatives
La revue associative des territoires ruraux
Transrural initiatives est une revue bimestrielle portée par des organisations de dévelop- ier-février 2018
/ 10 euros
initiatives n°466 / janv

pement agricole et rural qui se reconnaissent dans les valeurs de l’éducation populaire.
En s’appuyant sur un comité de rédaction composé d’acteurs du développement rural
(animateurs, militants associatifs), associés à des journalistes, elle propose une lecture
de l’actualité et des enjeux concernant les espaces ruraux qui privilégie les réalités de ter-
rain et valorise des initiatives locales et innovantes. La revue appréhende ces territoires
dans la diversité de leurs usages et met en avant des espaces où il est possible d’habi-
ter, de se déplacer, de s’instruire, de se cultiver, de produire, de se distraire et de tisser
des liens. Ces expériences locales illustrent concrètement des alternatives au modèle
de développement économique dominant, marqué par la mise en concurrence géné- • SE SENTIR DE NOU
VEAU ACTEUR
• « ZAD WILL SUR
VIVE »
ralisée, la disparition des solidarités et l’exploitation aveugle des ressources naturelles. •SIX MOIS D’ÉTAT
S GÉNÉRAUX, POUR
QUOI ?
Transrural entend sortir de la morosité ambiante et invite à l’action ! Dans chaque
QUEL MONDE LES NO
numéro, un dossier thématique permet d’approfondir une question (ex. : Agriculture RMES CONSTRUISE Dossier
et société : vers un nouveau contrat ; Repenser l’accueil des migrants dans les terri- NT-ELLES ?
?
toires ruraux ; Les champs de la culture revisités…).
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