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C MASTER
I MMS
COMMERCE INTERNATIONAL DES VINS
AVIGNON ET OENOTOURISME
Master 1
Master 2
MEMOIRE DE STAGE
NOM : FRANCOIS
PRENOM : MATTHIEU
Nom de l’entreprise : S. C. E. V. Gérard DELONG - CHAMPAGNE DELONG Marlène
Pays : FRANCE
Sujet :
Fonction : Dirigeante
___________________________
UFR Droit Economie Gestion - 74, Rue Louis Pasteur - 84029 AVIGNON CEDEX 1
Tél. : 04 90 16 27 13 Fax : 04 90 16 27 19 Email : vincent.jacob@univ-avignon.fr
2
REMERCIEMENTS
3
RESUME
Développer une stratégie de communication spécifique est une entreprise qui peut
se révéler longue et fastidieuse pour une petite structure en raison d’un manque de
moyens et de connaissances dans ce domaine. C’est pourquoi, un diagnostic est en
premier lieu nécessaire afin d’identifier les points positifs et ceux à améliorer avant
de se lancer dans une véritable démarche de communication.
Enfin, cette étude permet d’élaborer plusieurs pistes de réflexion et d’action à mener
pour répondre aux diverses questions soulevées par les évolutions de ce statut.
4
ABSTRACT
Several lines of thought are provided through this dissertation in order to assess how
useful and effective the position of récoltant-manipulant of Champagne can be as a
communication tool when it comes to highlighting grower champagnes.
The DELONG Marlène Champagne House is the case study of this dissertation. This
choice is all the more interesting that it relies upon on a real active and rising
récolant-manipulant of Champagne and French Independent Winegrower. Hence the
opportunity to conduct a study on this specific kind of winegrower to find out how
efficient and successful this status is as means to shine light on its image and know-
how while considering any future evolution of this specificity of Champagne.
In order to back up the observations made through this dissertation and the
suggested solutions, it is crucial to use at the same time theories which have been
studied and the ones discovered through the elaboration of this work.
Finally, this dissertation aims at offering several lines of thought to reflect upon the
ways to highlight the position of récoltant-manipulant and tackle the different issues
raised by the evolution of this trade.
5
Table des matières
REMERCIEMENTS .................................................................................................... 3
RESUME .................................................................................................................... 4
ABSTRACT ................................................................................................................ 5
LISTE DES TABLEAUX ............................................................................................. 7
LISTE DES FIGURES ................................................................................................ 8
LISTE DES ANNEXES ............................................................................................... 9
INTRODUCTION ...................................................................................................... 10
Première partie - Le statut de récoltant-manipulant : un pilier du paysage viticole
champenois en pleine évolution ............................................................................... 13
I. Une charte d’engagements empreinte de terroir et d’artisanat……………………14
A. Apparition et évolution du statut de récoltant-manipulant…………………………...16
B. Les problèmes qualitatifs des premiers champagnes de vigneron…………………18
C. Spécificités de la manipulation………………………………………………………....21
II. Une industrie du champagne forte d’une riche histoire et novatrice en matière de
communication………………………………………………………………………………24
A. Une communication globale basée sur une image classique du
champagne…………………………..............................................................................24
B. Un outil de communication qui s’est orienté vers la personnalité du vigneron
récoltant-manipulant pour mettre en valeur son produit………………………………...27
III. Mise en place et développement de la préservation d’une viticulture champenoise
éco-responsable…………………………………………………………………………….29
A. Un vignoble respectueux de son propre environnement…………………………..29
B. Une viticulture durable en phase d’évolution………………………………………..32
6
LISTE DES TABLEAUX
7
LISTE DES FIGURES
Figure 1 - Structure du marché du champagne segmenté selon le type de
champagne
8
LISTE DES ANNEXES
Annexe 1 – Premier emplacement aménagé par le Syndicat général des vignerons de Champagne et
réservé aux récoltants-manipulants à l’occasion du concours général agricole de Paris en 1932
Annexe 2 – Cartes montrant l’évolution de l’enherbement dans le vignoble champenois entre 2003 et
2018, issues de La Champagne viticole, « Environnement les signaux au vert », n°854, mars 2019
9
INTRODUCTION
10
Le milieu vitivinicole champenois regorge de spécificités dans de nombreux secteurs,
qu’il s’agisse de la vinification, de patrimoine ou bien du droit et de la défense de
l’appellation.
Nourrissant un réel attrait pour cette région vinicole prestigieuse qui m’a vu grandir,
je souhaite tracer les lignes du cadre dans lequel ce mémoire a été réalisé.
D’une part, en raison de son histoire singulière, la Champagne suscite en moi un vif
intérêt. Jusqu’à la fin du XIXème et au début du XXème siècle, l’activité de cette
région reposait essentiellement sur l’élevage d’ovins, la sylviculture et la culture de
céréales. La pauvreté des sols de la « Champagne pouilleuse » ou « Champagne
crayeuse » explique en bonne partie cette situation précaire. Cependant, la
mécanisation et la modernisation du secteur primaire a rendu possible une évolution
positive de l’activité économique dans cette région. De plus, bien qu’handicapant à
première vue, le sol crayeux et perméable offre les conditions optimales à la culture
de la vigne sur les coteaux de cette région et l’élaboration du vin de Champagne. Ce
faisant, ce territoire qui, de prime abord, paraissait dénué de tout intérêt a su
renverser la situation en sa faveur en faisant de sa faiblesse une force grâce,
notamment, à sa géologie particulière.
Mais une question subsiste. Pourquoi avoir choisi d’étudier le statut de récoltant-
manipulant, ses atouts en termes de communication et ses possibles évolutions ?
La réponse est simple. Etant donné ma volonté d’effectuer mon stage au plus proche
du terroir champenois dans une exploitation de récoltant-manipulant qui, à mes yeux,
renferme l’essence-même du savoir-faire champenois, j’ai trouvé judicieux d’étudier
ce statut particulier par rapport au contexte actuel et futur du secteur vitivinicole
régional et sous l’angle de la communication.
11
Si un récoltant-manipulant jouit d’une totale liberté quant à l’élaboration de ses vins
et à sa propre vision du champagne, il souffre, en revanche, d’une source
d’investissements et d’une capacité de production limitées. Pour faire la différence,
ce type de vigneron a tout intérêt à développer sa stratégie de communication afin de
palier son manque possible de visibilité face aux plus grandes maisons de
Champagne qui, à la fois, participent à la renommée internationale de ce vin
effervescent et portent préjudice aux structures viticoles plus modestes en leur
faisant de l’ombre.
Ce sont les raisons majeures qui m’ont poussé à nourrir cette réflexion et rédiger ce
mémoire.
12
Première partie
Le statut de récoltant-manipulant : un pilier
du paysage viticole champenois en pleine
évolution
13
Cette première partie vise à donner au lecteur des éléments de compréhension du
contexte dans lequel évolue cette exploitation vitivinicole et à saisir les enjeux qui se
cachent derrière le statut de récoltant-manipulant sur le marché du champagne. Des
données chiffrées viennent compléter cette mise en contexte d’étude de cas.
Avant toute chose, il est important de rappeler les différents types de statut qui
existent en Champagne afin de bien saisir les spécificités de chacun.
Ainsi, lorsque l’on choisit une bouteille de champagne, des indications figurent sur
l’étiquette, la contre-étiquette et la coiffe. Donc, s’informer sur la provenance du
contenu et sur ses méthodes d’élaboration est possible. Ces éléments forment, en
partie, des critères de distinction entre chaque type de producteurs caractérisé par
un code formé de deux lettres. Voici une liste desdits statuts :
RM : récoltant-manipulant
Un récoltant-manipulant consiste en un viticulteur qui cultive ses propres vignes,
vinifie, embouteille et commercialise lui-même son propre champagne. Il s’agit le
plus souvent de petits vignerons.
NM : négociant-manipulant
Derrière un négociant-manipulant se cache, en réalité, une marque de champagne
qui achète du raisin auprès de viticulteurs. Seules les étapes de vinification et de
commercialisation sont assurées par ce genre de structure à l’instar de la plupart des
grandes maisons de Champagne.
CM : coopérative de manipulation
Une coopérative de manipulation fonctionne selon un principe simple : ses membres
l’approvisionnent en raisins qui sont ensuite pressés et assemblés dans les locaux
de ladite coopérative. Enfin, les bouteilles de champagne obtenues se voient
apposer l’étiquetage et la marque propre à la coopérative.
14
RC : récoltant-coopérateur
En tant que récoltant-coopérateur, un viticulteur doit uniquement récolter son propre
raisin et l’apporter à la coopérative dont il fait partie. La phase de vinification est
menée à bien par cette coopérative qui rend ensuite ses bouteilles de champagne au
viticulteur concerné afin que ce-dernier y appose ses propres étiquettes.
SR : société de récoltants
Que l’on emploie le terme de société de récoltants ou de négoce, la pratique reste
identique. Une association de viticulteurs également vignerons procède à
l’élaboration de son vin de Champagne. Souvent, cette technique est privilégiée par
des membres d’une même famille afin de vinifier et commercialiser ensemble le fruit
de leur collaboration.
MA : marque d’acheteur
Comme l’indique sa dénomination, une marque d’acheteur correspond à une société
qui se procure des bouteilles de champagne pour les commercialiser sous sa propre
étiquette personnalisée. Restaurants, cavistes, sommeliers ou encore grandes
surfaces usent parfois de ce procédé pour proposer des champagnes sous leur nom
sans avoir pris part au processus de conception du vin effervescent ainsi vendu.
15
A. Apparition et évolution du statut de récoltant-manipulant
16
vignerons locaux. En ce temps, de nombreux cavistes possédaient des vignes et
mettaient en pratique leurs connaissances acquises auprès des caves de négociants
afin d’élaborer leur propre champagne. Aussi leur arrivait-il de manipuler contre
rémunération le raisin de vignerons qui assistaient au procédé de vinification pour en
apprendre les rudiments et techniques. Au cours des années 1930, le monde du
champagne a connu de grandes transformations. Dû à une chute des ventes de leur
champagne, les maisons diminuaient leur approvisionnement en raisin, ce qui a
provoqué une dépréciation du prix de cette matière première. En réponse à ce
phénomène, de nombreux viticulteurs ont opté pour la manipulation. En 1936, les
ventes réalisées par les vignerons représentaient 6,4% du marché, soit 2 407 000
bouteilles sur un total de 37 872 000. A cette époque, l’organisation
interprofessionnelle de Champagne se développait progressivement et lançait ses
premières campagnes de propagande qui associaient le vignoble et le négoce, ce
qui offrait l’occasion aux vignerons de vivre leur première expérience en termes de
marketing et de communication (cf. annexe 1).
Durant cette phase, les récoltants-manipulants qui se situaient dans les régions de
monoculture appartenaient aussi aux secteurs de premiers et grands crus.
L’explication a cette constatation trouve sa réponse dans la différence entre zone de
monoculture et de pluriactivité. Dans cette dernière, en cas de faibles ventes de
raisin, les vignerons pouvaient compenser leur manque à gagner par une activité
annexe comme la culture céréalière ou de l’artisanat. En cas de monoculture, la
viticulture doit à tout prix commercialiser son champagne pour subsister.
Remarquons aussi que la manipulation résulte rarement d’une vocation chez le
vigneron à cette époque mais plutôt d’une adaptation à un contexte économique
favorable à cette pratique.
17
Interprofessionnel du Vin de Champagne. Ensemble avec le négoce, les récoltants-
manipulants constituent les protagonistes1 de ce marché parallèle en raison
notamment d’une fixation du prix du raisin qui leur était défavorable. Celle-ci se
basait sur les tarifs de 1939 proposés par les maisons de Champagne qui
possédaient alors une gamme de produits plus large et des vins millésimés vendus
bien plus chers que des vins bruts sans année (B. S. A.). Augmenter la proportion de
ventes de millésimes suffisait à contourner les prix fixés. Cependant, les récoltants-
manipulants ne pouvaient pas y avoir recours.
Tout d’abord, il est important de souligner que les premiers champagnes élaborés
par les vignerons eux-mêmes comportaient leur lot de défauts, aujourd’hui effacés.
En raison de moyens conséquents, seules les maisons de Champagne disposaient
en général d’infrastructures réellement adaptées, dont des caves suffisamment
profondes et isolées pour apporter un vieillissement correct aux vins contrairement
aux installations des premiers vignerons2. Ainsi, les dimensions étriquées des locaux
des propriétaires-récoltants entravaient tout processus de mécanisation, ce qui
aboutissait souvent à des manipulations manuelles plus approximatives que celles
opérées par des machines. Le manque de place incitait aussi à écouler les stocks
rapidement avant le tirage suivant, ce qui limitait très fortement le volume de vins de
réserve et le vieillissement sur lattes des vins. Gardons aussi en tête que le savoir-
faire des vignerons restait insuffisant et qu’il a fallu attendre les années 1950 à 1970
pour voir apparaître les premiers laboratoires et proposer un suivi qualitatif des vins.
En dépit de ces débuts difficiles, la manipulation a donné lieu à une recherche
d’amélioration continue des vins de Champagne. En découvrant le produit fini, le
vigneron s’est davantage penché sur les méthodes de confection de cet effervescent
et les causes qui se cachaient derrière ce résultat. De simple fournisseur de raisin
« betteravier ou paysan qui produisait du raisin comme il aurait produit n'importe quel
autre produit agricole, en cherchant d'abord le rendement, sans se poser plus de
questions » selon Guy GIMMONET, vigneron, dans son entretien avec Yves
TESSON, universitaire en 2016, le vigneron s’est progressivement transformé en
artisan et savant du champagne. A titre d’exemple, avant de changer d’approche, le
vigneron tendait à considérer les attentes qualitatives du négociant concernant
1 ADM, 204 M 616, « Enquête relative à la hausse des prix du champagne et étude des principes de la réglementation en
vigueur ». Service général de contrôle économique, Brigades régionales de Châlons-sur-Marne, 21 septembre 1944.
2
Villa Bissinger, Entretien de Raymond LAURENT avec Rachel PAYAN, 15 août 2005.
18
l’épluchage ou l’éraflage comme accessoires. Apte à maîtriser lui-même ses vins et à
en saisir les enjeux qualitatifs, le vigneron s’est également rendu compte de
l’importance de la viticulture et des pratiques culturales. Soucieux d’améliorer ces
dernières, le récoltant-manipulant a fait partie des premiers acteurs à se questionner
sur le danger engendré par l'abandon des labours et à constater que cette situation
contribuait à une indifférenciation des vins. En effet, la vigne puise ses nutriments là
où ils sont nombreux et accessibles ; autrement dit, sur les amendements
organiques déversés en surface. Le système racinaire n’allait plus chercher sa
nourriture en profondeur, dans les strates crayeuses. Qu’importe le terroir, le goût
était toujours le même. La vigne s’assimilait ainsi à une culture de « maraîchage ».
Le labourage offrait la possibilité de couper les radicelles de surface et de
contraindre les racines à chercher ce dont elles avaient besoins plus en profondeur3 .
L'échelle des crus reprenait alors peu à peu son sens. Progressivement, une élite de
vignerons a vu le jour. Ses membres ont pris l’habitude de retrouver pour échanger
et partager autour de leurs vins et de leurs méthodes. Ainsi, en 1971 sont apparus le
club des viticulteurs champenois et celui de la bouteille special club, évènements qui
traduisait un élan de volonté ambiant en vue d’améliorer la qualité des champagnes
d’époque. Le principe était simple : chaque vigneron membre soumettait sa meilleure
cuvée lorsque le millésimé lui paraissait de qualité. Cette cuvée était goûtée à
l'aveugle à deux reprises, avant et après un vieillissement d'au moins trois ans, par
un comité formé de trois œnologues et de deux vignerons. Une fois retenus, les vins
pouvaient alors porter la mention « special club ». De plus, les règles établies se sont
révélées strictes : aucune taille n'est admise et 20% de la récolte au plus pouvaient y
participer. Notons aussi qu’une vinothèque collective a été mise en place dans des
caves profondes à Cuis afin de suivre et de comparer dans le temps le travail
effectué. En résumé, il s’agissait à la fois d'un coup de génie marketing et d'un outil
d'émulation puissant entre les récoltants-manipulants membres3.
3 Extrait d’un journal qui figure dans les annexes du mémoire de Guy GIMMONET, Les récoltants-manipulants, seuls
opérateurs hors-contrat de la filière vitivinicole champenoise : un défi pour l’avenir ? Une menace de déséquilibre
interprofessionnel ? Mémoire de fin d’étude dirigé par le CIVC et l’INRA, Ecole supérieure d’agriculture d’Angers, 1985,
Annexes 7 à 16
19
manipulation représentait un moyen de mettre à profit ce nouveau savoir. A chaque
génération, son propre rôle. Ainsi, le père s’affaire à la partie technique tandis que le
fils s’occupe de la commercialisation de la production. Plus tard, en 1980, en plus de
la motivation pécuniaire, 67% vignerons, soit plus des deux tiers en activité,
considéraient la manipulation comme le prolongement naturel de leur activité.
Derrière cet état de fait se cachait une transformation de la pensée de ces artisans
du terroir. Plus qu’une boisson, le statut de récoltant-manipulant et le champagne se
révélaient très utiles afin de s’ouvrir à de nouveaux marchés et de mettre en valeur
son propre savoir-faire sur la scène internationale. Elaborer du champagne sous son
nom devenait synonyme d’ascension sociale.
Afin de se donner un ordre de grandeur à propos de l’effectif de récoltant-
manipulants en Champagne et de la taille de leur vignoble, il faut savoir que ces
professionnels sont passés de 13 300 en 1958 à 14 200 en 1982 et près de la moitié
d’entre eux exerçait la viticulture comme activité annexe. De 75 ares en 1958, la
superficie moyenne de leur exploitation viticole est passée à 1 ou 2 hectares en
1982. En 1950, les vignobles de plus de 2 hectares étaient au nombre de 535 contre
3 607 en 1982, dont 582 d’une superficie supérieure à 5 hectares contre 90 en 1950.
Ces chiffres indiquent une transformation du milieu viticole champenois et de la
structure des exploitations de récoltants-manipulants en l’espace d’une génération.
Au même moment, de 1958 jusqu’à 1982, la superficie des vignobles des
propriétaires a augmenté d’environ 125% contre seulement un tiers pour le négoce.
Ce faisant, les petits vignerons sont parvenus à prendre davantage d’autonomie face
à l’emprise du négoce. Ce phénomène s’explique, en partie, par des mesures prises
par la S. A. F. E. R. en faveur des vignerons afin que leur soient délivrées davantage
d’autorisations d’encépagement. Simultanément, notons aussi que le volume des
expéditions réalisées par les vignerons a été multiplié par huit contre quatre pour le
négoce. A ce moment précis, le statut de récoltant-manipulant gagne réellement en
importance. Environ au nombre de 1 300 avant la Seconde Guerre Mondiale, les
propriétaires-récoltants ont connu une augmentation significative de leur effectif en
passant à près de 3 000 en 1968 à quelque 5 000 membres en 1988.
20
Ainsi, le nombre d’expéditions a été multiplié par près de 20 en l’espace de 40 ans,
avec une croissance nettement plus forte entre les années 1970 et 1980, période au
cours de laquelle le volume de bouteilles expédiées s’est vu multiplié par 3. A cette
époque, les propriétaires-récoltants assuraient à eux seuls le tiers de
l’approvisionnement en champagne et répondaient à la demande de la moitié du
marché français contre 13% en 1960. Il faut toutefois pondérer ces chiffres par le
poids important des coopératives viticoles qui, au moyen d’aides versées dès 1947
par l’Etat et l’interprofession du champagne, ont connu une croissance de leur
effectif : 52 en coopératives en 1950, 120 en 1965 et 145 en 1980. Gardons
également en tête que le pouvoir d’achat des vignerons et viticulteurs est resté stable
depuis 1950, en partie, grâce à l’augmentation du prix du kilogramme de raisin, des
rendements et de la valeur ajoutée sur le produit fini.
C. Spécificités de la manipulation
Ce statut offre un certain nombre d’avantages par rapport aux autres solutions qui
existent pour évoluer dans le secteur du champagne. Tout d’abord, d’un point de vue
économique, cette situation fournit une émancipation et une indépendance au
vigneron qui se trouve alors en pleine autonomie. Le revenu du viticulteur s’en voit
aussi augmenté en raison d’une valeur ajoutée à la conception de son propre
effervescent et d’immunités fiscales qui ne sont pas octroyées au négociant, par
exemple. Il s’agit d’un moyen de dynamiser certaines exploitations en perte de
vitesse. De plus, cette activité implique d’établir des contacts et des réseaux qui
donnent accès à des marchés parfois restreints. En d’autres termes, elle constitue un
véritable outil de communication auprès de personnes en quête de champagne
d’artisan et non pas de négociant. Bien qu’attrayant en raison de son gage
d’authenticité et de mise en valeur du terroir, la notion de récoltant-manipulant
comporte en elle-même ses propres limites. En effet, ce statut suppose un savoir-
faire reconnu, des fonds suffisants en vue d’investir dans du matériel viticole, des
infrastructures de manipulation, de vinification ou encore d’entreposage. C’est
pourquoi, il est nécessaire de posséder un vignoble d’une superficie qui puisse
justifier ces investissements, assurer une commercialisation régulière de ses
bouteilles et détenir une trésorerie qui puisse couvrir les besoins en fonds de
roulement.
21
Entre 1975 et 1980, le nombre de récoltants-manipulants a connu une augmentation
de l’ordre de 30% en atteignant 4 926 professionnels. Ceux-ci représentaient environ
70% des exploitants à temps complet et le tiers de l’effectif total des vignerons, tout
en faisant partie des viticulteurs dotés de moyens et grands domaines. Notons qu’un
peu plus de la moitié d’entre eux, aux alentours de 54,6%, enregistraient une
production annuelle de champagne inférieure à 10 000 bouteilles. Leur clientèle se
résumait, en majorité, à un tissu de relations personnelles et à une vente d’une partie
de leur raisin au négoce. Relevons aussi une autre catégorie de propriétaires-
récoltants : le récoltant-manipulant moyen. Son domaine s’étendait sur une superficie
de trois à cinq hectares et sa production annuelle comprenaient entre 10 000 et
50 000 bouteilles. Une fraction encore plus faible de ces professionnels, environ
2,6% soit un effectif de 130, réussissaient à sortir plus de 50 000 bouteilles à l’année,
vinifiaient la totalité de leur récolte et se lançaient à l’attaque de nouveaux marchés.
Enfin, détail qui a son importance, près d’un dixième des récoltants-manipulants ne
possédaient pas de réelle activité.
22
Ce groupe compte un grand nombre de jeunes vignerons qui voient en la
coopérative une solution adéquate pour travailler en tant que récoltant-manipulant
afin de leur laisser le temps de s’équiper en matériels et infrastructures.
Les propriétaires-récoltants qui n’ont pas recours aux services proposés par une
coopérative peuvent opter pour l’un des deux solutions suivantes : transformer
l’ensemble des vendanges en champagne comme le 75% d’entre eux ou bien à la
fois manipuler et vendre le raisin au kilogramme afin de bénéficier des apports d’un
contrats interprofessionnel.
23
II. Une industrie du champagne forte d’une riche histoire et novatrice
en matière de communication
4
« Les Récoltants Manipulants », in La Champagne viticole, avril 1954.
5
UMC, BB 1, USCV, Rapport d’assemblée générale sur l’activité de l’Union en 1957, février 1958.
6
SGV, Boîte « Communication RM », Recherche d’une stratégie de communication pour la commission des RM du SGV,
rapport de synthèse KW Région, Etude, janvier 1992.
7
Didier GIMMONET, Les récoltants-manipulants, seuls opérateurs hors-contrat de la filière vitivinicole champenoise…, op.cit.,
p.85.
24
leur prix de vente moyen et 21% des professionnels interrogés ne possédaient pas
de fichier de clientèle. De plus, l’un des points faibles de récoltants-manipulants se
situaient aussi dans la largeur de gamme proposée : 2,5 cuvées différentes en
moyenne7 tandis que la majorité des maisons de Champagne en disposaient d’au
moins cinq. Seuls les récoltants-manipulants qui collaboraient avec des coopératives
tiraient leur épingle du jeu en diversifiant leur gamme grâce aux grands volumes
transformés par ce genre de structure. Quand il s’agissait de vendre leur
champagne, les vignerons récoltants-manipulants s’appuyait sur l’utilisation de leur
appellation et leur prix attractif. En revanche, les maisons de Champagne ont
toujours préféré mettre en valeur leur nom plutôt que l’appellation Champagne ou
même le produit en lui-même ; vendre une marque et un nom a toujours été leur
objectif premier. Du point de vue de la communication, le champagne de récoltant-
manipulant a pu souffrir de son manque de notoriété. En effet, la dimension liée au
paraître en est relativement absente au profit de la qualité du vin et de sa typicité.
C’est pourquoi, il a souvent été question de le consommer dans un cadre intime ou
lors d’un repas de famille et non lors d’une réception d’invités pendant laquelle l’hôte
met en jeu sa réputation8. Autrement dit, le champagne de marque équivaut à un
« champagne cadeau9 » par le biais duquel on peut évaluer la qualité du don réalisé.
C’est pourquoi, il est nécessaire d’afficher un nom aisément identifiable par ses
convives : « la puissance symbolique du champagne, de son nom est largement
supérieure à la réalité du produit10 ». Ce faisant, la question du prix revêt un
caractère primordial dans le monde des marques car le but est de montrer aux yeux
de chacun que l’on possède de l’argent et qu’en achetant un champagne de grande
notoriété, on s’assure un produit de haute qualité. Plus onéreux est le prix affiché,
meilleur est le champagne selon cette logique. En raison de sa nature particulière, le
champagne de marque affiche une consommation irrégulière, fortement lié aux
fluctuations saisonnières et aux grandes occasions comme les fêtes de fin d’année.
Cela représente à la fois sa force et sa faiblesse. Contrairement à ce genre de
pratique, le champagne de récoltant-manipulant bénéficie d’une consommation
régulière tout au long de l’année. En se procurant un champagne de récoltant-
manipulant, le consommateur cherche à témoigner d’un certain discernement grâce
à un excellent rapport entre qualité et prix. Ainsi, ce type de vin dispose de plusieurs
atouts, dont la notion d’initiation. Il s’agit d’un effervescent que l’on s’approprie, qui
8
SGV, Boîte « Communication RM », Recherche d’une stratégie de communication pour la commission des RM du SGV,
rapport de synthèse KW Région, Etude, janvier 1992.
9
Idem.
10
Idem.
25
se trouve lié à une histoire particulière et à un patrimoine. Il sert de base à
l’établissement d’une relation personnelle et étroite entre le consommateur et le
vigneron. Le récoltant-manipulant peut construire une partie de sa communication
sur la dimension intime associée à son produit et à son savoir-faire dans la mesure
où l’on a le sentiment de pénétrer un cercle restreint de connaisseurs en raison de la
difficulté à se procurer son champagne comparé à celui des grandes maisons. Ainsi,
le client se sent privilégié et flatté par cette impression, se lie fidèlement au vigneron
qui devient « son » vigneron. Celui-ci estampille ses bouteilles de son nom et en
cela, transmet un gage d’authenticité aux yeux de tous. Il se fait ambassadeur
légitime et naturel de ses vins et son nom se transforme alors en une marque et en
sa propre signature 11à l’instar d’une griffe de créateur. Ce champagne se boit pour
lui-même et n’a besoin d’aucun prétexte pour être consommé. Il constitue même une
occasion de se valoriser auprès de ses connaissances en leur faisant découvrir un
vin inconnu et d’affirmer sa différence. C’est d’ailleurs un moyen pour le vigneron lui-
même de cultiver sa différence par le biais de son statut spécifique. La qualité du
produit se voit réinvestie car c’est avant toute chose un vin pour lequel on prête une
vive attention à ses arômes et à ses saveurs. Les récoltants-manipulants ont
progressivement tiré parti de cette réalité en axant davantage leur communication
sur la notion de qualité et de privilège. Ainsi, ils ont inversé le slogan des maisons de
Champagne en passant de « pas de fête sans champagne » à « boire du
champagne est une fête ». Désormais, la boisson suscite la réjouissance et non pas
l’inverse. Ce mouvement visait à répondre à la campagne de communication menée
par le négoce qui entendait dénigrer la qualité du champagne élaboré par les
récoltants-manipulants. Le but était de mettre ne valeur le savoir-faire de ce type de
vigneron et d’insister sur le fait qu’il s’agissait aussi d’un assembleur de cépages,
d’années et de terroirs. Comparé à une largeur de gamme élevée chez le négoce, le
vigneron a commencé à tirer parti de la petite taille de sa structure afin de proposer
un travail d’orfèvre et de fignoler son champagne. Tout comme dans le vignoble
bourguignon, on s’est mis à privilégier la culture parcellaire et a fortiori la qualité du
vin, emblème de son terroir. A l’image de Dom Pérignon, le récoltant-manipulant a
toujours eu à cœur d’assembler des vins issus de crus voisins et de caractéristiques
similaires. Nonobstant, bien qu’abandonnée depuis la fin du XIXème siècle par le
monde viticole champenois, l’élaboration de monocrus a connu un regain d’intérêt au
cours des années 1990 parmi les vignerons lorsque ceux-ci jugeaient des spécificités
singulières et intéressantes. Ainsi, réapparurent les mentions grands crus, premiers
11
Entretien entre Yves TESSON et Jean-Baptiste PREVOST, consultant chez Wine Ambassadors, 2016
26
crus et les noms de villages. Toutefois, à l’origine, l’échelle des crus se destinait
uniquement aux professionnels afin de fixer le prix du raisin. Ce faisant, le
consommateur était étranger à cette institution qui a également suscité de vives
critiques de la part des vignerons eux-mêmes en raison de son mécanisme. Celui-ci
reposait sur le finage des villages et négligeait les positions de parcelles situées en
bas ou en haut de coteaux qui sont pourtant des données importantes à prendre en
compte.
12
Brochure publicitaire « En Champagne, un ami vous attend », date 1992
13
SGV, RM 4/1, Encart paru dans Le Figaro, s.d.
14
SGV, RM 5/1, Communication Corporate Propriétaires Récoltants-Manipulants Champenois, Etude du Cabinet « Couleurs et
stratégie », 23 mai 1991.
27
partage les valeurs. Porteur d’une révolution à la fois morale et viticole qui s’est
traduite par un élan d’altermondialisme, les récoltants-manipulants ont dénoncé les
politiques de grands groupes dont les actionnaires déracinés ont toujours affiché un
intérêt manifeste non pas pour la qualité mais pour le rendement. La mondialisation
est progressivement devenue synonyme de standardisation du champagne en
arômes et en saveurs. Grâce à l’intervention du propriétaire-récoltant, la Champagne
reste champenoise, quitte à concevoir des champagnes qui trancheraient par leur
typicité revendiquée.
Afin de refléter ces spécificités liées au champagne de récoltant-manipulant, on a
inventé un nouveau slogan : « le champagne a sa source ». Par le biais de cette
phrase, on insiste sur le fait qu’il s’agit d’un produit de grande qualité, intégralement
élaboré par le vigneron et acheté directement auprès de celui-ci pour un prix bon
marché. La source évoque un produit naturel, issu de la terre et renvoie à la
minéralité de l’eau présente dans les nappes phréatiques du vignoble champenois. A
cette époque, ce choix sémantique a été motivé par la mise en place de la loi Evin et
employer un terme du champ lexical de l’eau permettait d’adoucir l’image de la
boisson alcoolisée. Enfin, on joue aussi sur l’homophonie entre la préposition et le
verbe avoir pour rappeler que le champagne demeure un produit du terroir qui
possède sa source. Il provient avant tout de la terre et le vigneron est là pour le
rappeler.
Pour résumer, suite à un essor continu au cours de la seconde moitié du XXème
siècle et tout en bénéficiant du sillage des maisons de négoce qui représentaient de
véritables figures de proue de l’industrie du champagne, l’activité des récoltants-
manipulants a connu un ralentissement. Face à cette difficulté, ces vignerons ont dû
dessiner leur propre stratégie, définir leur propre identité et cultiver leur différence.
Pour ce faire, ils ont procédé en s’appuyant l’idée de terroir15 et en renversant le
concept de démocratisation du champagne porté par les maisons de négoce tout au
long des « Trente glorieuses ». Face à leur manque de volumes pour gagner des
parts de marché par rapport au négoce, les récoltants-manipulants se sont dirigés
vers les marchés de niche, comme celui des catégories CSP+ ou CSP++ en quête
de singularité et de différenciation. Avec le récoltant-manipulant, la rareté et la
typicité du champagne sont synonymes de luxe.
15
Benoît VERDIER, « Construction d’une rhétorique professionnelle : la notion de terroir dans la Champagne viticole de 1909 à
2010 », Serge WOLIKOW, La construction des territoires de Champagne (1811-1911-2011), EUD, 2013, p. 303-315.
28
III. Mise en place et développement de la préservation d’une viticulture
champenoise éco-responsable
29
trouve en adéquation avec leur habitude d’achat. En sus de ces prises de position, il
est nécessaire de respecter les exigences liées à la loi Agriculture et Alimentation
EGALIM, adoptée en novembre 2018, et d’effectuer un travail en profondeur autour
de la notion de chartes riverains.
En outre, la Champagne a connu des avancées en matière de viticulture raisonnée
puis durable. Dès les années 1990, cette région a mis en place un système de
management environnemental (SME) riche d’environ 300 indicateurs afin de mesurer
les progrès réalisés. Par exemple, les images satellites récoltées par le Comité
interprofessionnel des vins de Champagne (CIVC) dénotent une progression
régulière de l’enherbement du vignoble régional. En 2018, la végétalisation atteignait
35% des surfaces cultivées contre 22% en 2003 (cf. annexe 2). Selon Arnaud
DESCÔTES, directeurs des services techniques du Comité Champagne, les
indicateurs à disposition permettent un « suivi attentif des performances
environnementales de l’entreprise Champagne » et affirme que des « progrès très
sensibles ont été enregistrés depuis une quinzaine d’années ». Qu’il s’agisse de
viticulture durable ou biologique, les grands principes restent identiques : respect des
équilibres naturels et de la biodiversité, soins culturaux préventifs ou prophylaxie,
réduction drastique d’intrants dans les vignes, utilisation de traitements bénins à la
fois pour l’Homme et la nature ou encore maîtrise des travaux des sols. Une fois
définis, ces grands principes doivent être appliqués. Pour ce faire, on accompagne
les vignerons dans leur démarche grâce à la mise à disposition d’outils d’aide à la
décision (OAD). Ainsi, les professionnels de ce secteur peuvent se référer à des
référentiels techniques, des guides pratiques, des réseaux de stations
météorologiques autonomes, des modèles épidémiologiques ou encore des logiciels
de comparaison de produits viticoles. Ces efforts en matière d’écologie se traduisent
concrètement par l’utilisation de produits autorisées en viticulture biologique à
hauteur de 50% des intrants épandus ou bien par l’usage de la technique de
confusion sexuelle chez les insectes nuisibles, laquelle permet la suppression
presque totale des insecticides et permet à la Champagne de s’approcher encore
davantage de ses objectifs. En 2018, on recensait aux alentours de 17 000 hectares
protégés de la sorte, soit plus de la moitié des surfaces que couvre l’appellation
d’origine contrôlée. Enfin, selon le plan Ecophyto 2, les volumes de produits
phytosanitaires actuellement utilisés devront connaître une diminution de moitié d’ici
2025.
16
La Champagne viticole, n°854, mars 2019, p. 32-33.
30
La Champagne affiche des résultats encourageants en matière de viticulture durable.
Parallèlement à la tenue d’un débat en France qui fait rage autour de la notion de
« neutralité carbone », cette région a mis en place un plan nommé Facteur 4 dont le
but consiste à diminuer les émissions de dioxyde de carbone de 25% d’ici 2025 et de
75% d’ici 2050. Les moyens d’action s’articulent selon trois grands thèmes à savoir
l’eau, la biodiversité et le dioxyde de carbone. Les vignerons, récoltants-manipulants
ou autres, jouent un rôle majeur dans ce système puisqu’ils en représentent la pierre
angulaire. Sans eux, aucun progrès ne serait réalisé car ils sont à la fois acteurs et
témoins des résultats obtenus. Ils sont sur le terrain et, ce faisant, agissent et
mettent directement en pratique les méthodes prescrites par les organismes de
viticulture durable dans leur vignoble. Ainsi, entre 2003 et 2013, la Champagne a vu
ses émissions de dioxyde de carbone réduites de l’ordre de 7% et de 14% entre
2013 et 201817. A l’image du Champagne DELONG Marlène qui a opté pour la
suppression des intrants dans son vignoble, les vignerons champenois ont aussi eu
recours à l’utilisation de bouteilles allégées, au travail du sol ou encore à
l’optimisation de processus de vinification. En revanche, de tels procédés possèdent
aussi leur lot d’inconvénients comme une consommation croissante de carburant.
D’où l’importance de mobiliser l’ensemble de la filière viticole en vue de s’inscrire
dans une démarche « d’économie circulaire » selon Pierre NAVIAUX, chargé de ce
dossier au sein du Comité Champagne. Concrètement, cela s’est illustré en 2015 par
la tenue d’une concertation des parties prenantes qui ont émis quelque 350 idées à
inscrire dans un plan d’action. De plus, les vignerons peuvent également évaluer le
volume d’émission de dioxyde de carbone de leur exploitation et en faire un
diagnostic individuel au moyen d’un logiciel gratuit disponible sur le site en ligne du
C. I. V. C.
En outre, il convient de dresser un état des lieux de la viticulture durable en
Champagne (cf. annexe 3). Etablie en 2001 sous le nom de viticulture raisonnée,
cette certification a adopté la nomenclature qu’on lui connaît actuellement en 2009
en prenant en compte la gestion des rejets de dioxyde de carbone par les
exploitations. En décembre 2015, 50 vignerons étaient certifiés viticulture durable en
Champagne. En septembre 2018, cet effectif atteignait 335 exploitations viticoles,
soit un nombre multiplié par 5,7 en l’espace de trois ans. Aujourd’hui, cette
certification couvre 14,7% de la surface totale concernée par l’appellation d’origine
17
Evolution du bilan carbone, La Champagne viticole, Environnement Les Signaux au vert, n°854, mars 2019, p. 35.
31
contrôlée Champagne, soit 5 145 hectares, 335 exploitations et 48 prestataires.
Dans cette région, il existe quatre certifications environnementales majeures à
savoir : celle de la viticulture durable en Champagne (V. D. C.) avec 335 adhérents,
celle de la haute valeur environnementale (H. V. E.) qui compte 65 certifiés, celle de
l’agriculture biologique (A. B.), forte de 180 membres et celle de Terra Vitis qui
enregistre 40 vignerons. Au total, on recense 620 exploitations certifiées en
Champagne, ce qui entrevaut à 6 700 hectares, soit 20% du vignoble champenois
total. Notons également qu’une grande partie des exploitations qui ont obtenu la
certification V. D. C. sont également certifiées en norme H. V. E., ce qui représente
un effectif total d’environ 400 entités.
32
obtenir la désignation de récoltant-manipulant. Cela est d’autant plus trouble que les
coopératives ont pour coutume d’assembler les vins de chaque membre afin de les
vinifier puis de les distribuer à chaque adhérent les bouteilles d’une même cuvée.
Dans ce cas, on peut se trouver à acheter chez de prétendus récoltants-manipulants,
du champagne quasiment identique dont seul le prix et la marque apposée sur le
flacon diffèrent.
En dépit de faiblesses structurelles et d’un certain flou quant à leur statut, les
récoltants-manipulants constituent une strate essentielle du terroir champenois dans
la mesure où ils font office de figure de proue en matière de viticulture durable et de
savoir-faire. Afin d’illustrer ce rôle essentiel au sein du vignoble de Champagne, il
convient d’étudier la maison de Champagne DELONG Marlène qui a su faire
perdurer les traditions vitivinicoles de son patrimoine local tout en prônant une
viticulture responsable, durable et en s’adaptant aux évolutions de l’industrie du
champagne.
33
Deuxième partie
La maison de Champagne DELONG Marlène
: un récoltant-manipulant talentueux issu
d’un terroir méconnu
34
Cette deuxième partie entend brosser un portrait de la maison de Champagne
DELONG Marlène, en analyser la structure et le fonctionnement. S’agissant d’une
exploitation viticole champenoise, il est, tout d’abord, nécessaire d’identifier le
contexte économique de ce marché afin d’en suivre les grandes tendances. Ensuite,
il convient de s’intéresser à l’histoire de cette maison de Champagne pour en
comprendre l’évolution et les choix. Enfin, étant concurrencée par d’autres acteurs
locaux, il est important que cette exploitation poursuive ses efforts de différenciation
et mette encore plus en avant son crédo : un champagne à l’Esprit Nature.
En vue d’analyser les choix pris par la maison de Champagne DELONG Marlène, il
faut, au préalable, le marché de ce vin effervescent.
En 2018, sur un effectif total de 4 596 expéditeurs qui a perdu 98 vignerons et gagné
14 grandes maisons de Champagne comparé à 2017, les vignerons représentaient
18,2% des expéditions si l’on considérait uniquement les volumes et 14,8% si l’on
prenait seulement en compte les valeurs.
35
Expéditions de champagne par secteur d’importation
Malgré ces données, le fait marquant de l’année 2018 a été l’augmentation des
ventes de champagne à l’export : +0,6% en atteignant 154,8 millions de bouteilles.
Le chiffre d’affaires de l’export s’est accru de 1,8% en caracolant à 2,9 milliards
d’euros. Ainsi, l’export constituait le plus grand débouché pour l’écoulement de
bouteilles de champagne en amassant 51,3% des volumes. Depuis le début du
XXème siècle, c’est la première fois que ce phénomène se produit.
36
défavorable pour les Etats-Unis d’Amérique, ceux-ci ont enregistré une hausse des
volumes importés de 2,7% par rapport à 2017 et talonnent le Royaume-Uni. En
revanche, ils occupent la première place des pays importateurs de champagne en
termes de valeur, preuve de l’attractivité du champagne outre-Atlantique.
D’autres Etats tels que l’Australie, l’Afrique du Sud et la Russie ont connu une
augmentation fulgurante des quantités de champagne importées au cours des dix
dernières années, en témoigne une hausse de 134% des volumes commandés par
l’Australie durant cette période18.
Ainsi, les vignerons récoltants-manipulants ont tout intérêt à concentrer leurs efforts
sur la recherche de clients potentiels dans ces pays bien que la France demeure le
premier marché pour l’achat de champagne. L’intérêt que suppose les 10 premiers
pays importateurs de champagne est qu’ils apparaissent comme des valeurs sûres
bien qu’il s’agisse de marchés arrivés à maturité. Les nouveaux Etats clients tels que
la Chine, la Russie ou même le Mexique offrent l’occasion de pénétrer des marchés
encore immatures ou en cours de développement.
18
Comité interprofessionnel des vins de Champagne, Bulletin d’expédition de vins de Champagne en 2018, p. 6-7.
37
montrés particulièrement friands de ce champagne étaient la Chine avec 23,6% de
parts de marché et l’Italie avec 20,9%.
Enfin, bien que discret, les champagnes extra bruts ou non dosés ont gagné de
nouveaux clients en Europe, surtout en Italie et en Suisse chez qui l’importation de
ce type d’effervescent représentaient respectivement 2,3% et 1,9% du marché.
B. Des tendances d’achat et des habitudes qui évoluent apportant avec elles de
nouveaux profils de consommateurs
En dépit de l’intérêt que nous pouvons porter à ces chiffres afin de modéliser des
tendances de consommation, il nous faut nous concentrer sur les motivations dont
les consommateurs font preuve le plus souvent au moment d’acheter du champagne.
Bien entendu, les motifs divergent selon les marchés et pays considérés. Par
exemple, en France, les caractéristiques des acheteurs ont profondément évolué
depuis les années 1990. Entre 1900 et 2015, plus de 5 millions de nouveaux
consommateurs ont fait leur apparition sur le marché, dont 3,6 millions entre 2010 et
2015. Sur la même période, les parts respectives des non-consommateurs relatifs,
absolus et des consommateurs réguliers ont diminué au profit d’un profil d’amateur
occasionnel. Parallèlement à cette consommation marquée par la ponctualité, le
client tend à investir davantage dans la qualité plutôt que dans la quantité. Ce
faisant, il préfère consommer moins de produits mais de meilleure facture. Tendance
oblige, surtout auprès des personnes qui appartiennent à la génération Y, une quête
d’authenticité, de terroir, de proximité avec le producteu et de nouvelles façons de
boire ont fait leur apparition en scénarisant sa consommation. On préfère faire
sienne la possibilité de découvrir une nouvelle identité qui se cache derrière un vin
exceptionnel, l’histoire et le savoir-faire qui s’y rattachent plutôt que d’acheter un
produit pour lui-même.
19
Syndicat général des vignerons de Champagne, La Champagne viticole, Les récoltants-manipulants, commercialisation, p. 4
38
profondeur et à s’adapter aux évolutions du marché du champagne ont pu mettre en
valeur leur produit fini et en augmenter substantiellement la valeur ajoutée. Ce
phénomène est d’autant plus marqué que l’on a assisté à la mise en place croissante
d’une stratégie d’intégration verticale de la part des vignerons qui ont mis un point
d’honneur à maîtriser l’ensemble du processus d’élaboration de leur produit fini afin
d’en dégager un profit maximal. En revanche, les viticulteurs qui se sont montrés
incapables de prendre ce virage à temps en raison d’un manque d’adéquation entre
leur offre et la demande actuel ont progressivement cessé leur activité. C’est
pourquoi, en 2016, le Comité Champagne a identifié 4 364 vignerons récoltants-
expéditeurs, un effectif en diminution depuis une dizaine d’années. Ce phénomène
s’explique, en partie, par la renommée dont a toujours bénéficié l’appellation
Champagne. Il était commun pour un certain nombre de vignerons de se placer sous
la protection de cette dénomination face aux aléas économiques de la mondialisation
et des potentiels concurrents sur le marché des vins effervescents. Toutefois, les
viticulteurs qui se sont volontiers reposés sur leurs acquis ont été pris de court.
Actuellement, la diminution des expéditions de champagne s’explique aussi par la
disparition de ces acteurs au profit de vignerons davantage investis dans leur activité
en tant qu’ambassadeurs de leur terroir et d’une nouvelle génération de viticulteurs
enclins à développer la commercialisation de leur champagne afin de représenter
une option de choix pour qui souhaiterait éviter les grandes marques.
39
moments précis bien que 56% des personnes interrogées remarquent aussi en boire
pendant des moments peu formels tels que des repas.
Ensuite, il est possible de discerner des sous-profils de consommateurs de
champagne.
Une certaine proportion d’entre eux, 28%, appelée les opportunistes, effectuent leurs
achats dans les lieux où le rapport entre qualité et prix leur est le plus profitable ;
autrement dit, souvent en hypermarchés pour 33% d’entre eux et supermarchés à
hauteur de 23%.
Un ensemble de 20% d’individus forme le groupe des amateurs éclairés. Ceux-ci
sont en quête de conseils, c’est pourquoi, ils privilégient la proximité, le bouche-à-
oreille et les informations glanés de part et d’autre à travers diverses sources de
renseignements comme des revues.
Au sein du sous-ensemble des consommateurs avertis, existe une communauté de
consommateurs dits authentiques. Il s’agit d’hommes âgés en moyenne de 48 ans et
de classe-sociale inférieure celle des CSP+. Ils témoignent d’une sincère curiosité
envers les produits de terroir et de grande qualité. Ces individus sont pour 53%
d’entre eux des connaisseurs contre seulement 37% en moyenne. Ils achètent au
moins 10 bouteilles par an dont quatre afin de les offrir, et en consomment tout au
long de l’année sans attendre d’occasion particulière. Désireux de s’imprégner d’un
réel savoir-faire, ils se tournent volontiers vers les producteurs eux-mêmes et des
cavistes indépendants afin de s’approvisionner.
Enfin, si cette enquête laisse apparaître des catégories de consommateurs bien
définies, il faut tout de même souligner un fait notable : on consomme du champagne
en étant plus jeune et de façon plus décontractée. Environ 35% de ces personnes
boivent du champagne depuis moins de cinq ans contre 19% dans la totalité des
consommateurs. Pourtant, ces novices se montrent enclins à dépenser davantage,
8% de plus en moyenne, pour obtenir moins de bouteilles, six contre neuf. On
retrouve bien ici cette tendance à privilégier la qualité à la quantité. Ils affichent une
consommation plus volatile et moins tranchée que les autres groupes en buvant à
part égale du champagne brut à hauteur de 48% contre 62% au niveau global, et du
champagne demi-sec avec 43% contre 31% pour tous les individus confondus. Leur
habitude d’achat reflète à elle seule cette nouvelle mode de consommation : 57%
d’entre eux s’informent sur Internet, surtout sur les réseaux sociaux contre 37% au
niveau global et 69% se rendent chez un caviste indépendant pour y obtenir conseils
et réaliser des achats contre 60% en général. Ce phénomène est, en partie, le fait de
changements de coutumes liées à la consommation de champagne apportés la
40
génération Y ou millenials en anglais. Ces personnes nées entre 1980 et 2000 ont
pris pour habitude de consommer du champagne quel que soit le lieu, le moment ou
même l’accord. Pour elles, l’effervescence fait partie intégrante de leur critère de
choix en matière de consommation en raison de leur appartenance à la génération
de l’après soda. Il s’agit là d’un phénomène quasiment sociologique qui affiche un
réel attrait pour le terroir, l’authenticité, l’innovation, l’effervescence et la bulle, en
témoigne l’engouement autour des boissons pétillantes naturelles surnommées pet’
nat’ telles que la bière ou le cidre. Ainsi, il devient de plus en plus commun de tenir
un repas accompagné de champagne, voire de plusieurs champagnes différents.
Ainsi, les vignerons mettent un point d’honneur à élargir leur gamme de champagne
afin de se renouveler, tout en préservant au maximum leur vignoble de toute
intervention humaine conformément aux attentes de leur client en matière de qualité,
d’écologie et de responsabilité environnementale.
20
Champagne DELONG Marlène, http://www.champagne-delong-marlene.com/la-revue-des-vins-de-france-novembre-2017/ (le
16/08/2019).
21
Champagne DELONG Marlène, http://www.champagne-delong-marlene.com/lecon-dexpert-terre-de-vins-educavin/ (le
16/08/2019).
42
des modes de consommation en pleine évolution et une croissance toujours plus
grande du nombre de débouchés à l’export.
Comme évoqué plus haut, il s’agit d’une structure de taille modeste. Les avantages
qu’offre cette configuration résident principalement dans sa souplesse et sa
réactivité. En effet, l’absence d’intermédiaires et de hiérarchie étendue permet
d’évoluer et d’agir plus rapidement face aux aléas provoqués par les changements
de paradigme dans lequel opère cette exploitation. Autrement dit, plus l’entité est
petite, plus elle fait preuve d’agilité et d’adaptabilité. Notons également que nous
sommes en présence d’une structure en soleil dans une entreprise dirigée par une
femme-orchestre, peu de délégations mais forte concentration des responsabilités en
une personne. Cette situation est souvent l’apanage des T. P. E. et P. M. E. dans
lesquelles la notion de hiérarchie importe peu tant que les outils de communication
internes fonctionnent. A ce sujet, il est possible de reprendre les travaux de FAYOL,
de TAYLOR, d’Alfred SLOAN, ou encore de MINTZBERG. Selon ce dernier, il existe
cinq types de coordinations des Hommes et de mécanismes au sein d’une
entreprise. Suivant les définitions proposées par MINTZBERG, on peut qualifier la
structure de cette maison de Champagne comme simple car correspondant aux P.
M. E. Ici, les mécanismes de coordination du travail et des tâches clairement visibles
sont l’ajustement mutuel à travers une communication informelle, la supervision
directe et la standardisation des qualifications et du savoir. L’organigramme de cette
entreprise est relativement simple à reconnaître. S’agissant d’une petite structure, le
sommet hiérarchique et le pouvoir décisionnel appartiennent à Madame Marlène
DELONG. Quant à la ligne hiérarchique et à la technostructure, elles sont absentes
car inadaptées à ce genre de structure. Les salariés assurent le bon fonctionnement
du centre opérationnel grâce à leur tâche directement productive et Madame
Marlène DELONG est aussi chargée de l’ensemble des fonctions de communication,
commerciales, juridiques et de support logistique nécessaires au bon fonctionnement
de cette société. Il s’agit donc bien là d’une entreprise entrepreneuriale dans laquelle
la gérante s’occupe de presque tout.
43
B. L’importance d’un outil stratégique bien pensé
La communication est un vaste concept qui nous provient du latin communicare qui
signifie mettre en commun et partager. Ce faisant cette notion renvoie directement
au fait d’établir une connexion avec autrui et de tisser des liens avec quelqu’un. Dans
le milieu entrepreneurial, une société emploie ce principe lorsqu’elle décide
d’informer et de promouvoir son activité aux yeux de sa clientèle et de ses prospects.
En résumé, la communication consiste en un mécanisme de mise en commun de
renseignements par le biais de signaux, à travers différents canaux. Selon Robert
ESCARPIT, auteur de la Théorie générale des sciences de l’information et de la
communication, cette dernière se trouve être un « acte » dont l’« information » est le
produit. Autrement dit, la communication est le contenant de l’information qui en est
le contenu.
44
développées par LASWELL, SHANNON et WEAVER a été enrichi de ces apports et
comprend neuf composants : émetteur, codage, message, moyen de
communication, décodage, récepteur, bruit, réponse et retour. L’émetteur et le
récepteur représentent des acteurs du processus de communication, le message et
le moyen de communication constituent des vecteurs de transmission, le codage, le
décodage, la réponse et le retour sont des fonctions. Ajoutons aussi que la
communication intervient à plusieurs niveaux. Ainsi, il existe la communication
institutionnelle qui se voit appliquée par une entreprise en vue d’établir et d’affirmer
son identité à la fois sociale et économique mais aussi d’offrir à ses différentes cibles
la meilleure image possible sans objectif commercial direct. A un autre degré se
trouve la communication commerciale qui, cette fois, concerne un produit ou une
marque.
D’autres auteurs tels que KOTLER, DUBOIS et MANCEAU, ont affirmé à travers leur
ouvrage concernant la gestion d’entreprise et le marketing, Marketing Management,
la chose suivante : « compte tenu des possibilités offertes par les technologies de
l’information, l’entreprise ne doit plus simplement se demander : comment atteindre
mes clients ? mais aussi comment permettre à mes clients de m’atteindre ». Cet état
de fait met en exergue une chose crucial : l’entreprise doit pouvoir alimenter un flux
d’informations qui sera absorbé par son public, puis digéré par celui-ci et qui enfin
22
Claude DEMEURE, Ventes et actions commerciales, édition 1990, p. 145.
45
retourné à la société émettrice sous la forme de retours et d’avis constructifs.
L’entreprise a donc tout intérêt à développer un réseau de communication complet
afin d’alimenter la réflexion de ses clients et de bénéficier de leur apport. Ce constat
se voit renforcé par Pierre VERNIMMEN, auteur d’ouvrages portant sur la finance
d’entreprise, qui a souligné le fait suivant : « le seul savoir-faire ne suffit plus, s’il
n’est pas accompagné d’un faire-savoir ».
46
entreprise. C’est pourquoi, il est préférable d’informer et de consulter les salariés afin
de susciter chez eux un sentiment d’appartenance à la société pour laquelle ils
travaillent et les fédérer autour d’une même culture d’entreprise qui les incitera à
créer et à innover. Donc, le but est d’inclure le personnel dans la vie de l’entreprise
en tant que partie prenante en vue de le mobiliser et de l’encourager au mieux.
D’autre part, concernant la communication externe, l’objectif est de cibler les clients,
prospects, partenaires, actionnaires, médias, publics et pourquoi pas, jeunes
diplômés. La variété des interlocuteurs existants impose une adaptation des outils de
communication. Ainsi, une entreprise dispose, en règle générale, de quatre vecteurs
de transmission d’information : la rencontre, le papier, l’audiovisuel et les nouvelles
technologies de l’information et de la communication. La rencontre joue un rôle
important puisqu’elle représente le facteur humain d’une relation et par conséquent,
une valeur ajoutée à l’heure de rassurer le client. Qu’il s’agisse de support papier ou
audiovisuel, chacun contribue à la mémorisation et à l’explication des
renseignements fournis par une société, d’où leur importance. Enfin, les nouvelles
technologies de l’information et de la communication sont aujourd’hui plébiscitées
par le consommateur qui a tendance à rajeunir. Leur aspect réactif et interactif offre
la possibilité d’alimenter un flux d’information en continu et de satisfaire le besoin de
renseignements du client.
Outre ces types de communication, il est nécessaire de présenter un discours en
adéquation avec le genre de support employé.
47
Discours de Mise en valeur des Mise en avant de la
Renforcer son réseau
l’entreprise ressources internes marque et relation client
- Mobiliser et motiver - Tisser des - Animer les forces
son personnel. relations avec la de vente.
- Transmettre un clientèle et les - Dynamiser son
Objectif savoir-faire. renforcer. réseau.
- Inciter à découvrir
de nouveaux
produits.
- Journal interne. - Lettre - Lettre
- Lettre d’information. d’information. d’information de
- Magazine. - Plaquette de professionnel à
- Intranet, application renseignement. professionnel.
ou magazine en - Fiches de produit. - Fiche de produit.
Supports adéquats ligne. - Catalogue. - Site Internet.
- Réunion. - Site internet. - Magazine.
- Invitation et visite - Invitation et visite
sur place. sur place.
- Publipostage. - Publipostage.
- Foires et salons. - Foires et salons.
Tableau 1 – Adéquation entre discours employé et type de support nécessaire
Il s’agit d’une petite entreprise qui présente un seul domaine d’activité stratégique :
l’élaboration sur place de différentes cuvées de champagne et leur
commercialisation. Une stratégie de différenciation par le haut ou sophistication a été
employée depuis le changement de cap emprunté par Marlène DELONG au début
des années 2000 afin de proposer des vins de Champagne de grande qualité et
représentatifs de leur terroir. C’est pourquoi, l’accent a été mis sur la mise en valeur
de ce savoir-faire cultivé de génération en génération dans un cadre éco-
responsable.
Afin d’identifier l’environnement de cette exploitation, il nous faut réaliser une analyse
concurrentielle. Pour ce faire, nous allons d’abord émettre un diagnostic interne à
l’aide notamment d’une matrice d’analyse Forces – Faiblesses – Opportunités –
Menaces (F. F. O. M. ou S. W. O. T. en anglais).
48
FORCES FAIBLESSES
- Large gamme de cuvées de champagne qui - Peu de ressources financières suite à des
répond aux attentes de la majorité des investissements significatifs dans des
profils de clients existants. équipements vitivinicoles.
- Savoir-faire reconnu au niveau régional, - Faible fonds de roulement.
national et mondial. - Manque de communication externe.
- Renommée dans la Côte de Sézanne. - Besoin d’un service commercial dédié.
- Organisation souple, réactive et dynamique.
- Connaissances avancées en termes de
viticulture durable et biologique.
- Processus de vinification maîtrisé
intégralement.
- Installations personnelles et propre
vignoble.
OPPORTUNITES MENACES
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Ensuite, il convient de se demander à qui est destiné la communication. Ici, il est
possible de se référer au profil typique du consommateur de champagne bien que
dépassé en raison de l’arrivée significative de prospects de la génération Y et de
leurs nouveaux us et coutumes. C’est pourquoi, c’est bien cette dernière qui mérite
une attention toute particulière afin de savoir quels canaux de communication
employer.
Puis, vient la question du message qui se compose d’un contenu et d’un ton. Dans
ce cas, la communication se concentre autour de l’œnogastronomie, de l’élaboration
d’un champagne de terroir, racé, délicat et d’une viticulture empreinte de durabilité et
d’écologie : l’Esprit Nature. L’atmosphère se veut résolument éco-responsable,
épurée, authentique, compréhensible et gourmande en vue de refléter l’image prêtée
au champagne DELONG Marlène. Cela est aussi visible à travers une charte
graphique spécifique et une palette de couleurs employées le plus souvent : du
blanc, du vert et du gris.
Un autre pilier de cette stratégie concerne les moyens mis en œuvre pour diffuser ce
message. En reprenant le flambeau, Marlène DELONG a dû concevoir toute
l’appareil de communication de son exploitation. Elle collabore notamment avec une
agence de marketing et de conseil située à Epernay, Cochet Concept, qui lui a fourni
des outils de communication nécessaire à la mise en place de son propre plan média
multicanal : assistance, conseil, site Internet, graphisme, conception des habillages
ou encore développement de la marque. Afin de présenter au mieux ses cuvées,
Marlène DELONG a conçu des plaquettes et fiches de produits en accord avec les
caractéristiques du message véhiculé. Un site Internet alimenté chaque semaine par
Marlène DELONG elle-même a également été mis en place ainsi qu’une page
officielle sur deux plateformes de réseaux sociaux à savoir Facebook et Instagram.
Ces dernières sont privilégiées par les membres des générations X et Y, d’où leur
importance et offrent un espace de dialogue directe, sans aucun intermédiaire avec
ses abonnés. La communication numérique s’opère aussi par le biais de campagnes
chroniques de publipostage et d’offres à l’occasion de fêtes comme Noël. Plus
traditionnellement, Marlène DELONG a aussi bénéficié d’une relation presse et
publique profitable qui lui a offert une certaine visibilité dans des revues spécialisées
comme la Revue des vins de France et des journaux régionaux tels que l’Union.
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Enfin, la participation à des évènements et salons aussi bien professionnels que
publiques ou tout autant internationaux que locaux permet de toucher une audience
et un ensemble de prospects large, donc une possibilité de résonnance élevée. Par
exemple, la deuxième édition du Salon des Vignerons Indépendants Européens
organisée cette année à Londres a permis de rencontrer des professionnels de
l’industrie du vin. En revanche, La Bulle, évènement mis en place à Sézanne en
2019, a offert la possibilité aux habitants de la région de faire la connaissance de
vignerons locaux, dont Marlène DELONG. L’œnotourisme est aussi en voie de
développement dans la Côte de Sézanne car des visites des exploitations ainsi que
des rencontres et activités ponctuelles sont organisées tout au long de l’année entre
viticulteurs et intéressés. Notons également qu’une partie du budget dont dispose la
maison de Champagne DELONG Marlène se voit allouée à des agences de
communication spécialisées en vue d’effectuer des opérations ponctuelles via des
campagnes d’appels téléphoniques et de publipostage.
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Troisième partie
Le statut de récoltant-manipulant : le faire-
valoir d’une communication à développer
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Cette dernière partie entend proposer des axes de travail pour l’avenir afin
d’améliorer la mise en valeur du statut de récoltant manipulant en tant qu’outil de
communication du vigneron. Tout d’abord, une idée judicieuse serait de privilégier les
unions avec d’autres acteurs de même nature afin de palier un manque de visibilité
certain. Ensuite, diversifier sa stratégie de communication multicanale en prenant en
valorisant les principes de la responsabilité sociétale de l’entreprise pourrait être une
piste utile. Enfin, promouvoir le statut de récoltant-manipulant en tenant en compte
de ses évolutions et en informant le consommateur représente une solution à ce
problème de notoriété.
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démarche de gestion ascendante en entreprise permet de consulter l’opinion et
l’ensemble des idées émises depuis les bénéficiaires de service vers l’entreprise.
Appliquer ce genre de mécanisme offrirait un moyen d’améliorer l’outil de
communication grâce au retour du public ciblé.
En outre, investir le client d’une mission revêt une grande importance. En effet, selon
les tendances actuelles, le consommateur désire devenir acteur de sa
consommation. C’est pourquoi, lui inculquer les rudiments de l’élaboration du
champagne et lui proposer des activités en compagnie du vigneron peuvent se
révéler être des initiatives très gratifiantes pour lui. De plus, organiser des concours
dans le cadre de randonnées sur des parcours comme le circuit Entre vignes et
vergers permet au participant d’agir ensuite en véritable ambassadeur de son terroir.
De plus, se réunir en comité afin de former des groupes de pression devient de plus
en plus nécessaire. Etant donné l’évolution du statut de récoltant-manipulant vers
celui de simple récoltant-expéditeur, appellation fourre-tout, il est urgent de faire
entendre la voix des récoltants-manipulants auprès du Syndicat général des
vignerons de Champagne et plus précisément ceux de la Côte de Sézanne en raison
de leur faible effectif. L’enjeu est de taille car la perte de ce statut associé à celui de
Vigneron Indépendant de France signifie l’amputation d’un outil de mise en valeur du
fruit du savoir-faire artisanal du vigneron champenois récoltant-manipulant.
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Fédérés autour de critères spécifiques partagés par chacun, ces vignerons
indépendants, récoltants-manipulants mettent à l’honneur les caractéristiques de la
Côté de Sézanne en se répartissant du nord jusqu’au sud de ce secteur. Ainsi, en
septembre prochain, se tiendra une dégustation accompagnée d’animations dans un
établissement parisien afin de communiquer avec les professionnels du monde du
vin. Cette manifestation met en relief l’importance du présentiel et de la rencontre
entre le public et le vigneron, devenu à la fois artisan et ambassadeur de son terroir.
En effet, cela répond au besoin d’authenticité et de proximité de l’auditoire actuel.
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synthétique et imagé (cf. annexe 4) que la plaquette classique (cf. annexe 5) a été
conçu afin de satisfaire les besoins du public. Cette initiative s’est inscrite dans une
démarche de rénovation du support publicitaire et commercial papier de cette
exploitation : mise à jour d’informations et de la charte graphique à venir, ajout de
nouveaux produits ou encore nouvelles certifications obtenues. Soucieux d’apporter
ma pierre à l’édifice, l’une de mes suggestions a aussi porté sur l’élaboration d’un
produit dérivé. Et ce fut chose faite avec l’emblème de cette exploitation : un papillon
aux couleurs du domaine. Les fichiers d’impression en trois dimensions de cet objet
ont été conçus et celui-ci est en passe de voir le voir le jour. D’un point de vue
marketing et communicatif, cet emblème permettra une identification immédiate du
Champagne DELONG Marlène à travers l’ensemble des médias dans lesquels il
paraîtra. Derrière le papillon se cache l’histoire de cette exploitation et en cela, ce
petit insecte ailé offrira une diversification de l’outil de communication en appliquant
le principe de transmédialité développé par Henry JENKINS, universitaire américain.
Enfin, se forger une identité et la diffuser suppose aussi de s’ancrer dans le tissu
économique local. C’est bien la trajectoire qu’a emprunté Marlène DELONG en
opérant en tant que récoltant-manipulant. Collaborer avec des acteurs champenois
locaux comme la Tonnellerie de Champagne pour s’approvisionner en fût de chêne
de la région en est un exemple. Cette démarche s’inscrit dans une véritable politique
de responsabilité sociale de l’entreprise ou R. S. E. dans la mesure où cette
exploitation respecte autant que faire se peut chaque aspect de cette approche. Par
exemple, en plus d’avoir minimisé son impact sur son environnement, cette
exploitation vise l’obtention de la certification biologique d’ici l’an prochain. Autre
exemple, l’achat d’un pan de forêt peuplé de chênes dans la Côte de Sézanne
permettra à ce domaine de fournir directement à la Tonnellerie de Champagne la
matière première nécessaire afin d’élaborer ses futurs tonneaux et de valoriser le
tissu local aussi bien sur le plan économique qu’écologique en tant qu’acteur local
incontournable.
En définitive, plusieurs pistes de réflexion existent. Il est possible d’agir tout d’abord
sur son environnement afin de s’inscrire dans une démarche globale de mise en
valeur de l’outil de communication en la construisant autour du statut de récoltant-
manipulant. Puis, il est possible de diversifier ses propres outils en transmettant à
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son public les valeurs qui animent cette exploitation et les actions qui y sont menées.
Enfin, faire du consommateur un acteur plutôt qu’un spectateur se révèle possible
grâce au statut de récoltant-manipulant qui agit directement sur le terrain, au contact
du terroir et ses habitants. Tout cela représente un coût qui, en fonction des
paramètres pris en compte, peut varier entre 3 000 et 7 000€ par an au regard des
opérations menées au préalable et des fonds qui ont déjà été investis.
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Conclusion
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En conclusion, je souhaiterais reprendre la suggestion de Pierre VERNIMMEN,
auteur d’ouvrages qui traitent des sujets relatifs à la finance en entreprise. Selon lui :
« le seul savoir-faire ne suffit plus, s’il n’est pas accompagné d’un faire-savoir ».
C’est l’essence même des préconisations à proposer aux récoltants-manipulants afin
d’utiliser leur statut comme un faire-valoir de leur produit fini : le champagne.
A titre personnel, ce travail m’a permis de conjuguer mon attrait pour le monde du
champagne et ma volonté de découvrir des méthodes de communication, de
marketing et de vente propres à ce milieu. Trouver un angle d’attaque pour ce
mémoire s’est révélé compliqué car peu de sources et de documentations existent à
au sujet des récoltants-manipulants malgré leur rôle de pierre angulaire au sein du
paysage champenois viticole.
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Partagé entre l’idée d’étudier de près ce statut par rapport à l’ensemble du marché
du champagne et celle d’analyser les moyens pour ce genre de vigneron de cultiver
sa différence, je me suis finalement aperçu que les deux sujets se croisaient en un
même point d’intersection : la communication.
Avec mes sentiments les plus sincères, j’invite les lecteurs de ce mémoire à
poursuivre leur recherche en se documentant plus amplement au sujet des
récoltants-manipulants champenois à qui j’accorde mon plus grand respect.
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BIBLIOGRAPHIE
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Ouvrages imprimés
La Champagne viticole, Les récoltants-manipulants, avril 1954.
Archives départementales de la Marne, 204 M 616, « Enquête relative à la hausse des prix
du champagne et étude des principes de la réglementation en vigueur ». Service général de
contrôle économique, Brigades régionales de Châlons-sur-Marne, 21 septembre 1944.
Villa Bissinger, Entretien de Raymond LAURENT avec Rachel PAYAN, 15 août 2005.
Extrait d’un journal qui figure dans les annexes du mémoire de Guy GIMMONET, Les
récoltants-manipulants, seuls opérateurs hors-contrat de la filière vitivinicole champenoise :
un défi pour l’avenir ? Une menace de déséquilibre interprofessionnel ? Mémoire de fin
d’étude dirigé par le CIVC et l’INRA, Ecole supérieure d’agriculture d’Angers, 1985, Annexes
7 à 16.
Documentation électronique
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Yves TESSON, Histoire des récoltants-manipulants : du « champagne du beau-frère » au
« champagne des bobos » in La Champagne viticole, novembre 2017.
https://maisons-champagne.com/fr/encyclopedies/histoire-du-champagne/deuxieme-partie-
connaissance-du-champagne/chapitre-6-l-appellation-d-origine-controlee/article/la-definition-et-la-
legislation-de-l-appellation
https://maisons-champagne.com/fr/encyclopedies/histoire-du-champagne/deuxieme-partie-
connaissance-du-champagne/chapitre-7-les-professions-du-champagne-et-l/article/les-vignerons
https://maisons-champagne.com/fr/encyclopedies/histoire-du-champagne/premiere-partie-
histoire-du-champagne/chapitre-5-le-xxe-siecle/article/le-temps-de-l-epanouissement
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ANNEXE 1
Premier emplacement aménagé par le Syndicat général des vignerons de Champagne et réservé aux
récoltants-manipulants à l’occasion du concours général agricole de Paris en 1932
« Collection de l’Union des Maisons de Champagne, droits réservés »
ANNEXE 2
Cartes montrant l’évolution de l’enherbement dans le vignoble champenois entre 2003 et 2018, issues
de La Champagne viticole, « Environnement les signaux au vert », n°854, mars 2019.
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ANNEXE 3
ANNEXE 4
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