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M

C MASTER
I MMS
COMMERCE INTERNATIONAL DES VINS
AVIGNON ET OENOTOURISME

Année universitaire 2018-2019


_________________

Master 1
Master 2
MEMOIRE DE STAGE

NOM : FRANCOIS
PRENOM : MATTHIEU
Nom de l’entreprise : S. C. E. V. Gérard DELONG - CHAMPAGNE DELONG Marlène

Ville : ALLEMANT (51120)

Pays : FRANCE

Sujet :

Le statut de récoltant-manipulant en Champagne constitue-t-il un outil efficace pour cultiver sa


différence et améliorer sa communication ?

Maître de stage : Mme Marlène DELONG

Fonction : Dirigeante

Tuteur : Mme Anne-Luce COULOMB

Professeur du Master MCI

___________________________

UFR Droit Economie Gestion - 74, Rue Louis Pasteur - 84029 AVIGNON CEDEX 1
Tél. : 04 90 16 27 13 Fax : 04 90 16 27 19 Email : vincent.jacob@univ-avignon.fr
2
REMERCIEMENTS

Tout d’abord, je tiens à remercier Madame COULOMB pour sa disponibilité et son


accompagnement dans la cadre de la rédaction de ce mémoire. Son implication, ses
recommandations et son apport se sont révélés cruciaux à l’élaboration de ce travail
et en cela, je lui suis extrêmement reconnaissant.

Ensuite, je souhaite témoigne ma plus profonde gratitude à Madame DELONG,


dirigeante du CHAMPAGNE DELONG Marlène, et à Monsieur MOREAU, son époux
et collaborateur, tous deux Vignerons Indépendants de France et récoltants-
manipulants implantés dans la Côte de Sézanne, en Champagne. Leur savoir-faire,
leurs connaissances et leurs conseils se sont révélés fort précieux afin de donner un
point de vue ancré dans la réalité et de la matière à ce mémoire. Je profite
également de cette page de remerciements pour saluer mes collègues ouvriers
viticoles chez le CHAMPAGNE DELONG Marlène pour leur accueil chaleureux et
leurs avis concernant certaines problématiques.

Enfin, je voudrais dire merci à Madame OUDIETTE, documentaliste au sein du


Syndicat général des vignerons de Champagne, qui a su me fournir de la
documentation utile afin de nourrir ma réflexion.

3
RESUME

A travers ce mémoire, plusieurs pistes de réflexions sont explorées afin de mettre en


lumière le statut de récoltant-manipulant en Champagne et son efficacité au moment
de cultiver sa différence et de travailler sa communication.

La maison de Champagne DELONG Marlène constitue le sujet d’étude de ce


mémoire. Cette exploitation se révèle d’autant plus intéressante qu’il s’agit ici d’un
véritable récoltant-manipulant champenois et Vigneron Indépendant français. D’où
l’occasion de mener une étude sur ce statut de vigneron et son utilité en tant que
moyen de mise en valeur de son image et de son savoir-faire tout en considérant les
évolutions possibles de cette spécificité propre à la Champagne.

Développer une stratégie de communication spécifique est une entreprise qui peut
se révéler longue et fastidieuse pour une petite structure en raison d’un manque de
moyens et de connaissances dans ce domaine. C’est pourquoi, un diagnostic est en
premier lieu nécessaire afin d’identifier les points positifs et ceux à améliorer avant
de se lancer dans une véritable démarche de communication.

Pour étayer les constats établis et solutions proposées, il est nécessaire de


s’appuyer à la fois sur les théories de communication vues en cours et celles
étudiées à travers des travaux de recherche menés à l’occasion de la rédaction de
ce mémoire.

Tout d’abord, ce mémoire dresse un portrait du statut de récoltant-manipulant


champenois et son évolution.

Ensuite, se focaliser sur l’histoire du Champagne DELONG Marlène paraît


nécessaire afin de distinguer les difficultés rencontrées et de se pencher sur
l’utilisation faite par cette maison du statut de récoltant-manipulant en vue
d’améliorer sa visibilité et sa communication sur le marché du champagne.

Enfin, cette étude permet d’élaborer plusieurs pistes de réflexion et d’action à mener
pour répondre aux diverses questions soulevées par les évolutions de ce statut.

4
ABSTRACT

Several lines of thought are provided through this dissertation in order to assess how
useful and effective the position of récoltant-manipulant of Champagne can be as a
communication tool when it comes to highlighting grower champagnes.

The DELONG Marlène Champagne House is the case study of this dissertation. This
choice is all the more interesting that it relies upon on a real active and rising
récolant-manipulant of Champagne and French Independent Winegrower. Hence the
opportunity to conduct a study on this specific kind of winegrower to find out how
efficient and successful this status is as means to shine light on its image and know-
how while considering any future evolution of this specificity of Champagne.

Designing a specific communication strategy is a project which can turn out to be


long and tedious for a small company because of a lack of resources or knowledge
about this topic. That is why a business diagnosis is necessary at first to pinpoint
positive points and what needs to be improved before considering anything with a
complete communication perspective.

In order to back up the observations made through this dissertation and the
suggested solutions, it is crucial to use at the same time theories which have been
studied and the ones discovered through the elaboration of this work.

First of all, this dissertation gives an overview of the position of récoltant-manipulant


in Champagne and its evolution.

Secondly, focusing on the DELONG Marlène Champagne House is paramount in


order to identify what the current difficulties are when it comes to designing a
communication strategy around the position of récoltant-manipulant and how to solve
them to increase visibility and popularity.

Finally, this dissertation aims at offering several lines of thought to reflect upon the
ways to highlight the position of récoltant-manipulant and tackle the different issues
raised by the evolution of this trade.

5
Table des matières
REMERCIEMENTS .................................................................................................... 3
RESUME .................................................................................................................... 4
ABSTRACT ................................................................................................................ 5
LISTE DES TABLEAUX ............................................................................................. 7
LISTE DES FIGURES ................................................................................................ 8
LISTE DES ANNEXES ............................................................................................... 9
INTRODUCTION ...................................................................................................... 10
Première partie - Le statut de récoltant-manipulant : un pilier du paysage viticole
champenois en pleine évolution ............................................................................... 13
I. Une charte d’engagements empreinte de terroir et d’artisanat……………………14
A. Apparition et évolution du statut de récoltant-manipulant…………………………...16
B. Les problèmes qualitatifs des premiers champagnes de vigneron…………………18
C. Spécificités de la manipulation………………………………………………………....21
II. Une industrie du champagne forte d’une riche histoire et novatrice en matière de
communication………………………………………………………………………………24
A. Une communication globale basée sur une image classique du
champagne…………………………..............................................................................24
B. Un outil de communication qui s’est orienté vers la personnalité du vigneron
récoltant-manipulant pour mettre en valeur son produit………………………………...27
III. Mise en place et développement de la préservation d’une viticulture champenoise
éco-responsable…………………………………………………………………………….29
A. Un vignoble respectueux de son propre environnement…………………………..29
B. Une viticulture durable en phase d’évolution………………………………………..32

Deuxième partie - La maison de Champagne DELONG Marlène : un récoltant-


manipulant talentueux issu d’un terroir méconnu ..................................................... 34
I. L’industrie du champagne : un marché en pleine croissance et mutation…………35
A. Le champagne : un atout pour la France dans son commerce extérieur…………35
B. Des tendances d’achat et des habitudes qui évoluent apportant avec elles de
nouveaux profils de consommateurs……………………………………………………...38
II. Champagne DELONG Marlène : une exploitation dynamique qui manque de
visibilité……………………………………………………………………………………….41
A. Un domaine empreint de dynamisme et de réactivité aux évolutions de son
environnement………………………………………………………………………………………..41
B. L’importance d’un outil stratégique bien pensé……………………………………...44
C. Un besoin d’amélioration de la stratégie de communication………………………..48

Troisième partie - Le statut de récoltant-manipulant : le faire-valoir d’une


communication à développer .................................................................................... 53
I. S’unir pour cultiver sa différence ………………………………………………………54
A. Une nécessité de se rapprocher entre professionnels et de considérer le
consommateur comme un allié potentiel ………………………………………………...54
B. Populariser son terroir ensemble pour accroître sa zone d'influence……………..55
II. Diversifier et adapter sa stratégie de communication……………………………….56
A. Adopter ses outils et ses messages aux attentes des consommateurs et du
marché………………………………………………………………………………………..56
B. Une implantation dans le tissu économique et social local au service de la
communication………………………………………………………………………………57
Conclusion ................................................................................................................ 59
BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................... 62
Ouvrages imprimés .................................................................................................. 63
Documentation électronique. .................................................................................... 63

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 – Adéquation entre discours employé et type de support nécessaire

Tableau 2 – Matrice F. F. O. M. de la maison de Champagne DELONG Marlène

7
LISTE DES FIGURES
Figure 1 - Structure du marché du champagne segmenté selon le type de
champagne

8
LISTE DES ANNEXES

Annexe 1 – Premier emplacement aménagé par le Syndicat général des vignerons de Champagne et
réservé aux récoltants-manipulants à l’occasion du concours général agricole de Paris en 1932

Annexe 2 – Cartes montrant l’évolution de l’enherbement dans le vignoble champenois entre 2003 et
2018, issues de La Champagne viticole, « Environnement les signaux au vert », n°854, mars 2019

Annexe 3 – L’essentiel des chiffres concernant la viticulture durable et les certifications


environnementales en Champagne en 2018-2019

Annexe 4 – Plaquette d’information synthétique conçu pour le salon du vin et de la gastronomie de


Chalon-sur-Saône

9
INTRODUCTION

10
Le milieu vitivinicole champenois regorge de spécificités dans de nombreux secteurs,
qu’il s’agisse de la vinification, de patrimoine ou bien du droit et de la défense de
l’appellation.
Nourrissant un réel attrait pour cette région vinicole prestigieuse qui m’a vu grandir,
je souhaite tracer les lignes du cadre dans lequel ce mémoire a été réalisé.

D’une part, en raison de son histoire singulière, la Champagne suscite en moi un vif
intérêt. Jusqu’à la fin du XIXème et au début du XXème siècle, l’activité de cette
région reposait essentiellement sur l’élevage d’ovins, la sylviculture et la culture de
céréales. La pauvreté des sols de la « Champagne pouilleuse » ou « Champagne
crayeuse » explique en bonne partie cette situation précaire. Cependant, la
mécanisation et la modernisation du secteur primaire a rendu possible une évolution
positive de l’activité économique dans cette région. De plus, bien qu’handicapant à
première vue, le sol crayeux et perméable offre les conditions optimales à la culture
de la vigne sur les coteaux de cette région et l’élaboration du vin de Champagne. Ce
faisant, ce territoire qui, de prime abord, paraissait dénué de tout intérêt a su
renverser la situation en sa faveur en faisant de sa faiblesse une force grâce,
notamment, à sa géologie particulière.

D’autre part, la viticulture en Champagne représente un véritable pan de l’identité


régionale. Au-delà des enjeux économiques qu’elle comporte, elle est un témoin
vivant du passé des Hommes en Champagne, dont les vies ont bien souvent été
rythmées par la culture de la vigne. Celle-ci permet de retracer toute l’histoire de ce
secteur et des différents acteurs de cette filière.

Mais une question subsiste. Pourquoi avoir choisi d’étudier le statut de récoltant-
manipulant, ses atouts en termes de communication et ses possibles évolutions ?
La réponse est simple. Etant donné ma volonté d’effectuer mon stage au plus proche
du terroir champenois dans une exploitation de récoltant-manipulant qui, à mes yeux,
renferme l’essence-même du savoir-faire champenois, j’ai trouvé judicieux d’étudier
ce statut particulier par rapport au contexte actuel et futur du secteur vitivinicole
régional et sous l’angle de la communication.

11
Si un récoltant-manipulant jouit d’une totale liberté quant à l’élaboration de ses vins
et à sa propre vision du champagne, il souffre, en revanche, d’une source
d’investissements et d’une capacité de production limitées. Pour faire la différence,
ce type de vigneron a tout intérêt à développer sa stratégie de communication afin de
palier son manque possible de visibilité face aux plus grandes maisons de
Champagne qui, à la fois, participent à la renommée internationale de ce vin
effervescent et portent préjudice aux structures viticoles plus modestes en leur
faisant de l’ombre.

Pour résumer, derrière ce mémoire se cache une idée, celle de résoudre un


problème de communication auquel de nombreux récoltants-manipulants font face
pour se démarquer et de s’adapter face aux changements et évolutions de ce statut
si particulier.

Ce sont les raisons majeures qui m’ont poussé à nourrir cette réflexion et rédiger ce
mémoire.

En guise de rappel, le plan de ce document contient trois parties. La première


consiste en une mise en contexte du statut de récoltant-manipulant champenois. La
deuxième, pour sa part, concerne l’analyse du cas de cette étude. La troisième
partie, quant à elle, propose des pistes de solutions adaptées aux problèmes
rencontrés.

12
Première partie
Le statut de récoltant-manipulant : un pilier
du paysage viticole champenois en pleine
évolution

13
Cette première partie vise à donner au lecteur des éléments de compréhension du
contexte dans lequel évolue cette exploitation vitivinicole et à saisir les enjeux qui se
cachent derrière le statut de récoltant-manipulant sur le marché du champagne. Des
données chiffrées viennent compléter cette mise en contexte d’étude de cas.

I. Une charte d’engagements empreinte de terroir et d’artisanat

Avant toute chose, il est important de rappeler les différents types de statut qui
existent en Champagne afin de bien saisir les spécificités de chacun.
Ainsi, lorsque l’on choisit une bouteille de champagne, des indications figurent sur
l’étiquette, la contre-étiquette et la coiffe. Donc, s’informer sur la provenance du
contenu et sur ses méthodes d’élaboration est possible. Ces éléments forment, en
partie, des critères de distinction entre chaque type de producteurs caractérisé par
un code formé de deux lettres. Voici une liste desdits statuts :

RM : récoltant-manipulant
Un récoltant-manipulant consiste en un viticulteur qui cultive ses propres vignes,
vinifie, embouteille et commercialise lui-même son propre champagne. Il s’agit le
plus souvent de petits vignerons.

NM : négociant-manipulant
Derrière un négociant-manipulant se cache, en réalité, une marque de champagne
qui achète du raisin auprès de viticulteurs. Seules les étapes de vinification et de
commercialisation sont assurées par ce genre de structure à l’instar de la plupart des
grandes maisons de Champagne.

CM : coopérative de manipulation
Une coopérative de manipulation fonctionne selon un principe simple : ses membres
l’approvisionnent en raisins qui sont ensuite pressés et assemblés dans les locaux
de ladite coopérative. Enfin, les bouteilles de champagne obtenues se voient
apposer l’étiquetage et la marque propre à la coopérative.

14
RC : récoltant-coopérateur
En tant que récoltant-coopérateur, un viticulteur doit uniquement récolter son propre
raisin et l’apporter à la coopérative dont il fait partie. La phase de vinification est
menée à bien par cette coopérative qui rend ensuite ses bouteilles de champagne au
viticulteur concerné afin que ce-dernier y appose ses propres étiquettes.

SR : société de récoltants
Que l’on emploie le terme de société de récoltants ou de négoce, la pratique reste
identique. Une association de viticulteurs également vignerons procède à
l’élaboration de son vin de Champagne. Souvent, cette technique est privilégiée par
des membres d’une même famille afin de vinifier et commercialiser ensemble le fruit
de leur collaboration.

MA : marque d’acheteur
Comme l’indique sa dénomination, une marque d’acheteur correspond à une société
qui se procure des bouteilles de champagne pour les commercialiser sous sa propre
étiquette personnalisée. Restaurants, cavistes, sommeliers ou encore grandes
surfaces usent parfois de ce procédé pour proposer des champagnes sous leur nom
sans avoir pris part au processus de conception du vin effervescent ainsi vendu.

Suite à cette présentation des différents statuts de viticulteurs en Champagne, il est


désormais indispensable de s’intéresser plus précisément à la situation du récoltant-
manipulant. Comme indiqué plus haut, ce type de vigneron détient ses propres
vignes, les cultive lui-même, récolte son raisin qui est utilisé pour la vinification et
ainsi élaborer son propre champagne de A à Z. Tout ceci suppose la mise en place
de structures adéquates. Néanmoins, il n’existe aucune charte officielle des bonnes
pratiques à respecter en tant que récoltant-manipulant.
En outre, il est possible de faire un parallèle entre le statut des récoltant-manipulant
et celui de Vigneron Indépendant car tous deux possèdent des caractéristiques
communes. En effet, chacun doit cultiver son vignoble en respectant et en mettant en
avant son terroir. De plus, il doit lui-même concevoir son propre vin dans sa cuverie,
l’élever dans sa cave et le commercialiser. C’est le cas du CHAMPAGNE DELONG
Marlène.

15
A. Apparition et évolution du statut de récoltant-manipulant

Pour en revenir au contexte entourant le statut de récoltant-manipulant ou


propriétaire-manipulant, il nous faut effectuer un bond dans le passé, jusqu’au
XIXème siècle. A cette époque, le négoce vinifiait, assemblait et élaborait du
champagne à partir de raisin acquis chez des vignerons livreurs dont la propriété
couvraient alors 90 % du vignoble champenois. Bien qu’ayant persisté jusqu’à nos
jours, ce modèle a vu d’autres pratiques apparaître au ours du XXème siècle comme
celle du récoltant-manipulant. Elaborant leur propre champagne, ces vignerons ont
engendré un bouleversement de l’équilibre géopolitique en Champagne, une
modification des procédés de champagnisation et une transformation de l’image liée
à cet effervescent. La manipulation par les vignerons constitue une pratique à
multiples facettes, dont les exigences et finalités ont changé au fil des années et dont
les représentants présentent une hétérogénéité significative.
À la fin du XIXème siècle, le savoir-faire vigneron en matière de vinification a souffert
d’un recul. D’une part, cela s’explique, en partie, par le déclin des vins de table
champenois qui a incité les vignerons champenois à cesser de vinifier. D’autre part,
le négoce étant soucieux de contrôler la qualité du produit fini s’approvisionnait en
raisin auprès de vignerons livreurs et prenait ainsi en main la matière première avant
l’opération de pressurage. Comme en témoignent les rapports de l'Association
viticole champenoise au début des années 1930, cette perte de savoir-faire a été
notable. Ernest Blondeau, dirigeant de la Maison Irroy, a avancé une proposition :
I'Association viticole champenoise devait financer la formation des vignerons
champenois pour la production de vins rouges afin de reconstituer des débouchés
alternatifs au champagne 2. Notons l’exception de l’Aube, partie de l’appellation
Champagne dans laquelle les maisons s’approvisionnaient seulement en cas de
pénurie et dans laquelle a subsisté l’élaboration de vins de table après l’apparition du
phylloxéra. Ainsi, des débouchés existaient pour les vignerons et le processus de
vinification tenait plus du savoir-faire bourguignon que champenois, ce qui a conduit
à un phénomène acculturation au sujet de la vinification même et surtout en ce qui
concerne la phase de pressurage.
La pratique de la manipulation a été attestée dès les années 1900 et impliquaient
majoritairement les grands propriétaires en raison du montant des investissements à
réaliser pour acquérir des terres, du matériel et des infrastructures. Ces premiers
récoltants-manipulants se situaient surtout dans la région d’Epernay en raison des
transferts de savoirs et de techniques des maisons de Champagne vers les

16
vignerons locaux. En ce temps, de nombreux cavistes possédaient des vignes et
mettaient en pratique leurs connaissances acquises auprès des caves de négociants
afin d’élaborer leur propre champagne. Aussi leur arrivait-il de manipuler contre
rémunération le raisin de vignerons qui assistaient au procédé de vinification pour en
apprendre les rudiments et techniques. Au cours des années 1930, le monde du
champagne a connu de grandes transformations. Dû à une chute des ventes de leur
champagne, les maisons diminuaient leur approvisionnement en raisin, ce qui a
provoqué une dépréciation du prix de cette matière première. En réponse à ce
phénomène, de nombreux viticulteurs ont opté pour la manipulation. En 1936, les
ventes réalisées par les vignerons représentaient 6,4% du marché, soit 2 407 000
bouteilles sur un total de 37 872 000. A cette époque, l’organisation
interprofessionnelle de Champagne se développait progressivement et lançait ses
premières campagnes de propagande qui associaient le vignoble et le négoce, ce
qui offrait l’occasion aux vignerons de vivre leur première expérience en termes de
marketing et de communication (cf. annexe 1).
Durant cette phase, les récoltants-manipulants qui se situaient dans les régions de
monoculture appartenaient aussi aux secteurs de premiers et grands crus.
L’explication a cette constatation trouve sa réponse dans la différence entre zone de
monoculture et de pluriactivité. Dans cette dernière, en cas de faibles ventes de
raisin, les vignerons pouvaient compenser leur manque à gagner par une activité
annexe comme la culture céréalière ou de l’artisanat. En cas de monoculture, la
viticulture doit à tout prix commercialiser son champagne pour subsister.
Remarquons aussi que la manipulation résulte rarement d’une vocation chez le
vigneron à cette époque mais plutôt d’une adaptation à un contexte économique
favorable à cette pratique.

A cette époque, l’économie du champagne tournait principalement autour de


l’export. Les grandes maisons de Champagne et autres négoces ont alors pu tirer
leur épingle du jeu. Plus tard, après la Seconde Guerre Mondiale, la tendance était
tout autre. En effet, le marché intérieur a connu une croissance deux fois plus rapide
jusqu’à représenter près de trois quarts des ventes de champagne dans les années
1960. Les récoltants-manipulants ont alors pu jouer un rôle majeur dans ce
renversement de situation en voyant le nombre de leurs ventes croître jusqu’à
répondre à plus de la moitié de la demande nationale au cours des années 1980.
La Seconde Guerre mondiale a amplifié ce phénomène en raison de l’appât du gain
généré par le marché noir, dont le prix du raisin n’était pas surveillé par le Comité

17
Interprofessionnel du Vin de Champagne. Ensemble avec le négoce, les récoltants-
manipulants constituent les protagonistes1 de ce marché parallèle en raison
notamment d’une fixation du prix du raisin qui leur était défavorable. Celle-ci se
basait sur les tarifs de 1939 proposés par les maisons de Champagne qui
possédaient alors une gamme de produits plus large et des vins millésimés vendus
bien plus chers que des vins bruts sans année (B. S. A.). Augmenter la proportion de
ventes de millésimes suffisait à contourner les prix fixés. Cependant, les récoltants-
manipulants ne pouvaient pas y avoir recours.

B. Les problèmes qualitatifs des premiers champagnes de vigneron

Tout d’abord, il est important de souligner que les premiers champagnes élaborés
par les vignerons eux-mêmes comportaient leur lot de défauts, aujourd’hui effacés.
En raison de moyens conséquents, seules les maisons de Champagne disposaient
en général d’infrastructures réellement adaptées, dont des caves suffisamment
profondes et isolées pour apporter un vieillissement correct aux vins contrairement
aux installations des premiers vignerons2. Ainsi, les dimensions étriquées des locaux
des propriétaires-récoltants entravaient tout processus de mécanisation, ce qui
aboutissait souvent à des manipulations manuelles plus approximatives que celles
opérées par des machines. Le manque de place incitait aussi à écouler les stocks
rapidement avant le tirage suivant, ce qui limitait très fortement le volume de vins de
réserve et le vieillissement sur lattes des vins. Gardons aussi en tête que le savoir-
faire des vignerons restait insuffisant et qu’il a fallu attendre les années 1950 à 1970
pour voir apparaître les premiers laboratoires et proposer un suivi qualitatif des vins.
En dépit de ces débuts difficiles, la manipulation a donné lieu à une recherche
d’amélioration continue des vins de Champagne. En découvrant le produit fini, le
vigneron s’est davantage penché sur les méthodes de confection de cet effervescent
et les causes qui se cachaient derrière ce résultat. De simple fournisseur de raisin
« betteravier ou paysan qui produisait du raisin comme il aurait produit n'importe quel
autre produit agricole, en cherchant d'abord le rendement, sans se poser plus de
questions » selon Guy GIMMONET, vigneron, dans son entretien avec Yves
TESSON, universitaire en 2016, le vigneron s’est progressivement transformé en
artisan et savant du champagne. A titre d’exemple, avant de changer d’approche, le
vigneron tendait à considérer les attentes qualitatives du négociant concernant

1 ADM, 204 M 616, « Enquête relative à la hausse des prix du champagne et étude des principes de la réglementation en
vigueur ». Service général de contrôle économique, Brigades régionales de Châlons-sur-Marne, 21 septembre 1944.
2
Villa Bissinger, Entretien de Raymond LAURENT avec Rachel PAYAN, 15 août 2005.

18
l’épluchage ou l’éraflage comme accessoires. Apte à maîtriser lui-même ses vins et à
en saisir les enjeux qualitatifs, le vigneron s’est également rendu compte de
l’importance de la viticulture et des pratiques culturales. Soucieux d’améliorer ces
dernières, le récoltant-manipulant a fait partie des premiers acteurs à se questionner
sur le danger engendré par l'abandon des labours et à constater que cette situation
contribuait à une indifférenciation des vins. En effet, la vigne puise ses nutriments là
où ils sont nombreux et accessibles ; autrement dit, sur les amendements
organiques déversés en surface. Le système racinaire n’allait plus chercher sa
nourriture en profondeur, dans les strates crayeuses. Qu’importe le terroir, le goût
était toujours le même. La vigne s’assimilait ainsi à une culture de « maraîchage ».
Le labourage offrait la possibilité de couper les radicelles de surface et de
contraindre les racines à chercher ce dont elles avaient besoins plus en profondeur3 .
L'échelle des crus reprenait alors peu à peu son sens. Progressivement, une élite de
vignerons a vu le jour. Ses membres ont pris l’habitude de retrouver pour échanger
et partager autour de leurs vins et de leurs méthodes. Ainsi, en 1971 sont apparus le
club des viticulteurs champenois et celui de la bouteille special club, évènements qui
traduisait un élan de volonté ambiant en vue d’améliorer la qualité des champagnes
d’époque. Le principe était simple : chaque vigneron membre soumettait sa meilleure
cuvée lorsque le millésimé lui paraissait de qualité. Cette cuvée était goûtée à
l'aveugle à deux reprises, avant et après un vieillissement d'au moins trois ans, par
un comité formé de trois œnologues et de deux vignerons. Une fois retenus, les vins
pouvaient alors porter la mention « special club ». De plus, les règles établies se sont
révélées strictes : aucune taille n'est admise et 20% de la récolte au plus pouvaient y
participer. Notons aussi qu’une vinothèque collective a été mise en place dans des
caves profondes à Cuis afin de suivre et de comparer dans le temps le travail
effectué. En résumé, il s’agissait à la fois d'un coup de génie marketing et d'un outil
d'émulation puissant entre les récoltants-manipulants membres3.

Suite à la Seconde Guerre Mondiale, les modes de consommation ont évolué


parallèlement aux progrès technologiques liés notamment à l’automobile et au
tourisme, ce qui a facilité la venue de consommateurs directement chez les
vignerons et la vente de champagne par la même occasion. L’enrichissement des
viticulteurs a rendu possible le financement des études de leurs enfants qui ont
gagné en compétences sur le plan commercial et de la communication. La

3 Extrait d’un journal qui figure dans les annexes du mémoire de Guy GIMMONET, Les récoltants-manipulants, seuls
opérateurs hors-contrat de la filière vitivinicole champenoise : un défi pour l’avenir ? Une menace de déséquilibre
interprofessionnel ? Mémoire de fin d’étude dirigé par le CIVC et l’INRA, Ecole supérieure d’agriculture d’Angers, 1985,
Annexes 7 à 16

19
manipulation représentait un moyen de mettre à profit ce nouveau savoir. A chaque
génération, son propre rôle. Ainsi, le père s’affaire à la partie technique tandis que le
fils s’occupe de la commercialisation de la production. Plus tard, en 1980, en plus de
la motivation pécuniaire, 67% vignerons, soit plus des deux tiers en activité,
considéraient la manipulation comme le prolongement naturel de leur activité.
Derrière cet état de fait se cachait une transformation de la pensée de ces artisans
du terroir. Plus qu’une boisson, le statut de récoltant-manipulant et le champagne se
révélaient très utiles afin de s’ouvrir à de nouveaux marchés et de mettre en valeur
son propre savoir-faire sur la scène internationale. Elaborer du champagne sous son
nom devenait synonyme d’ascension sociale.
Afin de se donner un ordre de grandeur à propos de l’effectif de récoltant-
manipulants en Champagne et de la taille de leur vignoble, il faut savoir que ces
professionnels sont passés de 13 300 en 1958 à 14 200 en 1982 et près de la moitié
d’entre eux exerçait la viticulture comme activité annexe. De 75 ares en 1958, la
superficie moyenne de leur exploitation viticole est passée à 1 ou 2 hectares en
1982. En 1950, les vignobles de plus de 2 hectares étaient au nombre de 535 contre
3 607 en 1982, dont 582 d’une superficie supérieure à 5 hectares contre 90 en 1950.
Ces chiffres indiquent une transformation du milieu viticole champenois et de la
structure des exploitations de récoltants-manipulants en l’espace d’une génération.
Au même moment, de 1958 jusqu’à 1982, la superficie des vignobles des
propriétaires a augmenté d’environ 125% contre seulement un tiers pour le négoce.
Ce faisant, les petits vignerons sont parvenus à prendre davantage d’autonomie face
à l’emprise du négoce. Ce phénomène s’explique, en partie, par des mesures prises
par la S. A. F. E. R. en faveur des vignerons afin que leur soient délivrées davantage
d’autorisations d’encépagement. Simultanément, notons aussi que le volume des
expéditions réalisées par les vignerons a été multiplié par huit contre quatre pour le
négoce. A ce moment précis, le statut de récoltant-manipulant gagne réellement en
importance. Environ au nombre de 1 300 avant la Seconde Guerre Mondiale, les
propriétaires-récoltants ont connu une augmentation significative de leur effectif en
passant à près de 3 000 en 1968 à quelque 5 000 membres en 1988.

Concernant le montant des expéditions, celui-ci a continué de croître depuis les


années 1940 en passant de 3 millions de bouteilles à plus de 7 millions et demi en
1958, environ 10 millions au cours des années 1960, 26 millions durant la décennie
suivante pour aboutir à 61 millions en 1980.

20
Ainsi, le nombre d’expéditions a été multiplié par près de 20 en l’espace de 40 ans,
avec une croissance nettement plus forte entre les années 1970 et 1980, période au
cours de laquelle le volume de bouteilles expédiées s’est vu multiplié par 3. A cette
époque, les propriétaires-récoltants assuraient à eux seuls le tiers de
l’approvisionnement en champagne et répondaient à la demande de la moitié du
marché français contre 13% en 1960. Il faut toutefois pondérer ces chiffres par le
poids important des coopératives viticoles qui, au moyen d’aides versées dès 1947
par l’Etat et l’interprofession du champagne, ont connu une croissance de leur
effectif : 52 en coopératives en 1950, 120 en 1965 et 145 en 1980. Gardons
également en tête que le pouvoir d’achat des vignerons et viticulteurs est resté stable
depuis 1950, en partie, grâce à l’augmentation du prix du kilogramme de raisin, des
rendements et de la valeur ajoutée sur le produit fini.

Désormais, concentrons-nous sur le statut du récoltant-manipulant. Celui-ci répond


également au nom de propriétaire-récoltant et élabore son champagne de A à Z à
partir de raisin issu de son propre vignoble.

C. Spécificités de la manipulation

Ce statut offre un certain nombre d’avantages par rapport aux autres solutions qui
existent pour évoluer dans le secteur du champagne. Tout d’abord, d’un point de vue
économique, cette situation fournit une émancipation et une indépendance au
vigneron qui se trouve alors en pleine autonomie. Le revenu du viticulteur s’en voit
aussi augmenté en raison d’une valeur ajoutée à la conception de son propre
effervescent et d’immunités fiscales qui ne sont pas octroyées au négociant, par
exemple. Il s’agit d’un moyen de dynamiser certaines exploitations en perte de
vitesse. De plus, cette activité implique d’établir des contacts et des réseaux qui
donnent accès à des marchés parfois restreints. En d’autres termes, elle constitue un
véritable outil de communication auprès de personnes en quête de champagne
d’artisan et non pas de négociant. Bien qu’attrayant en raison de son gage
d’authenticité et de mise en valeur du terroir, la notion de récoltant-manipulant
comporte en elle-même ses propres limites. En effet, ce statut suppose un savoir-
faire reconnu, des fonds suffisants en vue d’investir dans du matériel viticole, des
infrastructures de manipulation, de vinification ou encore d’entreposage. C’est
pourquoi, il est nécessaire de posséder un vignoble d’une superficie qui puisse
justifier ces investissements, assurer une commercialisation régulière de ses
bouteilles et détenir une trésorerie qui puisse couvrir les besoins en fonds de
roulement.

21
Entre 1975 et 1980, le nombre de récoltants-manipulants a connu une augmentation
de l’ordre de 30% en atteignant 4 926 professionnels. Ceux-ci représentaient environ
70% des exploitants à temps complet et le tiers de l’effectif total des vignerons, tout
en faisant partie des viticulteurs dotés de moyens et grands domaines. Notons qu’un
peu plus de la moitié d’entre eux, aux alentours de 54,6%, enregistraient une
production annuelle de champagne inférieure à 10 000 bouteilles. Leur clientèle se
résumait, en majorité, à un tissu de relations personnelles et à une vente d’une partie
de leur raisin au négoce. Relevons aussi une autre catégorie de propriétaires-
récoltants : le récoltant-manipulant moyen. Son domaine s’étendait sur une superficie
de trois à cinq hectares et sa production annuelle comprenaient entre 10 000 et
50 000 bouteilles. Une fraction encore plus faible de ces professionnels, environ
2,6% soit un effectif de 130, réussissaient à sortir plus de 50 000 bouteilles à l’année,
vinifiaient la totalité de leur récolte et se lançaient à l’attaque de nouveaux marchés.
Enfin, détail qui a son importance, près d’un dixième des récoltants-manipulants ne
possédaient pas de réelle activité.

La manipulation constitue une pratique inégalement répartie sur le vignoble


champenois. Historiquement, elle s’est particulièrement développée dans la région
de la vallée de la Marne, dans la zone sud d’Epernay et dans quelques îlots situés
sur le versant nord de la Montagne de Reims. En 1982, bien que faiblement présente
dans l’Aisne et dans l’Aube avec un effectif qui avoisinait respectivement 245 et 299
professionnels, elle a connu une augmentation constante.

Le statut de récoltant-manipulant autorise ce professionnel à opérer seul, en famille


et à embaucher des ouvriers viticoles. Ajoutons aussi que la possibilité lui est offerte
de s’assembler en collective de champagnisation avec des membres de sa famille. Il
s’agit du choix de 12% d’entre eux. Recourir à une coopérative pour vinifier son
champagne est également possible. Dans ce cas, le propriétaire-manipulant reçoit
des bouteilles de champagne en cours d’élaboration ou bien prêtes à se voir apposer
son étiquetage. Cependant, ce procédé empêche le récoltant-manipulant de profiter
de l’intégralité des avantages offerts par son statut car la coopérative dont il est
membre assemble son vin avec celui des autres vignerons, ce qui retire toute typicité
au champagne obtenu. Pour se donner un ordre d’idée, voici quelques chiffres
concernant cette pratique dans les années 1982 : 46% des récoltants-manipulants
vinifiaient leur vin individuellement ou en collective de champagnisation contre 54%
d’entre eux qui passaient par le biais d’une coopérative, dont 19% pour une partie
seulement du processus de vinification et 35% pour la totalité de ce dernier.

22
Ce groupe compte un grand nombre de jeunes vignerons qui voient en la
coopérative une solution adéquate pour travailler en tant que récoltant-manipulant
afin de leur laisser le temps de s’équiper en matériels et infrastructures.

Les propriétaires-récoltants qui n’ont pas recours aux services proposés par une
coopérative peuvent opter pour l’un des deux solutions suivantes : transformer
l’ensemble des vendanges en champagne comme le 75% d’entre eux ou bien à la
fois manipuler et vendre le raisin au kilogramme afin de bénéficier des apports d’un
contrats interprofessionnel.

Le statut de récoltant-manipulant accepte aussi l’achat de raisin, moût ou vin clair, à


l’exclusion des bouteilles sur lattes, jusqu’à atteindre 5% de la quantité de vins en
appellation d’origine contrôlée Champagne. Cette mesure résulte d’une volonté de
l’administration fiscale d’accorder des immunités fiscales aux récoltants-manipulants
en vue de leur laisser une certaine marge de manœuvre dans la conception de leur
vin, sans dépasser le seuil de 5% d’apports étrangers à leur récolte. Ajoutons
également que les professionnels désireux d’accroître leur champ d’action peuvent
aussi opter pour le statut de récoltant-manipulant associé à celui de négociant-
manipulant.

En 2015, la part de marché du champagne commercialisé à la fois par les vignerons


récoltants-manipulants et récoltants-coopérateurs, autrement dit les récoltants-
expéditeurs, a décru jusqu’à 19,5%. En dépit de ce constat, certains vignerons qui
possédaient des connaissances multiples, notamment dans les domaines du
commerce et du marketing, créaient de la valeur. La manipulation était source de
débouché exclusif et qui permettait de se positionner sur la scène internationale.
Ces vignerons comptaient un effectif de quelques centaines de membres sur les
4 722 récoltants-manipulants enregistrés en 2012. Avec la nécessité de disposer
d’un volume suffisant de bouteilles afin de satisfaire toute commande potentielle
étrangère, cette situation expliquait, en partie, la lente progression des ventes de ces
professionnels à l’export.

23
II. Une industrie du champagne forte d’une riche histoire et novatrice
en matière de communication

A. Une communication globale basée sur une image classique du champagne

De 1920 à 1940, la manipulation constituait une solution provisoire pour les


vignerons face aux difficultés économiques de cette époque. C’est pourquoi, cette
pratique paraissait inoffensive aux yeux du négoce qui entendait conserver son
hégémonie. La clientèle visée était surtout composée de consommateurs
occasionnels ou de nouveaux consommateurs opportunistes qui, sans l’activité et la
vente directe proposée par les vignerons, ne se seraient pas aventurées à boire du
champagne. Ainsi, ce phénomène ne présentait guère de réel danger pour les parts
de marchés du négoce qui agissait directement sur le secteur du demi-gros et du
gros, chose impossible pour le récoltant-manipulant étant donné la dispersion des
vendeurs4.
Nonobstant, dès la période des « Trente glorieuses », la manipulation au vignoble
gagnant en importance, le négoce a commencé à voir gêné par cette activité.
L’origine de cette nuisance réside non pas dans une bataille pour obtenir de plus
grandes parts de marché mais dans la diminution de l’approvisionnement en raisin
des maisons de Champagne. Le danger pour le négoce émanait également du
risque de transformation de l’image du champagne. Les maisons de Champagne
ayant inventé un quasi stéréotype autour du champagne en l’associant
automatiquement au milieu du luxe, craignaient d’assister à une modification
soudaine de ce dogme en voyant apparaître une image davantage rustique,
associée à un « vin de pays 5». A cette époque, la demande était supérieure à l’offre,
ce qui rendait inutile la mise en place de stratégies commerciales chez les vignerons.
Le client devait prendre l’initiative de consommer alors que le vigneron se contenter
de répondre à la demande sans effort de prospection. Cette situation était tellement
inhabituelle qu’elle donnait l’impression au consommateur que le vigneron
n’éprouvait pas le besoin de vendre sa production ; un monde à l’envers où le client
se met en quête d’un vendeur6.En 1985, les résultats d’une étude menée auprès de
vignerons se sont révélés inquiétants : seulement 16% des sondés connaissaient

4
« Les Récoltants Manipulants », in La Champagne viticole, avril 1954.
5
UMC, BB 1, USCV, Rapport d’assemblée générale sur l’activité de l’Union en 1957, février 1958.
6
SGV, Boîte « Communication RM », Recherche d’une stratégie de communication pour la commission des RM du SGV,
rapport de synthèse KW Région, Etude, janvier 1992.
7
Didier GIMMONET, Les récoltants-manipulants, seuls opérateurs hors-contrat de la filière vitivinicole champenoise…, op.cit.,
p.85.

24
leur prix de vente moyen et 21% des professionnels interrogés ne possédaient pas
de fichier de clientèle. De plus, l’un des points faibles de récoltants-manipulants se
situaient aussi dans la largeur de gamme proposée : 2,5 cuvées différentes en
moyenne7 tandis que la majorité des maisons de Champagne en disposaient d’au
moins cinq. Seuls les récoltants-manipulants qui collaboraient avec des coopératives
tiraient leur épingle du jeu en diversifiant leur gamme grâce aux grands volumes
transformés par ce genre de structure. Quand il s’agissait de vendre leur
champagne, les vignerons récoltants-manipulants s’appuyait sur l’utilisation de leur
appellation et leur prix attractif. En revanche, les maisons de Champagne ont
toujours préféré mettre en valeur leur nom plutôt que l’appellation Champagne ou
même le produit en lui-même ; vendre une marque et un nom a toujours été leur
objectif premier. Du point de vue de la communication, le champagne de récoltant-
manipulant a pu souffrir de son manque de notoriété. En effet, la dimension liée au
paraître en est relativement absente au profit de la qualité du vin et de sa typicité.
C’est pourquoi, il a souvent été question de le consommer dans un cadre intime ou
lors d’un repas de famille et non lors d’une réception d’invités pendant laquelle l’hôte
met en jeu sa réputation8. Autrement dit, le champagne de marque équivaut à un
« champagne cadeau9 » par le biais duquel on peut évaluer la qualité du don réalisé.
C’est pourquoi, il est nécessaire d’afficher un nom aisément identifiable par ses
convives : « la puissance symbolique du champagne, de son nom est largement
supérieure à la réalité du produit10 ». Ce faisant, la question du prix revêt un
caractère primordial dans le monde des marques car le but est de montrer aux yeux
de chacun que l’on possède de l’argent et qu’en achetant un champagne de grande
notoriété, on s’assure un produit de haute qualité. Plus onéreux est le prix affiché,
meilleur est le champagne selon cette logique. En raison de sa nature particulière, le
champagne de marque affiche une consommation irrégulière, fortement lié aux
fluctuations saisonnières et aux grandes occasions comme les fêtes de fin d’année.
Cela représente à la fois sa force et sa faiblesse. Contrairement à ce genre de
pratique, le champagne de récoltant-manipulant bénéficie d’une consommation
régulière tout au long de l’année. En se procurant un champagne de récoltant-
manipulant, le consommateur cherche à témoigner d’un certain discernement grâce
à un excellent rapport entre qualité et prix. Ainsi, ce type de vin dispose de plusieurs
atouts, dont la notion d’initiation. Il s’agit d’un effervescent que l’on s’approprie, qui

8
SGV, Boîte « Communication RM », Recherche d’une stratégie de communication pour la commission des RM du SGV,
rapport de synthèse KW Région, Etude, janvier 1992.
9
Idem.
10
Idem.

25
se trouve lié à une histoire particulière et à un patrimoine. Il sert de base à
l’établissement d’une relation personnelle et étroite entre le consommateur et le
vigneron. Le récoltant-manipulant peut construire une partie de sa communication
sur la dimension intime associée à son produit et à son savoir-faire dans la mesure
où l’on a le sentiment de pénétrer un cercle restreint de connaisseurs en raison de la
difficulté à se procurer son champagne comparé à celui des grandes maisons. Ainsi,
le client se sent privilégié et flatté par cette impression, se lie fidèlement au vigneron
qui devient « son » vigneron. Celui-ci estampille ses bouteilles de son nom et en
cela, transmet un gage d’authenticité aux yeux de tous. Il se fait ambassadeur
légitime et naturel de ses vins et son nom se transforme alors en une marque et en
sa propre signature 11à l’instar d’une griffe de créateur. Ce champagne se boit pour
lui-même et n’a besoin d’aucun prétexte pour être consommé. Il constitue même une
occasion de se valoriser auprès de ses connaissances en leur faisant découvrir un
vin inconnu et d’affirmer sa différence. C’est d’ailleurs un moyen pour le vigneron lui-
même de cultiver sa différence par le biais de son statut spécifique. La qualité du
produit se voit réinvestie car c’est avant toute chose un vin pour lequel on prête une
vive attention à ses arômes et à ses saveurs. Les récoltants-manipulants ont
progressivement tiré parti de cette réalité en axant davantage leur communication
sur la notion de qualité et de privilège. Ainsi, ils ont inversé le slogan des maisons de
Champagne en passant de « pas de fête sans champagne » à « boire du
champagne est une fête ». Désormais, la boisson suscite la réjouissance et non pas
l’inverse. Ce mouvement visait à répondre à la campagne de communication menée
par le négoce qui entendait dénigrer la qualité du champagne élaboré par les
récoltants-manipulants. Le but était de mettre ne valeur le savoir-faire de ce type de
vigneron et d’insister sur le fait qu’il s’agissait aussi d’un assembleur de cépages,
d’années et de terroirs. Comparé à une largeur de gamme élevée chez le négoce, le
vigneron a commencé à tirer parti de la petite taille de sa structure afin de proposer
un travail d’orfèvre et de fignoler son champagne. Tout comme dans le vignoble
bourguignon, on s’est mis à privilégier la culture parcellaire et a fortiori la qualité du
vin, emblème de son terroir. A l’image de Dom Pérignon, le récoltant-manipulant a
toujours eu à cœur d’assembler des vins issus de crus voisins et de caractéristiques
similaires. Nonobstant, bien qu’abandonnée depuis la fin du XIXème siècle par le
monde viticole champenois, l’élaboration de monocrus a connu un regain d’intérêt au
cours des années 1990 parmi les vignerons lorsque ceux-ci jugeaient des spécificités
singulières et intéressantes. Ainsi, réapparurent les mentions grands crus, premiers

11
Entretien entre Yves TESSON et Jean-Baptiste PREVOST, consultant chez Wine Ambassadors, 2016

26
crus et les noms de villages. Toutefois, à l’origine, l’échelle des crus se destinait
uniquement aux professionnels afin de fixer le prix du raisin. Ce faisant, le
consommateur était étranger à cette institution qui a également suscité de vives
critiques de la part des vignerons eux-mêmes en raison de son mécanisme. Celui-ci
reposait sur le finage des villages et négligeait les positions de parcelles situées en
bas ou en haut de coteaux qui sont pourtant des données importantes à prendre en
compte.

B. Un outil de communication qui s’est orienté vers la personnalité du vigneron


récoltant-manipulant pour mettre en valeur son produit

En dépit de ces difficultés, le champagne de vigneron connaît un succès auprès


d’une clientèle de consommateurs directs. Afin de cultiver cette relation de proximité,
les récoltants-manipulants ont eu intérêt à appuyer l’aspect émotionnel de leur
campagne de communication en usant d’un ton intimiste et confidentiel « En
Champagne, un ami vous attend 12». Gardons aussi en tête que la manipulation de la
sémantique a vu son rôle s’étendre dans le domaine de la communication au fur et à
mesure des années. Ainsi, certains ont évoqué l’idée de mettre un terme au sigle
RM, jugé obscur, pour lui préférer la mention de « champagne de propriété » qui
rappelle l’image du châtelain et a fortiori, l’univers des maisons de Champagne.
Cependant, cela a mis en relief des volontés contradictoires en désirant, d’une part,
promouvoir l’artisanat de la paysannerie vigneronne, et d’autre part, rester dans le
monde du luxe. En dépit de cette contradiction, le récoltant-manipulant a su concilier
ces deux approches en devenant aristocrate de la vigne : on naît vigneron et l’on
cultive un savoir ancestral, transmis de génération en génération13. A l’instar de
l’image quasiment mystique créée par les maisons de Champagne autour de leur
chef de cave, le vigneron s’est vu affublé d’une réputation extraordinaire. Pour
reprendre un concept marxiste, le récoltant-manipulant incarne « l’Homme total »14
des vins de Champagne, un Homme qui maîtrise l’ensemble des processus
d’élaboration de son produit de A à Z.
On a également pris l’habitude de considérer le propriétaire-récoltant comme une
référence morale. Ainsi, on reprend toute la pensée agraire qui se cache derrière un
slogan attribué au Maréchal Pétain « La Terre, elle, ne ment pas ». Le vigneron vit
non pas au rythme du marché mais à celui de ses vignes et de la nature desquelles il

12
Brochure publicitaire « En Champagne, un ami vous attend », date 1992
13
SGV, RM 4/1, Encart paru dans Le Figaro, s.d.
14
SGV, RM 5/1, Communication Corporate Propriétaires Récoltants-Manipulants Champenois, Etude du Cabinet « Couleurs et
stratégie », 23 mai 1991.

27
partage les valeurs. Porteur d’une révolution à la fois morale et viticole qui s’est
traduite par un élan d’altermondialisme, les récoltants-manipulants ont dénoncé les
politiques de grands groupes dont les actionnaires déracinés ont toujours affiché un
intérêt manifeste non pas pour la qualité mais pour le rendement. La mondialisation
est progressivement devenue synonyme de standardisation du champagne en
arômes et en saveurs. Grâce à l’intervention du propriétaire-récoltant, la Champagne
reste champenoise, quitte à concevoir des champagnes qui trancheraient par leur
typicité revendiquée.
Afin de refléter ces spécificités liées au champagne de récoltant-manipulant, on a
inventé un nouveau slogan : « le champagne a sa source ». Par le biais de cette
phrase, on insiste sur le fait qu’il s’agit d’un produit de grande qualité, intégralement
élaboré par le vigneron et acheté directement auprès de celui-ci pour un prix bon
marché. La source évoque un produit naturel, issu de la terre et renvoie à la
minéralité de l’eau présente dans les nappes phréatiques du vignoble champenois. A
cette époque, ce choix sémantique a été motivé par la mise en place de la loi Evin et
employer un terme du champ lexical de l’eau permettait d’adoucir l’image de la
boisson alcoolisée. Enfin, on joue aussi sur l’homophonie entre la préposition et le
verbe avoir pour rappeler que le champagne demeure un produit du terroir qui
possède sa source. Il provient avant tout de la terre et le vigneron est là pour le
rappeler.
Pour résumer, suite à un essor continu au cours de la seconde moitié du XXème
siècle et tout en bénéficiant du sillage des maisons de négoce qui représentaient de
véritables figures de proue de l’industrie du champagne, l’activité des récoltants-
manipulants a connu un ralentissement. Face à cette difficulté, ces vignerons ont dû
dessiner leur propre stratégie, définir leur propre identité et cultiver leur différence.
Pour ce faire, ils ont procédé en s’appuyant l’idée de terroir15 et en renversant le
concept de démocratisation du champagne porté par les maisons de négoce tout au
long des « Trente glorieuses ». Face à leur manque de volumes pour gagner des
parts de marché par rapport au négoce, les récoltants-manipulants se sont dirigés
vers les marchés de niche, comme celui des catégories CSP+ ou CSP++ en quête
de singularité et de différenciation. Avec le récoltant-manipulant, la rareté et la
typicité du champagne sont synonymes de luxe.

15
Benoît VERDIER, « Construction d’une rhétorique professionnelle : la notion de terroir dans la Champagne viticole de 1909 à
2010 », Serge WOLIKOW, La construction des territoires de Champagne (1811-1911-2011), EUD, 2013, p. 303-315.

28
III. Mise en place et développement de la préservation d’une viticulture
champenoise éco-responsable

La préservation de l’environnement et de la nature dans le vignoble champenois


constitue un enjeu qui gagne en importance. Enherbement des vignes, réductions
des intrants, développement de l’agroforesterie, recours à la confusion sexuelle des
nuisibles, et diminution des émissions de dioxyde de carbone représentent des
moyens de conjuguer à la fois viticulture raisonnée et respect du terroir.
La Champagne poursuit deux objectifs majeurs dans ce domaine. D’une part, d’ici
2025, le vignoble champenois devra être dépourvu de toute trace d’herbicide. D’autre
part, d’ici 2030, la totalité des exploitations viticoles devront, à minima obtenir, la
certification Viticulture durable en Champagne (VDC).

A. Un vignoble respectueux de son propre environnement

La Champagne progresse peu à peu au sujet de préservation de son espace naturel


autour des vignes car la demande sociétale à ce sujet se révèle pressante, de même
que les réglementations concernées. En ce début d’année 2019, deux caps à
franchir ont été définis : « zéro herbicide » en 2025 et « 100% d’exploitations
certifiées » en 2030. Ces échéances laissent peu de temps aux vignerons pour
atteindre ces objectifs. C’est pourquoi, des organismes tels que le Syndicat général
des vignerons de Champagne (SGV) a décidé d’accompagner les acteurs de cette
filière dans leur transition vers une viticulture durable au moyen de recherches
techniques innovantes, de mutualisation des coûts liées à l’exploitation viticole, des
produits de substitution aux intrants phytosanitaires ou encore de réunions
d’information et de formation collectives. Certaines solutions ont été proposées par le
SGV afin de motiver l’obtention de certifications de niveau 2 ou 3 telles que la
Viticulture durable en Champagne (VDC) ou la Haute valeur environnementale
(HVE) par les vignerons champenois. Cela pourrait se traduire par le biais d’aides à
l’investissement dans du matériel d’entretien des sols ou encore par l’accord d’un
crédit d’impôt après avoir décroché lesdites certifications16. Ces mesures en faveur
d’une viticulture respectueuse de l’environnement suivent, notamment, une tendance
d’achat des consommateurs français : 44% d’entre eux s’avouent influencés par des
valeurs environnementales. Face à cette proportion, il est crucial de pouvoir
répondre aux attentes de ces clients en leur proposant des vins dont l’élaboration se

29
trouve en adéquation avec leur habitude d’achat. En sus de ces prises de position, il
est nécessaire de respecter les exigences liées à la loi Agriculture et Alimentation
EGALIM, adoptée en novembre 2018, et d’effectuer un travail en profondeur autour
de la notion de chartes riverains.
En outre, la Champagne a connu des avancées en matière de viticulture raisonnée
puis durable. Dès les années 1990, cette région a mis en place un système de
management environnemental (SME) riche d’environ 300 indicateurs afin de mesurer
les progrès réalisés. Par exemple, les images satellites récoltées par le Comité
interprofessionnel des vins de Champagne (CIVC) dénotent une progression
régulière de l’enherbement du vignoble régional. En 2018, la végétalisation atteignait
35% des surfaces cultivées contre 22% en 2003 (cf. annexe 2). Selon Arnaud
DESCÔTES, directeurs des services techniques du Comité Champagne, les
indicateurs à disposition permettent un « suivi attentif des performances
environnementales de l’entreprise Champagne » et affirme que des « progrès très
sensibles ont été enregistrés depuis une quinzaine d’années ». Qu’il s’agisse de
viticulture durable ou biologique, les grands principes restent identiques : respect des
équilibres naturels et de la biodiversité, soins culturaux préventifs ou prophylaxie,
réduction drastique d’intrants dans les vignes, utilisation de traitements bénins à la
fois pour l’Homme et la nature ou encore maîtrise des travaux des sols. Une fois
définis, ces grands principes doivent être appliqués. Pour ce faire, on accompagne
les vignerons dans leur démarche grâce à la mise à disposition d’outils d’aide à la
décision (OAD). Ainsi, les professionnels de ce secteur peuvent se référer à des
référentiels techniques, des guides pratiques, des réseaux de stations
météorologiques autonomes, des modèles épidémiologiques ou encore des logiciels
de comparaison de produits viticoles. Ces efforts en matière d’écologie se traduisent
concrètement par l’utilisation de produits autorisées en viticulture biologique à
hauteur de 50% des intrants épandus ou bien par l’usage de la technique de
confusion sexuelle chez les insectes nuisibles, laquelle permet la suppression
presque totale des insecticides et permet à la Champagne de s’approcher encore
davantage de ses objectifs. En 2018, on recensait aux alentours de 17 000 hectares
protégés de la sorte, soit plus de la moitié des surfaces que couvre l’appellation
d’origine contrôlée. Enfin, selon le plan Ecophyto 2, les volumes de produits
phytosanitaires actuellement utilisés devront connaître une diminution de moitié d’ici
2025.

16
La Champagne viticole, n°854, mars 2019, p. 32-33.

30
La Champagne affiche des résultats encourageants en matière de viticulture durable.
Parallèlement à la tenue d’un débat en France qui fait rage autour de la notion de
« neutralité carbone », cette région a mis en place un plan nommé Facteur 4 dont le
but consiste à diminuer les émissions de dioxyde de carbone de 25% d’ici 2025 et de
75% d’ici 2050. Les moyens d’action s’articulent selon trois grands thèmes à savoir
l’eau, la biodiversité et le dioxyde de carbone. Les vignerons, récoltants-manipulants
ou autres, jouent un rôle majeur dans ce système puisqu’ils en représentent la pierre
angulaire. Sans eux, aucun progrès ne serait réalisé car ils sont à la fois acteurs et
témoins des résultats obtenus. Ils sont sur le terrain et, ce faisant, agissent et
mettent directement en pratique les méthodes prescrites par les organismes de
viticulture durable dans leur vignoble. Ainsi, entre 2003 et 2013, la Champagne a vu
ses émissions de dioxyde de carbone réduites de l’ordre de 7% et de 14% entre
2013 et 201817. A l’image du Champagne DELONG Marlène qui a opté pour la
suppression des intrants dans son vignoble, les vignerons champenois ont aussi eu
recours à l’utilisation de bouteilles allégées, au travail du sol ou encore à
l’optimisation de processus de vinification. En revanche, de tels procédés possèdent
aussi leur lot d’inconvénients comme une consommation croissante de carburant.
D’où l’importance de mobiliser l’ensemble de la filière viticole en vue de s’inscrire
dans une démarche « d’économie circulaire » selon Pierre NAVIAUX, chargé de ce
dossier au sein du Comité Champagne. Concrètement, cela s’est illustré en 2015 par
la tenue d’une concertation des parties prenantes qui ont émis quelque 350 idées à
inscrire dans un plan d’action. De plus, les vignerons peuvent également évaluer le
volume d’émission de dioxyde de carbone de leur exploitation et en faire un
diagnostic individuel au moyen d’un logiciel gratuit disponible sur le site en ligne du
C. I. V. C.
En outre, il convient de dresser un état des lieux de la viticulture durable en
Champagne (cf. annexe 3). Etablie en 2001 sous le nom de viticulture raisonnée,
cette certification a adopté la nomenclature qu’on lui connaît actuellement en 2009
en prenant en compte la gestion des rejets de dioxyde de carbone par les
exploitations. En décembre 2015, 50 vignerons étaient certifiés viticulture durable en
Champagne. En septembre 2018, cet effectif atteignait 335 exploitations viticoles,
soit un nombre multiplié par 5,7 en l’espace de trois ans. Aujourd’hui, cette
certification couvre 14,7% de la surface totale concernée par l’appellation d’origine

17
Evolution du bilan carbone, La Champagne viticole, Environnement Les Signaux au vert, n°854, mars 2019, p. 35.

31
contrôlée Champagne, soit 5 145 hectares, 335 exploitations et 48 prestataires.
Dans cette région, il existe quatre certifications environnementales majeures à
savoir : celle de la viticulture durable en Champagne (V. D. C.) avec 335 adhérents,
celle de la haute valeur environnementale (H. V. E.) qui compte 65 certifiés, celle de
l’agriculture biologique (A. B.), forte de 180 membres et celle de Terra Vitis qui
enregistre 40 vignerons. Au total, on recense 620 exploitations certifiées en
Champagne, ce qui entrevaut à 6 700 hectares, soit 20% du vignoble champenois
total. Notons également qu’une grande partie des exploitations qui ont obtenu la
certification V. D. C. sont également certifiées en norme H. V. E., ce qui représente
un effectif total d’environ 400 entités.

B. Une viticulture durable en phase d’évolution

En Champagne, la viticulture durable cherche à innover et à se renouveler. En ce


sens, suite à la vendange 2019, on publiera un nouveau cahier des charges, dont les
mesures devront être appliquées dès la prochaine campagne de traitements en
2020. Deux mesures agro-environnementales (M. A. E.) sont censées s’inscrire dans
les cahiers des charges A. O. C. Champagne et Coteaux champenois.
D’une part, la commission de l’organisme de défense et de gestion du Syndicat
général des vignerons et son conseil d’administration ont pris la décision d’interdire
la pulvérisation d’herbicide de prélevée entre les rangs.
D’autre part, on entend réduire les quantités d’intrants phytopharmaceutiques
utilisés, encourager l’enherbement du vignoble et le travail du sol.
Concrètement, ces changements se veulent progressifs afin d’opérer une transition
en douceur vers une viticulture plus propre. Ainsi, le vigneron champenois se
trouvera en mesure de répondre aux exigences formulées par le consommateur en
matière de champagne éco-responsable.

L’étude du statut de récoltant-manipulant a mis en lumière différentes


caractéristiques et problématiques propres à ce genre de vigneron. En raison d’un
flou réglementaire, certains viticulteurs tendent à abuser de ce titre afin de profiter de
l’engouement présent autour des vins de propriétaires-récoltants. Par exemple, on
assiste peu à peu à l’indifférenciation généralisée des statuts de récoltant-manipulant
et de récoltant-coopérateur au profit de celui de récoltant-expéditeur au grand dam
vignerons indépendants. Cette situation est source de confusion pour le
consommateur car il suffit que le vigneron se charge de l’étape de dégorgement pour

32
obtenir la désignation de récoltant-manipulant. Cela est d’autant plus trouble que les
coopératives ont pour coutume d’assembler les vins de chaque membre afin de les
vinifier puis de les distribuer à chaque adhérent les bouteilles d’une même cuvée.
Dans ce cas, on peut se trouver à acheter chez de prétendus récoltants-manipulants,
du champagne quasiment identique dont seul le prix et la marque apposée sur le
flacon diffèrent.

En dépit de faiblesses structurelles et d’un certain flou quant à leur statut, les
récoltants-manipulants constituent une strate essentielle du terroir champenois dans
la mesure où ils font office de figure de proue en matière de viticulture durable et de
savoir-faire. Afin d’illustrer ce rôle essentiel au sein du vignoble de Champagne, il
convient d’étudier la maison de Champagne DELONG Marlène qui a su faire
perdurer les traditions vitivinicoles de son patrimoine local tout en prônant une
viticulture responsable, durable et en s’adaptant aux évolutions de l’industrie du
champagne.

33
Deuxième partie
La maison de Champagne DELONG Marlène
: un récoltant-manipulant talentueux issu
d’un terroir méconnu

34
Cette deuxième partie entend brosser un portrait de la maison de Champagne
DELONG Marlène, en analyser la structure et le fonctionnement. S’agissant d’une
exploitation viticole champenoise, il est, tout d’abord, nécessaire d’identifier le
contexte économique de ce marché afin d’en suivre les grandes tendances. Ensuite,
il convient de s’intéresser à l’histoire de cette maison de Champagne pour en
comprendre l’évolution et les choix. Enfin, étant concurrencée par d’autres acteurs
locaux, il est important que cette exploitation poursuive ses efforts de différenciation
et mette encore plus en avant son crédo : un champagne à l’Esprit Nature.

I. L’industrie du champagne : un marché en pleine croissance et


mutation

En vue d’analyser les choix pris par la maison de Champagne DELONG Marlène, il
faut, au préalable, le marché de ce vin effervescent.

A. Le champagne : un atout pour la France dans son commerce extérieur

En 2018, les exportations françaises de vins et de spiritueux ont généré un chiffre


d’affaires de l’ordre de 13,2 milliards d’euros, soit une progression de 2,4% comparé
à l’an passé. Ainsi, ce secteur est le deuxième poste responsable de l’excédent
commercial extérieur de la France derrière l’aéronautique. Malgré un volume
d’exportation décroissant d’environ 2,7%, notamment, en raison d’une vendange
2017 peu prolifique, qui dessert le résultat de vente de vins français en termes de
volumes avec une chute de 4,6%, la valeur des exportations a augmenté de 2,6%.
Par conséquent, en 2018, le champagne a dégagé le deuxième plus grand chiffre
d’affaires à l’export, derrière le cognac, dans la filière des vins et spiritueux avec 2,9
milliards d’euros, soit une hausse de 2,1% par rapport à 2017. Ce vin effervescent
constituait 32,4% des exportations de vins et 21,8% des exportations de vins et de
spiritueux français.

Expéditions de champagne par type de structure

En 2018, sur un effectif total de 4 596 expéditeurs qui a perdu 98 vignerons et gagné
14 grandes maisons de Champagne comparé à 2017, les vignerons représentaient
18,2% des expéditions si l’on considérait uniquement les volumes et 14,8% si l’on
prenait seulement en compte les valeurs.

35
Expéditions de champagne par secteur d’importation

En 2018, en termes de volumes, la France consommait 48,7% de la production de


champagne, contre 25,2% concernant l’Union Européenne et 26,1% quand il
s’agissait des pays tiers.
Sur la même période, du point de vue de la valeur, la France représentait seulement
41,7% de la clientèle, 26,1% pour l’Union Européenne et 32,2% pour les pays tiers.

En 2018, les exportations de champagne s’élevaient à 301,9 millions de bouteilles


vendues, soit un recul de 1,8% comparé à l’an passé malgré un chiffre d’affaires en
hausse. Cette période a laissé apparaître un repli de la France et du Royaume-Uni
qui, ensemble, correspondaient à une diminution de 4,1% des volumes expédiés et
exportés et de 1,9% du chiffre d’affaires cumulé. Les situations socio-économiques
de ces deux Etats ont été source d’inquiétude pour certains acteurs du secteur des
vins, ce qui peut en partie expliquer ces reculs.

Malgré ces données, le fait marquant de l’année 2018 a été l’augmentation des
ventes de champagne à l’export : +0,6% en atteignant 154,8 millions de bouteilles.
Le chiffre d’affaires de l’export s’est accru de 1,8% en caracolant à 2,9 milliards
d’euros. Ainsi, l’export constituait le plus grand débouché pour l’écoulement de
bouteilles de champagne en amassant 51,3% des volumes. Depuis le début du
XXème siècle, c’est la première fois que ce phénomène se produit.

Ces chiffres mettent en exergue plusieurs phénomènes. En réalité, le dynamisme


des exportations cache différentes tendances. Les pays tels que le Japon, l’Espagne,
la Suisse, la Chine et le Canada connaissent importent avec le plus de vigueur. En
2018, les volumes de champagne expédiés et le chiffre d’affaires généré y ont cru
entre 5 et 10%.
L’Italie et la Belgique demeurent respectivement quatrième et cinquième importateur
de champagne et connaissent une augmentation du chiffre d’affaires généré malgré
une stagnation des volumes achetés. L’Allemagne se hisse au-dessus de ces deux
Etats avec un chiffre d’affaires en augmentation malgré une diminution des volumes.
Le Royaume-Uni reste premier pays importateur de champagne en termes de
volume et deuxième si l’on se réfère à la valeur. En dépit d’un taux de change

36
défavorable pour les Etats-Unis d’Amérique, ceux-ci ont enregistré une hausse des
volumes importés de 2,7% par rapport à 2017 et talonnent le Royaume-Uni. En
revanche, ils occupent la première place des pays importateurs de champagne en
termes de valeur, preuve de l’attractivité du champagne outre-Atlantique.
D’autres Etats tels que l’Australie, l’Afrique du Sud et la Russie ont connu une
augmentation fulgurante des quantités de champagne importées au cours des dix
dernières années, en témoigne une hausse de 134% des volumes commandés par
l’Australie durant cette période18.
Ainsi, les vignerons récoltants-manipulants ont tout intérêt à concentrer leurs efforts
sur la recherche de clients potentiels dans ces pays bien que la France demeure le
premier marché pour l’achat de champagne. L’intérêt que suppose les 10 premiers
pays importateurs de champagne est qu’ils apparaissent comme des valeurs sûres
bien qu’il s’agisse de marchés arrivés à maturité. Les nouveaux Etats clients tels que
la Chine, la Russie ou même le Mexique offrent l’occasion de pénétrer des marchés
encore immatures ou en cours de développement.

Concernant les exportations réalisées en 2018 et triées selon le type de champagne,


il en ressort plusieurs tendances, dont certaines aisément identifiables.
Tout d’abord, le champagne brut non millésimé occupait la première place de ce
classement avec 79,3% des volumes exportés et 65,8% du chiffre d’affaires dégagé.
Notons qu’il a connu un attrait significatif de la part de pays asiatiques comme
Singapour (+15,1%) et la Chine (+10,2%). Malgré sa prépondérance, ce genre de
champagne a souffert d’un recul de consommation à mettre en relation avec la
diversification des cuvées proposées. A ce sujet, il est impératif d’identifier les modes
de consommation qui règnent dans chaque pays ciblé. Ensuite, toujours en 2018, le
champagne rosé a rencontré sa plus grande clientèle aux Etats-Unis d’Amérique
avec 17,0% des volumes et affiché une progression moyenne de 10,1% en termes
de valeur depuis 2010. Il est également parvenu à séduire de nouveaux adeptes,
notamment, en Autriche et en Espagne en détenant respectivement 17,5% et 10,8%
de parts de marché. Plus singulièrement, ce genre de champagne a joui d’une
certaine popularité au Nigéria et en Russie, pays dans lesquels il a constitué 35% et
13% des volumes importés.
Puis, si l’on s’intéresse à la cuvée de prestige, on s’aperçoit qu’hormis les Etats-Unis
d’Amérique (30% de valeur et 10% des volumes importés), les pays qui se sont

18
Comité interprofessionnel des vins de Champagne, Bulletin d’expédition de vins de Champagne en 2018, p. 6-7.

37
montrés particulièrement friands de ce champagne étaient la Chine avec 23,6% de
parts de marché et l’Italie avec 20,9%.
Enfin, bien que discret, les champagnes extra bruts ou non dosés ont gagné de
nouveaux clients en Europe, surtout en Italie et en Suisse chez qui l’importation de
ce type d’effervescent représentaient respectivement 2,3% et 1,9% du marché.

B. Des tendances d’achat et des habitudes qui évoluent apportant avec elles de
nouveaux profils de consommateurs

En dépit de l’intérêt que nous pouvons porter à ces chiffres afin de modéliser des
tendances de consommation, il nous faut nous concentrer sur les motivations dont
les consommateurs font preuve le plus souvent au moment d’acheter du champagne.
Bien entendu, les motifs divergent selon les marchés et pays considérés. Par
exemple, en France, les caractéristiques des acheteurs ont profondément évolué
depuis les années 1990. Entre 1900 et 2015, plus de 5 millions de nouveaux
consommateurs ont fait leur apparition sur le marché, dont 3,6 millions entre 2010 et
2015. Sur la même période, les parts respectives des non-consommateurs relatifs,
absolus et des consommateurs réguliers ont diminué au profit d’un profil d’amateur
occasionnel. Parallèlement à cette consommation marquée par la ponctualité, le
client tend à investir davantage dans la qualité plutôt que dans la quantité. Ce
faisant, il préfère consommer moins de produits mais de meilleure facture. Tendance
oblige, surtout auprès des personnes qui appartiennent à la génération Y, une quête
d’authenticité, de terroir, de proximité avec le producteu et de nouvelles façons de
boire ont fait leur apparition en scénarisant sa consommation. On préfère faire
sienne la possibilité de découvrir une nouvelle identité qui se cache derrière un vin
exceptionnel, l’histoire et le savoir-faire qui s’y rattachent plutôt que d’acheter un
produit pour lui-même.

Le chiffre d’affaires de la filière du champagne a progressé par le biais de plusieurs


mécanismes, dont le dynamisme du secteur de l’export, la diminution des ventes de
champagnes à bas prix sur les marchés européens au profit de ceux au tarif plus
élevé et la diversification des cuvées à destination des pays tiers, illustration d’une
politique de montée en gamme ou premiumisation19 du champagne et d’intégration
verticale croissante des acteurs de cette filière. Ainsi, au fil des vingt dernières
années, les vignerons qui sont parvenus à revoir leur monde de fonctionnement en

19
Syndicat général des vignerons de Champagne, La Champagne viticole, Les récoltants-manipulants, commercialisation, p. 4

38
profondeur et à s’adapter aux évolutions du marché du champagne ont pu mettre en
valeur leur produit fini et en augmenter substantiellement la valeur ajoutée. Ce
phénomène est d’autant plus marqué que l’on a assisté à la mise en place croissante
d’une stratégie d’intégration verticale de la part des vignerons qui ont mis un point
d’honneur à maîtriser l’ensemble du processus d’élaboration de leur produit fini afin
d’en dégager un profit maximal. En revanche, les viticulteurs qui se sont montrés
incapables de prendre ce virage à temps en raison d’un manque d’adéquation entre
leur offre et la demande actuel ont progressivement cessé leur activité. C’est
pourquoi, en 2016, le Comité Champagne a identifié 4 364 vignerons récoltants-
expéditeurs, un effectif en diminution depuis une dizaine d’années. Ce phénomène
s’explique, en partie, par la renommée dont a toujours bénéficié l’appellation
Champagne. Il était commun pour un certain nombre de vignerons de se placer sous
la protection de cette dénomination face aux aléas économiques de la mondialisation
et des potentiels concurrents sur le marché des vins effervescents. Toutefois, les
viticulteurs qui se sont volontiers reposés sur leurs acquis ont été pris de court.
Actuellement, la diminution des expéditions de champagne s’explique aussi par la
disparition de ces acteurs au profit de vignerons davantage investis dans leur activité
en tant qu’ambassadeurs de leur terroir et d’une nouvelle génération de viticulteurs
enclins à développer la commercialisation de leur champagne afin de représenter
une option de choix pour qui souhaiterait éviter les grandes marques.

En outre, une étude nommée Consommation et attitudes et menée par le Syndicat


général des vignerons de la Champagne en 2016 a confirmé les faits liés à la
consommation de champagne en 2018. Elle dresse à la fois, un portrait-robot de
l’amateur de ce vin et identifie une tendance de fond animée d’une consommation
davantage décomplexée.
Tout d’abord, le champagne apparaît comme une boisson bue par tous car 81% des
sondés ont affirmé en consommer et 67% d’entre eux ont ajouté que cet attrait pour
ce vin durait depuis plus de dix ans. Cette consommation est répartie équitablement
entre hommes et femmes dans la population française. Sont majoritaires les
individus qui appartiennent à la catégorie socio-économique CSP+ à hauteur de
27%, qui vivent en couple à environ 67% et qui sont âgés de 47 ans en moyenne. Ce
type de consommateur achète environ neuf bouteilles par an, dont trois en guise de
présents, au prix moyen de 20€ pour soi-même et de 24€ pour un cadeau. La qualité
prime avant le prix ou la quantité : 35% contre 29%. Les fêtes tendent à représenter
le principal motif de consommation de champagne avec 72% d’ouverture à ces

39
moments précis bien que 56% des personnes interrogées remarquent aussi en boire
pendant des moments peu formels tels que des repas.
Ensuite, il est possible de discerner des sous-profils de consommateurs de
champagne.
Une certaine proportion d’entre eux, 28%, appelée les opportunistes, effectuent leurs
achats dans les lieux où le rapport entre qualité et prix leur est le plus profitable ;
autrement dit, souvent en hypermarchés pour 33% d’entre eux et supermarchés à
hauteur de 23%.
Un ensemble de 20% d’individus forme le groupe des amateurs éclairés. Ceux-ci
sont en quête de conseils, c’est pourquoi, ils privilégient la proximité, le bouche-à-
oreille et les informations glanés de part et d’autre à travers diverses sources de
renseignements comme des revues.
Au sein du sous-ensemble des consommateurs avertis, existe une communauté de
consommateurs dits authentiques. Il s’agit d’hommes âgés en moyenne de 48 ans et
de classe-sociale inférieure celle des CSP+. Ils témoignent d’une sincère curiosité
envers les produits de terroir et de grande qualité. Ces individus sont pour 53%
d’entre eux des connaisseurs contre seulement 37% en moyenne. Ils achètent au
moins 10 bouteilles par an dont quatre afin de les offrir, et en consomment tout au
long de l’année sans attendre d’occasion particulière. Désireux de s’imprégner d’un
réel savoir-faire, ils se tournent volontiers vers les producteurs eux-mêmes et des
cavistes indépendants afin de s’approvisionner.
Enfin, si cette enquête laisse apparaître des catégories de consommateurs bien
définies, il faut tout de même souligner un fait notable : on consomme du champagne
en étant plus jeune et de façon plus décontractée. Environ 35% de ces personnes
boivent du champagne depuis moins de cinq ans contre 19% dans la totalité des
consommateurs. Pourtant, ces novices se montrent enclins à dépenser davantage,
8% de plus en moyenne, pour obtenir moins de bouteilles, six contre neuf. On
retrouve bien ici cette tendance à privilégier la qualité à la quantité. Ils affichent une
consommation plus volatile et moins tranchée que les autres groupes en buvant à
part égale du champagne brut à hauteur de 48% contre 62% au niveau global, et du
champagne demi-sec avec 43% contre 31% pour tous les individus confondus. Leur
habitude d’achat reflète à elle seule cette nouvelle mode de consommation : 57%
d’entre eux s’informent sur Internet, surtout sur les réseaux sociaux contre 37% au
niveau global et 69% se rendent chez un caviste indépendant pour y obtenir conseils
et réaliser des achats contre 60% en général. Ce phénomène est, en partie, le fait de
changements de coutumes liées à la consommation de champagne apportés la

40
génération Y ou millenials en anglais. Ces personnes nées entre 1980 et 2000 ont
pris pour habitude de consommer du champagne quel que soit le lieu, le moment ou
même l’accord. Pour elles, l’effervescence fait partie intégrante de leur critère de
choix en matière de consommation en raison de leur appartenance à la génération
de l’après soda. Il s’agit là d’un phénomène quasiment sociologique qui affiche un
réel attrait pour le terroir, l’authenticité, l’innovation, l’effervescence et la bulle, en
témoigne l’engouement autour des boissons pétillantes naturelles surnommées pet’
nat’ telles que la bière ou le cidre. Ainsi, il devient de plus en plus commun de tenir
un repas accompagné de champagne, voire de plusieurs champagnes différents.
Ainsi, les vignerons mettent un point d’honneur à élargir leur gamme de champagne
afin de se renouveler, tout en préservant au maximum leur vignoble de toute
intervention humaine conformément aux attentes de leur client en matière de qualité,
d’écologie et de responsabilité environnementale.

II. Champagne DELONG Marlène : une exploitation dynamique qui


manque de visibilité

A. Un domaine empreint de dynamisme et de réactivité aux évolutions de son


environnement

La maison de Champagne DELONG Marlène est héritière du savoir-faire de


l’exploitation S. C. E. V. Gérard DELONG qui a débuté son activité en 1966. Déjà à
cette époque, Monsieur Gérard DELONG avait à cœur de travailler en tant que
vigneron indépendant. Pour ce faire, il choisit d’acquérir son propre pressoir afin de
maîtriser le processus de vinification au maximum. La gamme de champagne d’alors
consistait en un même assemblage qui se déclinait en différents produits finis qui
variaient selon leur vieillissement. Un véritable engouement se manifestait autour de
ce champagne de vigneron par le biais d’une clientèle locale, nationale ou bien
composée de touristes étrangers, dont de nombreux Belges. Il s’agissait d’un temps
où le client s’approvisionnait directement chez le viticulteur qui avait toute facilité à
vendre son vin effervescent en raison d’une demande bien supérieure à l’offre. C’est
pourquoi, très peu de vignerons cherchaient à développer leur outil de
communication et de vente à l’international par opposition aux grandes maisons de
Champagne qui investissaient des fonds significatifs dans la mise en place de
stratégies mercatiques innovantes afin d’obtenir de nouvelles parts de marché.
Aujourd’hui, cette exploitation viticole s’étend sur quelque 5,3 hectares, dont les
parcelles se répartissent sur trois communes à savoir Allemant, Broyes et Sézannes,
41
toutes situées dans la Côte de Sézanne. Au total, quatre personnes travaillent dans
la maison de Champagne DELONG Marlène. Marlène DELONG gère son
exploitation et emploie trois salariés dont Damien MOREAU. Il s’agit donc d’une
petite structure. Les avantages que présente cette configuration résident
principalement dans sa souplesse et sa réactivité. Cependant, lorsque Marlène
DELONG a repris le flambeau dans les années 2000, rejointe ensuite par Damien
MOREAU, un changement de cap fut initié. En raison d’un attachement particulier
pour la viticulture naturelle et durable, ce couple de vignerons indépendants et
amoureux de la nature a progressivement diminué les doses de produits
phytosanitaires conventionnels dans leur vignoble jusqu’à s’en débarrasser
complètement pour leur préférer des équivalents biologiques. Tous deux ont aussi
opté pour vinifier leur vin en utilisant des matériaux neutres, sans intrant afin
d’assurer une expression pleine et entière de leur terroir à travers leur champagne. A
cette même époque, la maison de Champagne DELONG Marlène a opéré de grands
changements. Qu’il s’agisse de procédés culturaux, de vinification ou de
communication, l’ensemble de cette structure a fait l’objet de transformations. Ces
mutations se sont rendues visibles à travers une nouvelle communication et se sont,
notamment, répercutées sur le prix final de ce champagne.
Ajoutons que les compétences et connaissances se sont tellement bien transmises
de père en fille que le savoir-faire de Marlène DELONG a été plusieurs fois plébiscité
par des revues spécialisées telles que la Revue des vins de France20 ou encore par
les journaux régionaux comme l’Union. D’autres, comme Geoffrey ORBAN21,
consultant en vin de formation scientifique, ont proposé leurs services et émis des
idées quant à de possibles accords entre mets et champagnes, en goûtant
notamment la craie issue de parcelles de vignes afin d’en identifier la typicité. Celle-
ci revêt ici un rôle primordial puisque l’objectif est de concevoir un champagne de
caractère. A cet effet, conjointement avec la viticulture éco-responsable,
l’œnogastronomie représente le cheval de bataille pour Marlène DELONG qui
s’attache à proposer des vins effervescents racés et délicats, destinés à se marier
avec des plats de cuisine raffinée.

Cette montée en gamme de ce champagne s’explique par différents


phénomènes tels qu’une nouvelle stratégie d’adaptation face à de nouvelles cibles,

20
Champagne DELONG Marlène, http://www.champagne-delong-marlene.com/la-revue-des-vins-de-france-novembre-2017/ (le
16/08/2019).
21
Champagne DELONG Marlène, http://www.champagne-delong-marlene.com/lecon-dexpert-terre-de-vins-educavin/ (le
16/08/2019).

42
des modes de consommation en pleine évolution et une croissance toujours plus
grande du nombre de débouchés à l’export.

Comme évoqué plus haut, il s’agit d’une structure de taille modeste. Les avantages
qu’offre cette configuration résident principalement dans sa souplesse et sa
réactivité. En effet, l’absence d’intermédiaires et de hiérarchie étendue permet
d’évoluer et d’agir plus rapidement face aux aléas provoqués par les changements
de paradigme dans lequel opère cette exploitation. Autrement dit, plus l’entité est
petite, plus elle fait preuve d’agilité et d’adaptabilité. Notons également que nous
sommes en présence d’une structure en soleil dans une entreprise dirigée par une
femme-orchestre, peu de délégations mais forte concentration des responsabilités en
une personne. Cette situation est souvent l’apanage des T. P. E. et P. M. E. dans
lesquelles la notion de hiérarchie importe peu tant que les outils de communication
internes fonctionnent. A ce sujet, il est possible de reprendre les travaux de FAYOL,
de TAYLOR, d’Alfred SLOAN, ou encore de MINTZBERG. Selon ce dernier, il existe
cinq types de coordinations des Hommes et de mécanismes au sein d’une
entreprise. Suivant les définitions proposées par MINTZBERG, on peut qualifier la
structure de cette maison de Champagne comme simple car correspondant aux P.
M. E. Ici, les mécanismes de coordination du travail et des tâches clairement visibles
sont l’ajustement mutuel à travers une communication informelle, la supervision
directe et la standardisation des qualifications et du savoir. L’organigramme de cette
entreprise est relativement simple à reconnaître. S’agissant d’une petite structure, le
sommet hiérarchique et le pouvoir décisionnel appartiennent à Madame Marlène
DELONG. Quant à la ligne hiérarchique et à la technostructure, elles sont absentes
car inadaptées à ce genre de structure. Les salariés assurent le bon fonctionnement
du centre opérationnel grâce à leur tâche directement productive et Madame
Marlène DELONG est aussi chargée de l’ensemble des fonctions de communication,
commerciales, juridiques et de support logistique nécessaires au bon fonctionnement
de cette société. Il s’agit donc bien là d’une entreprise entrepreneuriale dans laquelle
la gérante s’occupe de presque tout.

43
B. L’importance d’un outil stratégique bien pensé

En outre, il convient de se pencher sur la situation de cette exploitation et les


stratégies de communication et marketing mises en place par cette exploitation. Pour
ce faire, il nous faut en établir un diagnostic qui nous permettra de déterminer le
degré d’adéquation entre les ressources possédées par cette organisation et les
facteurs clefs de succès de son environnement en fonction notamment de la
concurrence et ce, dans le but de dégager des orientations stratégiques. Ce
processus comporte plusieurs étapes et nécessite quelques rappels.

La communication est un vaste concept qui nous provient du latin communicare qui
signifie mettre en commun et partager. Ce faisant cette notion renvoie directement
au fait d’établir une connexion avec autrui et de tisser des liens avec quelqu’un. Dans
le milieu entrepreneurial, une société emploie ce principe lorsqu’elle décide
d’informer et de promouvoir son activité aux yeux de sa clientèle et de ses prospects.
En résumé, la communication consiste en un mécanisme de mise en commun de
renseignements par le biais de signaux, à travers différents canaux. Selon Robert
ESCARPIT, auteur de la Théorie générale des sciences de l’information et de la
communication, cette dernière se trouve être un « acte » dont l’« information » est le
produit. Autrement dit, la communication est le contenant de l’information qui en est
le contenu.

Au cours des années 1940 et 1950, les notions de communication et d’information


ont chacune été théorisées. Traditionnellement, le concept de communication se
basait sur un trio composé d’un émetteur, d’un canal et d’un récepteur. Le schéma
correspondant s’articulait autour de cinq questions posées par Harold D.
LASSWELL, les cinq Q de LASSWELL : Qui ? Quoi ? Quel canal ? Quel destinataire
? Quel effet ?
D’autres travaux sont venus complétés ce schéma comme celui des ingénieurs
SHANNON et WEAVER qui comportait sept éléments : source, émetteur, canal,
récepteur, cible, signal et message. Des améliorations notables ont été apportées à
ces modèles par des auteurs américains dont Paul LAZARSFELD et Elihu KATZ qui
ont conceptualisé une communication à deux phases par le biais des meneurs
d’opinion. Notons aussi les contributions de Malcolm MacLEAN et de Bruce
WESTLEY qui ont conçu une modélisation fondée sur de l’encodage et de la
rétroaction. C’est pourquoi, le modèle de communication basé sur les théories

44
développées par LASWELL, SHANNON et WEAVER a été enrichi de ces apports et
comprend neuf composants : émetteur, codage, message, moyen de
communication, décodage, récepteur, bruit, réponse et retour. L’émetteur et le
récepteur représentent des acteurs du processus de communication, le message et
le moyen de communication constituent des vecteurs de transmission, le codage, le
décodage, la réponse et le retour sont des fonctions. Ajoutons aussi que la
communication intervient à plusieurs niveaux. Ainsi, il existe la communication
institutionnelle qui se voit appliquée par une entreprise en vue d’établir et d’affirmer
son identité à la fois sociale et économique mais aussi d’offrir à ses différentes cibles
la meilleure image possible sans objectif commercial direct. A un autre degré se
trouve la communication commerciale qui, cette fois, concerne un produit ou une
marque.

Deux éléments essentiels ressortent de ces catégories de communication :


l’émetteur et le récepteur. Ceux-ci laissent paraître trois formes de communications :
la communication interpersonnelle, la communication de groupe, la communication
de masse. La communication commerciale semble la plus concernée par ce constat.
Claude DEMEURE, enseignant de marketing de l’académie de Rennes, a défini la
communication marketing comme suit : « ensemble des signaux émis par l’entreprise
en direction de ses clients, de ses prospects, de ses distributeurs, des leaders
d’opinions, des prescripteurs et de toute autre cible dans un but commercial22 ».
Cette définition met en relief la nécessité pour une maison de Champagne d’agir sur
chaque maillon de cette chaîne afin de se faire connaître par le plus grand nombre.
La communication commerciale poursuit trois buts : se faire connaître (but cognitif),
vendre ses produits, ici son champagne (but conatif) et véhiculer une image positive
de l’entreprise (but affectif).

D’autres auteurs tels que KOTLER, DUBOIS et MANCEAU, ont affirmé à travers leur
ouvrage concernant la gestion d’entreprise et le marketing, Marketing Management,
la chose suivante : « compte tenu des possibilités offertes par les technologies de
l’information, l’entreprise ne doit plus simplement se demander : comment atteindre
mes clients ? mais aussi comment permettre à mes clients de m’atteindre ». Cet état
de fait met en exergue une chose crucial : l’entreprise doit pouvoir alimenter un flux
d’informations qui sera absorbé par son public, puis digéré par celui-ci et qui enfin

22
Claude DEMEURE, Ventes et actions commerciales, édition 1990, p. 145.

45
retourné à la société émettrice sous la forme de retours et d’avis constructifs.
L’entreprise a donc tout intérêt à développer un réseau de communication complet
afin d’alimenter la réflexion de ses clients et de bénéficier de leur apport. Ce constat
se voit renforcé par Pierre VERNIMMEN, auteur d’ouvrages portant sur la finance
d’entreprise, qui a souligné le fait suivant : « le seul savoir-faire ne suffit plus, s’il
n’est pas accompagné d’un faire-savoir ».

Selon Jacques LENDREVIE et Bernard BRONCHAND, auteurs du célèbre


PUBLICITOR (Lendredie, Bronchand, 2001) : « on ne peut plus se permettre
aujourd’hui le luxe de faire l’impasse sur la stratégie. On ne peut plus aller vers les
créatifs en n’ayant rien à dire, et en espérant qu’ils vont concevoir une belle
campagne. Il faut bien identifier en amont le problème à résoudre, l’histoire
marketing qu’on choisit de raconter ». C’est tout là l’intérêt de forger une véritable
culture d’entreprise autour d’un mythe fondateur et d’une histoire commune. Ainsi, la
stratégie communication doit s’inscrire une vision globale de l’entreprise avec un
souci de cohérence. Cette approche a d’ailleurs constitué l’objet d’étude de Denis
LINDON et de Jacques LENDREVIE à travers le célèbre MERCATOR (Lendrevie,
Lindon, 2000 p.438) : « Pour assurer à l’ensemble de leurs actions de
communication, le maximum de cohérence, d’efficacité et de rentabilité, de plus en
plus sont les entreprises qui estiment nécessaires de se doter d’une politique globale
de communication avant de définir d’une manière détaillée leur stratégie de
communication produit par produit ». Cette supposition a conduit à l’élaboration d’un
concept de « politique de communication intégrée » qui « associe plusieurs moyens
de communication au service de l’objectif communicationnel de l’entreprise, afin de
mettre en cohérence le message et de produire les effets de synergie ». En d’autres
termes, il est impératif d’établir une stratégie de communication globale afin de faire
converger l’ensemble des informations au sujet d’un produit ou d’une entreprise à
destination d’une cible identifiée et ainsi d’augmenter ses chances de la persuader
de consommer. Dans l’industrie du champagne, il s’agit de pouvoir mettre en valeur
l’intégralité des connaissances du vigneron (savoir-faire), l’histoire de son
exploitation et la richesse de son terroir dans le but de susciter la curiosité du
consommateur (faire-savoir). Dans le contexte entrepreneurial actuel, la
communication représente un outil crucial de différenciation qui permet d’agir sur des
aspects informatifs, identitaires, persuasifs, relationnels et normatifs. En entreprise,
la communication se divise en deux pans : interne et externe. D’une part, en interne,
le principe de base est le suivant : le personnel constitue le vecteur d’image de leur

46
entreprise. C’est pourquoi, il est préférable d’informer et de consulter les salariés afin
de susciter chez eux un sentiment d’appartenance à la société pour laquelle ils
travaillent et les fédérer autour d’une même culture d’entreprise qui les incitera à
créer et à innover. Donc, le but est d’inclure le personnel dans la vie de l’entreprise
en tant que partie prenante en vue de le mobiliser et de l’encourager au mieux.
D’autre part, concernant la communication externe, l’objectif est de cibler les clients,
prospects, partenaires, actionnaires, médias, publics et pourquoi pas, jeunes
diplômés. La variété des interlocuteurs existants impose une adaptation des outils de
communication. Ainsi, une entreprise dispose, en règle générale, de quatre vecteurs
de transmission d’information : la rencontre, le papier, l’audiovisuel et les nouvelles
technologies de l’information et de la communication. La rencontre joue un rôle
important puisqu’elle représente le facteur humain d’une relation et par conséquent,
une valeur ajoutée à l’heure de rassurer le client. Qu’il s’agisse de support papier ou
audiovisuel, chacun contribue à la mémorisation et à l’explication des
renseignements fournis par une société, d’où leur importance. Enfin, les nouvelles
technologies de l’information et de la communication sont aujourd’hui plébiscitées
par le consommateur qui a tendance à rajeunir. Leur aspect réactif et interactif offre
la possibilité d’alimenter un flux d’information en continu et de satisfaire le besoin de
renseignements du client.
Outre ces types de communication, il est nécessaire de présenter un discours en
adéquation avec le genre de support employé.

47
Discours de Mise en valeur des Mise en avant de la
Renforcer son réseau
l’entreprise ressources internes marque et relation client
- Mobiliser et motiver - Tisser des - Animer les forces
son personnel. relations avec la de vente.
- Transmettre un clientèle et les - Dynamiser son
Objectif savoir-faire. renforcer. réseau.
- Inciter à découvrir
de nouveaux
produits.
- Journal interne. - Lettre - Lettre
- Lettre d’information. d’information. d’information de
- Magazine. - Plaquette de professionnel à
- Intranet, application renseignement. professionnel.
ou magazine en - Fiches de produit. - Fiche de produit.
Supports adéquats ligne. - Catalogue. - Site Internet.
- Réunion. - Site internet. - Magazine.
- Invitation et visite - Invitation et visite
sur place. sur place.
- Publipostage. - Publipostage.
- Foires et salons. - Foires et salons.
Tableau 1 – Adéquation entre discours employé et type de support nécessaire

Suite à la mise en évidence de ces outils de communication, il est important de voir


comment la maison de Champagne DELONG Marlène les utilise.

C. Un besoin d’amélioration de la stratégie de communication

Il s’agit d’une petite entreprise qui présente un seul domaine d’activité stratégique :
l’élaboration sur place de différentes cuvées de champagne et leur
commercialisation. Une stratégie de différenciation par le haut ou sophistication a été
employée depuis le changement de cap emprunté par Marlène DELONG au début
des années 2000 afin de proposer des vins de Champagne de grande qualité et
représentatifs de leur terroir. C’est pourquoi, l’accent a été mis sur la mise en valeur
de ce savoir-faire cultivé de génération en génération dans un cadre éco-
responsable.
Afin d’identifier l’environnement de cette exploitation, il nous faut réaliser une analyse
concurrentielle. Pour ce faire, nous allons d’abord émettre un diagnostic interne à
l’aide notamment d’une matrice d’analyse Forces – Faiblesses – Opportunités –
Menaces (F. F. O. M. ou S. W. O. T. en anglais).

48
FORCES FAIBLESSES

- Large gamme de cuvées de champagne qui - Peu de ressources financières suite à des
répond aux attentes de la majorité des investissements significatifs dans des
profils de clients existants. équipements vitivinicoles.
- Savoir-faire reconnu au niveau régional, - Faible fonds de roulement.
national et mondial. - Manque de communication externe.
- Renommée dans la Côte de Sézanne. - Besoin d’un service commercial dédié.
- Organisation souple, réactive et dynamique.
- Connaissances avancées en termes de
viticulture durable et biologique.
- Processus de vinification maîtrisé
intégralement.
- Installations personnelles et propre
vignoble.
OPPORTUNITES MENACES

- Renommée et bonne image du champagne. - Hausse du prix du kilogramme de raisin


- Evolution positive du marché du champagne constante.
à l’étranger. - Concurrence directe de la part de
- Demande croissante de produits du terroir, vignerons locaux et régionaux.
de grande qualité et haut-de-gamme. - Concurrence indirecte et montée en
- Evolution de la mentalité du consommateur gamme d’autres effervescents régionaux
qui s’accompagne d’une amélioration du et internationaux.
produit. - Prix prohibitif.
- Hausse de la demande de champagne éco- - Aléas climatiques.
responsable, biologique et de viticulture - Lois restrictives en matière de
durable et écologique. communication autour de la
consommation de vin.
Tableau 2 - Matrice F. F. O. M. de la maison de Champagne DELONG Marlène

Ayant précédemment analysé l’état du marché du champagne en général ainsi que


les contraintes qu’il fallait prendre en compte, nous pouvons considérer qu’un
modèle P. E. S. T. E. L. pourrait se révéler superflu. Cette matrice met en avant le
fait que cette exploitation possède les forces requises pour saisir les opportunités qui
s’offrent à elle dans l’industrie du champagne malgré des menaces importantes
comme la concurrence faite à son champagne et la hausse du prix du kilogramme de
raisin qui se répercute directement sur le tarif du produit fini.
C’est pourquoi, il peut être intéressant d’effectuer une cartographie de l’intensité
concurrentielle selon le type de champagne afin de d’asseoir sa communication sur
les genres de champagne les plus populaires.
49
Figure 1 – Structure du marché du champagne segmenté selon le type de champagne

D’après cette segmentation, on s’aperçoit qu’il est impératif de privilégier une


communication axée autour du champagne brut, rosé, extra-brut voire zéro car ce
sont les types de champagne les plus demandés bien que présents sur une
segmentation de marché mature et fortement concurrentielle. Il faut aussi noter que
les champagnes travaillés à la manière de vins gastronomiques par le biais d’un
vieillissement prolongé connaissent un réel engouement.

III. Un renouvellement de l’outil de communication

A. Une stratégie classique au départ…

Avant de lancer une stratégie de communication efficace signifie tout d’abord


identifier les motifs et les objectifs qui se cachent derrière la communication mise en
place. Pour la maison de Champagne DELONG Marlène, cela signifie améliorer sa
notoriété dans une partie méconnue du vignoble champenois, conquérir de
nouveaux clients, et plus largement se faire connaître à l’étranger. Lors de la reprise
de cette exploitation, une toute nouvelle approche de l’élaboration du champagne a
vu le jour. Ce champagne se devait d’être plus respectueux de son environnement et
représentatif de son terroir. Pour ce faire, l’outil de communication a été
complètement créé ex nihilo et la démarche d’export de ce champagne a démarré il y
a seulement quelques années.

50
Ensuite, il convient de se demander à qui est destiné la communication. Ici, il est
possible de se référer au profil typique du consommateur de champagne bien que
dépassé en raison de l’arrivée significative de prospects de la génération Y et de
leurs nouveaux us et coutumes. C’est pourquoi, c’est bien cette dernière qui mérite
une attention toute particulière afin de savoir quels canaux de communication
employer.

Puis, vient la question du message qui se compose d’un contenu et d’un ton. Dans
ce cas, la communication se concentre autour de l’œnogastronomie, de l’élaboration
d’un champagne de terroir, racé, délicat et d’une viticulture empreinte de durabilité et
d’écologie : l’Esprit Nature. L’atmosphère se veut résolument éco-responsable,
épurée, authentique, compréhensible et gourmande en vue de refléter l’image prêtée
au champagne DELONG Marlène. Cela est aussi visible à travers une charte
graphique spécifique et une palette de couleurs employées le plus souvent : du
blanc, du vert et du gris.

B. …qui a été repensée par la suite

Un autre pilier de cette stratégie concerne les moyens mis en œuvre pour diffuser ce
message. En reprenant le flambeau, Marlène DELONG a dû concevoir toute
l’appareil de communication de son exploitation. Elle collabore notamment avec une
agence de marketing et de conseil située à Epernay, Cochet Concept, qui lui a fourni
des outils de communication nécessaire à la mise en place de son propre plan média
multicanal : assistance, conseil, site Internet, graphisme, conception des habillages
ou encore développement de la marque. Afin de présenter au mieux ses cuvées,
Marlène DELONG a conçu des plaquettes et fiches de produits en accord avec les
caractéristiques du message véhiculé. Un site Internet alimenté chaque semaine par
Marlène DELONG elle-même a également été mis en place ainsi qu’une page
officielle sur deux plateformes de réseaux sociaux à savoir Facebook et Instagram.
Ces dernières sont privilégiées par les membres des générations X et Y, d’où leur
importance et offrent un espace de dialogue directe, sans aucun intermédiaire avec
ses abonnés. La communication numérique s’opère aussi par le biais de campagnes
chroniques de publipostage et d’offres à l’occasion de fêtes comme Noël. Plus
traditionnellement, Marlène DELONG a aussi bénéficié d’une relation presse et
publique profitable qui lui a offert une certaine visibilité dans des revues spécialisées
comme la Revue des vins de France et des journaux régionaux tels que l’Union.

51
Enfin, la participation à des évènements et salons aussi bien professionnels que
publiques ou tout autant internationaux que locaux permet de toucher une audience
et un ensemble de prospects large, donc une possibilité de résonnance élevée. Par
exemple, la deuxième édition du Salon des Vignerons Indépendants Européens
organisée cette année à Londres a permis de rencontrer des professionnels de
l’industrie du vin. En revanche, La Bulle, évènement mis en place à Sézanne en
2019, a offert la possibilité aux habitants de la région de faire la connaissance de
vignerons locaux, dont Marlène DELONG. L’œnotourisme est aussi en voie de
développement dans la Côte de Sézanne car des visites des exploitations ainsi que
des rencontres et activités ponctuelles sont organisées tout au long de l’année entre
viticulteurs et intéressés. Notons également qu’une partie du budget dont dispose la
maison de Champagne DELONG Marlène se voit allouée à des agences de
communication spécialisées en vue d’effectuer des opérations ponctuelles via des
campagnes d’appels téléphoniques et de publipostage.

En résumé, l’outil de communication de cette exploitation comporte de bons


mécanismes et des idées ingénieuses et bien définies. Le cœur de cible se déplace
peu à peu du profil classique de consommateur de champagne vers celui de la
génération Y qui possède ses propres préoccupations. C’est pourquoi, l’approche, le
fond et la forme du message ainsi que les moyens de communication mis en place
ont été adaptés en conséquence. Le statut de récoltant-manipulant agit comme un
véritable catalyseur en regroupant les notions d’éthique, d’éco-responsabilité, de
qualité, d’indépendance et d’authenticité à laquelle sont sensibles les
consommateurs actuels.

Cependant, du fait de la relative jeunesse de cet outil de communication et des


évolutions du marché du champagne, il conviendrait de continuer à développer cette
stratégie toujours autour du statut de récoltant-manipulant malgré sa transformation
en cours. Cela constitue l’objet de la troisième et dernière partie de ce mémoire.

52
Troisième partie
Le statut de récoltant-manipulant : le faire-
valoir d’une communication à développer

53
Cette dernière partie entend proposer des axes de travail pour l’avenir afin
d’améliorer la mise en valeur du statut de récoltant manipulant en tant qu’outil de
communication du vigneron. Tout d’abord, une idée judicieuse serait de privilégier les
unions avec d’autres acteurs de même nature afin de palier un manque de visibilité
certain. Ensuite, diversifier sa stratégie de communication multicanale en prenant en
valorisant les principes de la responsabilité sociétale de l’entreprise pourrait être une
piste utile. Enfin, promouvoir le statut de récoltant-manipulant en tenant en compte
de ses évolutions et en informant le consommateur représente une solution à ce
problème de notoriété.

I. S’unir pour cultiver sa différence

Le nombre total de récoltant-manipulant en Champagne avoisine les 5 000


personnes en 2019. Toutefois, ce nombre tend à décroître en raison de
l’augmentation du morcellement progressif des parcelles viticoles, du prix du foncier
et celui du kilogramme de raisin qui incite les viticulteurs à vendre leur récolte plutôt
qu’à la travailler en cuverie et à la commercialiser.

A. Une nécessité de se rapprocher entre professionnels et de considérer le


consommateur comme un allié potentiel

Une première démarche viserait à faire connaissance entre vignerons récoltants-


manipulants afin de mettre en valeur leur vignoble et savoir-faire. Ce genre de
démarche a été adopté par l’office de tourisme de Sézanne en mettant en place
l’évènement : La Bulle. Il s’agit d’une dégustation de champagne organisée le matin
par ce syndicat d’initiative qui convie à la fois intéressés et vignerons. Ce type de
manifestation permet de vulgariser l’approche du champagne à qui une image élitiste
est souvent associée. L’après-midi est consacré à la visite du domaine en question
afin d’illustrer les propos du viticulteur présent lors de la découverte de son
champagne par les curieux.

Ce souci d’accessibilité à l’univers du champagne et de fidélisation est d’autant plus


grand qu’il devenu crucial de connaître sa clientèle en vue de consolider son réseau
de communication dans un premier temps et de l’accroître dans un second temps.
Cela passe notamment par des campagnes de communication conçues
spécialement selon le type de partenaire et la mise en place d’enquêtes de
satisfaction menées auprès de ces personnes. Cette approche qui rappelle la

54
démarche de gestion ascendante en entreprise permet de consulter l’opinion et
l’ensemble des idées émises depuis les bénéficiaires de service vers l’entreprise.
Appliquer ce genre de mécanisme offrirait un moyen d’améliorer l’outil de
communication grâce au retour du public ciblé.

La promotion du savoir-faire des vignerons récoltants-manipulants joue également


un rôle majeur dans le processus de communication. Pour ce faire, collaborer avec
des agences de marketing et d’audit peut se révéler judicieux afin de lancer des
opérations « coup de poing » en prévision de manifestations à venir.

En outre, investir le client d’une mission revêt une grande importance. En effet, selon
les tendances actuelles, le consommateur désire devenir acteur de sa
consommation. C’est pourquoi, lui inculquer les rudiments de l’élaboration du
champagne et lui proposer des activités en compagnie du vigneron peuvent se
révéler être des initiatives très gratifiantes pour lui. De plus, organiser des concours
dans le cadre de randonnées sur des parcours comme le circuit Entre vignes et
vergers permet au participant d’agir ensuite en véritable ambassadeur de son terroir.

B. Populariser son terroir ensemble pour accroître sa zone d’influence

De plus, se réunir en comité afin de former des groupes de pression devient de plus
en plus nécessaire. Etant donné l’évolution du statut de récoltant-manipulant vers
celui de simple récoltant-expéditeur, appellation fourre-tout, il est urgent de faire
entendre la voix des récoltants-manipulants auprès du Syndicat général des
vignerons de Champagne et plus précisément ceux de la Côte de Sézanne en raison
de leur faible effectif. L’enjeu est de taille car la perte de ce statut associé à celui de
Vigneron Indépendant de France signifie l’amputation d’un outil de mise en valeur du
fruit du savoir-faire artisanal du vigneron champenois récoltant-manipulant.

Enfin, valoriser directement le terroir de la Côté de Sézanne constitue aussi une


solution à ce problème de visibilité. Ce vignoble étant administrativement attaché à la
Côte des Blancs, il souffre cependant d’un manque de reconnaissance. Pourtant,
chaque secteur possède une identité propre et un terroir unique. Dans ce cas de
figure, la fondation de l’association Secraie – Vignerons du Sézannais a engendré un
véritable effet de loupe.

55
Fédérés autour de critères spécifiques partagés par chacun, ces vignerons
indépendants, récoltants-manipulants mettent à l’honneur les caractéristiques de la
Côté de Sézanne en se répartissant du nord jusqu’au sud de ce secteur. Ainsi, en
septembre prochain, se tiendra une dégustation accompagnée d’animations dans un
établissement parisien afin de communiquer avec les professionnels du monde du
vin. Cette manifestation met en relief l’importance du présentiel et de la rencontre
entre le public et le vigneron, devenu à la fois artisan et ambassadeur de son terroir.
En effet, cela répond au besoin d’authenticité et de proximité de l’auditoire actuel.

S’unir pour cultiver sa différence et accroître ainsi sa notoriété représente un axe


possible de travail à effectuer en complément d’un développement d’une stratégie
multicanale de communication tout en tenant compte des évolutions du statut de
récoltant-manipulant.

II. Diversifier et adapter sa stratégie de communication

A. Adopter ses outils et ses messages aux attentes des consommateurs et du


marché

S’unir avec d’autres vignerons récoltants-manipulants de la Côte de Sézanne


constitue une première étape vers un gain de notoriété d’ensemble. En vue de
mettre en valeur le statut de récoltant-manipulant comme élément efficace de
communication, il est impératif de diversifier ses outils stratégiques. Cela passe en
premier lieu par la mise en place de campagnes de communication adaptées aux
supports utilisés comme les réseaux sociaux. A titre d’exemple, publier une vidéo de
dégustation d’une cuvée du champagne DELONG Marlène par Andréas Larsson,
célèbre sommelier de renommée internationale, s’est révélé très judicieux puisque
l’exploitation a pu bénéficier de l’aura du professionnel Suédois tout en valorisant son
produit. Ainsi, établir des partenariats avec des personnalités d’influence ou
influenceurs peut servir de tremplin.

Autre piste : le développement des supports publicitaires et produits dérivés. Adapter


son outil de communication passe aussi par l’élaboration et la rénovation de
plaquettes explicatives et de fiches de produit en accord avec le corps et l’esprit de
l’exploitation viticole. Par exemple, préalablement à un salon viticole et
gastronomique organisé à Chalon-sur-Saône, un nouveau type de document plus

56
synthétique et imagé (cf. annexe 4) que la plaquette classique (cf. annexe 5) a été
conçu afin de satisfaire les besoins du public. Cette initiative s’est inscrite dans une
démarche de rénovation du support publicitaire et commercial papier de cette
exploitation : mise à jour d’informations et de la charte graphique à venir, ajout de
nouveaux produits ou encore nouvelles certifications obtenues. Soucieux d’apporter
ma pierre à l’édifice, l’une de mes suggestions a aussi porté sur l’élaboration d’un
produit dérivé. Et ce fut chose faite avec l’emblème de cette exploitation : un papillon
aux couleurs du domaine. Les fichiers d’impression en trois dimensions de cet objet
ont été conçus et celui-ci est en passe de voir le voir le jour. D’un point de vue
marketing et communicatif, cet emblème permettra une identification immédiate du
Champagne DELONG Marlène à travers l’ensemble des médias dans lesquels il
paraîtra. Derrière le papillon se cache l’histoire de cette exploitation et en cela, ce
petit insecte ailé offrira une diversification de l’outil de communication en appliquant
le principe de transmédialité développé par Henry JENKINS, universitaire américain.

B. Une implantation dans le tissu économique et social local au service de la


communication

Enfin, se forger une identité et la diffuser suppose aussi de s’ancrer dans le tissu
économique local. C’est bien la trajectoire qu’a emprunté Marlène DELONG en
opérant en tant que récoltant-manipulant. Collaborer avec des acteurs champenois
locaux comme la Tonnellerie de Champagne pour s’approvisionner en fût de chêne
de la région en est un exemple. Cette démarche s’inscrit dans une véritable politique
de responsabilité sociale de l’entreprise ou R. S. E. dans la mesure où cette
exploitation respecte autant que faire se peut chaque aspect de cette approche. Par
exemple, en plus d’avoir minimisé son impact sur son environnement, cette
exploitation vise l’obtention de la certification biologique d’ici l’an prochain. Autre
exemple, l’achat d’un pan de forêt peuplé de chênes dans la Côte de Sézanne
permettra à ce domaine de fournir directement à la Tonnellerie de Champagne la
matière première nécessaire afin d’élaborer ses futurs tonneaux et de valoriser le
tissu local aussi bien sur le plan économique qu’écologique en tant qu’acteur local
incontournable.

En définitive, plusieurs pistes de réflexion existent. Il est possible d’agir tout d’abord
sur son environnement afin de s’inscrire dans une démarche globale de mise en
valeur de l’outil de communication en la construisant autour du statut de récoltant-
manipulant. Puis, il est possible de diversifier ses propres outils en transmettant à

57
son public les valeurs qui animent cette exploitation et les actions qui y sont menées.
Enfin, faire du consommateur un acteur plutôt qu’un spectateur se révèle possible
grâce au statut de récoltant-manipulant qui agit directement sur le terrain, au contact
du terroir et ses habitants. Tout cela représente un coût qui, en fonction des
paramètres pris en compte, peut varier entre 3 000 et 7 000€ par an au regard des
opérations menées au préalable et des fonds qui ont déjà été investis.

58
Conclusion

59
En conclusion, je souhaiterais reprendre la suggestion de Pierre VERNIMMEN,
auteur d’ouvrages qui traitent des sujets relatifs à la finance en entreprise. Selon lui :
« le seul savoir-faire ne suffit plus, s’il n’est pas accompagné d’un faire-savoir ».
C’est l’essence même des préconisations à proposer aux récoltants-manipulants afin
d’utiliser leur statut comme un faire-valoir de leur produit fini : le champagne.

En vue de d’améliorer son outil de communication, il convient d’adopter une culture


d’entreprise facilitant la mobilisation de sa clientèle en prenant en compte son
opinion et en proposant des campagnes d’information autour de thèmes qui lui sont
chers. La responsabilité du client vis-à-vis de son type de consommation permet
également d’adapter son outil de communication en fonction des tendances
identifiées. Privilégier une vision ascendante de la gestion d’entreprise dans ses
rapports avec les employés et ses partenaires offre aussi un moyen d’obtenir des
regards extérieurs et objectifs en vue de moderniser son appareil de communication.
En outre, il est question de mettre l’accent sur la diversification de la stratégie de
communication en proposant des supports adaptés au message véhiculé. De plus, il
convient d’étendre son réseau d’information multicanal et d’organiser des
évènements axés sur le statut de récoltant-manipulant.

Enfin, le récoltant-manipulant champenois, en raison de son histoire singulière, des


caractéristiques du marché actuel et des spécificités de la demande du
consommateur, a tout intérêt à investir dans son outil de communication et à
l’organiser autour de son statut qui jouerait le rôle de porte-étendard d’un nouveau
mode de consommation du champagne et qui serait vecteur de nouvelles valeurs
attribuées au à cet effervescent, tout cela en adéquation avec les aspirations
actuelles de la clientèle.

A titre personnel, ce travail m’a permis de conjuguer mon attrait pour le monde du
champagne et ma volonté de découvrir des méthodes de communication, de
marketing et de vente propres à ce milieu. Trouver un angle d’attaque pour ce
mémoire s’est révélé compliqué car peu de sources et de documentations existent à
au sujet des récoltants-manipulants malgré leur rôle de pierre angulaire au sein du
paysage champenois viticole.

60
Partagé entre l’idée d’étudier de près ce statut par rapport à l’ensemble du marché
du champagne et celle d’analyser les moyens pour ce genre de vigneron de cultiver
sa différence, je me suis finalement aperçu que les deux sujets se croisaient en un
même point d’intersection : la communication.

L’examen de ce dénominateur commun est donc devenu le cœur de ce mémoire.


Cette exploration du domaine de la communication m’a offert la possibilité de voir
concrètement en quoi consistait ce puissant et incontournable outil d’information pour
les entreprises. Elle m’a fait prendre conscience de la nécessité de creuser en
profondeur les problématiques liées à ce domaine à l’aide de théories vues en cours
ou apprises à l’occasion de cette expérience.

Avec mes sentiments les plus sincères, j’invite les lecteurs de ce mémoire à
poursuivre leur recherche en se documentant plus amplement au sujet des
récoltants-manipulants champenois à qui j’accorde mon plus grand respect.

61
BIBLIOGRAPHIE

62
Ouvrages imprimés
La Champagne viticole, Les récoltants-manipulants, avril 1954.

La Champagne viticole, Environnement Les Signaux au vert, mars 2019.

Claude DEMEURE, Vente-Action commerciale, édition 1990.

Philip KOTLER, Bernard DUBOIS, Delphine MANCEAU, Marketing Management, édition


2003.

Robert ESCARPIT, Théorie Générale de l’information et de la communication, édition 1978.

Syndicat général des vignerons de Champagne, Boîte « Communication RM », Recherche


d’une stratégie de communication pour la commission des RM du SGV, rapport de synthèse
KW Région, Etude, janvier 1992.

Union des Maisons de Champagne, BB 1, USCV, Rapport d’assemblée générale sur


l’activité de l’Union en 1957, février 1958.

Archives départementales de la Marne, 204 M 616, « Enquête relative à la hausse des prix
du champagne et étude des principes de la réglementation en vigueur ». Service général de
contrôle économique, Brigades régionales de Châlons-sur-Marne, 21 septembre 1944.

Villa Bissinger, Entretien de Raymond LAURENT avec Rachel PAYAN, 15 août 2005.

Extrait d’un journal qui figure dans les annexes du mémoire de Guy GIMMONET, Les
récoltants-manipulants, seuls opérateurs hors-contrat de la filière vitivinicole champenoise :
un défi pour l’avenir ? Une menace de déséquilibre interprofessionnel ? Mémoire de fin
d’étude dirigé par le CIVC et l’INRA, Ecole supérieure d’agriculture d’Angers, 1985, Annexes
7 à 16.

Documentation fournie par la maison de Champagne DELONG Marlène.

Documentation électronique

Aurélie RINGEVAL-DELUZE, Le modèle économique des vignerons champenois : essai de


typologie basée sur le degré d’intégration verticale, Université de Reims Champagne-
Ardenne.

Syndicat général des vignerons de Champagne, Les récoltants-manipulants, 2018.

Comité interprofessionnel des vins de Champagne, Champagne, du terroir du vin, 2010.

Comité interprofessionnel des vins de Champagne, La filière Champagne, un acteur


économique majeur, 2017.

Comité interprofessionnel des vins de Champagne, Les expéditions de vins de Champagne


en 2015, 2016, 2017 et 2018.

Arnaud DESCOTES, Dominique MONCOMBLE, Champagne, environnement et


développement durable, 30 ans d’histoire, in Le vigneron champenois, novembre 2013.

63
Yves TESSON, Histoire des récoltants-manipulants : du « champagne du beau-frère » au
« champagne des bobos » in La Champagne viticole, novembre 2017.

https://maisons-champagne.com/fr/encyclopedies/histoire-du-champagne/deuxieme-partie-
connaissance-du-champagne/chapitre-6-l-appellation-d-origine-controlee/article/la-definition-et-la-
legislation-de-l-appellation

https://maisons-champagne.com/fr/encyclopedies/histoire-du-champagne/deuxieme-partie-
connaissance-du-champagne/chapitre-7-les-professions-du-champagne-et-l/article/les-vignerons

https://maisons-champagne.com/fr/encyclopedies/histoire-du-champagne/premiere-partie-
histoire-du-champagne/chapitre-5-le-xxe-siecle/article/le-temps-de-l-epanouissement

64
ANNEXE 1

Premier emplacement aménagé par le Syndicat général des vignerons de Champagne et réservé aux
récoltants-manipulants à l’occasion du concours général agricole de Paris en 1932
« Collection de l’Union des Maisons de Champagne, droits réservés »

ANNEXE 2

Cartes montrant l’évolution de l’enherbement dans le vignoble champenois entre 2003 et 2018, issues
de La Champagne viticole, « Environnement les signaux au vert », n°854, mars 2019.

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ANNEXE 3

L’essentiel des chiffres concernant la viticulture durable et les certifications environnementales en


Champagne en 2018-2019

ANNEXE 4

Plaquette d’information synthétique conçu pour le salon du vin et de la gastronomie de Chalon-sur-


Saône

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