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L’essentiel
Corinne Renault-
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2015
Corinne Renault-Brahinsky
L’essentiel
Droit
du
des
Obligations
2015
11e édition
Cette collection de livres présente de manière synthétique,
rigoureuse et pratique l’ensemble des connaissances que l’étudiant
doit posséder sur le sujet traité. Elle couvre :
– le Droit et la Science Politique ;
– les Sciences économiques ;
– les Sciences de gestion ;
– les concours de la Fonction publique.
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1
L’acte juridique : le contrat
Chapitre 2 – Les différents actes juridiques 27
1 – L’acte juridique unilatéral 27
2 – Les actes juridiques collectifs 27
3 – Le contrat 28
■ La spécificité du contrat 28
■ Le fondement du contrat : l’autonomie de la volonté 28
a) Le contenu de la théorie de l’autonomie de la volonté 28
b) Le déclin de la théorie de l’autonomie de la volonté 29
Chapitre 7 – Le consensualisme 57
1 – Les formalités nécessaires à la validité du contrat 57
■ Les contrats solennels 57
a) L’exigence d’un acte authentique 57
b) L’exigence d’un simple écrit 58
c) La sanction de l’absence du formalisme 58
■ Les contrats réels 58
2 – Les formalités étrangères à la validité du contrat 58
Chapitre 8 – La nullité du contrat 61
1 – La notion de nullité 61
■ La distinction entre la nullité et les autres sanctions affectant le contrat 61
■ La distinction entre nullité relative et nullité absolue 62
a) Le principe de la distinction 62
b) Les conséquences de la distinction 62
2 – Les conditions de l’annulation 63
■ Le droit d’invoquer la nullité 63
a) Le droit d’invoquer la nullité relative 63
b) Le droit d’invoquer la nullité absolue 63
■ L’absence de consolidation de l’acte nul 63
a) La confirmation 64
b) La prescription 64
3 – Les effets de l’annulation 65
■ L’effet rétroactif de l’annulation 65
a) L’effet rétroactif de l’annulation entre les parties 65
b) L’effet rétroactif de l’annulation à l’égard des tiers 66
c) L’étendue de l’annulation 67
■ L’effet indirect de l’annulation : la responsabilité civile pour annulation 67
10 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
2
Le fait juridique : la responsabilité civile
et les quasi-contrats
Chapitre 12 – Le dommage et le lien de causalité 93
1 – Le dommage 93
■ La nature du dommage réparable 93
■ Les caractères du dommage réparable 94
a) L’atteinte à un intérêt légitime 94
b) Le caractère certain du dommage 94
c) Le caractère personnel du dommage 94
2 – Le lien de causalité 96
■ La définition de la causalité 96
■ La mise en œuvre de la causalité 96
a) Le principe 96
b) Les présomptions de causalité 96
c) L’exclusion de la causalité : la cause étrangère 97
3
Le régime des obligations
Chapitre 17 – Les modalités de l’obligation 131
1 – Les modalités du rapport d’obligation lui-même ou modalités stricto
sensu 131
■ La condition 132
a) La diversité des conditions 132
b) Le régime des conditions 132
■ Le terme 133
a) Les différentes sortes de termes 133
b) Les effets du terme 133
2 – Les modalités relatives aux sujets du rapport d’obligation :
la pluralité de sujets 134
■ L’obligation conjointe 134
■ La solidarité 134
a) L’existence de la solidarité 134
b) Les effets de la solidarité 135
c) La disparition de la solidarité 135
■ L’obligation in solidum 135
■ L’indivisibilité 136
■ Le devoir
Le débiteur a un devoir vis-à-vis du créancier : il doit exécuter la prestation à laquelle a droit le
créancier. Le créancier reçoit la prestation alors que le débiteur la fournit.
20 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
■ Le pouvoir de contrainte
Le créancier dispose d’un pouvoir de contrainte sur le débiteur. Aujourd’hui, la contrainte s’exerce
indirectement sur le débiteur, c’est-à-dire à travers ses biens, et selon des modalités qui dépen-
dent de la nature même de l’obligation.
La contrainte est nécessaire à l’existence d’une obligation civile. À défaut, l’obligation n’est pas
parfaite. L’obligation naturelle est une obligation dépourvue de sanction : le créancier ne possède
pas le pouvoir de contrainte. L’obligation naturelle relève d’un devoir de conscience envers le
créancier.
Les obligations en nature sont toutes les obligations non pécuniaires, c’est-à-dire les obligations
de faire, de ne pas faire et de donner autre chose que de la monnaie. Elles ne sont pas sensibles
aux variations de la monnaie. L’exécution forcée n’est possible que pour les obligations de donner.
La dette de valeur se situe entre l’obligation pécuniaire et l’obligation en nature : schématique-
ment, il s’agit de verser une somme d’argent dont le montant n’est pas fixé à l’avance. Cette
somme sera évaluée en fonction d’une « valeur » qui sera appréciée au jour de l’échéance.
Dans le Code civil, le contrat est prédominant par rapport aux autres sources d’obligations. Le
Code civil ne mentionne ni les actes unilatéraux, ni les actes collectifs.
b) La distinction des actes juridiques et des faits juridiques
Le fait juridique est un fait que la loi prend en considération pour y attacher un effet de droit. Il
peut s’agir de faits involontaires, qui se produisent indépendamment de la volonté de ceux qu’ils
concernent, ou volontaires, c’est-à-dire voulus par leur auteur. Ils peuvent être licites (gestion
d’affaires, paiement de l’indu...) ou illicites (faits générateurs de responsabilité).
L’acte juridique est une opération produite en vue d’obtenir une modification dans l’ordre juri-
dique. Il s’agit d’une opération à la base de laquelle se trouve la volonté du sujet de droit, qui
doit être exprimée et exempte de vices. Le sujet de droit doit également être capable. L’acte juri-
dique a pour conséquence d’engager la personne qui a exprimé sa volonté.
PARTIE 1
L’acte juridique : le contrat
3 Le contrat
■ La spécificité du contrat
Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’engagent envers une ou
plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose (art. 1101, C. civ.).
Le contrat est un acte juridique, c’est-à-dire une manifestation de volonté destinée à produire
des effets de droit. Il s’agit d’un acte juridique à la fois par sa finalité, puisqu’il s’agit d’un accord
entre deux ou plusieurs personnes, et par son but, dans la mesure où chaque partie recherche son
propre intérêt. Le contrat réalise la conciliation d’intérêts contradictoires.
Le contrat est une convention, c’est-à-dire un accord de volonté destiné à produire un effet de
droit quelconque. Le contrat est la convention qui crée un effet de droit particulier : il crée des
obligations.
La théorie de l’autonomie de la volonté part de l’idée que la volonté de l’homme est souve-
raine, autonome : seul un acte de volonté de la personne pourrait faire qu’elle soit engagée. On
ne saurait être engagé que si on l’a voulu et dans la mesure où on l’a voulu. Le contrat ne pourrait
être équitable que dans la mesure où il aurait été voulu : « Qui dit contractuel dit juste » (Fouillée,
disciple de Kant). La recherche par chacun de ses propres intérêts dans le contrat correspondrait à
l’intérêt général. Cette théorie est parfois liée à celle du contrat social.
L’autonomie de la volonté a pour effet de consacrer la primauté du contrat comme source
d’engagement dans la mesure où seul un acte de volonté libre pourrait justifier l’engagement.
La source principale des obligations ne pourrait résider que dans l’accord de volonté, c’est-à-dire
dans le contrat. Les autres sources d’engagement ne pourraient être qu’exceptionnelles.
L’autonomie de la volonté a des conséquences sur les règles techniques de l’engagement contrac-
tuel, notamment sur les règles de formation : la règle essentielle est celle de la liberté contrac-
tuelle qui concerne aussi bien le consentement au contrat (consensualisme) que le contenu de
celui-ci.
Du point de vue des effets du contrat, l’autonomie de la volonté a pour conséquence de donner
une importance particulière aux principes de la force obligatoire du contrat et de l’effet relatif du
contrat.
– le contrat aléatoire est celui dans lequel la prestation de l’une des parties est incertaine, soit
dans son principe, soit dans son montant (exemple : contrat de vente avec paiement du prix
sous forme de rente viagère).
En principe, le contrat aléatoire n’est pas rescindable pour lésion, mais la jurisprudence tend de
plus en plus à reconnaître le contraire, notamment dans les cas où il est possible de déterminer
une valeur « normale » dans un contrat aléatoire (exemple : rente viagère).
– les contrats réels : ils ne se forment que par la remise de la chose qu’ils ont pour objet (exem-
ples : contrat de dépôt, contrat de gage, contrat de prêt mais la jurisprudence a récemment
remis en cause le caractère réel du contrat de prêt consenti par un professionnel).
Les contrats consensuels se forment par le seul échange des consentements (exemple : la vente).
La distinction a un intérêt sur le plan des formalités : l’absence de formalités ou de remise de la
chose, lorsqu’elle est exigée, entraîne la nullité du contrat.
Les contrats collectifs sont passés par un groupement ; ils produisent leurs effets à l’égard des
membres du groupement qui eux, ne sont pas parties au contrat et parfois même à l’égard de
personnes non-membres du groupement (exemple : conventions collectives du travail).
1 L’offre
L’offre est une manifestation unilatérale de volonté dans laquelle une personne fait savoir son
intention de conclure un contrat dans des conditions déterminées, à une autre ou plusieurs
autres. Elle peut être susceptible d’acceptation pure et simple (offre de contrat) ou être un appel
aux pourparlers (offre de contracter).
■ L’offre de contracter
L’offre de négocier un contrat est une offre de contracter, c’est-à-dire une proposition d’entrer en
pourparlers afin de déterminer quel sera le contenu définitif du contrat : on se situe alors dans la
phase pré-contractuelle. L’offre de contracter est généralement faite à une personne déter-
minée, mais cet appel à discuter peut également être général et indifférent. La conclusion du
contrat peut être précédée de différentes phases.
Parfois, cette période est ponctuée d’accords entre les intéressés sans que la discussion ne soit
pour autant achevée. Il peut s’agir d’accords de principe, de lettres d’intentions, de contrats
temporaires, etc. Ces accords ont une force plus ou moins contraignante selon les cas.
b) Le pacte de préférence
Le pacte de préférence est l’acte par lequel une personne s’engage, si elle décide de contracter, à
proposer la conclusion du contrat à telle ou telle personne déterminée. Lorsque le promettant
contracte avec un tiers en méconnaissance de son engagement, le bénéficiaire peut demander la
nullité du contrat et obtenir la substitution de l’acquéreur, à condition de démontrer que le
tiers acquéreur connaissait l’existence du pacte au moment de conclure le contrat et l’intention
du bénéficiaire de s’en prévaloir.
rechercher si les parties ont ou non érigé certaines clauses, notamment celle de réitération par
acte authentique, en condition de formation du contrat de vente. Si tel est le cas, cette
volonté opère une dissociation entre la promesse consensuelle et le contrat définitif ainsi solen-
nisé : les parties sont alors tenues, jusqu’à l’accomplissement de la formalité, d’une obligation de
faire qui, en cas d’inexécution, se résout en dommages-intérêts ou rend la vente caduque.
Lorsque l’acte authentique ne constitue qu’une « modalité d’exécution du contrat de vente
ultérieurement et définitivement formé », le principe de l’assimilation s’appliquera : si l’une des
parties refuse de se prêter à l’établissement de l’acte, l’autre partie peut obtenir une décision
judiciaire remplaçant le titre qui fait défaut.
■ L’offre de contrat
L’offre de contrat est une offre qui n’est susceptible que d’acceptation pure et simple et qui ne
laisse par conséquent aucune place à la négociation. L’offre de contrat se manifeste aujourd’hui
principalement par des contrats de masse, voire des contrats d’adhésion. Elle peut désormais
être faite par voie électronique (art. 1369, al. 4, C. civ.). Il y a trois éléments spécifiques dans un
contrat d’adhésion : la supériorité économique de l’une des parties envers l’autre, la généralité de
permanence de l’offre (l’offre est faite au public en général pour toute une série de contrats
semblables) et le fait que le contenu du contrat est l’œuvre exclusive ou quasi exclusive de l’une
des parties.
L’offre doit être ferme : elle doit manifester l’intention de son auteur de s’engager, ce qui n’est
pas le cas lorsqu’elle est assortie de réserves. La seule acceptation doit suffire à former le contrat.
L’offre peut être destinée à une autre personne déterminée, à plusieurs personnes en particulier
ou au public.
L’offre peut être tacite ou expresse. Elle peut être faite avec ou sans délai.
L’offre ne doit pas être équivoque.
b) Le retrait de l’offre
Lorsque l’offre comporte un délai précis, la jurisprudence a décidé que l’offrant devait la main-
tenir pendant ce délai. Dans certaines hypothèses, la loi prévoit que le contrat est formé dès lors
que l’acceptation intervient dans le délai fixé, ceci même si l’offre a été retirée, par exemple
pendant un délai de 30 jours dans l’offre de prêt pour l’achat d’un immeuble (art. L. 312-10,
al. 1er, C. consom.).
Lorsque l’offre est retirée avant le délai prévu, ou à défaut avant l’écoulement d’un délai raison-
nable, quelle est la sanction ?
– traditionnellement, la jurisprudence considérait que le pollicitant engageait sa responsabilité
délictuelle ou quasi-délictuelle sur le fondement de l’article 1382 du Code civil ;
– dans un arrêt de 2008, la Cour de cassation a confirmé que « si une offre d’achat ou de vente
peut en principe être rétractée tant qu’elle n’a pas été acceptée, il en est autrement au cas où
celui de qui elle émane s’est engagé à ne pas la retirer avant une certaine époque ».
Lorsque l’offre ne comporte pas de délai, elle doit être maintenue pendant un délai raison-
nable pour être reçue et soumise à réflexion. Ce délai varie selon les circonstances : il est apprécié
par les juges du fond. Parfois, ce délai est d’origine légale, par exemple, pour l’offre de prêt pour
l’achat d’un immeuble (art. L. 312-10, al. 1er, C. consom.).
L’offre peut devenir caduque parce qu’elle comporte une limite de délai ou une limite de quan-
tité, ou en cas d’incapacité ou de décès de l’offrant. En dehors des hypothèses où la personnalité
de l’offrant est déterminante, le décès n’est pas un obstacle à l’acceptation (les héritiers conclu-
ront alors le contrat avec l’acceptant).
L’offre peut être en principe reprise par son auteur si elle ne tombe pas d’elle-même sauf dans
certains cas prévus par la loi (dans certaines hypothèses, le contrat est formé dès lors que l’accep-
tation intervient dans le délai fixé, ceci même si l’offre a été retirée) ou la jurisprudence (parfois, la
jurisprudence oblige le pollicitant à maintenir son offre notamment lorsqu’il fixe un délai précis ou
lorsqu’a été fixé « implicitement un délai raisonnable d’acceptation », sous peine de dommages-
intérêts).
40 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
c) Le choix du cocontractant
Lorsque l’offre est générale et indifférenciée, c’est-à-dire faite à tout venant, l’auteur de l’offre
peut choisir son cocontractant, mais les professionnels sur lesquels pèse le devoir légal de
contracter ont l’obligation d’accepter pour cocontractant, c’est-à-dire pour client, toute personne
qui remplit les conditions exigées implicitement par l’offre. En outre, l’exclusion d’un cocontrac-
tant ne doit pas avoir pour effet de contrevenir aux lois relatives à la discrimination. Ces règles
ne s’appliquent pas lorsque l’offre est faite à personne dénommée ou lorsque le contrat n’est
possible qu’en un seul exemplaire.
2 L’acceptation
L’acceptation est la manifestation de volonté du destinataire de l’offre de conclure le contrat aux
conditions proposées par l’offrant.
1 L’erreur
L’erreur est une appréciation inexacte de la réalité. Toute erreur n’est pas forcément cause
d’annulation du contrat.
■ La sanction de l’erreur
En principe, la sanction de l’erreur est la nullité relative.
Dans le cas particulier des « erreurs-obstacle » (voir supra), la doctrine classique prévoyait comme
sanction l’inexistence mais après quelques hésitations, la doctrine moderne ainsi que la jurispru-
dence s’en tiennent désormais à la nullité absolue en raison de l’absence totale de consentement.
La Cour de cassation ne retient pas le caractère inexcusable de l’erreur en cas d’« erreur-
obstacle » : l’erreur-obstacle chasse l’erreur inexcusable.
Le délai de prescription de l’action en nullité est de 5 ans. Il court à compter de la découverte du
vice. En principe, le contrat est totalement annulé, mais dans certaines hypothèses, les juges se
contentent d’annuler une seule clause du contrat ou de la modifier.
La victime de l’erreur peut également obtenir des dommages-intérêts lorsque l’erreur résulte
d’une faute du cocontractant.
46 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
2 Le dol
Le dol est une manœuvre de l’une des parties destinée à induire l’autre en erreur et ainsi à
l’amener à contracter (art. 1116, C. civ.).
b) La preuve du dol
Le dol doit être prouvé. S’agissant d’un fait juridique, la preuve du dol se fait par tout moyen. La
Cour de cassation contrôle la qualification des manœuvres dolosives.
3 La violence
La violence est traditionnellement définie comme une contrainte exercée sur la volonté d’une
personne pour l’amener à donner son consentement (art. 1112, C. civ.).
■ La sanction de la violence
La sanction de la violence est la nullité relative. Elle ne peut être demandée que par la victime
dans un délai de 5 ans à compter du moment où la violence a cessé. La nullité peut être partielle.
À celle-ci peut s’ajouter une condamnation à des dommages-intérêts.
L’objet et la cause CHAPITRE
Le Code civil impose pour la validité du contrat des conditions tenant au contenu
6
du contrat, c’est-à-dire à la cause et à l’objet de celui-ci.
1 L’objet
L’exigence de l’objet dans la formation du contrat est énoncée à l’article 1108 du Code civil. Les
articles 1126 et suivants du Code civil évoquent soit l’objet du contrat (art. 1126 à 1128, C. civ.),
soit l’objet de l’obligation (art. 1129 et 1130, C. civ.). En réalité, derrière ces expressions sont
visées indifféremment deux sortes d’objets :
– l’objet de l’obligation ou prestation objet de l’obligation : il s’agit de la prestation due par
le débiteur. Cette prestation peut être une obligation de faire, de ne pas faire ou de donner.
Ainsi, dans la vente d’immeuble, la prestation du vendeur consiste à transférer la propriété ;
– l’objet de la prestation ou chose objet de la prestation : il s’agit de la chose sur laquelle
s’effectue la prestation. Dans la vente d’immeuble, l’objet de la prestation est l’immeuble vendu.
Certains auteurs pensent qu’il existe en outre un objet du contrat qui serait l’opération juridique
globale souhaitée par les parties. Dans la vente d’immeuble, l’objet du contrat serait la vente. En
réalité, c’est l’obligation qui a un objet et non pas le contrat.
■ L’existence de l’objet
L’objet doit être réel et déterminé ou du moins déterminable.
50 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
a) La réalité de l’objet
1) La chose objet de la prestation
Le contrat qui porte sur une chose qui n’existe pas au moment de la conclusion du contrat est nul.
Cependant, une chose future peut être l’objet d’un contrat. Le contrat sera nul si, dès l’origine, il
existe une impossibilité de produire la chose.
2) La prestation objet de l’obligation
La prestation objet de l’obligation doit être possible. Dans le cas contraire, le contrat est nul. Si
l’impossibilité survient après la conclusion du contrat, elle est sanctionnée par la résolution (pour
inexécution). Pour entraîner la nullité, l’impossibilité doit être absolue : elle doit exister pour tous
et pas seulement pour le débiteur.
b) La détermination de l’objet
L’objet doit être déterminé ou tout du moins déterminable (art. 1129, C. civ.).
Une distinction doit être faite entre d’une part les corps certains, dont la détermination, c’est-à-
dire l’identification de l’objet, doit être suffisamment précise et d’autre part les choses de genre,
pour lesquelles il n’est pas nécessaire que l’objet soit déterminé, identifié avec précision. L’objet
doit être déterminable au moins quant à son espèce et à sa quantité (quotité). La qualité est
moyenne quand elle n’est pas précisée.
Si l’objet est déterminable mais pas déterminé, il est alors indispensable que les éléments qui
permettent de le déterminer soient suffisamment précis. Par exemple, la référence au prix local
du marché est insuffisante. Le prix a donné lieu à des difficultés particulières. Le problème s’est
posé notamment à propos des contrats de fourniture exclusive entre fabricants et détaillants, qui
sont ensuite complétés par des ventes (exemples : contrats de bière ou contrats entre pompistes
et sociétés pétrolières). L’Assemblée plénière de la Cour de cassation a mis fin aux hésitations juris-
prudentielles en décidant que lorsqu’une convention prévoit la conclusion de contrats ultérieurs,
l’indétermination du prix de ces contrats ultérieurs dans la convention-cadre initiale n’a pas pour
conséquences, sauf dispositions légales particulières, de remettre en cause la validité de celle-ci
(Ass. plén., 1er décembre 1995). Elle décide que l’abus dans la fixation du prix ne donnera lieu
qu’à résiliation avec indemnisation. Ces arrêts permettent de conclure à l’inapplicabilité de
l’article 1129 du Code civil à la détermination du prix. Des législations particulières prévoient
parfois des exceptions à l’absence de nullité pour indétermination du prix. L’article 1591 reste
applicable à la vente dans laquelle le prix doit être déterminé.
CHAPITRE 6 – L’objet et la cause 51
a) Le domaine de la lésion
Le Code civil a conçu la lésion de manière très restrictive. Le principe reste que la lésion ne vicie
pas les conventions. La lésion n’est sanctionnée que dans certains cas. La loi a ensuite étendu les
hypothèses de lésion.
1) Dans certains contrats
– le partage, en cas de lésion de plus d’un quart au détriment de l’un des héritiers (art. 889,
al. 1er, C. civ. : depuis 2006, cette lésion donne lieu à une action en complément de part) ;
– la vente d’immeubles en cas de lésion de plus des 7/12e au détriment du vendeur (art. 1674 et
1675, C. civ.) ;
– la vente d’engrais et de semences, quand il y a lésion de plus du quart au détriment de
l’acheteur (loi du 8 juillet 1907 modifiée par les lois du 10 mars 1937 et du 13 juillet 1979) ;
– le contrat d’assistance maritime lorsque les conditions du contrat sont inéquitables (art.
L. 5132-6 et s., C. transp.) ;
– le contrat de cession du droit d’exploitation d’une œuvre littéraire ou artistique : lorsque
l’auteur cède ses droits, est retenue la lésion de plus de 7/12e au préjudice de l’auteur (art.
L. 131-5, C. propr. intell.) ;
– le prêt à intérêts, si le taux d’intérêt dépasse un taux moyen au-delà duquel il y a usure (art.
L. 313-4, C. consom.).
2) À l’égard de certaines personnes
La lésion n’est prise en compte que pour les mineurs non émancipés « contre toutes sortes de
conventions ». Dans ces hypothèses, la véritable cause de nullité est l’incapacité.
La loi a également étendu la lésion à d’autres personnes : elle peut désormais être prise en compte
pour les majeurs sous sauvegarde de justice (art. 435, C. civ.) et les majeurs en curatelle ou en
tutelle (art. 465, C. civ.).
52 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
b) La sanction de la lésion
1) Les conditions
Lorsqu’elle est admise par les textes, la lésion est sanctionnée indépendamment de tout vice du
consentement sauf lorsqu’elle s’explique par l’intention libérale.
La lésion s’apprécie au moment de la formation du contrat. Elle n’est en principe pas retenue dans
les contrats aléatoires car l’existence d’un aléa empêche d’apprécier la lésion.
La lésion s’apprécie au moment de la formation du contrat.
2) Les modalités de la sanction
En principe, la sanction de la lésion est la rescision (forme de nullité relative qui comporte
certaines particularités, notamment quant à la durée du délai de prescription qui n’est que de
deux années). Dans certains cas, la sanction de la lésion est la révision des conditions pécuniaires
du contrat.
Dans la plupart des cas, c’est la loi qui fixe le montant à partir duquel la lésion est prise en
compte. Plus exceptionnellement, la loi laisse le droit aux tribunaux d’apprécier ce montant.
■ La licéité de l’objet
a) Le principe général de licéité de l’objet
L’objet doit être licite, il doit être dans le commerce (art. 1128, C. civ.). Par exemple, serait illicite
une prestation consistant à commettre un délit, de même qu’une convention portant sur le corps
humain.
La cession des clientèles commerciales est admise de longue date. En revanche, la jurisprudence
a longtemps considéré que la cession des clientèles civiles des professions libérales (médecins,
avocats...) était illicite car hors commerce. Finalement, la Cour de cassation a posé le principe de
la licéité de la cession des clientèles civiles tout en la subordonnant au respect de la liberté pour
le client de choisir son médecin ou son avocat par exemple.
2 La cause
■ La notion de cause
Il existe deux conceptions de la cause :
– la conception objective : la cause est toujours la même pour un même type de contrat. Ainsi,
dans les contrats synallagmatiques, la cause réside dans l’espoir pour chacune des parties
d’obtenir la contre-prestation promise par l’autre partie. Dans les contrats unilatéraux réels, la
cause est la remise matérielle de la chose lors de la formation du contrat. Dans les contrats à
titre gratuit, la cause réside dans l’intention libérale ;
– la conception subjective : la cause serait le motif impulsif et déterminant qui a poussé chacune
des parties à contracter. La jurisprudence a longtemps considéré que le motif devait être connu
de l’autre partie, au moins dans les contrats à titre onéreux, mais cette exigence a finalement
été abandonnée (Civ. 1re, 7 octobre 1998).
La Cour de cassation a consacré cette théorie dualiste de la cause.
Ces deux conceptions sont utilisées différemment : la conception classique (objective) est utilisée
pour juger de l’existence de la cause tandis que la conception moderne (subjective) s’applique à
l’illicéité ou à l’immoralité de la cause.
54 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
b) La preuve de la cause
Lorsque la cause n’est pas exprimée dans un contrat, elle est censée exister : celle des deux parties
qui prétend qu’elle n’existe pas devra le démontrer. Cette preuve se fait par tout moyen. La
cause s’apprécie au jour de la formation du contrat.
peuvent parfois être exigés. Depuis la loi du 13 mars 2000, l’article 1316 du Code civil consacre
la possibilité de recourir à un support électronique pour prouver le contrat ;
– de formalités de publicité : la loi exige parfois que le contrat, une fois formé, soit publié. Si ces
formalités n’ont pas été respectées, l’opération juridique demeure valable, mais est inopposable
aux tiers ;
– d’autres formalités : des formalités de natures diverses peuvent être exigées : formalités d’habi-
litation, notamment en matière d’incapacité, formalités d’ordre fiscal, formalités
d’enregistrement...
La nullité du contrat CHAPITRE
Un contrat qui ne présente pas les conditions imposées par la loi pour sa validité
8
est un contrat irrégulier. La nullité est la sanction encourue lorsque les conditions
de formation du contrat n’ont pas été respectées.
1 La notion de nullité
■ La distinction entre la nullité et les autres sanctions affectant
le contrat
La nullité présente deux caractéristiques :
– d’une part, du point de vue de ses causes, la nullité sanctionne toujours l’irrespect de l’une des
conditions de formation du contrat ;
– d’autre part, du point de vue de ses effets, la nullité entraîne la disparition rétroactive des effets
du contrat irrégulier ; tout se passe comme si le contrat n’avait jamais existé.
La nullité se distingue par conséquent d’autres sanctions :
– la résolution, en particulier la résolution judiciaire (art. 1184, C. civ.), est une sanction propre à
l’inexécution d’un contrat synallagmatique. La résolution se distingue de la nullité dans ses
conditions (la résolution a pour condition l’inexécution du contrat alors que la nullité trouve
son origine dans l’irrespect de l’une des conditions de formation du contrat), mais pas dans ses
effets puisque nullité et résolution anéantissent toutes deux rétroactivement le contrat sauf dans
les contrats à exécution successive où la résolution se transforme en résiliation ;
– l’inopposabilité : les sanctions de la nullité et de l’inopposabilité se rapprochent du point de
vue de leurs causes et se distinguent du point de vue de leurs effets. L’inopposabilité est une
sanction qui se rapporte à une irrégularité qui ne touche pas à l’exécution du contrat. En cas
62 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
d’inopposabilité, le contrat ne disparaît pas à l’égard de tous : l’acte est maintenu entre les
parties, mais les tiers sont autorisés à le méconnaître ;
– la caducité : nullité et caducité sanctionnent toutes les deux le défaut d’une condition essen-
tielle de la formation du contrat. Il y a caducité quand cet élément, c’est-à-dire la cause de
nullité du contrat, apparaît après la formation du contrat. Le contrat disparaît à l’égard de tous,
mais seulement pour l’avenir (alors que la nullité est rétroactive).
a) Le principe de la distinction
1) Dans la conception classique
La nullité est relative lorsque l’irrégularité n’est pas grave, telle qu’un vice du
consentement. Lorsqu’un élément essentiel de l’acte juridique fait défaut, la nullité est alors
absolue. Une troisième sanction était parfois avancée, notamment dans des cas où la loi ne
prévoyait pas expressément la nullité : l’inexistence, conçue pour les vices les plus graves tel que
le défaut d’objet (« erreur-obstacle »).
2) Dans la conception moderne
La nullité est relative si la règle non respectée vise à la protection des intérêts particuliers de
l’une ou l’autre des parties. En cas de non-respect de règles visant la protection de l’intérêt
général, la nullité est absolue (objet ou cause illicite ou immorale, violation d’une règle de
l’ordre public de direction, violation d’une règle de forme de caractère solennel).
a) La confirmation
Dans la conception classique, la confirmation s’analyse comme une adjonction à l’acte de l’élé-
ment qui lui manquait au départ. Dans une conception moderne, il s’agit d’un acte juridique
postérieur à la formation du contrat nul à la suite duquel ce contrat est considéré comme valable
depuis l’origine. Aujourd’hui, la confirmation est considérée comme une renonciation au droit
d’invoquer la nullité.
1) Les conditions de la confirmation
Il y en a deux :
– conditions de fond : la nullité de l’acte à confirmer doit être relative. Celui qui confirme doit
avoir connaissance du vice dont le contrat est entaché. En cas de vice du consentement ou
d’incapacité, la cause de nullité doit avoir disparu ;
– conditions de forme : aucun formalisme n’est exigé, mais l’acte de confirmation doit
comporter les éléments prouvant l’intention de confirmer, c’est-à-dire la substance de l’acte du
contrat à confirmer, la mention de la cause de nullité et la mention de l’intention de réparer le
vice. La confirmation peut être tacite : elle découle alors de tout acte ou attitude impliquant la
volonté de confirmer.
2) Les effets de la confirmation
La confirmation a trois types d’effet :
– effet général : la confirmation emporte disparition du droit d’invoquer la nullité ;
– effets vis-à-vis des parties au contrat : la confirmation a un effet relatif. Elle n’engage que
son auteur. Si une autre personne a le droit d’invoquer la nullité, elle conserve ce droit. La
confirmation a un effet rétroactif ;
– effets vis-à-vis des tiers : la confirmation ne peut pas porter préjudice aux tiers. La confirma-
tion est inopposable aux ayants cause à titre particulier de l’auteur de la confirmation qui ont
acquis, entre l’acte nul et la confirmation, un droit auquel la confirmation porte atteinte.
b) La prescription
La prescription ne s’applique qu’à la voie de l’action en nullité ; la voie de l’exception est impre-
scriptible. S’agissant d’un moyen de défense qui empêche l’exécution du contrat nul, la nullité,
CHAPITRE 8 – La nullité du contrat 65
lorsqu’elle est invoquée, ne remettra pas en cause une situation donnée : elle aboutit à un statu
quo :
– nullité absolue : l’action en nullité absolue se prescrit par un délai de 5 ans. Le point de départ
du délai est le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permet-
tant de l’exercer c’est-à-dire le jour de la formation du contrat (art. 2224, C. civ.) ;
– nullité relative : l’action en nullité relative se prescrit par un délai de 5 ans. Le point de départ
du délai de prescription est la plupart du temps le jour où l’acte a été passé, mais il existe des
dérogations. Pour la violence, le point de départ est le jour où elle a cessé (art. 1304, al. 2,
C. civ.), pour l’erreur et le dol, le jour où ils ont été découverts (art. 1304, al. 2, C. civ.), pour les
mineurs, le jour de la majorité ou de l’émancipation et pour les majeurs protégés, le jour où le
majeur a eu connaissance de l’acte tout en étant en état de le refaire valablement (art. 1304,
al. 3, C. civ.). Pour les héritiers du mineur ou du majeur protégé, le point de départ du délai de
prescription est le jour du décès (art. 1304, al. 3, C. civ. in fine)
Dans certains cas, ce délai de 5 ans peut être suspendu (art. 2233 à 2239, C. civ.) ou interrompu
(art. 2240 à 2246, C. civ.).
Lorsque la restitution a lieu en nature, elle doit porter non seulement sur la chose principale, mais
aussi sur ses accessoires. Toutefois, le débiteur de la restitution, peut conserver les fruits jusqu’au
jour de la demande en justice à condition qu’il soit de bonne foi.
La restitution en nature peut s’accompagner du versement d’indemnités soit par le créancier de
la restitution, soit par le débiteur de la restitution mais la jurisprudence refuse d’indemniser le
créancier pour le simple usage de la chose par le débiteur.
La restitution en nature est parfois difficile ou impossible, parce que la chose a été détruite,
revendue ou parce que son état s’est modifié depuis l’exécution du contrat. La restitution se fait
alors en valeur. La valeur prise en considération est celle au jour de la vente, compte tenu de
l’état où la chose se trouvait ce jour-là.
2) Les exceptions au principe de la restitution des prestations
Il existe deux hypothèses principales dans lesquelles la restitution est écartée :
– indignité du demandeur à la répétition : « Nemo auditur suam propriam turpitudinem
allegam » (Nul n’est entendu lorsqu’il invoque sa propre turpitude). Il est interdit de répéter (=
restituer) les prestations versées en vertu d’un contrat nul lorsqu’il y a turpitude, c’est-à-dire indi-
gnité de celui qui réclame la répétition : la règle est un obstacle à la répétition, mais pas un
obstacle à la nullité. Le domaine d’application de la règle est incertain ;
– limitation exceptionnelle de la répétition en faveur des mineurs ou majeurs protégés :
lorsque le débiteur de la répétition est un mineur ou un majeur protégé, la répétition est en
principe impossible à moins qu’il ne soit prouvé que ce qu’il a reçu a tourné à son profit.
c) L’étendue de l’annulation
Lorsque l’irrégularité d’un contrat affecte un élément essentiel de celui-ci, le contrat est nul en
entier. Lorsque l’irrégularité n’affecte que l’une des clauses particulières du contrat, l’étude du
Code civil révèle une contradiction entre les articles 1172 et 900. La jurisprudence a donc décidé
que l’irrégularité de la clause entraîne la nullité totale du contrat si, dans l’esprit des parties, elle
était essentielle, déterminante c’est-à-dire si sans elle, le contrat n’aurait pas été conclu. Si cette
clause est accessoire et se révèle nulle, le contrat est maintenu pour le reste.
1 L’irrévocabilité du contrat
■ Le principe de l’irrévocabilité unilatérale du contrat
Dès la formation du contrat, les parties sont liées par leur engagement : elles ne peuvent revenir
sur leur consentement par leur seule volonté.
mandat). Les contrats à durée indéterminée peuvent être résiliés unilatéralement par l’une ou
l’autre des parties. Au-delà de ces textes particuliers, il existe un principe général permettant à
chacune des parties de s’évader du contrat lorsqu’il est à durée indéterminée. Deux conditions
sont essentielles :
• d’une part, la faculté de résiliation unilatérale n’étant pas discrétionnaire et son exercice
susceptible d’abus, elle ne peut donc intervenir que s’il y a des motifs sérieux,
• d’autre part, la faculté de résiliation unilatérale suppose que le contractant soit averti un
certain temps à l’avance de cette rupture ;
– la faculté de rupture unilatérale d’origine jurisprudentielle : la Cour de cassation admet
peu à peu la faculté de rompre unilatéralement un contrat dans des circonstances spécifiques
et limitées : « la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre
partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important que le contrat soit
à durée déterminée ou non » (Civ. 1re, 20 février 2001).
2 La simulation
La simulation est le fait pour les parties de dissimuler leur volonté réelle derrière une volonté pure-
ment apparente (art. 1321, C. civ.).
■ La notion de simulation
a) Les éléments de la simulation
La simulation est un mensonge qui suppose une dissimulation voulue. Il se réalise au moyen de
deux actes : un acte apparent et un acte secret :
– l’acte apparent ou ostensible réalise le mensonge. Cet acte apparent ne doit pas révéler
l’existence de l’acte secret ;
– l’acte secret ou clandestin correspond à la volonté réelle des parties. Cet acte est appelé
la contre-lettre. Il peut être constaté par écrit, ce qui est rare en pratique et rend donc difficile
la preuve de son existence. Cet acte secret doit être concomitant à l’acte apparent.
■ Le régime de la simulation
La simulation n’est pas en elle-même une cause de nullité de l’opération (art. 1321, C. civ.).
Lorsque les parties ont agi dans un but louable, la technique de la simulation ne doit pas être
condamnée. Si elles ont agi dans un but de fraude, la simulation devra être prouvée et il
conviendra ensuite d’appliquer la convention secrète comme si elle avait été ostensible.
La preuve de la simulation étant difficile à apporter, le législateur a préféré, dans certains cas,
considérer que la simulation est en elle-même illicite.
a) La simulation licite
1) La simulation dans les rapports avec les parties
La contre-lettre produit des effets entre les parties, à condition que le contrat soit lui-même parfai-
tement régulier. Si l’accord secret est irrégulier, il sera nul pour irrégularité mais pas pour simula-
tion. La technique de la simulation est en elle-même neutre.
Pour s’appliquer entre les parties, l’accord secret doit être invoqué et prouvé : lorsque l’acte appa-
rent a été passé par écrit, l’acte secret doit être prouvé par écrit.
2) Les effets de la simulation à l’égard des tiers
En principe, la contre-lettre est inopposable aux tiers sauf s’ils connaissaient l’acte secret.
Par exceptions, peuvent se voir opposer la contre-lettre :
– les tiers de mauvaise foi lorsqu’ils connaissaient l’acte secret ;
– les ayants cause universels de l’une ou de l’autre des parties parce qu’ils remplacent les parties
sauf lorsqu’ils agissent pour défendre un droit qui leur est propre ; par exemple, les héritiers
réservataires qui agissent pour défendre leur réserve face à une donation déguisée.
72 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
Les tiers ont le droit de se prévaloir de l’acte secret et peuvent, lorsqu’ils y ont intérêt, exercer
une action en déclaration de simulation. Pour les tiers, la preuve de la simulation sera libre.
Un conflit peut exister entre les tiers, les uns se prévalant de l’acte apparent, les autres de l’acte
secret. Dans un tel cas, la jurisprudence fait prévaloir les intérêts de ceux des tiers qui invoquent
l’acte apparent.
b) La simulation illicite
La simulation est illicite dans les hypothèses où sans simulation, l’acte aurait été valable. Dans
certains cas, le législateur impose la nullité de la seule contre-lettre. Dans d’autres hypothèses, il
déclare nuls tant la contre-lettre que l’acte apparent.
Les effets du contrat
2 – Le contrat CHAPITRE
et les tiers
Les tiers peuvent être le juge, qui interprète ou révise le contrat, ou les tiers au
10
sens strict, qu’ils soient intéressés ou engagés par le contrat.
■ L’interprétation du contrat
L’interprétation consiste à préciser le sens et la portée du contrat ou de l’une de ses clauses en cas
d’ambiguïté.
Le droit positif est en réalité une combinaison des méthodes objectives et subjectives. Les juges du
fond sont souverains pour effectuer l’interprétation des contrats mais la Cour de cassation contrôle
la nécessité de l’interprétation du contrat, c’est-à-dire la dénaturation du contrat. Néanmoins, il
arrive qu’une convention claire devienne défectueuse : le juge peut alors, selon la jurisprudence,
modifier le contrat. Le juge dispose également d’un pouvoir modérateur, qui lui permet de
supprimer ou modifier des stipulations contractuelles excessives ou abusives.
Les articles 1156 à 1162 du Code civil donnent des indications en matière d’interprétation. Il s’agit
de conseils qui ne s’imposent pas au juge :
– il faut rechercher quelle a été la volonté des parties lorsque les clauses d’un contrat sont
équivoques ;
– lorsque des clauses peuvent être interprétées de deux manières différentes, il faut choisir l’inter-
prétation qui rend la clause valable et non celle qui la rend nulle ;
– lorsqu’une clause est susceptible de 2 sens, il faut privilégier l’interprétation qui convient le
mieux à la matière du contrat ;
– l’usage peut permettre de privilégier telle interprétation d’une clause ambiguë plutôt qu’une
autre ;
– le sens de l’acte dans son ensemble doit être la référence pour l’interprétation de clauses parti-
culières. On suppose que les parties ont voulu faire du contrat un tout cohérent, sans clauses
contradictoires ;
– en cas de doute sur la signification d’une clause, celle-ci doit être interprétée en faveur du
débiteur.
L’article 1156 du Code civil impose de rechercher quelle a été la volonté des parties.
a) L’imprévision contractuelle
Généralement, lorsque les circonstances qui accompagnent l’exécution du contrat ont changé par
rapport à celles qui existaient au moment de sa conclusion et qu’elles rendent plus difficiles l’exé-
cution du contrat par l’une des parties, la jurisprudence civile refuse de modifier le contrat, mais le
législateur l’a parfois autorisé, sans toutefois adopter de principe général autorisant la révision.
CHAPITRE 10 – Les effets du contrat 2 – Le contrat et les tiers 75
La théorie de l’imprévision veut que le juge modifie le contrat en tenant compte des circons-
tances : son application a été écartée dans un arrêt de principe de la Chambre civile de la Cour
de cassation du 6 mars 1876, Canal de Craponne. L’article 1134 du Code civil consacre une
règle générale qui s’applique à tous les contrats. Il est donc interdit au juge de modifier le
contrat pour tenir compte du temps et des circonstances. Au contraire, la jurisprudence adminis-
trative a consacré la théorie de l’imprévision. Néanmoins, un mouvement jurisprudentiel civil tend
à affirmer l’existence d’une obligation de renégocier le contrat lorsque celui-ci devient profondé-
ment déséquilibré, notamment en cas de « modification imprévue des circonstances économi-
ques » (Civ. 1re, 16 mars 2004) ou sur le fondement de l’obligation d’exécuter le contrat de
bonne foi (CA Nancy, 26 septembre 2007). Enfin, dans un arrêt du 29 juin 2010, la Cour de cassa-
tion semble remettre en cause la jurisprudence Canal de Craponne en admettant la caducité d’un
contrat sur le fondement de la disparition de la cause, lorsque l’évolution des circonstances
économiques conduit à déséquilibrer l’économie générale du contrat telle que voulue par les
parties lors de la signature de celui-ci.
Le législateur intervient parfois ponctuellement pour reconnaître au juge la possibilité d’intervenir
dans le contrat (loi Faillot, art. 900-2, C. civ. et art. L. 145-33 et s., C. com.)
b) La prévision contractuelle
Aujourd’hui, les contractants prévoient souvent des procédures spéciales permettant de modifier le
contrat pour l’adapter aux circonstances nouvelles.
Les parties peuvent insérer au contrat une clause d’indexation qui permet de faire varier le prix
de l’une des prestations en fonction d’un indice prédéterminé (art. L. 112-1 et s., C. mon. fin.).
Sont interdites les indexations fondées sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur un
indice général (prix ou salaires) ou sur les prix de biens et services qui n’ont pas de relation
directe avec l’objet du contrat ou l’activité de l’une des parties.
Cette réglementation générale est écartée dans certains cas de deux manières :
– d’une part, pour les paiements internationaux dans lesquels les clauses d’indexation ont toujours
été admises. Sont ainsi permises les « clauses-or » ou les « clauses-monnaies étrangères ». On
trouve fréquemment des clauses de « hardship » ou « clause de sauvegarde » ;
– d’autre part, il existe des hypothèses de liberté d’indexation notamment pour les rentes d’ali-
ments et rentes viagères constituées entre particuliers.
76 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
La stipulation pour autrui est admise dans deux hypothèses (art. 1121, C. civ.) : elle est soit la
condition d’une stipulation que l’on fait pour soi-même, soit la condition d’une donation
que l’on fait à un autre.
La jurisprudence a élargi très nettement ce domaine. Aujourd’hui, pour que la stipulation pour
autrui soit valable, il suffit qu’elle se greffe sur un contrat principal contenant un engagement
quelconque du stipulant envers le promettant, dès lors que le stipulant a un intérêt au moins
moral à la stipulation au profit d’un tiers. Les deux personnes doivent avoir eu l’intention de
conférer un droit à un tiers. La jurisprudence a admis la stipulation pour autrui tacite.
Le tiers devient créancier grâce à la stipulation pour autrui. La créance ne pouvant pas exister sans
un titulaire, deux types de stipulations pour autrui vont poser problème :
– stipulation pour autrui au profit d’une personne indéterminée : elle est valable même si le
tiers n’est pas nommément désigné au moment où elle est faite. Il suffit que le tiers soit déter-
minable au moment où la stipulation pour autrui produira son effet. Si le tiers n’est pas désigné
au départ, la désignation doit intervenir avant que la stipulation pour autrui ne produise ses
effets ;
– stipulation pour autrui au profit d’une personne future : pour qu’elle soit valable, le tiers
bénéficiaire doit exister lors de la conclusion du contrat, c’est-à-dire qu’il doit être conçu. Toute-
fois, il existe une exception : l’assurance décès peut être souscrite au profit des enfants à naître
ou nés du souscripteur. Cette exception peut par analogie être étendue aux autres hypothèses
de stipulation pour autrui.
78 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
c) La promesse de porte-fort
1) La notion de promesse de porte-fort
La promesse pour autrui est interdite, mais il est néanmoins possible de se porter fort pour un tiers
(art. 1120, C. civ.). La promesse de porte-fort consiste, de la part d’une personne, en son propre
nom, à engager autrui. Une personne s’engage à obtenir elle-même l’engagement d’un tiers ;
ce dernier restant libre de ratifier ou pas, il n’y a pas de véritable dérogation à l’effet relatif du
contrat. La promesse de porte-fort consiste à s’engager soi-même à ce qu’un tiers s’engage. Elle
peut exister dans deux hypothèses : soit à titre principal et isolé, soit à titre accessoire. Dans ce
dernier cas, elle accompagne un contrat principal qui, lui, nécessite le consentement d’un tiers.
2) Les effets de la promesse de porte-fort
• L ES EFFETS ENVERS LE PROMETTANT
Le promettant, c’est-à-dire le porte-fort, s’est engagé à obtenir le consentement du tiers. Deux
hypothèses sont alors envisageables :
– le tiers s’engage lui-même : le porte-fort est libéré, il a rempli son obligation ;
– le tiers refuse de ratifier le contrat initial : le porte-fort n’a pas accompli son obligation, il
sera responsable envers son cocontractant et devra lui verser des dommages-intérêts.
1 La responsabilité contractuelle
La mise en œuvre de la responsabilité contractuelle nécessite qu’un certain nombre de conditions
existent, tant de forme que de fond. Dans certains cas, la responsabilité est exclue malgré
l’inexécution.
b) La faute
La mise en œuvre de la responsabilité contractuelle impose l’existence d’une inexécution fautive
de la part de l’un des cocontractants.
82 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
a) La mise en demeure
La mise en demeure préalable est obligatoire en matière de responsabilité contractuelle
(art. 1139 et 1146, C. civ.). Elle peut résulter d’une sommation ou de tout autre acte équivalent
dès lors qu’elle exige du débiteur qu’il exécute son obligation (art. 1139, C. civ.). Dans certains
cas limités, la mise en demeure n’est pas obligatoire.
b) La réparation
La réparation peut se faire en nature ou par équivalent (art. 1142 et s. et 1184, al. 2, C. civ.).
84 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
Les dommages et intérêts constituent une réparation par équivalent. Ils doivent assurer la répara-
tion intégrale du préjudice. Les dommages-intérêts sont évalués au jour du jugement définitif. Si
l’obligation porte sur une somme d’argent, des dommages-intérêts moratoires, et non compensa-
toires, pourront être prononcés.
La réparation en nature ne doit pas être exclue :
– l’article 1143 du Code civil dispose que « Néanmoins, le créancier a le droit de demander que ce
qui aurait été fait par contravention à l’engagement soit détruit ; et il peut se faire autoriser à le
détruire aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages et intérêts, s’il y a lieu » ;
– l’article 1144 énonce que « Le créancier peut aussi, en cas d’inexécution, être autorisé à faire
exécuter lui-même l’obligation aux dépens du débiteur » ;
– l’article 1184, alinéa 2 du Code civil envisage également la possibilité de l’exécution en nature
en cas de résolution du contrat ;
– la jurisprudence a elle-même affirmé que la sanction de principe devait être l’exécution forcée.
sanction du manquement à une obligation essentielle mais également que cette clause vide de sa
substance l’obligation essentielle du débiteur.
2) La clause pénale
La clause pénale permet aux parties de fixer forfaitairement le montant des dommages-inté-
rêts en cas d’inexécution de l’obligation prévue par le contrat. Elle est valable, mais peut être
modérée ou augmentée par le juge si elle est manifestement excessive ou dérisoire (art. 1152,
C. civ.).
Elle peut être appliquée que l’inexécution soit imputable ou non au débiteur, et même si l’inexé-
cution est due à un cas de force majeure. L’inexécution peut être totale ou partielle. Le juge
apprécie si l’inexécution est suffisante compte tenu notamment de l’importance de l’obligation
inexécutée dans l’esprit des parties.
La résolution doit être demandée par le créancier qui peut également solliciter l’exécution ou agir
en résolution. Le débiteur contre qui une action en résolution a été exercée peut échapper à la
résolution en offrant de s’exécuter.
Le principe est celui de la résolution judiciaire. La résolution n’a pas lieu de plein droit, elle doit
être demandée et prononcée par le juge qui vérifie si ses conditions sont remplies. Lorsque c’est le
cas, il garde le pouvoir de prononcer ou pas la résolution. Le juge peut également accorder un
délai au débiteur pour s’exécuter. Il peut aussi décider de n’accorder que des dommages-intérêts
au créancier ou ne prononcer qu’une résolution partielle.
La résolution peut avoir lieu parfois sans l’intervention du juge lorsqu’est prévue au contrat une
clause de résolution (« pacte commissoire »). L’inexécution aboutit alors automatiquement à la
résolution. Cette clause est interdite dans certains cas. La loi prévoit parfois elle-même que la réso-
lution aura lieu de plein droit. La jurisprudence admet dans certains cas que le créancier de l’obli-
gation inexécutée puisse rompre le contrat de lui-même avant l’intervention du juge lorsque l’ine-
xécution est susceptible de lui causer un préjudice irréparable, en particulier dans les contrats qui
supposent une certaine confiance entre les cocontractants ou lorsque « la gravité du comporte-
ment d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à
ses risques et périls ».
■ La suspension du contrat
La suspension du contrat consiste en l’arrêt momentané des effets du contrat ou de certains
d’entre eux. Il s’agit d’un mécanisme juridique ancien dont les contours restent imprécis. Par
exemple, la maternité suspend le contrat de travail.
La suspension du contrat provoque la disparition, certes temporaire, des effets même du contrat
alors que dans l’exception d’inexécution, l’obligation continue à exister mais c’est son exécution
qui est temporairement différée.
CHAPITRE 11 – Les effets du contrat 3 – L’inexécution du contrat 89
1 Le dommage
Le préjudice est indispensable à la mise en œuvre de la responsabilité civile. Il permet de mesurer
la responsabilité. Il y a dommage quand une personne est atteinte dans ses intérêts. Le dommage
peut être distingué de sa conséquence, qui est le préjudice. En pratique, on emploie indifférem-
ment l’un ou l’autre terme.
Pierre Dintilhac, président de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation. Cette « nomen-
clature Dintilhac » est désormais reprise par la jurisprudence.
2 Le lien de causalité
■ La définition de la causalité
Dans le cadre de la responsabilité, la causalité est un élément fondamental que personne ne
conteste, même si son absence n’est pas sanctionnée par les textes ; il s’agit d’une notion difficile
à cerner.
L’appréciation de la causalité consiste à rechercher, lorsque s’enchaîne une série d’événements,
lesquels peuvent être considérés comme cause du dommage.
Les mêmes théories qu’en matière de responsabilité contractuelle s’opposent. La jurisprudence
semble retenir la théorie de la causalité adéquate (cf. supra, Chapitre 11).
La prédisposition de la victime n’est pas prise en compte lorsque l’accident a eu pour consé-
quence de la révéler. Dans le cas contraire, c’est-à-dire si elle était connue avant l’accident, l’obli-
gation de réparation est réduite parce que l’on considère que la prédisposition de la victime a joué
un rôle dans le dommage.
a) Le principe
Le lien de causalité doit en principe être prouvé par le demandeur. S’agissant d’un fait juridique, la
preuve se fait en principe par tout moyen. Il sera plus facile à établir pour une faute intention-
nelle que pour une faute d’imprudence.
dont la responsabilité est recherchée d’établir qu’il n’est pas à l’origine de cette contamination ».
La charge de la preuve est donc inversée en faveur des victimes.
c) L’exclusion de la causalité : la cause étrangère
La cause étrangère peut consister dans la force majeure, le fait d’un tiers ou la faute de la victime.
Les caractères de la force majeure sont ceux qui ont été décrits en matière de responsabilité
contractuelle : imprévisibilité, irrésistibilité, extériorité (cf. supra, Chapitre 11).
Néanmoins, en matière délictuelle, le caractère extérieur est plus marqué qu’en matière
contractuelle.
Les effets de la cause étrangère sont semblables, qu’il s’agisse de la force majeure, du fait du tiers
ou de la faute de la victime : celui dont la responsabilité est recherchée est partiellement ou tota-
lement exonéré :
analogues. Cependant, les circonstances qui sont propres à l’intéressé sont écartées des termes de
la comparaison. Les méthodes d’appréciation conduisent à écarter la faute dans des cas où il y a
apparemment erreur de conduite.
La faute peut disparaître, en totalité ou en partie, dans certains cas, notamment en cas de faits
justificatifs : ordre de la loi, commandement de l’autorité légitime, état de nécessité ou légitime
défense. La force majeure, le fait d’un tiers ou le fait de la victime peuvent également atté-
nuer ou faire disparaître la faute (cf. supra, Chapitre 12).
d’abstention qui consiste à ne pas faire ce que l’on devrait faire. Ce second type de faute est
admis, mais cela a soulevé quelques difficultés.
Par exemple, la jurisprudence a récemment reconnu la responsabilité d’un laboratoire pharmaceu-
tique qui avait manqué à son obligation de vigilance et avait ainsi commis une faute « en ne
surveillant pas l’efficacité de produits litigieux, et ce, nonobstant les avertissements continus de la
littérature médico-scientifique notamment en 1939 et en 1962-1963 » (affaire du « Distilbène »).
2) La faute dans l’exercice des droits
A priori, quand une personne exerce ses droits, l’idée qu’elle pourrait commettre une faute paraît
exclue. La jurisprudence sanctionne néanmoins l’abus de droit qui, selon elle, peut être constitutif
d’une faute.
Les troubles de voisinage constituent une application de la théorie de l’abus de droit. Le
dommage anormal est le seul à devoir être réparé, même s’il est commis sans faute : il s’agit
d’une responsabilité objective. Le dommage doit avoir un caractère continu ou répétitif ; il ne doit
pas s’agir d’un trouble accidentel ou instantané. La réparation du trouble de voisinage incombe à
l’auteur du trouble et non plus au propriétaire comme ce fut le cas autrefois. La faute de la
victime exonère l’intéressé de sa responsabilité, par exemple en cas d’installation de la victime
dans une zone où le trouble existait déjà du fait d’une « activité agricole, industrielle, artisanale
ou commerciale » (interprétation restrictive de la jurisprudence). La sanction est déterminée par le
juge qui octroie le plus souvent des dommages-intérêts. Il peut également ordonner, mais plus
rarement, la suppression de la cause du dommage (fermeture de l’établissement, travaux
d’amélioration...). Lorsque le dommage est causé par une activité autorisée par l’administration,
le juge judiciaire ne peut interdire cette activité, mais il peut ordonner des travaux d’amélioration,
voire la fermeture jusqu’à accomplissement de ces travaux.
1) Le lien de préposition
La mise en œuvre de la responsabilité du commettant nécessite l’existence d’une relation entre
commettant et préposé c’est-à-dire un lien de subordination entre eux. Celui-ci existe dès lors
que le commettant a « le droit de donner au préposé des ordres ou des instructions sur la
manière de remplir les fonctions auxquelles il est employé ». La responsabilité du fait d’autrui est
exclue lorsque l’activité est exercée à titre indépendant.
2) Le fait du préposé
Cette condition se dédouble :
– un fait dommageable doit avoir été commis par le préposé. Les qualités de gardien d’une
chose et de préposé sont incompatibles ;
– il doit exister un lien entre l’acte dommageable commis par le préposé et ses fonctions : c’est le
problème de l’abus de fonction qui a donné lieu à une jurisprudence abondante et variable.
Désormais, on considère que « les dispositions de l’article 1384, al. 5 du Code civil ne s’appli-
quent pas au commettant en cas de dommage causé par le préposé qui, agissant sans autorisa-
tion à des fins étrangères à ses attributions, s’est placé hors des fonctions auxquelles il est
employé » (Ass. plén., 1983). Ces trois conditions sont imposées cumulativement (Ass. plén.,
1988) : « Le commettant ne s’exonère de sa responsabilité que si son préposé a agi hors des
fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses
attributions. »
b) Les effets de la responsabilité
1) Du point de vue de la victime
La victime dispose d’une action contre le préposé et contre le commettant. Ils sont responsables in
solidum. La victime peut choisir de demander la réparation intégrale à l’un ou l’autre.
2) Du point de vue du commettant
Si l’action est portée contre le commettant et que les conditions de sa responsabilité sont
remplies, il ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en prouvant son absence de faute. Il ne
peut invoquer la force majeure.
Lorsqu’il a été condamné à indemniser la victime, il a une action récursoire contre le préposé.
Longtemps, cette action était rarement exercée en pratique. En effet, le plus souvent, l’assureur
du commettant indemnisait la victime et l’action récursoire lui était refusée en l’absence de faute
104 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
intentionnelle du préposé. Peu à peu, cette jurisprudence a évolué vers la possibilité pour le
commettant d’exercer une action récursoire contre son préposé dans certaines circonstances :
Ass. plén., 25 février 2000, « N’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers le préposé qui agit sans
Costedoat excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant ».
Ass. plén., 14 décembre - « Le préposé condamné pour avoir intentionnellement commis, fût-ce sur
2001, Cousin l’ordre du commettant, une infraction ayant porté préjudice au tiers, engage
sa responsabilité civile à l’égard de celui-ci ».
- rend possible un recours contre un préposé qui a commis une faute
intentionnelle pour laquelle il a été pénalement condamné.
- « L’immunité dictée par l’article L. 121-12, alinéa 3 du Code des assurances
Civ. 1re, 12 juillet 2007 ne bénéficie qu’aux personnes visées et ne fait pas obstacle à l’exercice par
l’assureur qui a indemnisé la victime de son recours subrogatoire contre
l’assureur de responsabilité de l’une de ces personnes ».
- L’immunité dont bénéficie le préposé ne doit pas être considérée comme
une irresponsabilité mais comme un obstacle à l’action de la victime contre
le préposé. Ainsi, l’action subrogatoire exercée contre l’assureur du préposé
reste possible.
Civ. 1re, 21 février 2008 La Cour de cassation précise les limites de l’immunité personnelle du
préposé : cette immunité s’applique au préposé qui agit sans excéder les
limites de la mission qui lui est impartie et « hors les cas où le préjudice de la
victime résulte d’une infraction pénale ou d’une faute intentionnelle ».
celui-ci se trouve hors du domicile parental et donc pas physiquement chez eux. La jurispru-
dence reste instable mais tend à considérer que la cohabitation avec les parents persiste même
si l’enfant est en internat ou chez ses grands-parents par exemple.
la ruine des bâtiments (art. 1386, C. civ.). Sous l’impulsion de la doctrine, la jurisprudence a
accepté de faire de l’alinéa premier un principe général de responsabilité du fait des choses. La
jurisprudence admet ainsi l’existence d’une responsabilité des choses en dehors des régimes
spéciaux prévus par le Code civil.
■ Le régime général
a) Le domaine de la responsabilité du fait des choses
1) Quant aux choses
En principe, la responsabilité du fait des choses fonctionne pour toutes les choses. Seules sont
exclues celles qui relèvent d’un régime spécial. Ainsi, on ne distingue pas selon la nature des
choses, c’est-à-dire ni entre meubles et immeubles, ni entre choses dangereuses et choses non
dangereuses, ni entre choses actionnées par la main de l’homme et choses dotées d’un dyna-
misme propre ou atteintes d’un vice propre ayant causé le dommage, ni entre choses en mouve-
ment et choses immobiles.
Il y a des limites : les res nullius (choses sans maître) échappent à l’application de l’article 1384,
alinéa premier du Code civil ; c’est le cas de la neige tombée du ciel, mais pas du sable apporté
par le vent sur une terre appropriée.
Le corps humain n’est pas en principe considéré comme une chose sauf dans des cas très limités
où la jurisprudence a admis l’application de l’article 1384, alinéa premier du Code civil.
2) Quant aux personnes susceptibles d’invoquer l’article 1384, alinéa premier du Code
civil
L’article 1384, alinéa 1er du Code civil peut être invoqué par le gardien de la chose qui a subi un
dommage. Lorsqu’il y a plusieurs gardiens de la chose, l’un des gardiens victime ne peut pas invo-
quer ce texte pour mettre en jeu la responsabilité des autres.
L’article 1384, alinéa premier du Code civil était parfois considéré comme inapplicable lorsque la
victime avait accepté les risques mais la Cour de Cassation a récemment abandonné la jurispru-
dence sur l’acceptation des risques.
La situation irrégulière de la victime par rapport au gardien ne l’empêche pas d’invoquer
l’article 1384, alinéa premier du Code civil.
CHAPITRE 13 – Le fait générateur de la responsabilité civile 107
• L ES CAS PARTICULIERS
Le dommage ne pouvant découler d’un comportement de la chose mais uniquement d’un vice de
la structure interne de celle-ci, la doctrine a proposé de distinguer deux gardiens et de rendre
responsable le gardien de la structure interne. Il s’agit de distinguer entre la garde de la struc-
ture et la garde du comportement.
108 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
La jurisprudence a retenu cette théorie en 1956 : la SNCF transporte de l’Oxygène liquide qui
explose au cours du voyage. Le transporteur n’est pas responsable car l’explosion provient de la
structure interne. Le propriétaire est donc responsable. Selon la jurisprudence, cette distinction
est limitée aux choses ayant un dynamisme propre. Elle tombe peu à peu en désuétude.
La jurisprudence a parfois paru résoudre le problème de la détermination du gardien par le recours
à la notion d’obligation d’information : le transfert de la garde ne serait effectif qu’en cas de
transfert de l’information portant sur la chose.
c) L’exonération du gardien
Le gardien ne peut pas s’exonérer en démontrant qu’il n’a pas commis de faute. Il est partielle-
ment exonéré lorsque la faute de la victime a participé au dommage et il est totalement exonéré
lorsque cette faute a été la cause exclusive du dommage c’est-à-dire lorsqu’elle revêt les caractères
de la force majeure.
– la responsabilité du fait des produits défectueux (art. 1386-1 à 1386-18, C. civ.) : elle est
applicable lorsqu’un produit est affecté d’un défaut qui cause un dommage. Le produit est un
bien meuble : il peut s’agir d’une matière première non transformée, transformée ou bien inté-
grée à une autre. Le responsable est le producteur du produit fini ou d’une composante de
celui-ci. Il se distingue du fabricant. Peuvent également être responsables les personnes assimi-
lées au producteur c’est-à-dire celui qui appose sa marque ou tout autre signe distinctif sur le
produit, le vendeur, le loueur professionnel c’est-à-dire le fournisseur... La victime est le consom-
mateur ou l’utilisateur professionnel du produit. Le demandeur doit prouver le lien de causalité
entre le défaut du produit et le dommage. Les causes d’exonération sont diverses : le défaut du
produit n’est pas la cause du dommage, le produit n’était pas encore en circulation lors du
dommage, la faute de la victime ayant les caractères de la force majeure. Le délai de responsa-
bilité est de 10 ans à compter de la mise en circulation du produit. Le délai de prescription est de
3 ans à compter de la connaissance du dommage par la victime.
L’indemnisation
des victimes d’accidents CHAPITRE
de la circulation
La loi du 5 juillet 1985 vise à indemniser les victimes d’un accident de la circula-
14
tion dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur.
1 L’accident de la circulation
■ Un véhicule terrestre à moteur
Sont visés par l’article premier de la loi du 5 juillet 1985 le véhicule terrestre à moteur (VTM) et ses
remorques ou semi-remorques. En sont exclus les véhicules circulant sur des chemins de fer et les
tramways circulant sur des voies qui leur sont propres. La conception adoptée par la jurisprudence
est large. En cas de collision entre une automobile et un train à un passage à niveau, la loi de
1985 est applicable pour les dommages causés à la SNCF ainsi que pour les dommages causés
aux passagers du train. En revanche, le droit commun s’applique pour les dommages causés à
l’automobile.
■ Un accident de la circulation
a) Une voie de circulation
Il n’est pas nécessaire que l’accident se produise sur la voie publique : il peut s’agir d’une voie
privée de desserte d’un ensemble immobilier, d’un champ, d’une piste de ski ou d’un circuit auto-
mobile destiné à des courses. Le domaine d’application retenu par la jurisprudence est plutôt large
sur ce point.
Néanmoins, l’application de la loi du 5 juillet 1985 était depuis longtemps exclue entre concurrents
d’une compétition sportive dans laquelle sont engagés des véhicules terrestres à moteur. Les
112 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
victimes qui étaient également concurrentes ne pouvaient demander réparation que sur la base du
droit commun. La Cour de cassation est revenue sur cette jurisprudence traditionnelle en décidant
par un arrêt du 14 juin 2012 « que la seule présence d’un véhicule terrestre à moteur suffisait à
appliquer la loi du 5 juillet 1985, la nature de la voie n’ayant pas à être prise en considération ».
b) Un fait de circulation
Un problème se pose lorsqu’un véhicule n’est pas en circulation parce qu’il remplit une fonction
particulière autre que celle de déplacement : la loi de 1985 ne s’applique pas lorsque le
dommage est causé par un véhicule occupé à une tâche particulière correspondant à une fonction
spécifique qui n’a rien à voir avec sa fonction naturelle de déplacement notamment, lorsque cet
engin est immobile.
Le stationnement d’une automobile sur la voie publique constitue un fait de circulation au sens de
la loi de 1985. Il n’y a aucune distinction entre stationnement et arrêt, ni entre immobilité et
mouvement du véhicule.
L’incendie d’un véhicule implique celui-ci dans l’accident qu’il provoque sauf lorsque l’incendie ou
l’explosion est due à une cause étrangère à la circulation.
n’est pas en mouvement. Dans un premier temps, la jurisprudence a considéré que lorsque le véhi-
cule était en stationnement, l’implication était caractérisée lorsque la position du véhicule était
de nature à perturber la circulation. Dans un second temps, la jurisprudence a unifié le régime
des véhicules à l’arrêt et des véhicules en stationnement : le contact avec le véhicule suffit à
établir l’implication de celui-ci quelles que soient les circonstances.
La preuve de l’implication est également délicate en l’absence de contact avec le véhicule
terrestre à moteur. La jurisprudence admet que l’implication ne nécessite pas forcément un heurt
ou un choc, mais exige que le véhicule ait joué un rôle dans l’accident, c’est-à-dire qu’il soit inter-
venu « à quelque titre que ce soit » (Civ. 2e, 11 juillet 2002).
b) Les accidents complexes
Constituent des accidents complexes, les carambolages, c’est-à-dire les collisions auxquels ont
participé plusieurs voitures, ou les collisions successives ayant atteint la même victime :
– les carambolages : pendant longtemps, chaque collision a été traitée comme un accident
distinct et l’implication des véhicules était appréciée par rapport à chacune de ces collisions.
Peu à peu, la jurisprudence a admis qu’il y avait là un accident unique permettant à chaque
victime de s’adresser à l’un quelconque des gardiens ou conducteurs du véhicule impliqué pour
être indemnisée. Les collisions successives constituent un même accident dès lors qu’elles sont
« intervenues dans un même laps de temps et dans un enchaînement continu » (Civ. 2e, 24 juin
1998) ;
– les chocs successifs atteignant la même victime : lorsqu’une victime est renversée par
plusieurs véhicules successivement sans qu’il soit possible de savoir lequel a provoqué le décès,
la Cour de cassation considère que l’implication du véhicule dans l’une des collisions emporte
une présomption d’imputabilité du dommage final. Le conducteur du véhicule impliqué dans
un accident ne peut se dégager de sa responsabilité que s’il établit que cet accident est sans
relation avec le dommage. En l’absence de preuve, l’indemnisation pourra être demandée à
l’un quelconque des conducteurs. Certains arrêts ont écarté cette présomption d’imputabilité
ou ont réparti inégalement le poids final de l’indemnisation entre les différents conducteurs.
La loi de 1985 ne s’applique pas à l’accident causé par un piéton. L’automobiliste agira contre
le piéton sur la base du droit commun. Quant au piéton à l’origine de l’accident, il peut agir
contre le conducteur sur le fondement de la loi de 1985, sauf lorsque le seul véhicule impliqué
dans l’accident est celui qu’il conduit.
114 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
■ La victime non-conducteur
a) Les atteintes à la personne
La victime non-conducteur ne perd son droit à indemnisation que dans des hypothèses limitées :
– lorsqu’elle a moins de 16 ans, plus de 70 ans ou un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité
supérieur ou égal à 80 %, dans la seule hypothèse où elle « a volontairement recherché le
dommage qu’elle a subi » (tentative de suicide en général) ;
– lorsqu’elle a entre 16 et 70 ans et n’est pas titulaire d’un titre lui reconnaissant un taux d’inca-
pacité permanente supérieur ou égal à 80 %, lorsque la victime a commis une « faute inexcu-
sable si elle a été la cause exclusive de l’accident ». La faute inexcusable est « la faute volontaire
d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait
dû avoir conscience ». Le conducteur est exonéré en cas de faute inexcusable de la victime
seulement lorsque celle-ci présente les caractères de la force majeure.
b) Les atteintes aux biens
Pour l’indemnisation du préjudice subi sur ses biens, la victime peut se voir opposer sa faute, ce
qui aboutira à un partage des responsabilités ou à une exclusion totale de l’indemnisation.
Le conducteur du véhicule peut également lui opposer la force majeure ou le fait d’un tiers sauf
pour les fournitures et appareils délivrés sur prescription médicale et dans les cas où le conducteur
du véhicule n’en est pas le propriétaire.
■ La victime conducteur
La réparation des dommages résultant d’atteintes aux biens obéit au même régime que pour les
victimes non-conducteurs.
CHAPITRE 14 – L’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation 115
a) La définition du conducteur
La loi du 5 juillet 1985 n’a pas défini la notion de conducteur, ce qui donne lieu à une jurispru-
dence parfois controversée. Le conducteur peut être défini comme la personne qui se trouvait
aux commandes du véhicule à l’instant où l’accident a commencé à se produire :
– le conducteur éjecté de son véhicule par l’accident est considéré comme conducteur ;
– le conducteur éjecté de son véhicule juste avant l’accident est considéré comme non-conducteur
(l’accident se réalise en quelque sorte en deux temps) ;
– l’automobiliste au volant de sa voiture remorquée par un autre véhicule est conducteur ;
– celui qui n’est pas encore aux commandes de son véhicule, même s’il s’y prépare ou vient de les
quitter, est non-conducteur, par exemple la personne qui change une roue ;
– le conducteur resté aux commandes de son véhicule qui est victime d’un accident qui l’empêche
de piloter est un non-conducteur en cas de nouvelle collision.
b) La situation du conducteur
Le conducteur se trouve dans une situation inférieure par rapport aux autres victimes de
dommages corporels.
1) Les conséquences des fautes du conducteur
Pendant longtemps, la faute de la victime conducteur excluait toute réparation dès lors qu’elle
était la seule faute établie à l’origine de l’accident, sans qu’il soit nécessaire de prouver qu’elle
avait été imprévisible et irrésistible pour le défendeur. Peu à peu, la jurisprudence a admis que la
faute de la victime conducteur ne pouvait limiter ou exclure son indemnisation du dommage en
l’absence de preuve du lien causal entre la faute de la victime conducteur et son dommage.
Ainsi, dans un arrêt rendu en Assemblée plénière le 6 avril 2007, la Cour de cassation a décidé
que l’indemnisation des préjudices d’un conducteur ivre ne peut être réduite ou exclue s’il n’est
pas démontré que l’état d’ivresse a joué un rôle causal dans la survenance de l’accident de la
circulation.
2) L’indemnisation de la victime par ricochet
Le traitement de la victime par ricochet reste le reflet de celui de la victime directe : il n’y a donc
pas lieu de s’interroger sur une éventuelle faute de la victime par ricochet. La faute de la victime
directe est opposable à la victime par ricochet :
– si la victime directe est spécialement protégée, le préjudice de la victime par ricochet sera réparé
en tenant compte de cet élément ;
116 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
– cas particulier de la victime par ricochet qui est également une victime directe de l’accident :
dans le cas où la victime par ricochet est le conducteur lui-même, le principe de l’indemnisation
intégrale du préjudice par ricochet doit être écarté en cas de faute de la victime par ricochet.
C’est à celui qui invoque contre la victime sa qualité de conducteur de la prouver.
■ Le débiteur de l’indemnité
En principe, l’indemnité pèse sur le conducteur du véhicule terrestre à moteur ou à défaut sur le
gardien du véhicule.
Lorsque plusieurs véhicules sont impliqués, les victimes non-conducteurs peuvent demander une
indemnisation à tous les conducteurs et gardiens de véhicules impliqués dans l’accident qui sont
tenus in solidum.
La répartition définitive est complexe : celui qui a payé possède un recours contre les autres, fondé
sur la subrogation dans les droits de la victime et sur le droit commun. La répartition définitive se
fera en fonction de l’importance des fautes de chacun des coauteurs ou par parts égales lorsque
les causes de l’accident sont inconnues.
La mise en œuvre
de la responsabilité CHAPITRE
civile
La mise en œuvre de la responsabilité civile vise à la réparation intégrale du
15
dommage. Elle nécessite parfois un procès en responsabilité.
pénibles ou aléatoires. Dans les autres cas, elle commet une faute qui peut conduire à réduire
l’étendue de la réparation.
b) L’évaluation du préjudice
Les juges du fond ont un pouvoir souverain d’appréciation dans l’évaluation du dommage.
Le préjudice est évalué au jour du jugement. À compter de ce jour, les intérêts (au taux légal)
commencent à courir.
L’amélioration du sort de la victime postérieurement au jugement n’amène pas de diminution de
l’indemnité qui lui a été allouée. Lorsque son état s’aggrave, l’indemnité n’est pas non plus
augmentée, mais il est possible à la victime d’exercer une nouvelle action faisant état d’éléments
nouveaux d’aggravation. En l’absence d’éléments nouveaux, il y aura identité d’objet et donc
autorité de la chose jugée.
Lorsque l’indemnité est allouée sous forme de rente, celle-ci peut être indexée. La loi a interdit
l’indexation pour les rentes allouées en réparation du préjudice causé par les automobiles et deux
roues à moteur en cas de décès ou d’invalidité grave, mais une majoration de plein droit calquée
sur les revalorisations de rentes est prévue (art. L. 434-17, CSS).
victime du retard dans l’exécution du contrat. Le préjudice est compensé par des dommages-inté-
rêts moratoires qui courent dès la mise en demeure. La condamnation au paiement de ces
dommages-intérêts n’est pas subordonnée à la preuve d’une perte de la part du créancier. Le
taux d’intérêt légal est de 0,04 % pour l’année 2014.
b) Le dommage corporel
La réparation comprend notamment :
– les frais occasionnés par les soins ;
– les dommages-intérêts compensant l’incapacité de travail : incapacité temporaire totale ou partielle
(ITT ou ITP), incapacité permanente totale ou partielle (IPT ou IPP), différents dommages subis par
la victime doivent être pris en compte (diminution de salaire, préjudice d’agrément...). Des
barèmes ont été créés pour éviter les disparités entre tribunaux : 1 % correspond à une somme
déterminée.
La nomenclature dite Dintilhac, établie en juillet 2005, est désormais utilisée par la jurisprudence :
elle établit une liste exhaustive des postes de préjudice dont la victime peut demander réparation
en matière de préjudice corporel.
L’état végétatif de la victime qui n’aurait pas conscience de son état ne peut pas limiter
l’indemnisation.
2 Le procès en responsabilité
Le procès en responsabilité a pour objet de transformer l’obligation à réparation qu’a fait naître le
dommage en une dette consistant en des dommages-intérêts.
b) Le demandeur à l’action
Le demandeur à l’action est en principe la victime.
1) La victime
Deux catégories de victimes peuvent être distinguées :
– la victime immédiate ou directe : la personne qui subit directement le dommage est en prin-
cipe celle qui exerce l’action en responsabilité. La jurisprudence assimile les héritiers à la victime
directe. Après de longues hésitations, elle a finalement permis aux héritiers d’agir en réparation
du préjudice moral subi par leur auteur. Lorsque la victime est un mineur ou un majeur protégé,
l’action sera exercée par son tuteur ou son administrateur légal sans autorisation ;
– les victimes par ricochet (cf. supra, Chapitre 12) : ce sont le plus souvent les proches de la
victime immédiate. Parmi ces proches, il y a les héritiers de la victime immédiate. S’agissant des
victimes par ricochet, la Cour de cassation a admis l’opposabilité de la faute de la victime immé-
diate à la victime par ricochet. En revanche, elle considère que les clauses exclusives de respon-
sabilité ne peuvent être opposées à la victime par ricochet car celle-ci agit comme tiers au
contrat (terrain délictuel). Les proches de la victime, qu’ils aient ou non un lien juridique avec
elle, peuvent exercer une action en réparation dès lors qu’ils justifient d’un préjudice matériel
ou moral personnel, que la victime soit ou non décédée.
2) L’action des personnes autres que la victime
Lorsque la victime a été indemnisée par le tiers payeur, celui-ci est subrogé dans les droits de la
victime. En pratique, il s’agit de l’assureur. Il va pouvoir exercer l’action de la victime contre la
personne civilement responsable.
Les créanciers de la victime peuvent exercer une action oblique.
■ L’exercice de l’action
a) Les règles propres à l’action en responsabilité civile
1) Le fondement de l’action
Le principe dit du « non-cumul des deux ordres de responsabilité » s’impose aux demandeurs
(Civ. 1re, 28 juin 2012). La victime de l’inexécution d’un contrat est obligée de situer son action sur
le terrain contractuel. Lorsque des tiers peuvent exceptionnellement mettre en jeu la responsabilité
contractuelle du débiteur, le principe de non-cumul pour eux ne s’applique pas de manière aussi
rigoureuse. Si le tiers dispose d’une action directe en garantie, elle est nécessairement contrac-
tuelle. Lorsque le tiers est autorisé à mettre en jeu la responsabilité contractuelle dans le cas
CHAPITRE 15 – La mise en œuvre de la responsabilité civile 121
d’une stipulation pour autrui, ce tiers peut situer son action sur le terrain extra-contractuel puis-
qu’il peut refuser le bénéfice de la stipulation pour autrui.
Lorsque le dommage résulte de la faute du défendeur et de la personne dont elle a la garde et de
la faute du gardien, la victime peut invoquer indifféremment l’un des deux fondements ou les
deux. Les responsables sont tenus in solidum. La victime peut demander à n’importe lequel
d’entre eux la réparation de la totalité de son préjudice.
2) Les règles de procédure
– Compétence : la compétence d’attribution est celle du tribunal de grande instance ou d’ins-
tance (sauf pour les accidents causés par un véhicule : le tribunal de grande instance statue à
juge unique). Territorialement, c’est le tribunal du domicile du défendeur ou du lieu où s’est
produit le fait dommageable ou du lieu où le dommage est subi qui est compétent.
– Preuve : s’agissant d’un fait juridique, la preuve est libre. Elle pèse toujours sur le demandeur.
– Prescription de l’action : l’action en responsabilité délictuelle se prescrit par 10 ans.
b) L’incidence de la responsabilité pénale
Une infraction peut être à l’origine d’un dommage : il existe alors deux sortes d’actions possibles.
L’action peut être pénale sur le terrain répressif ou civile en indemnisation. Des rapports s’établis-
sent entre les deux sortes d’actions, par exemple lorsque l’action civile est fondée sur la faute.
La possibilité de l’action devant les juridictions pénales est prévue par l’article 3 du Code de
procédure pénale. Elle est avantageuse pour la victime car elle est facilitée sur le terrain de la
preuve (apportée par l’autorité publique).
L’existence de l’infraction doit être reconnue, mais la juridiction pénale peut statuer au civil après
acquittement ou relaxe, à condition qu’existe un dommage découlant directement de l’infraction.
Par conséquent, le préjudice moral par ricochet n’est pas admis devant la juridiction pénale.
L’action civile devant les juridictions pénales est refusée aux créanciers et aux assureurs.
Quand il y a à la fois inexécution du contrat et infraction pénale, la jurisprudence considère que
l’action civile devant la juridiction répressive ne peut être jugée qu’en application des règles de la
responsabilité délictuelle.
La constitution de partie civile déclenche l’instance. Si la victime se porte devant la juridiction civile,
elle ne peut revenir sur son choix et aller devant les juridictions pénales (art. 5, C. civ.).
122 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
Le quasi-contrat est un fait volontaire et licite. C’est un acte qui a été voulu, mais
16
dans un but autre que celui de créer des obligations. La gestion d’affaires, le paie-
ment de l’indu et l’enrichissement sans cause constituent des faits volontaires
licites, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois
un engagement réciproque des deux parties (art. 1371, C. civ.).
1 La gestion d’affaires
La gestion d’affaires résulte de l’accomplissement d’un acte par une personne, le gérant, dans
l’intérêt d’une autre, le géré ou maître de l’affaire, sans en avoir été chargée par celle-ci c’est-à-
dire sans mandat (art. 1372 à 1375, C. civ.).
2 Le paiement de l’indu
« Tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition »
(art. 1235, C. civ.).
personne qui n’est pas son créancier ou encore le solvens paie une dette dont il n’est pas
débiteur.
L’action en répétition ne doit pas être prescrite : le délai est celui du droit commun, c’est-à-dire
5 ans.
L’accipiens de mauvaise foi doit restituer la valeur de la chose lorsque celle-ci a péri par cas
fortuit. Il est tenu de réparer intégralement le préjudice subi par le solvens : il restitue les fruits et
les intérêts du jour du paiement. S’il a aliéné la chose, il restitue en valeur de même en cas de
perte fortuite.
L’accipiens doit toujours être remboursé de ses dépenses même s’il est de mauvaise foi car il a
ainsi augmenté la valeur de la chose.
Le solvens doit rembourser à l’accipiens les dépenses nécessaires et utiles à la conservation de la
chose en totalité et les dépenses utiles jusqu’à concurrence de la plus-value qu’elles ont donnée
à cette chose.
■ La condition
La condition est un événement futur et incertain dont dépend l’existence même d’une obliga-
tion, c’est-à-dire sa naissance ou son maintien. L’événement doit être possible et conforme aux
bonnes mœurs (art. 1172, C. civ.).
------------------------------------------------------------------------------------------
Condition résolutoire Tout se passe comme si le contrat Le contrat est censé n’avoir jamais
était un contrat pur et simple. Le existé ; le contrat est
terme ne doit pas obligatoirement définitivement consolidé en cas de
être fixé. Dans ce cas, la condition défaillance de la condition.
[...] n’est censée défaillir que
lorsqu’« il est devenu certain que
l’événement n’arrivera pas ».
■ Le terme
Le terme est un événement futur et certain dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation.
a) Les différentes sortes de termes
On distingue traditionnellement :
– le terme suspensif : il suspend l’événement d’une obligation exigible jusqu’à un certain
moment ;
– le terme extinctif : il fixe le moment où une obligation cesse d’être due.
Il y a deux catégories de termes quant à la nature de l’événement :
– le terme incertain : l’arrivée du terme correspond à un événement dont la date est incertaine ;
– le terme certain : une date précise est prévue pour le terme.
Il y a plusieurs catégories de termes quant à l’origine de celui-ci :
– le terme conventionnel : il est prévu par les parties ;
– le terme légal : il est déterminé par la loi ;
– le terme judiciaire : il est accordé par un tribunal.
b) Les effets du terme
1) Le mécanisme du terme
Les effets du terme varient selon la période considérée :
– avant la survenance du terme : la créance existe (le débiteur qui a payé n’a pas droit à répéti-
tion ; art. 1186, C. civ.) mais elle n’est pas exigible (le créancier ne peut agir en exécution ; la
prescription ne peut commencer à courir ; art. 2233, C. civ.) ;
– lors de la survenance du terme : la survenance du terme rend la créance exigible. Le créancier
peut agir en exécution forcée après une mise en demeure préalable du débiteur (art. 1139,
C. civ.).
134 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
2) La disparition du terme
Il existe trois modalités de disparition du terme :
– l’échéance du terme : c’est la modalité « normale » d’extinction du terme ;
– la renonciation au bénéfice du terme : seul le bénéficiaire peut renoncer au terme ;
– la déchéance du terme : il s’agit d’une sanction du bénéficiaire.
■ L’obligation conjointe
L’obligation conjointe permet la division de l’obligation par parts égales entre les créanciers. Le
créancier peut demander le paiement de sa créance à l’un quelconque des débiteurs. Le débiteur
ne peut être poursuivi que pour sa part de dette.
■ La solidarité
Il existe deux types de solidarité :
– solidarité active (art. 1197 à 1199, C. civ.) : entre les créanciers, elle se manifeste quand il y a
plusieurs créanciers pour la même créance et que chacun d’eux a le droit de demander le paie-
ment intégral au débiteur (exemple : comptes bancaires joints) ;
– solidarité passive (art. 1200 à 1216, C. civ.) : il y a plusieurs débiteurs pour la même dette, qui
sont chacun tenus pour la totalité de celle-ci.
a) L’existence de la solidarité
La solidarité active ne peut trouver sa source que dans une stipulation expresse (art. 1197,
C. civ.).
La solidarité passive doit être stipulée dans le contrat qui fait naître la dette ou doit être prévue
par la loi (art. 1202, C. civ.). Elle peut également trouver sa source dans les usages. Ainsi, elle se
présume en matière commerciale pour les dettes nées d’une même opération juridique.
CHAPITRE 17 – Les modalités de l’obligation 135
• L ES EFFETS SECONDAIRES
Chacun des codébiteurs représente les autres vis-à-vis du créancier lorsqu’il y va de leur intérêt. La
chose jugée à l’égard de l’un des co-débiteurs est opposable aux autres, de même que la tierce-
opposition ou la transaction si elle profite aux autres. Lorsque la prescription est interrompue par
le créancier auprès d’un débiteur, elle est également interrompue à l’égard des autres créanciers
(art. 1206, C. civ.). Si l’un des débiteurs solidaires est mis en demeure, celle-ci ne vaut pas pour
les autres débiteurs (art. 1205, C. civ.). Si une demande d’intérêts a été formée contre l’un des
débiteurs solidaires, elle fait courir les intérêts à l’égard de tous (art. 1207, C. civ.).
c) La disparition de la solidarité
La solidarité peut disparaître par le décès de l’un des codébiteurs solidaires : sa part de dettes se
divise entre ses codébiteurs. Elle peut également disparaître par la remise de solidarité qui peut
être expresse ou tacite, totale ou partielle.
■ L’obligation in solidum
La notion d’obligation in solidum a été créée par la doctrine puis reprise par la jurisprudence.
136 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
Elle permet de mettre à la charge de plusieurs personnes une même dette en l’absence de
solidarité.
Les effets secondaires de la solidarité ne s’appliquent pas à l’obligation in solidum ; seuls les effets
principaux peuvent être mis en œuvre.
■ L’indivisibilité
L’obligation indivisible est insusceptible d’être exécutée partiellement. La jurisprudence a parfois
utilisé la notion d’indivisibilité pour expliquer les liens qui peuvent unir certains contrats qui
faisaient partie d’un ensemble contractuel.
L’indivisibilité ne se présume pas, elle doit être prouvée.
La cession du rapport CHAPITRE
d’obligation
Plusieurs formes de cessions du rapport d’obligation sont possibles : cession de
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créance, cession de dette ou cession de contrat.
1 La cession de créance
La cession de créance est la convention par laquelle le créancier (= cédant) transfère sa créance
contre le débiteur (= cédé) à un contractant (= cessionnaire).
Il y a plusieurs types de cessions de créances :
– la cession de droit commun ;
– la cession de titres négociables ;
– la cession de créances professionnelles ou « cession Dailly ».
Le transfert de biens ou de droits à titre de garantie est également possible au moyen d’un contrat
de fiducie (art. 2011, C. civ.).
2 La cession de dette
Les dettes sont en principe incessibles : la cession n’est possible qu’avec l’accord du créancier.
La cession de dettes est parfois envisageable à certaines conditions :
– la cession imparfaite : le créancier a toujours une possibilité de recours contre le débiteur
initial, c’est-à-dire contre le cédant. Il s’agit d’hypothèses prévues par le législateur ;
– la cession parfaite : elle ne peut être que conventionnelle. La dette est transférée au cession-
naire avec tous ses accessoires.
138 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
3 La cession de contrat
La cession de contrat consiste dans la cession à la fois des dettes et des créances qui découlent
d’un contrat.
■ Les hypothèses
La cession de contrat est fréquemment utilisée en pratique. L’exemple le plus connu de cession de
contrat est la cession d’une entreprise ou d’une exploitation : l’obligation est faite pour le cession-
naire de respecter les contrats de travail en cours (art. L. 1224-1, C. trav.).
Il existe également des cessions conventionnelles.
La cession de contrat est parfois interdite, par exemple en matière de baux ruraux.
■ Le régime
Le cessionnaire est tenu du contrat transmis envers le cédé pour la période postérieure au contrat.
La cession de contrat est subordonnée au consentement du cocontractant cédé, sauf dans certains
cas prévus par la loi.
4 La délégation
La délégation consiste à ce qu’une personne, le délégant, demande à une autre personne, le
délégué, de payer à une troisième, le délégataire, une dette en son nom.
L’extinction CHAPITRE
des obligations
Le paiement est la manière la plus courante d’éteindre une obligation mais il en
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existe d’autres.
1 Le paiement
■ Le paiement volontaire
a) Les parties concernées
Le solvens est celui qui paie, c’est-à-dire le débiteur lui-même ou son représentant ou toute
personne qui a intérêt à l’acquittement de la dette (mandataire, codébiteur, caution...). Le créan-
cier ne peut refuser le paiement fait par un tiers que lorsqu’il s’agit d’une obligation de faire
conclue intuitu personae.
L’accipiens est celui qui reçoit le paiement. Il peut s’agir du créancier lui-même ou de son repré-
sentant, à condition que celui-ci ait reçu le pouvoir d’encaisser ce paiement légalement, judiciaire-
ment ou conventionnellement.
Pour que le paiement soit valable, le solvens doit répondre à deux conditions : le solvens doit
« être propriétaire de la chose donnée en paiement » (art. 1238, al. 1er, C. civ.) et doit être
capable (art. 1238, al. 1er, C. civ.).
b) L’objet du paiement
Selon l’article 1243 du Code civil, « Le créancier ne peut être contraint de recevoir une autre chose
que celle qui lui est due, quoique la valeur de la chose offerte soit égale ou même plus grande ».
Le créancier est libre de refuser un paiement partiel (art. 1244, C. civ.).
140 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
– enfin, si l’intérêt n’est pas possible à déterminer, l’imputation se fait sur la dette la plus ancienne
ou sur les plus anciennes proportionnellement si elles sont d’anciennetés égales (art. 1256,
C. civ.).
Dans le cas d’un paiement avec subrogation, la subrogation a pour effet de substituer une
personne à une autre pour le paiement de la dette. La subrogation peut être conventionnelle :
elle est consentie par le créancier ou par le débiteur. L’article 1251 du Code civil prévoit également
des cas de subrogation légale. La créance est transmise au subrogé avec ses accessoires et les
actions qui lui sont attachées. La subrogation est à la mesure du paiement.
■ Le paiement forcé
a) Les rapports entre créancier et débiteur
Le créancier peut agir contre son débiteur pour obtenir le paiement. Il ne peut agir sur la personne
de son débiteur ; il doit par conséquent agir sur son patrimoine.
L’action du créancier contre le débiteur nécessite une mise en demeure préalable ainsi qu’un titre
exécutoire.
Le créancier dispose d’un droit de gage général sur les biens du débiteur : tous les biens du
débiteur garantissent toutes ses dettes (art. 2092 et 2093, C. civ.).
Le créancier peut pratiquer toute mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits
(art. 1er, loi 9 juillet 1991).
Le créancier peut également avoir recours à des mesures d’exécution :
– l’exécution forcée directe :
• obligation de payer une somme d’argent : saisie et vente forcée des biens du débiteur (saisie-
vente de biens meubles corporels, saisie immobilière...),
• obligations autres que de sommes d’argent : « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se
résout en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur » (art. 1142,
C. civ.) ;
– l’exécution forcée indirecte : l’astreinte consiste à condamner le débiteur à payer une somme
d’argent par jour/semaine/mois de retard dans l’exécution de l’obligation.
142 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
– les propositions formulées par l’Académie des sciences morales et politiques dans le cadre du
groupe constitué sous l’égide du professeur François Terré (TERRÉ (F.) (sous la direction de),
Pour une réforme du droit des contrats, Dalloz, « Coll. « Thèmes et commentaires », 2008) ;
– les observations émises par les différents acteurs économiques et judiciaires à l’occasion de la
diffusion de ces travaux ;
– les projets d’harmonisation du droit européen et international des contrats (notamment Prin-
cipes du droit européen des contrats, sous la direction du Pr Lando et Code européen des
contrats, sous la direction du Pr Gandolfi) et le droit comparé ;
– enfin, « une grande partie du projet vise à consolider les acquis en consacrant à droit constant
dans le Code civil des solutions dégagées depuis plusieurs années par la jurisprudence, et
connues par les praticiens ».
2 Le contenu de la réforme
L’article 3 du projet de loi vise à mettre en œuvre la réforme du droit des obligations portant sur le
droit des contrats, les quasi-contrats, le régime et la preuve des obligations. Il vise à la « modifica-
tion de la structure et du contenu du livre III du Code civil afin de moderniser, de simplifier, d’amé-
liorer la lisibilité, de renforcer l’accessibilité du droit commun des contrats, du régime des obliga-
tions et du droit de la preuve, de garantir la sécurité juridique et l’efficacité de la norme ». Il est
découpé en 13 parties.
Article 3-1o : « Affirmer les principes généraux du droit des contrats tels que la bonne foi
et la liberté contractuelle ; énumérer et définir les principales catégories de contrats ;
préciser les règles relatives au processus de conclusion du contrat, y compris conclu par
voie électronique, afin de clarifier les dispositions applicables en matière de négociation,
d’offre et d’acceptation de contrat, notamment s’agissant de sa date et du lieu de sa
formation, de promesse de contrat et de pacte de préférence ».
CHAPITRE 20 – Le projet de réforme du droit des obligations 145
Le Gouvernement souhaite compléter et moderniser les dispositions contenues dans les arti-
cles 1101 à 1107 du Code civil avec un double objectif :
– inclure dans ces articles les principes directeurs et définitions qui gouvernent le droit des
contrats, notamment :
• la liberté contractuelle et ses limites,
• la bonne foi ;
– préciser les règles relatives à la formation du contrat c’est-à-dire à l’offre et à l’acceptation du
contrat, qui ne sont pas pour l’instant codifiées, notamment les règles relatives :
• aux négociations précontractuelles, à la promesse de contrat et au pacte de préférence,
• à la conclusion du contrat par voie électronique,
• à la date et le lieu de formation du contrat.
Article 3-2o : « Simplifier les règles applicables aux conditions de validité du contrat, qui
comprennent celles relatives au consentement, à la capacité, à la représentation et au
contenu du contrat, en consacrant en particulier le devoir d’information, la notion de
clause abusive et en introduisant des dispositions permettant de sanctionner le comporte-
ment d’une partie qui abuse de la situation de faiblesse de l’autre ».
Les règles relatives à la validité du contrat seront simplifiées et modernisées. Les conditions de la
validité du contrat seront limitées à 3 :
– le consentement des parties ;
– la capacité des parties ;
– l’existence d’un contenu licite.
La cause ne sera donc plus une condition de validité du contrat mais « les différentes fonctions régu-
latrices ou correctrices jusqu’à présent assignées à cette notion par la jurisprudence » seront précisées.
Le Code sera complété par des dispositions relatives :
– au devoir d’information précontractuel ;
– aux vices du consentement ;
– à la capacité ;
– à la représentation.
146 L’ESSENTIEL DU DROIT DES OBLIGATIONS
Suite à cet article introductif, le Code abordera les dispositions relatives au contenu du contrat
c’est-à-dire à sa licéité et à son objet. Seront notamment consacrées par le Code civil :
– « la possibilité, reconnue par la jurisprudence, de fixer de manière unilatérale le prix dans les
contrats cadre, les contrats à exécution successive et les contrats de prestation de services dont
la notion issue des différents textes européens » ;
– la possibilité de sanctionner le comportement d’une partie qui abuse de la situation de faiblesse
de l’autre ;
– la notion de clause abusive, qui ne figurait pas dans le Code civil jusque-là.
Article 3-4o : « Clarifier les règles relatives à la nullité et à la caducité, qui sanctionnent les
conditions de validité et de forme du contrat ».
Les sanctions applicables au non-respect des conditions de formation du contrat seront précisées,
notamment les règles relatives à la nullité et à la caducité du contrat.
Article 3-6o : « Préciser les règles relatives aux effets du contrat entre les parties et à
l’égard des tiers, en consacrant la possibilité pour celles-ci d’adapter leur contrat en cas
de changement imprévisible de circonstances ».
Le Gouvernement a pour objectif de regrouper et préciser les règles relatives aux effets du contrat
à l’égard des parties et à l’égard des tiers :
– l’effet obligatoire du contrat entre les parties sera rappelé ;
– la théorie de l’imprévision sera consacrée : il sera possible aux parties d’adapter le contrat en cas
de changement imprévisible des circonstances rendant l’exécution excessivement onéreuse pour
celle qui n’aurait pas accepté d’en assumer le risque.
CHAPITRE 20 – Le projet de réforme du droit des obligations 147
Article 3-10o : « Introduire un régime général des obligations et clarifier et moderniser ses
règles ; préciser en particulier celles relatives aux différentes modalités de l’obligation, en
distinguant les obligations conditionnelles, à terme, cumulatives, alternatives, facultatives,
solidaires et à prestation indivisible ; adapter les règles du paiement et expliciter les règles
applicables aux autres formes d’extinction de l’obligation résultant de la remise de dette,
de la compensation et de la confusion ».
– les textes applicables aux actions ouvertes au créancier, c’est-à-dire l’action oblique, l’action
paulienne et les actions directes en paiement prévues par la loi, seront modernisés ;
– les opérations aboutissant à une modification du rapport d’obligation seront encadrées ;
– la cession de dette et la cession de contrat seront consacrées par le Code civil.
Article 3-12o : « Clarifier et simplifier l’ensemble des règles applicables à la preuve des obli-
gations ; en conséquence, énoncer d’abord celles relatives à la charge de la preuve, aux
présomptions légales, à l’autorité de chose jugée, aux conventions sur la preuve et à
l’admission de la preuve ; préciser ensuite les conditions d’admissibilité des modes de
preuve des faits et des actes juridiques ; détailler enfin les régimes applicables aux diffé-
rents modes de preuve ».
Un titre consacré à la preuve des obligations sera créé afin d’en simplifier les règles :
– tout d’abord, seront rappelées les dispositions générales relatives notamment à la charge de la
preuve, aux présomptions légales, à l’autorité de chose jugée, aux conventions sur la preuve et
à l’admission de la preuve ;
– seront ensuite précisées les conditions d’admissibilité des modes de preuve des faits et des actes
juridiques ;
– enfin, les régimes applicables aux différents modes de preuve seront détaillés.
3 Le calendrier de la réforme
Dans un premier temps, ce projet de loi va faire l’objet d’une discussion devant le Parlement de
manière classique, avec examen par le Sénat et par l’Assemblée nationale.
L’article 16 du projet prévoit ensuite des conditions de délais pour la réalisation de la réforme du
droit des contrats :
– à compter de l’adoption du projet de loi, le Gouvernement disposera d’un délai de 12 mois pour
prendre les ordonnances relatives au droit des contrats ;
– un projet de loi de ratification devra ensuite être déposé devant le Parlement dans un délai de
6 mois. Cette loi de ratification donnera la force d’une loi aux ordonnances qui n’auraient dans
le cas contraire qu’une valeur réglementaire.
CHAPITRE 20 – Le projet de réforme du droit des obligations 149
Projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les
domaines de la justice et des affaires intérieures : consulter le dossier législatif sur http://www.
senat.fr/dossier-legislatif/pjl13-175.html
Vous retrouverez régulièrement les étapes de la réforme sur le blog de l’auteur
(http://pagesdedroit.blogspot.fr) et sur sa page Facebook (L’auteur Corinne
Renault-Brahinsky).
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L’auteur
Corinne Renault-Brahinsky est Docteur en droit et auteur de nombreux livres de droit à
destination des étudiants en droit (licence et master). Retrouvez la sur son blog : http://
pagesdedroit.blogspot.com ou sur Facebook (L’auteur Corinne Renault-Brahinsky).
Prix : 13,50 €
ISBN 978-2-297-04773-9