Sunteți pe pagina 1din 11

La "Theatralität", modèle de l'action sociale et culturelle

Author(s): Hanna Klimpe


Source: Tumultes , mai 2014, No. 42, Les politiques du praticable: Scénographies publiques
et chorégraphies politiques (mai 2014), pp. 31-40
Published by: Éditions Kimé; L'Harmattan; Sonia Dayan-Herzbrun

Stable URL: http://www.jstor.com/stable/24599799

JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide
range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and
facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org.

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at
https://about.jstor.org/terms

L'Harmattan , , and are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to
Tumultes

This content downloaded from


200.14.96.56 on Thu, 06 Aug 2020 01:56:00 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
TUMULTES, numéro 42, 2014

La Theatralität, modèle de l'action sociale et


culturelle

Hanna Klimpe
Université de Hambourg / Université Paris Diderot — Paris 7

La classification de la société en spectateurs et acteurs


s'observant mutuellement avait déjà été retenue par Rousseau comme
paradigme des sociétés modernes^. Esquissée au dix-huitième siècle,
la laïcisation de la métaphore du theatrum mundi en analogie entre
culture, société et theatre n'est devenue une notion clé des
Kulturwissenschaften qu'à partir de 1996, grâce au projet de la
Deutsche Forschungsgesellschaft dirigé par Erika Fischer-Lichte et
intitulé Theatralität. Dans un discours interdisciplinaire, le modèle du
théâtre est utilisé comme modèle de la perception et de l'action
culturelle. L'homme, anthropologiquement conçu comme jouant des
rôles, essaie de transformer sa réalité : la réalité culturelle est ainsi
conçue comme réalité théâtrale.

Partant des études théâtrales, les recherches sur la Theatralität


mettent en évidence le fait qu'il y a, entre théâtre et vie sociale, des
analogies complexes qui se démarquent du simple transfert de la
notion de rôle a l'action sociale dans la théorie du rôle sociologique
des années 1960. Cette dernière est fortement influencée par la théorie
de l'intersubjeçtivité de Sartre, notamment le concept de regard
d'autrui de L'Être et le Néant, où le jeu de rôle est conçu comme

1. Voir Johannes Friedrich Lehmann, « Der Zuschauer als Paradigma der Moderne.
Überlegungen zum Theater als Medium der Beobachtung », in Christopher Balme,
Erika Fischer-Lichte, Stephan Grätzel (éd.), Theater als Paradigma der Moderne ?,
Tübingen, Francke, 2003, pp. 155-166.

This content downloaded from


200.14.96.56 on Thu, 06 Aug 2020 01:56:00 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
32 La Theatralität, modèle de l'action sociale et culturelle

l'expression d'une relation fondamentalement hostile entre le s


les autres et d'une relation aliénée entre le sujet et le monde.

Qu'est-ce que la Theatralität ?


Dans son article fondamental « Theatralität als kulturelles
Modell», E.Fischer-Lichte définit la Theatralität comme modèle
culturel : « Une situation est perçue comme réalité (théâtre) quand un
acteur présente ou exhibe, dans un endroit souvent spécialement
arrangé et à un moment particulier, lui-même, quelqu'un d'autre ou
quelque chose devant le regard des autres (spectateurs). En ce sens
là, la réalité culturelle se présente par principe comme réalité
théâtrale (...). Nous parlons de la Theatralität quand une mise en
scène de la corporéité, effectuée au regard d'une perception
spécifique, parvient à sa représentation2. »
L'idée de la Theatralität comme « modélisation exemplaire de
l'imbrication des processus de représentation, de mise en scène,
d'incorporation et de perception3 » est appliquée aux processus
sociaux. Les processus d'action et de perception dans la vie sociale
sont décrits dans le champ lexical du théâtre et mis en contexte avec
les processus d'action et de perception au théâtre. Ce champ lexical se
compose surtout des notions de « représentation, mise en scène,
acteur/interprète, corporéité, corps, image du corps, rôle, masque, jeu,
spectacle, scène, spectateur/observateur, perception4 ».
Il y a, toujours selon E. Fischer-Lichte, quatre processus
principaux qui circonscrivent la Theatralität : la « performance »,
définie comme « le processus d'une représentation par le corps et la
voix», la «mise en scène» comme «le mode spécifique de
l'utilisation des signes dans la production », la « corporéité » comme
« la représentation du matériel » et la « perception » comme « la
fonction et la perspective observatoire du spectateur5 ».
La notion de Theatralität désigne, d'un côté, « la somme de tous
les systèmes de matériaux et de signes qui sont utilisés dans une
représentation et qui la caractérisent comme représentation

2. Erika Fischer-Lichte, « Theatralität als kulturelles Modell», in Erika Fischer


Lichte, Theatralität als Modell in den Kulturwissenschaften, Tübingen, Francke,
2004, pp. 7-27.
3. Doris Kolesch, « Rollen, Rituale und Inszenierungen », in Friedrich Jaeger, Jürgen
Straub (éd.), Handbuch der Kulturwissenschaften (vol. 2): Paradigmen und
Disziplinen, Stuttgart, Metzler, 2004, (pp. 277-292) p. 286.
4. E. Fischer-Lichte, « Theatralität und Inszenierung », in E. Fischer-Lichte, Isabel
Pflug (éd.), Inszenierung von Authentizität, Tübingen/Basel, Francke, 2000, (pp. 9-30)
p. 14.
5. Ibid., p. 20.

This content downloaded from


200.14.96.56 on Thu, 06 Aug 2020 01:56:00 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
Hanna Klimpe 33

théâtrale6 » : la notion se réfère donc au théâtre même. Mais elle


désigne également le concept de theatral'nost (théâtralité) utilisé en
1908 par le metteur en scène et théoricien russe Nikolai Evreinov.
Evreinov défend l'hypothèse de la « loi universelle de la
transformation créative du monde tel que nous le percevons7 ». Ces
deux applications de la notion de Theatralität sont, selon Fischer
Lichte, liées l'une à l'autre : la Theatralität est définie « en se référant
aux facteurs qui ont toujours été pertinents dans l'histoire de la
culture, comme la perception, l'utilisation du corps et la production
des significations. Les termes qui définissent la Theatralität créent, par
le biais de ces facteurs, une relation implicite entre le théâtre et des
processus théâtraux en dehors du théâtre8 ». Si cette idée de la
Theatralität comme « élément de discours interdisciplinaire9 » s'est
largement établie dans le discours universitaire germanophone, il faut
néanmoins souligner le fait que la notion a été définie et utilisée
autrement par d'autres chercheurs. Münz, par exemple, souligne que
« l'unique définition de la Theatralität comme catégorie scientifique
n'existe pas10». La Theatralität l'intéresse également comme
expression de la « mise en contexte du jeu comme art et du jeu de la
vie11 », mais il met l'accent sur les differences entre théâtre et théâtre
de vie plutôt que sur la transformation universelle postulée par
Evreinov.

Soulignons que l'utilisation de la notion de theatricality ou de


théâtralité dans le discours anglophone et francophone diffère le plus
souvent de l'idée d'un modèle culturel. Pour le sociologue de théâtre
Jean Duvignaud, la théâtralité décrit les « composantes de l'acte
théâtral12 » qui représentent « le lien tant cherché entre l'esthétique et
la vie sociale, la création artistique et la trame de l'existence
collective13 ». La théoricienne du théâtre Josette Féral désigne par ce
terme une structure spatiale, un « espace autre14 », créé par le regard
du spectateur qui, lui, reste toujours en dehors de cet espace15. Et
Roland Barthes définit comme théâtralité les impressions sensorielles
non-textuelles au théâtre : « Qu'est-ce que la théâtralité ? C'est le

6 Ibid., p. 18.
7. Ibid.
8. Ibid., p. 19.
9. Helmar Schramm, « Theatralität », in Karlheinz Barck (éd.), Ästhetische
Grundbegriffe, vol. 2, Stuttgart, Metzler, 2001, (pp. 48-73) p. 48.
10. Rudolf Münz, Theatralität und Theater, Berlin, Schwarzkopf & Schwarzkopf,
1998, p.87.
11.Ibid.
12. Jean Duvignaud, Sociologie du théâtre, Paris, P.U.F., 1965, p. 28.
13. Ibid., p. 3.
14. Josette Féral, « La Théâtralité. Recherche sur la spécificité du langage théâtral »,
in Poétique, 19 (75), 1988, (pp. 347-361) p. 350.
15.Ibid.

This content downloaded from


200.14.96.56 on Thu, 06 Aug 2020 01:56:00 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
34 La Theatralitât, modèle de l'action sociale et culturelle

théâtre moins le texte (16...) » Comme ces trois exemples le mo


le terme est utilisé de manière très hétérogène dans le di
universitaire français qui, la plupart du temps, se réfère seulem
théâtre lui-même. C'est la raison pour laquelle le modèle
kulturwissenschaftlich est décrit dans cet article au moyen du terme
allemand Theatralität.

Au contraire, l'utilisation du terme theatricality est souvent plus

Eichte
rochefait
du référence,
concept de la
Theatralität. Elizabeth
définit comme Burns,deà perception17
un « mode laquelle Fischer
» :
qu'une situation soit considérée comme théâtrale ou non est une
question de perspective18. Pour le théoricien du théâtre Willmar
Sauter, le concept de theatricality caractérisant le théâtre comme art et
comme phénomene culturel19, il y a également analogie entre théâtre
et vie sociale.

La relation entre le modèle de la Theatralität et la métaphore du


théâtre, analogie historiquement et heuristiquement très chargée, varie
dans les recherches sur la Theatralität. Dans les premiers écrits, la
démarcation entre le modèle de la Theatralität et la métaphore du
théâtre, surtout dans le sens religieux du theatrum mundi baroque, est
explicitement soulignée20. Dans les écrits récents, la démarcation
stricte entre le modèle de la Theatralität et la métaphore du théâtre est
abolie : «Le point faible présumé — l'ambiguïté des termes utilisés
qui oscillent entre métaphore et définition analytique — peut
également être interprété comme la puissance et la productivité d'un
maniement réflexif de ces termes. Il ne fait pas de doute que les
théories mentionnées [le débat autour de la Theatralität] reconnaissent
et reflètent la valeur heuristique de la métaphore du rôle et du théâtre
et produisent des connaissances précieuses pour la compréhension de
la subjectivité, tout en contournant systématiquement la clarté exigée
théoriquement au profit d'une polyvalence ambivalente2^. »
C'est que « la perspective théâtrale observe ses objets d'un
point de vue caractérisé par une disparité relative et une distance
moyenne (avec Nietzsche, on pourrait parler d'une position

16. Roland Barthes, « Le théâtre de Baudelaire », in Essais critiques, Paris, Éditions


du Seuil, 1964, (pp. 41-47) p. 41,
17. Elizabeth Burns, Theatricality: A Study of Convention in the Theatre and in
Social Life, London, Longman, 1972, p. 13.
18. Erika Fischer-Lichte, « Theatralität und Inszenierung », op. cit., p. 19.
19. Willmar Sauter, The Theatrical Event : Dynamics of Performance and Perception,
Iowa University Press, 2000, p. 50.
20. Voir Erika Fischer-Lichte, « Theatralität als Modell », op. cit., p. 8.
21. Doris Kolesch, «Die Geburt des modernen Subjekts auf dem Theater», in
Kreuder Friedemann, Michael Bachmann, Julia Pfahl, Dorothea Volz (éd.), Theater
und Subjektkonstitution. Theatrale Praktiken zwischen Affirmation und Subversion,
Bielefeld, transcript Verlag, 2012, (pp. 21-39) p. 26.

This content downloaded from


200.14.96.56 on Thu, 06 Aug 2020 01:56:00 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
Hanna Klimpe 35

d'observation "à mi-


que « les aspects et les
sont de part en part
Theatralität « n'est pa
réalité ou une dimen
époque24 » : la Theatr
conçue comme un m
concept de rôle, de m
historique.

Le double corps dans la Theatralität


La transformation du monde perçu, telle que la décrit Evreinov,
s'effectue dans le modèle de la Theatralität par la production de sens
selon des principes sémiotiques : Fischer-Licnte prend sa Semiotik des
Theaters (sémiotique du théâtre), développée au regard du théâtre
même, pour base de sa conception de la Theatralität comme
« catégorie sémiotique25 ». En ce sens-là, la Theatralität est conçue
comme un « mode d'utilisation des signes par les producteurs et les
récepteurs. Ce mode transforme, par les principes de la mobilité et de
la polyfonctionnalité, le corps humain et les objets de son
environnement en signes théâtraux26». Sur la scène théâtrale, une
chaise peut donc représenter une chaise, mais également une
montagne ou un parapluie — selon la signification que l'acteur lui
donne27. Si ces nouvelles significations peuvent également être
transférées à un autre corps ou un autre objet (mobilité), l'acteur peut
en outre donner des significations multiples à un corps ou un objet
(polyfonctionnalité). E. Fischer-Lichte souligne que la production du
sens ne peut que s'effectuer dans des contextes intersubjectifs. Chaque
signification constituée par l'acteur doit être « "signifiante" pour lui et
pour les autres28 » : ce n'est que dans la discussion et la négociation
avec les spectateurs, qui doivent reconnaître les nouvelles
significations comme une interprétation commune de la réalité
donnée, que ces significations peuvent obtenir le statut d'un nouveau

22. Herbert Willems, « Inszenierungsgesellschaft ? Zum Theater als Modell, zur


Theatralität von Praxis », in Martin Jurga, Herbert Willems (éd.),
Inszenierungsgesellschaft. Ein einführendes Handbuch, Opladen/Wiesbaden,
Westdeutscher Verlag, 1998, (pp. 23-79) p. 25.
23. Ibid., p. 51.
24. Ibid., p. 52.
25. Erika Fischer-Lichte, « Theatralität und Inszenierung »,op. cit., p. 19.
26. Ibid.
27. E. Fischer-Lichte, Semiotik des Theaters I. Das System der theatralischen
Zeichen, Tübingen, Narr, 1994, p. 183.
28. Ibid., p. 8.

This content downloaded from


200.14.96.56 on Thu, 06 Aug 2020 01:56:00 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
36 Im Theatralität, modèle de l'action sociale et culturelle

sens du monde réel. La constitution de la réalité est le but central de la


production du sens théâtral et de l'action théâtrale : « 1'incorporation
et la constitution d'une présence de quelque chose fait partie
intégrante des processus théatraux et des mises en scène29 ».
C'est avant tout la notion d'incorporation qui joue un rôle très
important dans la Theatralität. L'incorporation ouvre un champ
méthodique « où le corps phénoménal, l'être-dans-le-monde corporel
de l'homme est la condition incontournable de possibilité de toute
production culturelle30 ». Cette idée du corps comme sujet et
condition de toute culture a été initiée par l'anthropologue Thomas
J. Csordas, pour qui le corps est « existential ground of culture31 ». Le
corps est, dans la Theatralität, la base de toute action théâtrale :
«• Dans l'interaction immédiate, les corps ne sont pas seulement
présents et présentés dans leur matérialité, mais ils sont également
forcés et forçant d'agir et d'omettre de manière permanente et
spécifique, du fait de la double impossibilité de ne pas interpréter en
percevant d'un côté, et de ne pas se comporter corporellement de
l'autre32. »

Une autre spécificité du corps dans la Iheatralitat est son


double caractère de « corps sémiotique » et de « corps phénoménal ».
Cette différenciation se modèle sur la conception du corps chez
Merleau-Ponty33 : « D'une part, le corps apparaît toujours comme
une construction produite par la mise en scène, la performance
spécifique (c'est-à-dire des gestes codifiés) et la sémiotisation. [...]
D'autre part, c'est toujours — sinon d'abord — le corps phénoménal
qui revient sur le devant de la scène dans les représentations
immédiatement vécues. Le corps phénoménal, c'est le corps comme
chair, comme variable vitale, énergétique, autodynamique, qui se
présente et qui produit des effets [34...] »

29. Christian Horn, « Verhandlung von Macht durch Inszenierung und


Repräsentation », in E. Fischer-Lichte (éd.), Diskurse des Theatralen, Tübingen,
Francke, 2005, (pp. 151-170) p. 162.
30. Erika Fischer-Lichte, « Verkörperung/Embodiment. Zum Wandel einer alten
theaterwissenschaftlichen in eine neue kulturwissenschaftliche Kategorie », in Erika
Fischer-Lichte, Christian Horn, Matthias Warstat (éd.), Verkörperung, Tübingen,
Francke, 2001, (pp. 11-28) p. 20.
31. Thomas J. Csordas, « Embodiment as a Paradigm for Anthropology », Ethos, 18,
mars 1990, (pp. 5-47) p. 5.
32. Herbert Willems, « Inszenierungsgesellschaft ? Zum Theater als Modell, zur
Theatralität von Praxis », op. cit., p. 48.
33. Voir aussi Gabriele Klein, « Körper und Theatralität », in E. Fischer-Lichte (éd.),
Diskurse des Theatralen, op. cit., pp. 36-37.
34. E. Fischer-Lichte, « Diskurse des Theatralen », in E. Fischer-Lichte (éd.),
Diskurse des Theatralen, op. cit., p. 12.

This content downloaded from


200.14.96.56 on Thu, 06 Aug 2020 01:56:00 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
Hanna Klimpe 37

Chaque acteur a un
produite avec les moy
pas donnée simplem
spécifique dans les se
perception35. »En m
corps humain n'est
facultative36 », puisq
au corps phénoménal
sont inséparablemen
phénoménal peut exi
pas possible37. »
La notion d'incorp
processus qui sont ceu
dehors du théâtre, es
sémiotique et le corps
les processus corpore
chaque fois de nouve
des significations spé
une tension entre la r
dans-le-monde phénoménologique que l'on peut observer chez
l'acteur au théâtre autant que dans la vie sociale : « Dans les mises en
scène du théâtre se montre une tension dans laquelle le corps humain
se retrouve toujours : la tension entre l'être-dans-le-monde corporel
et la représentation. Sur la scène, le corps produit des signes en étant
un signe à la fois ; il est un corps-signifiant, un corps sémiotique. En
même temps, il ne se dissout jamais dans sa fonction de signe39. »
Dans sa fonction double, le corps représente la relation incontournable
de l'acteur avec le monde dans toute action de rôle.

35. Ibid., p. 13.


36. Ibid. Voir aussi H. Willems, « Inszenierungsgesellschaft ? Zum Theater als
Modell, zur Theatralität von Praxis », op. cit., p. 49.
37. E. Fischer-Lichte, «Theatralität als Modell», op.cit., p. 20 ; voir également
« Diskurse des Theatralen », p. 14.
38. « Theatralität als Modell », ibid.
39. E. Fischer-Lichte, Theater im Prozess der Zivilisation, Tübingen, Francke, 2000,
p. 11. Soulignons le fait que Csordas pointe les difficultés de cette relation
réciproquement sémiotique et phénoménologique : « The distinction between
representation and being-in-the-world is methodologically critical, for it is the
difference between understanding culture in terms of objectified abstraction and
existential immediacy. Representation is fundamentally nominal, and hence we can
speak of "a representation". Being-in-the-world is fundamentally conditional, and
hence we must speak of "existence" and "lived experience". In general terms, the
distinction between representation and being-in-the-world corresponds to that
between the disciplines of semiotics and phenomenology. ». T.J. Csordas,
« Introduction : the body as representation and being-in-the-world », in T. J. Csordas
(éd.), Embodiment and Experience. The Existential Ground of Culture and Self,
Cambridge, University Press, 1996, (pp. 1-26) p. 10.

This content downloaded from


200.14.96.56 on Thu, 06 Aug 2020 01:56:00 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
38 La Theatralität, modèle de l'action sociale et culturelle

Pour une conception plus différenciée du jeu de rôle so


Les écrits de la Theatralität se réfèrent, dans leur concepti
rôle, au sociologue Erving Goffman et au sociologue et
anthropologue-philosophe Helmuth Plessner40. Goffman a esquissé un
concept de rôle beaucoup moins répressif et aliénant que la majeure
partie des théoriciens du rôle dans les années 1960, dont T. Parsons ou
R. G. Dahrendorf.

Le rôle social tel que le définit Goffman est relativement


ouvert, c'est un « modèle d'action » qui peut intégrer des marges
d'action assez larges : « Le modèle d'action qui s'accomplit pendant
une représentation et peut également être présenté à une autre
occasion peut être appelé « rôle41 » (part). » Le concept de rôle, ici,
n'est pas seulement déterminé par la norme sociale, mais aussi par la
mise en scène de soi-même, qui est conçue comme à la fois
individuelle et corporelle. Le jeu de rôle comme « influence
réciproque des individus sur leurs actions par leur présence physique
immédiate42 » est motivé conjointement par des obligations sociales et
des intérêts personnels. Les acteurs influencent les spectateurs au
même degré que les spectateurs influencent les acteurs, les uns n'étant
pas les victimes des autres. Le but du jeu de rôle, c'est l'intégration
dans la vie sociale de sorte que les normes sociales soient réalisées
autant que les désirs personnels. Cependant, Goffman garde toujours
la dichotomie fondamentale entre l'individu et la société.

40. On trouve des références à E. Goffman notamment chez H. Willems


(« Inszenierungsgesellschaft ? Zum Theater als Modell, zur Theatralität von Prax
op. cit., p. 23 et « Zur Soziologie sozialer Anlässe : Struktur, Performativität
Identitätsrelevanz von Events», in E.Fischer-Lichte, Christian Horn, Sandra
Umathum, Matthias Warstat (éd.), Performativität und Ereignis, Tübingen, Francke,
2003, (pp. 83-98) p. 84) et Constanze Bausch («Die Inszenierung des Sozialen.
Goffman und das Performative », in Christoph Wulf, Michael Göhlich, Jörg Zirfas
(éd.), Grundlagen des Performativen : eine Einführung in die Zusammenhänge von
Sprache, Macht und Handeln, Weinheim, Juventa, 2001, (pp. 203-225) p. 203) ; à
H. Plessner chez Hans-Georg Soeffner (« Die Wirklichkeit der Theatralität », in E.
Fischer-Lichte (éd.), Theatralität als Modell in den Kulturwissenschaften, op. cit.,
(pp. 235-248) pp. 236 sq.), H. Willems (« Theatralität als (figurations-)soziologisches
Konzept: Von Fischer-Lichte über Goffman zu Elias und Bourdieu», in Herbert
Willems (éd.), Theatralisierung der Gesellschaft 1 : Soziologische Theorie und
Zeitdiagnose, Wiesbaden, VS Verlag, 2009, (pp. 75-110) p. 76), Stephan Grätzel
(« Theatralität als anthropologische Kategorie », in Christopher Balme, E. Fischer
Lichte, Stephan Grätzel (éd.), Theater als Paradigma der Moderne ?, Tübingen,
Francke, 2003, (pp. 33-48) p. 36) et E. Fischer-Lichte (« Theatralität als Modell »,
op. cit., p. 19).
41. E. Goffman, Wir alle spielen Theater : Die Selbstdarstellung im Alltag, München,
Piper, 2011, p. 18.
42. Ibid.

This content downloaded from


200.14.96.56 on Thu, 06 Aug 2020 01:56:00 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
Hanna Klimpe 39

La marge de manœ
également soulignée
défend l'hypothèse q
fondamentale de rep
contrainte qui va de p
On voit souvent chez Plessner l'influence directe de Goffman44. La
notion de rôle chez Plessner se base sur le concept de « positionnalité
excentrique », développé en 1928 dans Die Stufen des Organischen
und der Mensch (Les degrés de l'organique et l'homme). La
positionnalité excentrique décrit la capacité de l'homme à s'observer
lui-même et à se comporter par rapport à cette observation de lui
même. Dans un autre écrit, il lie le concept de positionnalité
excentrique à la notion de rôle : « Cet être-présent-à-soi-même est la
brisure, le "lieu" d'une possible discrimination-de-soi-même, qui
assigne l'homme, par l'obligation de faire un choix et par le pouvoir
de ses capacités, à une manière spéciale d'être, qu'on a appelée
excentrique45.» L'homme manie cette brisure «par le jeu46», qui
n'est pas une aliénation de lui-même, mais un point de départ pour la
possibilité d'un épanouissement personnel : « L'existence humaine se
rend [dans l'acteur] transparente jusqu'à son fond, en se créant elle
même dans la transformation47. » Le rôle social est également conçu
comme une possibilité de se créer soi-même : « C'est seulement par le
redoublement dans un rôle vécu que l'homme devient lui-même. Tout
ce qu'il ressent comme son authenticité, également, n'est que le rôle
qu'il joue devant lui et devant les autres. [...] Il n'est que ce qu'il fait
de lui-même. Comme sa possibilité, il se donne sa propre essence par
le redoublement dans un rôle auquel il essaie de s'identifier48. »
Se démarquant de nombreux écrits sur la théorie du rôle,
Plessner ne défend pas l'hypothèse que le rôle aliène l'homme de lui
même : c'est seulement par le rôle que l'homme devient un homme
dont le corps est positionné dans le monde : « Partant de l'action
théâtrale, on conçoit la vie humaine comme l'incorporation d'un rôle
après une esquisse d'image plus ou moins définie [49...]. » Réalisant

43. Voir H. Willems, « Theatralität als (figurations-)soziologisches Konzept : Von


Fischer-Lichte über Goffman zu Elias und Bourdieu », op. cit., p. 76.
44. Voir D. Kolesch, « Die Geburt des modernen Subjekts auf dem Theater », op. cit.,
p. 285.
45. H. Plessner, « Zur Anthropologie des Schauspielers », in H. Plessner, Gesammelte
Schriften, vol. 7 : Ausdruck und menschliche Natur, Frankfurt, Suhrkamp, 1982,
(pp. 403-418) p. 417.
46. Ibid.
47. Ibid., p. 404.
48. H. Plessner, «Soziale Rolle und menschliche Natur», in Josef Derbolav,
Friedrich Nicolin (éd.), Erkenntnis und Verantwortung. Festschrift für Theodor Litt,
Düsseldorf, Schwann, 1960, pp. 105-115.
49. H. Plessner, « Zur Anthropologie des Schauspielers », op. cit., p. 414.

This content downloaded from


200.14.96.56 on Thu, 06 Aug 2020 01:56:00 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
40 La Theatralität, modèle de l'action sociale et culturelle

ce rôle, « l'homme prend, par excentricité, du recul par rappor


corps qui le lie à son environnement. Par là, il reconnaît le cara
transmis et indirect de sa relation au monde, qui est vécue d
immédiate50». Dans l'hypothèse d'une relation immédiate e
l'homme et le monde qui précède la mise à distance et le jeu
se montre une proximité entre Plessner et Merleau-Ponty,
souvent mentionnée dans la littérature secondaire les concernantsi.

La contextuahsation de la conception du corps de Merleau


Ponty avec les concepts de rôle de Gofrman et de Plessner dans les
écrits de la Theatralität permet d'envisager le théâtre comme modèle
de l'action culturelle et sociale sous une nouvelle perspective : le jeu
de rôle social, ici, n'est pas tant le signe de l'aliénation de l'individu
que l'expression d'une transformation créative du monde.

50. Felix Hammer, Die exzentrische Position des Menschen. Methode und
Grundlinien der philosophischen Anthropologie Helmuth Plessners, Bonn, Bouvier,
1967, p. 169.
51. Voir Silvia Stoller, Existenz - Differenz - Konstruktion : Phänomenologie der
Geschlechtlichkeit bei Beauvoir, Irigaray und Butler, München, Fink, 2010, p. 110,
Gerhard Danzer, Merleau-Ponty : Ein Philosoph auf der Suche nach Sinn, Berlin,
Kadmos, 2003, p. 132 et la préface de Bernhard Waldenfels à sa traduction de la
Phénoménologie de la perception de Merleau-Ponty : « Vorrede des Übersetzers », in
Maurice Merleau-Ponty, Phänomenologie der Wahrnehmung, Berlin, De Gruyter,
1974, (pp. V-XX) p. XV.

This content downloaded from


200.14.96.56 on Thu, 06 Aug 2020 01:56:00 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms

S-ar putea să vă placă și