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COOPERATION DECENTRALISEE
AU BURKINA FASO
Tome 2
Rapport final
Christophe Mestre
Nemaoua Banaon
Avec l’appui de Marc Dembele
Lyon
Août 2009
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final tome 2– août 2009- CIEDEL - Page 1/122
SOMMAIRE
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final tome 2– août 2009- CIEDEL - Page 2/122
Table des principaux sigles en acronymes
Les relations de coopération décentralisée entre la France et le Burkina Faso sont des relations
anciennes, diversifiées dans leurs formes et leurs contenus. Ces relations sont marquées par :
- leur importance en nombre,
- leur importance financière,
- l’importance de l’appui donné par le gouvernement français,
- l’importance des enjeux actuels au niveau des collectivités locales du Burkina Faso.
Compte tenu de l’ampleur des interventions et des moyens financiers mobilisés par les collectivités
territoriales françaises au Burkina Faso et du soutien important du MAEE à ces actions, une
appréciation des activités menées par les collectivités territoriales dans le cadre de la coopération
décentralisée ainsi que de l’appui technique et financier du MAEE la Délégation pour l’Action
Extérieure des Collectivités Locales du Ministère des Affaires Etrangères français a souhaité la
réalisation d’une évaluation rétrospective et partagée de 2002 à 2008, la première évaluation de ce
type conduite au Burkina Faso.
L’évaluation concerne les interventions des collectivités territoriales françaises au Burkina Faso sur la
période 2002-20082 (…), les outils de soutien du MAEE aux collectivités territoriales ainsi que les
outils et moyens financiers, humains, techniques et logistiques de la coopération décentralisée franco-
burkinabé.
1
Extrait de la note d’information validée par la DAECT et diffusée aux acteurs des coopérations décentralisées.
2
Le « retour » de la coopération décentralisée sur les collectivités locales françaises a été exclu du champ de l’évaluation
lors du premier comité de pilotage à Paris, la durée de l’évaluation ne permettant pas de prendre en compte cet aspect. De
même les autres coopérations décentralisées (Italie, Belgique…) ont été exclus du champ de l’évaluation.
Cette phase s’est conclue par un deuxième comité de pilotage à Paris (le 2 février) et à Ouagadougou
(le 3 mars) pour restituer la note documentaire et valider la proposition de méthodologie, les critères et
la première proposition d’échantillonnage.
La phase suivante a été une phase de terrain au Burkina, visant à réaliser des entretiens avec les
différentes catégories d’acteurs impliqués dans les relations de coopération décentralisée au Burkina
Faso :
- Elus et techniciens des collectivités territoriales ;
- Comités de jumelage ;
- Opérateurs techniques des coopérations décentralisées ;
- Organismes d’appui à la coopération décentralisée ;
- Représentation des pouvoirs publics français ;
Cette phase, réalisée conjointement par les deux évaluateurs, s’est conclue avec la tenue le 11 juin
d’un atelier avec les représentants des collectivités rencontrées, des opérateurs et du SCAC. Cet atelier
a permis la présentation et la mise en débat des constats de terrain réalisés par les évaluateurs et de
travailler autour des pistes de recommandations.
Une fois l’essentiel des entretiens réalisés au Burkina Faso, les deux évaluateurs ont réalisé la phase de
terrain en France, phase durant laquelle ils ont rencontré un panel d’acteurs impliqués dans les
relations de coopération décentralisée similaire à celui rencontré au Burkina Faso :
- Elus et techniciens des collectivités territoriales
- Comités de jumelage
- Organismes d’appui à la coopération décentralisée
- Représentation des pouvoirs publics français
Cette phase s’est conclue le 29 mai par une mise en débat, avec les représentants des collectivités
rencontrées, des constats de la mission et un travail sur les recommandations.
A partir de l’ensemble des éléments ainsi recueillis, les évaluateurs ont rédigé la version provisoire du
rapport final, soumise à l’étude du comité de pilotage à Paris le 26 juin avant de rédiger la présente
version finale.
Au Burkina Faso le premier jumelage a été mis en place en 1967 entre les villes de Loudun et
Ouagadougou. Le « Comité National de Jumelage » a été créé comme association sans but lucratif en
1968. Les jumelages étaient alors établis entre une collectivité territoriale française et une
circonscription administrative burkinabé (département en général) représentée par une autorité de
l’Etat (Préfet).
Il a fallu attendre 1993 pour que les premiers textes de loi sur la décentralisation définissent le
jumelage comme tel, définition reprise ensuite dans les TOD (textes d’orientation de la
décentralisation) de 1998, qui précisent que « C’est l’acte par lequel deux ou plusieurs collectivités
décident de coopérer entre elles ou entre elles et des collectivités locales étrangères, en vue de la
réalisation d’un idéal commun, notamment dans le domaine économique, culturel et social »3.
Ce texte confirme bien l’inscription du jumelage dans la relation institutionnelle entre deux
collectivités territoriales, et ouvre la voie à la signature des jumelages entre collectivités territoriales.
En 2000, un décret est pris en conseil des ministres pour fixer les modalités d’organisation et de
fonctionnement des comités de jumelage. Ce décret spécifie que « le Comité de Jumelage est une
association à but non lucratif chargée de promouvoir le jumelage-coopération en vue de la réalisation
d’un idéal commun (…) il est mis en place au niveau du village, de la commune, du département ou de
la province ».
Ce décret repositionne donc les jumelages comme des modalités de relations pouvant exister au niveau
tant des collectivités territoriales, que des circonscriptions administratives (département, province) ou
des espaces communautaires (villages).
Donc depuis 2006, avec la communalisation intégrale, chaque comité de jumelage burkinabé est
positionné sur un territoire communal (qu’il soit lui-même au niveau d’un village ou d’une commune
dans son ensemble), ce qui a amené le CNJ à recommander la mise en place de conventions
systématiques pour régir les relations entre comités de jumelage et communes.
Cette recommandation n’a pas encore été réellement suivie. Peu de conventions sont signées entre les
communes et les comités de jumelage. Cette situation occasionne des ambigüités sur la répartition des
rôles et responsabilités entre collectivité territoriale et comité de jumelage ce qui occasionne des
tensions voire des conflits.
3
article 112 de la loi N°041/98/AN
Au Burkina Faso la définition de la coopération décentralisée repose sur une succession de textes de
natures différents :
- La loi 041/98/AN : les textes d’orientation de la décentralisation (TOD),
- Le décret 2000 – 274, portant création de la CONACOD
- Le manuel de formation des acteurs de la coopération décentralisée. CONACOD (2003)
- La loi N° 055-2004/AN : code général des collectivités territoriales
Sur cette base, en 2000, était créée la CONACOD (Commission Nationale de la Coopération
Décentralisée), dont la composition reflétait ce texte, puisqu’au côté des représentants de l’Etat
siègent des représentants des associations des pouvoirs locaux, des représentants de collectivités
locales et des représentants de la société civile.
Le code général des collectivités territoriales de 2004 (qui abroge les TOD de 1998), qui institue la
communalisation intégrale, ne mentionne pas le terme de coopération décentralisée, mais spécifie
que : « Les collectivités territoriales burkinabé peuvent instituer entre elles et des collectivités
territoriales étrangères, des relations de coopération ». Dans le même temps, l’essentiel de l’activité
de la DCOD, qui assure le secrétariat de la CONACOD, concerne de fait les relations entre les
collectivités territoriales burkinabés et des collectivités territoriales d’autres pays, ceci d’autant plus
avec la communalisation intégrale.
Il existe donc bien entre définitions et pratiques, une tension entre une vision de la coopération
décentralisée entendue au sens de l’approche de l’union européenne des années 90, et une vision de la
coopération décentralisée au sens « français » et de plus en plus européen5, qui concerne
spécifiquement les relations conventionnelles entre collectivités territoriales.
Des bases légales des relations de coopération décentralisée qui restent à affiner :
« Les collectivités territoriales burkinabé peuvent instituer entre elles et des collectivités territoriales
étrangères, des relations de coopération. Cette coopération peut se faire au moyen de l’entente ou du
jumelage ».
4
Cette dénomination est issue de la mise en place par l’UE dans les années 90 d’une ligne de financement « coopération
décentralisée » qui visait à financer des actions de développement portées par un ensemble d’acteurs non étatiques (ONG,
collectivités territoriales, etc.) issus de pays de l’UE et d’un pays du Sud.
5
Louis Michel dans son discours du 17 juin 2009 auprès du Comité des Régions disait « les partenariats de jumelages
existant entre autorités locales européennes et leurs homologues des pays en développement, ce que l’on appelle la
coopération décentralisée (…) ».
Or, le code général des collectivités territoriales et ses décrets d’application ne précisent aucune base
légale pour les relations directes entre collectivités territoriales, la mise en place de ces relations
« directes » dépendant de l’interprétation que l’on fait de la phrase « Les collectivités territoriales
burkinabé peuvent instituer entre elles et des collectivités territoriales étrangères, des relations de
coopération. Cette coopération peut se faire au moyen de l’entente ou du jumelage.»
La question qui se pose est donc de savoir si les relations instituées entre collectivités territoriales
doivent se nouer exclusivement au moyen d’une entente ou d’un jumelage, ou bien s’il s’agit de deux
possibilités qui sont offertes sans exclusive par rapport à d’autres formes de relation.
Une proposition de décret portant sur l’organisation et le fonctionnement des comités de jumelage a
été élaborée pour approbation par le conseil des ministres.
Visant à résoudre la tension existant entre comités de jumelage et communes, cette proposition -qui
reste ambigüe- vise à transformer les comités de jumelage qui étaient des structures associatives
autonomes6 en une structure para-municipale « placée sous l’autorité de la commune », proche dans
l’esprit d’une commission extra municipale, perdant ainsi son caractère associatif.
32. En France :
Le jumelage :
6
Le CNJ est une association, mais de type exceptionnel puisque elle déroge aux dispositions de la loi 10/92 sur les
associations, la loi 041/98 spécifiant que « l’organisation et le fonctionnement des comités locaux de jumelage sont fixés par
décret pris en conseil des ministres sur proposition du ministre chargé de l’Administration du Territoire ».
7
In Un jumelage : pourquoi, comment ? AFCCRE, janvier 2008.
Depuis 1992, les jumelages ont obtenu un cadre juridique grâce à la promulgation de la loi ATR 92-
125 du 6 février 1992, qui spécifie dans son article 131 Titre IV « Les collectivités territoriales et
leurs groupements peuvent passer des conventions avec des collectivités territoriales et leurs
groupements à l’étranger dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements
internationaux de la France.»
La loi reconnait alors une compétence de relations internationales aux collectivités territoriales, qui
peut entre autre prendre la forme du jumelage ou d’autres formes.
La coopération décentralisée :
Parallèlement au développement des relations de jumelage – coopération, depuis les années 80, des
relations entre collectivités territoriales françaises et collectivités territoriales étrangères (représentées
par des autorités locales élues ou par des autorités administratives se sont développées en dehors de
tout cadre juridique, sur la base de conventions délibérées par les deux exécutifs (quand ils existent) et
de la signature d’un document conventionnel entre les deux collectivités (charte, convention,
protocoles…).
Comme pour les jumelages, c’est la loi ATR 92-125 du 6 février 1992 citée ci-dessus, qui a donné un
cadre juridique aux relations de coopération décentralisée.
Cette loi, très novatrice en son temps, encadrait les relations de coopération décentralisée en les
limitant aux champs de compétences de la collectivité française. La jurisprudence établie au cours de
l’application de cette loi introduisait de plus la notion d’intérêt local, la collectivité territoriale
française engagée dans une relation de coopération décentralisée devant être en mesure de démontrer
l’intérêt local (l’intérêt pour la collectivité française) de cette coopération et tout particulièrement des
engagements financiers pris8.
Cette loi a été complétée par la loi Oudin-Santini, Art.L1115-1-1 –Code général des collectivités
territoriales, loi de 2005 et 2006 qui spécifie que « Les communes, les établissements publics de
coopération intercommunale et les syndicats mixtes chargés des services publics de distribution d’eau
potable et d’assainissement ou du service public de distribution d’électricité et de gaz peuvent, dans
la limite de 1% des ressources qui sont affectées aux budgets de ces services, mener des actions de
coopération avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans le cadre des
conventions prévues à l’article L. 1115-1, des actions d’aide d’urgence au bénéfice de ces collectivités
et groupements, ainsi que des actions de solidarité internationale dans les domaines de l’eau, de
l’assainissement et de la distribution publique d’électricité et de gaz ». Cette compétence des
collectivités territoriales est étendue par l’article L 213-6 du code de l’environnement aux agences de
l’eau, qui sont des établissements publics de l’Etat.
La loi Oudin-Santini, ouvre donc d’une part la possibilité à des établissements publics qui n’avaient
pas de compétence internationale à mener des actions internationales et surtout elle permet d’affecter
jusqu’à 1 % de leur budget à des actions de coopération internationale dans les domaines de l’eau, de
l’assainissement, de l’électricité et du gaz.
8
Zareczky Weinberg Béatrice, Les instruments juridiques de la coopération décentralisée, CUF, 2008.
Enfin le cadre juridique actuel de la coopération décentralisée est fixé depuis 2007 par la loi
Thiollière, loi N° 2007-147 du 25 janvier 2007, relative à l'action extérieure des collectivités
territoriales et de leurs groupements, stipule « Art. L. 1115-1. - Les collectivités territoriales et
leurs groupements peuvent, dans le respect des engagements internationaux de la France, conclure des
conventions avec des autorités locales étrangères pour mener des actions de coopération ou d'aide au
développement. Ces conventions précisent l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel
des engagements financiers. Elles entrent en vigueur dès leur transmission au représentant de l'État
dans les conditions fixées aux articles L. 2131-1, L. 2131-2, L. 3131-1, L. 3131-2, L. 4141-1 et
L. 4141-2. Les articles L. 2131-6, L. 3132-1 et L. 4142-1 leur sont applicables. « En outre, si l'urgence
le justifie, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en œuvre ou financer des
actions à caractère humanitaire. »
Le cadre juridique français actuel fait bien de la coopération décentralisée une compétence -non
obligatoire- à part entière des collectivités territoriales et en clarifie bien le sens comme étant
l’ensemble des relations conventionnelles nouées par les collectivités territoriales françaises avec des
autorités locales étrangères, sans obligation légale ni d’intérêt local pour la collectivité française, ni
d’intervention dans les domaines de compétence de la collectivité française.
Cette définition est inscrite dans la loi : cette capacité reconnue officiellement aux collectivités locales
inscrit leur action en matière de coopération dans un cadre juridique, administratif et budgétaire précis.
A ce titre, les jumelages -qui n’ont pas de fondement juridique propre- sont une des formes de ces
relations de coopération décentralisée.
Enfin, parallèlement à ces relations de coopération décentralisée, tant la loi Oudin Santini que la loi
Thiollière autorisent les collectivités territoriales françaises à subventionner des organisations non
gouvernementales françaises pour des actions de solidarité internationale. Toutefois, il ne s’agit plus là
de coopération décentralisée stricto sensu.
De fait les définitions de la coopération décentralisée française et burkinabé ne coïncident pas, et les
textes eux-mêmes ont parfois tendance à associer les relations entre collectivités aux relations entre
collectivités et associations (loi Oudin Santini par exemple).
Toutefois, les textes burkinabé et français reconnaissent aux collectivités territoriales la capacité des
collectivités territoriales à nouer des relations internationales. Les mêmes textes renvoient de manière
plus ou moins formelle vers la nécessité d’un cadre conventionnel, la loi française en faisant une
obligation (sauf pour les actions humanitaires en cas d’urgence), alors que la loi burkinabé en fait une
Pour le jumelage, il n’existe de définition formelle que dans les textes burkinabé, la législation
française ne donnant pas d’assise juridique spécifique aux jumelages. De fait ceux-ci sont aujourd’hui
conçus dans les textes comme dans la pratique, comme une des formes de la coopération décentralisée
dans laquelle les collectivités territoriales qui ont noué une relation de coopération décentralisée
décident d’en déléguer l’animation à une association -le comité de jumelage- qui remplit de fait une
mission de service public au nom de la collectivité.
Les jumelages sont alors entendus comme une des modalités de mise en œuvre de ces relations de
coopération décentralisée où les deux collectivités territoriales décident de déléguer tout ou partie de
leur relation à un comité de jumelage en France et un au Burkina Faso.
9
Les relations entre des collectivités françaises et les circonscriptions administratives burkinabé qui n’ont pas été érigées en
collectivités territoriales que sont les provinces, sont amenées à disparaître progressivement. Le MATD ayant instruit les
Hauts Commissaires de faire diligence pour qu’elles soient reversées aux collectivités territoriales. Source : Communication
DCOD.
Les premiers jumelages franco-burkinabé sont couramment situés à la fin des années 60 avec
l’exemple emblématique du jumelage entre les villes de Ouagadougou et Loudun scellé en 1967 sous
l’égide du Docteur Joseph Conombo et de M. René Monory.
De fait, des liens d’échange, de solidarité et de coopération ont commencé bien avant, sous d’autres
formes (jumelages religieux comme par exemple le jumelage entre les diocèses de Koupela et de Lyon
qui a célébré son cinquantième anniversaire en 2006 !) qui allaient préfigurer la mise en place et le
développement des jumelages entre des collectivités territoriales françaises et des villes et villages
burkinabé. Ces relations vont se développer avec d’une part les élans de solidarité créés par la
médiatisation des grandes sécheresses de 1973 et de 1984 puis par les évolutions institutionnelles
(décentralisation de 1982 puis loi ATR de 1992 en France, premières étapes de la décentralisation au
Burkina Faso avec la réforme institutionnelle de 1991, les premières élections municipales dans 33
communes urbaines en 1995 puis dans 49 communes en 2000).
C’est ainsi que se tiennent à Ouagadougou en février 1990 les premières rencontres de la coopération
décentralisée. Il faudra attendre décembre 2002 pour la tenue des deuxièmes rencontres nationales sur
la coopération décentralisée franco-burkinabé, rencontres qui se tiennent dans un contexte de mise sur
agenda au Burkina Faso de l’extension du processus de décentralisation et dans une perspective de
recherche d’une articulation féconde entre coopération décentralisée, décentralisation et
développement local.
En 2002, alors qu’une centaine de partenariats étaient recensés11, la typologie des coopérations
décentralisées était la suivante :
- Des coopérations directes entre comités de jumelages ou associations, coopérations dans
lesquelles les collectivités locales sont absentes, ou présentes de manière formelle,
- Partenariats de coopération conduits par les collectivités locales appuyés sur les relais
associatifs, en particulier les comités de jumelage,
- Partenariats techniques entre collectivités locales.
10
D’après Sembene M., regards sur la coopération décentralisée franco-burkinabé – CUF CONACOD, 2002 et Actes de
rencontres nationales sur la coopération décentralisée franco-burkinabé, MATD-CONACOD-CUF, 2003.
11
Idem
12
Commission Nationale de la Coopération Décentralisée
Depuis 2002, les principales évolutions du contexte de la coopération décentralisée sont les suivantes :
Au Burkina Faso :
L’adoption en 2004 de la loi N°055-2004/AN portant code général des collectivités territoriales au
Burkina Faso puis la tenue des élections municipales de 2006 et des élections régionales ont
profondément changé le paysage institutionnel burkinabé :
o Communalisation intégrale du territoire national, avec :
la création de 302 communes rurales correspondant aux territoires des
départements
la mise en place dans chaque village d’un Conseil Villageois de
Développement placé sous l’autorité du conseil municipal
l’évolution des communes urbaines, dont le territoire s’étend pour épouser
celui du département dans lequel elles sont situées et donc qui intègrent maintenant un
espace rural et les villages qui le compose.
o Maintien des provinces (45 en tout) comme échelon de déconcentration, sans mise en
place de collectivité locale de même niveau.
o Mise en place des treize régions (à la fois collectivités territoriales et circonscription
administrative), la collectivité régionale ayant « vocation à être un espace économique
et un cadre d’aménagement, de planification et de coordination du développement »
o Transfert progressif des compétences aux collectivités, fortement accélérés par les
décrets de mars 2009.
Des réponses institutionnelles à partir de ces questions sont en cours avec le projet de décret portant
organisation et fonctionnement des comités de jumelage et l’instruction du MATD en date du
17/04/2009 qui instruit les Hauts Commissaires de faire diligence pour que les conventions de
coopération gérées par des circonscriptions administratives soient reversées aux collectivités
territoriales.
Progressivement la MCD est devenu un acteur au service de l’ensemble des acteurs de la coopération
décentralisée, visant à « accompagner concrètement des collectivités locales dans la mise en œuvre, le
suivi et l’évaluation des partenariats de coopération décentralisée de renforcer l’efficacité et la
cohérence de leurs interventions pour faciliter leur articulation avec le processus de
décentralisation »13.
Aujourd’hui la MCD, qui compte une centaine de collectivités territoriales burkinabé parmi ses
membres, devient le service spécialisé de l’AMBF en matière d’appui à la coopération décentralisée.
Cette relation est officialisée dans une convention signée entre la MCD et l’AMBF.
Cette évolution pose la question de la coordination et des synergies entre dispositifs d’appui au
Burkina Faso et entre la France et le Burkina Faso (relations CUF / MCD…).
Durant sensiblement la même période (2003-2007) la DCOD est passée par une période de léthargie
durant laquelle les outils qu’elle avait mis en place antérieurement (site internet, base de données…)
n’ont pas été actualisés, les actions qu’elle menait (missions de terrain, appui aux partenaires,
impulsion et valorisation des bonnes pratiques…) ont sensiblement diminués, au détriment de la
visibilité de l’action publique en matière d’appui et de contrôle des relations de coopération
décentralisée qui incombent à la DCOD.
En France :
L’appui à la coopération décentralisée du MAEE est passé d’une logique d’appui au « bon projet » à
une logique d’appel à projet.
Ces appels à projet sont basés sur :
o la fixation par le MAEE de critères stricts en matière d’éligibilité, en particulier sur le
plan du respect des textes régissant la coopération décentralisée (rejet des projets qui ne
s’inscrivent pas directement dans une relation de collectivité à collectivité validée par une
convention), mais aussi en matière de contenu (rejet des actions humanitaires…).
o la définition de priorités thématiques ou institutionnelles orientant la sélection des
projets, comme l’intégration d’actions d’appui institutionnel, la présentation de projets
associant plusieurs collectivités…
13
Source : site internet de la MCD.
Cette évolution de la politique d’appui d’une part impulse des évolutions dans le contenu même des
projets et d’autre part tend à favoriser les coopérations décentralisées pouvant compter sur des
personnels spécialisés dans le domaine et ayant une bonne pratique administrative.
Pendant plusieurs années, au Burkina Faso comme dans d’autres pays (Niger par exemple) l’AFVP
avait la possibilité de se positionner comme opérateur de projet et à ce titre était devenu l’opérateur
privilégié de nombreuses coopérations décentralisées cofinancées par le MAE. La majorité de ces
projets s’inscrivait dans un cadre préfigurant la décentralisation, sous l’appellation de Programme
d’Appui au Développement Local (PADL).
Le changement de missions de l’AFVP, avec la remise en cause de son rôle d’opérateur l’a amené à se
retirer de son rôle d’opérateur de relations de coopération décentralisée et a amené les collectivités
territoriales soit à identifier des opérateurs burkinabé soit à modifier leur modalités d’intervention.
Enfin, sur la période, il est possible de noter un renforcement de l’action extérieure des collectivités
françaises, qui peut s’expliquer à la fois par une conviction de plus en plus partagée de l’importance
stratégique et politique pour les collectivités françaises de développer des relations internationales
ainsi que par les nombreuses alternances à l’issue des élections locales régionales, départementales et
communales, alternances qui ont renouvelé les exécutifs des collectivités et favorisé l’intérêt pour les
questions internationales.
14
Nous utilisons ce terme générique de « partenariat » pour différencier l’ensemble des relations recensées de celles qui
correspondent à des relations de coopération décentralisée.
Dans le traitement des données, un certain nombre de « partenariats » n’ont donc pas été retenus, car
ne correspondant pas aux critères de définition d’une coopération décentralisée :
Quelques exemples de partenariats non retenus et des motifs de non prise en compte dans le cadre de
l’étude.
A partir des informations qu’il a été possible de recueillir et en ne retenant pas les types de
« partenariats » décrits ci-dessus il est possible de recenser 114 partenariats de coopération
décentralisée, qui remplissent les conditions suivantes :
- Implication - plus ou moins importante - de la collectivité locale française actée à travers la
signature d’une convention (charte, jumelage, protocole d’accord….)
Ces 114 partenariats représentent donc les 114 relations de coopération décentralisée entre des
collectivités territoriales burkinabé et françaises que les informations disponibles permettent de
recenser. Ces 114 coopérations décentralisées sont extrêmement différenciés sur tous les plans :
- Nature de la collectivité territoriale française :
Région, Département, Intercommunalité, Commune,
- Nature du partenaire burkinabé :
Collectivité territoriale : Régionale, Commune
Association de collectivités locales : Réseau ou association de Communes
Circonscription administrative : Province
- Localisation des collectivités :
La coopération décentralisée franco-burkinabé implique des collectivités des 13 régions du
Burkina Faso et des 22 régions métropolitaines françaises.
- Taille des partenaires :
Nombre d’habitants, superficie…
- Durée de la relation :
Depuis 42 ans (Ouagadougou-Loudun) à quelques mois (Léba-Nueil les Aubiers)
- Budget mis en œuvre
Certaines coopérations mobilisent un budget annuel supérieur au million d’euros15 et d’autres
quelques milliers d’euros.
- Origine des financements :
Certaines coopérations agissent uniquement sur leurs fonds propres, d’autres sont appuyées
par des financements publics de l’Etat français, d’autres combinent des financements publics
ou privés, d’autres enfin cherchent à déclencher des financements institutionnels.
- Domaines de la coopération :
Santé, eau, éducation, développement local, parrainage d’enfants, développement
économique, appui institutionnel, appui à la société civile, échanges culturels, tourisme
solidaire…
- Nombre de domaines concernés par la coopération :
Certaines coopérations décentralisées se centrent sur un seul domaine, d’autres couvrent des
champs très larges.
- Nature de la relation :
Jumelage, coopération décentralisée .
- Pluralité de la relation :
o relation entre deux collectivités,
o relations complexes :
relations tripartites
Par exemple entre collectivités territoriales française, allemande et burkinabé,
relations multiples :
Par exemple entre, en France, un Département et des Collectivités
Territoriales de ce département et au Burkina Faso, une Région, une Province
de cette région et les Communes Burkinabé de cette province.
- Implication plus ou moins importantes des différentes catégories d’acteurs des territoires :
élus, techniciens, établissement publics, associations…
- Mise en place ou non d’un service spécialisé au sein des services de la collectivité territoriale,
- Recours ou non à des opérateurs techniques français et burkinabé, et sur des fonctions de
natures différentes (maîtrise d’ouvrage déléguée, maîtrise d’œuvre, appui-conseil…)
- Inscription dans la seule loi Thiollière ou dans la loi Oudin Santini ou les deux…
15
Nous parlons ici du budget total, sans que celui-ci transite obligatoirement totalement par l’intermédiaire de la collectivité
burkinabé.
Face à cette diversité et cette complexité des relations de coopération décentralisée entre collectivités
territoriales burkinabé et françaises, diversité et complexité qui en font tout l’intérêt, quelques grands
constats peuvent être réalisés à partir de l’analyse des données existantes :
La majeure partie des relations sont des relations de niveau communal, tant au
Burkina Faso qu’en France :
Elaboration : CIEDEL
Tant côté français que côté burkinabé, les collectivités territoriales impliquées dans des relations de
coopération décentralisée sont à plus de 80 % les communes, et pratiquement à 90 % si on regroupe
communes et villages au Burkina et communes et intercommunalités en France. Ceci s’explique en
partie par le fait que tant au Burkina qu’en France, les communes sont les collectivités territoriales les
plus nombreuses, et de loin.
Dans le même temps, force est de constater que les Régions sont très peu impliquées, et les conseils
généraux et les provinces non plus.
Cette situation est significative de relations de coopération décentralisée « de proximité » basées sur
des engagements citoyens (les comités de jumelages), sur des motivations de solidarité qui sont des
engagements qui se jouent avant tout au niveau local.
Si en France, les relations de coopération décentralisée avec le Burkina Faso sont relativement bien
réparties sur le territoire national (cf carte ci-après), au Burkina Faso les partenariats sont concentrés
d’une part autour de la capitale (dans ce que nous pouvons appeler le « Grand Centre16 » et d’autre
16
Grand Centre = régions du Centre, Centre Ouest, Centre Sud, Centre Nord, Plateau central, Centre Est ; Grand Nord =
régions du Sahel et du Nord ; Grand Est = région de l’Est, Grand Ouest = régions des Hauts Bassins, de la Boucle du
Mouhoun, des Cascades ; Grand Sud = Sud Ouest.
La comparaison entre la proportion de partenariat par grande région et le poids démographique de ces
grandes régions, montre bien que le « grand centre » (dont le poids démographique est pourtant
renforcé par la capitale) concentre les coopérations décentralisées (près des deux tiers) bien au-delà de
ce que peut expliquer son poids démographique (moins de 50 % de la population nationale).
Elaboration CIEDEL
Ceci s’explique pour tout un faisceau de raisons, dont la première est celle de l’accessibilité. On peut
toutefois faire l’hypothèse que les facteurs liés à l’éducation de base (possibilité pour les collectivités
et comités de jumelage français d’avoir assez d’interlocuteurs parlant français dans les villages), aux
réseaux nationaux et internationaux (localités ayant des ressortissants dans la capitale et/ou en contact
avec l’étranger et pouvant nouer des relations) et enfin le fait religieux (plus grande proximité avec les
zones ou la religion catholique est présente), sont aussi des facteurs importants.
De fait, si l’on prend sur une année, seul un cinquième des relations de coopération décentralisée
bénéficie d’un financement de l’Etat français.
Près de 80 % des relations de coopération décentralisée sont des relations qui à ce jour existent depuis
plus de six ans.
Ceci est significatif de la longévité des relations de coopérations décentralisées franco-burkinabé,
caractéristique forte de la coopération décentralisée par rapport à d’autres formes de coopération.
Une répartition sectorielle des actions fortement marquée vers les secteurs
sociaux :
La répartition sectorielle des actions mises en œuvre par les coopérations décentralisées est concentrée
autour des services sociaux de base : éducation, eau potable et l’assainissement, santé qui représentent
plus de 50 % des actions mises en œuvre dans le cadre des relations de coopération décentralisée
Les actions dans les secteurs promus plus récemment par les pouvoirs publics français comme
burkinabé, tels que le développement économique et l’appui institutionnel sont encore les parents
pauvres, représentant à peine 10 % des actions chacun.
Bien que cette information ne puisse pas être recueillie avec précision pour les 114 relations de
coopération décentralisée, il ressort de la base de données établie que plus d’un tiers des coopérations
décentralisées ont recours à un opérateur autre qu’un comité de jumelage dans la mise en œuvre de la
relation et/ou des actions.
Non
64%
Plus de 110 relations de coopération décentralisées, tous les types de collectivités territoriales existants
engagés, des montages institutionnels très diversifiés, des financements très différents… La
coopération décentralisée franco-burkinabé est bien un point fort des relations entre citoyens et de la
coopération franco-burkinabé et sa diversité en montre sa vitalité.
Par contre, sa concentration géographique dans les régions les plus « accessibles », la concentration
des actions17 autour des domaines sociaux, montre que celle-ci reste une coopération décentralisée
centrée sur la réalisation des actions et a du mal à évoluer quant à ses fondements pour devenir une
coopération décentralisée d’appui à la décentralisation et à la gouvernance locale.
Le bilan18 dressé lors des assises de la coopération décentralisée de décembre 2007 par M. le Ministre
de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, part du constat que « les partenariats de
coopération décentralisée entre collectivités françaises et burkinabé se caractérisent par des pratiques
diversifiées et multiformes qui montrent la richesse et la vigueur de la coopération décentralisée ». Il
dresse ensuite le tableau suivant :
17
Les mêmes constats avaient été faits en 2006 par Taoufik Lalou, AT auprès de l’AMBF qui a réalisé un important travail
de cartographie de la coopération décentralisée.
18
Assises de la coopération décentralisée franco-burkinabé 6 et 7 décembre 2007, documents finaux.
Ce bilan recoupe largement celui fait par l’Ambassade de France à l’occasion de la conférence de
presse « aides françaises au Burkina Faso, bilan 2007 et perspectives 2008 qui soulignait : La
coopération décentralisée « est pour le Burkina Faso une démarche de coopération reconnue, qui a
largement fait ses preuves en matière d’appui au développement et de renforcement des communautés
de base (…) » ; mais son « bilan (est) mitigé (car il s’agit d’) une démarche qui tend à se
professionnaliser mais qui reste fragile : manque de suivi, action isolée, absence de vision à moyen
terme, faiblesse organisationnelle, réticence au changement, méconnaissance du contexte »19.
L’évaluation de terrain a cherché à approfondir les constats faits par les autorités françaises et
burkinabé, à les compléter, à les expliquer et à en tirer des recommandations pour tirer le meilleur
parti possible de l’engagement des citoyens français et burkinabé dans ces relations depuis maintenant
plus de 40 ans.
19
Ambassade de France au Burkina Faso, Conférence de presse aides françaises au Burkina Faso : bilan 2007 – perspectives
2008. Résidence de France, mai 2008 ; http://www.ambafrance-bf.org/rubrique.php3?id_rubrique=50.
L’évaluation a été réalisée à partir d’un échantillon représentatif de la diversité des situations des
coopérations décentralisées. Quand cela est nécessaire, les constats, analyses et jugements seront
autant que faire se peut replacés par rapport à cette diversité et aux éléments clefs de catégorisation qui
en découlent (communes urbaines ou communes rurales, implication ou non des comités de jumelage,
niveau de collectivité impliqué…). Par contre pour une partie importante de ce bilan, qui est
transversale aux différentes coopérations, nous le généraliserons à l’ensemble des coopérations
décentralisées franco-burkinabé.
- Au niveau des relations entre les collectivités territoriales ayant noué des coopérations
décentralisées :
L’évaluation de la qualité de ces partenariats,
- Au niveau de l’articulation des coopérations décentralisées entre elles, avec les projets et
programmes et avec les politiques publiques :
L’évaluation de la cohérence de la coopération décentralisée avec les autres interventions.
Il permet de déboucher sur une proposition de typologie analytique des relations de coopération
décentralisée et des recommandations en direction des collectivités territoriales.
Dans un premier temps, l’évaluation s’est concentrée sur les actions mises en œuvre au Burkina Faso
dans le cadre des relations de coopérations décentralisées. L’évaluation a cherché à identifier les
principaux résultats obtenus et à partir de là les changements qu’elle avait produit.
Ce bilan est centré sur les résultats et effets obtenus par la coopération décentralisée au niveau des
échanges, des services sociaux de base, du développement économique, du développement local et de
l’appui au processus de décentralisation.
Historiquement, la coopération décentralisée est d’abord une pratique de solidarité basée sur des
relations humaines entre élus, fonctionnaires, responsables associatifs et citoyens de tous âges.
Le premier résultat de la coopération décentralisée franco-burkinabé est là : des rencontres, des
échanges, des relations interpersonnelles qui se nouent et perdurent dans le temps.
Tel jumelage -toujours actif- né au début des années 1970 a pour origine le mariage d’un militaire
burkinabé avec une ressortissante d’une ville française. Telle coopération d’un département français et
d’une vingtaine des collectivités territoriales de son territoire d’après les estimations de son directeur
des relations internationales mobilise environ 200 000 personnes sur son territoire dont nombreuses
20 Le champ de l’évaluation était limité à l’évaluation de la coopération décentralisée franco-burkinabé, dans ses résultats et
ses effets au Burkina Faso. Les résultats et les effets en France n’ont pas été pris en compte dans le présent travail.
Le rapport d’activité d’un comité de jumelage d’une ville française d’une trentaine de millier
d’habitant avec une commune rurale burkinabé décrit par le détail des exemples de relations de ce
type :
« En juillet 2007 : chantier au Burkina Faso animé par deux membres de l’association. 12 participants
français ; construction d’un logement d’instituteur + plantation d’arbres,
En Août 2007 : chantier au Burkina Faso animé par deux membres de l’association. 13 participants
français ; construction d’un logement d’instituteur + plantations d’arbres.
(…)
Comme à l’accoutumée, les responsables de chaque session ont proposé une découverte du milieu
traditionnel avec visite protocolaire au chef et visites d’artisans, ateliers d’artiste, etc…
La présence d’une enseignante en musique, participants aux chantiers de juillet a permis de procéder à
des enregistrements de chants et musiques traditionnels qui seront poursuivis en juillet 2008. Les
prémisses d’un projet d’appui à une troupe de théâtre local sous le vocable « Jeunesse, Action
Développement » ont été posées à cette occasion.
(…)
Les vêtements et équipements divers laissés par les participants des deux sessions ont été donnés à une
association caritative locale.
(…)
Créée par des ressortissants de la commune burkinabé à Ouagadougou, une école privée bénéficie
d’un appui de notre association en contrepartie de prestations gratuites (hébergement des groupes à
l’arrivée, gardiennage du matériel). En outre, elle offre l’opportunité d’une rencontre toujours très
riche avec ses fondateurs, très engagés dans la promotion de l’éducation et des Droits de l’Homme
dans leur pays.
Chaque participant aux chantiers a transporté, sur son contingent de bagages et donc sans frais pour
l’association, 5 kg de livres (encyclopédies, dictionnaires, romans…) destinés à la bibliothèque de
l’école.
(…)
L’école a encore bénéficié d’un envoi de matériel de laboratoire offert par le collège et le lycée »21
Ces relations et cette multitude de liens, qui se mettent en place initialement entre associations ou
comités de jumelage, se développent ensuite entre opérateurs impliqués dans les relations de
coopération (écoles, hôpitaux, organisations paysannes…), entre personnes (visites amicales, séjours
touristiques…) et peuvent perdurer indépendamment de la relation de coopération décentralisée. Cette
dimension de la coopération décentralisée, est essentielle pour en saisir à la fois la profondeur et
l’enracinement en France comme au Burkina Faso.
Comme souligné dans d’autres évaluations de la coopération décentralisée, « les relations de
coopération décentralisée ont ainsi des effets positifs sur les personnes et organisations qui y sont
impliquées en termes :
- D’ouverture sur le monde, d’ouverture culturelle. Celles et ceux qui participent aux actions
sont confrontés à des modes d’organisation et de vie d’une société qui souvent constituent un
véritable apprentissage dans les relations interculturelles,
- De confiance et de respect mutuel. La découverte de savoirs détenus par d’autres modifie les
regards et incite au respect »22.
21
Les amis de Poa, Rapport Moral 2007-2008.
22
Husson et al.(CIEDEL, CERRS), Evaluation de la coopération décentralisée maroco-française, janvier 2009, France
Coopération, PAD Maroc, DGCL.
Des réalisations qui améliorent les conditions de vie des habitants, mais qui sont
confrontées à des problèmes de pérennité :
Par exemple, l’évaluation en 2005 de 25 ans de coopération d’un département français et de ses
partenaires (comité de jumelage, associations collectivités territoriales) a permis d’établir le tableau
de synthèse suivant des réalisations dans les domaines de l’eau, l’éducation et la santé (les ¾ du total
des investissements réalisés) dans la province burkinabé jumelle :
I. Hydraulique
Eau potable
- Réalisation et réhabilitation de forages 78
- Construction de puits grand diamètre 11
- Constructions de puits 37
Aménagements hydrauliques
- Construction et réfection de retenues 47
- Aménagement de mars (« boulis ») 46
- Construction et réparation de digues 216
- Construction de diguettes 235
II. Education
Aménagement scolaire
- Construction de classes 111
- Rénovation de classes 35
- Construction de bâtiments scolaires annexes 11
- Construction de logements pour les enseignants 48
- Construction de blocs latrines 82
Renforcement des capacités
- Centre d’alphabétisation 30
- Parrainages scolaires 297
23
Plusieurs rapports du CIEDEL apportent des éléments sur l’impact en France de la coopération décentralisée et des
échanges internationaux à Romans sur Isère, Chambéry et Saint Symphorien sur Coise. Par contre il n’existe pas à notre
connaissance de rapports sur l’impact de ces échanges sur les personnes qui y participent au Sud.
24
Compte-rendu d’entretien
Le même rapport souligne que « les infrastructures réalisées souffrent, dans leur ensemble, d’un très
grand déficit d’entretien de la part de la population ».
Dans une commune rurale en coopération avec une ville française depuis 1985, il apparaît que les
plaques solaires qui avaient été installées pour électrifier les centres d’alphabétisation se retrouvent
maintenant chez des particuliers qui les ont utilisées pour mettre en place un service payant de
recharge de batterie. De même sur les trois forages réalisés dans le chef lieu, seul un fonctionne à ce
jour.
Le président d’un comité de jumelage nous confiait avoir réalisé un déplacement l’hivernage dernier
(période de pluie et de vacances scolaires) dans un village où venait d’être construite une école. Lors
de sa mission il a constaté que l’école servait d’abri aux chèvres et aux moutons26.
Une autre coopération décentralisée, initiée depuis le début des années 70, nous informait que dans les
investissements qu’ils programment chaque année, les réhabilitations d’infrastructures financées les
années antérieures étaient de plus en plus nombreuses27.
C’est ainsi que dans son dernier programme triennal, une coopération à côté de la réalisation de 10
nouveaux forages en a réhabilité 2028.
Par exemple, dans le domaine de l’hydraulique l’inventaire national des ouvrages hydrauliques de
2005, souligne que malgré la fait que beaucoup de projets d’équipements aient été mis en œuvre
récemment et qu’il y ait de nombreux projets de réhabilitation, le taux national de pompes
fonctionnelles n’est que de 77 %, ce pourcentage descendant jusqu’à 54 % dans certaines régions du
25
Collombon J-M et Sanon S., Evaluation rétrospective de coopération décentralisées menées par le département de la Seine
Maritime dans la province du Bam au Burkina Faso, rapport final, décembre 2005. GRET
26
Compte-rendu d’entretien
27
Compte-rendu d’entretien
28
Compte-rendu d’entretien.
La coopération décentralisée est mise en œuvre par des institutions (collectivités territoriales) et des
personnes (élus, fonctionnaires territoriaux) qui ont l’expérience de la gestion du service public et des
problématiques liées à sa continuité. Pourtant, en termes de pérennité elle n’a pas de meilleurs
résultats que l’Etat burkinabé, les projets et les ONG.
Au-delà, des explications classiques sur le défaut d’appropriation de ces réalisations, plusieurs autres
raisons peuvent expliquer cela, qui sont clairement identifiées dans la note d’information interne
réalisée par une coopération décentralisée à partir du rapport d’évaluation externe commandité
souligne :
« Il y a eu beaucoup de réalisations :
- Des écoles
- Des puits, des postes de santé primaire,
- Des latrines, mais pas toujours utilisées (…)
Mais nous avons trop souvent :
- Manqué d’exigence quant à la qualité : ex la dalle de l’école et plus récemment le logement
des maîtres qu’il a fallu reprendre
- Manqué d’exigence quant à l’entretien
- Négligé d’analyser les résultats de l’action avant de la reproduire par simple copiage
Les raisons du manque de pérennité de nombre des réalisations, peuvent donc s’expliquer par :
Les dispositifs institutionnels de la coopération décentralisée ont, pendant longtemps, peu contribué à
mettre en place des modalités efficaces de suivi, contrôle et réception des travaux.
Soit ces fonctions étaient assumées par les représentants de la coopération décentralisée lors de leurs
missions et donc étaient souvent mal assumées, les calendriers de mission ne permettant pas de faire
un suivi rapproché ; soit ces fonctions étaient déléguées à un comité de jumelage ou à la collectivité
mais sans qu’elle ait ni les moyens (personnel compétent, équipement, moyen de déplacement) ni
l’objectivité suffisante (indépendance par rapport à l’entreprise ou aux tacherons) pour le faire.
Les coopérations décentralisées, dans leur grande majorité appliquent les orientations nationales en
termes de mise en place des structures de gestion des équipements et services31. Les limites de ces
orientations sont pourtant largement connues au niveau national comme international, mais les
coopérations décentralisées ont peu contribué à tester des modalités de gestion innovantes.
C’est ce que confirme un rapport d’évaluation qui explique « à une notable exception près, peu
d’équipes techniques, par exemple ont été formées et équipées pour assurer l’entretien des bâtiments et
des ouvrages. La conséquence est que certains comités (de jumelage) doivent chaque année consacrer
près de 10 000 € à de l’entretien »32.
29
Ministère de l’agriculture, de l’hydraulique et des ressources halieutiques, inventaire national 2005 des ouvrages
hydrauliques. Mai 2006
30
Deuxième rapport sur l'état de l'environnement au Burkina Faso, SP/CONEDD, 2007, rapport provisoire.
31
Avec par exemple l’appui à la mise en place d’associations de parents d’élèves pour les écoles, de comités de gestion pour
les points d’eau ou les centres de santé, etc.
32
Collombon JM et Sanon S., op cit.
Peu de coopérations décentralisées se sont attachées à analyser les facteurs explicatifs de ces situations
et ces situations où des groupes d’usagers, des villages, des communes ont assumé leurs
responsabilités ont rarement débouché sur des mécanismes incitatifs favorisant la réalisation d’actions
là où cela fonctionne le mieux.
Une priorité donnée sur l’investissement par rapport au fonctionnement des services
La coopération décentralisée, comme cela a déjà été identifié dans d’autres pays a ainsi plus tendance
à s’occuper de la réalisation d’infrastructures de service qu’à la mise en place de modalités de gestion
de ces services, à prendre en charge des équipements qu’à travailler sur l’élaboration de systèmes de
gestion pérennisant la fourniture du service.
Ce constat est paradoxal quand on sait que l’une des fonctions premières des collectivités territoriales
françaises est bien d’assurer la continuité des services publics locaux.
Il s’explique peut-être par l’implication somme toute limitée des élus et même des techniciens dans la
majeure partie des coopérations décentralisées.
Alors qu’en 2008 plus de 50 % des actions menées dans le cadre de la coopération décentralisée
relèvent des services sociaux de base (éducation, santé, hydraulique), seules 10 % concernent le
champ du développement économique. 33
Ces estimations nationales sont confirmées par les évaluations des relations de coopération
décentralisée : Le rapport d’évaluation des 25 ans de coopération entre un département français et une
province burkinabé précise « les investissements dans le secteur de l’économie ne représentent que
10, 9 % du total des investissements ».
33
Cf le point 3 « état des lieux de la coopération décentralisée franco-burkinabé en 2008 » du présent rapport. Ces
chiffres, qui restent des ordres de grandeur du fait du caractère déclaratif des informations et des différentes classifications
possibles de certaines actions, sont cohérents avec ceux diffusés par l’Ambassade de France au Burkina Faso, qui
comptabilisait en 2007 53 % des actions de coopération décentralisée dans les domaines des services sociaux de base et 6 %
dans le domaine des activités économiques.
En conséquence, on a pour ces activités les mêmes problèmes de pérennité que pour les actions à
caractère social. L’évaluation externe du partenariat d’une coopération décentralisée entre une ville
française et une commune urbaine burkinabé, qui a entre autre contribué à équiper des groupements
féminins en moulins, souligne : « L’installation des moulins visait les femmes constituées en groupe
afin de leur permettre de s’intégrer dans la société. Gérée par 4 à 6 femmes et appuyées par un
homme, notamment pour la maintenance ou la tenue du cahier de comptes, les moulins s’ils ont
permis d’atteindre les objectifs sociaux, n’ont cependant pas été rentables sur le plan économique ».
Sur les quatre moulins installés, lors de l’évaluation « un seul était fonctionnel ».35.
Depuis quelques années, les résultats souvent insatisfaisants de ces actions d’appui au développement
économique, les questionnements récurrents sur le rôle économique des collectivités territoriales et
sur la pertinence de leur implication dans l’octroi et la gestion de fonds de crédits ont amené à la
réalisation d’actions en matière de développement économique visant la mise en place de dispositifs
d’appui aux acteurs économiques.
La coopération décentralisée entre une commune française et une commune urbaine proche de
Ouagadougou travaille sur la mise en place d’un outil financier d’appui au développement des
principales filières agricoles de la commune.
Après une étude externe ayant permis d’identifier les principales filières de la commune, un protocole
entre la caisse locale d’une institution financière décentralisée, la commune burkinabé et l’opérateur
de la coopération décentralisée a été signé. Il prévoit la mise en place d’un fonds de microcrédit pour
34
La coopération décentralisée entre un département français et une commune rurale du Burkina Faso de plus de
20000 habitants intègre un volet d’appui aux femmes défavorisées avec entre autre la mise en place de prêts pour l’embouche
ovine. En 2006, 9 personnes dont 7 femmes ont bénéficié de ces prêts et ont engraissé 18 moutons. En 2007, une seule
femme a bénéficié de ces prêts.
35
ACDIL, Evaluation des actions de coopération décentralisée. Partenariat Mauléon –Kongoussi. Mai 2006.
Une coopération décentralisée entre une petite commune française de 5000 habitants et une commune
urbaine burkinabé de plus de 100 000 habitants, réputée pour la densité de ses échanges commerciaux
avec le Togo voisin, s’inspire du modèle des plates-formes locales de financement et
d’accompagnement à la création d’entreprise pour mettre en place un dispositif local multi-acteurs
(réseau bancaire, chambres consulaires, maison des artisans, commune) d’appui à la création
d’entreprises.
Ce dispositif pourrait avoir des fonctions de :
- accueil des créateurs d’entreprises,
- expertise, montage et suivi de leurs dossiers,
- appui à la recherche de financement,
- octroi de prêt d’honneur complémentaire au financement des banques ou des systèmes
financiers décentralisés,
- suivi et accompagnement du créateur
Une collectivité territoriale française a mis en place depuis plus de 20 ans un dispositif international
qui a pour mission d’aider les entreprises de son territoire à mieux exporter et à promouvoir les
compétences et savoir faire de son territoire au niveau international. Ce dispositif associatif est
présent dans plus d’une quinzaine de bureaux à l’international.
Après avoir impulsé la mise en place d’un bureau sur le territoire de la collectivité partenaire, il est
envisagé dans le cadre de la coopération décentralisée d’appuyer la mise en place d’un dispositif
burkinabé du même type au service des entreprises du territoire de la collectivité burkinabé.
Ces actions innovantes concernent essentiellement des coopérations avec des communes urbaines ou
des coopérations de niveau supra-communal. Elles sont novatrices dans le sens où elles ne font plus de
la collectivité territoriale un acteur dont la fonction est d’intervenir directement dans le champ
économique mais un acteur dont la fonction est de contribuer à réunir les conditions pour favoriser
l’activité des acteurs économiques.
A ce jour, les effets en matière de développement économique restent donc réduits, et les perspectives
en cours demandent à être suivies pour en mesurer les effets, tant directement en termes de
développement de l’activité et de la richesse sur le territoire qu’indirectement en termes
d’amélioration de la fiscalité locale et donc des ressources des collectivités locales.
Depuis les années 90, de nombreuses coopérations décentralisées dans des communes rurales et dans
quelques communes urbaines ont utilisé les outils et démarches du développement local : mise en
place de comité villageois ou de quartier, diagnostics participatifs, identification de projets par les
habitants, formation et mise en place de rédacteurs de projets pour formaliser les idées de projets des
habitants, mise en place de fonds de développement local, création de comités d’octroi pour gérer ces
fonds.…
C’est ainsi que l’évaluation d’une relation de coopération décentralisée entre une ville française et un
département (devenu commune rurale depuis) burkinabé, dans le cadre d’un programme de
développement local qui a duré de 1995 à 2003 concluait « Le renforcement des compétences et des
niveaux de formation n’a pas évolué de façon suffisante pour faire émerger une ressource humaine
capable de s’investir dans des dynamiques pré-communales. Les structures de gestion du fonds local
de développement assurent les procédures mais ne sont pas encore en mesure d’impulser, animer et
gérer un processus de développement local. Les divers comités de gestion existent, mais apparaissent
davantage comme des passages obligés vers les financements que comme de véritables dispositifs de
gestion permettant la pérennité des équipements.
Les superstructures d’accompagnement, (les associations locales), sont plus affaiblies que renforcées
par l’expérience du programme de développement local 1995/2003. Les conflits entre villages et entre
quartiers n’ont pas été résorbés et sont même exacerbés par les nouveaux enjeux liés à l’accès aux
financements du FDL »36.
Avec la décentralisation, les coopérations décentralisées ont eu des difficultés à valoriser ces acquis et
à faire qu’ils soient appropriés par les nouvelles collectivités territoriales.
Dans une commune urbaine de plein exercice depuis 1995, la coopération décentralisée a commencé à
travailler sur un programme de développement de quartiers depuis 1991. A l’arrivée du premier maire
élu en 1995, ce maire étant très sensible aux démarches d’autopromotion et de développement à la
base, les deux villes décident d’étendre la démarche à de nouveaux quartiers. L’arrivée d’une nouvelle
équipe municipale en 2001, amène à une municipalisation de la démarche. Une évaluation réalisée en
2006 conclut que « du point de vue de l’organisation des acteurs et du développement de leurs
capacités, ses effets sont peu probants. Le changement d’orientation impulsé par la nouvelle équipe
dirigeante s’est soldé par une léthargie quasi-générale dans les secteurs. (…) En conséquence, la
formation des responsables des CDS prévue en 2001 n’a été convoquée qu’en 2003. Mieux, certains
interlocuteurs ne parlent pas en terme de formation de responsables mais de la tenue d’une session
d’informations livrées par les autorités municipales sur les décisions prises pour la conduite des
activités dans les secteurs ».
La difficile transition entre les instances des programmes d’appui au développement local et les
instances prévues par la décentralisation :
Dans une autre commune urbaine, érigée en commune seulement depuis 2000, la coopération
décentralisée travaille dans le cadre d’un programme de développement local depuis 2001. Cette
coopération avait permis la mise en place de comités villageois de gestion de terroir, de rédacteurs de
36
Graugnard G., Ramde A., évaluation externe rétrospective et prospectives des actions de coopération décentralisée entre la
ville de Besançon et le département de Douroula (Burkina Faso), CIEDEL novembre 2003.
Dans une commune rurale, la coopération décentralisée avait prévu d’appuyer l’élaboration du Plan
Communal de Développement (PCD) de la commune, suivant un processus participatif ce qui donc
demandait un peu de temps.
Comme l’opportunité s’est présenté à la commune du financement de l’élaboration du PCD par un
projet prenant en charge le recours à une expertise externe, la commune a fait le choix de faire élaborer
le plan dans le cadre de ce projet et n’y a pas du tout associé la coopération décentralisée et les autres
acteurs liés à celle-ci.
Les acteurs d’appui à la coopération décentralisée ont préparé cette évolution tant en France qu’au
Burkina Faso. Le Directeur de la DCOD est venu rencontrer à plusieurs reprises les collectivités
territoriales françaises, les informer des évolutions institutionnelles du Burkina Faso et les sensibiliser
aux évolutions des pratiques de la coopération décentralisée qu’allaient entraîner ces évolutions
institutionnelles. Dans le même temps, CUF faisait un travail de fond pour faire évoluer les pratiques
du jumelage à la coopération décentralisée. En 2000, CUF écrivait « l’émergence des communes de
plein exercice, avec à leur tête des élus locaux qui doivent faire face à des compétences accrues,
impose à l’ensemble des partenaires du développement au Burkina Faso d’ajuster leur coopération
pour tenir compte de cette nouvelle situation institutionnelle. L’enjeu est alors de consolider ce
nouveau pouvoir local élu au suffrage universel pour qu’il soit en capacité de définir et mettre en
œuvre une politique de développement communal. En tant que partenaires ayant pour objectif
d’accompagner nos partenaires dans un esprit de compagnonnage, il semble plus que nécessaire
d’inscrire nos actions dans cette logique. Sinon, le risque est grand de fragiliser la légitimité de ces
De fait aujourd’hui toutes les collectivités territoriales françaises qui entretenaient des relations de
coopération avec le Burkina Faso s’inscrivent dans des relations de coopération décentralisée de
collectivité territoriale à collectivité territoriale. Formellement, il ne semble pas ou plus y avoir de
collectivités françaises et de comités de jumelage français qui ne prennent pas en compte -au moins
formellement- la collectivité territoriale burkinabé dans la relation.
On constate par exemple qu’il y a une volonté de la part des collectivités françaises qui étaient en
relation avec des villages ou des groupes de villages d’étendre leur zone de coopération pour être en
relation avec une entité communale. De même pour les collectivités françaises en relation avec des
provinces il y a la volonté d’une part d’inciter à la mise en place de dispositifs institutionnels
préfigurant les intercommunalités et d’autre part d’impliquer les conseils régionaux.
Dans les nouvelles collectivités territoriales (communes rurales et régions) une tendance de la
coopération décentralisée à contourner les collectivités territoriales burkinabé.
Pour les coopérations décentralisées avec des communes rurales et les régions, la décentralisation a
induit des changements majeurs, avec l’arrivée de nouveaux interlocuteurs légitimes -les élus- et la
mise en place très progressive d’une institution municipale aux compétences vastes mais aux moyens
humains et matériels très limités.
Dans ce contexte, la tendance majoritaire des collectivités françaises a été de sécuriser leur
coopération en la confiant (ou en continuant à la confier) à des opérateurs sur le terrain.
Une ville française qui est en coopération avec une commune rurale mène un programme de
coopération autour de trois volets :
- Appui aux acteurs associatifs
La collectivité française octroie des subventions à des associations de son territoire qui interviennent
sur le territoire de la collectivité burkinabé pour la mise en œuvre de leurs projets, décidés et mis en
œuvre souvent sans consultation avec les élus burkinabé.
- Appui aux activités génératrices de revenu
Ce volet a été conçu dans le cadre d’un travail entre les services techniques de l’Etat burkinabé et les
producteurs agricoles de la commune. La collectivité française a délégué l’exécution de ce volet à une
ONG dont le siège est à Ouagadougou et la commune burkinabé n’est pas impliquée dans ce
programme.
- Appui à la décentralisation
Ce volet, discuté entre les deux collectivités est mis en œuvre par l’opérateur d’appui choisi par la
ville française, qui en assure la gestion technique et financière. La commune burkinabé en est
essentiellement bénéficiaire (formations, équipements…).
37
Roux M., Di Loreto P., La coopération décentralisée franco-burkinabé : pour une coopération de territoire à
territoire. Le journal de Cités Unies France N° 27, décembre 2000.
Il y a donc de la part des collectivités françaises une tendance à contourner la collectivité partenaire,
en confiant la mise en œuvre des actions à des opérateurs français ou burkinabé.
Cette tendance, liée à une coopération qui est encore majoritairement dans une approche projet, était
compréhensible au moment de la mise en place de ces nouvelles collectivités territoriales. Elle a
rarement évolué au fur et à mesure de la montée en puissance des collectivités burkinabé un décalage
se créant entre d’une part une institutionnalisation progressive des nouvelles collectivités, et un mode
de mise en œuvre de la coopération décentralisée conçu à un moment où la collectivité soit n’existait
pas, soit n’avait pas encore réellement de capacités opérationnelles.
Ceci pose question sur la pertinence de l’appui institutionnel apporté par les collectivités françaises à
leurs partenaires. En effet l’appui institutionnel donné semble essentiellement avoir été centré autour
d’actions ponctuelles en matière de formation et d’appui à la planification réalisées par des opérateurs
externes.
Dans une commune rurale, l’ONG opérateur de la coopération décentralisée a organisé une
session de formation de 5 jours sur « techniques de mobilisation des ressources financières et des
partenaires techniques nécessaires à la mise en œuvre du plan de développement communal » à
laquelle ont participé 39 conseillers municipaux et 3 agents de la mairie.
L’opérateur de la coopération décentralisée n’a réalisé par la suite aucune action pour que les élus
ou les services techniques mettent en œuvre ce qui a été appris durant la formation.
La formation n’a donc eu qu’un rôle d’information, mais sans effets sur le fonctionnement de la
commune.
Dans une autre commune rurale, l’ONG opérateur de la coopération décentralisée a financé le
recours par la commune à deux experts pour élaborer le Plan Communal de Développement. Le
plan a été élaboré par les experts sans implication réelle de la commune. Le plan totalise un
budget de plus d’un milliard de FCFA (environ 1,5 million d’euros) alors que le budget de la
commune est de l’ordre de 60 millions de FCFA (environ 90 000 euros).
Dans une Région burkinabé, la collectivité française partenaire appuie l’élaboration du Plan
Régional de Développement. Pour cela la collectivité française a contractualisé directement avec
un opérateur français qui a son budget propre et qui en est l’ordonnateur. La collectivité burkinabé
n’a institutionnellement aucune responsabilité sur la cellule en charge de l’élaboration de son
PRD.
L’appui institutionnel aux nouvelles collectivités territoriales burkinabé n’a donc pas été un réel appui
dans l’exercice de leurs compétences, mais la mise en œuvre d’actions de renforcement des capacités
ou de dotation d’instruments conçus par des opérateurs externes.
L’absence d’opérationnalité d’une grande partie des actions d’appui institutionnel réalisées, pose
question sur la pertinence de celles-ci pour les nouvelles collectivités territoriales qui ne sont pas en
mesure d’utiliser les compétences acquises, et qui voient une part importante des financements de la
coopération décentralisée utilisée à rémunérer des experts intervenant de manière ponctuelle.
Dans les communes urbaines, des situations très différenciées qui vont du contournement à un
début d’appui institutionnel renforcé :
Les coopérations décentralisées avec des communes urbaines regroupent tous les cas de figure
possibles, mais on constate généralement une implication de la coopération décentralisée dans
différentes modalités de renforcement de la collectivité partenaire. Cette implication est souvent
récente, souvent peu structurée et insuffisamment réfléchie, mais montre le potentiel qui existe en
termes d’appui à la décentralisation de la coopération décentralisée.
Dans quelques cas, les collectivités françaises tentent de contourner leurs partenaires burkinabé pour
mettre en œuvre les actions qu’elles pensent pertinentes avec les opérateurs qu’elles choisissent. Ces
exemples on tendance à se raréfier, d’une part les collectivités françaises ont intégré la mise en place
des communes urbaines et d’autre part les élus burkinabé, ont pris la mesure de leur rôle et de leur
responsabilité. Les rares exemples de tentative de contournement total de la commune burkinabé
aujourd'hui ne restent pas sans réaction de la part des élus burkinabé, et -indirectement- renforcent la
collectivité burkinabé qui assume son rôle.
Dans le cadre de la coopération décentralisée, une convention de partenariat est signée entre une
commune française et une commune urbaine du Burkina Faso. Ensuite une convention opérationnelle
est élaborée par la commune française et soumise à la signature de Monsieur le Maire de la commune
burkinabé. Dans cette convention le partenaire français demande à Monsieur le Maire de signer la
convention opérationnelle dans laquelle les partenaires français ont déjà choisi une association
burkinabé comme opérateur des actions à mettre en œuvre.
Monsieur le Maire, considérant que sa ville partenaire n’a pas à lui dicter quel opérateur choisir, refuse
de signer la convention. Il fait appel aux dispositifs d’appui burkinabé pour tenter une médiation, sans
succès.
Le résultat est que les partenaires français font le choix de conserver la même idée de projet, de
confirmer la même association burkinabé comme opérateur du projet, mais de changer de commune
burkinabé pour réaliser le projet. Le projet a été réalisé et est en cours d’évaluation.
On constate donc que plutôt que de devoir se concerter avec les élus locaux, les partenaires français
ont préféré changer de collectivité territoriale partenaire en ayant pour seul argument la pertinence de
l’objet de l’intervention.
Les autres exemples, sont des exemples en voie de « normalisation » liés au repositionnement entre
commune et comités de jumelage, ou en France comme au Burkina, les communes partenaires dans un
premier temps remettent de l’ordre dans les relations qu’elles entretiennent avec leur comité de
jumelage (signature de convention entre la commune et le comité de jumelage, signature de
38
Parole d’un maire d’une commune rurale en coopération avec une collectivité territoriale française depuis 20 ans.
Plusieurs coopérations décentralisées ont opté depuis plusieurs années pour que le budget
correspondant aux actions mises en œuvre par la collectivité burkinabé soit directement versé du trésor
public français au trésor public burkinabé, soit sur un compte de dépôt ouvert au nom de la collectivité
territoriale, soit directement au trésor public. Ces transferts financiers et leur utilisation, sont
normalement appuyés, de part et d’autre sur des délibérations municipales prises en conseil précisant
leur emploi. Cette modalité de transfert financier contribue bien au fonctionnement de l’institution
municipale en permettant l’intégration du budget de la coopération décentralisée dans le budget
municipal, la responsabilisation des élus et des services sur les budgets et leur emploi et enfin en
facilitant la transparence tant par rapport à la tutelle qu’aux citoyens.
Pourtant, cette modalité de transfert financier, réclamée par l’Etat burkinabé n’est pas encore
généralisée.
Dans le cadre d’une coopération décentralisée entre deux villes « le financement des postes de travail a
été organisé selon un principe dégressif de façon à laisser le temps et préparer la commune à
l’intégration de ses postes dans le budget communal. Aujourd’hui, l’ensemble des postes est pris en
charge directement par la commune. Cette action a permis à la commune de se renforcer
progressivement en ressources humaines (en particulier les cadres) capables de l’aider dans la
conception et l’exécution de projets communaux. En comparaison aux autres communes moyennes du
Burkina Faso, la ville est aujourd’hui relativement dotée en personnel cadre »39. D’autres appuis sont
donnés en termes de formation du personnel des services municipaux et de dotation en équipement des
services.
Dans le cadre de la coopération entre une grande ville du Burkina Faso et une grande ville française, la
ville française a détaché pour trois ans un de ses ingénieurs territoriaux auprès du secrétaire général de
la ville burkinabé, pour qu’il appuie celui-ci dans l’amélioration du fonctionnement des services.
Les formations du personnel des services sont confrontées aux mêmes limites que le financement des
postes de travail, à savoir la forte mobilité du personnel. Une autre limite est celle intrinsèque à
beaucoup d’activités de formation ou d’échanges (réalisées au Burkina Faso comme en France) qui
restent des actions ponctuelles, non ancrées sur une pratique et donc difficilement valorisées au terme
de la formation.
Les dotations en équipement, si elles sont généralement utiles, demandent également à être inscrites
dans une perspective de viabilisation à long terme de manière à ce que la collectivité soit en mesure
39
Sembene M. et Sanou S., évaluation du programme de coopération décentralisée entre les villes de Chambéry et de
Ouahigouya, F3E-ACDIL, janvier 2006.
Plusieurs coopérations décentralisées, appuyée par l’AMBF et les services techniques de la ville de
Ouagadougou ont développé un outil du même type pour le territoire de la collectivité Burkinabé.
Dans ces villes, l’outil n’est pas encore totalement opérationnel pour le recouvrement de la fiscalité
locale. L’articulation entre les services municipaux des villes concernées et les services déconcentrés
de l’Etat (Trésor, Domaine) qui assurent le recouvrement des impôts reste à développer pour que
l’outil puisse être pleinement utilisé et produise l’amélioration de la fiscalité locale attendue.
Dans le cadre d’une coopération décentralisée entre deux communes urbaines, afin d’améliorer le
recouvrement de la fiscalité locale la réflexion commune entre les deux collectivités a abouti à la
signature d’une convention entre la commune burkinabé et l’administration burkinabé.
Cette convention prévoit une participation financière de la commune (mise à disposition d’agents,
équipement, prise en charge de frais de carburant) aux frais des services de recouvrement des impôts
pour que ceux-ci soient en capacité de remplir leurs fonctions dans de bonnes conditions, ce qui doit
permettre d’améliorer le recouvrement fiscal40.
Des appuis timides en termes de prise en compte de l’ensemble des compétences municipales
Les collectivités territoriales françaises ont du mal à développer avec les collectivités locales
burkinabé une relation prenant en compte l’ensemble des fonctions de la collectivité territoriale sur
son territoire. Elles centrent leur coopération sur des thématiques de « facilité » (éducation, santé,
hydraulique) et autour de la réalisation d’équipement plus qu’autour d’actions visant à augmenter la
40
Une telle convention existe à Ouagadougou depuis le début des années 90
Une coopération décentralisée entre deux villes a inclus dans sa coopération un partenariat entre les
polices municipales des deux communes, dans le but de renforcer la sécurité des biens, des personnes,
de promouvoir la police de proximité, de promouvoir le code de la route et d’accroître les capacités
d’intervention de la police municipale dans le recouvrement fiscal.
Ce partenariat a pris la forme d’échanges entre les services, de dotation de matériel (motos, matériel
informatique) et de tenue pour les policiers.
Toutefois à ce jour il y a peu d’implication des coopérations décentralisées sur les modalités de gestion
des équipements marchands, sur les réseaux de transports publics, sur les politiques d’urbanisation et
d’extension des réseaux (eau, assainissement, énergie…), sur la prise en compte des minorités sur le
territoire...
La coopération décentralisée entre deux communes françaises et une commune urbaine du Burkina
Faso s’organise de la manière suivante :
- Appui à la création d’une direction des services techniques municipaux au sein des services par
un appui financier dégressif pour la prise en charge salariale ;
- Mise en place d’un plan de formation pour les élus et les agents municipaux ;
- Mise en place pour un élu et un technicien d’un échange de 5 semaines par an dans la collectivité
partenaire, où l’élu et le technicien suivent au jour le jour le déroulement de l’activité de leur
homologue pour comprendre comment il assume ses fonctions et identifier comment il pourra le
valoriser dans sa pratique ;
- Prise en charge du financement d’un équipement communal, permettant de mettre en pratique la
formation des élus sur les modalités et techniques de priorisation et d’arbitrage, et la formation
des services sur la maîtrise d’ouvrage (programmation, négociation du foncier, cahier des
41
Assises de la coopération décentralisée franco-burkinabé des 6 et 7 décembre 2007, documents officiels finaux. CR de
l’atelier 2A.
Dans les coopérations décentralisées qui concernent des espaces multi-communaux (provinces par
exemple) ou qui associent plusieurs collectivités territoriales françaises et burkinabé, le passage d’une
coopération basée sur la relation avec des autorités administratives de l’Etat ou des organismes ad hoc
(comités de jumelage, comités de pilotage mixte) à la prise en compte des autorités locales comme les
partenaires naturels de la coopération dans une visée de renforcer l’institutionnalité des collectivités
territoriales n’a pas été simple et n’est pas terminée. En effet, il s’agit à la fois de s’inscrire dans une
transition avec la situation antérieure et d’autre part de trouver des solutions originales et compatibles
avec les textes burkinabé.
Des initiatives ont été prises ou sont en train d’être prises qui s’inscrivent dans une logique d’appui à
la décentralisation. A ce jour leurs résultats et leurs effets ne sont pas encore mesurables.
Une coopération décentralisée existe depuis 10 ans entre une région française et une province
burkinabé comprenant 7 communes.
Cette coopération a longtemps fonctionné à travers une relation entre le Conseil Régional français et le
Haut Commissariat de la province burkinabé qui s’appuyait sur un comité local de jumelage au niveau
provincial.
La décentralisation intégrale a amené à bousculer cette situation, dans un premier temps avec la mise
en place côté burkinabé d’un comité de pilotage intégrant de manière minoritaire deux des sept maires
de la province parmi les sept membres du comité de pilotage.
Ensuite les maires des sept communes ont pris la décision de mettre en place une association appelée
« réseau de communes », devenant ainsi l’interlocuteur légitime de la Région française.
Le dispositif évolue ainsi vers une convention entre la Région française, le réseau des sept communes
de la province et la Région burkinabé dans laquelle est située la province.
Deux Régions en coopération décentralisée ont décidé de mettre en place un dispositif d’appui au
développement régional sous la forme d’une Agence Régionale de Développement, visant à :
- être un outil pour renforcer la Région et les collectivités territoriales de son aire administrative
pour qu’elles puissent assumer les fonctions qui leur sont transférées.
- être un outil pour la réalisation d’investissements pour la création ou la réhabilitation
d’infrastructures et pour la mise en place de services aux habitants.
- apporter un appui à la mise en place des politiques et actions régionales.
Des effets en termes d’appui à la décentralisation qui manquent encore de profondeur du fait de
la complexité de la notion d’appui institutionnel.
Depuis des années, les acteurs de la coopération décentralisée ont pris de part et d’autres des habitudes
de fonctionnement qu’il est difficile de changer, que ce soit sur le choix des domaines d’action, sur le
Or si l’on entend l’appui institutionnel comme une démarche visant à permettre aux collectivités
territoriales d’assumer les compétences et les responsabilités que les lois de leur pays leur confèrent42,
cette démarche ne peut qu’être transversale à l’ensemble des actions mises en œuvre dans le cadre de
la coopération décentralisée. Il s’agit alors plus d’une nouvelle manière de faire, d’une nouvelle
démarche de coopération, que de mise en œuvre d’actions spécifiques.
L’appui institutionnel peut se caractériser à partir de cinq dimensions complémentaires, qui constituent
ainsi les cinq43 champs d’actions dans lesquels il se matérialisera :
- Politique : la définition de politiques publiques locales ;
- Organisationnel : l’organisation du « gouvernement local » et de ses services ;
- Technique : la mobilisation des compétences, de l’expertise ;
- Territorial : les relations avec les acteurs du territoire ;
- Opérationnel : la mise en œuvre des actions, services et politiques.
Les résultats et les effets de la coopération décentralisée franco-burkinabé sont essentiellement des
résultats en termes matériels (dons, équipement, mise en place d’infrastructures…) et d’amélioration
de l’accès au service sociaux de base (santé, éducation…) sans oublier l’existence de très nombreux
échanges Nord-Sud, de relations interpersonnelles et d’actions culturelles.
Dans la majorité des cas, à ce jour, la coopération décentralisée a encore peu contribué au
développement économique du territoire, à l’amélioration du recouvrement de la fiscalité locale, au
42
D’après Bernard Husson « coopération décentralisée et renforcement institutionnel, une dynamique à construire. IIIa
conferencia Anual del Observatorio de Cooperacion Descentralizada UE – AL, Guatemala city, mai 2007.
43
D’après « accompagner les collectivités territoriales dans la gouvernance de leur territoire, F3E CUF 2009. La
capitalisation identifie quatre dimensions de l’appui institutionnel. Il nous semble qu’il manque une cinquième dimension, la
dimension opérationnelle qui a été incluse ci-dessus.
Dans le cadre de sa coopération décentralisée, la capitale a organisé un chantier école sur le thème de
l’élagage des arbres du domaine public communal, pour améliorer les techniques d’élagage et
diminuer la mortalité des arbres suite à des élagages mal réalisés. Les autorités communales ont décidé
d’inviter à ce chantier école des techniciens municipaux d’autres villes afin que le chantier école soit
utile le plus largement possible.
Cette situation s’explique par le caractère récent de la décentralisation intégrale. Mais elle s’explique
aussi par la difficulté du nombre d’acteurs de la coopération décentralisée, tant côté français que
burkinabé, tant au sein des collectivités territoriales qu’au sein des opérateurs à intégrer une approche
d’appui institutionnel visant à renforcer la collectivité dans la capacité à exercer ses compétences.
L’accent mis en termes d’activité et de résultats atteints sur des réalisations matérielles fait que pour
beaucoup d’acteurs burkinabé, pour beaucoup de collectivités territoriales burkinabé, la coopération
décentralisée reste perçue avant tout comme un guichet et que son contrôle devient un enjeu politique
et financier avant d’être un moyen de contribuer à une gouvernance locale démocratique45.
44
Et dans certains cas où il a existé lors de mandats précédents, mais ceci ayant permis de mettre la coopération décentralisée
sur une voie d’appui à la collectivité burkinabé.
45
Voir la charte européenne de la coopération en matière d’appui à la gouvernance locale.
L’analyse des dispositifs politiques, techniques et financiers sur lesquels se développent les relations
de coopération décentralisée, permet d’apprécier la qualité partenariale des relations de coopération
décentralisée.
La plupart des coopérations décentralisées semblent avoir été initiées sur une logique de l’offre. La
collectivité territoriale française ou le comité de jumelage français était celui qui proposait ou décidait
ce qu’il fallait faire. Les élus burkinabé ne manquent pas d’anecdotes sur le sujet : « avant c’étaient
eux qui nous imposaient (…) ils nous ont même envoyé des chaussures avec de la boue », « au début,
ils regardent là où il n’y a pas de puits, ils décident de faire un puits. Ce qu’ils regardaient ce n’était
pas les besoins de la population »46.
Cette logique de l’offre a montré ses limites : dons inutiles (matériel fonctionnant sur courant triphasé
là où il n’y en a pas), infrastructures inadaptées (écoles avec des classes séparées plus chères et moins
solides que les écoles d’un seul bloc) , investissements réalisés sans tenir compte de la planification de
l’Etat burkinabé (écoles hors de la carte scolaire), réplique d’équipements « français » (maisons des
jeunes, maison du jumelage…), fausses bonnes idées (reboisement collectif, cuiseurs solaires,
tracteurs collectifs….)…
Manque ou insuffisance de dialogue entre les élus : Une prise de décision peu consensuelle et
peu réfléchie
Dans une commune rurale burkinabé, afin de pouvoir aider les élus à communiquer avec les
populations deux options sont discutées entre les élus du Burkina Faso et de France : les élus
burkinabé proposent l’achat d’une moto pour faciliter leurs déplacements dans les villages ; les élus
français proposent l’installation d’une radio communautaire, bien que cette commune soit couverte par
les radios FM de la ville avoisinante.
Finalement la radio est financée et mise en place sous statut associatif.
Son fonctionnement génère des charges récurrentes élevées comme celles de l’électricité qui est
fournie par la coopérative qui produit et distribue cette énergie localement. Quand cette coopérative de
gestion de la fourniture de l’énergie électrique menace de couper l’approvisionnement en électricité,
c’est le maire qu’on appelle pour régler la facture !
46
Paroles d’un maire et d’un président de comité de jumelage.
47
Paroles du responsable d’une coopération décentralisée
Cette logique qui sacralise la demande des bénéficiaires ne repose sur aucun fondement. En effet la
notion de besoin est une notion totalement relative49. Les besoins en tant que tels n’existent pas, ils
sont induits par mimétisme (avoir ce qu’à le village voisin), par calcul (que puis-je attendre de mon
partenaire), par respect de normes…
De plus, cette démarche reste généralement déclarative. En effet, tous les partenaires français
(collectivités territoriales comme comités de jumelage) appliquent leur propre grille de sélection pour
juger les projets (et donc les besoins) et définir ceux qui sont recevables dans le cadre de la
coopération, ce qui bien entendu influe sur les demandes à venir…
L’expression d’une demande refusée car elle n’était pas politiquement correcte :
Dans le cadre d’une coopération décentralisée mise en œuvre par deux comités de jumelage, le comité
de jumelage burkinabé a exprimé une demande d’équipement en tables bancs pour une école
coranique de la commune.
Le comité de jumelage français a refusé de soutenir ce projet, car ne rentrant pas dans ses critères.
Par contre un chantier organisé par la même coopération décentralisée a travaillé sur la réfection des
bâtiments de la mission catholique.
Comme le disent des élus burkinabé, en fin de compte « la décision ça vient d’eux (…) eux seuls
savent pourquoi ils ont pris cette décision ». Un élu conclut l’entretien en disant « si on me propose
quelque chose, je ne suis pas en mesure d’exiger quoi que ce soit ».
Dans la logique de l’offre comme dans la logique de la demande, on reste sur la même fragilité :
l’émergence de l’idée est rarement basée sur une analyse distanciée de la réalité, sur un diagnostic
validant la pertinence de l’action, sur un partage entre les partenaires de ce diagnostic. Les actions
identifiées restent donc ponctuelles et s’inscrivent rarement dans une stratégie. Trop souvent les
actions identifiées dans le cadre de la coopération décentralisée restent des actions identifiées sur le
principe de « la bonne idée », que ce soit une offre ou une demande. Ce mode d’émergence des projets
ne favorise ni l’identification d’actions s’inscrivant dans une stratégie de développement de la
collectivité burkinabé, ni le développement d’une relation partenariale de qualité entre les acteurs. La
relation est soit une relation d’imposition (d’offre), de demande ou de revendication.
A ce jour, peu de coopérations décentralisées prennent le temps pour que les partenaires puissent
développer une connaissance approfondie de leur territoire et du territoire partenaire de manière à en
48
idem
49
Cf les travaux de Jean-Pierre Olivier de Sardan et en particulier Anthropologie du développement, Karthala,
1995.
Des expériences de diagnostic partagé initiées avant de nouer des relations de coopération
décentralisée :
Dans deux cas récents de coopérations décentralisées qui sont en train de se mettre en place des
modalités de diagnostic partagé ont été initiées.
La mise en place d’une relation entre une grande ville du Burkina Faso et une ville moyenne française,
a été initiée par des missions croisées. En particulier la ville française a missionné un de ses cadres, un
ingénieur territorial pour qu’il établisse avec les services de la ville burkinabé un diagnostic des
services techniques pour avoir une base de travail pour réfléchir sur les axes de coopération.
La mise en place d’une relation entre deux petites villes française et burkinabé a été initiée par des
missions préparatoires d’élus des deux villes qui ont passé plusieurs jours dans la future ville
partenaire pour la connaître et qui ont chacun participé à une réunion de conseil municipal de leur
future ville partenaire.
C’est à partir de ces premiers contacts que des propositions de conventions de coopération ont été
rédigées de part et d’autre.
Une ville française est jumelée depuis 30 ans avec des communes burkinabé.
Alors que le territoire des communes partenaires possède de nombreux atouts (pêche, maraîchage…)
la coopération décentralisée, qui a réalisé un grand nombre d’actions, n’est pas parvenue en 30 ans à
impulser une dynamique locale, et identifie bien qu’ils pourraient continuer à agir comme ils l’ont fait
pendant de nombreuses années sans que cela ne change les choses.
Le plan communal de développement, récemment approuvé par les communes burkinabé ne contribue
guère à améliorer les choses. En effet il constitue la base actuelle de priorisation des actions, mais
comme il s’agit d’une liste d’actions ponctuelles sans stratégie de territoire cela ne résout pas le
problème. Pour instaurer un dialogue sur les enjeux du territoire, les priorités à se fixer, la collectivité
française est confrontée à un problème de fond : leurs partenaires ne disent jamais non et donc il n’y a
pas de réel dialogue.
La ville française a alors pris l’option de se rapprocher des services techniques de l’Etat burkinabé
pour réfléchir d’abord avec eux et pour identifier avec eux des enjeux pour le territoire et des axes de
travail possible. Ces propositions d’axe de travail sont ensuite présentées et discutées avec les
partenaires burkinabé. Ceux-ci les reprennent alors comme étant leurs demandes.
Comment faire pour passer d’une logique de passivité dans l’attente du « don » à une dynamique de
participation à la définition et à la mise en œuvre d’une stratégie de territoire ?
50
Parole d’un président de comité de jumelage.
La mise en œuvre d’une relation de coopération décentralisée implique la mise en place d’un dispositif
institutionnel à trois niveaux :
- Politique : qui décide et comment se construisent les décisions ?
- Technique : qui réalise et comment se conçoivent et se mettent en œuvre les actions ?
- Financier : qui gère l’argent et comment circule-t-il ?
Ces dispositifs sont les révélateurs de la qualité partenariale des relations de coopération décentralisée.
Des dispositifs politiques de mieux en mieux conçus qui masquent souvent une absence de
dialogue politique entre les partenaires…
Aujourd’hui la grande majorité des coopérations décentralisées se sont dotées de dispositifs politiques
clairs et validés de part et d’autre, souvent constitués d’un comité de pilotage nord-sud qui se réunit
une fois par an ou plus. Ce comité se décline parfois avec la mise en place d’un comité de pilotage
Nord et d’un comité de pilotage Sud.
Ces dispositifs font une place de plus en plus importante aux élus, alors qu’auparavant la décision
politique était de fait déléguée aux comités de jumelage.
Ces dispositifs institutionnels sont fondés sur la signature de documents conventionnels, dont les noms
sont très divers, mais qui de plus en plus se déclinent en document d’orientation (charte par exemple)
et en conventions opérationnelles à durée limitée. Ces documents, même s’ils ne font rarement l’objet
d’une rédaction conjointe, sont de moins en moins élaborés de manière unilatérale par les partenaires
français.
Malgré cette amélioration de la conception des dispositifs institutionnels, les dispositifs politiques qui
régissent les relations de coopération décentralisée restent dans la grande majorité des cas des
dispositifs marqués par une absence de réel dialogue politique entre les élus.
En effet, ces dispositifs sont essentiellement consacrés à la défense et à l’examen des projets présentés
par la collectivité territoriale ou les acteurs du territoire burkinabé pour financement, au bilan de la
mise en œuvre des programmes pluriannuels, aux opportunités de financement, à l’organisation des
échanges…
Il est extrêmement rare que ces dispositifs soient des espaces de mise en débat des enjeux des
territoires des partenaires, des référentiels de décideurs politiques et de la politique publique de
coopération décentralisée que ceux-ci veulent mettre en œuvre pour y répondre. Ce sont de fait des
espaces où la discussion, le débat se fait non pas sur la politique mais directement sur les instruments
et leur mise en œuvre.
Cette absence de dialogue politique et de clarification des motivations mutuelles entre les
représentants des collectivités partenaires explique largement ensuite les difficultés dans le partenariat
opérationnel entre les collectivités partenaires, les enjeux de chaque collectivité étant de nature
différente, cachés (ou non explicités) et générant des incompréhensions mutuelles53.
Il existe bien quelques exceptions, en particulier concernant des collectivités de taille importante dont
les élus ont un rôle international et sont en capacité de se poser en interlocuteur politique des élus
français. Mais ces exceptions, à ce jour sont très rares au niveau national.
Des dispositifs techniques diversifiés mais qui sont rarement des appuis pour les collectivités
territoriales burkinabé
51
Par exemple une convention de 2007 spécifie quant à l’organisation de la coopération : « la maîtrise d’ouvrage est assurée
par le Département de Seine Maritime, la Région Centre-Nord, les communes de Seine-Maritime et les communes du Bam »
52
Parole d’un responsable de service international d’une commune française.
53
Ces incompréhensions peuvent aller relativement loin, plusieurs témoignages ayant fait état d’interventions d’acteurs de la
coopération décentralisée dans les campagnes électorales locales au Burkina Faso.
Il s’agit d’un dispositif où la collectivité française, en concertation plus ou moins approfondie avec
son partenaire burkinabé, délègue par convention la maîtrise d’ouvrage (ou parfois la seule maîtrise
d’œuvre) à un opérateur burkinabé ou international.
Dans le cas d’une coopération entre une ville française et une commune urbaine burkinabé, la
commune française a délégué la maîtrise d’œuvre à une ONG internationale impliquée dans la
coopération depuis sa mise en place il y a 10 ans.
Mais de fait cette ONG, au-delà de ses fonctions de maître d’œuvre, fait un travail de montage de
projet et de recherche de financement nationaux et internationaux. Cette ONG est donc à la fois
maître d’œuvre sur les financements qu’elle reçoit de la collectivité française lui délègue et maître
d’ouvrage sur les projets qu’elle conçoit et dont elle recherche les financements.
Pour la collectivité locale burkinabé, cette ONG est de fait son interlocuteur principal.
Dans le cas d’une coopération entre une collectivité française et une commune rurale burkinabé, la
collectivité française en lien avec un organisme d’appui burkinabé et la mairie de la commune
burkinabé a sélectionné un opérateur burkinabé. Cet opérateur est chargé de la mise en œuvre du
programme d’action définit dans la convention entre les deux municipalités.
Ce dispositif est revendiqué par la collectivité française qui ne souhaite pas déléguer la maîtrise
d’ouvrage à la collectivité burkinabé pour ne pas être simplement un bailleur de fonds. L’opérateur
technique en est très conscient, puisqu’il n’a pas de bureau sur le territoire de la commune et qu’il
explique « je peux aller au chef lieu sans que le maire me voit. Cela permet d’être efficace ».
Ces opérateurs techniques, volontairement ou non, se constituent souvent en écran dans la relation
entre les deux collectivités territoriales. De plus, souvent issu d’une culture non gouvernementale, ils
sont peu sensibles et outillés pour appuyer des collectivités territoriales, étant plus versés dans la
réalisation des actions -la culture de projet- et l’animation à la base que dans l’appui à une institution
publique.
Dans le cas d’une coopération entre une ville française et une ville secondaire du Burkina Faso :
- toutes les actions qui ont trait à l’assainissement sont de maîtrise d’ouvrage de la collectivité
burkinabé qui en délègue la maîtrise d’œuvre à un opérateur associatif
- toutes les autres actions (informatisation des établissements scolaires, mise en place de
bibliothèques…), sont déléguées par la ville française à son association de jumelage qui en assure la
maîtrise d’ouvrage avec le comité local de jumelage burkinabé et ses autres partenaires burkinabé.
Mise en œuvre des actions par la collectivité burkinabé avec l’accompagnement d’un opérateur
d’appui
Un autre dispositif est celui où la collectivité burkinabé à travers ses services assure totalement la mise
en œuvre des actions décidées dans le cadre de la coopération décentralisée. Un opérateur d’appui, qui
n’intervient pas du tout dans les fonctions opérationnelles est mis en place, d’un commun accord, entre
les deux collectivités et assume une fonction d’accompagnement technique et de conseil à la
collectivité burkinabé dans l’exercice de ses compétences mais sans se substituer à celle-ci.
Enfin, mais le cas est le plus rare, la commune burkinabé assure totalement la mise en œuvre des
actions à travers ses propres services. Quand elle a besoin d’un appui elle recourt de son propre chef à
un prestataire privé ou associatif de son choix.
Dans le cadre de la coopération décentralisée entre une commune française et une commune
burkinabé, il a été prévu d’articuler d’une part un volet d’appui institutionnel à la commune (formation
du personnel, prise en charge dégressive du salaire d’une partie du personnel) avec un volet
d’investissement (construction d’équipements scolaires) permettant l’expérimentation et la mise en
Cette tendance à l’externalisation de la maîtrise d’œuvre a pour conséquence d’affaiblir (ou pour le
moins de ne pas renforcer) la collectivité burkinabé, qui n’a pas de maîtrise sur la relation et les
actions de coopération décentralisée, et qui n’est donc pas en mesure d’utiliser la mise en œuvre de
cette relation et de ces actions comme moyen de se renforcer. Au départ, cette externalisation était une
réponse à un manque constaté de capacités de certaines collectivités territoriales burkinabé. Mais la
permanence constatée de cette externalisation montre une difficulté des collectivités territoriales
françaises à s’inscrire dans une logique d’accompagnement à une construction progressive de
compétences locales appelées à assurer le relais de la maîtrise d’œuvre.
Ces dispositifs techniques, s’ils peuvent être compréhensibles dans les phases de mise en place des
collectivités territoriales burkinabé, ne le sont plus quelques années plus tard alors que celles-ci
développent des compétences propres, gèrent un budget, mettent en place et font fonctionner des
services.
Ils semblent témoigner dans de nombreux cas d’une méfiance des collectivités françaises envers les
élus et techniciens des collectivités burkinabé.
Lors de l’atelier de travail sur le bilan de la coopération décentralisée franco-burkinabé réalisé à Cités
Unies France, l’élu représentant d’une collectivité territoriale française qui verse régulièrement une
subvention à une association de jumelage s’est rendu compte qu’il n’avait aucune information sur qui
étaient les destinataires et les gestionnaires de ces fonds au Burkina Faso et quels étaient leur lien avec
la collectivité territoriale
Pourtant les pratiques de plus en plus de coopérations décentralisées montrent qu’il est possible de
mettre en place des dispositifs financiers qui respectent la réglementation burkinabé et le rôle de
maîtrise d’ouvrage des collectivités burkinabé. Il existe de fait plusieurs circuits financiers possibles
qui permettent de transférer des fonds depuis le compte trésor de la collectivité territoriale française à
un compte de la collectivité territoriale burkinabé54 :
54
Ces circuits sont de plus en plus étudiés, cf Sembene et Bagre 2004, Bazie 2009, SOS Sahel 2009.
Dans beaucoup de cas, la relation partenariale entre les collectivités n’est pas satisfaisante, ni pour les
élus français, ni pour les élus burkinabé.
Les élus burkinabé, dans leur majorité se sentent « contournés » par la coopération décentralisée, la
collectivité territoriale burkinabé étant identifiée plus comme un support que comme un acteur de la
relation de coopération décentralisée.
Lors de l’atelier de travail avec les collectivités françaises impliquées dans des relations au Burkina
Faso, le chargé de mission en charge de la coopération décentralisée d’une collectivité territoriale
française s’est rendu compte que pendant ses missions au Burkina Faso, il n’associait pas la
collectivité burkinabé partenaire aux entretiens qu’il avait à Ouagadougou avec l’Ambassade de
France, la DCOD ou la MCD.
Les élus français ne sont pas satisfaits non plus par la relation existante, ceux-ci se sentant considérés
comme de simple financeurs.
Cette situation amène beaucoup d’élus burkinabé à analyser sans concession les relations partenariales
existantes, et à se poser des questions de fond sur leur rôle, sur leur position en tant qu’élus, et sur la
place de la collectivité territoriale burkinabé face aux autres acteurs.
Le maire d’une commune rurale rencontré a terminé l’entretien en disant « pour certaines coopérations
décentralisées, mieux vaudraient qu’elles n’en fassent pas ».
Les élus burkinabé qui partent en mission à l’étranger dans le cadre de la coopération décentralisée
doivent à leur retour rendre un rapport de mission à la DCOD. Le maire d’une petite commune urbaine
burkinabé en coopération avec une petite ville française, a au terme de sa mission rédigé un rapport
qui est signé et paraphé conjointement entre lui et l’adjoint au maire de la commune partenaire.
Ce rapport n’hésite pas à faire état des difficultés dans la relation, en disant « les deux parties ont noté
que la confiance qui s’était considérablement dégradée, suite aux dérapages enregistrés dans la gestion
de certains appuis par le comité de jumelage (burkinabé), renait petit à petit par la volonté de chaque
partie. Cependant le comité de jumelage (français) a rappelé que toutes les actions qu’il mène (…)
doivent s’inscrire dans un esprit d’aide ponctuelle et non dans un esprit d’assistanat sans limites »55.
55
Coulidiati K., Noget P ; mémorandum de la visite d’amitiés et de travail à La Gacilly en France du 12 au 23 juillet 2008.
Au niveau du CSLP :
Dans les domaines où l’Etat burkinabé dispose de personnels au niveau local (communes, provinces),
comme les domaines de l’éducation, de la santé et de l’hydraulique, on constate que les coopérations
décentralisées respectent dans les grandes lignes les dispositifs règlementaires de l’Etat. Le temps où
la coopération décentralisée pouvait mettre en place des écoles ou des centres de santé en dehors des
cartes scolaires ou sanitaires, où la coopération décentralisée pouvait envoyer des livres scolaires ou
des médicaments sans prendre en compte les normes règlementaires de l’Etat semble révolu.
Même dans des domaines où les politiques publiques sont complexes, comme par exemple dans le
domaine de l’hydraulique, la plupart des coopérations décentralisées appliquent les politiques
sectorielles, voire contribuent à en mettre en place les instruments comme par exemple l’appui de
plusieurs coopérations décentralisées à l’élaboration des plans communaux de développement dans le
domaine de l’accès à l’eau et à l’assainissement (PCD AEPA).
56
CSLP, Ministère de l’économie et du développement, décembre 2003
57
Conversy Julie, Rapport de fin de mission au SCAC, mai 2008.
Une autre difficulté pour les coopérations décentralisées est de passer d’une logique de projet d’appui
au développement local basée sur le fonctionnement d’instances mises en place dans une démarche de
développement local (CVGT dans les villages ou comités de quartier dans les villes) aux institutions
issues de la décentralisation avec la mise en place dans chaque village des CVD.
Ce problème est général dans tous les programmes de développement local, quels que soient leurs
opérateurs58. La coopération décentralisée, malgré son assise institutionnelle n’a pas permis aux
communes d’anticiper pour mettre en place des mesures de transition d’un système à l’autre.
De manière plus spécifique, les coopérations décentralisées ont du mal à anticiper la mise en œuvre de
la politique de décentralisation, deux exemples :
- Par rapport au transfert des équipements dans le cadre du transfert de compétence :
Les coopérations décentralisées, des projets et des programmes depuis des années ont contribué à
financer, conjointement avec les populations des équipements sociaux (écoles, centres de santé…)
et des équipements marchands (parcs à vaccination, marchés…). Pour une bonne partie de ces
équipements les citoyens (ou en tout cas des citoyens) ont contribué financièrement puis ont mis
en place des organisations collectives pour les gérer.
Avec le transfert de compétence, la majeure partie de ces équipements est transférée aux
communes. Mais comment prendre en compte la participation financière et en travail des
usagers ? que deviennent les organisations de gestion de ces équipements ? que deviennent les
fonds constitués par les associations qui les ont gérés ? comment seront-ils gérés à l’avenir et par
qui ?
Les coopérations décentralisées n’ont pas anticipé avec leurs partenaires burkinabé sur ces
questions, bien qu’elles soient connues de longue date et qu’elles aient déjà été soulevées et
traitées dans les pays voisins.
- Par rapport à la mise en place d’un fonds d’investissement pour les collectivités :
A ce jour peu de coopérations décentralisées ont anticipé sur la mise en place du FPDCT (Fonds
Permanent de Développement des Collectivités Territoriales) qui est un fonds national où toutes
les collectivités territoriales burkinabé auront un droit de tirage pour réaliser des investissements.
Seule une coopération entre deux régions travaille sur la mise en place d’une Agence Régionale
de Développement qui permettra aux communes de la région de se familiariser avec les
procédures de fonctionnement d’un fonds, et qui pourra à terme fonctionner en complémentarité
avec le FPDCT. Pourtant la mise en place de ce fonds se constituera en un mécanisme fort de
58
Voir le rapport d’évaluation du PADL financé par l’AFD.
Une cohérence entre les actions de coopération décentralisée et les politiques nationales
burkinabé qui reste à approfondir :
Globalement, les actions de la coopération décentralisée s’inscrivent dans les principales politiques
nationales. Cette appréciation doit être nuancée par le fait que le caractère très global du CSLP fait
qu’il est difficile de ne pas s’inscrire dans celui-ci et qu’il s’agit peut-être plus d’une conjonction
d’orientations entre le CSLP et les coopérations décentralisées que d’une volonté politique des acteurs
de la coopération décentralisée de s’inscrire dans le CSLP.
Sur le plan des politiques sectorielles, la prise en compte par les acteurs de la coopération
décentralisée des orientations sectorielles dans le domaine des services sociaux de base vient bien
d’une prise de conscience de la plupart des acteurs -collectivités françaises comme burkinabé- de la
nécessité de s’inscrire dans les politiques nationales. Cette prise de conscience est à mettre à l’actif des
acteurs de l’appui à la coopération décentralisée qui ont martelé ce message depuis des années et des
représentants locaux des ministères sectoriels qui jouent un rôle essentiel.
Par contre cette appréciation positive reste à nuancer du fait de la difficulté -partagé par les autres
acteurs du développement : fonctionnaires, ONG, projets…- d’inscrire ce respect des politiques
sectorielles de manière transversale dans les politiques de décentralisation et de développer une
capacité à anticiper sur les évolutions en cours.
Les orientations françaises sont de deux ordres, d’une part celle du DCP (Document Cadre de
Partenariat) et d’autre part celle de la DAECT.
De fait, comme pour le CSLP, les actions et relations de coopération décentralisée s’inscrivent
globalement dans les orientations du DCP, mais là également, peut-être plus par la conjonction des
orientations des coopérations décentralisées avec le CSLP que par volonté de la part des acteurs de la
coopération décentralisée, de s’inscrire dans le cadre définit par le DCP.
La prise en compte des orientations politiques de la DAECT60 est quant à elle restée une prise en
compte essentiellement superficielle, à partir de la contrainte financière, sauf dans le cas des
collectivités territoriales déjà convaincues de la pertinence de ces orientations.
Une coopération qui passe de la réalisation d’équipements à l’appui institutionnel, sans changer
d’approche !
Une coopération décentralisée entre une collectivité territoriale française et un département puis une
commune burkinabé, longtemps axée sur la réalisation d’infrastructures villageoises, a dans la forme
pris un virage à 180 degrés avec la définition et la mise en place d’un programme triennal centré sur
l’appui institutionnel avec un budget conséquent (500 000 € en trois ans).
Pourtant à l’analyse, le dispositif de coopération, dans le fond, n’a pas changé, la maîtrise d’ouvrage
de la coopération restant dans la collectivité locale française, l’appui institutionnel qui sous-tend le
nouveau programme, ne faisant que modifier le type d’action mise en œuvre (des formations au lieu
des constructions) mais pas leur modalité de mise en œuvre.
Des interventions sur un territoire qui ont tendance à se juxtaposer plus qu’à se
compléter :
Les relations de coopération décentralisée ont amené à une multiplicité de montages institutionnels qui
articulent un ensemble de collectivités territoriales ente elles.
La mise en regard de ces différents montages institutionnels complexes entre plus de deux collectivités
territoriales, montre qu’à de rares exceptions près, il s’agit plus d’un empilement de relations, gérées
en parallèle qu’à une mise en cohérence de relations de coopération décentralisée autour d’un projet
commun.
59
Conversy Julie, op. cit.
60
Ce point sera détaillé dans le chapitre sur l’évaluation de la politique française.
Ceci semble particulièrement vrai pour les jumelages tripartites (jumelage entre trois collectivités, une
française, une allemande et une burkinabé) qui à ce jour sont vécus par les collectivités burkinabé
comme de fait la juxtaposition de deux jumelages, (un franco-burkinabé ouvert à la décentralisation et
un franco-allemand centré autour du comité de jumelage, souvent très assistanciel dans son approche)
plus que comme un projet commun.
Plusieurs communes burkinabé ont des jumelages ou des coopérations décentralisées à la fois avec des
communes françaises et allemandes.
Jusqu’à ce jour, ces relations sont essentiellement restées des relations parallèles, sans relations
directes entre elles. Au mieux, la commune burkinabé articule les deux relations. C’est par exemple le
cas d’une commune burkinabé dont le comité de jumelage gère les parrainages et répartit les enfants
nécessiteux parrainés entre ceux qui sont pris en charge par le comité de jumelage allemand (1400
enfants) et par le comité de jumelage français (300 enfants).
« Lors du 6ème Conseil des Ministres franco-allemand le 14 mars 2006, la Ministre fédérale
allemande, Heidemarie Wieczorek-Zeul, et son homologue française, Brigitte Girardin, ont eu l’idée
de renforcer le réseau des jumelages entre communes, axés sur le co-développement dans les deux
pays en vue de créer des synergies : l’idée de la promotion ciblée des jumelages franco-germano-
africains de communes était née (…). Le Service pour les Communes du Monde et Cités Unies France
sont chargés par les Ministères de gérer ce projet. Ils ont pour mission de conseiller les acteurs de ces
partenariats, de les interconnecter au-delà des frontières et de renforcer leur compétence autour de la
coopération tripartite »61.
C’est sur cette base que huit communes burkinabé jumelées avec des collectivités françaises et
allemandes ont été sélectionnées.
L’idée a ensuite été « lancée au Burkina Faso à l’issue d’un atelier organisé en marge des journées de
la commune burkinabé en décembre 2007 »62.
Puis « les collectivités françaises et allemandes s’étaient engagées à Ettlingen, en novembre 2008,
sous l'animation InWEnt-CUF, à contribuer au financement d'une étude préalable permettant d'aboutir
à un projet commun, dans le domaine de la gestion de l'eau et de la prévention/adaptation au
changement climatique. Chacune, ainsi que leurs homologues allemands, a accepté de mettre 500
Euros sur la table »63.
« Lors d’une réunion à Ouagadougou le 5 février 2009, les maires burkinabé ont souhaité une étude
plus aboutie, d'identification et de montage de projet ». Une telle étude coûterait plus que les 8000
Euros prévus (…) Les collectivités françaises ont jugé qu’une telle étude est pertinente, car c'est bien
d'un projet commun à déposer auprès d'un bailleur à identifier dont il s'agit ; il s’agira de définir « un
61
Site internet de SKEW-InWent : http://www.service-eine-welt.de/fr/projetpilote/projet-
projetpilotejumelagestripartites.html
62
Zagre Seydou, SG de l’AMBF, projet pilote de coopération décentralisée tripartite Burkina-Faso-France-Allemagne.
Exposé aux JED de Strasbourg. Novembre 2008
63
CUF, CR réunion coopération tripartite du 24 février 2009.
Trois ans après la décision de sa mise en œuvre, le projet de coopération décentralisée tripartite a
permis aux collectivités de se rencontrer, de débattre mais il n’a pas encore réellement produit de
mutualisation ni de concertation entre les 24 collectivités partenaires, ce qui peut s’expliquer par :
- le fait que « il n’y a ni orientation clairement définie, ni objectif identifié, ni financement (…) ce
projet s’apparente plus à une coquille vide qu’à un véritable projet »65 ;
- (La) « non implication de la partie Sud lors du montage du dispositif.
S’il est aujourd’hui connu de tout le monde que tout projet doit impérativement impliquer en amont les
bénéficiaires, force est de constater qu’il continue de « tomber » des projets qui sont conçus au Nord.
Malgré le désir des acteurs locaux, associatifs et institutionnels burkinabé, la phase de conception du
projet de coopération communale tripartite ainsi que le choix des communes bénéficiaires n’a pas vu
leur implication. Cela n’a pas permis de recueillir l’avis des partenaires burkinabé sur leurs choix,
orientations et objectifs devant guider le projet. (…) cette mise à l’écart des acteurs burkinabé dès le
départ se ressent aujourd’hui dans la conception et la planification des activités qui s’organisent petit à
petit sans canevas. »66.
Ce projet, permettra peut-être de déboucher sur un projet si un financement est trouvé, il permettra
sans doute à des collectivités françaises, allemandes, burkinabé, de mieux se connaître et de renforcer
quelques unes des coopérations tripartites. Mais ces résultats, qui seront à mettre à l’actif des élus et
techniciens qui ne plaignent pas leur temps pour animer et concerter la dynamique, seront sans
commune mesure avec l’énergie dépensée pour faire exister ce projet.
Les exceptions à cette situation, sont les seuls cas où il existe une volonté politique forte de la part
d’au moins une des collectivités territoriales.
Plusieurs exemples existent (cf ci-dessous) liés à la volonté soit des élus burkinabé, soit à la volonté
des élus français, en particulier au niveau de conseils généraux français qui jouent un rôle d’appui,
d’accompagnement et de concertation en direction de communes et intercommunalités de leur
territoire dans leurs relations avec leurs partenaires burkinabé.
Une commune urbaine, capitale de province burkinabé, avec une population de plus de 100 000
habitants est depuis plusieurs années en coopération avec deux collectivités françaises :
- avec une commune de 5000 habitants elle développe depuis 1975 un jumelage puis une coopération
décentralisée aujourd’hui centrée autour de l’appui institutionnel à la municipalité, de la lutte contre la
pauvreté et de la création d’équipements et d’outils de gestion urbaine et économique.
- avec une commune de 2000 habitants, elle développe une coopération décentralisée dans le domaine
culturel, sportif, de la formation des technicien et des élus et de la gestion des déchets depuis 2004.
Dans un contexte de conflit avec le comité de jumelage de sa plus ancienne ville de coopération, le
maire de la commune burkinabé a amené les élus des deux villes à se rencontrer au Burkina Faso et à
prendre conscience conjointement de l’intérêt de développer une réelle relation de coopération
décentralisée et de se concerter à trois.
Il s’en est suivi 18 mois de contacts entre les élus des trois villes qui ont abouti à :
- l’élaboration d’un projet commun entre les trois villes ;
- la présentation d’un projet commun à la DAECT ;
64
idem
65
Conversy J., op. cit.
66
Zagre, op. cit.
Pendant 25 ans ce département a essentiellement joué un rôle d’appui financier à ces acteurs locaux
qui regroupent près de 1000 bénévoles, apportant environ 1,24 millions d’euros.
A partir de 2005 à l’occasion d’une alternance politique départementale, les nouveaux élus du Conseil
Général commanditent une évaluation de la coopération décentralisée puis sur cette base entreprennent
de faire évoluer le dispositif de coopération en passant :
- d’un financement automatique des projets des comités de jumelage à un appel à projet voté par le
conseil général ;
- d’une relation bilatérale entre le Conseil général et les comités de jumelage à la mise en place d’un
cadre de concertation composés de représentants du départements, des collectivités territoriales
impliquées et des représentants de comités de jumelage ;
- d’une relation strictement financière à une relation d’appui (formation, information, conseil…).
Mais la durée nécessaire à la conception et la mise en œuvre de ce nouveau dispositif n’est pas sans
poser de problèmes sur le plan opérationnel.
La coopération décentralisée a potentiellement une véritable valeur ajoutée par rapport aux autres
modalités de coopération : un fondement politique, une coopération dans la durée, une capacité
d’appui institutionnel, une relation qui va au-delà des projets, une connaissance de l’intérieur des
problématiques que vont vivre les collectivités territoriales en cours de mise en place, des situations de
référence avec les pratiques de coopération dans les pays voisins, etc. Cette valeur ajoutée, fait
naturellement de la coopération décentralisée une modalité de coopération complémentaire aux autres
formes de coopération.
67
Collombon et Sanou, op. cit.
L’analyse sur la longue durée des pratiques des collectivités locales en matière de coopération
décentralisée avec les pays du Sud permet d’identifier que les pratiques de coopération décentralisée
évoluent et peuvent se caractériser autour de quatre grands types d’approches68. Souvent ces quatre
grands types d’approche se succèdent dans le temps. Une coopération décentralisée ayant pu passer
depuis sa mise en place par chacune de ces approches, même si cela n’a aucun caractère
« automatique », des coopérations -par choix ou par inertie- pouvant décider de rester sur une de ces
approches.
Une évolution en cours, la coopération basée sur les enjeux des partenaires : l’approche
intérêt mutuel
Cette quatrième phase de l’évolution de la coopération décentralisée répond à la recherche d’une
approche de co-opération où la coopération décentralisée devient un enjeu de politique publique locale
pour les collectivités locales partenaires.
Elle débouche logiquement sur l’intégration de la coopération décentralisée dans les politiques
publiques locales et donc dans les dynamiques locales au niveau des territoires des deux collectivités
partenaires.
Elle se traduit par un travail de fond entre collectivités sur l’identification des enjeux de chacune des
villes, sur la clarification du pourquoi coopérer, et sur la précision de l’intérêt mutuel qui lie les deux
collectivités et qui permet de clarifier les modalités du partenariat et de prioriser les actions à mettre en
œuvre.
Cette typologie des approches de la coopération décentralisée peut alors se représenter comme suit :
68
Analyse présentée lors du colloque de CUF – CRID à la Sorbonne : « la coopération décentralisée change-t-elle de sens ? »
69
idem
Elaboration : CIEDEL
70
Parole d’un élu du Conseil Général de l’Aube, film « de Mbour à l’Aube », association Aube – M’bour - CIEDEL, 1996.
La relation de jumelage :
Une grande partie des relations de coopérations décentralisée s’inscrivent dans le cadre de relations de
jumelage.
Ces relations concernent majoritairement des communes françaises de petite taille (moins de 10 000
habitants), des relations anciennes (antérieures aux années 90), mobilisant des financements limités
(moins de 20 000 euros par an), mobilisant rarement des financements du MAEE ou issus de la loi
Oudin Santini.
Elles se caractérisent comme suit :
- La collectivité territoriale française et le village, le département ou la province burkinabé ont
signé un document cadre (charte, protocole, convention…) ;
- La collectivité territoriale française délègue à un comité de jumelage la mise en œuvre de la
relation avec le territoire partenaire, ce comité de jumelage agit au nom de la collectivité française
et en son nom propre, mobilisant à la fois des fonds publics et des fonds privés ;
- Le comité de jumelage burkinabé, généralement antérieur à la mise en place de la collectivité
territoriale burkinabé, est l’interlocuteur direct du comité de jumelage français et est rarement lié
à la collectivité burkinabé par une convention. La relation entre la collectivité territoriale et le
comité de jumelage pouvant être nulle, simplement informative ou de concertation.
Elaboration : CIEDEL
De fait, la relation entre le comité de jumelage burkinabé et la collectivité territoriale est souvent
tendue, voire conflictuelle.
Ceci s’explique tout particulièrement par le pouvoir que détient le comité de jumelage burkinabé,
attributaire direct des fonds, ordonnateur des dépenses et qui -volontairement ou non- s’inscrit dans
une relation clientéliste avec les personnes qui reçoivent un bénéfice par son action.
Dans une des collectivités rencontrée, le comité de jumelage parraine près de 2000 enfants
« nécessiteux », opération par laquelle il remet annuellement une somme de 40 000 FCFA par enfant à
sa famille, soit un budget de plus de 100 000 euros distribués annuellement sur le territoire communal.
Il est facile d’imaginer le poids politique que représente une telle manne financière, et la tension que la
gestion et l’octroi d’une telle manne peut faire peser au sein du territoire.
Un jumelage de 20 ans :
Un jumelage entre une grande ville burkinabé et une ville moyenne française, existe depuis 20 ans.
Un changement de vision des collectivités territoriales françaises par rapport aux rôles respectifs
du comité de jumelage et de la mairie ici et là-bas :
La communalisation intégrale amène les collectivités territoriales françaises à identifier qu’il existe
aujourd’hui différents interlocuteurs au niveau communal, et que ces interlocuteurs ont une légitimité
de nature différente ; ceci étant vrai tant au Burkina qu’en France. Cette prise de conscience, les amène
à se poser la question de la légitimité du comité de jumelage ici et là-bas par rapport à la commune et à
analyser la gouvernance de ces comités de jumelage.
Dans certaines communes rencontrées, les collectivités françaises ont pris l’initiative d’arrêter de
déléguer leur coopération à leur comité de jumelage, pour établir des relations directes de collectivité à
collectivité.
Un changement de vision, de position des élus burkinabés par rapport aux comités de jumelages
ou aux associations qui en tiennent lieu :
On note que des élus, tant de communes urbaines que de communes rurales, commencent à
questionner le fonctionnement, la gestion, le rôle, et aussi la légitimité de ces comités de jumelage.
Des élus burkinabé qui se positionnent en situation de force par rapport aux comités de
jumelage :
Dans une des communes visitées, les élus burkinabé ont rejeté la proposition de leur ville partenaire de
mettre en place un projet qui aurait été entièrement mis en œuvre au nom de la coopération par une
association tenant lieu de comité de jumelage.
Dans une autre commune, les élus municipaux ont eu recours à la police et au Comité National de
Jumelage pour organiser les élections du comité de jumelage de manière et renouveler un bureau qui
semblait être là à vie.
Un changement de vision tant de la collectivité locale française que de son homologue burkinabé.
Ce changement de vision permet de faire évoluer le jumelage par la mise en place d’une coopération à
deux niveaux : un jumelage mis en œuvre par les deux comités en accord avec leurs collectivités
territoriales respectives et une relation directe de collectivité à collectivité.
Dans plusieurs des communes rencontrées, cette double relation s’est mise en place selon le schéma
suivant : la relation de collectivité à collectivité est centrée sur les actions mises en œuvre autour des
domaines de compétences de la collectivité, tandis que le comité de jumelage continue ses actions
dans le domaine social ou associatif.
Cette évolution, qui n’est pas exempte de tensions, amène à refonder les relations entre la collectivité
territoriale burkinabé et les associations. Elle contient en elle de fait une perte progressive de poids du
comité de jumelage et de la relation de jumelage.
Dans le cadre de la coopération vieille de 25 ans entre un département français et des collectivités de
son territoire et une province burkinabé, jusqu’en 2004, l’essentiel des actions était porté par des
comités de jumelage ou des associations locales.
Par exemple le département avait sollicité le MAEE en 2004 pour le financement d’un orphelinat. Le
projet était porté en France par une association faisant office de comité de jumelage départemental et
au Burkina Faso par l’autorité provinciale et une congrégation religieuse.
Aujourd’hui une relation de coopération décentralisée s’est mise en place entre le département, des
collectivités territoriales de son territoire et la Région où est située la province burkinabé et les
communes de cette province.
Cette coopération vise maintenant à favoriser les projets « d’appui institutionnel et de développement
durable »71.
71
Protocole de coopération Département de la Seine Maritime / Région du Centre Nord juin 2007
Elaboration : CIEDEL
Ce sont des actions qui, de fait, sont assez similaires aux actions que peuvent mettre en œuvre des
projets (les différents PADL par exemple) ou des ONG.
Une relation entre une commune française et une commune burkinabé est confiée à une ONG
burkinabé qui est à la fois l’opérateur de la relation de coopération, mais aussi co-maître d’ouvrage des
actions mises en œuvre car mobilisant par ses réseaux internationaux des financements publics
français. Face à cet opérateur, la collectivité burkinabé est totalement démunie pour pouvoir négocier
et faire évoluer la relation de coopération et l’approche mise en œuvre.
Elaboration : CIEDEL
De fait, la majeure partie des relations de coopérations décentralisées que l’on peut situer dans ce type,
sont en train d’expérimenter, de tester et pour le moment ne sont pas dans une logique de faire évoluer
leur relation vers un autre type.
La coopération entre deux grandes villes française et burkinabé est une coopération qui vise
essentiellement le renforcement des services municipaux.
Elle concerne principalement les domaines de :
- la propreté urbaine,
- la voirie et la signalisation lumineuse,
- les garages et ateliers municipaux,
- l’organisation générale des services,
- la police municipale,
- l’éclairage public,
- les espaces verts.
Cette coopération implique également des services publics non municipaux mais qui renforcent
l’action publique des villes : services de protection contre l’incendie, services de santé…
Dans le cadre de la relation entre deux Régions, ce sont 30 associations, entreprises et ONG du
territoire de la région française qui se sont impliquées, 12 lycées et centres de formation du territoire
de la région française qui sont actifs en matière d’échange de jeunes, 3 collectivités territoriales du
territoire régional français étudient la possibilité de mettre en place une coopération décentralisée et
plus de 30 professionnels burkinabé ont bénéficié d’une bourse de stage dans la région française.
Elaboration : CIEDEL
Chacun de ces types est adapté à un contexte local, une volonté politique des élus, et des moyens. Il ne
se s’agit pas de dire que l’un de ces types est supérieur à l’autre. Chacun est adapté à une situation.
Quand la situation change, le coopération tend également à changer.
Au moment de leur mise en place, l’essentiel de ces coopérations décentralisées sont soit des
jumelages, soit des coopérations « projet ». Ceci veut dire que les relations de coopération
décentralisée qui se modifient, le font à partir de ces deux types de relations. Sur la base l’échantillon
Elaboration : CIEDEL
Beaucoup de relations de jumelages sont en cours d’évolution vers l’un des trois autres types de
relation de coopération. Ces évolutions peuvent être de natures différentes :
- Il existe une relation de jumelage où les deux collectivités territoriales ont décidé conjointement
d’arrêter de déléguer leur relation au comité de jumelage, de la « remunicipaliser » totalement et
de passer d’une approche humanitaire à une approche d’appui institutionnel ;
- Dans d’autres cas, les collectivités territoriales sont passées d’une relation qui était exclusivement
de jumelage à une relation ou les deux comités de jumelage continuent à développer des relations
humanitaires ou d’aide au développement et où les deux collectivités territoriales ont mis en place
des relations directes pour des actions qui relèvent essentiellement de l’appui institutionnel ;
- …
Ces évolutions sont donc significatives de la capacité des relations de coopération décentralisée à
évoluer et en particulier de la capacité des relations de jumelage - sous l’influence de l’évolution du
contexte avec la mise en place de la communalisation intégrale - à évoluer pour s’adapter au nouveau
contexte institutionnel et à rénover leur approche.
Alors que l’on présente souvent les relations de jumelage comme peu sensibles aux évolutions,
l’analyse des pratiques sur le terrain montre que le travail des organismes d’appui, les évaluations
externes, la diffusion de l’information sur l’évolution du contexte et la réflexion interne des membres
des comités de jumelage et des élus des collectivités… permet de faire évoluer ces relations vers de
relations plus adaptées à la situation et aux enjeux actuels des collectivités territoriales burkinabé.
Les autres types de relation sont eux relativement stables, et de fait, la majorité des collectivités
territoriales impliquées dans des relations d’aide au développement, d’appui institutionnel ou de
coopération de territoire à territoire ne souhaitent pas changer de type de relation.
Recommandations opérationnelles :
Ces recommandations reposent à la fois sur une volonté des collectivités partenaires d’améliorer leur
partenariat et sur un engagement des dispositifs d’appui (cf la partie VI du présent rapport) dans
l’amélioration de la qualité des relations de coopération.
Elles sont réalisables à court terme.
Renforcer les compétences des collectivités françaises sur les questions clefs de la coopération
décentralisée :
Appui institutionnel, développement économique, concertation avec les acteurs du territoire… sont
autant de questions clefs sur lesquelles la coopération décentralisée est attendue.
L’analyse des pratiques des collectivités françaises au Burkina Faso mais aussi dans d’autres pays,
montre que la plupart des acteurs des collectivités territoriales (élus, techniciens, associations et
bureaux d’étude opératrices) n’ont pas une compréhension claire de ces problématiques, et donc sont
très mal armés pour mettre en œuvre des relations de coopération décentralisée qui les intègrent.
Il semble opportun qu’élus et techniciens puissent renforcer leurs compétences sur ces questions, en
s’impliquant dans des démarches de formation-action à partir de l’analyse de leurs pratiques, en
France, dans leur cadre de leurs relations internationales et dans le cadre de leurs actions de
coopération décentralisée avec les pays du Sud.
Ces démarches, qui pourraient regrouper plusieurs collectivités d’un même territoire, permettraient
d’une part de mutualiser les expériences des collectivités, d’autre part d’en faire une analyse croisée et
enfin de produire des connaissances partageables utiles pour la coopération décentralisée avec le
Burkina Faso mais aussi pour d’autres relations internationales et pour le fonctionnement même des
collectivités territoriales sur leur territoire en France.
Mettre en place des dispositifs institutionnels qui placent les collectivités burkinabé en position
de réelle maîtrise d’ouvrage :
La majeure partie des dispositifs politiques, techniques et financiers mis en place dans le cadre des
coopérations décentralisées, contribuent à contourner la collectivité burkinabé, la déresponsabilisant
par rapport au fonctionnement même de la relation de coopération.
Un travail est à faire, au niveau des partenaires de coopération décentralisée pour construire de
manière concertée des partenariats qui permettent de placer chacune des collectivités face à ses
responsabilités (politiques, techniques et financières) et pour les faire évoluer au fur et à mesure de la
montée en puissance des collectivités burkinabé.
Elles pourraient déboucher ensuite sur un temps de travail entre les deux collectivités partenaires, pour
construire leurs propres dispositifs, puis les analyser régulièrement pour les faire évoluer et les adapter
aux évolutions du contexte et des collectivités.
Dans le même temps, il est bien connu que la coopération décentralisée est fondamentalement inégale,
certains territoires, certaines collectivités ayant de nombreuses coopérations d’autres non.
Il est donc assez clair que les collectivités qui ont le plus de coopération décentralisée sont celles qui
auront le plus de moyens pour être en mesure d’accéder au FPDCT, ce qui risque d’augmenter encore
les inégalités entre collectivités territoriales.
Au regard de l’expérience accumulée par les collectivités françaises, il pourrait être proposé que les
coopérations décentralisées, en accord avec le MATD contribuent à la mise en place de dispositifs
d’appui intercommunaux (par exemple à l’échelle provincial) à la décentralisation.
Ces dispositifs, qui pourraient s’inspirer de l’expérience des CCC (centres de conseil communaux) du
Mali qui en l’espace de deux mandats électifs ont permis aux communes d’acquérir une véritable
existence et compétence, sont des dispositifs qui peuvent être relativement légers : deux ou trois cadres
par province dotés d’un bureau, de documentation, de moyens de déplacement (motos) et dotés d’un
dispositif d’appui et de coordination national.
Enfin, l’argent étant une des contraintes majeure des collectivités, au Burkina Faso, mais aussi de plus
en plus en France, une des orientations de la coopération décentralisée peut être de construire des
compétences d’une part de mobilisation de la fiscalité locale, d’autre part de bonne gestion des
Ces compétences sont à construire tant du côté des collectivités françaises que burkinabé, et pour de
nombreuses collectivités territoriales, la coopération décentralisée peut être un moyen pour acquérir
les compétences administratives mais surtout partenariales pour concevoir, formuler et mettre en
œuvre des projets qui répondent aux politiques internationales des bailleurs de fonds.
Recommandations stratégiques :
Ces recommandations sont d’ordre plus général, et ne concernent pas spécifiquement les relations de
coopération décentralisée franco-burkinabé. Leur mise en œuvre demandera une prise de conscience et
un engagement dans la durée des différents acteurs de la coopération décentralisée.
Elles ne pourront être réalisées qu’à moyen ou long terme.
C’est l’articulation entre la clarification des motivations à coopérer et la production d’un diagnostic
partagé qui permettra un portage politique réel de la coopération décentralisée par les élus. En effet,
cela permettra à chaque élu d’identifier clairement pourquoi il coopère, ce qu’il peut en attendre pour
sa collectivité et ce que son partenaire en attend pour sa part. Plus les attentes de part et d’autres seront
claires et porteront sur des enjeux de fond, plus la coopération sera au cœur de l’agenda politique des
élus et donc plus elle sera portée politiquement, porteuse de sens et riche de réalisations.
Centrer la coopération décentralisée des collectivités territoriales sur ce qui fonde leurs rôles et
leurs responsabilités :
La coopération décentralisée n’a pas pour vocation de résoudre tous les problèmes ni de se substituer
aux autres acteurs. La plus-value de la coopération décentralisée est de pouvoir agir sur ce qui fonde
l’existence des collectivités territoriales.
72
Un exemple de ces responsabilités est donné dans le document « réduire les inégalités par des politiques publiques
locales », CIEDEL-Réseau Impact, 2009.
En France et au Burkina Faso comme dans les principaux pays de coopération, le développement de la
coopération décentralisée s’est accompagné de la mise en place d’un ensemble de dispositifs d’appui.
Les évaluateurs n’avaient pas mandat ni légitimité pour évaluer ces dispositifs en tant que tels, par
contre, l’évaluation a permis de dresser un panorama global des dispositifs d’appui à la coopération
décentralisée franco-burkinabé et d’en évaluer de manière globale l’efficacité, l’efficience, la
cohérence et les effets en matière de synergie entre les acteurs.
Dans un premier temps, l’évaluation a cherché à dresser un panorama des dispositifs existant et de
leurs principales caractéristiques, en visant à donner une représentation analytique de la réalité de ces
dispositifs.
Le premier constat qui ressort de l’évaluation est la diversité (diversité qui parfois tend à
l’atomisation) des dispositifs d’appui en France comme au Burkina Faso. Nous pouvons en effet
recenser, de manière non exhaustive, comme organismes d’appui à la coopération décentralisée :
- Au niveau International
o Les associations de pouvoirs locaux par famille (AIMF, AIRF), qui par exemple financent
des actions de coopération décentralisée (AIMF73), réalisent des actions de formation
(AIRF) ;
- En France
o Les pouvoirs publics français à travers la DAECT du MAEE et les SGAR en région
o Les organisations « catégorielles » des gouvernements locaux (AMF, ADF, ARF) qui ont
chacune un service d’appui aux relations internationales et à la coopération décentralisée
appuyé par la DAECT ;
o Les organisations transversales des gouvernements locaux (CUF) également appuyées par
la DAECT ;
o Les réseaux régionaux d’appui à la coopération décentralisée et la solidarité internationale,
présents à ce jour dans près de la moitié des régions françaises (ALCID, CERAPCOOP,
CERCOOP, Horizons Solidaires, Lianes Coopération, RESACOOP…), appuyés par la
DAECT ;
o Les collectivités territoriales elles-mêmes. Par exemple à travers la mise en place de
dispositifs financiers régionaux (FRASICOD74 en Pays de Loire) ou de dispositifs
techniques et financiers départementaux (CG 76, CG 86…) ;
o L’ambassade du Burkina Faso en France dont l’appui à la coopération décentralisée est
une des missions ;
o Les réseaux et organisations thématiques nationaux (F3E, PSEau, Agence Mondiale de
Solidarité Numérique…) ;
73
« l’AIMF apparaît comme une institution qui fait efficacement son travail de coopération : celui de livrer des projets
répondant aux besoins de ses membres » Bilan institutionnel de la francophonie – ACDI- cité dans le document
programmation stratégique 2009-2013 de l’AIMF. A ce titre l’AIMF qui a huit membres burkinabé, contribue au montage
et/ou au financement d’une dizaine de projets au Burkina Faso
74
Dispositif financé à parité entre l’Etat et la Région Pays de Loire
- Au Burkina Faso
o Les pouvoirs publics burkinabé à travers la DCOD du MATD et la CONACOD ;
o Les organisations « catégorielles » des gouvernements locaux (AMBF, ARBF) ;
o Les organisations transversales des gouvernements locaux et acteurs associatifs liés
(MCD, CNJ) ;
o L’Ambassade de France au Burkina dont l’appui à la coopération décentralisée est une de
ses missions mises en œuvre au niveau du SCAC comme de l’AFD ;
o Les Ambassades d’autres pays ou les services par elles mandatés comme le DED pour
l’Allemagne qui pilote l’appui au programme de jumelage tripartite ;
o Les bureaux d’études, ONG et consultants individuels qui remplissent une fonction
d’appui à la demande de certaines collectivités (ACDIL, SOS Sahel International,
YIRIWA Consult…).
Les différents dispositifs identifiés remplissent des fonctions qui correspondent à trois grandes
catégories :
- politiques :
Il s’agit de dispositifs qui ont un rôle dans la définition et la mise en œuvre d’orientations pour les
actions et relations de la coopération décentralisée, orientations qui s’appliquent aux collectivités
concernées (ex. la DCOD a une fonction de tutelle sur les collectivités territoriales et les relations
de coopération qu’elles entretiennent ; la DAECT a une fonction de définition des orientations en
matière de coopération décentralisée, l’AMBF, l’ARBF, l’AMF, l’ADF, l’ARF… définissent des
orientations pour leurs membres en matière de coopération décentralisée.
Cette fonction n’est pas -au sens strict- une fonction d’appui. Pour de nombreuses organisations
(et pour les collectivités territoriales qui en bénéficient) elle est indissociablement liée aux
fonctions d’appui. A continuation elle est intégrée comme une des catégories des fonctions
d’appui.
- techniques :
Il s’agit de dispositifs qui interviennent dans :
o des fonctions d’appui : appui conseil aux collectivités, appui logistique, formation, échange et
mutualisation des expériences, information… aux acteurs de la coopération décentralisée.
o des fonctions opérationnelles : mise en œuvre de tout ou partie des programmes de
coopération décentralisée, intermédiation financière et montage de projet…
o des fonctions de médiation : appui à la résolution des conflits entre acteurs de la coopération
décentralisée (collectivités françaises et burkinabé, collectivités et comités de jumelage…)
Là aussi, ces fonctions débordent de l’appui au sens strict. Mais, dans la pratique ces fonctions
sont imbriquées les unes aux autres. Elles sont donc regroupées dans la catégorie de l’appui
technique.
- financières :
Il s’agit de dispositifs qui contribuent au financement des acteurs de la coopération décentralisée,
souvent sur la base de modalités incitatives (cofinancement) et sur des bases qui sont de plus en
plus souvent celles de l’appel à projet. Ces fonctions financières comprennent aussi l’instruction
des dossiers, le suivi et le contrôle de l’exécution ainsi que l’intermédiation financière par rapport
à des bailleurs de fonds institutionnels.
Ces fonctions financières devraient en théorie être séparées des fonctions d’appui, mais la pratique
en cours montre qu’elles sont imbriquées avec les autres fonctions techniques et politiques. A
continuation elles sont prises en compte comme une des catégories des fonctions d’appui.
Médiation
FONCTIONS
Concertation Représentation POLITIQUES
Mise en réseau
Mutualisation / Tutelle
Capitalisation
Orientation
Interconnaissance
FONCTIONS
TECHNIQUES
Information
Financement
Formation
Instruction
Dans la pratique, on constate que beaucoup de dispositifs s’inscrivent sur plusieurs catégories de
fonction, articulant ou cherchant à articuler des fonctions techniques, politiques et de financement. Or
ces articulations ne sont pas toujours pertinentes. En effet, certaines fonctions sont difficilement
compatibles entre elles et demandent que soit réuni un certain nombre de conditions pour pouvoir être
mises en œuvre conjointement de manière positive.
Parmi ces dispositifs d’appui, il est possible d’identifier trois grandes catégories de conditions d’accès
à leurs principaux services :
Là aussi, beaucoup de dispositifs existant présentent des conditions d’accès mixtes. C’est par exemple
le cas de la MCD, qui a un caractère de service public (toutes les délégations de collectivités
territoriales qui le demandent sont reçues pour un entretien), un caractère associatif (seules les
collectivités qui payent leur adhésion sont membres) et payant, les collectivités pouvant
contractualiser la réalisation d’une prestation (organisation de la convention d’affaire dans les Hauts
Bassins par exemple). Cette ambigüité sur les modes d’accès brouille l’image et peut alors amener à
une vision déformée du dispositif, comme c’est le cas chez une des personnes rencontrée pour qui « la
MCD est un bureau d’études des collectivités françaises ».
- légitimité politique
C’est le cas de dispositifs publics et des dispositifs des organisations de gouvernements locaux,
qui sont issus d’une volonté politique et piloté -pour le moins partiellement- sur le plan politique,
- légitimité institutionnelle
C’est le cas des dispositifs qui représentent les organisations de pouvoirs locaux,
- légitimité technique
C’est le cas en particulier des réseaux mais aussi des opérateurs privés, dont la légitimité ne repose
que sur la compétence technique, qui peut être plus ou moins prononcée,
- légitimité financière
C’est le cas de certains dispositifs publics dont la légitimité repose prioritairement sur l’enveloppe
à disposition plus que sur la légitimité technique ou politique.
A chaque type de légitimité, correspond la capacité à agir dans un champ de l’appui (financier,
politique, technique, …). Dans certains cas, la légitimité des dispositifs d’appui n’est pas clairement
affirmée ni affichée, posant la question de la légitimité réelle du dispositif d’appui par rapport aux
fonctions assumées ou revendiquées.
Enfin, les différents dispositifs ont des champs d’actions et des moyens différents. Si bien aucun n’est
spécifique à la coopération décentralisée franco-burkinabé comme telle, les champs d’actions varient
entre :
- la coopération entre un département français et une ou des collectivités territoriales au Burkina
Faso situées sur un territoire cohérent ou non (CG 76, CG 86)
- la coopération décentralisée avec le Burkina Faso (MCD, CNJ, …)
- la coopération française avec le Burkina Faso (SCAC)
- l’action extérieure des collectivités territoriales françaises (DAECT, CUF, ARF, ADF, AMF,
…)
- la coopération décentralisée (AIMF, AIRF)
- la coopération décentralisée et la solidarité internationale (réseaux régionaux, …)
- la coopération décentralisée et la solidarité internationale autour d’une thématique (PSEau, …)
Des dispositifs entre lesquels rôles et fonctions ne sont pas distribués de manière
formelle :
Enfin, entre ces différents dispositifs, rôles et fonctions n’ont jamais été distribués de manière
complètement formelle, voire évoluent dans le temps. Cette évolution va dans le sens d’une
augmentation du nombre et du type des dispositifs d’appui au fur et à mesure qu’augmente la prise de
conscience de l’enjeu de l’action internationale pour les collectivités territoriales. Ceci entraîne d’une
part un manque de lisibilité des dispositifs et d’autre part des redondances entre les actions et fonctions
des dispositifs.
Fonctions
politiques
Fonctions
financières
Fonctions
techniques
France MAEE Préfecture ARF ADF AMF CUF Fonds Dispositifs Ambassade Réseaux Réseaux ONG et
DAECT SGAR régionaux : des conseils du Faso Régionaux nationaux Bureau
FRASICOD généraux d’études
Fonctions
politiques
Fonctions
financières
Fonctions
techniques
Elaboration : CIEDEL
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 87/122
62. Le bilan :
L’évaluation globale de ces dispositifs d’appui permet de faire ressortir plusieurs grandes conclusions,
essentiellement dans le champ de l’appui technique75 :
Entre des élus burkinabé qui confondent les fonctions de la MCD et de la DCOD, des délégations des
collectivités territoriales françaises (quelquefois accompagnées de leurs homologues burkinabé) qui
lors de chaque passage à Ouagadougou vont rencontrer successivement le SCAC, la DCOD, l’AMBF
et la MCD, des collectivités territoriales ou comités de jumelages à la fois adhérentes à un réseau
départemental et à CUF, des collectivités territoriales membres de CUF et de la MCD ... l’efficacité du
système est globalement limitée : les messages reçus lors des différents entretiens, les contenus des
réunions, les services offerts par les différents dispositifs sont peu différents.
En revanche, globalement, l’ensemble des dispositifs d’appui en France comme au Burkina Faso
défendent des orientations similaires en matière de coopération décentralisée, conseillant de donner
aux collectivités territoriales le rôle d’acteur central, de mettre en place des mécanismes permettant
aux collectivités burkinabé de renforcer leur capacité de maîtrise d’ouvrage, de donner la priorité à la
mise en place de système de gestion des services publics sur la construction d’équipement et au
renforcement du rôle économique de la collectivité territoriale plus qu’au développement de postes de
charge.
Le caractère itératif de ces orientations, le questionnement des pratiques anciennes (coopération
container, …), les réflexions sur le rôle et les responsabilités de chaque acteur, l’information sur le
cadre règlementaire, contribuent lentement, parfois par « imprégnation » à faire évoluer les
coopérations décentralisées, comme le montre dans le chapitre antérieur l’analyse de la typologie des
coopérations et de ses évolutions.
Dans le même temps, la majeure partie des dispositifs d’appui étant amenée à répondre à toutes les
demandes d’appui, cela entraîne un nivellement de l’appui par le bas, la majeure partie des dispositifs
étant absorbée par la réponse aux très nombreuses demandes qu’ils reçoivent, demandes qui
concernent des questions générales et très diversifiées. En effet tous les dispositifs d’appui ayant une
fonction technique « croulent sous les demandes ». Ceci empêche les dispositifs d’appui de fournir des
réponses de qualité sur des questions pointues, que ce soit en parvenant à obtenir l’information
pertinente par rapport à la demande ou à fournir des éléments de compréhension de situations
complexes qui ne permettent pas toujours de donner une réponse tranchée, tant les réalités
institutionnelles sont mouvantes sur certaines questions de fond.76.
Par exemple, des collectivités françaises, à la fois membres de CUF et de la MCD, en contact avec les
principaux dispositifs existant (en France comme au Burkina Faso) témoignent ne pas avoir obtenu de
réponses sur des questions de fond comme les questions suivantes :
- quelles sont les différents circuits légaux de transfert financier entre les collectivités
françaises et burkinabé, leurs avantages et inconvénients ?
75
Les fonctions politiques et financières sont traitées dans la partie suivante sur l’évaluation de la politique française d’appui
à la coopération décentralisée.
76
Dans un pays où la décentralisation est un processus en cours, les textes officiels sont produits lentement, sont souvent en
décalage avec les pratiques et il n’est pas toujours possible de fournir une réponse absolue.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– août 2009- CIEDEL - Page 88/122
- quelle est la possibilité légale de mise en place de dispositifs associant des communes au
Burkina Faso tant que les textes règlementaires sur l’intercommunalité ne sont pas parus ?
- quelles sont les compétences respectives de l’Etat et des collectivités burkinabé dans le
recouvrement et la gestion de la fiscalité locale ?
- une collectivité territoriale française peut-elle octroyer une subvention à une association
étrangère ?
Pourtant, les échanges avec d’autres collectivités (souvent membres de CUF et de la MCD) montrent
que sur chacun de ces points des pratiques existent, des études ont été réalisées qui permettraient de
donner réponse à ces questions techniques. Mais les dispositifs d’appui, concentrés sur la réponse à un
ensemble très diversifié de demandes ont tendance à concentrer leur effort sur la réponse aux
demandes les plus « basiques », qui demandent le moins de temps (demandes d’information sur les
financements par exemple).
Les questions de fond, qu’elles soient techniques (comme celles-ci-dessus) ou plus globale comme :
• comment faire pour que la coopération décentralisée soit réellement un moyen de renforcer la
collectivité partenaire ?
• comment mettre en place des espaces de dialogue politique ?
• comment construire une coopération décentralisée d’intérêt mutuel avec un retour pour le
territoire de la collectivité territoriale française ?
ne sont alors pas ou peu traitées par les dispositifs d’appui.
Ceci a pour conséquence d’éloigner les collectivités territoriales les plus « professionnelles » des
dispositifs d’appui, la trop grande diversité des attentes faisant que celles-ci ne répondent plus à leurs
besoins.
En corollaire, les dispositifs d’appui, soumis à une demande forte, sont peu dans une démarche d’aller
vers les collectivités territoriales et plus vers une logique de réponse aux demandes. Ceci a pour
conséquence que des collectivités territoriales qui auraient de réels besoins d’appui ne sont pas
concernées non plus par l’appui.
… car si la demande d’appui explose elle reste mal connue par les dispositifs eux-
mêmes...
Les demandes adressées aux dispositifs d’appui augmentent de manière régulière77. Toutefois, à ce
jour, il n’existe pas réellement de diagnostic de ces demandes pour aller au-delà des demandes initiales
et identifier les enjeux sur lesquels les collectivités territoriales françaises comme burkinabé requièrent
un appui technique, pour identifier les besoins, besoins qui concernent d’ailleurs souvent autant les
petites collectivités que les plus importantes !
Ceci concourt donc à concentrer les réponses des dispositifs techniques sur les questions générales, les
questions plus spécifiques (comme celles mentionnées ci-dessus) n’étant pas identifiées comme des
questions centrales par le plus grand nombre de coopération décentralisée.
… et les demandeurs d’appui ne savent pas à qui s’adresser faute d’un panorama
clair des dispositifs d’appui :
La grande majorité des collectivités territoriales françaises en coopération avec des collectivités
burkinabé, d’une part n’ont pas une vision claire du panorama des acteurs de l’appui à la coopération
décentralisée, en sachant qui fait quoi et donc à qui il faut s’adresser pour un point particulier, et
d’autre part trouvent que effectivement il y a redondance entre les fonctions assumées par plusieurs
des dispositifs d’appui.
Ceci ayant un effet dissuasif pour certains acteurs de la coopération décentralisée qui -même s’ils
continuent à solliciter les différents dispositifs existant- perdent confiance dans ceux-ci et le font plus
77
Dans son rapport d’activité 2007, la MCD comptabilise avoir reçu 132 délégations.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– août 2009- CIEDEL - Page 89/122
soit pour ne pas être absent (réunion d’échange au niveau régional, réunion du groupe pays CUF par
exemple), soit par courtoisie (visites au SCAC, DCOD et MCD par exemple).
Les réponses ne s’appuient pas assez sur des regards partagés entre le Burkina
Faso et la France…
Les dispositifs d’appuis restent souvent dans une logique « nationale », développant peu de regards
partagés franco-burkinabé sur la coopération décentralisée. En effet, dans la grande majorité des cas,
les dispositifs sont des dispositifs où ce sont des « français qui parlent aux français » ou des
« burkinabé qui parlent aux burkinabé », ce qui ne facilite pas une compréhension partagée.
Les ambassades du Burkina Faso en France et l’Ambassade de France au Burkina Faso, et les
« tribunes » ouvertes par certains dispositifs à des délégations étrangères (réunion du groupe pays
Burkina Faso de CUF, réunions des réseaux régionaux par exemple) remédient pour partie à cela.
Un recours plus systématique à des acteurs qui connaissent les deux réalités des collectivités
territoriales et qui puissent aider à cette fonction de traduction entre les deux réalités serait essentiel.
C’était une des intuitions et des ambitions de départ de la MCD, mais son évolution institutionnelle
récente ne va pas dans ce sens là.
L’action des dispositifs d’appui favorise peu la mise en synergie entre les acteurs de la coopération
décentralisée. A l’exception des dispositifs locaux -départementaux ou régionaux- (cf infra), les
dispositifs d’appui soit traitent de manière bilatérale avec les acteurs de la coopération décentralisée,
soit les juxtapose sans que cela permette de produire de synergies. Cela est lié au fait que pour
produire de réelles synergies, quatre facteurs au moins son nécessaires à réunir :
- une volonté politique,
Cette volonté politique de la collectivité territoriale passe par des orientations politiques claires en
direction d’un projet collectif des collectivités territoriales et l’implication d’un ou plusieurs élus
pour la mise en œuvre de ces orientations,
- des incitations financières,
La mise en place de modalités d’appui financier aux collectivités s’impliquant dans ce projet
collectif,
- un appui technique
La réalisation d’actions de formation, d’accompagnement, d’appui-conseil pour orienter les
collectivités impliquées dans la construction de ce projet commun,
- du temps
Enfin un engagement de long terme, de telles synergies ne pouvant se construire rapidement.
Dans plusieurs départements (et plus récemment dans certaines régions) des dispositifs d’appuis aux
coopérations décentralisées des collectivités territoriales du département avec des collectivités du
Burkina Faso ont été mis en place.
Ces dispositifs articulent les trois grandes catégories de fonctions :
- politiques,
Définition d’orientation pour la coopération décentralisée
- financières,
Mise en place de fonds pour les acteurs de la coopération décentralisée, sous forme de subvention
ou d’appel à projet
- techniques
Organisation de réunions d’échanges, de formation, et appui conseil individualisé.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– août 2009- CIEDEL - Page 90/122
Les trois grandes catégories de fonctions sont assumées par des personnes ou instances distinctes :
- fonctions politiques, assumées par un ou des élus au nom de l’assemblée délibérante,
- fonctions financières confiées à un comité d’octroi multi-acteurs
- fonctions techniques confiées à des opérateurs d’appuis externes compétents
Et l’ensemble est porté par l’institution publique départementale, avec dans certains cas la mise en
place d’un cadre de concertation multi-acteurs.
Ces dispositifs, construits dans la durée ne résolvent pas toutes les difficultés, en particulier quant à la
contribution à une évolution des acteurs français (élus et comités de jumelage) dans leur conception et
leur pratique de la coopération décentralisée, mais par l’intégration des trois types de fonction sur un
même territoire, facilitent les évolutions.
Certains dispositifs d’appui ont mis en place des groupes de travail restreints sur des questions
thématiques ou géographiques pour capitaliser leur expérience et produire. C’est par exemple le cas de
l’ADF qui a un groupe de travail « Afrique », qui a produit un guide pratique et méthodologique
« améliorer la qualité d’une politique publique de coopération décentralisée ».
La constitution de groupes réduits, relativement homogènes (collectivités de même niveau, travaillant
dans le même pays…) et intéressés par des problématiques communes permet de dépasser le stade de
l’information et des échanges, qui est utile mais pas suffisant pour déboucher sur un travail de
production commune des membres du groupe avec l’appui de l’ADF sur des thématiques d’intérêt
pour les membres du groupe.
Jusqu’à récemment les différents dispositifs ont développé peu de concertation entre eux. Plusieurs
raisons ont amené à cet état de fait :
- les différences de champs d’actions entre chaque dispositif,
- une certaine concurrence ou pour le moins méfiance entre dispositifs, et en particulier entre
dispositifs de natures différente, tant en France qu’au Burkina Faso.
C’est ainsi que pratiquement chaque dispositif d’appui technique développe son propre outil de
recensement des coopérations, à vocation interne ou externe :
- répertoire de CUF,
- répertoire de l’Ambassade du Burkina Faso en France,
- répertoire du SCAC,
- base de donnée DCOD / MCD,
- base de données des réseaux régionaux,
- base de données de la DAECT.
Ces outils ne sont pas interconnectés entre eux (et souvent incompatibles sur le plan de la nature de
l’information et de son traitement) et représentent un travail souvent redondant.
Cet état de fait est en train de changer progressivement, sous l’influence de plusieurs facteurs :
- la prise de conscience grandissante de l’importance des relations internationales et de la
coopération décentralisée,
- la multiplication des acteurs d’appui,
- l’augmentation des contraintes financières.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– août 2009- CIEDEL - Page 91/122
- des initiatives de répartition d’aires géographiques entre dispositifs d’appui. Par exemple
l’ADF et l’ARF font leur possible pour ne pas mettre en place de groupes de travail sur les
mêmes aires géographiques,
- la réalisation de missions conjointes entre différents dispositifs d’appui (mission conjointe
PSEau – CUF par exemple).
- des conventionnements entre organismes :
o la MCD a conventionné avec l’AMBF, devenant « l’outil technique des communes en
matière d’appui conseil et de promotion de la coopération décentralisée »78, sa présidence
étant assurée par le secrétaire de l’AMBF en charge,
o CUF a conventionné avec l’ADF, et des représentants de l’AMF, de l’ADF et de
l’ARF sont membres de droit de son bureau exécutif.
Les tensions sur le budget des collectivités territoriales seront-t-elles le facteur extérieur qui poussera à
la prise de conscience de l’intérêt à agir de manière concerté et de l’exigence de produire plus de
résultats ?
78
CUF, CR de la réunion de la cellule d’animation du groupe pays Burkina Faso du 24 février 2009.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– août 2009- CIEDEL - Page 92/122
63. Recommandations au niveau des dispositifs d’appui
Recommandations opérationnelles :
Les présentes recommandations en direction des dispositifs d’appui à la coopération décentralisée sont
des recommandations qui dépassent le seul champ des relations de coopération décentralisée franco-
burkinabé mais qui peuvent être mises en œuvre à l’initiative des dispositifs d’appui eux-mêmes et de
leurs bailleurs de fonds (collectivités territoriales, DAECT) à court terme.
Les Etats français et burkinabé, par leur poids dans le financement de ces dispositifs et par leur
responsabilité en matière d’appui à la coopération décentralisée ont un rôle essentiel pour inciter -sans
faire de l’ingérence- les différents dispositifs à mieux clarifier la répartition de leurs champs d’action,
de leurs rôles et fonctions.
Les collectivités territoriales, soit comme membres de ces dispositifs, soit comme bénéficiaires
supposés de ceux-ci ont également leur responsabilité dans la recherche d’une plus grande clarification
entre les différents dispositifs.
Enfin cette concertation ne sera toutefois possible que si les responsables politiques de ces dispositifs
sont convaincus de la nécessité d’optimiser le travail de chacun pour améliorer l’efficacité de
l’ensemble des dispositifs existants. Indéniablement cette prise de conscience est en grande partie
faite.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– août 2009- CIEDEL - Page 93/122
Ce portail, qui ne demande pas obligatoirement un travail très poussé aurait une fonction essentielle de
« cartographie » de l’appui et d’orientation des acteurs de la coopération décentralisée entre les
différents dispositifs.
Mettre en place des modalités souples de mises en contact entre collectivités autour de questions
thématiques :
Les dispositifs existants, en particulier CUF et l’AMBF-MCD peuvent développer des modalités
souples d’échanges entre collectivités territoriales impliquées dans les relations de coopération
décentralisée. La constitution et la mise à jour d’une liste des courriels des responsables de la
coopération décentralisée des collectivités territoriales en lien avec le Burkina Faso et la mutualisation
de cette liste entre tous ses membres pourraient permettre, quand une collectivité est confrontée à une
question, de la poser aux autres collectivités territoriales impliquées. Cela pourrait par exemple
permettre de diffuser simplement les informations sur les circuits financiers, sur les statuts
d’association de communes mis en place dans l’attente du statut de l’intercommunalité, …
Une version plus aboutie pourrait être la mise en place de forum sur Internet, mais qui demande des
moyens humains et donc financiers en termes d’animation.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– août 2009- CIEDEL - Page 94/122
Ceci pourrait se faire tant en France qu’au Burkina Faso et tant avec des acteurs burkinabé que
français.
Ce programme de travail, ici pensé pour la coopération franco-burkinabé pourrait de manière plus
réaliste se concevoir à un niveau sous-régional entre pays ayant des problématiques similaires,
Sénégal, Mali, Niger et Burkina Faso d’un côté et France et Belgique de l’autre. Cela faciliterait le
décloisonnement des acteurs et cela permettrait d’avoir un nombre de personnes potentiellement
intéressées suffisant pour justifier une telle action.
Recommandations stratégiques
Ce deuxième niveau de recommandations, concerne des orientations de moyen et long termes, dont la
mise en œuvre dépend essentiellement de l’engagement des acteurs locaux pour mettre en place et
faire vivre des dispositifs d’appui aux acteurs de leurs territoires. Or cet engagement se construit et se
met en place dans la durée.
Favoriser le rôle des niveaux supra communaux (départements, provinces, régions) en France
mais aussi au Burkina Faso :
Les expériences départementales ou régionales d’appui aux collectivités territoriales de leurs
territoires apparaissent comme très intéressantes, en termes d’accompagnement des collectivités et de
mise en synergie des coopérations.
La DAECT, dans son rapport sur la mutualisation, fait une analyse proche : « La coordination
d’acteurs appartenant à un même territoire en France correspond à un besoin, qui d’ailleurs s’est
manifesté presque spontanément, sans intervention de l’État. Il est intéressant de noter que les régions
qui “font le plus” en termes d’aide publique au développement (…) se sont toutes dotées de dispositifs
de coordination d’acteurs, et travaillent avec les départements, villes et groupements de leur ressort.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– août 2009- CIEDEL - Page 95/122
Il semble donc que l’échelon régional soit normalement le niveau pertinent de cette mise en
cohérence, mais cela ne veut certainement pas dire dans tous les cas “coordination par le Conseil
régional”.
Ou plutôt, on serait tenté de proposer pour celui-ci un rôle à deux niveaux :
- dans tous les cas, la Région est la collectivité qui fournit les outils aux collectivités,
groupements et acteurs de son territoire (statistiques, instruments de réflexion, réseaux régionaux,
cofinancements incitatifs…), sauf en ce qui concerne les réseaux nationaux, thématiques ou par
pays,
- dans certains cas, elle assure l’animation, voire la conduite opérationnelle de programmes et
projets, sachant que ce rôle peut, dans d’autres cas, appartenir à un département, une ville ou une
communauté.
A contrario, cela implique que le rôle de “chef de file” pour un partenariat, pour une réponse à un
appel à projets, voire pour la coordination des initiatives “régionales” sur un pays puisse être confié ou
reconnu à un département, une ville, une communauté »79.
L’analyse des dispositifs d’appui à la coopération décentralisée montre que pour la coopération
décentralisée franco-burkinabé le niveau départemental est aussi pertinent que le niveau régional. En
tout cas, les expériences existantes, en France comme au Burkina Faso, là aussi mériteraient d’être
analysées plus finement et d’être diffusées largement que ce soit par des cycles de témoignages des
acteurs de ces dispositifs, ou par une diffusion et une valorisation de documents écrits à travers les
dispositifs nationaux et régionaux.
79
Pougnaud Pierre, Coopération décentralisée : mutualisation, coordination et synergies, MAEE-DAECT, décembre 2008/
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– août 2009- CIEDEL - Page 96/122
VII. Evaluation de la politique française d’appui à la coopération
décentralisée franco-burkinabé du MAEE
La présente évaluation n’a pas pour ambition de présenter et d’évaluer l’ensemble de la politique
française d’appui à la coopération décentralisée burkinabé. Ce n’était pas son mandat, et elle n’en
avait pas les moyens. L’évaluation s’est attachée à faire le bilan de la politique française d’appui à la
coopération décentralisée franco-burkinabé et a donc mis l’accent sur les éléments de cette politique
qui ont un rapport direct avec la coopération décentralisée franco-burkinabé. Pour cela l’évaluation a
approfondi l’analyse des principaux instruments de cette politique. Ce sont principalement :
- des instruments de type réglementaire visant à orienter l’octroi des cofinancements des projets,
- des dispositifs institutionnels pour :
o la concertation avec les autorités locales françaises et leurs organisations,
o l’instruction, la prise de décision et le suivi des dossiers de cofinancement,
o l’appui direct ou indirect aux acteurs de la coopération décentralisée,
- un budget,
Ces instruments sont principalement ceux du MAEE, à travers la DAECT et l’AFD mais aussi ceux du
MIIINDS à travers le DDS.
Depuis 2002, un ensemble de modalités de financements se sont succédées suivant le tableau ci-
dessous, qui en montre la complexité :
Dénomination de la Organisme Années de mise en œuvre
ligne budgétaire gestionnaire
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
FSP Mobilisateur
MCNG/MAAIONG
- Crédits centraux MCNG MAAIONG
HCPER
- Crédits centraux CPER
Une relecture analytique des orientations contenues (pour les projets) dans les critères et conditions de
financement du MAEE et du MIIINDS depuis 2002, permet d’établir un tableau synoptique des
évolutions de ces orientations :
80
Par exemple : participation au financement des assises de la coopération décentralisée franco-burkinabé 2007.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– août 2009- CIEDEL - Page 97/122
Orientations générales Spécifications 2002 à 2006 2007 2007- 2008 2009
2005 2009
Orientation en termes de dispositifs :
- Portage de la demande par une collectivité française
- Portage par plusieurs collectivités
Mutualisation de moyens
Partenariats innovants (NNS, NNSS)
Mobiliser les acteurs du territoire
- Contractualisation des relations
Orientations thématiques
- Domaine de l’eau et de l’assainissement
- Secteur des NTIC
- Développement durable centres urbains, développement rural,
tourisme solidaire
- Echanges culturels et artistiques
- Association des jeunes
- francophonie
- protection de l’enfance privée de famille
- mobilisation des acteurs économiques
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– août 2009- CIEDEL - Page 98/122
On constate donc :
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 99/122
en particulier prioritaires les pays dans lesquels la France ou l’Union européenne ont engagé un
programme de soutien à la décentralisation », inscrivant ainsi l’appui à la décentralisation comme
une orientation prioritaire.
Enfin, à partir de l’appel à projet 2009, une nouvelle orientation apparaît qui va dans le sens de la
coopération de territoire à territoire, en privilégiant des candidatures portant sur « des projets dans
lesquels les collectivités territoriales mobilisent plusieurs acteurs de leur territoire », ainsi que sur
l’implication de jeunes (volontaires, …) dans les actions de coopération.
En 2006 a été menée une expérimentation de délégation de crédit au poste dans l’objectif de « mieux
articuler (la) coopération décentralisée avec les autres actions menées sur le territoire »81. Cette
expérience a été menée en parallèle dans plusieurs pays (Mali, Sénégal, Madagascar, Cambodge…).
L’idée à terme était d’évoluer vers un financement par les SCAC aux collectivités territoriales
burkinabé.
Dans la pratique, le bilan qui en a été tiré par rapport aux crédits centraux est le suivant :
- au niveau du SCAC, une réelle responsabilisation par rapport aux projets, par le fait de pouvoir
disposer de l’ensemble de la documentation technique, financière et administrative sur les
projets82 et par l’implication dans la décision en concertation avec les partenaires burkinabé. Cette
responsabilisation se manifestant par un souci de réalisation d’un suivi de la mise en œuvre des
projets, au moins sur le plan administratif (analyse des comptes-rendus d’exécution technique et
financier83) et pour les projets les plus importants (en particulier les projets pluriannuels) avec un
suivi de terrain,
- la localisation de la prise de décision sur le choix des projets au Burkina Faso permet de limiter
les possibilités d’interférences françaises dans la prise de décision, mais par contre occasionne
l’existence d’interférences burkinabé,
- un circuit administratif rallongé et complexifié par rapport aux crédits centraux, du fait des aller-
retour entre le poste et le MAEE,
- pour les projets pluriannuels (4 sur les 11 projets financés), le versement d’une nouvelle tranche
annuelle est conditionnée par la clôture budgétaire de l’année antérieure, ce qui a
considérablement ralenti la mise en œuvre des projets et rallongé leur durée d’exécution,
- une difficulté pour la DAECT de prévoir ex ante les enveloppes à affecter pour chaque pays, les
montants des demandes recevables variant fortement d’une année sur l’autre.
81
Julie Conversy, rapport de fin de mission, SCAC, mai 2008.
82
Pour les projets financés sur crédits centraux, souvent le SCAC ne dispose pas de copie des conventions de financement
entre le SGAR et la collectivité territoriale et ne reçoit pas les comptes-rendus techniques et financiers des collectivités
territoriales, ce qui démotive le SCAC de faire le suivi de ces projets.
83
A la différence des FSD, le SCAC se limite sur le plan du suivi financier à l’analyse des comptes-rendus financier mais
n’effectue pas de contrôle des pièces comptables.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 100/122
L’expérience n’a pas été renouvelée mais a mobilisé le SCAC jusqu’à 2009, certains projets n’étant
pas encore finalisés au moment où se déroulait l’évaluation.
La DAECT
La DAECT joue différents rôles :
Pour cela, la DAECT compte sur une équipe de huit personnes, dont un chargé de mission en charge
du Burkina Faso, mais qui a également en charge d’autres pays ainsi que les relations avec les
collectivités territoriales de cinq régions françaises.
Les SGAR
Les SGAR ont une fonction essentiellement technique :
- réception, instruction administrative et transmission des dossiers à la DAECT et à l’ambassade
(jusqu’à la mise en place de la procédure de dématérialisation),
- émission d’un avis « en particulier au regard de la complémentarité des projets avec les priorités
et les orientations stratégiques régionales et locales »84,
- conventionnement avec les collectivités territoriales,
- information aux ambassades,
- réception et validation des rapports d’exécution techniques et financiers.
84
Appel à projet national de soutien à la coopération décentralisée, DAECT 2009.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 101/122
Le SCAC
Il convient de différencier le rôle du SCAC à Ouagadougou, suivant qu’il s’est agi des crédits délégués
ou des crédits centraux :
Crédits délégués :
En 2006 a été menée une expérimentation de délégation de crédit au poste dans l’objectif de « mieux
articuler (la) coopération décentralisée avec les autres actions menées sur le territoire »85 Dans ce
cadre, le rôle du SCAC a été :
Crédits centraux :
Pour assurer ces fonctions, le SCAC a eu jusqu’en février 2009 un poste de volontaire international en
charge de la coopération décentralisée à plein temps. Les COCAC, les conseillers et l’Ambassadeur
participant également des relations avec les collectivités, particulièrement la réception des délégations.
85
Julie Conversy, op. cit.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 102/122
Appuis aux réseaux et rencontres : les mesures d’accompagnement
Parallèlement au dispositif d’appui technique public mobilisé par l’Etat français, la DAECT a mis en
place des « mesures d’accompagnement » visant à favoriser la diffusion et la compréhension de la
politique française d’appui à la coopération décentralisée en général et au Burkina Faso au particulier.
Production de références
La DAECT directement ou indirectement produit des références autour des questions clefs de la
coopération décentralisée, en particulier autour des questions clefs liées aux orientations de la
politique française en matière de coopération, comme par exemple dernièrement :
o sur le thème de l’appui institutionnel participation à la capitalisation menée par F3E, CUF et le
PAD Maroc sur « accompagner les collectivités territoriales du Sud dans la gouvernance de
leur territoire »87,
o sur le thème de la mutualisation, élaboration et la diffusion du rapport « coopération
décentralisée : mutualisation, coordination et synergies »88.
86
Conversy Julie, op. cit.
87
F3E, CUF, PAD Maroc, Accompagner les collectivités territoriales dans la gouvernance de leur territoire : comment la
coopération décentralisée peut-elle renforcer les capacités de maîtrise d’ouvrage des collectivités partenaires, avril 2009.
88
Pougnaud P. ; op. cit.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 103/122
Cet atlas et les outils connexes (bourse projet, extranet, télédéclaration…) en faisant un outil
d’information, de communication et de suivi.
Crédits centraux HCPER et CPER 560 000 330 000 500 000 300 000 50 000 0 1 740 000
Délégation de crédits au SCAC 400 000 300 000 300 000 1 000 000
Appel à projet triennal MAEE 380 000 390 000 770 000
Appel à projet annuel MAEE 100 000 200 000 300 000
Réseaux et rencontres pm pm pm pm pm pm
SOUS TOTAL MAEE 560 000 330 000 500 000 700 000 830 000 890 000 3 810 000
TOTALDES COFINANCEMENTS 560 000 330 000 500 000 700 000 830 000 1 036 000 3 956 000
Le nombre de dossiers financés est en moyenne de 20 sur la période, oscillant entre 16 en 2004 et 27
en 2006.
Entre 2003 et 2008, cela représente de fait le financement de 57 collectivités territoriales françaises
différentes et a bénéficié en tout à 82 collectivités territoriales françaises, plusieurs dossiers étant
présentés par une collectivité au nom de plusieurs autres.
Ceci est à rapprocher du nombre total de partenariats de coopération « vivants » identifié par
l’évaluation, qui se chiffre à 114.
Si chaque année, on peut estimer le nombre de collectivités territoriales ayant bénéficié d’un appui de
la DAECT et de la DDS à une vingtaine, soit moins de 20 % des collectivités territoriales ayant une
89
Du fait de la difficulté à obtenir des données consolidées, ce tableau donne des ordres de grandeur. Tous les montants ont
été arrondis et les financements pluriannuels ont été annualisés.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 104/122
coopération décentralisée avec le Burkina Faso, sur la période 2003-2008 ce sont plus de 70 % des
collectivités territoriales qui ont été bénéficiaires d’un cofinancement.
A ce jour, un seul projet de l’AFD s’articule avec une relation de coopération décentralisée entre une
collectivité territoriale burkinabé et une collectivité française. Ce projet, le projet de désenclavement
des quartiers périphériques de Ouagadougou, est réalisé en lien avec la ville et la communauté urbaine
de Lyon dans le cadre de leur coopération décentralisée avec la ville de Ouagadougou.
Ce projet est financé à hauteur de 15 millions d’euros par l’AFD sous forme de subvention. Il est
complété par l’appui à un autre projet de la ville de Ouagadougou un prêt de 5,15 millions d’euros
pour la réhabilitation du marché central de Rood Woko.
Un financement par l’AFD d’un projet de la commune de Ouagadougou qui ouvre des portes
pour une meilleure prise en compte de la coopération décentralisée par l’AFD.
Ce projet dont les différents acteurs s’accordent pour dire qu’il aurait été mis en œuvre aussi bien sans
articulation avec le Grand Lyon, que dans son montage actuel qui associe la commune de
Ouagadougou, le Grand Lyon et l’AFD, est avant tout un projet où l’AFD apporte son concours à une
collectivité territoriale (financement sous-souverain) la ville de Ouagadougou : « le bénéficiaire est le
maître d’ouvrage du projet avec lequel l’AFD passe une convention de financement qui lui confie la
responsabilité de l’exécution du projet »90.
En tant que tel, il s’agit avant tout d'un projet de maîtrise d’ouvrage communale de la ville de
Ouagadougou, autour de ses enjeux urbains, mis en œuvre suivant les principes et modalités propres à
l’AFD (par exemple sur le plan financier la commune de Ouagadougou est l’ordonnateur des
dépenses, mais le payeur en est l’AFD).
L’intégration d’une composante « coopération décentralisée » s’est faite par la prise en charge
conjointe par l’AFD et le Grand Lyon d’un poste d’assistant technique choisi parmi les cadres du
Grand Lyon : le Grand Lyon « continue à assurer sa rémunération de base, les coûts supplémentaires,
en particulier ceux qui sont liés à l’expatriation sont financés par le projet AFD »91.
De fait à ce jour cet Assistant Technique -qui n’est pas le représentant du Grand Lyon à
Ouagadougou- est positionné non pas en appui à la maîtrise d’ouvrage du projet -comme cela était
pensé au départ- mais comme « assistance technique auprès du Secrétaire Général de la commune de
Ouagadougou pendant trois ans »92.
90
L’AFD et la coopération décentralisée, des partenariats avec les collectivités territoriales françaises, AFD, janvier 2009.
91
idem
92
Fiche Lyon / Grand Lyon, in Répertoire des partenariats de coopération décentralisée franco burkinabé, octobre 2008,
CUF.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 105/122
- un projet de la ville de Ouagadougou, financé par l’AFD. Ce projet peut être considéré comme
résultant en partie de l’effet levier de la coopération décentralisée, mais en tant que tel ne rentre
pas dans la relation de coopération décentralisée
- un appui institutionnel à la ville de Ouagadougou, dans le cadre de la coopération décentralisée
Lyon-Grand Lyon / Ouagadougou avec une participation financière du projet financé par l’AFD.
Cette situation est représentative de l’analyse faite par la DAECT sur la coopération avec l’AFD :
« Nous partions d’une situation qui confinait à l’incompréhension mutuelle et rendait difficile un
partenariat d’ensemble, si l’on met à part quelques initiatives intéressantes, mais marginales,
exceptions qui au demeurant confirmaient la règle et justifiaient le statu quo. L’AFD faisait valoir son
identité bancaire et le peu d’intérêt qu’il y avait à prendre en gestion des dossiers de faible montant,
quel que soit par ailleurs leur effet catalyseur ou multiplicateur. Elle rappelait, avec raison que sa
mission était de financer, par prêts ou dons, des projets dans le pays partenaire, en l’occurrence au
profit de collectivités locales étrangères, et non pas de cofinancer une collectivité française dans
l’éventuelle relation avec cette dernière. De leur côté, les collectivités françaises ressentaient une
frustration de ne pas voir cette relation reconnue, les interventions de l’AFD se faisant comme si leur
présence par la coopération décentralisée n’apportait aucun “plus”.
Au cours de ces trois dernières années, les lignes ont bougé, même si les contraintes rappelées plus
haut subsistent dans une large mesure. »93.
Concertation tripartite (collectivité territoriale française, collectivité territoriale du Sud et AFD) dès la
conception du projet pour déboucher sur une stratégie commune et un conventionnement tripartite
inscrivant le projet dans la relation de coopération décentralisée, mise en place d’instruments adaptés
(concours locaux de faibles montants94, facilité coopération décentralisée95)… sont autant d’avancées
auxquelles l’expérience du projet de désenclavement des quartiers périphériques de Ouagadougou a
par ses limites et ses innovations contribué.
93
Pougnaud Pierre, op. cit.
94
« L’AFD peut appliquer une procédure rapide permettant de déléguer aux agences locales la décision de financement, pour
des projets de faibles montants au bénéfice d’une collectivité du Sud » L’AFD et la coopération décentralisée, op. cit.
95
« En liaison avec la DAECL, l’AFD pourra financer des actions de coopération décentralisée en complément d’un projet
au bénéfice d’une collectivité étrangère (…). Ces actions pourront être mises en œuvre par la collectivité française (…). Des
appels à proposition des collectivités locales pourront être lancés (…). Ils pourront avoir un caractère géographique (…) ou
thématiques (…)° ». idem
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 106/122
coopération décentralisée ou d’ONG. Par exemple, en 2008, sur les 19 projets recensés par PS-Eau
dans le cadre de la loi Oudin Santini au Burkina Faso, 5 concernent des coopérations décentralisées.
Un syndicat des eaux et une agglomération ont développé un programme avec 10 communes du
Burkina Faso autour de l’appui à la maîtrise d’ouvrage communale en matière de gestion de l’eau et de
la mise en place ou de l’extension de réseaux existants.
Ce programme a fait l’objet d’une convention entre les deux collectivités territoriales françaises,
l’Association des Municipalités du Burkina Faso (au nom des 10 communes) et l’ONEA (Office
National de l’Eau et de l’Assainissement, établissement public burkinabé). Son exécution a été
déléguée à une association française.
Dans le cadre de ce projet, des temps de rencontres entre élus et techniciens des collectivités
territoriales françaises et burkinabé et de l’ONEA ont commencé à se mettre en place pour permettre
d’une part un échange politique sur la politique de l’eau et un échange technique sur les modalités de
sa production, distribution et gestion.
Il existe donc un réel potentiel, financier mais surtout politique et technique par la mobilisation des
possibilités offertes par la loi Oudin Santini. Ses dimensions politiques et techniques demanderaient à
être autant travaillées que sa dimension financière.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 107/122
72. Le bilan : Une politique dont les résultats à ce jour restent timides.
La mise en regard du bilan des actions et relations de la coopération décentralisée par rapport aux
grandes orientations politiques depuis 2002, permet d’établir le bilan suivant par rapport aux grandes
orientations de cette politique :
Indéniablement cette orientation est celle dont la mise en œuvre est la plus aboutie, la majeure partie
des relations de coopération décentralisée s’étant aujourd’hui dotée d’une convention en bonne et due
forme entre les deux collectivités, convention délibérée de part et d’autre par les exécutifs des
collectivités territoriales.
Les leviers financiers et règlementaires du MAEE, martelés depuis maintenant plus de 10 ans par la
DAECT ont donc produit un réel résultat pour asseoir la spécificité de la coopération décentralisée,
même s’il reste encore des progrès à faire, en particulier en direction des coopérations plus
particulièrement portées par des comités de jumelages.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 108/122
n’est pas au centre des préoccupations des collectivités, comme cela a été amplement démontré dans le
cadre des évaluations des programmes concertés non gouvernementaux96.
Projet conjoint :
Deux collectivités territoriales françaises en relation avec deux collectivités territoriales burkinabé de
deux régions différentes ont présenté un dossier commun à l’appel à projet de la DAECT.
Les deux coopérations décentralisées sont mises en œuvre de manière indépendante, les seuls liens
étant :
- le transfert financier, le financement de la DAECT transitant par la ville chef de file du projet,
- la mobilisation en parallèle de certains prestataires de formation dans les deux collectivités
burkinabé.
Le seul bénéfice de cette « mutualisation » est alors pour la DAECT et se situe essentiellement sur le
plan administratif en réduisant le nombre de dossiers à traiter.
Ces résultats limités des incitations à la mutualisation, s’expliquent clairement par le fait que d’une
part la concertation ne se décrète pas et d’autre part que pour que la concertation produise des résultats
qui aillent au-delà d’une simple coordination il est nécessaire qu’il y ait une véritable volonté politique
d’agir de manière concertée. C’est ce que montrent les exemples analysés dans le point V du présent
rapport.
Donc l’incitation financière de la DAECT ne rencontre un écho que si elle se croise avec une
motivation à se concerter issue soit de la volonté et de l’action d’une collectivité française (le plus
souvent un conseil général ou un conseil régional) qui joue le rôle d’ensemblier, d’appui technique, et
aussi financier ou, ce qui est plus rare de la volonté de plusieurs collectivités -y compris celle du
Burkina Faso- de construire un projet commun97. Enfin cette concertation sera d’autant plus facile à
faire avancer, si la concertation concerne les acteurs ici et là-bas, par rapport à des actions ici et là-
bas.
96
Voir l’évaluation transversale des programmes prioritaires réalisée par le CIEDEL pour le MAEE, la capitalisation des
PCPA également réalisée par le CIEDEL ainsi que l’évaluation du PCPA Cameroun réalisée par l’IRAM.
97
Voir le point 33 du chapitre sur le bilan des actions et relation de coopération décentralisée.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 109/122
bureau, alphabétisation des élus, formation des techniciens) qui mises bout à bout ne suffisent pas à
réellement faire de l’appui institutionnel aux collectivités partenaires, pour que celles-ci soient en
mesure d’assumer leurs compétences et responsabilités.
Solidarité numérique :
Plusieurs collectivités territoriales ont intégré dans leurs actions de coopération décentralisée la mise
en place de salles informatiques et de connexions Internet pour des établissements scolaires ou des
établissements publics communaux ou étatiques.
Souvent ces investissements ont été mis en place sans prendre en compte les questions de faisabilité
technique et de prise en charge des coûts récurrents de connexion, coûts qui sont au Burkina Faso très
élevés.
Par exemple une coopération décentralisée avait prévu dans le projet présenté à la DAECT d’équiper
un collège d’une commune rurale d’une salle informatique et d’une connexion Internet. Outre le fait
que la première phase -l’électrification de l’établissement scolaire reste à réaliser- quand il s’est agit
d’opérationnaliser ce projet, il est apparu que l’opérateur téléphonique national ne disposait pas de
lignes disponibles pour cette commune, et que le coût d’une connexion de 128 k était de plus de 300
euros par mois, dépassant largement les capacités financières de la commune et de l’association de
parents d’élèves.
98
Pour cette orientation, il pourrait être fait les mêmes remarques que pour l’appui institutionnel.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 110/122
leurs compétences pour être en mesure de s’approprier les orientations de la DAECT et de les
appliquer dans le cadre de leurs relations de coopération décentralisée.
De fait, à ce jour ce sont principalement les coopérations décentralisées qui partagent déjà ces
orientations et qui ont les capacités de les mettre en œuvre qui ont bénéficié de ces orientations, ce qui
leur a permis de renforcer leur accès au financement public et d’améliorer la qualité de leurs actions.
Cette politique s’exprime par une légère augmentation de la sélectivité vis-à-vis des dossiers présentés,
comme le montre le tableau ci-dessous :
Cette sélectivité s’illustre aussi par la part des demandes de financement qui est accordée, part qui a
tendance à se réduire, la DAECT ne finançant que les postes des projets correspondant aux critères des
appels à projet.
Cette sélectivité reste toutefois encore limitée. Deux indicateurs peuvent en rendre compte :
- d’une part la difficulté récurrente des services à faire valoir leur avis technique sur les dossiers
de certaines collectivités territoriales99,
- d’autre part la toujours très forte hétérogénéité des montants de financement accordés. Quel
sens accorder à un cofinancement de moins de 5000 euros dont le coût de gestion est sans aucun
doute supérieur au montant cofinancé ?
99
Par exemple, pour l’appel à projet 2008, certains dossiers qui n’avaient pas un avis favorable du SCAC ont finalement été
retenus.
100
Les chiffres de ce tableau concernent tant des financements annuels que pluriannuels.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 111/122
une coopération décentralisée à deux vitesses. D’un côté il y aura les « professionnels » partageant les
orientations des pouvoirs publics et ayant un accès privilégié aux financements publics et d’un autre
côté il y aura les autres coopérations qui n’auront pas accès au financement public faute de capacité à
faire évoluer leurs pratiques. Comme elles n’auront plus accès aux financements publics, elles auront
de moins en moins de moyens pour faire évoluer leurs coopérations.
Au début des années 2000, par l’intermédiaire du FSP d’appui à la décentralisation déconcentration101,
une articulation forte s’est faite entre la coopération bilatérale et la coopération décentralisée,
articulation largement médiatisée par les assistants techniques en poste dans ce FSP. Au terme de ce
FSP, et malgré sa continuation par un nouveau FSP, le PADC, cette articulation s’est progressivement
réduite, pour se limiter aujourd’hui à quelques cas ponctuels (à Tenkodogo, articulation entre la
coopération décentralisée et le volet du FSP PADC consacré à la mise en place de ZAC et pépinières
d’entreprise ; à Ouagadougou, financement par l’AFD du désenclavement des quartiers périphériques
à Ouagadougou, projet de la ville de Ouagadougou qui reçoit également un appui de la part de la
coopération décentralisée, …).
Alors que « la France a jusqu’ici réussi à maintenir sa place de premier contributeur bilatéral avec un
niveau moyen d’engagement, tous guichets confondus, de l’ordre de 60 millions d’euros par an, soit
15 % de l’aide publique au développement reçue par le Burkina Faso »102, la concertation entre la
coopération décentralisée et la coopération bilatérale reste limitée, la mobilisation d’outils de la
coopération bilatérale, comme les bourses de stage et d’étude au bénéfice des acteurs de la coopération
décentralisée restant l’exception.
Un effet levier important sur le plan financier mais bien en deçà de son potentiel :
De façon peut-être un peu simpliste il est possible de dire que le principal effet levier des financements
du MAEE est de permettre l’implication financière des collectivités françaises ! En effet, il est clair
que pour beaucoup de collectivités de taille moyenne qui reçoivent un appui (même ponctuel) du
MAEE, cet appui est un argument de poids pour justifier en interne de l’implication de la collectivité
et donc pour pérenniser la coopération décentralisée. Le même phénomène est en cours avec la
mobilisation d’autres financements locaux, en particulier dans le cadre de la loi Oudin-Santini
(Agences de l’eau, syndicats des eaux, …).
Par contre, à ce jour, peu de financements institutionnels ont pu être déclenchés par la coopération
décentralisée comme telle. Quelques exemples existent, de mobilisation par la collectivité burkinabé
de coopérations multilatérales (ONU Habitat, UE, BAD), bilatérales (DANIDA) ou internationales
(AIMF). Mais ce sont le plus souvent des exemples d’un effet levier pour le financement d’actions au
bénéfice de la collectivité territoriale burkinabé que pour un réel financement de la coopération
décentralisée comme telle.
101
Mestre C., Ramde A., Evaluation du FSP PADC, CIEDEL, 2005
102
Site internet du MAEE, http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/burkina-faso_338/france-
burkina-faso_1110/presentation_4466/index.html
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 112/122
De plus, il est difficile d’identifier dans quelle mesure la coopération décentralisée a été un plus pour
déclencher ces financements, les bailleurs de fonds bi- ou multilatéraux expliquant qu’ils se seraient
engagés de la même façon que la collectivité burkinabé soit en coopération décentralisée ou non. Il est
indéniable que les relations de coopération décentralisée ont « outillé » -volontairement ou non- les
collectivités burkinabé concernées pour qu’elles soient en mesure de rentrer en contact et de négocier
avec les bailleurs de fonds bi- et multilatéraux, mais sans que ce soit une stratégie portée par la
coopération décentralisée, comme le montre par exemple l’absence actuelle de préparation par la
coopération décentralisée des collectivités territoriales burkinabé pour qu’elles puissent bénéficier de
la mise en place du Fonds Permanent de Développement des Collectivités Territoriales ou des appels à
projet ANE/AL de l’UE.
Il existe donc un coefficient multiplicateur important -que nous estimons à 7 sans prendre en compte le
projet AFD- entre l’apport du MAEE et les budgets mobilisés par la coopération décentralisée et les
partenaires des villes de coopération (ici et là-bas).
Toutefois, ce coefficient multiplicateur n’est qu’une représentation imparfaite de l’effet levier des
appuis financiers du MAEE, puisque d’une part, certains de ces financements seraient mobilisés même
en l’absence d’un financement du MAEE alors que d’autre part l’existence du financement du MAEE
joue un rôle incitatif indéniable, que l’existence des coopérations décentralisées a un effet -à tort ou à
raison- de « crédibilisation » des collectivités territoriales burkinabé, et que l’expérience des
collectivités territoriales burkinabé en matière de coopération décentralisée les arme à négocier avec
des partenaires étrangers.
Une pertinence forte par rapport aux autres coopérations, mais qui reste encore
largement virtuelle :
Ce résultat en demi-teinte de la politique française d’appui à la coopération décentralisée est à mettre
en regard de la pertinence forte de la coopération décentralisée par rapport aux autres coopérations.
En effet, dans un contexte où 302 communes et 13 régions ont été créées il y a moins de trois ans, où
les 49 communes urbaines ont vu leur territoire (et donc leurs responsabilités) s’étendre de la seule
zone urbaine à la zone rurale, où le transfert de compétences se met en place, la coopération
décentralisée est bien le type de coopération qui est le plus proche des collectivités burkinabé et qui le
plus facilement peut accompagner celles-ci dans leur développement, dans le renforcement de leurs
capacités.
La politique française d’appui à la coopération décentralisée, vise clairement -par ses orientations- à
faire de la coopération décentralisée la coopération d’appui aux collectivités territoriales : « il est sans
103
Montant estimé à partir de l’annualisation du projet financé par l’AFD au bénéfice de la ville de Ouagadougou pour un
montant de 15 millions sur trois ans.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 113/122
doute un domaine sur lequel le Gouvernement français considère à juste raison que l’apport des
collectivités françaises et de leurs élus est indispensable et même irremplaçable, c’est celui de
l’amélioration de la gouvernance locale au service du développement »104.
Toutefois, comme souligné dans l’ensemble de ce rapport, cette pertinence de la coopération
décentralisée comme le type de coopération le plus à même de contribuer à asseoir la légitimité et la
capacité des collectivités territoriales burkinabé, si elle est validée par l’existence de pratiques
exemplaires, demande encore un important travail d’impulsion de ces orientations et d’appui à leur
mise en œuvre pour produire le potentiel de changement qu’elle renferme.
104
Joly A., Rapport 2007 de la DAECL.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 114/122
73. Les facteurs explicatifs d’un bilan en demi-teinte :
Nous allons nous attacher ici à identifier pourquoi, à ce jour, la politique française d’appui à la
coopération décentralisée franco-burkinabé n’a pas encore permis à celle-ci d’exprimer tout son
potentiel et de démontrer sa pertinence au regard des autres types de coopération.
De plus les textes règlementaires et les dispositifs institutionnels permettant aux communes d’exercer
leurs compétences sont pris lentement :
- les décrets de transfert de compétences, du patrimoine et des ressources dans les domaines de
la culture, de la jeunesse, des sports, des loisirs, de la santé, de l’approvisionnement en eau
potable et de l’assainissement, du préscolaire, de l’enseignement primaire et de l’alphabétisation
viennent d’être pris en février 2009105.
- Le FPDCT (Fonds permanent de développement des collectivités territoriales) dont les statuts
ont été approuvés en avril 2007 et qui a pour mission principale de « concourir au financement
des programmes prioritaires de développement local des collectivités territoriales (…) et de
contribuer au renforcement de leurs capacités opérationnelles »106, a vu son directeur installé
début 2008 et n’a pas encore initié son activité de financement.
Dans ce contexte, en évolution permanente, où les élus et les acteurs locaux tant burkinabé que
français doivent s’informer et s’adapter aux évolutions institutionnelles, il est normal que les
évolutions soient lentes.
A contrario, sachant que ces évolutions étaient en préparation depuis la réforme constitutionnelle de
1991, que depuis les premières élections municipales de 1995 elles ont été largement préparées au
Burkina Faso (travaux de la CND, du MATD, …) comme en France (missions de la DCOD, travaux
de CUF, …) ; il aurait été possible de penser que les acteurs de la coopération décentralisée,
particulièrement en France, auraient mieux anticipé ces évolutions et auraient été plus réceptifs aux
orientations définies et mises en œuvre par la DAECT.
105
En avril 2006 avait été pris le décret N° 2006-209/PRES/PM/MATD/MFB MEBA/MS/MASSN/MJE/MCAT/MSL pour
le transfert de ces compétences, patrimoine et ressources aux seules communes urbaines.
106
Statuts particuliers du Fonds Permanent pour le Développement des Collectivités Territoriales, Ministère de
l’administration territoriale et de la décentralisation et Ministère des finances et du budget, mars 2007.
107
CIEDEL, Réseau Impact, op. cit.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 115/122
concertation entre les principaux acteurs pour qu’à partir de celle-ci la DAECT définisse -par décision
souveraine - les orientations de sa politique de coopération décentralisée.
En effet, le type de dialogue actuel entre associations de collectivités territoriales et DAECT est encore
essentiellement une logique où la DAECT propose des orientations et où les associations de
collectivités territoriales réagissent à ces propositions -souvent sur des points techniques plus que sur
des questions de fond-.
Il n’y a pas réellement d’analyse conjointe de la situation de la coopération décentralisée, pour en
dégager une analyse des enjeux actuels et à partir de là une réflexion sur les différentes orientations
possibles en matière de politique d’appui à la coopération décentralisée du MAEE, comme préalable à
la décision finale du MAEE sur ses orientations.
Ceci a pour conséquence d’une part la fragilité du relatif consensus actuel, dû à des personnes plus
qu’à des processus de travail paritaire109, et d’autre part une certaine superficialité dans l’acceptation
des orientations proposées, qui rend difficile ensuite leur partage avec les collectivités territoriales
membres des associations de collectivités et donc leur réelle appropriation.
En conséquence le texte de l’appel à projet même complété par des informations complémentaires
données lors des réunions publiques auxquelles participe la DAECT n’est pas suffisant pour amener
les éléments nécessaires pour faire évoluer la politique publique de coopération décentralisée des
collectivités.
108
Ce manque de « culture » de la concertation entre pouvoirs publics et acteurs non étatiques a été souligné dans le cadre de
la capitalisation des PCPA.
109
A la différence de la relation entre pouvoirs publics et ONG, qui développe depuis plusieurs années –avec des succès mais
aussi des difficultés- une véritable culture de la concertation.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 116/122
Consciente de cela, la DAECT a diversifié ses instruments en appuyant la production de références
(capitalisation, rapports, …), la tenue d’espaces de rencontres et de débat (assises, … ), en organisant
des espaces de concertation (rencontres régulières avec les organisations de collectivités, avec les
SGAR, tenue de la réunion de la CNCD, …), et en appuyant les espaces de concertation et
d’animation des collectivités (groupe pays CUF, réseaux régionaux, …).
Toutefois, force est de constater que malgré la mobilisation de cet ensemble d’instruments
complémentaires aux orientations des appels à projet, les orientations ne sont pas appropriées par les
collectivités françaises (et a fortiori burkinabé) auxquelles elles s’adressent.
Ceci s’explique principalement par le fait que la pédagogie du choix de ces orientations n’est pas faite
au niveau des collectivités territoriales impliquées dans les relations de coopération décentralisée.
Cette pédagogie reste au niveau des organisations intermédiaires (organisations de collectivités
territoriales, réseaux régionaux, …) qui ne parviennent pas à le faire partager à la base.
Si l’on analyse les autres orientations de la DAECT, le même constat global ressort : l’absence de mise
en place de modalités de travail permettant d’impliquer les collectivités territoriales « de base » dans la
réflexion sur ces thématiques pour qu’elles les identifient, se les approprient et puissent les intégrer
(ou non si c’est leur choix !) dans leur coopération décentralisée, au-delà d’un simple effet d’affichage
ou de la mise en place d’actions spécifiques juxtaposées au corpus classique de leurs actions de
coopération décentralisée.
Cela s’explique :
- du côté de la DAECT, par un manque :
o de commande politique claire de celle-ci auprès des organisations de collectivités territoriales
et des réseaux régionaux qu’elle appuie pour qu’ils soient réellement actifs dans le travail
d’explication et d’appropriation des orientations de la DAECT par les collectivités
territoriales,
o d’anticipation sur les besoins d’appui des collectivités territoriales (la capitalisation sur l’appui
institutionnel a été lancée en même temps que les premiers appels à projet mettant l’appui
institutionnel au cœur des critères de financement) sur les thématiques priorisées.
- du côté des associations de collectivités territoriales, par un manque :
o de prise de conscience de l’importance de ces questions qui n’amène que rarement celles-ci à
avoir un rôle pro-actif à la fois par rapport à la définition de ces orientations et par rapport au
processus d’appropriation par les collectivités territoriales,
o d’adéquation entre les démarches utilisées et les besoins des différentes catégories de
collectivités territoriales, par exemple les réunions du groupe pays de CUF sont des espaces
d’information et d’échange -nécessaires- mais pas des espaces d’appropriation des
problématiques, l’appropriation demandant des modalités de travail spécifique.
- du côté des réseaux régionaux et des réseaux thématiques, par un manque :
o de prise de conscience de l’importance de ces questions qui n’amène que rarement ceux-ci à
avoir un rôle proactif par rapport au processus d’appropriation de celles-ci par les collectivités
territoriales,
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 117/122
o d’implication dans des actions de fond avec les collectivités territoriales sur ces questions,
complexes et difficiles à appréhender110.
En tant que telle la procédure de l’appel à projet n’est pas toujours adaptée pour
faire évoluer les politiques :
La mise en place de la procédure de l’appel à projet, qui se généralise dans le monde du
développement, répond plus aux besoins du bailleur de fonds qu’à celui des bénéficiaires : elle permet
de tester des orientations, d’organiser (dans le temps et l’espace) le travail, de se fixer et de suivre des
objectifs. Mais est-elle adaptée à la coopération décentralisée ? est-elle le meilleur moyen de faire
évoluer la relation de coopération décentralisée ?
Peut on imaginer que les collectivités territoriales attendent chaque année (ou chaque trois ans) la
publication de l’appel à proposition pour réfléchir aux actions qu’elles vont développer, qu’elles
attendent la définition des orientations du nouvel appel à projet pour choisir de s’orienter dans telle ou
telle direction ? Bien évidemment non.
Chaque coopération décentralisée est engagée sur des orientations de moyens termes et leur inflexion
demande du temps, de la négociation, et ne peut être remis en cause d’une année sur l’autre.
A ce titre, il est donc bien évident que -à part pour les collectivités qui sont déjà dans les orientations
de la DAECT- soit elles ne parviendront pas à rentrer dans les orientations fixées, soit elles vont
« habiller » leur dossier pour qu’il soit recevable, et ceci sans négociation entre les deux collectivités,
les délais de réponse aux appels à projet permettant rarement de s’inscrire dans un cycle de
négociation111, soit la collectivité du Nord, va rédiger rapidement un dossier pour répondre aux
orientations de l’appel à proposition, mais sans qu’il soit réellement inscrit dans la relation de
coopération décentralisée112 et le fera valider a posteriori par la collectivité partenaire.
L’appel à projet est bien un progrès par rapport à la démarche antérieure où « l’instruction des
cofinancements attribués sur les budgets du ministère des Affaires étrangères – et autrefois de la
coopération – se faisait “au fil de l’eau” dans une logique de guichet, sans thématiques prioritaires
affichées, et le comité décidait, après avis du poste diplomatique et des services techniques centraux,
en fonction des mérites intrinsèques de chaque dossier, quel que soit le secteur dans lequel il pouvait
être classé. Une certaine continuité pouvait se faire jour dans le cadre du Fonds de solidarité prioritaire
(FSP) mais cela restait une juxtaposition de projets, de volumes très différents et sans “prime à la
synergie” ni incitations à la concertation. »113.
Ce progrès se manifeste dans une amélioration de la sélectivité, le taux de rejet étant passé pour le
Burkina Faso de 30 % sur la période 2003-2005 à 40 % sur la période 2008-2009.
Toutefois, la procédure de l’appel à projet n’est pas suffisante pour provoquer une réelle évolution des
orientations si elle n’est pas inscrite dans des calendriers d’orientation et de programmation
pluriannuels et complétée par un ensemble d’instruments visant à l’explication et l’appropriation des
orientations privilégiées dans les appels à projet.
110
Dans le cas du GIP RESACOOP, il a fallu attendre fin 2008 et la concordance entre la préoccupation d’un des acteurs de
référence de la coopération décentralisée en région et le stage d’un étudiant du CIEDEL pour qu’une première réunion de
réflexion sur l’appui institutionnel soit menée pour faire le point sur les pratiques, croiser les compréhensions du concept et
produire de première références.
111
Les délais des premiers appels à projets ont été de l’ordre de quatre mois. Par exemple l’appel à projet 2007-2009 a été
lancé en octobre pour un dépôt des dossiers au SGAR avant le 28 février. Cinq mois peut paraître un long délai, mais pour
des collectivités qui souvent ne réalisent qu’une mission annuelle dans chaque sens et qui veulent faire valider les projets par
leurs instances délibérantes c’est un délai très bref.
112
La cour des comptes européenne, dans un récent rapport sur la gestion par la Commission de la participation des acteurs
non étatiques à la coopération communautaire au développement analyse les procédures d’appel à projet utilisées par l’UE et
conclut que « la procédure d’appel à proposition favorise une concurrence équitable, mais elle peut s’avérer compliquée à
mettre en pratique et ne garantit pas que la conception du projet soit terminée en temps utile ». Ceci signifiant de manière
« diplomatique » que de nombreuses réponses aux appels à proposition ont été faites dans les bureaux des ANE sans travail
d’identification ni de négociation de terrain, ce qui aboutit à des projets plaqués sur des réalités.
113
Pougnaud P., op. cit.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 118/122
Les capacités de suivi ne sont pas suffisantes :
Les capacités des pouvoirs publics à faire le suivi des dossiers et donc à vérifier la réalité de la mise en
œuvre des orientations sont largement insuffisantes, et ceci sur plusieurs plans :
- En matière de procédure :
La dispersion entre les différents acteurs publics intervenant en matière de coopération
décentralisée (DDS, DAECT, SGAR, SCAC, AFD…) rend difficile la consolidation des dossiers,
le SCAC de Ouagadougou exprimant que de nombreuses conventions de financements signées
entre les SGAR et les collectivités françaises, ainsi que les rapports d’exécution technique des
collectivités territoriales ne leurs sont pas transmises, rendant difficile le suivi des projets114.
- En termes de disponibilité :
Environ 120 relations de coopération décentralisée, une vingtaine de cofinancements publics en
cours tous les ans… et un volontaire international en charge de la coopération décentralisée, qui
change tous les ans ou tous les deux ans.
De fait les volontaires internationaux n’ont pas le temps (ni les moyens) de faire un suivi de
toutes les relations de coopération décentralisée, et donc se sont concentrés ces dernières années
sur le suivi des crédits délégués au SCAC. Le dernier volontaire en poste estimait avoir pu suivre
environ la moitié des projets cofinancés par les pouvoirs publics.
- En termes de compétence :
La coopération décentralisée est une politique publique mise en œuvre entre deux collectivités
territoriales, sous la responsabilité d’élus, qui sont par ailleurs nombreux à avoir des
responsabilités politiques autres.
L’exercice du suivi des projets (et dans une moindre mesure des relations) de coopération
décentralisée à des jeunes volontaires internationaux, dont c’est souvent la première expérience
professionnelle et qui n’ont pas toujours une culture des collectivités publiques, pose un problème
dans la capacité à effectuer ce suivi : crédibilité face aux élus, lecture politique des relations et
des actions, identification des enjeux.
Ceci a eu pour conséquence de faire évoluer le suivi plus vers un suivi des réalisations
(indicateurs d’effectivité) et un suivi administratif que véritablement vers un suivi sur la base des
orientations fixées par la DAECT.
L’implication du COCAC, voire de l’Ambassadeur dans la réception de certaines missions ne
permet de lever que partiellement cette contrainte, faute de temps pour qu’ils puissent s’impliquer
pleinement.
- En termes de complémentarité :
Enfin, la complémentarité entre les pouvoirs publics français, la DCOD, la MCD et l’AMBF,
dans le suivi de ces relations et projets n’a pas réellement joué, pour différentes raisons, en
particulier pour un manque de clarification des rôles et responsabilités, mais aussi pour de
nombreux problèmes interpersonnels qui ont rendu les relations difficiles entre les institutions
durant la période concernée par l’évaluation.
Les évolutions annoncées des moyens des SCAC vont amener pour ces prochaines années à poser la
question des capacités et des modalités de suivi des relations et de projets de coopération décentralisée
avec une acuité renouvelée.
114
Les téléprocédures vont permettre de lever ces contraintes, et la mise en œuvre d’une clause de rejet des demandes de
financement en année 'n' pour les collectivités territoriales n’ayant pas fourni de rapport d’activité pour l’année n-2 aussi.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 119/122
les politiques nationales et les orientations des coopérations décentralisées, en mobilisant un ensemble
de moyens complémentaires (financement, appui-conseil, animation, formation…).
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 120/122
74. Recommandations :
Au vu du bilan de la mise en œuvre de la politique d’appui à la coopération décentralisée franco
burkinabé, deux scénarios sont possibles.
Soit la DAECT continue dans la même démarche d’appels à projets, en étant de plus en plus stricte sur
les critères et les orientations et progressivement les collectivités territoriales les moins engagées dans
la coopération décentralisée (faible portage par les élus, alternance politique, budget contraint,…) vont
se désengager, favorisant le développement d’une coopération décentralisée de type professionnel,
soutenue par les pouvoirs publics mais moins nombreuse. ?
Soit la DAECT et les autres acteurs impliqués font évoluer leurs politiques, et il est possible de faire
évoluer la majorité des collectivités locales vers une coopération décentralisée qui tout en continuant à
apporter des réponses concrètes aux problèmes des citoyens burkinabé contribue réellement au
renforcement des collectivités territoriales burkinabé pour qu’elles soient en mesure d’exercer au
mieux et dans la durée leurs compétences au bénéfice de leurs administrés.
Nous partons ici du postulat que la DAECT vise le deuxième scénario. Les recommandations ci-
dessous, qui sont toutes des recommandations opérationnelles, vont dans ce sens.
A partir de là, les orientations prises par la DAECT seraient plus facilement intégrées par les
associations de collectivités territoriales et relayées auprès de leurs membres.
Définir des orientations politiques de moyen ou long terme pour la coopération décentralisée
donnant un cadre stable aux appels à projets
La définition pour le moyen ou le long terme des principales orientations poursuivies par la DAECT115
et dans lesquelles s’inscriraient les différents dispositifs d’appui (technique, financier…) de la
coopération décentralisée, permettrait aux collectivités territoriales françaises et burkinabé d’avoir une
vision claire des grandes orientations poursuivies par le MAEE, de faire le choix de s’y conformer ou
non, et dans le cas ou elles s’y conformeraient de pouvoir inscrire leur relation dans ces orientations
sur le long terme, sans craindre qu’un changement drastique d’orientation les oblige à revoir leurs
orientations pour pouvoir continuer à bénéficier d’un appui de la DAECT.
115
Peuvent être envisagées des orientations générales, comme c’est le cas actuellement ou des orientations générales
complétées par une déclinaison par pays ou par catégories de pays (par ex. pour les pays en cours de décentralisation).
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 121/122
Idéalement, ces orientations devraient être définies après concertation avec les associations de
collectivités territoriales.
La définition de ce cadre stratégique de moyen ou long terme permettrait d’une part d’en faire la
pédagogie (cf infra) et d’autre part donnerait aux collectivités partenaires le temps de faire un travail
conjoint entre collectivités pour construire leurs relations de partenariat dans ce cadre, pour identifier
des actions allant dans ce sens et in fine pour pouvoir élaborer des projets sollicitant le cofinancement
de la DAECT sur une base connue et partagée par les collectivités partenaires.
La grande stabilité des principales orientations de l’appel à projet montre que dans les faits, ces
orientations de moyen ou long terme existent déjà. Mais comme elles ne sont pas présentées comme
telles, cela laisse planer une incertitude forte pour les collectivités françaises, cela ne facilite pas la
communication envers les partenaires burkinabé et cela ne permet pas de construire une relation de
qualité sur des bases stables, les projets élaborés pour bénéficier des appels à projets de la DAECT
étant alors élaborés dans l’urgence, sans grande concertation, et plus pour se conformer aux
orientations données (ou perçues !) que dans un esprit de partage de ces orientations.
Cette recommandation pourrait se matérialiser par la définition à intervalles réguliers (tous les cinq
ans ?) par le MAEE d’un document d’orientation stratégique pour la coopération décentralisée qui
encadrerait ensuite les appels à projet.
A partir du cadre stratégique de moyen terme élaboré et diffusé par le MAEE, les appels à projets
pourraient alors mettre l’accent sur des orientations spécifiques, complémentaires au cadre global,
adaptées à des aires géographiques particulières, à des évolutions du contexte, à l’agenda national ou
international et prenant en compte le suivi des résultats de la mise en œuvre des projets.
Cela permettrait aux collectivités françaises et burkinabé de disposer d’un cadre pluriannuel clair et
univoque permettant d’inscrire leur coopération dans ce cadre et de présenter des projets aux appels à
projet au terme d’un réel processus de construction commune avec leur collectivité partenaire.
L’évaluation met à jour d’une part le besoin d’une meilleure explicitation des orientations de la
DAECT, ainsi que d’un réel travail permettant de produire et de diffuser un corpus de connaissances
et d’expériences sur les questions clefs de la coopération décentralisée : le partenariat entre
collectivités et les modalités du dialogue politique, les dispositifs de transferts financiers, l’appui
institutionnel aux collectivités, l’apport de la coopération décentralisée aux collectivités françaises.
Renforcer le travail d’information sur les orientations auprès des acteurs de l’appui
A partir de cette concertation entre la DAECT et les principales associations de collectivité territoriale
et des orientations fixées, pourraient alors être mise en place une réunion annuelle d’information aux
différents acteurs de l’appui (associations de collectivités territoriales, réseaux nationaux et réseaux
régionaux), moins formelle et plus technique que la réunion de la CNCD pour présenter, analyser et
clarifier les orientations fixées et en approfondir les implications.
Cette réunion visant à permettre aux participants d’être les relais des orientations fixées dans les
appels à projets auprès des collectivités territoriales.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 122/122
En préalable à la diffusion des orientations à moyen terme de l’appui du MAEE à la coopération
décentralisée et de la diffusion des appels à projets : appuyer la mise en place en concertation entre
les associations de collectivités territoriales et les réseaux régionaux d’un processus de formation en
direction des collectivités territoriales en région.
Il ne s’agit pas de diffuser la « doctrine » du MAEE pour qu’elle soit appliquée par les collectivités
territoriales, mais de donner les moyens aux collectivités territoriales de maîtriser le sens et les
implications opérationnelles de ces orientations.
Dans cet esprit la DAECT pourrait appuyer l’élaboration d’un programme de formation basé sur
l’analyse des pratiques actuelles des collectivités, la compréhension des orientations du MAEE et les
implications opérationnelles de la mise en œuvre de celles-ci, la conception et la mise en œuvre
pédagogique de ce programme de formation étant ensuite confiée à des organismes de formation
mobilisant des équipes de formateur Nord-Sud.
Ce programme de formation serait ensuite relayé par les associations de collectivités territoriales et les
réseaux régionaux au plus près des collectivités territoriales116. La conception et la mise en œuvre de
ce travail de formation, ferait alors partie de la commande politique de la DAECT dans le cadre de
son appui financier aux associations de collectivités territoriales et aux réseaux régionaux. Il serait
intéressant que ce travail de formation puisse être élargi aux collectivités territoriales du Burkina Faso
par l’intermédiaire des organisations de collectivités territoriales burkinabé et de centres de formation
burkinabé. Cela permettrait aux collectivités françaises et burkinabé de parler un même langage sur
ces questions clefs et faciliterait ensuite le dialogue entre celles-ci.
Ce travail permettrait de faire le suivi de la mise en œuvre des orientations du MAEE et de préparer
conjointement entre le MAEE et les acteurs de la coopération décentralisée la redéfinition des
orientations stratégiques du MAEE.
Privilégier des appels à projets pluriannuels (trois ans est un minimum), mais lancés avec une
fréquence annuelle, permettrait :
116
Le processus mis en œuvre à la demande du MAEE par le F3E et appuyé sur les réseaux régionaux autour de l’approche
genre est un exemple dont pourrait s’inspirer la DAECT pour mettre en place un tel processus de formation
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 123/122
- d’être plus sélectif, sachant que les projets refusés peuvent être retravaillés et redéposés
l’année suivante, donc il n’y a plus d’effet couperet,
- de fixer un montant de financement plancher (10 000 € ?, 20 000 € ?), visant à faire
disparaître les très petites demandes de cofinancement qui occasionnent des coûts de
gestion élevés pour des résultats qui restent à démontrer,
- de limiter les demandes opportunistes, par conformisme avec le calendrier du bailleur de
fonds, et favoriser la présentation du projet quand celui-ci est prêt, quand les conditions de
sa conception et de sa mise en œuvre sont réunies,
- de lisser le travail d’instruction en évitant un afflux de projets tous les trois ans.
Ces appels à projet triennaux lancés tous les ans, dans un calendrier connu à l’avance, pourraient être
ouverts à des projets de moindre durée (deux ans, un an) sous réserve de la justification de cette durée
limitée.
Garder une marge de manœuvre dans les appels à projet permettant d’innover
Ces modalités, permettraient de clarifier les orientations politiques, de faciliter l’accès au financement
en fonction des besoins et non pas des opportunités et pourraient être alors complétées, lors de chaque
appel à projet par un volet limité favorisant soit l’innovation, soit des projets sur des thématiques
« innovantes » dans une logique de pouvoir répondre à de nouveaux enjeux, tester de nouvelles
orientations.
Mettre en place un mécanisme de financement pour les dispositifs d’actions concertées des
collectivités territoriales
L’intérêt des dispositifs « intermédiaires » mis en place -au niveau départemental ou régional- par des
collectivités pour concerter les actions de plusieurs collectivités et de plusieurs catégories d’acteurs de
leur territoire par des actions de formation, d’appui, de réflexion et d’élaboration et mise en œuvre de
projets communs n’est plus à démontrer.
Ces dispositifs sont sans doute un des moyens le plus pertinent pour mobiliser les forces vives d’un
territoire, pour améliorer la qualité des actions et relations de coopération décentralisée et enfin pour
démultiplier les orientations du MAEE en matière d’appui à la coopération décentralisée.
Dans le même temps, ces dispositifs sont soumis à des contraintes spécifiques et représentent pour les
collectivités qui les animent un coût relativement élevé du fait de l’importance des coûts de transaction
qu’ils représentent.
Outre le fait qu’ils sont relativement mal connus par les autres collectivités territoriales impliquées et
par les associations de collectivités et réseaux régionaux eux-mêmes (en dehors de ceux qui sont
directement concernés bien entendu), la mise en place d’un mécanisme de financement spécifique
permettrait sans aucun doute d’une part de les faire reconnaître par les autres collectivités territoriales
et d’autre part de les renforcer.
Cela permettrait de tester en grandeur nature la possibilité à terme pour la DAECT de privilégier un
appui à des dispositifs concertés devenant de fait des « acteurs intermédiaires » facilitant la gestion
administrative (moins d’interlocuteurs, moins de dossiers) le suivi et la mise en cohérence des appuis à
la coopération décentralisée.
Mettre en place un mécanisme de financement pour aider les collectivités territoriales à accéder
aux financements européens
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 124/122
des projets de la collectivité burkinabé -ce qui est très important- mais rarement des financements de la
coopération décentralisée entendue comme la relation entre deux collectivités territoriales.
Pourtant les lignes de financement ANE/AL de l’UE existent maintenant depuis plusieurs années et
favorisent les projets qui sont présentés par les collectivités territoriales et en particulier par les
collectivités territoriales des pays du Sud et qui impliquent d’autres acteurs (collectivités territoriales,
établissements publics, organisations de la société civile, …) du Sud comme du Nord. De fait ces
lignes de financement sont à ce jour sous-utilisées par les collectivités territoriales françaises et leurs
partenaires burkinabé. La complexité des appels à proposition de l’UE, les contraintes issues des délais
de réponse aux appels à proposition, les modalités de notation et de sélection (qui privilégient le projet
« conforme » aux critères), les forts taux de rejet des projets découragent les collectivités de s’engager
dans cette direction. Les rares projets concernant des collectivités territoriales burkinabé qui ont été
présentés et acceptés dans ce cadre, sont des projets qui ont été portés par des bureaux d’étude ou des
associations « professionnelles » qui grâce à leur technicité ont joué le rôle de « monteur de projet »
pour ensuite le faire valider par les collectivités tout en en conservant souvent la maîtrise d’œuvre, et
en se faisant rémunérer ce travail de conception sur la mise en œuvre du projet lui-même. Ces
mécanismes -fréquents dans le montage de projets européens- vont à l’encontre des orientations de la
coopération décentralisée qui vise d’une part à ce que ce soit les collectivités qui soient réellement
maître d’ouvrage des projets et d’autre part à ce que les collectivités aient la maîtrise des fonctions
qu’elles délèguent à des opérateurs spécialisés. Il est notoire que cette manière de faire débouche
fréquemment sur des conflits entre collectivités et opérateurs.
Un dispositif d’appui aux collectivités pour les accompagner dans le montage de projets en direction
de l’UE (ou d’autres bailleurs) pourrait donc être testé. Ce dispositif d’appui pourrait dans un premier
temps être mis en place au niveau d’une région, et pourrait s’appuyer sur un réseau régional. Il
pourrait consister à proposer aux collectivités réunissant plusieurs critères (mobilisation de
financement propre, mobilisation de financement public… ) de bénéficier d’un « crédit jours » d’appui
pour le montage d’un dossier européen. Cet appui serait délégué à des prestataires compétents en
coopération décentralisée et en montage de dossier européen, qui pourraient être rémunérés partie par
la DAECT, partie sur financement du projet, responsabilisant ainsi l’opérateur quant au résultat de son
appui.
Idéalement, ce dispositif devrait être positionné au Burkina Faso, permettant ainsi de renforcer les
capacités des collectivités burkinabé à mobiliser ces financements en lien avec leurs collectivités
partenaires en France et dans d’autres pays. Il pourrait pour le moins se baser sur la mobilisation de
prestataires ayant un répondant au Burkina Faso.
Evaluation de la coopération décentralisée au Burkina Faso – Rapport final– aout 2009- CIEDEL - Page 125/122