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Mémoire et culture dans la Révolution nicaraguayenne : La mujer habitada de Gioconda Belli.

Femme poète de renom, naguère sandiniste active, la "révolutionnaire" Gioconda Belli fait œuvre de
mémoire dès son entrée en prose romanesque avec la parution, en 1988, de La mujer habitada ,
récit d'une Révolution originale qui connut un retentissement historique et représenta, au Nicaragua,
un formidable fait de culture, puissamment mythifié.
Gioconda Belli témoigne, dans ce premier roman, de ce que mémoire et culture s'interpénétrent : les
liens indéfectibles qui les unissent se révèlent, en effet, dans un récit enseignant que la
réminiscence de la rébellion indigène nourrit, par-delà les siècles, une Révolution qui revendique
également une mémoire continentale puis universelle, et constitue un trait suffisamment saillant de
l'Histoire nationale pour mériter cette transposition romanesque qui la commémore et la sacralise.
La mujer habitada se livre comme un hommage à la mémoire nica exprimée sous la forme d'un
dyptique : d'une part, la mémoire aborigène qui précède la conquête espagnole et assume le « je »
narratif grâce au personnage d'Itzâ ; d'autre part, la mémoire des années 1970 dont est relatée
l'Histoire exceptionnelle par l'intermédiaire de Lavinia qui s'engage dans le Mouvement clandestin
résolu à renverser le dictateur. Le personnage transhistorique d'Itzâ qui va s'incarner en Lavinia,
relie la rébellion indigène et une Révolution qui, à bien des égards, la prolonge.
Aussi serait-il vain de prétendre embrasser le fait révolutionnaire sans consulter les temps
prétendument idylliques du règne indigène, puis ceux, tragiques, du crépuscule identitaire que signa
la venue des conquérants, et ce afin de distinguer les vertus idiosyncrasiques révélées par Itzâ :
sacrifice, guerre sacrée et mort héroïque en constituent l'axe central, et ces éléments vont fonder,
en partie, le discours apologétique qui sacralise la Révolution et codifie la figure mythique du
révolutionnaire. Les retrospections d'Itzâ ont également pour vocation d'éveiller la révolte du
narrataire lorsqu'elle relate le drame que connut son peuple asservi dont les conquérants
anathematise rent la culture et opacifièrent la mémoire. Le roman légitime ainsi la résistance
indigène et valorise le trait identitaire de la sédition en rappelant à la mémoire bafouée de son
peuple les moments forts d'une lutte qui respecte, le plus souvent, la réalité historique.
1. La mujer habitada. Tafalla, Editorial Txalaparta S. L. Mayo 1996 (13*edici6n).
 
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Les Indiens font en sorte que la lutte ne s'achève pas après eux, par un geste qui signifie combien
l'époque actuelle est bien un héritage qui patiente dans le corps d'une Terre préservant la mémoire
des hommes : Enterrâbamos las lamas de los muertos en lo mas hondo de la montana esperando
que algûn dia otros las alzarian contra invasores\ explique Itzâ dont les compatriotes offrent à la
lutte un sens intemporel où la cause nationale agit par-delà l'Histoire de la dépossession et contre
elle. Une dépossession qui "enterra" elle aussi la mémoire des combats si l'on considère
l'historiographie tronquée que consignèrent les vainqueurs. Le roman dénonce l'imposture de cette
mémoire partielle qui tenta de compromettre l'identité collective, et fait écho à l'analyse de Jaime
Wheelock Roman selon lequel les historiens, récepteurs de l'idéologie colonialiste, ont déformé
l'Histoire.2 Il semblerait que l'antagonisme entre Indiens et Espagnols, puis entre les
révolutionnaires et le tyran, oppose avant tout deux mémoires, deux cultures.
Le plus intéressant réside précisément dans les procédés que met en œuvre Gioconda Belli pour
contourner l'obstacle de cette amnésie imposée à son peuple. Lorsqu'elle crée le personnage d'Itzâ
et le double transtemporel dans lequel elle va s'incarner, elle donne à penser que la mémoire
demeure, fût-elle évincée des chronologies, car elle prend corps et prend au corps sous la forme
d'un atavisme impérieux voué à armer des épigones dont la chair même devient écrin d'une
mémoire vernaculaire. Par le lien irréductible du sang, qui indifférencie culture et mémoire, le roman
réhabilite l'ancêtre et recontextualise singulièrement la Révolution.
Itzâ exprime cette filiation collective lorsqu'elle énonce : Nuestra herencia de tambores batientes ha
de continuar latiendo en la sangre de estas generacionesJ Ce que le narrateur confirme lorsque
Lavinia s'apprête à tirer sur le Chef d'État Major des Armées, et qu'Itzâ vient de mettre un terme à
son hésitation : Lavinia sintiô en el tumulto de sus venas, lafuerza de todas las rebeliones, la raiz, la
tierra violenta de aquel pais arisco e indomable, apretândole las entrahas [...].* L'héroïne prolonge
des ancêtres émanant eux-mêmes de la Terre qui transmet à ses enfants le sens de la rébellion : à
géographie volcanique, peuple insurgé, paraît nous enseigner une romancière qui assimile la
créature à son univers.
Il n'est que de considérer l'itinéraire post-mortem d'Itzâ pour se convaincre de ce que l'homme
procède d'une nature qui recueille l'essence des défunts. Itzâ se désagrège pour nourrir la
végétation puis renaît, des siècles plus tard, en s'infiltrant dans un oranger senescent dans le jardin
de Lavinia : des morts féconds, puisque promis à la germination et favorisant l'anamnèse, vont faire
éclore, dans le présent, un passé dont la mémoire est la semence des temps nouveaux. Car on
saisit bien l'enracinement de
1. Ibid., p. 241.
2. Jaime WHEELOCK ROMAN, Raices indfgenas de la lucha anticolonialista en Nicaragua. Mexico,
Siglo Veintiuno, 1979, pp. 2 à 13.
3. La mujer habitada, p. 102.
4. Ibid., p. 385.
 
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l'Histoire que métaphorise cette incarnation d'Itzâ dans l'arbre, ou la persistance du passé dans un
décor qu'il imprègne. Associé aux cycles saisonniers, et par-là aux renaissances successives,
l'arbre renvoie aux généalogies, aux cycles antérieurs d'existence des individus, ce que confirment
d'ailleurs ses racines. Immortel et fertile, l'arbre contient la mémoire et le destin de la nation,
responsabilités qu'Itzâ assume scrupuleusement.
Pour ce faire, il suffît que l'héroïne absorbe le jus de ces oranges gorgées de mémoire et de révolte,
et permette ainsi au spectre déterminé de la pénétrer. Cet acte de nutrition fait communier Lavinia,
par un étrange phénomène de transsubstantiation, avec la mémoire de son peuple, et finalement
avec les dieux. La prédestination oriente l'action de l'héroïne et celle de la symphonie
révolutionnaire orchestrée par les divinités qui n'ont jamais vraiment péri dans les brasiers de la
Conquête. La mémoire fluide de la culture indigène, parcourant la sève de la végétation ou le sang
des hommes, en vient donc à se matérialiser, pour ainsi dire, par le truchement du corps terrestre ou
humain. Apparemment évanouies, mémoire et culture n'en demeurent pas moins, dans une éternité
où, vigilantes, elles maintiennent une emprise impalpable sur les désirs des hommes et sur un
devenir impliquant le souvenir.
L'assaut final dépend bien des divinités puisqu'il s'insère dans le calendrier méso-américain, la
Révolution épousant à son insu la temporalité des traditions ancestrales. Itzâ définit la date fatidique
comme propice au combat, par la dénomination indigène Ce itzcuintlu Elle intègre des informations
sur la guerre sacrée que menaient ses compagnons, la mettant ainsi directement en parallèle avec
l'offensive révolutionnaire.2 Il faut dire que le terme polysémique de « révolution » provient du latin
revolutio : « retour » — des âmes par la métempsycose — ; et en latin médiéval : « retour périodique
d'un astre à son point de départ ». Revolutio est également dérivé de revolvere, c'est-à-dire «
retourner », « ramener », et il est vrai que la Révolution souhaite "retourner" l'ordre présent pour
faire "revenir" un ordre ancien.
Avant d'explorer comment le Movimiento de Liberaciôn Nacional porte en effet la mémoire d'un Âge
d'Or que l'utopie sociale vise à rétablir, il convient de sonder le terreau sur lequel germe la révolte :
el Gran General, [...] la riqueza, la domination extranjera...3 Adaptation d'un combat qui opposa le
Front Sandiniste à Anastasio Somoza4, le récit accuse la corruption du tyran et l'arrogance de
l'oligarchie qui désarticule davantage une économie dépendante en prolongeant le système
capitaliste de la domination
1. Ibid., p. 361. Cette date était en effet consacrée au dieu du feu et du soleil, tous deux assimilés à
la divinité guerrière.
2. Ibid., p. 361-362.
3. Ibid., p. 264.
4. Le Gran General est calqué sur Anastasio Somoza Debayle, alias Tacho qui détint le pouvoir de
1936 à 1956, la relève étant assurée par Luis Somoza Debayle jusqu'en 1963, puis par son frère
Tachito de 1967 à 1972 et de 1974 à la date historique de 1979.
 
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étrangère, laquelle n'est pas sans évoquer l'interventionnisme cupide des États-Unis qui favorisèrent
l'émergence d'une véritable culture antiimpérialiste.
A lire le programme du Movimienîo de Liberaciôn National, on se persuade de la symétrie
rigoureuse qui en fait l'antidote aux souffrances sociales précédentes : alfabetizaciôn, salua1 gratis y
digna para todos, viviendas, reforma agraria [...]; emancipation de la mujer [...]; fin de la corruption,
fin de la dictadura /..J." C'est une mutation totale de la société qui est envisagée, et lorsque l'amant
de Lavinia explique : Lo que nosotros queremos son cambios mucho mas profundos que un mero
cambio de personas, ses paroles résonnent du projet de Carlos Fonseca Amador qui fonda, en
juillet 1961, avec Tomâs Borge et Silvio Mayorga, le Front Sandiniste de Libération Nationale.2
Celui-ci s'inspira d'Augusto César Sandino et du modèle castro-guévariste lui-même acquis à la
pensée marxiste qui constitua un bouleversement des schémas identitaires en vigueur.
Il apparaît que les nouveaux combattants ressentent le besoin d'inscrire leur combat dans une
tradition insurrectionnelle ou une perspective diachronique — en l'occurrence, une généalogie
héroïque — pour faire de cette Révolution, qui se forge aussi sur le souvenir, une véritable culture
qui émanerait d'une mémoire continentale, ou bien une mémoire "résistante" qui émanerait d'une
culture séculaire, l'objectif étant quoi qu'il en soit de dégager une dialectique et, par-là, de conférer
une cohérence à la lutte patriotique.
Dans le roman, comme dans l'Histoire qu'il souhaite immortaliser, la Révolution se ressource
également auprès de ces mythes fondateurs qui décrivent un Âge d'Or. Lavinia songe, en ces
termes, au combat :
Encender las luces y no solo eso, sino los nos de lèche y miel [...] los estatutos de un nombre
nuevo, generoso, fratemo, critico, responsable, defensor del amor, capaz de identificarse con los
que sufren. Cristos modernos [...], dispuestos a ser crucificados por difundir la buena nueva [...].*
Pierre Vayssière fait apparaître cette effervescence qui caractérise la Révolution, « comme autant
de rites d'actualisation du grand temps mythique qui précède tout âge d'or...»4, lequel entraîne
l'approche eschatologique inhérente aux mouvements de libération. Le mythe marxiste d'un Âge
d'Or imprégna une Révolution non dénuée de millénarisme : au Nicaragua, celle-ci et la religion
chrétienne firent communier leurs spécificités jusqu'à parvenir à une culture originale qui
indifférenciait christianisme et marxisme, la préoccupation sociale héritant d'une théologie de la
libération définie, en 1971, par Gustavo Gutierrez et qui allait bouleverser profondément la culture
catholique d'Amérique latine.
1. Ibid., p. 122.
2. Ibid., p. 160.
3. lbid,p. 122.
4. VAYSSIÈRE Pierre, Les révolutions d'Amérique latine. Paris, Editions du Seuil, 1991, Collection
Points, Histoire, n° H150, p. 324.
 
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Les révolutionnaires engagent donc leur existence au nom d'un futur dont la rénovation devient un
impératif éthique.1 La romancière restitue, sur la base de cet altruisme, la culture du sacrifice
qu'exaltèrent les révolutionnaires. A commencer par la thèse de la violence libératrice qui s'inscrit
dans une tradition historique de résistance, et résonne du débat sur la guerre juste que le Che lui-
même, figure exemplaire pour toute une génération de militants, prêcha comme un mal nécessaire
pour faire triompher le socialisme. Tomâs Borge rend compte de cette fascination pour la mort :
Morir por la patria y la revolution no es un sacrificio: es el mas grande de los privilegios !2 Car le
héros ne meurt pas mais renaît dans la cause qu'il stimule davantage, nous enseignent La mujer
habitada et Tomâs Borge : Es bueno que se sepa que el muerto sigue andando. Que esta vivo [...]?
Le dénouement du roman délivre le même message de renaissance après que l'héroïne ait périt
sous les balles du Chef des Armées dont les révolutionnaires ont investi la maison : lorsque Lavinia
le supprime, elle paraît régénérer l'Histoire puisque ce sacrifice rend au peuple méprisé sa liberté et,
par là, son droit à une identité, autant dire à une culture qui émane véritablement de lui et le révèle
enfin.
Le roman de Gioconda Belli et les personnages dont il s'inspire montrent comment la libération
nationale peut impliquer une ré-écriture mythifiante de l'Histoire qui, par définition, dénature les
faits ; mais ne traduit-elle pas, paradoxalement, les aspects essentiels d'une culture qui, sans cette
ré-élaboration, ne pourrait se dire, se définir, et peinerait donc à s'ancrer dans le temps ou dans les
mémoires ? Le mythe, à l'instar du roman qui, bien souvent, s'en nourrit et le perpétue, serait un «
révélateur idéologique, le reflet d'un système de valeurs ».4 Et le peuple qui sait céder au mythe la
relecture de son Histoire, pour mieux transcender les événements et en extraire l'essence ou le
sens, parviendrait à une culture authentique.
Possédant une fonction de restructuration mentale et sociale, le mythe s'affirme d'autant plus
lorsque l'identité paraît compromise, en révélant d'ailleurs une puissance mobilisatrice considérable.
Michel Maffesoli observe combien une société qui « a besoin de conforter le sentiment qu'elle a
d'elle-même [...], de remémorer ce qui constitue le fondement de son « être-ensemble », ranime les
mythes primordiaux.5 On sait, du reste, que la mémoire collective fonctionne au moyen d'archétypes
et qu'elle associe les événements et les acteurs de l'Histoire aux schémas mythologiques
préexistants, sans quoi la culture nationale n'en conserverait quasiment pas le souvenir.
1 . La mujer habitada, p. 148.
2. BORGE Tomâs, Los primeras pasos. La revolution popular sandinista. Mexico, Coleccion minima
80, Siglo veintiuno éditons, 1984, p. 72.
3. La mujer habitada, p. 354-355. Et Tomâs Borge, op. cit., p. 54.
4. GlRADET Raoul, Mythes et mythologies politiques. Paris, Editions du Seuil, 1986, Collections
l'Univers Historique, p. 83.
5. Maffesoli Michel, « Mythe, quotidien et épistémologie », in Le mythe et le mythique. Colloque de
Cerisy, Paris, Editions Albin Michel, 1987, Cahiers de l'Hermétisme, p. 93.
 
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D'après Gilbert Durand, qui considère la mythologie comme mère de l'histoire, « c'est le mythe qui,
en quelque sorte, [...] permet de décider ce qui « fait » le moment historique, l'âme d'une époque,
d'un siècle, d'un âge de la vie. Le mythe est le module de l'histoire, non l'inverse ».' L'Histoire a-t-elle
besoin du mythe pour demeurer fille de mémoire dans le cœur du peuple ; et faut-il penser, dès lors,
que l'identité ou la culture, qui ne peuvent se former et se formuler qu'en intégrant l'Histoire, se
résument à "être mythiques ou n'être pas" ?
Pour Gioconda Belli, le mythe . imprègne mémoire et culture qu'il ancre dans le corps sous la forme
de virtualités promises à s'épanouir dans le renouveau de la nation. Or, les Sandinistes qui se
voulaient héritiers ne se réclamèrent pas uniquement de mythiques patriotes armés. C'est bien à
une mémoire originelle que puisa la culture renaissante, ainsi qu'en témoignaient les propos
d'Ernesto Cardenal, Ministre de la Culture : Nuestra cultura ahora, pues, al ser reencuentro de
nuestros origenes, y rescate de nuestra identidad, de nuestra comida y nuestro mitos, es un
combate de liberation.2 Libération d'une mémoire longtemps étouffée et qui respire enfin dans cette
culture qui la glorifie et qu'elle légitime à son tour. La reconquête de l'identité suppose celle d'une
culture collective ou populaire que la Révolution ne manqua pas d'exacerber. Entre culture de la
Révolution et révolution de la culture, Ernesto Cardenal affirmait :
Solo ahora dentro de la Revoluciôn Popular Sandinista — que es un hecho cultural — y gracias a
ella podemos hablar de cultura. [...] De aqui que, ahora, en este nuevo perfodo, bien podamos
apreciar ya a la Revoluciôn Popular Sandinista como el primer y mâs importante producto cultural
nicaragiiense.3
Les Sandinistes surent cultiver leur Révolution comme le champ fertile sur lequel devaient germer
les temps nouveaux. Seule la culture révolutionnaire était authentique, et l'idéologie portée par le
nouveau gouvernement tenta donc d'irriguer tous les domaines de la culture et de se répandre dans
le peuple, c'est-à-dire de recourir à la fonction politique que cette dernière pouvait exercer afin
qu'elle devînt, en retour, une arme essentielle de la Révolution et que l'une exprimât aussitôt l'autre.
Le roman s'achevant sur la victoire des insurgés, il ne peut évoquer ces lendemains chantants, et
bientôt désenchantés. Cette Révolution originale, cette utopia
1. DURAND, Gilbert, Figures mythiques et visages de l'œuvre. De la mythocritique à la mythanalyse.
Paris, Editions Dunod, 1992, pp. 28 puis 27.
2. Cité par Pailler, Claire, « La nouvelle culture au Nicaragua », in Nicaragua - Les Contradictions du
Sandinisme. Centre National de la recherche Scientifique. Centre Régional de Publications de
Toulouse. Amérique Latine - Pays ibériques. GRAL. Paris, Editions du CNRS, 1985, p. 126.
3. Ibid., p. 119. Analogie réitérée dans : La Revoluciôn es Cultura, y la Cultura nuestra ahora es
Revoluciôn. No hay distinciôn entre Revoluciôn y Cultura. Sergio Ramirez souligne combien : « la
revoluciôn transforma dentro de Nicaragua los sentimientos y variô la forma de ver el mundo y al
pais mismo, porque creô una ambiciôn de identidad [...], una nueva cultura diaria [...] dando un
sentido histôrico a la ruptura generacional con el pasado. Dans Adiôs muchachos. Una memoria de
la revoluciôn sandinista ». Madrid, Ediciones El Paîs-Aguilar, 1999, p. 15.
 
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compartida selon Sergio Ramirez1, dériva peu à peu vers un nouveau désastre et le Front
Sandiniste essuya une défaite électorale en février 1990.
Si le roman de Gioconda Belli attise les braises d'un passé utopique pour mieux en raviver la
flamme, que reste-t-il dans les esprits de cette culture révolutionnaire et qu'espèrent les Nicas qui se
réunissent chaque 19 juillet, Plaza de la Repûblica, pour commémorer un idéal collectif qui n'est
devenu réalité qu'un temps ? On sait combien mémoire et culture s'inscrivent dans un rapport
dialectique, et si la culture est un processus en constant renouvellement, cela n'empêche nullement
des orientations durables ou récurrentes. Et Gioconda Belli exhorte, dans son troisième roman,
Waslala, à la quête de l'utopie, et nous offre l'apologie des rêves qui bâtissent le réel, sans eux
condamné à se scléroser ou se déliter. La littérature étant porteuse d'Histoire et d'identité, Gioconda
Belli se tourne vers la culture du passé pour concevoir une mémoire du futur qui suppose, à
nouveau, une certaine révolution, celle d'une culture "mondialisée" et d'une société menacée par un
individualisme grandissant.
Ainsi la mémoire de l'Âge d'Or forge-t-elle, aujourd'hui encore, une culture de protestation. Le mythe
ou l'utopie, que les dérives des hommes paraissent ranimer, possèdent, à l'évidence, matière
impérissable à nous charmer. Selon toute vraisemblance, le lieu qui n'est pas n'a donc pas fini
d'exister, non moins que le souvenir de temps immémoriaux qui, participant de l'inconscient collectif,
reflètent une mémoire et une culture universelles, à jamais préservées, quant à elles, de sombrer
dans l'oubli.
Nathalie BESSE. Sorbonne Nouvelle Paris III, CRICCAL.
1. Ibid., p. 14.
Persée © 2005-2020

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