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L’enfant dyspraxique

et les apprentissages
Coordonner les actions
thérapeutiques et scolaires
Chez le même éditeur

Du même auteur :
Conduite du bilan neuropsychologique de l’enfant, par M. Mazeau. 2e édition.
2008, 304 pages.
Neuropsychologie et troubles des apprentissages, par M. Mazeau. 2005, 320 pages.

Dans la même collection :


Neuropsychologie de la sclérose en plaques, par Gilles Defer, Bruno Bréchet, Jean Pelletier.
2010, 208 pages.
Handicap mental : approche transdisciplinaire – somatique, psychiatrique, psychopédagogique,
par Claude-André Dessibourg. 2009, 232 pages.
Démarche clinique en neurologie du développement, par C. Amiel-Tison, J. Gosselin. 2e édition,
2008, 256 pages.
Neuropsychologie du vieillissement normal et pathologique, par K. Dujardin, P. Lemaire, 2008,
256 pages.
Neurologie du comportement, par A. Schnider. 2008, 272 pages.
Conduite du bilan neuropsychologique chez l’enfant, par M. Mazeau. 2e édition, 2008, 304 pages.
Neuropsychologie de la maladie de Parkinson et des syndromes apparentés, par K. Dujardin,
L. Defebvre. 2e édition, 2007, 184 pages.
L’infirmité motrice d’origine cérébrale, par C. Amiel-Tison. 2e édition, 2005, 336 pages.

Autres ouvrages :
Rééduquer dyscalculie et dyspraxie. Méthode pratique pour l’enseignement des mathématiques,
par A. Crouail. Collection Orthophonie, 2009, 184 pages.
Atlas interactif de neuroanatomie clinique. Atlas photographique + CD-ROM interactif
Encéphalia, par L. Thines, F. Lemarchand, J.-P. Francke. 2008, 144 pages.
Pratique de l’EEG. Bases neurophysiologiques, prinicipes d’interprétation et de prescritpion,
par J. Vion-Dury et F. Blanquet. Collection Abrégés de Médecine. 2008, 224 pages.
Évaluation neurologique de la naissance à 6 ans, par J. Gosselin, C. Amiel-Tison. Éditions CHU
Sainte-Justine. 2e édition, 2007, 208 pages.
Les Nerfs crâniens, par D. Doyon, K. Marsot-Dupuch, J.-P. et al. Francke. 2e édition, 2006,
304 pages.
Neuropsychologie, par R. Gil. Collection Abrégés de Médecine. 4e édition, 2006, 432 pages.
Neurologie, par J. Cambier, M. Masson, H. Dehen. Collection Abrégés de médecine. 11e édition,
2004, 576 pages.
Neuropédiatrie, par G. Lyon, P. Evrard. 2000, 2e édition, 568 pages.
 

L’enfant dyspraxique
et les apprentissages
Coordonner les actions
thérapeutiques et scolaires

Michèle Mazeau
Claire le Lostec

Avec la participation de Sandrine Lirondière


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ISBN : 978-2-294-71022-3

Elsevier Masson SAS, 62, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex


www.elsevier-masson.fr
Remerciements
Ces quinze dernières années, j’ai été particulièrement influencée par la
fréquentation, à la fois professionnelle et amicale, de collègues qui, à leur
insu, participent grandement à ce livre :
Je dois en particulier beaucoup à Bruno Gaie, psychologue clinicien et psy-
chothérapeute, dont l’ouverture d’esprit et le respect profond qu’il mani-
feste à chacun – parent, enfant ou professionnel – ont permis entre nous
une collaboration d’une grande densité, qui a notablement influencé ma
pratique.
J’ai énormément appris de Florence Allaire, neuropsychologue, psychomo-
tricienne de formation première, qui m’a initiée, avec patience et indul-
gence, aux arcanes complexes qui mêlent l’espace, le temps, le corps, le
geste et l’esprit ; son éclairage, ses réflexions, son expérience se sont sou-
vent révélés irremplaçables.
Je voudrais aussi remercier Ghislaine Mauclert, non parce qu’elle est la
directrice du SESSD-Ladapt-Paris (elle l’est !), mais parce que, par sa
confiance et son dynamisme, elle m’a souvent poussée à réaliser des projets
qui, sans elle, seraient restés de simples velléités.
J’espère que ce livre ne les décevra pas…
Michèle Mazeau
Ce livre est bien sûr nourri de l’ensemble de nos échanges avec l’équipe de
LADAPT-Paris, et en particulier avec ces jeunes dyspraxiques qui, tout au
long de leur suivi, se sont investis à nos côtés avec confiance et persévé-
rance. Ce sont souvent eux qui nous ont montré la voie, par leurs réflexions,
leurs révoltes, leurs échecs ou leurs progrès, balayant ou confortant nos
intuitions et nos convictions.

« Malheureusement, trop souvent, les certitudes qui découlent de notre


schéma en stades sont si fortes que nous croyons savoir ce qu’un enfant
en difficulté peut faire compte tenu de ce qu’il ne peut pas faire.
D’où la propension à ne pas voir chez ces enfants les aptitudes
paradoxales que la clinique s’acharne pourtant à nous mettre
répétitivement sous les yeux. »
Laurent Danon-Boileau, Des enfants sans langage.
Avant-propos

Écrit au seuil de la retraite, ce livre constitue un essai de synthèse de mon


expérience professionnelle auprès des jeunes dyspraxiques, cherchant à
favoriser leur insertion scolaire et sociale, à alléger ce poids permanent que
constitue pour eux leur handicap caché.
En tant que médecin de rééducation et spécialiste en neuropsychologie
infantile, j’ai eu souvent le plaisir de voir ma parole (par le biais de publi-
cations, de formations, de réunions, de consultations) bien perçue par les
psychologues, les médecins et les rééducateurs, mais je mesure l’imperti-
nence qu’il y a à parler aussi de l’école dans cet ouvrage.
Combien de fois ai-je entendu : « seuls les enseignants ont une légitimité à
parler de pédagogie », ou bien « si cet enfant est malade ou handicapé, c’est
l’affaire de la médecine, pas celle de l’école » ou encore « quand Untel entre
dans ma classe, ce n’est plus un enfant handicapé, c’est un élève ».
Combien de fois ai-je rêvé que le jeune en question puisse enfin être à la
fois un enfant, handicapé par sa dyspraxie et un élève, tout comme il est à
la fois un fils, un frère, un copain. Combien de fois ai-je argumenté pour
qu’enseignants et neuropsychologues travaillent ensemble, partagent les
mêmes mots, les mêmes concepts, les mêmes formations, non pour qu’ils
fassent la même chose, mais afin qu’un langage commun puisse alimenter
un projet aux multiples facettes construit à plusieurs voix. Combien de fois
ai-je milité pour que l’on considère ces troubles des apprentissages comme
étant à l’intersection du médical et du pédagogique, du thérapeutique et du
scolaire, concernant aussi bien les uns que les autres qui, disposant de
savoirs et d’éclairages différents, doivent les assembler pour que de réelles
avancées puissent enfin se faire jour…
Heureusement, sur le terrain, à de nombreuses reprises, pour tel ou tel
enfant, dans telle ou telle classe « ordinaire » ou spécialisée, des collabora-
tions informelles, dévoreuses de temps et d’énergie mais riches et pro-
metteuses, ont pu se mettre en place. Ce sont ces personnes, dont beaucoup
sont restées anonymes dans mon souvenir (la maîtresse du petit U. qui
avait accepté, avec tant de chaleur et d’intelligence, le challenge d’appren-
dre à lire à ce jeune agnosique visuel ; la psychologue scolaire de telle école
qui, sur le terrain, avait permis mille petites choses qui ont changé la vie
de tel autre ; la directrice de telle école maternelle qui savait, avec telle-
ment de tact et de persuasion, rendre possible l’impossible, etc.), ce sont
elles qui m’ont appris, pas à pas, dans un compagnonnage exigeant, com-
ment il fallait tricoter ensemble rééducations, adaptations et scolarité, et
comment chaque fil pris isolément, si pertinent qu’il semble, ne traçait
que la route du désenchantement pour ces enfants pourtant intelligents si
motivés par les apprentissages et la scolarité, et pour leurs parents si
désemparés.

VII
Avant-propos

C’est pourquoi forte d’une expérience de terrain de près de trente-cinq ans


auprès d’enfants scolarisés et de multiples contacts avec les enseignants,
forte d’un travail en équipe au sein du SESSD de LADAPT-Paris qui m’a
permis de m’enrichir, comme par osmose, des réflexions des ergothéra-
peutes, de la psychomotricienne, des orthophonistes et du psychologue
clinicien, j’ai souhaité écrire, avec eux, comment, concrètement, au jour le
jour, on peut (on doit ?) prendre en compte à la fois le handicap et la néces-
sité des acquisitions scolaires chez ces enfants, mêlant sans distinction ce
qui relève à certains moments de la relation individuelle avec le rééduca-
teur et ce qui, à d’autres, relève de la situation scolaire.
Aussi ce livre ne pouvait se passer de l’expérience de terrain de rééduca-
teurs, véritables pivots entre thérapies individuelles et apprentissages sco-
laires. La participation de Claire Le Lostec et de Sandrine Lirondière
permet cet abord à la fois efficace et réaliste. Ergothérapeutes de forma-
tion, elles nous font bénéficier des enseignements accumulés au jour le
jour mais surtout du recul qu’elles ont acquis, leur permettant de juger, au
fil des ans, des stratégies véritablement les plus appropriées.
Cette écriture à trois reflète notre volonté de rester toujours au plus près du
quotidien, du concret, du tangible : en effet si, depuis une trentaine d’an-
nées, nous avons progressé rapidement dans la connaissance théorique de
ces pathologies, les dys-, il nous est apparu que les propositions à visée
thérapeutique restaient encore souvent bien tâtonnantes, inadaptées voire
même quelquefois nocives, tant il est vrai dans ce domaine que l’enfer,
pour ces jeunes dyspraxiques, peut être pavé de bonnes intentions, nour-
ries d’habitudes et de pseudo bon sens…
Aussi, ce livre n’est-il pas destiné (uniquement) aux rééducateurs : nous
savons maintenant que toutes les rééducations, éducations, remédiations
et adaptations du monde, aussi bien pensées et aussi bien mises en œuvre
soient-elles, sont inutiles si elles ne trouvent pas leur application natu-
relle à l’école, si l’enfant ne peut en retirer les bénéfices légitimement
attendus en termes de réussite scolaire et d’estime de soi. Alors, on le
leurre et on lui vole le temps de son enfance, déjà si compromise… Nous
souhaitons aussi que des médecins (pédiatres, neuropédiatres, médecins
de rééducation, pédopsychiatres), des psychologues cliniciens et des neu-
ropsychologues y trouvent matière à ancrer leurs savoirs dans le terreau
du quotidien.
Ce livre n’est pas non plus (spécifiquement) destiné aux enseignants : nous
n’avons en effet aucune légitimité particulière dans le domaine de la péda-
gogie, si ce n’est notre intérêt de longue date pour cette discipline qui recèle
des liens étroits avec « l’éducation thérapeutique » que voudrait bien être
toute rééducation chez le jeune enfant. Pourtant, nous espérons qu’il
pourra intéresser beaucoup de professionnels impliqués dans l’éducation
et les apprentissages chez ces enfants étonnants (les enseignants bien sûr,
et en particuliers les enseignants spécialisés, mais aussi les médecins et
psychologue scolaires, les éducateurs, les auxiliaires de vie scolaire, leurs
formateurs…).
Enfin, c’est un livre de rééducation.
Loin du prestige des livres savants – dont nous avons tant besoin pour
essayer de comprendre le fonctionnement intellectuel de ces jeunes – c’est

VIII
Avant-propos

un ouvrage pratique, concret, qui s’attache aux petits riens qui, au quoti-
dien, font ou défont leur vie, un livre qui s’intéresse aux multiples problè-
mes, banals et répétitifs, qui épuisent les journées.
En ce sens, des parents pourront aussi, espérons-nous, y trouver quelques
pistes pour soutenir leur enfant dans ses efforts pour apprendre et grandir,
en dépit de ses différences.
Michèle Mazeau

IX
Cahier couleur
Typographie
allégée

Paragraphes
isolés

Surlignage
alterné des
lignes

Présentation
verticale du
texte

Figure 3.2. Exemple d’adaptation pour la copie en classe.

Figure 4.1. Clavier caché.

III
Ce soir, monsieur Lapin a peur d'aller se coucher.

Il vient de lire dans son journal

Une nouvelle terrifiante ! LE LOUP


EST REVENU !

Figure 4.2. Adaptation du modèle en vue d’une tâche de copie.


De Pennart G. Le loup est revenu ! Kaléidoscope ; 1994.

Victor et la sorcière
Une histoire tapée par J.

Il était une fois un jeune lapin qui s’appelait Victor


Pet i tpois.
Un soir à dîner, il refusa de manger ses carottes.
« Quitte immédiatement la table ! » lui ordonna son
papa très en colère.

Figure 4.3. Exemple de mise en pages d’un texte.


Lecaye O. Victor et la sorcière. L’École des Loisirs ; 1989.

IV
Visuel

G
F
E
D
C
B
A

Verbal

Figure 5.1. Activations cérébrales observées durant l’inspection d’une image mentale
de structures tridimensionnelles.
Lorsque des sujets apprennent des structures géométriques complexes, les uns par mémorisation visuelle (les figures,
dessinées en 3D, leur sont présentées visuellement), les autres par description verbale, les zones cérébrales activées lors
de la récupération de l’image mentale (on demande ensuite aux sujets, par exemple, si D est plus haut que F ?) sont très
similaires, quoique subtilement différentes, dans les deux formes d’apprentissage.
Houdé O, Mazoyer B, Tzourio-Mazoyer N. Cerveau et psychologie. Paris : PUF ; 2002, 431 p.

V
mélanie, la petite souris
noire

il était une fois, une petite


souris appelée mélanie. la
petite souris habite dans un
potiron tout orange. elle
habite dans ce potiron avec
ses bébés lulu, fifi et nono
et son mari, mario.

elle est assise à côté de la


cheminée et elle tricote des
petites bottes de laine pour
a
ses bébés lulu, fifi et nono
Figure 6.1. Deux exemples de colorisation alternée des syllabes (a et b).

VI
Un séjour à la montagne

Les parents d e Rémi, Léa et Antoine possèdent un


coquet petit chalet à la montagne. lls y passent les
vacances d’hiver ainsi que le mois de juillet.

C’est surtout Antoine qui aime aller à la montagne. Léa


préfère la campagne et Rémi, la Bretagne.
Antoine est un excellent skieur. C’est pour cette raison
qu’il aime beaucoup les séjours à la montagne.
Justement, il va prochainement participer à une grande
compétition de ski appelée “L’alphabet des neiges”. II y
aura des skieurs de tous les niveaux.

Antoine s’est entraîné pendant toute la semaine.

Enfin, le jour de la compétition arrive. Antoine est très


excité et il a un peu peur. II espère gagner. Léa, Rémi,
papa et maman sont là pour l’encourager. IIs sont tous
très tendus. Antoine est tellement nerveux qu’il a attrapé
le hoquet.

Ca y est! C’est le tour d’Antoine! On entend le coup de


sifflet! Antoine s’élance! II doit faire un slalom. II franchit
une porte après l’autre avec succès! mais que se passe-
t-il ? Tous les spectateurs poussent un cri d’inquiétude.
A cinq mètres de la ligne d’arrivée, Antoine croise ses
skis et boum! patatras! il fait une chute très
impressionnante. II franchit néanmoins la ligne d’arrivée
et bravo! il a gagné la course.
b

VII
Figure 6.2. Colorisation alternée de lignes.
De Pennart G. Le loup est revenu ! Kaléidoscope.

VIII
Figure 7.2. Différents types de souris trackball.
a.  Kensington Trackball.
b.  Personaly I like track.
c.  This ergonomic.
d.  Trackball CIMIS.

IX
Propriétés
Points
Mesure
Lignes
Texte et symboles
Courbes
Attributs

Macros
Transformations
Constructions

Manipulation
Figure 7.3. Barre d’outils de Cabri II Plus®.

Figure 7.4. GeoGebra®, copie d’écran.

X
Barre de titre

Barre de menus

Barre d’outils

Barre d’attributs

Fenêtre texte
B

A Zone de travail

Sur ce cercle

Fenêtre d’aide

Barre d’état

Figure 7.5. Cabri II Plus® : copie d’écran.

Addition avec retenues Soustraction avec retenues

1
1253 9 12 1 7 5
+ + 946 − 14 19 9 2
2199 4 2 8 3

Division avec calcul intermédiaire Multiplication avec retenues


1

4 2

− 3 1

2 5 3

− x 2 8 6

− 1 5 1 8

2 0 2 4 0

− 5 0 6 0 0

7 2 3 5 8

Figure 7.8. Formulaire de pose d’opération (exemples).

XI
a b c
Figure 7.9. Les drapeaux, un problème d’analyse spatiale.
a. France ; b. Pays-Bas ; c. Ex-Yougoslavie.

Mer Méditerranée

Arabie
MAGHREB Égypte saoudite
Tropique
du Cancer
Soudan Mer Rouge

Équateur

Océan
Atlantique
Méridien de

Tropique
Greenwich

du
Capricorne Océan Indien

Figure 7.12. Leçon : Les cinq continents, chap. III : l’Afrique.


Objectif : Présentation du continent africain, situation, principaux reliefs.

Air riche
en O2
et pauvre
en CO2
O2
CO2

CO2

O2 O2
Sang pauvre O2
Sang riche O2
O2

CO2

CO2

Figure 7.13. Rôle des alvéoles pulmonaires.

XII
Tableau 7.7. Grille d’analyse de support pédagogique : texte pédagogique.
Titre de la leçon : texte descriptif.
Compétence(s) testée(s) ou à acquérir : compréhension d’un texte descriptif.
Nature du document : texte descriptif.
Compétences Difficultés Adaptations Commentaires
requises de l’enfant à prévoir
Compétences neurovisuelles X Travail seul : utiliser
Regard (organisation, stratégie, X (lecture) Favoriser retour vocal sur
repérage) la lecture ordinateur (texte
scanné ou numérique)
Perception (images, visages, signes
Avec adulte : lecture
conventionnels)
par l’adulte
Champs visuels
Autres
Compétences praxiques
Utilisation d’outils (gomme, ciseaux,
règle…)
Manipulations (jetons, activité
manuelle…)
Reproductions de gestes
Dessin, graphisme, coloriage
Compétences spatiales XXX Favoriser la Pas de compensation
Topologie (situer un item par rapport XXX représentation possible : changer
à d’autres) spatiale de livre ou dispenser
induite par le de questions
Orientation propre (obliques, flèches…) XXX texte de compréhension
Compétences organisationnelles XXX relatives à ces
passages
Cartable, trousse
Cahier de textes, classeur, photocopies
Emploi du temps, gestion des tâches
Ordinateur
Écriture
Rapidité
Lisibilité (nombre de lignes/nombre total)
Fatigabilité (nombre de lignes)
Code :
X Compétence Pas de difficulté dans ce domaine
peu sollicitée (= vert)
XX Compétence Quelques difficultés (= orange)
moyennement
sollicitée
XXX Compétence Nombreuses difficultés (= rouge)
très sollicitée
Domaine nécessitant une ou plusieurs
adaptation(s)

XIII
Tableau 7.8. Grille d’analyse de support pédagogique : schéma de SVT.
Titre de la leçon : l’alvéole pulmonaire.
Compétence(s) testée(s) ou à acquérir : comprendre et utiliser un schéma.
Nature du document : schéma.
Compétences Difficultés Adaptations Commentaires
requises de l’enfant à prévoir
Compétences neurovisuelles XX Exploration Soulager l’enfant du
Regard (organisation, stratégie, XXX du document schéma et lui décrire
repérage) par tierce ce qui est représenté
personne
Perception (images, visages, signes X
conventionnels)
Champs visuels
Autres
Compétences praxiques XX Dispense dès Dans ce cas, en fonction
que possible des objectifs
Utilisation d’outils (gomme, ciseaux, X pédagogiques, l’enfant
règle…) ne peut peut-être pas
être évalué
Manipulations (jetons, activité
manuelle…)
Reproductions de gestes
Dessin, graphisme, coloriage XXX Dispense
Compétences spatiales XXX Changer Proposer au jeune un
Topologie (situer un item par rapport XXX de support : texte comportant tous
à d’autres) texte les termes notionnels
explicatif de la leçon
Orientation propre (obliques, flèches…) XXX
Compétences organisationnelles
Cartable, trousse X
Cahier de textes, classeur, photocopies X
Emploi du temps, gestion des tâches
Ordinateur
Écriture
Rapidité
Lisibilité (nombre de lignes/nombre XXX Écrire à sa place
total) ou ordinateur
Fatigabilité (nombre de lignes)

XIV
Introduction Chapitre  1
« Ainsi, en France, l’enseignement public obligatoire vise à
construire un accès égal aux chances.
Si le résultat produit néanmoins une hiérarchie, la faute en
incomberait alors à l’individu responsable, ou encore à quelque
facteur environnemental susceptible d’entraver l’épanouissement
du potentiel humain.
Ce dernier, en revanche, serait le même pour toutes et tous, selon
cette croyance.
Mais partout, on se heurte à des situations gênantes pour la thèse
égalitaire (la taille, la force musculaire…).
C’est précisément parce que l’inégalité existe qu’il importe et urge
de construire une société juste. »
J.-C. Guédon1

Fonctionnement cérébral Comment ne pas d’abord interpréter ces diffi-


cultés étonnamment ciblées et variables,
comme un problème de motivation, de bonne
• « On me dit que mon fils ne peut pas orienter
volonté, d’application ? Comment ne pas immé-
ses yeux comme il convient, ce qui le gêne pour
diatement conclure de ces performances et
la lecture, mais lorsqu’il joue avec sa console de
contre-performances paradoxales que « quand
jeux vidéo, où pourtant les éléments défilent à
ils veulent, ils peuvent » ? Il serait d’ailleurs bien
toute vitesse, alors là, il n’est pas du tout gêné
sûr ridicule de vouloir nier – ou même minimi-
par ses yeux ! »
ser – le rôle de l’implication personnelle dans
• « Ma fille est en échec scolaire parce que, me l’échec ou le niveau de réussite à une tâche
disent les spécialistes, elle n’a pas une bonne donnée.
mémoire. Mais s’il s’agit de chansons de la Star
Mais, certains enfants, malgré leur bonne
Academy, de ses vacances ou des confidences de
volonté et leur application, ne peuvent pas, en
ses amies, sa mémoire est plus qu’excellente ! »
raison d’une organisation cérébrale atypique,
• « Quand il parle, mon enfant prononce très réaliser certaines tâches, alors que d’autres acti-
mal certains mots à tel point que souvent on vités, qui intuitivement paraissent proches – ou
ne comprend pas ce qu’il veut dire, mais même plus complexes – leur restent normale-
lorsqu’on lui fait répéter des mots, il les pro- ment accessibles. En effet, le fonctionnement
nonce alors très bien. » cérébral défie la logique supposée de l’expé-
• « Mon fils de 9 ans écrit très mal, ses cahiers rience quotidienne.
­ressemblent à des brouillons à peine lisibles ; on
me parle de dyspraxie. Pourtant, quand il s’ap- « Les études par imagerie cérébrale
plique et que je suis derrière lui à la maison, il est montrent qu’il existe de fait des modules
parfaitement capable de former ses lettres à peu spécialisés dans le cerveau (…). Elle a
près convenablement, en tout cas, bien mieux. » permis de détecter la différence entre
processus mentaux qui paraissent très
1 Guédon JC. Chroniques. La Recherche ; 2002. proches, comme celle qui existe entre

1
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

calculer le résultat exact d’une addition ou contraire, il nous faut très souvent accepter d’al-
l’estimer approximativement : deux zones ler résolument contre le sens commun si l’on
différentes du cerveau réalisent ces deux veut apporter quelque soulagement à ces
tâches. À l’inverse, elle montre les points enfants !
communs entre tâches qui semblent bien
Le fonctionnement cérébral foisonne d’illustra-
différentes. »
G. Chapelle2
tions qui discréditent beaucoup de tentatives
d’introspection conçues, à tort, comme une
possibilité d’approcher par soi-même, sans
La neuropsychologie est une branche de la connaissances spécialisées dans le domaine,
neurologie qui s’intéresse au fonctionnement notre propre fonctionnement intellectuel. En
intellectuel normal et pathologique, au dia- effet, l’essentiel de nos savoir-faire de base est
gnostic et à la rééducation des troubles des complètement automatisé et échappe tout à fait
fonctions « supérieures » (ou fonctions « cogni- à notre conscience. Ils sont donc hors de portée
tives » ), troubles secondaires à un dysfonction- de notre auto-analyse et la réalité est souvent
nement cérébral [1]. Ces troubles (du langage, très éloignée d’une description triviale des
de la mémoire, du geste, de l’espace, de la lec- ­phénomènes consciemment ressentis.
ture, etc.) peuvent survenir soit après une lésion
cérébrale très précoce (IMC3 ou tout autre Exemple
lésion cérébrale survenue durant la petite Lors de la lecture, nous croyons avoir la sen-
enfance), soit, le plus souvent, résulter d’une sation que nos yeux suivent régulièrement
atypie du développement cérébral de l’enfant chaque ligne de gauche à droite… Il n’en est
dans un secteur très focalisé de la cognition rien. Nos yeux effectuent une suite de
(troubles dits « développementaux »), générant minuscules sauts (ce dont nous n’avons
alors un trouble spécifique des apprentissages aucune conscience), les saccades. Les régula-
ou TSA (dyspraxie, dyslexie, dysphasie, dys- tions en amplitude, durée et direction des
calculie…), dont les répercussions scolaires saccades sont automatiquement ajustées
­peuvent être sévères chez ces enfants à l’intelli- par notre cerveau. C’est seulement durant
gence préservée. les brèves pauses entre deux sauts, les fixa-
tions, que nous saisissons les informations
Ces enfants, pour des raisons encore souvent visuelles qui font l’objet d’un traitement
inconnues, ne disposent donc pas, pour cérébral de type « lecture », que nous identi-
développer certaines de leurs fonctions fions et comprenons les mots écrits.
cognitives, du même répertoire de compé-
tences que les autres. Ils se trouvent alors en D’autres troubles cognitifs peuvent alimenter ce
butte à des difficultés, des échecs, des impos- propos. En effet, certaines pathologies défient
sibilités qu’ils ne comprennent pas et qui l’expérience commune [2-4], telles les agnosies
peuvent donner lieu, de la part des adultes visuelles. Nous avons tous la sensation, l’expé-
(parents, enseignants, soignants) à des inter- rience de ce que c’est que voir : on voit net ou on
prétations erronées qui ajoutent encore à la voit flou, ou on ne voit pas du tout. C’est vrai si
confusion de l’enfant. l’on ne considère que l’œil et les pathologies oph-
talmologiques. Mais on oublie souvent qu’il n’y
Ainsi, la neuropsychologie infantile nous ensei- aurait pas de vision sans le cerveau qui analyse,
gne que le « naturel » et le bon sens ne sont géné- décrypte, décode et reconnaît les stimuli impri-
ralement pas, en la matière, bons conseillers. Au més sur la rétine. Lors de certaines anomalies du
fonctionnement des réseaux de neurones dédiés
au traitement de l’image rétinienne, il peut y
2 Chapelle G. Le cerveau et la pensée. Éd. Sciences
humaines ; 2003.
avoir des « ratés ». L’enfant voit bien, net, il peut
3 IMC : infirmité motrice cérébrale, ou paralysie décrire ou copier ce qu’il voit, mais il ne sait pas
d’origine cérébrale, d’origine périnatale, souvent donner sens à ce qu’il voit. C’est un peu comme
liée à la prématurité. si une ­photographie argentique – parfaite sur le

2
Chapitre 1. Introduction

négatif (la rétine) – devenait ininterprétable du renforcer l’entraînement en graphisme pour


fait ­d ’erreurs dans l’atelier de développement du qu’il acquière souplesse et rapidité. »
photographe (le cerveau). Alors, là où nous
Ces assertions, bien banales, sont toutes sous-
voyons un chat, l’enfant voit un lapin ; là où nous
tendues par une même idée : l’effort et la moti-
voyons le dessin d’une marguerite, l’enfant voit
vation, l’enseignement explicite (cf. p. 13) et
une danseuse en tutu… D’autres fois, l’enfant
l’entraînement répétitif doivent forcément
voit la même chose que tout le monde. Le pro-
conduire à des progrès dans la réalisation de la
blème, c’est qu’il n’a aucun moyen de savoir – et
performance visée. Cette idée simple et « évi-
nous non plus – s’il voit comme le reste de l’hu-
dente » vient du fait, incontestable, que l’enfant
manité ou différemment, et comme il n’a jamais
« normal » acquiert ces habiletés à la suite d’un
vu autrement, il ne sait pas (ne peut imaginer ni
entraînement régulier, plus ou moins long selon
comprendre) que nous voyons (parfois et de
les individus (plus ou moins « doués »).
façon imprévisible) différemment de lui.
Mais, justement, l’enfant dont nous parlons ici
Pour en venir plus précisément aux enfants dys-
– qui souffre de troubles cognitifs focalisés –
praxiques qui sont le centre de notre propos, cer-
n’a pas pu acquérir ces habiletés dans les mêmes
tains étonnent parce qu’ils n’arrivent pas à enfiler
délais que ces pairs, en dépit d’un entraînement
leur anorak ou qu’ils ne peuvent pas se servir
identique ou même déjà renforcé… C’est
d’un crayon, alors qu’ils peuvent parfaitement
d’ailleurs ainsi que les problèmes de l’enfant ont
jouer au ping-pong ! Certes, tous les enfants dys-
d’abord été repérés. Malgré une expérience ou
praxiques sont maladroits ; le développement de
un apprentissage comparables à ceux de leurs
leurs coordinations motrices et de leurs habiletés
pairs, ces enfants ne peuvent pas faire certaines
est tardif et incomplet. Mais certaines activités
acquisitions : parler de façon fluide, intelligible
gestuelles ne sollicitent pas les mêmes compé-
et académique, produire rapidement des signes
tences cérébrales, ne se développent pas selon les
graphiques harmonieux, lire, calculer, acquérir
mêmes processus, ne reposent pas sur les mêmes
certaines habiletés gestuelles.
réseaux de neurones et peuvent donc être attein-
tes (ou respectées) isolément, ce qui explique ces
apparents paradoxes (cf. p. 18). Ce n’est donc ni la qualité ni l’intensité de
l’entraînement, ni la méthode pédagogique,
ni les efforts, ni la bonne volonté de l’enfant
« Toujours plus de la même chose qui sont en cause, mais bien son aptitude, ses
capacités cérébrales (neurodéveloppementa-
qui ne marche pas4 » les) à développer cette performance-là…
Poursuivre les entraînements habituels ne
• « Si un jeune enfant prononce mal les mots,
consisterait alors qu’à proposer, sans cesse et
c’est parce que sa mère (ou sa grande sœur) le
sans fin, « toujours plus de la même chose
comprend trop bien : il n’a pas besoin de faire
des efforts pour se faire comprendre. » qui ne marche pas ».
• « Si celui-là ne sait pas ses tables de multiplica-
tion malgré de très nombreuses tentatives d’ap- Par exemple, si l’enfant écrit mal (cf. chapitres 3
prentissage, c’est bien la preuve qu’il faut encore et 4), beaucoup pensent qu’il est « logique » de
poursuivre et intensifier cet apprentissage. » lui proposer des exercices graphiques – dessi-
ner des vagues, des « ponts », des boucles, des
• « Si tel autre a une écriture très malhabile et
hampes, des lettres –, de l’inscrire à un atelier
lente, c’est qu’il bâcle et/ou qu’il a besoin de
de calligraphie, d’insister pour qu’il s’applique
plus d’entraînement pour aboutir à un résul-
plus et mieux. De fait, il progresse un peu, mais
tat acceptable. Il faut donc le motiver et/ou
toujours insuffisamment au vu des exigences
scolaires qui, elles, croissent exponentiellement
4 La formule est empruntée à Paul Watzlawick, psy- avec les années (cf. figure 3.1, p. 50), et toujours
chologue, psychanalyste et sociologue contempo- beaucoup plus vite que les capacités de l’enfant.
rain (États-Unis, école de Palo Alto). Augmentons alors les entraînements, ­amplifions

3
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

encore les rééducations de la motricité fine ou toutes les rééducations et les efforts fournis, il
de l’organisation spatiale, multiplions les prises ne peut constater que son échec ;
en charge en psychomotricité ou en ergothéra- • la responsabilité de ces échecs, incompréhensi-
pie, achetons des cahiers de graphisme qu’il bles également pour les professionnels qui ont
réalisera les mercredis ou durant les vacances… mis en place les entraînements et les rééduca-
et l’enfant, confiant et plein d’espoir, engage tions, lui est toujours attribuée (il ne s’investit
toute son énergie dans ce combat, pourtant pas assez, ou bien il n’est pas si intelligent qu’on
perdu d’avance. le disait, ou bien il « fait un blocage »), aggravant
Mais, lorsqu’il en prend conscience – souvent son sentiment de culpabilité et d’impuissance ;
en même temps que les adultes qui l’entourent • ses compétences préservées, intactes, efficien-
–, il est trop tard, l’échec scolaire est consommé tes, sont négligées, méconnues, sous-utilisées.
et bien souvent définitif. Loin d’être exploitées pour favoriser sup-
pléances et compensations, elles sont au
Non seulement ce combat est inutile, mais il contraire utilisées comme une arme contre
est dangereux : pendant qu’il engage toute l’enfant ! Ainsi, s’il ne « fait » rien et parle
son attention et son énergie dans le difficile beaucoup – le langage oral est le point fort des
dessin des lettres – geste que l’enfant dys- enfants dyspraxiques –, on juge que son lan-
praxique n’automatisera jamais suffisamment gage très élaboré est un verbiage, ou qu’il fait
eu égards aux exigences scolaires –, il ne lui illusion, ou qu’il s’agit d’un vernis, ou d’une
reste plus assez de ressources pour écouter fuite et, de toute façon, cela est retenu contre
l’enseignant, prêter attention au sens ou à lui (« s’il parlait moins, il ferait plus attention
l’orthographe, mémoriser les informations. à écrire convenablement ») ;
Les résultats scolaires s’en ressentent dans • les orientations (scolaires, professionnelles)
toutes les matières, même celles où l’enfant qu’on lui propose sont de plus en plus éloi-
aurait pu faire normalement des apprentissa- gnées de ses capacités et de ses espérances,
ges si on lui en avait laissé le loisir… voire complètement contre-indiquées (orien-
tation vers des métiers manuels, nécessitant
des capacités gestuelles et spatiales complexes
Autre situation courante (cf. chapitre 5), l’enfant alors que l’enfant est dyspraxique). Au bout
fait des erreurs lors du comptage d’une collec- de quelques années, son avenir est définitive-
tion d’objets… Cela semble montrer qu’il n’a pas ment compromis.
encore bien compris la procédure de dénombre-
ment ; on lui propose donc – encore et encore –
de compter des jetons, des bûchettes ou des L’enfant « standard », en cours d’acquisition
haricots. Et la persistance des erreurs conduit à d’une notion, n’est aucunement comparable
intensifier encore et encore cet entraînement, en à l’enfant empéché d’y accéder du fait d’un
dépit de l’évidence que « ça ne marche pas ». Et, handicap cognitif : les méthodes pertinentes
malgré ses excellentes compétences en raison- pour les premiers ne le sont pas pour les
nement logique et en calcul mental (qui ne sont seconds, elles peuvent même s’avérer désas-
jamais valorisées ni prises en compte), malgré treuses à moyen et long terme (cf. p. 24, 49).
les premiers redoublements, on ne sait pas lui
proposer une autre stratégie, faute d’avoir ana- C’est pourquoi il faut savoir reconnaître (dépis-
lysé, compris, diagnostiqué les processus patho- ter et diagnostiquer) ces anomalies trompeuses
logiques en œuvre derrière ce symptôme. et déroutantes : elles requièrent des prises en
On pourrait ainsi multiplier les exemples. Les charge spécifiques, c’est-à-dire différentes des
conséquences nocives de cette attitude apparem- propositions habituellement faites à l’enfant
ment logique (« toujours plus de ce qui ne marche tout-venant.
pas ») se manifestent dans tous les domaines : Chacun doit donc préserver sa capacité à s’éton-
• l’enfant perd espoir et, plus grave encore, perd ner, à regarder et écouter autrement, à sortir des
confiance en ses propres capacités car, malgré sentiers battus.

4
Chapitre 1. Introduction

Assurer et préciser le diagnostic tricité ou d’ergothérapie, etc.) sur une simple


présomption, sans s’assurer du diagnostic est
une erreur grave dont de nombreux enfants (et
Les dyspraxies sont un trouble du développe-
parents) font la douloureuse expérience. En
ment des apprentissages gestuels. Les gestes
effet, une erreur de diagnostic risque, à l’insu
sont un ensemble de mouvements (de coupla-
de tous, d’engager l’enfant dans une impasse
ges sensori-moteurs), coordonnés dans le temps
thérapeutique, suscitant découragement et
et dans l’espace dans l’intention de réaliser une
nouvelles erreurs interprétatives en cascade.
action finalisée.
On peut repérer deux principaux types de sce-
On parle de dyspraxie lorsque ces couplages et/ou
narii qui constituent des situations « à risque »
ces coordinations ne se mettent pas en place dans
sur le plan diagnostique.
les délais habituels et/ou d’une façon déficitaire,
anormale, inefficace et ce, en l’absence d’une
déficience mentale et/ou de trouble psychiatrique Un examen incomplet
(du moins susceptibles à eux seuls de rendre Trop souvent encore le diagnostic est porté par
compte du trouble gestuel), et d’un trouble neuro­ un seul professionnel qui conclut sur la foi d’un
moteur, neurosensoriel, neuromusculaire (du symptôme (par ex, au décours d’un bilan psycho­
moins susceptible à lui seul de rendre compte du moteur ou ergothérapique, on constate que
trouble gestuel), alors que l’enfant a été soumis à ­l’enfant écrit mal, figure 1.1) ou d’une seule éva-
un apprentissage habituel. On parle aussi, selon luation (dissociation importante aux échelles de
les auteurs, de retard psychomoteur ou de trouble Wechsler6 entre les épreuves verbales bien réus-
d’acquisition de la coordination (TAC) [5,7]. sies et les épreuves non verbales ratées). Il s’agit là
Quoi qu’il en soit, la réalisation de certains ges- de la confusion – trop fréquente – entre hypo-
tes est difficile, malhabile, disharmonieuse, thèse (légitime, à partir de tel ou tel symptôme
lente et fatigante. Cette anomalie est rapportée ou de tel ou tel bilan bien conduit) et diagnostic.
soit à une lésion cérébrale qui interrompt cer- Aucun signe, isolément, n’est pathognomonique
taines des voies cérébrales qui gèrent la concep- (caractéristique) de la dyspraxie. C’est pourquoi
tion et/ou l’exécution des (leucomalacies le diagnostic ne peut actuellement émerger que
périventriculaires dans le cas de jeunes IMC), de la confrontation de plusieurs examens dépen-
soit (le plus souvent) à une atypie (anomalie ?) dants de divers professionnels (tableau 1.1), ne
du développement cérébral dans le secteur des peut s’évoquer qu’à partir d’un faisceau concor-
aires pariétales (ou sous-pariétales, ou des cir- dant d’éléments dont certains sont des éléments
cuits frontopariétaux…) chez les enfants sans d’élimination (l’enfant n’est pas atteint de trou-
aucun antécédent neurologique, alors appelés bles neurosensoriels ou neuromoteurs, ni de
dyspraxiques « développementaux ». déficience intellectuelle, ni de troubles envahis-
sants du développement, du moins suffisants
Un diagnostic fiable pour rendre compte des symptômes observés) et
d’autres sont des signes positifs (l’enfant présente
Poser un diagnostic fiable [6] est un préalable à certaines caractéristiques ou associations de
tout projet d’aide en direction de ces enfants. troubles très évocatrices (tableaux 1.1 et 1.2).
Commencer un « traitement » (proposer un Bien sûr, cette démarche est modulée en fonc-
ordinateur, un AVS5, des séances de psychomo- tion de l’âge de l’enfant et de l’association de
symptômes qu’il présente. Par exemple, si l’en-
fant présente des troubles de l’apprentissage de
5 Auxiliaire de vie scolaire. Les AVS reçoivent une
courte formation en cours d’emploi et doivent la lecture (ce qui n’est pas du tout classique en
aider, sous la responsabilité de l’enseignant, un
enfant nominativement désigné. On distingue les
AVSi (individuels), accompagnant un enfant donné 6 Échelles de Wechsler adaptées à l’âge du jeune
durant sa scolarisation, et les AVSco (collectifs) qui (WPPSI, WISC, WAIS) : tests psychométriques
sont affectés à l’ensemble d’une classe spécialisée dits « d’intelligence », indispensables au diagnostic
(CLIS ou UPI). de dys-, mais insuffisants à eux seuls.

5
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Trouble moteur ou neuromusculaire

Déficience intellectuelle

Reflet problème psychodynamique


Dysgraphie

Dyspraxie

Syndrome dys-exécutif

Trouble visuel

Etc.

Figure 1.1. Dysgraphie, exemple de symptôme isolé pouvant renvoyer à différents diagnostics.
Un symptôme ne représente qu’un des éléments constitutifs du diagnostic.

Tableau 1.1. Les quatre temps indispensables au diagnostic de dyspraxie.


1 Plaintes dans le secteur des gestes, de l’espace, du graphisme, = suspicion
de la maladresse, des AVQ
2 Élimination de troubles neuromoteurs et/ou sensoriels Hypothèse forte
= dyspraxie
3 Échelles de Wechsler : QIV >> QIP
4 Bilans psychologue, psychomotricien, ergothérapeute +++ = affirmer diagnostic
= troubles spécifiques
AVQ : activités de la vie quotidienne. QIV : QI verbal. QIP : QI performance ou indice de raisonnement perceptif.

Tableau 1.2. Critères qualitatifs complémentaires.


1. Antécédent de prématurité* (inconstant).
2. L’enfant critique de façon pertinente sa contre-performance.
3. Fluctuation de la performance.
4. Présence de troubles visuospatiaux ­(con­stante) et/ou du schéma corporel ­e t/ou gnosiques visuels.
5. D
 issociation au sein des performances praxiques (inconstante) : gestes signifiants vs gestes arbitraires ; mimes
d’action vs manipulation d’outils… (cf. p. 8, 17)
* Des études longitudinales récentes (EPIPAGE) montrent clairement la corrélation statistique entre intensité de la prématurité
et fréquence des troubles praxiques et visuospatiaux.
Cf. : Deforge H, Toniolo AM, Andre M et al. Déficits visuospatiaux à l’âge préscolaire chez des enfants anciens grands prématurés.
ANAE 2007 ; 93 : 191–7.

6
Chapitre 1. Introduction

cas de dyspraxie « pure » et isolée, cf. p. 121), il scolaire qui constitue une photographie fiable
est très important de demander aussi un bilan des capacités/incapacités fonctionnelles du
orthoptique et un bilan orthophonique. jeune à ce moment-là de son évolution, sans
Comme on le voit, ce diagnostic impose la pas- préjuger des causes.
sation de nombreux bilans, dont les résultats et S’il est évidemment important de mettre en
conclusions doivent être confrontés les uns aux place le plus précocement possible les diverses
autres (lors de la consultation d’un médecin aides nécessaires, cela ne doit cependant pas
expérimenté en neuropsychologie ou d’un neu- conduire à s’arrêter à une simple présomption
ropsychologue compétent dans ce domaine) diagnostique : les dangers encourus seraient
afin d’aboutir à un diagnostic. Il s’agit donc alors pires que le remède escompté. En effet, si
d’une démarche exigeante… et obligatoirement l’enfant se révèle ensuite effectivement « dys-
longue (Les bilans réduits – par exemple, la praxique », cela signifie qu’il est né dyspraxi-
BREV – sont très utiles dans une optique de que et… qu’il restera dyspraxique. Il n’y a donc
dépistage, pour effectuer un premier screening jamais aucune réelle justification à faire ce
et repérer les enfants qui auront effectivement diagnostic dans l’urgence, et bien sûr encore
besoin de l’ensemble de ce bilan diagnostique). moins à faire une erreur ou une approxima-
tion diagnostique dont les conséquences délé-
tères ne feraient que s’ajouter aux troubles
Le sentiment d’urgence initiaux.
Une fois le terme de dyspraxie évoqué, on
constate souvent un sentiment « d’urgence » Les prises en charge, comme nous aurons l’oc-
alimenté par des échéances datées, au cours casion de le redire, ont pour objectif de dimi-
desquelles les différents acteurs craignent de nuer la gêne ressentie par l’enfant, de limiter les
prendre une décision qui engage l’avenir et
répercussions négatives de la dyspraxie dans
s’avèrerait par la suite mal adaptée : maintien
les différents secteurs de la vie de l’enfant, de
ou redoublement, orientation scolaire, signa-
réduire le handicap (scolaire, psychologique et
lement à la MDPH7 dont dépend l’attribution
d’aides techniques ou humaines pour la social), et non de guérir la dyspraxie.
­prochaine année scolaire, réunion de PPS ou
ESS8, etc. Or, s’il se confirmait ultérieurement C’est normalement en moyenne ou grande sec-
que l’enfant soit en effet dyspraxique, il serait tion de maternelle (éventuellement en CP/CE1
toujours loisible de modifier et réajuster – lorsque le trouble est discret) que le retard gra-
désormais avec pertinence – les décisions pri- phique et la maladresse doivent alerter. Lorsque
ses antérieurement. Pour les décisions qui la suspicion est plus tardive (CM, voire collège)
doivent intervenir dans l’intervalle de temps cela peut résulter soit d’un(e) :
qui sépare la suspicion de la confirmation du
• trouble léger chez un enfant très compétent
diagnostic, il faut accepter qu’elles soient pri-
sur le plan du raisonnement verbal et qui a
ses sur les éléments dont on dispose à ce
mis spontanément en œuvre des compensa-
moment-là : c’est essentiellement l’évaluation
tions efficaces ; ces dernières vont, un temps,
plus ou moins masquer les conséquences de la
7 MDPH : maison départementale des personnes pathologie praxique. Cependant, les exigen-
handicapées, où sont regroupés tous les services ces scolaires augmentant, le trouble finit par
dont dépend la mise en œuvre des aides et com- se dévoiler, mais plus tardivement ;
pensations liées au handicap. • méconnaissance ou erreur diagnostique ;
8 PPS : projet personnalisé de scolarisation, qui réu-
nit les différents acteurs (parents, école, rééduca- • déni du trouble (de la part des parents et/ou
teurs et/ou service de soins) pour déterminer de des enseignants et/ou des médecins).
quels aménagements (pédagogiques, d’emplois du
temps), de quelles aides techniques et/ou humaines Vouloir sauter des étapes diagnostiques parce
l’enfant doit bénéficier au cours de l’année scolaire. que l’enfant est déjà grand (diagnostic tardif,
ESS : équipe de suivi de scolarisation. cf. p. 32) et/ou parce que se jouent des échéances

7
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

scolaires (passage en 6e, orientation…) est une • trouble touchant électivement les gestes
erreur fréquente (impression qu’on a « perdu du enseignés (culturels) et épargnant les ges-
temps » et qu’il faut maintenant « faire vite »). tes sélectionnés par l’évolution (c’est-à-dire
Or, ce n’est pas en quelques semaines ni quel- dyspraxie isolée, sans signe de « retard psy-
ques mois que l’on règle un problème qui mine chomoteur » ni TAC : les premiers stades
la scolarité et la vie de l’enfant depuis des de développement moteur se sont manifes-
années. Une erreur ou une insuffisance dia- tés normalement qu’il s’agisse du ramper,
gnostique ne permet jamais de « rattraper » le de la station assise, du quatre pattes, de la
retard diagnostique et ne fait au contraire que marche…) ;
compliquer inutilement la situation, déjà diffi- • trouble touchant uniquement l’utilisation
cile, de ce jeune. d’outils (et respectant les gestes symboliques
tels que faire « au revoir », « chut »…).
Un diagnostic précis
La méthodologie suggérée plus haut (cf. tableaux Signes associés
1.1 et 1.2) est indispensable pour finaliser le Il faut aussi faire le point sur la présence éven-
projet individuel de l’enfant. tuelle de signes associés dont l’influence est
majeure tant sur le pronostic que sur les choix
Préciser la place relative rééducatifs :
de chaque symptôme • troubles de l’attention et/ou hyperactivité ;
La dyspraxie est constituée d’un ensemble de bien qu’elle ne soit pas du tout systématique,
symptômes qui peuvent, chez chaque enfant, cette association est très fréquente [8] ;
réaliser une mosaïque particulière et unique du • dyslexie, dont il faut alors bien préciser les
fait de la présence ou de l’absence (ou de l’in- déterminants (phonologiques et/ou visuo-
tensité très variable) de chacun des signes. Les attentionnels) ; en effet, si elle est uniquement
bilans des différents professionnels visent donc ou essentiellement « visuelle », la dyslexie fait
à préciser l’existence et l’importance : alors partie intégrante de la dyspraxie visuo­
• du trouble constructif proprement dit ; spatiale avec troubles du regard (cf. p. 122).
Mais l’enfant peut également souffrir d’une
• du trouble spatial, quelquefois au tout premier
dyslexie imputable à un trouble phonologi-
plan de la pathologie ;
que, ou à un déficit de la mémoire de travail,
• d’anomalies du développement des fonctions ou à une association « troubles de l’attention,
du regard (fixation, exploration, poursuite, syndrome dysexécutif et déficit de la mémoire
saccades) ; de travail », toutes ces situations constituant
• d’éventuelles anomalies de constitution du alors un trouble associé ;
schéma corporel (y compris notions de droite • déficit de la mémoire de travail, isolé ou au
et de gauche, et gnosies digitales) ; sein d’un syndrome dysexécutif ;
• de possibles troubles gnosiques visuels ; • immaturité (déficience) intellectuelle…
• quelquefois, d’anomalies comportementales,
voire de troubles de structuration de la person-
Capacités préservées
nalité (traits autistiques, enfant borderline…).
Enfin, évaluer précisément le niveau de per-
Rechercher d’éventuelles formance dans chacune des fonctions préser-
vées est une démarche fondamentale pour
dissociations penser le projet thérapeutique : langage, mémoi-
Leur présence permet de mieux cibler le type res (mémoire de travail, à long terme, visuelle,
de gestes qui pose problème à l’enfant et les auditivoverbale), raisonnement et conceptua-
modalités gestuelles qui lui restent accessibles lisation, fonctions sur lesquelles on s’appuie
(cf. p. 13,14–18,51) : pour conduire les rééducations et/ou proposer

8
Chapitre 1. Introduction

un contournement du trouble, ou encore l’uti- ­d ’excellentes capacités mnésiques, curieux et


lisation d’un palliatif. motivés par les apprentissages scolaires.
Leur venir en aide, c’est reconnaître et nommer
leur trouble, leur en expliquer simplement les
Lorsqu’on ne dispose pas de l’ensemble de
mécanismes et les répercussions. C’est aussi
ces éléments, le projet ne peut pas vraiment
mettre en place avec eux un « plan de bataille »
être personnalisé ni adapté. Il s’agit donc là
(le projet thérapeutique), dont ils attendent
d’enjeux majeurs qui déterminent la qualité légitimement des effets dans leur vie quoti-
et l’efficacité des propositions ultérieures. dienne et leur vie scolaire.
C’est pourquoi les actions à visée thérapeutique
Mais si porter un diagnostic fiable et rigou- doivent toujours associer des soins ciblés (dis-
reux est indispensable pour entamer une pensés par les thérapeutes spécialisés) et des
démarche thérapeutique, cela est très loin de adaptations pédagogiques très spécifiques
suffire à en concevoir tous les volets. Ayant (mises en place dans le cadre scolaire).
tenté de bien comprendre l’enfant et de bien Dans les textes officiels, cette indispensable
analyser ­l ’éventail de ses capacités/incapaci- coordination est souvent désignée sous le terme
tés, il faut aussi, en regard, bien comprendre et de « partenariat » qui doit s’instaurer (naturel-
analyser ce que l’on peut attendre de telle ou lement ?) entre les structures de soins et l’Édu-
telle action pédagogique, éducative, rééduca- cation nationale. Pourtant, au quotidien, cette
tive ou palliative. coopération, qui n’est en rien préparée et dont
les modalités ne sont jamais précisées, peut
s’avérer difficile à mettre en œuvre malgré tou-
Rééducations et scolarité : tes les bonnes volontés, du fait :
deux pôles en interactions • du côté de l’école :
réciproques – d’une méconnaissance des mécanismes
pathologiques qui sous-tendent la dyspraxie
La scolarité – depuis la première année de (trop souvent réduite à la notion de « mala-
maternelle jusqu’au niveau universitaire – fait dresse » et de dysgraphie) ;
constamment appel aux savoir-faire praxiques – de la non-conscience des constituants praxi-
et visuospatiaux des enfants et ce, de façon ques et/ou visuospatiaux infiltrant les diffé-
habituellement masquée, implicite, le plus sou- rents apprentissages proposés (cf. chapitre 7),
vent à l’insu des enseignants (cf. p. 144). le souhait de « normaliser » l’enfant différent
(« en classe, il est comme les autres » ou bien
« il faut bien qu’il arrive à faire comme les
L’enfant dyspraxique est ainsi très souvent autres ») ;
mis en difficulté par la méthode d’enseigne- – des difficultés concrètes à concevoir et met-
ment, les procédures préconisées et/ou le tre en œuvre des aménagements très indivi-
matériel pédagogique utilisé (et non par les dualisés au sein d’un grand groupe ;
connaissances ou le concept à acquérir). – de l’absence de temps de concertation, de
réunion, de partage avec d’autres interve-
C’est pourquoi l’échec scolaire est si fréquent nants (rééducateurs, services de soins dits
(et souvent sévère) chez ces enfants intelligents9, SESSD ou SESSAD et, au sein même de
de bon niveau verbal, ayant généralement l’école, médecin et psychologue scolaires) ;
– de la grande difficulté à concevoir des éva-
9 L’intelligence de l’enfant est attestée par la réussite luations « justes » en dépit des adaptations
à une ou plusieurs épreuves verbales de facteur G préconisées (par rapport aux autres enfants
(épreuve de catégorisation, de classification, de rai- de la classe, mais aussi en fonction des
sonnement logique). savoirs exigés par le programme), etc. ;

9
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

• du côté des équipes de soins et des rééducateurs : rieurs, tels les rééducateurs ou les services de
– d’une méconnaissance des exigences liées soins11…).
aux programmes scolaires, l’ignorance des Conscients de la variété et de l’importance de
contraintes inhérentes à la pédagogie de toutes ces difficultés intriquées, nous tentons
groupe ; donc d’aborder ici l’ensemble de ces questions
– de la non-conscience de l’intrication forte qui sont interdépendantes et inséparables : les
entre la forme (la méthode) et le fond (le soins, les rééducations, les adaptations, l’utili-
savoir ou le concept visé) lors de certains sation d’aides techniques ou de palliatifs, mais
apprentissages ; aussi les aménagements à prévoir en ce qui
concerne les méthodes pédagogiques, les sup-
– de la sous-estimation de l’impact psychologi-
ports d’apprentissages, les évaluations scolai-
que du diagnostic lui-même (souvent vécu
res, et enfin les rôles des auxiliaires de vie
comme un handicap intellectuel et/ou ­mental)
scolaire (AVS).
et des adaptations (toujours ­stigmatisantes)
qui doivent prendre effet au sein d’un groupe Ainsi, nous espérons que cet ouvrage puisse
de pairs (les autres élèves de la classe) ­générant constituer une base pour un réel partenariat
des réactions de déni ou de prestance, qui, de entre les différents professionnels qui doivent,
fait, rendent impraticables les suggestions ensemble, sur le terrain, œuvrer à la réussite
proposées, etc. scolaire de ces enfants dyspraxiques.
Pour cela, il nous faut d’abord nous pencher sur
les processus qui président aux différents
Pourtant, quel sens peuvent avoir deux séan- apprentissages chez l’enfant, tout au long du
ces de rééducation par semaine (si bien développement (cf. chapitre 2). D’autant que les
conduites, si bien adaptées, si efficaces soient- rééducations, chez ces enfants, sont partie inté-
elles), si ces deux séquences hebdomadaires grante de leurs apprentissages… La neuropsy-
de trois quarts d’heure ne trouvent pas d’écho chologie met à notre portée une meilleure
lors des 24–26 autres heures hebdomadaires compréhension des effets des rééducations sur
(en moyenne) que l’enfant passe en classe, en l’évolution des performances des jeunes, per-
situation « écologique » d’apprentissage ? met de mieux cibler les actions à privilégier en
fonction des troubles, de l’âge, du pronostic et
du projet poursuivi. Après avoir comparé les
On voit donc d’emblée que le choix de telle ou
différentes méthodes habituellement utilisées
telle stratégie thérapeutique (rééducative ou de
réadaptation) ne peut advenir qu’au terme
d’investigations et de synthèses qui s’intéres-
sent autant au trouble (la dyspraxie, isolée ou 11 SESSD ou SESSAD : services de soins dits « à domi-
non, son type, son intensité…), qu’à l’enfant cile », qui interviennent sur le lieu de vie de l’enfant
(ses capacités de compensation, ses projets, sa (domicile, crèche, école…). Ces structures, légères
personnalité), à ses parents (leur propres pro- et souples, disposent d’équipes pluridisciplinaires
très complètes (médecins, psychologues, kinési-
jets, leur acceptation ou leur refus de considé- thérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes, psy-
rer leur enfant comme « handicapé » et de chomotriciens, éducateurs, assistants sociaux…)
solliciter la MDPH, leur soutien ou leurs exi- et assurent les soins, les rééducations et l’aide à la
gences…), ou à l’école (« tolérance » de l’échec scolarisation pour un public spécifique (il existe
dans certains secteurs, proposition de redouble- de services de soins pour enfants handicapés men-
ment ou de classe spécialisée10, acceptation des taux, moteurs, auditifs ou visuels). Pour des raisons
historiques, et du fait des compétences accumulées
aides techniques ou humaines, stigmatisation
dans ces structures, les jeunes dyspraxiques sont
ou non de l’enfant « à besoins spécifiques », le plus souvent admis dans les SESSD pour jeu-
capacité à travailler avec des intervenants exté- nes handicapés moteurs. Plus récemment, quel-
ques rares services de soins se sont orientés vers la
prise en charge d’enfants porteurs de troubles des
10 CLIS (classe d’inclusion scolaire) en primaire, UPI apprentissages (sans que cette dénomination ne
(unité pédagogique d’inclusion) au collège. soit validée officiellement dans les textes).

10
Chapitre 1. Introduction

lors des séances de rééducation, nous centrant en œuvre, leur permet de viser les mêmes objectifs
sur les objectifs de ces thérapeutiques, nous que leurs pairs en termes de savoirs, de concepts,
allons voir comment le projet individuel est d’apprentissages, de réflexion.
contraint par le projet scolaire, en particulier Enfin, nous traitons de la vie scolaire (cf. chapi-
entre 4–16 ans. tre 8) qui, dans de nombreux secteurs, rejoint la
Ensuite, les trois grands objectifs traditionnels vie quotidienne, « la vraie vie » selon la formu-
de l’école sont détaillés : écrire (cf. chapitre 3) et lation des enfants : les sports et loisirs, l’ha-
« e-écrire » grâce à l’ordinateur (cf. chapitre 4), billage (sports, piscine), la prise des repas
lire (cf. chapitre 5) et compter (cf. chapitre 6). (cantine), les récréations, les sorties, les classes
Nous précisons les répercussions des troubles externées sont autant d’occasions de vie sociale,
visuo-practo-spatiaux sur chacun de ces de challenges, d’émulation, de comparaisons,
apprentissages et comment on peut y remédier, qui font partie de la vie sociale des jeunes,
au moins partiellement, qu’il s’agisse de réédu- contribuent à l’image qu’ils se construisent
cations et/ou d’aménagements scolaires. d’eux-mêmes et aux projections qu’ils s’autori-
Nous tentons ensuite un renversement de point sent – ou non – pour leur avenir d’adultes.
de vue (cf. chapitre 7) : partant cette fois non de la Nota bene : la description des symptômes et des
pathologie de l’enfant mais des exigences scolai- grands tableaux nosologiques, la démarche dia-
res, des activités proposées dans les divers champs gnostique, la conduite des bilans et évaluations
disciplinaires, nous essayons de répertorier les ne sont donc pas abordés ici : ils ont fait l’objet
points spécifiques où ces activités croisent, solli- d’autres ouvrages [1, 6]. Par ailleurs, il n’est
citent précisément le handicap de l’enfant dys- question dans celui-ci que de la dyspraxie
praxique. Cela permet de préciser la nature des « manuelle » (et/ou oculaire), à l’exclusion de la
aides, matérielles et humaines, dont ces jeunes dyspraxie buccofaciale, buccophonatoire ou de
ont besoin pour effectuer une scolarité qui, com- la parole qui fait partie intégrante des troubles
pensant leur handicap en termes de moyens mis de la parole et du langage.

11
Les préalables à tout Chapitre  2
projet thérapeutique
« Les qualités objectives (physiques et intellectuelles) des hommes
peuvent être différentes, cela n’atteint pas ces hommes dans leur
être même.
Ils ne sont ni inégaux ni différents, ils sont incomparables. »
A. Pichot12

Concevoir le projet et ses multiples implications


concrètes au jour le jour – outre le fait qu’il faut
Processus présidant
avoir réalisé un diagnostic fiable et précis – aux apprentissages
suppose d’avoir constamment en tête trois et à la rééducation
notions qui fondent véritablement le sens de
toutes les mesures qui sont prises pour cet Ces trente dernières années ont mis l’accent,
enfant-là : dans le domaine de la neuropsychologie, sur
• les procédures utilisées en rééducation consti- certains processus liés aux apprentissages.
tuent des apprentissages explicites justement Ces derniers (y compris les rééducations, qui
ciblés sur les secteurs où l’enfant est, structu- font partie intégrante des apprentissages pro-
rellement, en grande difficulté : le contenu et posés à l’enfant) peuvent être implicites ou
les méthodes employées durant les séances explicites, contrôlés ou automatisés : selon les
d’une part, les résultats escomptés d’autre cas, les performances peuvent ne pas être
part doivent en permanence tenir compte de mobilisées dans les mêmes conditions (accès
cette réalité ; aux acquis, niveau de performance atteigna-
• le projet thérapeutique ne peut pas être consti- ble…).
tué d’une accumulation de projets « locaux »
ou partiels (même apparemment bien conçus)
Apprentissages implicites
juxtaposés : c’est pourtant encore le cas de
loin le plus fréquent ; versus explicites
• c’est le pronostic scolaire qui est l’élément uni- Il faut distinguer chez les enfants :
ficateur et déterminant de l’ensemble des • d’une part, les apprentissages « obligés » qui
actions proposées dans le domaine cognitif, reposent sur des fonctions sélectionnées par
celui des « troubles spécifiques des apprentis- l’Évolution et génétiquement programmées ;
sages » (TSA). En effet, c’est le projet scolaire
et le niveau d’exigence qu’il requiert (en ter- • d’autre part, les apprentissages neurologique-
mes de contenu et de contraintes temporelles) ment « facultatifs », culturellement dépen-
qui justifient le choix de la stratégie thérapeu- dants, dont l’acquisition repose entièrement
tique ; or soit cette donnée est totalement sur un enseignement explicite des adultes en
méconnue, soit elle reste sans influence sur direction des enfants (ou des experts en direc-
les propositions thérapeutiques. tion des novices).
Dans les deux cas, ce ne sont pas les mêmes
12  Pichot A. Opinions. La Recherche ; février 1997. processus cognitifs qui sont sollicités.

13
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Acquisitions liées à l’espèce et/ou cognitives) qui se développent selon un


rythme éminemment prévisible, dans toutes les
Les bébés naissent « équipés » de différentes cultures, sous toutes les latitudes, la chronolo-
« boîtes à outils » spécialisées (pour la socialisa- gie de ces acquisitions constituant un repère
tion et la communication, les coordinations fiable13 pour suivre le développement de tous
motrices, le langage oral…), qui leur permet- les enfants.
tent de développer certaines fonctions (le lan-
gage, la marche et les manipulations fines, Leur atteinte élective, leur atypie ou anomalie
l’oculomotricité…) du moins s’ils peuvent dis- de développement donne lieu aux « troubles
poser du libre jeu des systèmes sensori-moteurs cognitifs spécifiques » qui peuvent toucher les
concernés et d’interactions (spontanées et différentes fonctions : langage (dysphasies),
implicites, le plus souvent non volontairement coordinations gestuelles complexes (TAC), trai-
organisées) avec l’environnement et les adultes. tements spatiaux (troubles visuospatiaux),
Ces acquisitions liées à l’espèce reposent sur attention, fonctions d’inhibition et de stratégie
des réseaux et des compétences certes très (syndromes dysexécutifs), identification senso-
immatures mais déjà présents en germe chez le rielle (agnosies visuelles), etc. [1].
bébé (compétences précoces).
Pour manifester plaisir ou déplaisir, pour se Apprentissage dépendant
déplacer en rampant puis à quatre pattes puis d’un enseignement culturel
debout, pour développer leur poursuite oculaire Au contraire, d’autres apprentissages sont
et orienter leurs fixations, pour comprendre entièrement dépendants de l’éducation prodi-
puis développer un langage communicationnel, guée. Ils ne se produiraient pas (ne se produi-
pour utiliser une pince pouce-index, les enfants raient jamais) sans l’intervention volontariste,
tout-venant n’ont besoin ni d’un enseignement consciente et systématisée des adultes. Les
explicite, ni de démonstration. Le temps (la enfants doivent subir un enseignement expli-
maturation) et les interactions (spontanées) avec cite de la part des adultes (ou les novices de la
l’environnement (physique, affectif et social) part des experts). Ces apprentissages sont ren-
permettent de renseigner les systèmes adéquats dus possibles (et sont limités) par notre équipe-
et contribuent à leur développement progressif ment de base (sélectionné par l’Évolution), mais
en spirale (le développement de chaque fonc- ne sont pas inscrits tels que dans notre patri-
tion, en interdépendance avec les autres, auto- moine : un effort intentionnel et conscient, sou-
rise des interactions de plus en plus complexes vent assorti d’un entraînement gradué, est
et sophistiquées avec l’environnement). nécessaire pour que :
Selon les auteurs, ce développement se fait • de nouveaux réseaux se constituent (certains
(schématiquement) selon : parlent de « recyclage neuronal » [9]) ;
• un schéma contraint par des « programmes » • ces nouvelles aptitudes se développent puis
innés qui maturent (innéistes) ; s’automatisent.
• ou une construction pas à pas, chaque étape
En effet, ces apprentissages nécessitent que les
servant de socle à la suivante (constructivisme) ;
« outils » initiaux dont est génétiquement doté
• ou émerge spontanément de la mise en jeu des le bébé soient réorientés (par l’apprentissage,
multiples systèmes indépendants mais simul- l’entraînement) vers la création de novo de
tanément impliqués (biologiques, sensoriels, réseaux originaux qui aboutissent à des perfor-
moteurs, cognitifs, environnementaux…) mances nouvelles : la lecture [9] et l’écriture, le
dont les contraintes propres finissent auto- calcul, la transmission et l’accumulation des
matiquement et spontanément par aboutir à savoirs académiques, la réalisation de gestes
des états stables plus ou moins successifs « appris culturellement » (praxies), etc.
(auto-organisation dans les théories des systè-
mes dynamiques, cf. p. 24, connexionnisme).
13 Il s’agit bien sûr de fourchettes d’âges (médiane ±
Ce type d’acquisition est reconnaissable au fait 1 écart type) au sein desquelles ces capacités doi-
qu’il s’agit de performances (sensori-motrices vent se manifester.

14
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique

Ces capacités inédites sont rendues possibles donnée : leur enseignement progressif par les
par les impressionnantes capacités d’apprentis- adultes contribue à inscrire l’enfant dans son
sage dont les humains sont dotées ; elles consti- environnement social et culturel.
tuent le fondement de la variété des cultures
humaines et sont systématiquement exploitées Exemples de gestes culturels
par l’éducation d’une part, par la scolarisation (et de leur variabilité en fonction
de l’époque et du lieu)
d’autre part.
 Se saluer (en faisant un salut de la main,
en joignant les deux mains et en inclinant le
Le non-accès à ces apprentissages (ou un
tronc, en faisant une bise, en baissant les yeux,
accès déficitaire ou qualitativement anor-
en faisant la révérence…).
mal) caractérise le groupe des « troubles spé-
 Manger (avec des baguettes, une fourchette
cifiques des apprentissages » (TSA) à savoir
et un couteau, les doigts…).
les dyslexies, les dysorthographies, les dys-
calculies, les dysgraphies et les dyspraxies.  S’habiller (avec un sari, un blue-jean, un
La dénomination même de ces troubles, soutien gorge, des bandes molletières, une
neurodéveloppementaux, reflète la force du cravate, des lacets, une fermeture Éclair, des
lien qui unit ces pathologies et la scolarité. boutons, des fibules…).
 Écrire (avec un calame, un pinceau, une
plume, un stylo à bille ; de haut en bas ou de
Apprentissage gestuel droite à gauche…).
En ce qui concerne les gestes (ensemble inten-  Conduire une voiture (ou un carrosse, un âne
tionnel de mouvements coordonnés dans le bâté, un rickshaw, un char à voile…).
temps et dans l’espace en vue de réaliser une  Changer une roue (ou ferrer un cheval), uti-
action finalisée), comme pour toutes les capaci- liser une perceuse (ou un fléau, un silex, un
tés sensori-motrices et cognitives, certains res- laser, une souris d’ordinateur, un rouleau de
sortent de mécanismes « obligés », sélectionnés scotch…).
par l’Évolution et d’autres dépendent stricte-  Jouer de la trompette (ou de la harpe, du
ment d’un enseignement et d’un entraînement violon, de la batterie, de la viole de gambe, de
spécifique, fonction de l’environnement cultu- l’harmonica…).
rel particulier dans lequel le sujet se développe
 Allumer la lumière (ou une bougie, le gaz, un
puis évolue.
feu de bois…).
Le développement des coordinations sélection-
 Éteindre son réveil (ou sonner les cloches,
nées par l’Évolution suit un rythme chronolo-
retourner un sablier, construire un cadran
giquement contraint et hautement prévisible,
solaire).
connu sous le terme de « développement psy-
chomoteur » : tenue de tête, ramper, station  Se faire un brushing (ou des nattes, un
assise, quatre pattes, prise fine pouce-index, chignon…).
station debout, marche libre, équilibres stati-  Jouer à la marelle (ou avec des cubes, en
ques, équilibres dynamiques (sauts), réception construisant une cabane, avec un diabolo, une
de mobiles (balles), etc., développement inté- console de jeux).
grant également les coordinations oculomotri-  Tisser, tricoter ou broder, etc.
ces et oculomanuelles qui jalonnent cette
évolution et la rendent possible. Classiquement,
c’est un retard (ou une anomalie qualitative) Ces gestes, qui emplissent notre quotidien,
dans ce développement-là qui est désigné par le dépendent étroitement de l’époque, de la région
terme, toujours très employé, de retard psycho- du monde et même de la famille dans laquelle
moteur ou TAC. nous sommes nés. Certains savent jouer du
D’autres gestes au contraire, « facultatifs » au piano, faire du tennis ou gaver les oies, d’autres
regard de l’Évolution, sont cependant indispen- utilisent habilement une scie, un vilebrequin
sables dans une communauté ou une société ou une poêle à crêpes. D’autres ne savent pas et

15
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

ne sauront jamais faire ces gestes de façon essai, il conçoit et planifie le geste (sa finalité,
habile : cela dépend de choix personnels et/ou sa réalisation, son contrôle proactif) puis, lors
de l’environnement dans lequel nous avons de sa réalisation effective, il perçoit les carac-
grandi et dans lequel nous évoluons. téristiques du geste accompli (réglages postu-
raux, amplitudes, force, configuration des
Cependant certains gestes doivent être différents segments corporels, trajectoires…)
acquis, à certains âges, dans certaines cultu- et il introduit des corrections en fonction de
res, sous peine de constituer, dans cet envi- l’appréciation du résultat obtenu (boucle de
ronnement-là, un handicap. contrôle efférences/ré-afférences, régulation
rétro-active). Au cours des essais successifs
(apprentissage par essais et erreurs), un
Ainsi, se laver et prendre soin de son apparence « schéma moteur » de plus en plus performant
(se raser, se coiffer…), manger et s’habiller émerge normalement peu à peu, dont les
conformément aux habitudes de son groupe caractéristiques se rapprochent de plus en
d’appartenance, mais aussi, dans les pays indus- plus en plus du geste expert.
trialisés, traverser la rue, conduire une voiture,
écrire, utiliser les outils scolaires (trousse, car- Mais suffit-il de « voir faire » (observation) ou
table, règle, compas…) et l’ordinateur sont, bien le geste s’apprend-il essentiellement en
entre autres, des acquis indispensables. s’exerçant, en l’effectuant, en expérimentant
par essais et erreurs successifs jusqu’à la consti-
tution du « bon geste », celui qui, harmonieux et
Les anomalies de constitution et d’automati- efficace, peut s’automatiser et s’effectuer avec
sation de ces gestes appris (alors que l’enfant un minimum de contrôle attentionnel ? En
a bénéficié d’un enseignement habituel) sont outre, lors de l’entraînement, comment prendre
la caractéristique clinique qui spécifie le en compte les différents éléments susceptibles
groupe des dyspraxies. de faciliter l’apprentissage : réalisation effective
C’est lorsqu’elles sont isolées (en l’absence du geste, nature et importance des feed-back
d’antécédent de retard psychomoteur) que (informations en retour) restitués à l’apprenti
les dyspraxies sont les plus typiques mais sur sa performance, simulation et convocation
aussi les plus difficiles à diagnostiquer. Au consciente de l’image motrice, description ver-
contraire, lorsque tous les gestes se dévelop- bale de certains aspects du geste ? etc. Ces ques-
pent de façon anormale (retard psychomo- tions sont évidemment cruciales en rééducation.
teur et dyspraxie), le diagnostic est plus De très nombreux travaux, issus aussi bien des
précoce et alors plus souvent dénommé TAC neurosciences que des techniques d’entraîne-
(trouble d’acquisition des coordinations). ment pour des sportifs de haut niveau, cher-
chent à éclaircir ces points ou à définir leur
importance réciproque [10]. Nous renvoyons le
Différents mécanismes peuvent être à l’origine
lecteur à ces études et publications qui consti-
de ces apprentissages gestuels (y compris un
tuent un corpus théorique encore disparate
dosage en proportions variées de ces différentes
pour comprendre comment les sujets tout-
procédures) :
venant acquièrent un nouveau geste. Les études
• l’observation (spontanée ou organisée délibé- chez le sujet dyspraxique – c’est-à-dire chez
rément comme dans la démonstration) : on lequel certaines des stratégies efficaces chez le
montre le geste à accomplir (ou un élément sujet « normal » se révèlent inutilisables – sont
caractéristique ou une séquence de ce geste) plus rares et plus parcellaires [11].
que l’enfant doit regarder attentivement ;
Nous rappelons ici simplement certaines des
• l’imitation : l’enfant observe dans l’intention données les plus récentes concernant les « neuro-
de reproduire ensuite le modèle le plus exacte- nes miroirs ». La mise en évidence, il y a environ
ment possible ; dix ans, de neurones bimodaux, visuo-moteurs, a
• l’entraînement : l’enfant tente de réaliser le en effet considérablement modifié notre percep-
geste (ou l’enchaînement gestuel). À chaque tion des mécanismes qui régissent ­l’apprentissage

16
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique

gestuel. Ces études font état de deux sortes de certains peuvent imiter des gestes signifiants et
neurones visuomoteurs [12] : sont incapables d’imiter des gestes sans significa-
• les neurones dits « canoniques » – les voies tion (configurations digitales ou manuelles arbi-
pour l’action (le « comment faire ») – réagis- traires) ; d’autres ne peuvent pas imiter des gestes
sent à la présentation d’objets « ­manipulables ». que par ailleurs ils reconnaissent et identifient
Ils assurent une association systématique et parfaitement, et qu’ils peuvent même produire
adéquate entre la vision et les caractéristiques sur consigne verbale. Cette distinction (entre ges-
fonctionnelles de l’objet. Ils codent la repré- tes connus ou inconnus du sujet) est fondamen-
sentation motrice d’une interaction correcte tale, en particulier lorsqu’on envisage un
avec l’objet. Ils précisent donc comment attra- apprentissage gestuel intentionnel (ce qui est le
per, saisir l’objet et comment agir (cf. la notion cas pour les gestes « culturels », spécifiquement
d’affordance selon Gibson [13, 14]) ; praxiques) [10]. Enfin, les neurones miroirs ne
sont impliqués que par le but (la signification, la
• les neurones dits « miroirs » – les voies pour la finalité, l’intentionnalité) de l’action : ils ne codent
perception et la sémantique de l’action (le pas les détails (morphologiques, cinématiques) de
« pour faire quoi ») – s’activent lors de l’obser- la réalisation du geste, et l’observateur n’est pas
vation d’une action faite par autrui (certains sensible aux caractéristiques fines du modèle.
neurones ne répondent qu’à un type d’action).
G. Rizzolatti a montré que l’observation d’une
action provoque, chez l’observateur, l’activa- C’est la raison pour laquelle voir autrui réali-
tion des mêmes réseaux de neurones que la ser un geste aide peu l’observateur naïf à réali-
réalisation effective du geste (aires frontales ser avec habileté (ou précision) ce même geste.
prémotrices et pariétales). Leurs propriétés en C’est encore plus vrai chez l’enfant qui évalue
font (entre autres) des candidats de choix encore mal sa propre posture et qui maîtrise
pour contribuer à l’apprentissage par observa- mal l’organisation des différents segments
tion et imitation. Cependant, pour activer corporels entre eux et par rapport à l’axe.
cette classe de neurones, l’action observée
doit répondre à certains critères :
Par ailleurs, Michel Desmurget insiste sur l’inté-
– impliquer principalement les mains et/ou la
rêt de distinguer différents types de gestes, dont la
face,
réalisation impose des contraintes d’apprentis-
– se rapporter à des postures corporelles, des sage différentes : les morphocinèses et les chrono-
mouvements de type biologique, cinèses d’une part, les téléocinèses d’autre part.
– concerner une action finalisée dont l’obser- Les morphocinèses (organisation morpholo­
vateur comprend le but, la signification, gique du geste réclamant des coordinations
l’intention. spatiales) et les chronocinèses (organisation
A contrario, cela implique que la vision de l’objet chronométrique du geste, réclamant des coor-
seul, le mime, les gestes arbitraires ou une action dinations rythmiques et temporelles) sont des
qui n’est pas porteuse de sens pour l’observa- gestes dans lesquels les trajectoires et la forme
teur, ne déclenchent pas de réponse des neurones finale du geste sont parfaitement spécifiées.
miroirs : un apprentissage préalable est donc Cela permet, lors des essais successifs et de l’en-
nécessaire à leur mise en route. Les gestes connus traînement progressif, l’émergence d’une repré-
et les gestes nouveaux (du point de vue du sujet) sentation codée (abstraite, a-modale) stipulant
ne sont pas traités par les mêmes voies [15, 16]. les caractéristiques du geste. Ainsi, pour ce type
Ceci est corroboré par des travaux en imagerie de gestes, une représentation abstraite de la
fonctionnelle [17, 18] : l’imitation de gestes arbi- forme et/ou de la structure temporelle (ou ryth-
traires active des réseaux partiellement différents mique) s’élabore, qui spécifie les rapports topo-
de l’imitation de gestes signifiants, (re)-connus logiques et/ou chronologiques des différentes
par le sujet. Cela rend bien compte de certaines composantes du geste. L’apprentissage consiste
dissociations observées en pathologie, chez des alors à s’approcher puis à acquérir (à stocker en
sujets apraxiques (et chez de jeunes dyspraxiques) : mémoire) « le bon geste ».

17
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Exemples variables, de la forme et l’emplacement


Exemples donnés par M. Desmurget : relatif de l’interrupteur (se hisser sur la
pointe des pieds et étirer le bras vers le haut,
 morphocinèses : l’écriture, mais aussi la danse,
ou au contraire se mettre accroupi et orien-
l’utilisation de certains outils ;
ter le bras semi-fléchi vers le bas…) mais
 chronocinèses : la dactylographie, les lancers, dans tous les cas, on peut définir la « règle »
le piano… comme la combinaison de deux impératifs :
Ainsi, le geste « dessiner la lettre /n/ » (mor-  situer l’axe corporel et un bras de telle façon
phocinèse), au-delà des infinies variations que l’interrupteur touche (entre en contact
individuelles, impose un schéma commun avec) l’extrémité du membre supérieur choisi ;
minimum qui permet justement d’y recon-
 isoler une partie de la main (le plus souvent
naître la lettre /n/ et, au-delà des innombra-
l’index) pour exercer une pression.
bles réalisations possibles, de la différencier
de /r/ ou de /h/ ou de /u/. Les caractéristiques Ces deux contraintes (« règles ») permettent
significatives de ces gestes sont imposées de réaliser l’action (« allumer, appuyer sur
par la forme finale à obtenir. Il en est de l’interrupteur »), quelle que soit la forme
même pour la plupart des gestes d’utilisa- gestuelle sous laquelle l’action est effective-
tion d’outils (on apprend la bonne prise, le ment réalisée.
bon geste dont la forme optimale est défi-
nie par les experts).
Ces distinctions (gestes liés à l’espèce/gestes
Les téléocinèses consistent en une action sur culturellement appris, morphocinèses/télé-
l’environnement. Seul le résultat final est spéci- ocinèses) sont certainement au cœur des
fié (et non la configuration gestuelle en elle- ­dissociations fréquentes chez les jeunes dys-
même, qui, pour produire le résultat voulu, peut praxiques, qui étonnent et font même quel-
être d’une infinie variété) : « l’enveloppe mor- quefois douter de la réalité de leurs troubles
phologique » du geste n’étant pas caractéristi- (cf. p. 3 et 75). De façon habituelle, nous
que, il est impossible (contrairement aux cas constatons que certains gestes leur sont nor-
précédents) de construire une représentation malement accessibles (enfoncer les touches
abstraite qui engramme les caractéristiques d’un interrupteur, taper sur un clavier) alors
générales (spatiales et temporelles) du geste. que d’autres (plus morphologiques et dans
Dans ces cas, il faut donc essentiellement lesquelles les facteurs spatiaux sont générale-
connaître et comprendre la signification du ment prééminents) ne peuvent pas être réali-
geste, qui peut être réalisé de mille manières, sés correctement…
toutes pertinentes si le résultat attendu se pro-
duit : le sujet doit donc construire un ensemble On voit donc qu’il ne s’agit pas des mêmes procé-
de règles qui lui permettent d’atteindre le but en dures d’acquisition du geste selon le type de geste
toutes circonstances, règles qui sont actualisées (devant conduire à une représentation abstraite
au cas par cas, en fonction des conditions (cor- ou à la construction d’un système de règles),
porelles et environnementales) du moment. selon son caractère (déjà connu ou nouveau)… Si
on y ajoute la notion que certaines coordinations
Exemples
sensori-motrices émergent (ou se construisent,
Exemples de téléocinèses donnés par cf. p. 14) « spontanément » lors du libre jeu des
M.  Desmurget : appuyer sur le bouton de systèmes sensori-moteurs (gestes sélectionnés
l’ascenseur, pointages. par l’évolution, apprentissage implicite) alors
Le geste « allumer la lumière » (téléocinèse) que d’autres nécessitent des instructions explici-
peut consister à appuyer sur (enfoncer) un tes et des entraînements progressifs particuliers
interrupteur (un bouton). Ce geste peut (gestes enseignés) ; si on n’oublie pas le fait (évi-
nécessiter des organisations gestuelles très dent) que la simulation comme la réalisation
différentes à partir de positions corporelles gestuelle sont profondément ancrées dans les

18
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique

compétences spatiales (espace corporel, espace sans que nous ne puissions exercer intention-
de préhension, espace lointain, espaces coordon- nellement un contrôle sur leur déroulement.
nés dans un système de repères ego- et exocen- Cette gestion automatisée de l’essentiel de l’acti-
trés que le sujet doit pouvoir manipuler et vité cérébrale – qui concerne l’ensemble des
coordonner) ; si on prend en compte l’impor- tâches habituelles, routinières pour le sujet –
tance fondamentale des fonctions exécutives, laisse ainsi disponibles des ressources atten-
qui jouent un rôle à plusieurs niveaux de l’action tionnelles qui peuvent être allouées à :
(décision et pertinence à déclencher tel geste,
• des activités non encore automatisées, qui
motivation, anticipation des conséquences, pla-
requièrent donc le contrôle et la régulation de
nification et stratégie pour la réalisation de l’ac-
différents paramètres encore non coordonnés
tion, comparaison entre le projet et le résultat) ;
ou encore non suffisamment maîtrisés ; tou-
si on réalise que, à tous les niveaux, les systèmes
tes les tâches nouvelles ou en cours d’acquisi-
de régulation (sensori-moteurs et cognitifs) du
tion pour le sujet nécessitent attention et
geste peuvent intervenir en amont de la réalisa-
contrôle volontaire. C’est la raison pour
tion (contrôle pro-actif) et/ou en aval de son
laquelle elles sont perçues comme « difficiles »
déclenchement (contrôle rétro-actif) ; alors, on
et fatigantes par le sujet.
comprend la grande variété des troubles du déve-
loppement gestuel, chaque élément cité ci-dessus C’est le cas de toutes les tâches en cours d’ap-
pouvant potentiellement se développer de façon prentissage (et non encore automatisées) et de
atypique et/ou anormale et ce, isolément ou en celles qui sollicitent des fonctions pathologi-
combinaison avec d’autres… ques (gestuelles et spatiales en cas de dyspraxie,
linguistiques en cas de dysphasie/dyslexie ;
« Le TAC se caractérise par une grande inhibition en cas de trouble dysexécutif, etc.) ;
hétérogénéité tant dans ses manifestations • des activités dites de haut niveau (résolution
symptomatiques que dans l’ampleur de situations–problèmes au sens très large du
de celle-ci. » terme, compréhension…), qui réclament la
J.-M. Albaret, P. de Castelanu14 coordination et le contrôle de divers paramè-
tres dont la conjonction est rare ou que le sujet
Sur un plan clinique, il est plus efficace de rencontre pour la première fois (adaptation à
distinguer : des situations nouvelles).
• des dyspraxies « de conception » ou encore de Dans ces deux cas, on parle de processus contrô-
planification, souvent associées à des troubles lés (par les fonctions attentionnelles et exécuti-
des fonctions exécutives ; ves) ; on dit aussi que ces tâches requièrent une
• des dyspraxies « de production » [19] (Stamback importante charge mentale.
et al. [20] parlent de dyspraxie « motrice », qui
s’accompagne de troubles visuels et spatiaux), Notion de double tâche
les plus fréquentes lorsque la dyspraxie est Les performances attentionnelles (au sens neu-
isolée (sans autre dys- associé). ropsychologique du terme) caractérisent un
individu donné, à un moment donné de son
Processus contrôlés versus développement : l’attention se développe et évo-
automatisés lue, comme toutes les autres fonctions cogniti-
ves, avec l’âge (se reporter aux tests étalonnés
La grande majorité des processus perceptifs, d’attention chez l’enfant, tels que ceux de la
sensori-moteurs et cognitifs, se déroule norma- NEPSY ou du TEA-Ch, ECPA éd.).
lement sans intervention volontaire de la part
du sujet, hors de notre champ de conscience et Surtout, l’attention est une fonction aux
multiples facettes dont « la quantité et la
14 Albaret JM, de Castelanu P. Démarches diagnosti- qualité » ne sont pas extensibles à volonté : on
ques pour le TAC. In : Geuze RH. Le trouble de l’ac-
parle de réservoir à capacité limitée.
quisition de la coordination. Marseille : Solal ; 2005.

19
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Cette notion, fondamentale, signifie qu’on ne certaines compétences (visuelles, gestuelles…)


peut pas « toujours plus » (plus longtemps ou sont habituellement acquises bien avant l’âge de
plus intensément) faire attention. Lorsque le la scolarité et/ou normalement se développent
réservoir attentionnel est vide, aucun contrôle sans intervention volontariste ni consciente des
ne peut plus être exercé sur l’activité en cours et adultes (apprentissages implicites). Il est alors
il faut attendre un délai minimal « de récupéra- très difficile aux non-spécialistes (parents,
tion » avant de pouvoir de nouveau solliciter les enseignants…) d’imaginer que certains enfants
fonctions attentionnelles. qui, sur le plan moteur, ­intellectuel et compor-
Par ailleurs, lorsque l’on doit conduire deux temental apparaissent comme « normaux », ne
(ou plusieurs tâches) simultanément, ce qui est possèdent pas ces compétences.
les cas le plus fréquent, il est nécessaire qu’au
moins une des deux tâches soit automatisée
Exemples
pour permettre leur réalisation dans de bonnes
conditions. Si aucune des deux tâches n’est Lors de la lecture. De nombreux enfants
automatisée (ne peut se dérouler sans contrôle atteints d’une dyspraxie visuospatiale (DVS)
attentionnel ou ne réclame que très peu de ne peuvent acquérir ni automatiser le
contrôle), alors les deux tâches sont ratées « geste oculaire » précis nécessaire pour une
(alors que chacune, séparément, aurait pu être bonne saisie des informations. De ce fait, la
conduite de façon satisfaisante). toute première opération nécessaire à la
lecture – la saisie visuelle fine et précise des
En effet, toute tâche non automatisée (donc non
indications littérales et textuelles – réclame
routinière pour le sujet, qu’il s’agisse d’un pro-
de leur part une attention et un contrôle
blème, d’une activité en cours d’apprentissage
volontaire épuisants, méconnus de tous, et
ou d’une rééducation) absorbe une grande par-
qui génère lenteur et fatigabilité anormale
tie (voire la totalité) des ressources attention-
(cf. p. 124–125). Surtout cela met l’enfant en
nelles disponibles. On dit aussi qu’elle a, pour le
double tâche, à l’insu des adultes non infor-
sujet, un « coût cognitif » important.
més : l’enfant ne peut pas, simultanément,
contrôler ses gestes oculaires et les opéra-
Une conséquence immédiate de ce fait est tions liées à l’assemblage. La compréhen-
que, lorsqu’une tâche requiert d’importants sion du texte en est très négativement
contrôles attentionnels (tâche nouvelle, en affectée. Si l’on ignore ce problème et que,
cours d’acquisition ou qui sollicite des systè- face aux difficultés de lecture de l’enfant,
mes pathologiques comme dans les dys- et on lui propose une rééducation « classique »
les TSA), alors cette tâche ne peut être réali- (plus d’entraînement à la lecture, cf. p. 3),
sée qu’isolément, souvent partiellement, on engage le jeune dans une voie sans issue
(du fait de son handicap neurovisuel) et on
durant un temps réduit, avec lenteur et fati-
organise à la fois son découragement (les
gue, tout en faisant l’objet d’une exécution
efforts fournis ne seront jamais gratifiants)
médiocre.
et son échec scolaire…
Lors de la production d’écrits (cf. p. 48). À
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, lorsqu’ils partir du CE2, les enfants tout-venant com-
enseignent une nouvelle notion (une nouvelle mencent à automatiser suffisamment le
procédure, un nouveau concept), les pédago- dessin des lettres (écriture manuscrite), ce
gues s’appuient sur des tâches antérieures que qui leur permet de dégager des ressources
l’enfant maîtrise déjà parfaitement (automati- attentionnelles pour l’orthographe, la signi-
sées), de façon à concentrer les efforts atten- fication ou l’élaboration d’un texte. Ce n’est
tionnels sur les aspects nouveaux (cf. p. 78) qui jamais le cas des enfants dysgraphiques,
font l’objet de la leçon actuelle. obligés d’engager une grande partie (voire
Cependant, il arrive fréquemment que les réé- la totalité, selon l’intensité du trouble) de
ducateurs et les enseignants, à leur insu, met- leurs ressources attentionnelles dans la ges-
tent l’enfant dys- en double tâche. En effet, tion et le contrôle du geste lui-même : non

20
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique

seulement ils s’y épuisent (lenteur et fatiga- et/ou leurs répercussions en proposant un
bilité) mais, surtout, ils sont en double tâche enseignement explicite là où les autres enfants
dès qu’ils prennent leur stylo ou leur crayon, développent normalement un savoir ou un
ce qui compromet gravement leur accès aux savoir-faire implicite, secondairement automatisé.
notions essentielles pour laquelle pourtant
la tâche a été conçue (orthographe et/ou
apprentissage de vocabulaire et/ou élabora- Par définition, chez l’enfant souffrant d’un
tion d’un texte…). handicap, les activités travaillées en réédu-
cation restent sous contrôle attentionnel
(comme une activité « en cours d’apprentis-
Les dys- ou TSA : le sur-handicap sage ») : il ne faut jamais l’oublier lorsqu’on
de la double tâche propose à l’enfant d’utiliser telle ou telle stra-
tégie en classe (c’est-à-dire lorsqu’un autre
On voit, par les exemples précédents, qu’un des apprentissage est simultanément requis).
problèmes essentiels, que ces enfants dys- ren-
contrent lors de tous les apprentissages et tout
au long de leur scolarité, réside dans le fait qu’ils Ainsi, ce n’est pas la même chose, pour un jeune
ne peuvent réaliser facilement ni « routiniser » atteint de dysgraphie dyspraxique, de pouvoir
des traitements de « bas niveau » (sensori- dessiner à peu près correctement les lettres en
moteurs, gestuels et spatiaux), traitements qui individuel, durant la séance d’ergothérapie
font normalement l’objet d’une acquisition (le  graphisme manuel et le dessin des lettres
implicite puis d’une automatisation chez les sont alors la seule tâche visée) ou bien durant
enfants tout-venant. une dictée en classe, ou lors de la prise de notes
ou lors d’une rédaction. Dans ces derniers cas,
les tâches visées par l’enseignant supposent
De ce fait, des tâches élémentaires restent
obligatoirement une certaine automatisation
« coûteuses » pour les jeunes dyspraxiques. du graphisme.
Elles sont à l’origine de situations quasi per-
manentes de double tâche, le plus souvent à Sinon, l’enfant est en double tâche et c’est tou-
jours la tâche de bas niveau (ici, la réalisation du
l’insu des adultes.
dessin des lettres) qui le mobilise et vide l’es-
sentiel de son réservoir attentionnel, aux dépens
Il faut donc, après avoir analysé les troubles de la tâche de haut niveau (orthographe, compré-
aussi finement que possible (cf. p. 8), être en hension, élaboration et planification d’un texte…)
mesure de lister les activités dans lesquelles ces qui ne peut donc pas être traitée (ou, dans le
capacités déficientes sont normalement (et sou- meilleur des cas, seulement partiellement).
vent implicitement) sollicitées (cf. chapitre 7).
Ensuite, il faut en informer l’enfant et les parents Exemple
pour l’en libérer au maximum, mais aussi les Beaucoup de parents (ou d’adultes en géné-
rééducateurs et les enseignants afin que les ral) signalent combien ils sont dépités de
mesures proposées soient réellement comprises constater que l’enfant peut faire certaines
et acceptées de tous. choses à certains moments, ponctuellement,
sans arriver à les effectuer systématique-
Rééducations, apprentissages ment à chaque occurrence. Ils sont alors per-
suadés que l’enfant fait preuve d’une
explicites et processus contrôlés certaine mauvaise volonté (« quand il veut,
La rééducation, chez l’enfant, consiste en un il peut ») ou qu’il se complaît dans la dépen-
enseignement dont la méthodologie particu- dance à l’adulte (« il veut rester bébé »). Or,
lière doit tenir compte du symptôme, du méca- la plupart du temps, il s’agit de gestes acquis
nisme sous-jacent aux troubles et du diagnostic. en rééducation (lacets, habillage (cf. p. 184),
L’objectif est de tenter de réduire les symptômes diverses constructions, graphisme manuel,

21
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

etc.). L’enfant peut produire ces gestes (avec Le choix de l’écriture manuelle, dans le cas
même une bonne réussite) si : (malheureusement fréquent) où cette dernière
 il ne fait que cela ; reste sous contrôle attentionnel (double tâche),
 il n’est pas fatigué ;
peut donc constituer un grave sur-handicap.
 il peut concentrer toute son attention uni-
quement sur cette tâche ;
 il dispose d’un temps suffisant (générale-
Méthodes de rééducation
ment plus long que la normale).
La prescription des rééducations prend racine
Mais, s’il veut suivre la conversation en dans le diagnostic (de maladresse gestuelle, de
même temps qu’il coupe sa viande (double dyspraxie, de retard psychomoteur ou de TAC),
tâche), alors il doit choisir : ou couper la le plus souvent à raison d’une ou deux séances
viande (geste non automatisé, appris et réa- par semaine durant une durée indéterminée
lisable en rééducation) ou suivre la conver- (souvent plusieurs années). Mais, outre le fait
sation (cf. p. 180)… De même, s’il doit finir que la situation de double tâche – pourtant
de copier au tableau et écouter les explica- centrale – est habituellement méconnue (ou
­

tions de l’enseignant, mettre son manteau négligée), les rééducations individuelles (psy-
et répondre à son copain, tirer un trait et chomotricité, ergothérapie) ne spécifient jamais
réfléchir à la conversion des millimètres en ni les objectifs ni le contenu des séances, laissés
centimètres, écrire à la main et planifier sa à l’initiative des différents professionnels.
phrase… Chacun d’entre eux, en effet, est formé pour
évaluer les troubles (chaque professionnel dis-
pose de bilans spécifiques) puis mettre en
Il faut donc savoir évaluer le « coût » imposé œuvre les remédiations, rééducations et entraî-
au jeune dys- lors de la réalisation de telle ou nements. Ces rééducations font appel à diffé-
telle tâche, et savoir préciser quand, à quelles rentes techniques, généralement fonction de la
doses et dans quel cadre on peut demander formation et des convictions du professionnel,
telle ou telle performance à l’enfant. proposant des entraînements variés, souvent
présentés sur un mode ludique et ciblés sur les
Il faut aussi évaluer la pertinence d’une réédu­ échecs de l’enfant lors du bilan.
cation qui donne des résultats visiblement
satisfaisants en situation « artificielle » mais
qui, de façon masquée, induit un sur-handi- Méthodes traditionnelles
cap caché en situation « écologique ». ou « classiques »
Il s’agit de méthodes dites sensori-motrices, ou
En effet, s’il n’est pas a priori très grave de ne encore globales, qui visent à entraîner (restau-
pas bien dessiner les lettres (du moment qu’on rer) simultanément les fonctions sensorielles
peut laisser une trace écrite durable et de qua- (proprioception ; kinesthésie ; fonctions vesti-
lité), il peut être dangereux de favoriser le gra- bulaires, tactiles), motrices (équilibres ; coordi-
phisme manuel si cette performance se réalise, nations statiques et dynamiques avec jeux de
tout au long de la scolarité, aux dépens des ballon, de cerceaux, de sauts, de grimper ; coor-
tâches de haut niveau normalement liées à l’écrit dinations œil–main), spatiales (parcours sous
(orthographe, prise de notes, écoute de l’ensei- diverses formes), schéma corporel…, toutes
gnant, constitution de liens, compréhension, fonctions impliquées, à divers degrés, dans la
mémorisation, rédaction de textes…). L’enfant réalisation et la régulation du geste [21].
écrit de mieux en mieux (cf. p. 50) et, croit-on,
« comme tout le monde » (partie visible de l’ice- « Ces techniques peuvent certes donner
berg, cf. figure 3.1) mais en fait, plus il écrit à la des résultats positifs (par exemple, l’enfant
main, plus il perd d’informations (partie cachée progresse dans les exercices travaillés,
de l’iceberg)… comme l’équilibre ou la réception

22
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique

de ballons ou l’organisation spatiale…), bales mais propose de façon spécifique de se


mais sans que ne puissent être réellement centrer sur les aspects rythmiques de l’exécu-
mis en évidence des résultats concernant tion des mouvements (figures géométriques,
l’aspect fonctionnel, le handicap. » chansons, mouvements corporels, gestes
H.J. Polatajko, N. Cantin graphiques…).
• De même, la méthode d’entraînement kines-
Dans ce cadre, certaines techniques ont insisté thésique de Laszlo et al. (1983, 1985, 1988) ne
sur tel ou tel aspect plus particulier de la réédu- convainc guère : pas ou peu de différence
cation, faisant porter les efforts sur les proces- entre les performances des enfants rééduqués
sus sous-jacents supposés déficitaires. selon ces principes et ceux qui reçoivent un
• La méthode d’intégration sensorielle ou IS [22] traite­ment « classique » voire… aucun traite-
est directement issue de l’hypothèse selon ment [26].
laquelle les troubles de régulation du geste
de ces enfants seraient secondaires à des trou-
bles d’intégration sensorielle. Le travail porte En résumé, ces méthodes ont fait l’objet
alors surtout sur les modalités sensorielles d’études récentes qui, bien que peu nom-
dites « proximales », à savoir vestibulaires, breuses (peu d’études cherchent à évaluer des
proprioceptives et tactiles. Pour ce faire, le protocoles de rééducation, ces derniers étant
thérapeute fait appel à des mouvements de d’ailleurs rarement suffisamment rigoureux
balancement, d’équilibre, d’entraînement pour en permettre l’évaluation), sont très
tactile et proprioceptif (gestes effectués dans décevantes. Aucune de ces méthodes, pour
le sable ou d’autres matériaux, sans contrôle lesquelles nous avons désormais plus de
visuel). trente ans de recul, n’a obtenu de résultats
convaincants [21].
« Cela fait 30 ans qu’aucune preuve
convaincante de l’efficacité de l’intégration
sensorielle n’a été trouvée. Étant donnée Rééducations du graphisme
le grand nombre d’études échouant
à prouver son efficacité, les théories Là encore ces techniques, utilisées depuis les
en faveur de cette méthode thérapeutique années 1970, n’ont pas fait leurs preuves. Les
doivent donc être considérées de manière évaluations montrent certes une amélioration
critique… (…) discrète, mais qui a tendance à se détériorer à
Les résultats cumulatifs de 7 études l’arrêt de l’entraînement.
indiquent que l’IS n’est pas plus efficace
C’est le cas de la rééducation graphomotrice
qu’un placebo dans l’amélioration des
habituellement pratiquée par des psychomotri-
performances scolaires qui constituent
pourtant l’objectif thérapeutique majeur
ciens. Il s’agit de techniques sensori-motrices
de l’IS (…). Vis-à-vis des habiletés motrices globales qui visent expressément, par une pro-
l’IS est, dans de nombreux cas, aussi gression qui s’inspire de l’évolution normale de
efficace que l’absence de tout traitement. » l’enfant valide, l’amélioration du geste graphi-
H.-J. Polatajko, N. Cantin15 que. Les progrès observés n’ont malheureuse-
ment que pas ou peu de répercussion
fonctionnelle (en milieu scolaire) du moins
• L’approche de M. Frostig [23], proche de la
dans les pathologies du graphisme qui nous
précédente, insiste davantage sur les aspects
intéressent ici.
visuels, la coordination œil–main et la préci-
sion gestuelle (visuospatiale, visuographique…). La méthode Jeannot (le petit chien [27]) est plus
volontiers pratiquée par les ergothérapeutes. Il
• La méthode « le bon départ » [24, 25] utilise
s’agit de soutenir le graphisme manuel par l’évo-
aussi des stimulations sensori-motrices glo-
cation de différentes parties du « petit chien »
(oreille, dos, queue…) qui représentent des élé-
15 Polatajko HJ, Cantin N. Op. cit. ments de chaque lettre à dessiner, ­éléments qu’il

23
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

faut enchaîner. À ce jour, à notre connaissance, Rappelons à cette occasion que :


les effets fonctionnels (scolaires) de cette • tout enfant atteint d’une pathologie stable
méthode n’ont jamais été évalués… (non évolutive) progresse, avec ou sans réédu-
À noter également, les résultats très décevants cation ; si les progrès (relatifs) sont plus lents
d’un programme d’écriture multisensorielle que ceux qu’effectuent les enfants valides
proposé par Lockhart et Law en 1994 [28] : les durant la même période, ils sont concomi-
auteurs eux-mêmes constatent que leurs résul- tants d’une aggravation de l’écart à la norme
tats ne sont pas probants. (cf. p. 50) ;
• des progrès de l’enfant (y compris à des tests
Exemple
étalonnés) ne sont pas forcément productifs
Y., jeune dysgraphique de 10 ans, bénéficie ni fonctionnels, si l’enfant reste au-dessous
d’une prise en charge en graphomotricité à d’un certain seuil qui constitue la perfor-
raison de deux séances par semaine. Après mance « plancher » pour cet âge ou ce niveau
18 mois de prise en charge, le ­psychomotricien scolaire. On doit alors s’interroger sur la
indique (extraits du bilan de suivi d’évolu- signification de ces « pseudo-progrès » et sur
tion, 2006) : la justification des rééducations dont ils
« Amélioration du graphisme se traduisant seraient issus…
par un gain de 4 points au BHK16, ­amélioration
en qualité et en vitesse (…) mais on note
une dégradation de la production avec le Méthodes « dynamiques »
temps et la fatigue (…). Par ailleurs les ensei-
gnants n’ont pas constaté de modification
(ou « écologiques »)
majeure de son écriture (…) ; cela soulève le Ces approches s’appuient sur une conception
problème de la généralisation des acquis en dite « dynamique » (car inspirée de la théorie
situation, en regard de l’importance du tra- physique de l’évolution des systèmes dynami-
vail rééducatif proposé. » ques) du développement des coordinations ges-
Et de conclure : « On note donc des amélio- tuelles chez l’enfant. Les systèmes complexes,
rations sur certains des aspects de l’écriture, comportant de multiples variables indépen-
mais ces dernières restent fragiles et encore dantes, évoluent toujours vers un état stable,
incertaines (…). Il semble donc important de prévisible. Il en serait de même de la gestuelle
continuer et renforcer ce travail. » de l’enfant, dont l’évolution dans le temps serait
Cette observation est tout à fait caractéristi- liée à l’émergence d’une auto-organisation per-
que, emblématique de toute une série de ceptivo-motrice (les patrons de coordination)
rééducations, à la fois sans fin (il faut encore qui se mettrait en place spontanément sous
et encore « renforcer ce travail »…) et sans l’influence du libre jeu des différents systèmes
efficacité fonctionnelle puisque le handicap concernés et des contraintes (biomécaniques,
scolaire, le « trouble spécifique des appren- environnementales…) dans lesquelles ces sys-
tissages » n’est pas amélioré du tout. tèmes évoluent.
Il s’agit donc essentiellement de mettre l’enfant
« en situation », en graduant les difficultés via
Des « progrès » (attestés par les scores à tel ou tel
les contraintes qu’il doit gérer : nombre de
bilan) laissent penser qu’on est sur la bonne
coordinations et degrés de liberté concernés
voie, alors qu’enfant et rééducateur ne font que
par le geste, force, amplitude, vitesse… [29].
courir après un horizon qui semble toujours
Idéalement, on propose des exercices dans des
atteignable et recule pourtant au fur et à mesure
situations les plus naturelles possibles (« écolo-
de l’avancée de la rééducation : « toujours plus
giques »), le plus possible intégrés dans la vie
de la même chose qui ne marche pas » (cf. p. 3) !
quotidienne (au domicile, ou à l’école, impli-
quant les parents et les enseignants), de façon
16 BHK : Charles M, Soppelsa R, Albaret JM. ECPA brève mais fréquente (séances de 20 minutes,
éditions. trois à quatre fois par semaine), en visant une

24
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique

tâche précise (saut, lancer, écriture, habillage…) • ai-je bien réussi ? (comparaison entre la réali-
et en variant les contextes de l’action (il s’agit sation, le résultat final et le projet initial, feed-
de varier les contraintes pour lesquelles la réa- back) et, le cas échéant, qu’ai-je raté et
lisation du geste est requise afin de gagner en pourquoi ? (analyse et repérage explicite du
souplesse de réalisation, et de favoriser la pos- problème rencontré, énonciation des solu-
sibilité de transferts vers d’autres gestes pro- tions à mettre en œuvre pour y remédier).
ches mais non travaillés).
On prévoit une série limitée de séances (12 à
Les études évaluatives [30] montrent une amé- 15 séances) d’une heure chacune, à raison d’une
lioration statistique notable des performances ou deux fois par semaine.
du groupe rééduqué selon ces techniques par
Les différentes évaluations de ces pratiques
rapport aux groupes témoins (auxquels on a
[35-37] concluent à une amélioration significa-
proposé une rééducation « classique »). Mais, là
tivement plus importante qu’avec les méthodes
encore, l’amélioration est mesurée par le score
contrôle (méthode classique, Ayres…), avec
obtenu à un test gestuel, le M-ABC [31], alors
des  résultats qui se maintiennent après l’arrêt
que les auteurs soulignent une importante fai-
des rééducations et peuvent se transférer à
blesse : ces progrès ne sont pas toujours perçus
d’autres habiletés non travaillées.
par les enfants eux-mêmes, ni surtout par leurs
enseignants, posant toujours la question (pri-
mordiale) de la fonctionnalité des progrès « Les analyses montrent également une
obtenus. amélioration significative au niveau
d’habiletés non ciblées par la prise
en charge. (…)
Méthodes cognitivoverbales La CO-OP conduit à des améliorations
statistiquement plus importante que
Il s’agit d’approches qui font appel, consciem- l’ergothérapie traditionnelle. »
ment, à des stratégies cognitives de type ana- H.-J. Polatajko, N. Cantin17
lyse de tâche et résolution de problèmes.
S’appuyant explicitement sur le raisonnement, Ce sont, à ce jour, les seules méthodes aux résul-
la mémoire et le langage et s’inspirant des tra- tats positifs nets et ce, probablement pour trois
vaux de Meichenbaum en 1977 [32], elles ont raisons :
été à l’origine de différentes méthodes, telles
l’autoguidage ou les auto-instructions verbales, • ce sont des méthodes actives, dans lesquelles
ou encore, plus récemment, la méthode CO-OP l’enfant est acteur (c’est lui qui produit l’ana-
(Cognitive Orientation to daily Occupationnal lyse de la tâche, des erreurs…) ;
Performance) [33, 34]. • on met en avant ses compétences, on utilise
On délivre des instructions verbales et on four- les « points forts » du jeune dyspraxique : le
nit des feed-back précis, fondamentaux dans langage, le raisonnement, la séquentialisation
cette approche, pour permettre à l’enfant de de la tâche ;
juger de sa performance et d’en modifier les élé- • on lui apprend à raisonner sur ses difficultés,
ments jugés maladroits ou insuffisants ou ratés. ce raisonnement étant facilement généralisa-
Le jeune, lui, est mis en situation de résolution ble (la tâche actuelle n’en étant qu’une
de problème (but–planification–action–vérifi- particularisation).
cation), concrètement sollicité par une série de Notons encore, au sein des méthodes cognitives,
questions : l’imagerie motrice [38]. Il s’agit de la capacité à
• que dois-je faire, quel est mon problème ? s’imaginer et à se représenter en train d’agir, en
(déterminer et énoncer le but poursuivi) ; simulant une action réelle effectuée par soi-même
• comment vais-je m’y prendre ? (déterminer la ou par autrui. Très utilisée pour les apprentissa-
stratégie) ; ges moteurs dans le cadre de la performance
• que dois-je faire ? (énoncer précisément les
étapes, leur contenu et leur organisation) ; 17  Polatajko HJ, Cantin N. Op. cit.

25
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

sportive de haut niveau ou en milieu scolaire, ces le fait de savoir se rhabiller en sortant des
techniques ne peuvent guère être mises en œuvre toilet­tes, cf. p. 185)… Dans ces cas, une straté-
avec efficacité avant l’âge de 7–8 ans. En effet, des gie séquentielle et verbale (petite comptine à
études récentes [11] ont montré que ce n’est que savoir par cœur, stratégie CO-OP) est, comme
très progressivement, entre 5 et 7 ans, que ces nous venons de le montrer, le choix le plus
capacités d’imagerie motrice émergent. efficace et le plus judicieux ;
En résumé, ces méthodes : • restaurer (au moins partiellement) les proces-
• visent à réduire tel ou tel symptôme précis, sus pathologiques sous-jacents (approches
particulièrement gênant dans la vie de l’en- orientées vers le déficit). Ces approches, très
fant (méthode orientée vers la tâche) ; elles ne critiquables, sont actuellement abandonnées :
prétendent nullement restaurer la fonction – d’une part, comme nous l’avons montré plus
gestuelle, et encore moins agir sur un (ou des) haut, elles n’ont jamais fait leurs preuves,
processus déficitaire(s) supposé(s) à l’origine – d’autre part, les processus déficitaires possi-
des troubles ; blement en cause sont très nombreux, mal
• surtout, sollicitant explicitement et intention- connus dans leurs inter-relations et probable-
nellement les fonctions verbales et raisonne- ment différents selon les enfants (cf. p. 18–19) ;
mentales du jeune, elles mobilisent ipso facto dans ce domaine, de très ­nombreuses hypo-
une part importante de ses ressources atten- thèses ont été proposées [39], testées, plus ou
tionnelles. moins partiellement validées dans certains
groupes d’enfants, mais il faudra attendre des
Ces stratégies cognitivoverbales sont certaine- résultats plus concluants, et probablement
ment les mieux adaptées à l’enfant dyspraxi- scinder le groupe des enfants TAC et/ou
que, à condition qu’elles ne concernent que : dyspraxiques, pour mieux comprendre la
(les) racine(s) de leur handicap,
• un petit nombre d’activités, bien ciblées et
– enfin, même si les processus pathologiques
dont la réalisation est socialement ou sco-
en cause pouvaient être précisés, il n’est pas
lairement indispensables (cf. p. 185) ;
certain que ces déficits primaires soient
• surtout, des activités ponctuelles, qui peu- accessibles à la rééducation ;
vent être réalisées isolément, du fait des
importantes ressources cognitives (atten- • limiter le handicap : c’est bien sûr l’option la
plus rationnelle et, de loin, la plus efficace. Le
tionnelles) qu’elles requièrent, ce qui exclut
handicap résulte de l’intersection entre une
qu’elles puissent être utilisées pour améliorer
incapacité (ici gestuelle et/ou visuospatiale) et
le graphisme manuel en situation scolaire…
l’environnement. Une même incapacité (par
ex., incapacité à se repérer sur un plan) n’a pas
Car, in fine, la véritable question n’est pas celle de la même répercussion fonctionnelle selon le
méthodes de rééducation, mais bien celles des contexte dans laquelle elle s’exprime : très
objectifs auxquels elles sont censées répondre. gênante si le jeune se promène en ville et se
perd, elle devient négligeable en voiture s’il
dispose d’un GPS… Il en va de même pour :
Objectifs des rééducations
– la dysgraphie : peu gênante pour écrire une
Théoriquement, on peut viser trois sortes d’ob- liste de courses, tranquillement, au domi-
jectifs, isolément ou en association : cile, un dimanche matin ; catastrophique
• réduire le (ou les) symptôme(s) (approches s’il s’agit de prendre des notes durant un
orientées vers la tâche) : c’est une stratégie qui cours et que ces notes s’avèrent ensuite être
n’a de sens que si elle s’applique à quelques lacunaires et illisibles,
rares symptômes, ponctuels, bien circons- – l’habillage, où le handicap peut résulter
crits, à des tâches bien répertoriées et peu d’une contrainte particulière telle la rapi-
nombreuses, qui induisent une gêne particuliè- dité ou encore le fait que le corps soit humide
rement humiliante et incontournable (par ex., (sortie de piscine), etc.

26
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique

Cela suppose donc de repérer les situations Ce que n’est pas le projet
de handicap : à l’école ou au domicile ou lors thérapeutique individuel
de telle activité et, précisément, dans telle ou
telle circonstance. À partir des éclairages et exemples précé-
On peut alors selon le cas, l’efficacité et le dents, il apparaît donc, comme en négatif, ce
type de résultat recherché : tenter de réédu- que ne doit pas être le projet thérapeutique
quer le jeune (en choisissant une approche d’un enfant dys- en général, dyspraxique en
cognitivoverbale) et/ou aménager les condi- particulier.
tions environnementales.
Ce n’est pas une réponse
stéréotypée à un diagnostic
Le projet thérapeutique individuel comprend
donc toujours trois grands axes, qui doivent Quelquefois le diagnostic de dyspraxie, émer-
être clairement identifiés : geant à la fin d’une démarche bien conduite,
déclenche « la » prise en charge, comme une
• rééduquer (méthode cognitivoverbale) un ou
réponse automatique : ordinateur, psychomo-
deux gestes, une ou deux tâches, dont la réali-
tricité, ergothérapie, AVS…
sation apparaît actuellement incontournable
et indispensable ;
• aménager (adapter, pallier) les situations géné- Pourtant, s’il est certain qu’il y a, comme
ratrices d’un handicap. Pour les enfants qui dans toute pathologie, des indications-types
nous occupent, ce handicap peut être social qui répondent au noyau commun justifiant
(repas, habillage, sports et loisirs) ou scolaire. que tous soient réunis sous le même vocable
Entre 4 et 16–20 ans, dans nos cultures, l’es- « d’enfants dyspraxiques », il est indispensa-
sentiel du projet se concentre autour de l’école,
ble de penser la thérapeutique comme une
lieu d’apprentissage mais aussi, par la confron-
prescription « sur mesure », extrêmement
tation permanente avec les pairs, lieu où se
individualisée.
forgent les identifications, l’image de soi, la
personnalité ;
• contourner, éviter… Il faut renoncer à tout En effet, sur le plan purement clinique, le dia-
rééduquer ! Il faut savoir éviter certaines gnostic de dyspraxie s’actualise au sein d’his-
situations, renoncer à certaines habiletés toires individuelles et familiales particulières :
« facultatives ». Bien sûr, c’est au cas par cas, quoi de commun entre un enfant qui présente
lors de discussions avec l’enfant et sa une dyspraxie isolée, sans aucun autre signe
famille, en fonction de son projet, de sa per- associé, de très bon niveau verbal, très soutenu
sonnalité, de ses goûts et intérêts qu’il faut par des parents informés et étayants, et un autre
négocier pour faire accepter certains atteint simultanément d’un déficit des fonc-
renoncements… tions exécutives, dont les compétences verbales
sont « limites » et les parents dépassés ; ou
encore cet autre qui souffre aussi de troubles
gnosiques visuels sévères associés à des troubles
Ce projet doit en permanence (au moins une
du comportement ? Tous, pourtant, peuvent, de
ou deux fois par an) être évalué (au regard
façon justifiée, être repérés à la MDPH comme
des objectifs et sous-objectifs explicitement
« dyspraxiques ».
visés) puis réajusté, en fonction des résultats
obtenus (ou non) et de l’évolution des Chaque mosaïque de symptômes, chaque his-
toire familiale, chaque trajectoire, représente
­exigences environnementales (elles-mêmes
une situation unique qui doit donner lieu à un
variables en fonction de l’âge de l’enfant, du
projet au plus près des besoins de chaque enfant,
projet scolaire lui-même, etc.)
de chaque famille.

27
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Ce n’est pas une juxtaposition cienne propose également, durant une par-
tie des séances, un travail centré sur
de projets « locaux »
l’habileté corporelle et sur les notions spa-
Mais, le plus souvent, des prises en charge tiotemporelles. L’ergothérapeute de son
démarrent sans aucun diagnostic précis ou sur côté s’intéresse aussi aux activités de la vie
une simple suspicion, à partir de la constatation quotidienne (en particulier l’habillage).
d’un symptôme (maladresse, retard psychomo- L’orthoptiste (consultée sur les conseils de
teur, dysgraphie, dyslexie, voire trouble d’accès l’ophtalmologiste), qui a constaté un impor-
au calcul…), c’est-à-dire d’une anomalie qui, tant déficit de la poursuite oculaire et une
« logiquement », apparaît comme « à rééduquer ». grande difficulté à produire des mouve-
Le symptôme est considéré comme « à éradi- ments saccadiques, a préconisé, pour com-
quer » avec l’idée (plus ou moins implicite) que mencer, une série de 20 séances. Enfin, vers
si l’anomalie peut être gommée ou réparée par le milieu du CP, désarçonnée devant les
une action rééducative adéquate, d’une certaine grandes difficultés de M. pour apprendre à
façon, l’enfant sera plus ou moins « guéri ». lire, la maman, sur les conseils de l’ensei-
gnante, a mis en place une rééducation
Au fur et à mesure que des symptômes sont
orthophonique. À noter aussi que, depuis la
repérés, en cascade, les rééducations se multi-
grande section de maternelle (date à
plient, souvent sans profit ni amélioration
laquelle, devant l’importance du retard gra-
flagrante.
phique, le diagnostic de dyspraxie a été
Exemple ­évoqué par le médecin scolaire), M. a été
signalé à la MDPH et dispose d’une AVS à
Le jeune M., 7 ans et demi, en fin de CP, pré-
mi-temps.
sente une dyspraxie visuospatiale (DVS), iso-
lée mais sévère s’accompagnant d’importants Quel bilan, après deux ans de cette prise en
troubles du regard. Lorsque nous le rencon- charge intensive, mais sans aucune cohé-
trons, les parents organisent eux-mêmes le rence globale ?
suivi de leur enfant en un ballet continu de L’enfant est épuisé (ses parents aussi) mais,
rééducations en libéral (six séances hebdo- malgré cette débauche d’aides matérielles
madaires). Ils sont allés de spécialiste en spé- et humaines, en dépit des efforts consentis,
cialiste (psychomotricien, ergothérapeute, nonobstant les progrès pourtant réalisés
graphothérapeute, ophtalmologiste, orthop- (en particulier en graphisme manuel – désor-
tiste, orthophoniste, pédopsychiatre), au mais lisible – et un peu en habillage), M. n’a
gré des difficultés et anomalies notées par pas pu apprendre à lire et ne peut suivre le
l’école ou par tel ou tel professionnel. rythme imposé par un CP ordinaire ; il est
On leur a signalé le retard graphique : saturé, découragé et en échec sévère. Il a
M.  « bénéficie » d’une séance par semaine pourtant déjà un an de retard. L’école sug-
de psychomotricité (proposée par la psycho- gère alors de continuer les apprentissages
motricienne qui avait fait le bilan initial), au sein d’une CLIS…
d’une séance de graphomotricité (sur le Ni l’enfant ni les parents ne comprennent
conseil d’une amie) et d’une séance d’ergo- pourquoi les « choses ne s’arrangent pas »,
thérapie (car on leur a parlé de dyspraxie et puisque « on a tout fait » et que M. est intel-
ils se sont renseignés sur Internet). Il dispose ligent (ce qui est attesté par l’examen psy-
aussi d’un ordinateur demandé par les chométrique pratiqué en cours d’année par
parents à la MDPH, dont il ne sait que faire la psychologue scolaire). Tout ce qu’il a
car M. est très fier de ses progrès en gra- appris, au terme de ces deux années, c’est
phisme manuel (cf. p. 50), ordinateur qui qu’il a besoin d’aide « pour tout », qu’il faut
embarrasse aussi l’enseignante mais est qu’il produise toujours plus d’efforts (dont
quand même « un peu » utilisé par l’ergo- il ne perçoit aucun résultat en retour) et
thérapeute pour entraîner M. à des jeux qu’il ne peut pas suivre ses copains qui pas-
constructifs et spatiaux. La psychomotri- sent en CE1.

28
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique

En fait, on a juxtaposé, sans logique ni cohé- On comprend que cela est difficile (voire impos-
rence d’ensemble, des rééducations « loca- sible) pour les parents qui doivent (ou qui
les » qui, isolément, semblent répondre à un ­souhaitent) gérer eux-mêmes les différentes
besoin, mais qui forment un patchwork dis- thérapies, d’autant qu’ils sont souvent envahis
parate et, de fait, sans efficacité. par l’angoisse de « manquer une chance » pour
En particulier, la difficulté de M. à appren- leur enfant, ce qui les incite, bien naturellement,
dre à lire n’a pas été reliée à ses problèmes à « tout essayer ». Malheureusement, même dans
de regard (cf. p. 122). Les « aides » mises en des structures spécialisées (SESSD, SESSAD,
place sont inadaptées car non spécifiques, IEM, CMPP, CMP…), le projet global reste
les liens entre les rééducations et les appren- encore trop souvent la juxtaposition des projets
tissages scolaires sont opaques et M. n’est des différents acteurs.
confronté en permanence qu’à ses difficul- Ces structures bénéficient en effet d’un plateau
tés dans lesquelles il s’enlise. technique très complet, et chaque professionnel
procède – soit à l’admission de l’enfant, soit
ultérieurement – à une évaluation spécifique de
Or le symptôme n’est qu’un signe. Rester au son domaine. Ces examens, qui permettent de
niveau du symptôme, c’est faire deux types recenser précisément les compétences et incom-
d’erreurs qui pèseront lourd sur l’évolution de pétences de l’enfant dans différents domaines
l’enfant : au regard de son âge, doivent être utilisés pour
• proposer « toujours plus de la même chose qui en faire une synthèse d’où le diagnostic, puis le
ne marche pas » (cf. p. 3) : rééduquer le symp- projet global devraient émergent.
tôme conduit à proposer plus d’entraînement, Mais, le plus souvent, la conclusion de ces diffé-
plus d’exercices, plus de démonstrations, plus rents examens – dont une partie est spécifique
d’activités préliminaires (les pré-requis, les à chaque domaine professionnel et dont une
préalables ou les supposés « stades anté- partie se recoupe (figure 2.1) – consiste en une
rieurs »), bref, plus d’efforts qui, mal choisis et sorte de listing d’incapacités assorties des
mal orientés, n’atteignent pas leur but ; ­rééducations censées réduire chacune : ces
• isoler chaque difficulté : si l’on isole chaque pseudo-projets sont alors restreints à une suc-
symptôme pour le traiter comme un trouble cession d’exercices conçus comme des entraî-
autonome, on s’empêche de voir (et de traiter) nements progressifs qui doivent faire reculer
le dysfonctionnement commun qui, en amont, chacun des différents symptômes.
les relie. Chaque symptôme doit être intégré Ces prises en charge se trompent d’objectif : s’il
dans un projet global et non pas être considéré est vrai que l’enfant (au prix d’un entraînement
isolément. cinq à dix fois plus important que l’enfant tout-
venant) peut (partiellement) améliorer tel ou
tel symptôme (par ex., graphisme), à quoi lui
sert ce graphisme désormais lisible si, durant
La dyspraxie n’est pas la conséquence d’un cette période de rééducation et de « progrès », il
défaut d’enseignement ni d’une insuffisance prend un retard scolaire rédhibitoire (cf. p. 19,
d’entraînement (cf. p. 4) : c’est une anomalie 49 et 137) ?
neurodéveloppementale, un handicap qui
distord ou interdit certains apprentissages « Il faut un fort besoin pour inciter des
gestuels et/ou certains traitements spatiaux. professionnels à entrouvrir chacun leur
Seul le projet global permet d’attribuer à cha- porte pour construire ce nouvel espace fait
que symptôme sa place dans la mosaïque de de l’intersection de cultures singulières.
problèmes qui assaillent l’enfant, puis de Se réunir est coûteux en énergie, en temps…
Il faut que chacun s’y retrouve. (…) De la
décliner précisément les objectifs d’un projet
multidisciplinarité à l’interdisciplinarité
individuel en termes de priorités, d’objectifs
puis à la transdisciplinarité, l’intersection
et de sous-objectifs. des savoirs partagés par ceux qui

29
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Kiné
– Motricité Ergo
– Coordinations
– Vie quotidienne
Psychomot. motrices
– Aides techniques
et oculomotrices
– Structuration
temps
– Image
APPRENTISSAGES
du corps
– VPS

– schéma
corporel
– LE Ortho
Neuropsychologue – LO
– Facteur G – Mémoires
ECOLE
– Fonctions
Enseignant
attentionnelles
et exécutives

Figure 2.1. La complémentarité des différents professionnels : le risque d’une juxtaposition.


Ortho : orthophonie ; Psychomot : psychomotricité ; Ergo : ergothérapie ; Kiné : kinésithérapie ; VPS : activités
visuo-practo-spatiales ; LE : langage écrit ; LO : Langage oral.

constituent la pluralité d’origine va C’est pourquoi, il arrive quelquefois que cela


s’agrandir au profit d’une entité culturelle débouche sur une véritable « coalition » objec-
commune qui se structure, se solidifie et à tive (involontaire) des différents acteurs. Cette
laquelle chacun peut se référer. » situation déstabilise le rééducateur qui se sent
J.-M. Wirotius18 isolé et n’ose plus défendre son projet thérapeu-
tique, redoutant de heurter les parents et d’in-
Il faut donc, en permanence, lutter contre cette duire un conflit avec l’enseignant. Surtout, ces
tendance « naturelle » à juxtaposer les actions conflits, ouverts ou latents, insécurisent grave-
du fait : ment l’enfant. Ils rendent compte du refus fré-
quent des jeunes lors de propositions « autres »
• des rééducateurs eux-mêmes, qui s’y résolvent
(c’est l’enfant, nous dit-on, qui veut écrire à la
souvent faute de réel projet global qu’ils ne
main, qui veut faire comme tout le monde,
peuvent concevoir seuls : un coordinateur,
cf. p. 71) et in fine, de ses faibles résultats scolai-
qui effectue la synthèse des données, doit être
res en dépit de ses « progrès » en rééducation et
le pivot du projet ;
de ses excellentes capacités raisonnementales,
• des parents, qui espèrent que la disparition verbales et mnésiques.
des symptômes sera synonyme de retour à « la
Convaincre de la nécessité d’actions non évi-
norme » ;
dentes pour le grand public, lutter contre le
• des enseignants enfin, qui assimilent volon- sens commun et obtenir la confiance, l’adhé-
tiers (à tort) le trouble dys- à une insuffisance sion des différents acteurs est donc indispen-
d’entraînement ou d’efforts (cf. p. 4)… sable : cela suppose en premier lieu d’être
soi-même bien au clair avec la justification et
18 Wirotius JM. La rééducation : vers une cohérence la motivation des différentes propositions
sémantique. J Réadapt Med 2003 ; 23, no 2–3 : 43–8. thérapeutiques.

30
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique

Ensuite, il faut disposer de temps de rencontres


Car l’objectif, en matière de dys-, c’est de
avec les autres intervenants et les parents pour
permettre à l’enfant, en dépit de son trouble,
expliciter les objectifs poursuivis, tracer les
grandes lignes des buts visés et des axes des de faire des apprentissages (et si possible une
­rééducations et réadaptation, les argumenter, scolarité) qui lui offrent un épanouissement
les justifier. personnel, puis ultérieurement une inscrip-
tion sociale et professionnelle satisfaisante.

Tenter d’établir un pronostic scolaire vraisem-


Établir un pronostic scolaire blable et réaliste représente donc un ­préalable
indispensable à la conception d’un véritable
Le pronostic scolaire est l’élément qu’il faut projet thérapeutique si l’enfant ­souffre d’une
tenter de déterminer au plus juste avant de dyspraxie avérée (mais aussi d’ailleurs, s’il souf-
construire le projet thérapeutique, car c’est le fre d’un autre dys- ou TSA).
fil d’Ariane qui relie entre eux les différents
symptômes, c’est le cœur du projet thérapeuti-
que pour les enfants souffrant d’un dys- et/ou En effet, c’est de l’évaluation du handicap
TSA, c’est ce qui permet de donner force et scolaire que doit dépendre l’aide (en nature
cohérence aux différentes propositions de et intensité) à la scolarisation : les moyens
­rééducations et de réadaptations qui sont déployés, tant en rééducation individuelle
avancées. C’est en effet le pronostic scolaire qui qu’en situation scolaire, dépendent étroite-
justifie de faire certains choix thérapeutiques ment des objectifs visés.
plutôt que d’autres, qui permet de hiérarchiser
les actions à entreprendre.
De façon forcément très schématique, nous dis-
tinguons quatre grands types de pronostics
Il s’agit de tenter de se projeter, en termes scolaires, selon qu’une scolarité longue peut –
ou non – être envisagée :
d’évolution, dans un avenir scolaire à moyen
et long terme permettant de calibrer les • scolarité longue (et si possible diplômante) ;
attentes (probables) et de proposer des aides • classe spécialisée (CLIS ou UPI) ;
en adéquation avec ces attentes. C’est, chez • scolarité courte (brevet, SEGPA) ;
l’enfant de 4–16 ans, le projet scolaire et le • pas de projet scolaire, mais un projet éducatif
niveau d’exigence qu’il requiert (en termes d’indépendance sociale dans un environne-
de contenu et de contraintes temporelles), ment adapté (IEM, ESAT, IMP/IMPro, appar-
qui justifient les choix thérapeutiques. tement thérapeutique…).

Il ne s’agit pas d’enfermer l’enfant dans un ave- Pronostic de scolarité longue


nir qui serait écrit à l’avance ! Tout pronostic
est éminemment hypothétique et doit en per- Les enfants dyspraxiques, du fait de leur échec
manence être réajusté en fonction de l’évolu- prévisible dans les matières scientifiques (cf.
tion réelle constatée au fil du temps, des p. 38, 118) et de leur incapacité à effectuer des
événements particuliers qui jalonnent l’his- métiers « manuels », doivent, s’ils en ont les
toire de cet enfant-là, etc. S’il est illusoire de capacités, naturellement s’orienter vers des car-
croire qu’un pronostic est ce qui va se réaliser rières littéraires (philosophie, langues, lettres,
(ce n’est qu’un des possibles), il est tout aussi droit, histoire, commerce…) qui nécessitent de
dangereux, lorsqu’on a en charge de jeunes bonnes performances scolaires et l’accès à des
enfants, de refuser toute projection dans l’ave- études supérieures diplômantes.
nir et de les enfermer dans un « ici et mainte- On peut succinctement repérer deux grands
nant » stérile. types de situations qui incitent à considérer

31
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

comme tout à fait prioritaire le projet scolaire et effet la prise de conscience des exigences du
ce, dans l’objectif d’une scolarité longue. collège qui incite à consulter, alors même que
l’enfant a généralement été repéré depuis long-
Diagnostic précoce (5–8 ans) temps comme étant en difficulté. Mais durant
et dyspraxie isolée toute la scolarité maternelle et primaire, soit on
a banalisé les troubles (« il n’est pas motivé, il est
Lorsque le diagnostic est fait entre 5 et 7–8 ans fainéant, il ne s’applique pas… »), soit on les a
(grande section de maternelle → début ou interprétés a priori en termes psychodynami-
mi-CE1), les aides adaptées peuvent être mises ques triviaux19 (« il n’a pas le désir d’apprendre,
en route précocement, autorisant ainsi la pour- il n’a pas le désir de grandir… »).
suite d’une scolarité standard de qualité, dans C’est souvent la proximité de l’entrée au collège
les temps normalement impartis. qui met en évidence l’écart entre les possibilités
Ceci est envisageable si : de l’enfant et ce qui va lui être demandé, tant en
• l’enfant fait la preuve d’un bon niveau intellec- termes de connaissances que d’autonomie et
tuel (cf. note 9, p. 9) et verbal ; d’organisation.
• la dyspraxie est isolée : les différentes évalua- Mais il est déjà bien tard : toute la scolarité s’est
tions ont exclu tout trouble de l’attention, tout déroulée non seulement sous le signe de l’échec,
déficit de la mémoire de travail, tout trouble mais aussi des exhortations inutiles (« applique-
gnosique visuel susceptible d’interférer nota- toi, entraîne-toi davantage »), des conflits (avec
blement avec les apprentissages ; les enseignants, avec les parents lors des devoirs
• il n’y a pas de graves troubles du comporte- à faire…), des déceptions et des décourage-
ment ou bien ceux-ci, modérés, peuvent être ments. L’enfant s’est construit une image néga-
rapportés à l’échec scolaire et/ou directement tive de lui (mésestime de soi) et a perdu confiance
liés à la dyspraxie (troubles secondaires, induits). aussi bien dans ses propres capacités que dans
l’aide que les adultes peuvent lui apporter.
Enfin, l’attitude des parents, réalistes quant au
trouble mais positifs et étayants, est également
un facteur qui peut s’avérer décisif. C’est pourquoi habituellement ces diagnos-
tics tardifs sont de mauvais pronostic : reflé-
tant souvent les dénégations persistantes des
En effet, la poursuite d’une scolarité au
adultes, le diagnostic est posé lors de la pré-
rythme habituel et visant des diplômes, va
adolescence ou l’adolescence, à une époque
demander à l’enfant des efforts sur le très
particulièrement difficile pour gérer la diffé-
long terme, avec des moments difficiles pré-
rence (négative) chez un jeune en grand
visibles, des déceptions, des échecs partiels
échec scolaire dont on a largement épuisé les
qu’il faudra pouvoir surmonter. La person-
velléités d’efforts et annihilé tout espoir en la
nalité de l’enfant et la qualité du soutien
scolarité.
parental peuvent être déterminants tout au
long de ce qui peut être vécu comme une
véritable course d’obstacles.
Pourtant, si l’enfant est exceptionnellement
doué sur le plan du raisonnement verbal et de
la mémoire (notes standard dans ces secteurs
Diagnostic tardif (≈ 12 ans), supérieures ou égales à 14–15, niveau verbal
mais chez un enfant « très doué » aux échelles de Wechsler faisant évoquer une
Une seconde situation peut inciter à faire le
même pari, celui d’une scolarité diplômante en
temps voulu, en dépit du diagnostic tardif. 19 L’erreur, évidemment, n’est pas l’interprétation
psychodynamique en soi (dans de nombreux cas,
L’histoire est souvent celle d’un enfant qui est elle est pertinente) mais le fait qu’elle intervienne
adressé en milieu ou fin de CM2, ou lors de la a priori comme « explicative » de l’échec scolaire et
première année de collège (p. 7, 95). C’est en soit souvent évoquée par des non-spécialistes…

32
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique

précocité intellectuelle…), alors on peut ten- Contraintes temporelles


ter de remettre sur pied un projet scolaire
ambitieux. Il faut que l’enfant soit capable de faire les acqui-
sitions scolaires prévues dans les programmes
Il est cependant impératif, dans cette configu- scolaires, dans les temps impartis. Car deux
ration, que les parents manifestent une grande années scolaires de retard entre le début de la
motivation : en effet, il faut réussir assez vite (en scolarité et la fin du collège constituent en
un an ou deux maximum : au-delà, le projet ne effet dans notre système scolaire un obstacle
peut plus prendre forme dans les délais impar- insurmontable.
tis par l’Éducation nationale) à convaincre cet
adolescent blessé de s’investir de nouveau dans
la scolarité, dans les rééducations et dans des La pression temporelle est donc intense et
adaptations. Lui redonner confiance en ses ininterrompue : le projet et la manière de le
possibilités, le persuader de prendre encore le conduire (choix rééducatifs, stratégie de
risque d’échouer – mais aussi bien sûr celui de prise en charge) doivent en tenir compte en
réussir. Les objectifs et surtout les sous-­objectifs permanence. Cela implique en particulier de
du projet, en termes d’acquisitions scolaires, les privilégier clairement les principaux objec-
moyens que l’on veut mettre en œuvre, doivent tifs scolaires à atteindre au fil des ans et donc
faire l’objet d’explications répétées. Le jeune choisir des méthodes d’accès à ces savoirs
doit sentir un fort consensus sur ce sujet entre rapidement accessibles aux jeunes en dépit
tous les adultes. L’adhésion du jeune et de ses de leur dyspraxie.
parents à ce projet, qui sera semé vraisembla-
blement d’embûches, est un élément absolu-
ment fondamental. Cette contrainte temporelle est malheureuse-
ment assez souvent négligée ou sous-estimée
Au-delà de ces deux situations assez caricatu-
par les rééducateurs, uniquement préoccupés
rales et quel que soit le cas particulier de tel ou
des « progrès » de l’enfant (indépendamment de
tel enfant pour lequel on pense justifié de tenter
leur efficacité pour réduire le handicap scolaire)
ce challenge – s’engager (l’engager), en dépit de
et de « respecter le rythme de l’enfant » (rythme
sa dyspraxie, dans la voie d’une scolarité diplô-
malheureusement toujours trop lent), avec le
mante –, il faut être conscient que ce type de
souhait qu’il puisse ainsi mieux s’épanouir.
projet est à la fois très gratifiant (on pense l’en-
fant « capable de », en particulier on envisage Or, outre le fait que l’échec scolaire est rare-
pour lui un avenir socialement valorisant) et ment épanouissant, pour permettre l’accès de
aussi très difficile concrètement à mettre en ces jeunes au moins au niveau du baccalauréat,
œuvre et à réaliser. il ne suffit pas qu’ils « poursuivent leurs pro-
grès », ni qu’ils « fassent des apprentissages », ni
En effet, cela implique :
qu’ils finissent plus ou moins par « faire comme
• des conditions temporelles très contraignantes ; tout le monde ». Deux redoublements entre 4 et
• des capacités à anticiper de façon permanente 16 ans ruineront définitivement tout projet sco-
les besoins de l’enfant. laire et professionnel de ce type et ce, quelles

SCOLARITE « NORMALE »
= Contraintes temporelles

+++
Se socialiser,
partager, Apprendre
appartenir un métier
au groupe Obtenir des
Apprendre
diplômes
Figure 2.2. Un projet scolaire exigeant doit intégrer les contraintes temporelles.

33
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

que soient leurs capacités potentielles. Pour ces Les nécessaires anticipations
enfants, c’est là tout le challenge : il faut réussir
à transformer leurs potentialités en performan- En outre, par définition, il s’agit d’un projet à
ces effectives et ce, en un délai imposé par long terme, qui réclame endurance et détermi-
l’école. nation : il faut « tenir la distance » et ceci
concerne aussi bien le jeune et ses parents que
Il faut donc être très vigilant lorsqu’on évoque l’équipe de rééducation.
un maintien en maternelle, surtout si ce dernier
est uniquement (ou essentiellement) motivé par
un retard graphique et/ou un « manque d’auto- Il faut sans cesse savoir anticiper et prévoir
nomie ». En effet, si ces problèmes sont directe- aujourd’hui les adaptations dont le jeune
ment en lien avec la dyspraxie, le redoublement aura besoin demain, voire après-demain.
améliorera peu et seulement très temporaire- Attendre que l’enfant soit confronté à un pro-
ment les performances de l’enfant (simplement blème pour commencer à chercher ou propo-
du fait qu’il aura un an de plus…), mais la ser une solution (ou un contournement) est
­dyspraxie demeurera, toujours accompagnée une stratégie inappropriée en termes de délai
de son même cortège de difficultés scolaires de mise en œuvre et donc vouée à l’échec.
­s’accumulant au fil des ans. C’est aussi tout
l’enjeu d’un diagnostic précoce (en moyenne Engager le jeune et sa famille dans l’espoir
ou grande section de maternelle, cf. p. 7), qui d’une scolarité longue et diplômante est donc
permet de prendre des décisions pertinentes, une décision importante qui nécessite une
en toute connaissance de cause et en proté- bonne connaissance de l’enfant et une excel-
geant l’avenir. lente expérience des exigences scolaires que
Un « maintien » (ou redoublement) injustifié cela recouvre. C’est une décision qui doit être
peut compromettre l’opportunité ultérieure d’en discutée à plusieurs reprises, avec franchise et
faire bénéficier l’enfant si (du fait de la lenteur, réalisme avec le jeune et ses parents, en en sou-
de la double tâche, des adaptations nécessaires, lignant les points positifs mais sans minimiser
de la fatigabilité ou d’autres événements inter- les éventuels points de fragilité du projet.
currents) son niveau scolaire (en termes de Des entretiens avec le psychologue peuvent être
niveau des acquisitions) se trouvait à certains très utiles à ce stade, permettant :
moments trop loin de ce qui est attendu pour
son âge. Il vaut donc mieux, si possible, se réser- • à l’équipe d’estimer la « faisabilité » de ce projet ;
ver la possibilité d’un redoublement éventuel en • au jeune et à ses parents d’évaluer leurs pro-
primaire, puis, si nécessaire, un second (et der- pres motivations, d’exprimer craintes, réti-
nier) entre la sixième et la troisième (dans ces cences, désirs.
classes, on peut aussi proposer d’effectuer une Il faut ensuite préparer soigneusement – et réa-
année scolaire sur deux ans, cf. p. 66)… juster sans relâche – des années durant, chaque
Au-delà de ces deux années de décalage, il faut élément du projet thérapeutique. Car ce type
savoir conseiller une orientation vers une scola- de projet est très exigeant : il mobilise une
rité courte, ce qui bien sûr implique aussi de énergie importante de la part du jeune, mais
réviser le projet professionnel et, par voie de aussi une disponibilité et une expérience suffi-
conséquence, à plus ou moins long terme, le santes de la part des équipes et ce, sur le long
choix de vie. terme. Un échec serait à l’origine d’une décep-
Lorsque l’enfant a deux ans ou plus de décalage tion à la hauteur des espoirs que l’on aurait fait
scolaire par rapport aux camarades de son âge, naître.
outre l’arrêt qui est donné à son projet scolaire
et professionnel, il est également en difficulté Scolarité spécialisée (CLIS, UPI)
pour se construire (on lui demande, implicite-
ment, de s’identifier à un groupe de plus jeunes), Traditionnellement, les classes spécialisées de
partager des jeux, des intérêts et des préoccupa- l’Éducation nationale (EN) sont destinées aux
tions avec ses copains de classe (figure 2.2). élèves qui ne peuvent pas (plus) suivre une sco-

34
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique

larité normale, ordinaire. Réservés aux enfants Ceux qui ont absolument besoin d’une CLIS
en grand échec scolaire cumulant des retards sont ceux qui souffrent (isolément ou en asso-
de toutes sortes, ces petits groupes (10–12 élè- ciation avec un trouble sensoriel ou moteur)
ves) permettent à l’enfant de se libérer du rythme soit :
imposé par les programmes et, au contraire, de • d’une déficience mentale et/ou de troubles
bénéficier d’un enseignement « à la carte » res- envahissants du développement (CLIS 1) ;
pectant leur rythme propre.
• d’un (ou plusieurs) dys- : ces troubles, en effet,
Les enfants inscrits dans ces classes, situées interfèrent directement avec les apprentissages
dans des écoles de quartier, bénéficient aussi scolaires et nécessitent donc des aménage-
de temps d’intégration dans les classes ordi- ments pédagogiques tout à fait spécifiques,
naires de l’école, temps choisis en fonction de qui ne peuvent prendre place au sein d’un
leur planning et des matières enseignées dans grand groupe, dans le cadre d’une scolarisa-
la classe d’intégration, ce qui favorise leur tion de masse.
socialisation et leurs relations avec des pairs
de leur âge. Pour l’instant et par défaut, c’est au sein de
CLIS identifiées comme des CLIS 4 (handicap
moteur) que sont habituellement accueillis les
Mais, dans la mesure où l’Éducation natio-
jeunes dyspraxiques. Selon les départements et
nale a prévu des classes dédiées à certaines
les moments, ces CLIS sont quelquefois aussi
pathologies, on doit aussi (surtout ?) les renommées « classes langage » (dédiées alors
concevoir comme des classes où s’applique aux enfants dyslexiques/dysphasiques) ou clas-
une pédagogie spécialisée, spécifiquement ses « troubles des apprentissages » (dédiées à
adaptée aux différents troubles que présen- l’ensemble des dys- et TSA) : ces appellations
tent ces élèves. ont le mérite de spécifier les populations
accueillies mais, malheureusement, ne sont pas
L’EN distingue en effet quatre sortes de CLIS des dénominations officielles.
(classes d’inclusion scolaire), destinées respec- Ceci n’est pas un détail sans conséquence : selon
tivement aux jeunes souffrant d’un handicap les années, la spécialisation (ou non) de l’ensei-
auditif, visuel, moteur ou mental. Ces derniè- gnant, les demandes d’admission, le public
res (CLIS « handicap mental » ou CLIS 1) sont accueilli, ces (rares) classes réellement spéciali-
les plus nombreuses et de ce fait sont les sées en direction des enfants dys- peuvent faci-
plus  connues du public. C’est pourquoi les lement (re-)devenir des CLIS « polyvalentes ».
parents d’enfants dys- assimilent souvent la Actuellement, on voit se multiplier ces CLIS
proposition de classe spécialisée à une admission polyvalentes de fait qui accueillent des publics
dans une CLIS 1. Or, ces dernières reçoivent très hétérogènes (jeunes souffrant de troubles
souvent à la fois des enfants souffrant d’un du comportement, de troubles envahissants du
déficit mental, de troubles du comportement et de développement ou de déficience mentale), tan-
troubles envahissants du développement. De ce dis que la création de CLIS dédiées à des publics
fait, les parents craignent, à juste titre, que ces spécifiquement dys- est récusée. Il est vrai que
CLIS 1, polyvalentes et hétérogènes, ne répondent les CLIS « polyvalentes » facilitent une meilleure
pas aux problèmes spécifiques de leur enfant dys-. proximité géographique par rapport au domi-
D’une façon générale, on comprend d’ailleurs cile des familles. Mais c’est aux dépens de la spé-
mal pourquoi des enfants qui ne seraient por- cificité des actions qui peuvent y être entreprises
teurs que d’une déficience auditive, visuelle ou sur le plan pédagogique.
motrice isolée auraient besoin d’une CLIS : ces Or, s’il est légitime de ne pas créer de « filières »
jeunes doivent être scolarisés en milieu ordi- scolaires à partir d’un diagnostic médical, il
naire, comme le stipule la loi du 11 février 2005 est au contraire très important de regrouper les
et, si besoin, bénéficier au sein de leur classe enfants, pour les apprentissages, en fonction
standard d’une pédagogie individualisée, de de leurs besoins pédagogiques particuliers sur-
matériels adaptés et d’un AVSi. tout lorsqu’on s’adresse à ceux qui, du fait de

35
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

l’intensité et/ou la particularité de leur handi- apprendre le calcul et la numération par voie
cap, ne peuvent pas (ou plus) suivre une scola- strictement verbale sans recourir à des référen-
rité standard. ces spatiales ou expérimentales, etc.
Sur le plan pédagogique, on peut en effet distin-
guer grossièrement : Dans tous les cas, les jeunes dyspraxiques
• les enfants qui, en raison de leurs troubles, (contrairement aux jeunes déficients men-
ont besoin que les informations leur soient taux) ont besoin que leurs capacités préser-
essentiellement fournies sous forme de sché- vées, leur intelligence et leur raisonnement
mas, dessins (ou pictogrammes) ou vidéos, soient utilisés comme leviers pour favoriser
car ils sont en difficulté avec le langage (oral leurs apprentissages.
et/ou écrit). Le langage employé doit être sim-
ple, largement redondant, favorisant les refor- Dans le même temps, la façon dont leur fonc-
mulations, les phrases courtes, les consignes tionnement intellectuel est affecté par leur(s)
réduites. Les méthodes pédagogiques doivent trouble(s), les mécanismes qui gênent ou
valoriser l’observation, la manipulation, l’ex- favorisent les apprentissages doivent être
périmentation active. Cela concerne les jeu- bien connus des enseignants (cf. chapitre 7)
nes dysphasiques, dyslexiques, mais aussi une qui, en collaboration avec les services de
partie des enfants malentendants avec trou- soins, sont en charge de prévoir, au cas par
bles associés ; cas, les adaptations spécifiques (puis les pro-
• les enfants qui, à l’inverse, ont besoin de s’ap- gressions) indispensables.
puyer sur le langage pour construire leurs
savoirs et ne peuvent tirer aucun enseigne- Faute de quoi, la CLIS risquerait de n’être
ment des schémas, tableaux, dessins, mani- qu’une classe où l’on proposerait à l’enfant
pulations et expérimentation d’aucune sorte « différent » de faire « comme les autres » mais
qui, au contraire, les parasitent. Cela concerne plus lentement et plus longtemps ! Quelle serait
les enfants soufrant de dyspraxie et/ou de alors la finalité de ces classes ? Le projet de
troubles neurovisuels, mais aussi certains socialisation est, pour les jeunes dyspraxiques,
jeunes malvoyants avec troubles associés, cer- nécessaire mais très insuffisant. Le projet scolaire
tains IMC porteurs de DVS, etc. doit rester un véritable projet d’apprentissages.
Il est évidemment très difficile, pour un ensei-
gnant en charge de ces enfants intelligents, dont
Car, pour les enfants évoqués ici, l’objectif
les troubles neurodéveloppementaux interfè-
rent directement avec la scolarité, de prévoir est véritablement scolaire, en termes de
une pédagogie qui privilégie à la fois le verbal concepts et de savoirs maîtrisés et ce, dans
pour les uns et le non-verbal pour les autres20, le les mêmes fourchettes d’âge que leurs pairs.
tout au sein d’un petit groupe d’une douzaine C’est la stratégie d’accès (la pédagogie) à ces
d’enfants d’âges variés et dont le niveau scolaire savoirs qui doit être spécifiquement aména-
s’étage, selon les matières, du CP au CM2. gée (et non leur contenu).
D’autant que, dans certains domaines, les
apprentissages scolaires réclament des straté- Idéalement, il faudrait donc disposer de CLIS
gies très élaborées et tout à fait inusitées en spécifiquement dédiées aux jeunes dyspraxi-
milieu ordinaire : par exemple, apprendre à lire ques et pathologies assimilés21, des classes offi-
à des enfants qui ont des troubles neurovisuels
et ne peuvent identifier les lettres de façon
­stable ou se repérer sur une ligne, ou bien 21 Sous ce terme, nous désignons tous les enfants souf-
frant d’une dys- qui épargne la sphère linguistique :
dyspraxiques bien sûr, mais aussi enfants souffrant
20 On pourrait d’ailleurs s’interroger sur la formation de troubles gnosiques visuels, de troubles visuo­
de ces enseignants, qui devraient être « spécialisés spatiaux, de troubles de l’attention, quelquefois
en tout » ! regroupés sous le vocable « troubles non verbaux ».

36
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique

ciellement étiquetées « troubles des fonctions • si les rééducations et l’ensemble du projet thé-
non verbales ». rapeutique sont gérés en collaboration étroite
Nota bene : l’enfant déficient mental qui souffre par un SESSD et les parents22.
également d’une dyspraxie doit être orienté vers • si le partenariat service de soins/CLIS est
une CLIS 1 où les éventuels dys- associés au réel, efficace et d’une durée suffisante. En
déficit intellectuel doivent aussi être pris en effet, il est souvent nécessaire de prévoir un
compte. L’orientation de ces jeunes vers des projet sur deux (voire trois) années scolaires
CLIS dys- (où, par définition, les capacités rai- avant d’envisager une réintégration en milieu
sonnementales sont utilisées, voire sur-utilisées ordinaire.
sur le plan pédagogique) est toujours une erreur
Ce type de projet peut donc être proposé pour
qui, si elle rassure momentanément les familles,
préparer, dans les meilleures conditions, un
aboutit à court terme à un échec et un mal-être
retour vers une scolarité normative (et longue)
accru de l’enfant soumis à des propositions
alors que l’enfant manifeste, dans un secteur ou
dont il ne peut pas profiter (cf. p. 41).
un autre, des faiblesses importantes qui ris-
Quels enfants faut-il envisager d’orienter vers quent de compromettre, à moyen terme, la sco-
ces CLIS dédiés aux jeunes dyspraxiques ? On larité ultérieure.
peut distinguer, là encore de façon schémati-
C’est le cas de très jeunes enfants qui ont été
que, trois cas de figures :
maintenus en grande section et dont l’intensité
• l’enfant potentiellement capable d’une scola- des troubles fait redouter (alors que l’enfant a
rité longue mais qui, mal orienté ou dont le déjà un an de retard) qu’il ne puisse apprendre
diagnostic a été trop tardif, a pris un retard à lire et écrire en une seule année, lors du CP.
trop important et ne peut plus, en l’état, pré-
tendre suivre une scolarité « normale » ; Exemple
• l’enfant multidys- (cf. p. 39) ; L. est un petit garçon qui a présenté à l’âge
• l’enfant dyspraxique dont les capacités rai- de 4 ans une méningo-encéphalite. Après
sonnementales (facteur G, cf. note 9, p. 9) un bref épisode de coma et de cécité corti-
sont normales mais faibles (notes standard cale, L. reprend sa scolarité. Le père consulte
aux épreuves de facteur G verbales ≈ 7–8), en raison des inquiétudes formulées par
n’autorisant pas les compensations indispen- l’enseignante de grande section de mater-
sables nécessitées par la présence du trouble nelle, car l’enfant ne fait pas du tout les
dys-. acquisitions attendues. Lorsque nous le ren-
controns, nous notons, outre la dyspraxie et
l’important retard graphique, la prégnance
Enfant en grand échec scolaire de troubles du regard auxquels s’ajoutent
mais potentiellement capable des troubles gnosiques visuels (non-recon-
d’une scolarité longue naissance de certaines images), qui jettent
l’enfant dans la perplexité (« je sais rien, j’ar-
Il s’agit là d’utiliser la CLIS pour donner une
rive à rien »). L. est alors maintenu en grande
seconde chance à l’enfant : il est alors capital
section de maternelle. À la fin de cette
que l’enseignant de cette CLIS soit effectivement
seconde grande section, et malgré de bon-
très spécialisé et expérimenté, à l’aise avec les
nes performances intellectuelles (QIV = 105
matériels et techniques spécifiques qui vont
au WISC-IV, à l’âge de 7 ans), il ne peut pas
permettre à cet enfant de faire rapidement
écrire à la main, ne porte aucune attention
les acquisitions indispensables à son retour en
aux stimuli visuels (qui, au contraire, sem-
milieu normal.
blent le perturber) et ne reconnaît toujours

Ce projet ne peut être mené à bien que :


• si l’enfant (et ses parents) l’acceptent : l’admis-
sion en CLIS ne doit pas être vécue comme 22 Un délai d’attente d’une année scolaire est actuel-
une démission, un renoncement, une reléga- lement habituel dans ces structures qui manquent
tion ou le signe d’un échec insurmontable ; de places et de moyens.

37
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

pas les lettres, manifestant lors de leur Exemple


dénomination des confusions morphologi- Le jeune G. n’a aucun antécédent particu-
ques très gênantes. Des difficultés compor- lier. Pourtant il est très pataud (il évoque
tementales sont également signalées par son humiliation lors des cours d’éducation
l’enseignante (agitation, labilité attention- physique ou d’une classe externée au ski…),
nelle, non-respect des règles de la classe). très maladroit et en échec scolaire depuis sa
Nous proposons alors au père, outre le suivi première année de maternelle (dysgraphie
du SESSD, de solliciter une scolarité en milieu majeure). En CE2, à la suite d’un bilan psy-
spécialisé, dans une CLIS 4 avec laquelle chométrique pratiqué par la psychologue
nous avons noué un partenariat de qualité scolaire, le diagnostic de dyspraxie dévelop-
depuis plusieurs années. pementale est évoqué.
Le projet rééducatif est ciblé sur l’aide à Lorsque nous voyons G. pour la première
l’apprentissage de la lecture en dépit des fois il est en CM1, sous la menace d’un
troubles, ce qui conduit à concevoir des redoublement. Il se présente comme un gar-
méthodes qui reposent sur l’évitement (rela- çon très inhibé, en grande souffrance, per-
tif) des afférences visuelles et la sur-utilisa- suadé qu’il « est bête et nul », se défendant
tion de l’oral et du phonologique. Ainsi, douloureusement d’être « un gogol » (un
outre la mise en place de l’ordinateur, nous débile !). Les différentes évaluations confir-
prévoyons donc une étroite collaboration ment une DVS sévère, chez un garçon intel-
entre l’orthophoniste (métaphonologie, ligent (score de 14 aux similitudes), beau
renforcement de la mémoire de travail audi- parleur et bon lecteur. C’est dans le domaine
tivoverbale, épellation), l’ergothérapeute du nombre et du calcul, que les difficultés
(apprentissage du clavier, rééducation de G. culminent : il s’avère avoir un niveau…
attention visuelle) et l’enseignant de la CLIS de grande section de maternelle !
(apprentissage des lettres, des sons, début Nous préconisons alors une admission dans
d’accès à la lecture), afin qu’il existe une notre SESSD assortie d’une orientation en
cohérence forte et une complémentarité CLIS 4, avec un projet sur deux ans pour pré-
efficace entre les différentes approches. parer au mieux son entrée au collège. Les
Le projet est alors que L. puisse ensuite réin- parents sont très réticents, mis en situation
tégrer une scolarité standard (toujours avec d’accepter notre proposition à contrecœur
l’aide du SESSD) en CE1 ou CE2. car aucune autre possibilité de scolarisation
n’est envisageable. Pourtant, peu à peu la
confiance s’établit entre l’enfant, les parents
et nous. Les relations deviennent même
D’autres jeunes peuvent bénéficier de ce type de
progressivement détendues et chaleureu-
projet ; par exemple : des jeunes en fin de pri-
ses, au fur et à mesure que G. se rassure et
maire chez lesquels on envisage un redouble-
reprend confiance.
ment et dont le trouble (ou l’importance des
retards accumulés) interdit de penser que cette Nous déclinons le projet dans différents
année de « maintien en CM2 » sera suffisante domaines :
pour servir de socle à une véritable scolarité  rééducation très ciblée autour du nombre,
longue ultérieure. l’objectif n’étant pas l’obtention d’un « niveau
Assez souvent c’est l’intensité du déficit en de CM2 » qui paraît peu réaliste, mais simple-
numération et calcul (cf. chapitre 5) qui fait ment l’accès à un savoir de base ; après deux
prendre la décision de la CLIS : on prévoit alors ans, G. sait lire, écrire et ordonner les nom-
deux années (l’équivalent d’un CM2 et de son bres au-delà de 100 000 et il peut résoudre
redoublement) pour préparer le jeune à l’entrée des problèmes de niveau CE2 avec l’aide d’une
en sixième (avec donc une année de retard), le calculette ;
projet étant de mettre en place, a minima, les  mise en place des aides qui vont le libérer du
notions de base en numération. graphisme et de la double tâche (cf. c­ hapitres  3

38
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique

et 4) : apprentissage du clavier et de l’ordina- œuvre de certaines compensations habituel-


teur, de logiciels spécialisés (Cabri géomè- lement utilisées pour les jeunes dysphasiques/
tre®), contrôles oraux, limitations des écrits, dyslexiques (cf. ci-dessous exemple 1) ;
demande d’AVS… (voir Annexes) ; • ceux chez lesquels s’associent dyspraxie et
 travail de mise en valeur de ses capacités agnosie visuelle, du moins si l’agnosie visuelle
(lecture, récits, raisonnement) et soutien est handicapante et s’accompagne de traits
psychologique. psychotiques (cf. ci-dessous exemple 2) ;
Après ces deux années, G. intègre une sixième • tous ceux qui présentent des troubles impor-
avec le soutien d’une section UPI et d’un tants des fonctions exécutives et/ou de l’atten-
AVS. Le suivi du SESSD se poursuit dans l’ob- tion (avec ou sans hyperactivité) et qui sont
jectif de favoriser une scolarité de qualité, insuffisamment maîtrisés par le traitement
même s’il est prévisible que les résultats médical ;
dans les matières scientifiques resteront très • tous ceux dont le déficit de la mémoire de tra-
faibles. vail auditivoverbale – indépendamment de
tout trouble attentionnel et de toute patholo-
gie dysexécutive– est sévère : en effet, privés
On voit que, dans ce type de projet, c’est de cet important outil d’apprentissage et de
­l ’excellence et la spécificité des adaptations compensation de leur dyspraxie, ces jeunes ne
de la CLIS qui sont recherchées, utilisées peuvent pas faire des apprentissages selon les
méthodes habituelles, ni surtout dans un
comme tremplin pour revenir vers une sco-
cadre ou des délais habituels.
larité certes aidée, mais en milieu ordinaire.

Exemples
Le programme de soins et de rééducations de Exemple 1
l’enfant est alors très dépendant du projet qui
va dicter ses impératifs : moyens particuliers à S. est une petite fille vive et intelligente qui
mettre en œuvre pour que l’enfant puisse lire et présente une hémiparésie droite congéni-
écrire en dépit de son trouble neurovisuel, par tale et, sur le plan cognitif, un manque du
exemple, ou stratégies originales d’accès au mot (dysphasie mnésique), intense et très
nombre (cf. p. 102) et ce, dans des délais brefs handicapant.
(un ou deux ans). Les choix thérapeutiques Sur le plan scolaire, à partir du CE2, on
­(rééducatifs et pédagogiques) doivent donc obli- constate une difficulté particulièrement
gatoirement s’ordonner autour de ces priorités. sévère en numération et calcul. En explo-
rant cette impossibilité à progresser en
L’enfant « multidys- » numération, nous découvrons que S. est
incapable d’associer un mot oral précis à
Le petit groupe, une bonne appréhension des une quantité ou à un nombre écrit en chif-
troubles par un enseignant formé et la mise en fres arabes : elle ne peut ni nommer les
œuvre de techniques, méthodes et matériels nombres, ni apparier (désigner) un nombre
particulièrement adaptés permettent certains donné oralement à sa représentation ana-
apprentissages qui ne sont envisageables que logique ou à son écriture arabe. Mais S.
dans une classe spécialisée. peut sérier, classer et comparer des collec-
Cela concerne, par exemple, au sein de la popu- tions et des nombres écrits ; elle a parfaite-
lation des jeunes dyspraxiques : ment compris le principe de la numération,
• les jeunes qui souffrent d’une dysphasie et son lien avec la quantité, le principe de la
d’une dyspraxie : sauf exception, le trouble du base 10 et la construction de la numération
langage doit être pris en compte en priorité écrite arabe.
(CLIS « langage »), mais la présence de la dys- C’est pourquoi Sandrine Lirondière suggère
praxie complique notablement la mise en

de lui proposer une progression ­arithmétique

39
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

qui évite la nomination des nombres et ­utilise une UPI 4, aidé d’un AVS, et son évolution
au contraire toutes les propriétés de la numé- positive se poursuit, tant sur le plan scolaire
ration écrite arabe (logique, régularité que relationnel et comportemental.
­parfaite, mise en exergue de la base 10) :
ce type de travail, si particulier, ne peut s’en-
visager que dans le cadre d’une scolarité
très spécialisée, en petit groupe, au décours
Au contraire, dans un milieu adapté et spé-
d’une étroite collaboration entre les servi- cialisé, ces enfants ont l’opportunité de faire
ces de soins (ici, son ergothérapeute) et l’en- certaines acquisitions qui peuvent leur don-
seignante. Ce travail porte ses fruits : en fin ner accès, malgré leurs troubles, à des
de primaire, on envisage la poursuite de sa apprentissages et une formation profession-
scolarité en UPI 4, du moins si les méthodes nelle (qui doit bien sûr être choisie en fonc-
de travail que S. s’est appropriée peuvent tion de l’éventail particulier des compétences/
être acceptées, comprises et valorisées pour incompétences de chaque jeune).
la poursuite de ses apprentissages.

Exemple 2 Là encore, on comprend bien en quoi ce type de


Le jeune A., né prématurément, est victime pronostic gouverne le projet rééducatif : l’objec-
d’hémorragies cérébrales néonatales res- tif ici n’est pas la « rapidité » d’accès au « pro-
ponsables d’importantes lésions cérébrales gramme » de tel ou tel niveau scolaire (cf. p. 33),
pariéto-occipitales. Il présente une hémipa- mais bien le fait même que des notions de base
résie droite, une dyspraxie massive à tous les puissent être acquises et utilisées à bon escient
modes et une grave agnosie visuelle aux par le jeune, de façon à préserver à l’avenir son
images et aux visages, dans le contexte de autonomie sociale d’une part, sa formation pro-
troubles relationnels avec traits autistiques fessionnelle ultérieure d’autre part.
(anxiété diffuse majeure avec intolérance
aux changements, stéréotypies, automutila- Enfant dyspraxique
tion, langage « décalé », intérêts particu- aux potentialités intellectuelles
liers…). Pourtant, il fait aussi montre de
bonnes capacités verbales et raisonnemen-
normales/faibles
tales (score aux similitudes = 15), et d’un La dyspraxie impose des stratégies de compen-
intérêt (électif) pour certaines activités sco- sation, de contournement du trouble qui utili-
laires : il apprend à lire seul à l’âge de 4 ans sent les capacités raisonnementales, mnésiques
(alors que sa sœur aînée est en CP), puis se et verbales des jeunes. Si l’enfant, par ailleurs
passionne pour les nombres et leur organi­ d’intelligence normale, ne dispose pas de
sation. « réserves » suffisantes dans ce domaine pour
La scolarité en CLIS permet la mise en place pallier son trouble, il risque fort, en milieu ordi-
progressive de l’outil ordinateur pour pal- naire, d’accumuler progressivement des retards
lier son agraphie (qui reste totale). La prise qui, à moyen terme, vont s’avérer irrattrapables.
en compte adaptée de ses troubles gnosi- Dans un premier temps, les familles refusent
ques visuels d’une part, l’instauration d’une souvent cette orientation en CLIS, car elles sont
psychothérapie régulière d’autre part, per- rassurées par le fait que leur enfant puisse pour-
mettent de faire nettement baisser son suivre une scolarité en milieu dit « normal ».
niveau d’angoisse et d’améliorer notable- Pourtant, à terme, le jeune dyspraxique, en
ment son comportement. Simultanément, il échec, épuisé et découragé, finit par être orienté
fait des apprentissages (sélectifs) d’excellent par défaut et dans une relative urgence vers une
niveau (concordants avec son âge réel ou scolarité spécialisée et/ou courte qui, faute
au-delà), en particulier en arithmétique, en d’avoir été longuement préparée, est habituelle-
français et en anglais. Ces acquisitions ment très mal vécue (il quitte brusquement le
contribuent également à ancrer A. dans le cursus « normal » auquel il a cru pouvoir pré-
réel. Il est actuellement en troisième dans tendre, souvent au prix d’efforts importants).

40
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique

La prise de conscience de cet échec intervient compter), dans l’optique de préparer une
trop tardivement, alors que le jeune est adoles- bonne indépendance sociale ultérieure. Un
cent ou jeune adulte et qu’il est difficile (voire parcours pré-professionnel, un CAP peuvent
impossible) d’envisager une autre solution… ensuite être envisagés ;
Au contraire, une scolarité bien préparée et « à • l’indépendance sociale, l’autonomie person-
la carte » au sein d’une CLIS permet d’alléger le nelle (et éventuellement financière en cas de
contenu des programmes, de se centrer sur les projet professionnel) sont alors au centre du
fondamentaux avec l’aide de matériels et techni- projet thérapeutique à moyen et long terme.
ques spécifiquement adaptés en fonction de la
Cela concerne schématiquement soit :
dyspraxie, et ainsi autoriser une scolarité de
meilleure qualité (qui se prolonge le plus sou- • des jeunes dont le niveau de raisonnement
vent par une UPI) et débouche sur une forma- (facteur G) est limite ou faible (note standard
tion plus compatible avec les aspirations et les aux épreuves de facteur G inférieure à 7–9) et
possibilités du jeune. qui présentent une association de troubles
(DVS + troubles du langage ; mémoire de tra-
vail faible ; syndrome dysexécutif important,
etc.), éventuellement avec une personnalité
Souvent pensées par les parents (et même
limite ;
certains professionnels) comme des lieux de
relégation pour les enfants qui ne peuvent • des « grands » (12–15 ans), qui ont déjà plus de
pas suivre une scolarité (d’où l’extrême deux ans de retard ou sont en rupture scolaire
inquiétude des parents ou leur refus de ces et dont l’échec est ancien et massif et ce, quel
que soit leur niveau intellectuel ou leurs
CLIS), ces classes spécialisées (CLIS 4 ou
potentialités (cf. ci-dessous exemple 1).
UPI 4) peuvent aussi être quelquefois des
lieux d’excellence où se conjuguent profes- • toute situation, même théoriquement favora-
sionnalisme (de l’enseignant et d’un service ble à une scolarité longue, s’il y a un déni per-
de soins) et expérience, autorisant chez ces sistant et un refus non négociable dans le temps
des aides proposées, que ce soit de la part du
enfants aux troubles si particuliers des
jeune, de ses parents ou de l’école. Ces refus,
apprentissages et des parcours scolaires qui,
ces dénis, lorsqu’ils perdurent, sont souvent le
sinon, auraient été impossibles.
signe d’une fragilité particulière de l’enfant
et/ou de l’ensemble familial (cf. ci-dessous
exemple 2).
Pronostic de scolarité courte
Par scolarité courte, on entend ici une scolarité Exemples
qui vise à donner accès, dès 16 ans, à une for- Exemple 1
mation professionnelle. Il peut s’agir de SEGPA
Le jeune B., sans aucun antécédent particu-
(jeunes ne pouvant entrer au collège) ou d’UPI
lier, est en grand échec scolaire « depuis tou-
(classes spécialisées au sein d’un collège, réu-
jours ». Il nous est signalé par le médecin
nissant au plus dix jeunes de la sixième à la troi-
scolaire alors qu’il redouble son CM2 et que,
sième, sous la responsabilité d’un enseignant
de ce fait, il s’est vu proposé une évaluation
spécialisé), ou encore d’orientation pré-profes-
par la psychologue scolaire. Le diagnostic de
sionnelle en fin de troisième (ou à 16 ans, fin de
DVS est établi alors que B. entre en sixième
la scolarité obligatoire).
au collège de son quartier (une ZEP). Le dia-
Ce type de projet a différentes conséquences, gnostic est très mal accueilli par cet adoles-
qui doivent être prises en compte dans le projet cent fragile et blessé : il refuse le diagnostic
de soins : (et les aides que nous proposons) jusqu’à
• absence de pression temporelle en ce qui son exclusion du collège pour raisons disci-
concerne les apprentissages : les objectifs plinaires, alors qu’il a plus de 16 ans et
concernent les savoirs de base (lire, écrire, redouble sa quatrième.

41
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

En réalité, son niveau scolaire est très faible que tel professeur… ») et refuse toutes les
dans toutes les matières (grossièrement, aides que nous proposons, aussi bien en
proche d’un CE2) : débordé par les deman- ­rééducation individuelle qu’au collège. Le
des scolaires auxquelles il n’est pas du tout suivi psychologique mis en place dès l’admis-
en mesure de répondre, fragilisé par une sion dans notre SESSD n’avance guère et au
très mauvaise estime de lui, déstabilisé par contraire, nous assistons à une décompensa-
le diagnostic (que, malgré nos explications, tion sur un mode paranoïde avec phobie
il assimile à une déficience mentale dont scolaire.
son échec scolaire serait la preuve…), il se Nous demandons alors l’aide d’un service de
réfugie dans une dépression larvée émaillée pédopsychiatrie voisin tandis que nous
de réactions de prestance et de provocations. rediscutons en équipe de la pertinence de
Nous proposons alors d’une part un soutien notre intervention chez ce jeune adolescent
psychologique, d’autre part une remise à dont nous avons probablement sous-estimé
niveau en un quasi-préceptorat assuré par la fragilité, et que le diagnostic et nos pro-
Votre École Chez Vous23 qui accepte de tra- positions ont certainement contribué à
vailler en étroite collaboration avec nos ser- déstabiliser.
vices (ergothérapeute) pour mettre en place
les adaptations pertinentes en fonction de
la DVS. B. s’investit très positivement dans
Projet non scolaire : projet
ce projet et, au terme d’une année scolaire,
il passe et réussit le CFG24. Il est ensuite
éducatif et, si possible,
accepté dans une filière pré-professionnelle indépendance sociale
où il prépare un CAP de vente.
Enfin, pour certains enfants, la sévérité et l’in-
Exemple 2 trication des troubles ne peuvent pas permet-
tre d’envisager raisonnablement une scolarité.
Le jeune R., sans aucun antécédent particu-
C’est souvent la conjonction de troubles
lier, a eu une scolarité chaotique et a déjà
moteurs et/ou sensoriels avec les troubles
redoublé son CE1. Intelligent et vif, R. est
cognitifs qui oblige à renoncer à une scolarité.
diagnostiqué « dyspraxique » alors qu’il
entre en sixième au collège de son secteur. Exemple
Le père, très autoritaire et très directif, ne
F. est un jeune IMC qui présente une quadri-
peut accepter le diagnostic (son fils, intelli-
plégie spastique. À 9 ans, il se déplace au sol
gent, doit s’appliquer et faire comme les
ou bien en fauteuil électrique. Il dispose
autres, voire mieux) alors même que la mère,
d’un matériel lourd et varié (siège moulé,
en conflit avec le père, elle-même dépassée
déambulateur, flèche, fauteuil manuel, ver-
et démunie, ne peut soutenir R. Ce dernier
ticalisateur…) et doit bénéficier de deux
refuse le diagnostic avec force, et malgré
séances de kinésithérapie par semaine en
l’aggravation régulière de ses problèmes
moyenne, mais quelquefois plus, notam-
scolaires (il redouble sa cinquième), il bana-
ment dans les semaines qui suivent des
lise ses difficultés (« c’est parce que je n’ai
injections (pluri-annuelles) de toxine botuli-
pas assez travaillé ce trimestre, c’est parce
que qui tendent à lutter contre les rétrac-
que je n’aime pas telle matière, c’est parce
tions. Il présente aussi un important trouble
visuospatial pour lequel il bénéficie de deux
23 Votre École Chez Vous : association loi de 1901, séances par semaine d’ergothérapie. C’est
sous contrat avec l’Éducation nationale, 29, rue un enfant d’intelligence normale (similitu-
Merlin, 75011 Paris. des au WISC-IV, = 10), très fatigable. À 6 ans,
24 CFG : le certificat de formation générale valide des il est admis simultanément dans notre SESSD
acquis dans des domaines de connaissances géné- et en CLIS 4.
rales, notamment pour les élèves des enseigne-
ments généraux et professionnels adaptés (SEGPA À l’issue de la première année d’école, il ne
de collège, EREA) et de troisième d’insertion. sait pas lire du tout : nous reprenons alors

42
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique

les bilans antérieurs qui s’étaient beaucoup ves, les loisirs, la socialisation et les activités
focalisés sur les problèmes moteurs et scolaires ou parascolaires (selon l’âge et les
practo-spatiaux, et nous mettons en évi- ­possibilités de chaque jeune), ce qui permet à
dence un important déficit de la mémoire l’enfant de se développer au mieux de ses
de travail auditivoverbale. F. ne peut pas capacités.
répéter deux items à l’envers, ce qui a des
répercussions très négatives sur ses capaci-
tés à manipuler les phonèmes (métaphono-
logie) et à assembler les quelques sons
Conclusion
déchiffrés pour reconstituer le sens du mot
On voit donc que ce n’est pas du tout « le symp-
à lire. Nous tentons de l’aider via une séance
tôme » (il est malhabile, il écrit mal, il est « nul »
d’orthophonie par semaine.
en calcul…) qui est directement à l’origine des
Actuellement, à 9 ans, il peut lire quelques options rééducatives.
syllabes simples et déchiffrer (laborieuse-
C’est la conjonction d’informations issues de
ment) des mots réguliers de deux syllabes.
différents domaines (antécédents neurologi-
Le calcul mental est impossible, la manipula-
ques, éventail particulier de fonctions préser-
tion difficile, les fonctions visuospatiales
vées ou atteintes, intensité de telle ou telle
déficientes, la fatigabilité intense. Enfin, le
pathologie, compensations déjà spontanément
projet individuel – répondant en cela aux
mises en place ou non, personnalité de l’enfant,
souhaits des parents – est essentiellement
attitude et projets de ses parents, parcours de
centré sur l’amélioration de ses capacités de
vie et parcours scolaire antérieur, âge au
déplacement et la kinésithérapie.
moment de la consultation, etc.) qui permet
Nous préconisons donc une réorientation d’envisager tel ou tel avenir scolaire, tel pronos-
vers un institut d’éducation motrice où les tic scolaire.
actions rééducatives, les installations de
C’est le rôle du médecin (compétent en neuro­
confort et de prévention orthopédique et
psychologie infantile) et/ou du neuropsycholo-
les apprentissages seraient mieux intégrés,
gue de rassembler les éléments nécessaires pour
moins fatigants. Par ailleurs, des actions
avoir une vue d’ensemble de cette mosaïque
éducatives, orientées vers les activités de vie
unique dont l’enfant est porteur, pour construire
quotidienne constitueraient, à moyen terme,
son projet thérapeutique individuel.
un projet plus réaliste et mieux adapté.
Dans nos cultures, entre 4 et 20 ans, pour les
enfants souffrant de troubles dys- et/ou TSA, ce
projet est obligatoirement organisé en corréla-
Le projet thérapeutique est alors d’abord un tion étroite avec le projet scolaire.
projet de soins (de rééducation), de confort et,
autant que possible, d’épanouissement person-
nel et d’autonomie ou d’indépendance partielle. En effet, les fonctions cognitives – celles qui
Le projet scolaire est centré sur la socialisation nous permettent de nous connaître et de
et l’épanouissement personnel, tandis que les prendre connaissance du monde – interfè-
apprentissages sont limités aux savoirs fonda- rent directement avec les apprentissages : le
mentaux (lire, compter), lesquels ne sont sou- plus souvent, « rééduquer » l’enfant atteint de
vent que partiellement atteignables. troubles cognitifs spécifiques (l’enfant dys-)
Un établissement spécialisé (dans les troubles consiste à l’aider à faire malgré tout des
moteurs tels les IEM ou, selon chaque cas parti- apprentissages et à réduire ses difficultés sco-
culier, dans les troubles sensoriels, ou dans les laires pour préserver au mieux son avenir.
troubles intellectuels tels les IME, ou dans les
pathologies psychiques tels les hôpitaux de
jour…) peut être alors une bonne orientation, Il faut donc savoir renoncer, non seulement à
permettant de prendre en charge de façon coor- « guérir » l’enfant mais aussi à « tout » rééduquer,
donnée, à la fois les soins, les activités éducati- soit que l’on sache la rééducation de certains

43
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

symptômes sans effet, soit parce que ce serait


Nous nous attachons surtout, dans la suite,
aux dépens d’objectifs plus déterminants à moyen
aux indications et pratiques qui ont fait leurs
ou long terme pour l’avenir du jeune. Il faut aussi
preuves auprès de jeunes atteints de dys-
accompagner les parents dans ce cheminement
praxies isolées (même si nous évoquons les
difficile qui favorise l’émergence d’objectifs
adaptations à prévoir en cas de troubles
fonctionnels, atteignables et réalistes.
attentionnels associés), dont le pronostic sco-
Bien sûr, les troubles ne se limitent pas au sec- laire est a priori favorable (scolarisation lon-
teur scolaire et se manifestent aussi dans « la gue et diplômante), car c’est pour eux que le
vraie vie » (cf. chapitre 8), à la maison et durant projet est à la fois le plus complexe, le plus
les loisirs. Mais ces manifestations de la dys- exigeant… et souvent le moins « évident ».
praxie qui affectent la vie quotidienne se retrou-
vent aussi à l’école (à la cantine, durant les
cours d’éducation sportive, les sorties, les clas- Enfin, c’est aussi à partir de ces pratiques que
ses externées) et leur expression, face à des pairs l’on peut chercher à adapter les projets de ceux
souvent peu compréhensifs, induit honte et iso- qui sont plus atteints (multidys-).
lement. Ils doivent donc être pris en compte et
faire partie intégrante du projet.

44
Écrire Chapitre  3
« L’écriture assemble des signes dont la première caractéristique
est qu’ils diffèrent d’un système à l’autre. À l’intérieur même d’un
système, il se trouve que le signe d’écriture varie encore
sensiblement selon le style du moment ou les hasards de l’histoire.
D’où proviennent donc ces constantes variations dans le tracé
des signes ?
Des supports et des outils : les signes aigus en forme de clous
imprimés par le calame sur l’argile mésopotamienne ne
ressemblent pas aux traces rapides laissées par le pinceau
chinois sur la soie ou le papier.
Derrière ce foisonnement de graphies et de tracés, nous pouvons
dégager une constante : la volonté de transmettre un message. »
A. Zali, A. Berthier25

Le « retard »26 graphique – la dysgraphie – est Rappelons succinctement quelques notions


certainement « le » signe le plus précoce et le ­cliniques :
plus constant des pathologies dyspraxiques. • les troubles neuromoteurs (dont les patholo-
De ce fait, certains ont cru (à tort) qu’il pou- gies cérébelleuses, même discrètes ou soft)
vait être un « marqueur » de la dyspraxie, sont la cause neurologique la plus fréquente
réduisant le diagnostic au symptôme. De ce de dysgraphie ;
fait également, c’est fréquemment sur ce symp- • si toutes les dysgraphies ne sont pas secondai-
tôme (cf. p. 23) que se centrent nombre de res à une dyspraxie, à l’inverse il n’y a pas de
­rééducations : graphomotricité (psychomotri- dyspraxie sans dysgraphie ;
cité), rééducation graphique (ergothérapie),
• au contraire, les troubles visuospatiaux isolés
graphothérapie (psychologie), etc. Or, la dys-
(sans dyspraxie) n’entraînent pas obligatoire-
graphie peut être le signe de très nombreuses
ment de dysgraphie ;
pathologies, neurologiques et/ou psychodyna-
miques (cf. figure 1.1, p. 6), et même se mani- • d’autres troubles dys- génèrent aussi des trou-
fester en dehors de toute pathologie proprement bles du graphisme :
dite. Elle ne constitue donc qu’un des éléments – les troubles de l’attention et des fonctions
du puzzle dont le clinicien doit recueillir tou- exécutives (les lettres sont mal formées mais
tes les données (cf. p. 6–8). le geste graphique fluide est trop rapide avec
irruption d’itérations et de persévérations)
(cf. p. 76),
25 Zali A, Berthier A. L’aventure des écritures. – les troubles gnosiques visuels (il s’agit sou-
Bibliothèque nationale de France ; 1997. vent d’une a-graphie quasi complète avec
26 Ce terme, toujours très utilisé, est bien mal choisi
absence d’intérêt pour la trace graphique27),
puisque de fait, il ne s’agit pas d’un « retard » (un
simple décalage chronologique), mais bien d’une
pathologie, une impossibilité de développer cette
capacité, aussi bien en ce qui concerne les critères 27 Mazeau M. Neuropsychologie et troubles des
chronologiques que qualitatifs. apprentissages. Paris : Masson ; 2005, 75–99.

45
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

– les troubles du langage (dysphasie, dyslexie)


peuvent s’accompagner de troubles graphi-
Les deux versants du terme
ques dont la nature et l’intensité (et donc la « écrire »
remédiation) sont très différentes (cf. p. 76).
Le terme français d’écriture est très ambigu,
Rappelons quelques caractéristiques de la dys- désignant à la fois :
graphie dyspraxique :
• le geste graphomoteur (et donc la praxie corres-
• lenteur graphique, avec impossibilité d’accé- pondante) : il s’agit là de « dessiner les lettres ».
lérer, ce qui reflète la non-automatisation du « Écrire bien », dans cette acception, signifie
graphisme (le geste reste sous contrôle atten- écrire joliment, de manière lisible et agréable,
tionnel et conscient, ce qui limite les capacités voire esthétique (lettres bien formées, présenta-
d’accélération) ; tion conforme aux standards culturels…). On
• fluctuation de la performance (cf. tableau félicite les très jeunes enfants qui réalisent de
1.2) : l’enfant réalise la même lettre de diver- « beaux cahiers », agréables à regarder. Celui
ses manières selon le contexte graphique et qui fait de jolies lettres à la main et réalise une
selon les moments, il a différentes façons de belle mise en forme (aspect visuel et artistique)
réussir ou de rater (surtout s’il est jeune ; fait de la calligraphie ou, s’il s’agit d’imprime-
plus tard, avec l’expérience, il fixe la forme rie, on parle de typographie (choix de la police,
graphique la plus économique pour lui) ; de la casse, de la couleur, mise en forme…) ;
• déstructuration des lettres, réalisées en plu- • l’activité intellectuelle (élaboration de la pen-
sieurs « morceaux » qui ne constituent pas des sée), associée à une activité linguistique (pro-
sous-éléments naturels de la lettre (hampe, duction d’un texte) : il s’agit là de traduire en
boucle, attache…) ; mots et en phrases bien formées linguistique-
• écriture et lettres « attachées » moins bien ment une pensée dont la trace permanente en
réalisées que les lettres « détachées » : on permet la transmission à distance (géographi-
note une nette aggravation du trouble en que ou chronologique). Un texte « bien écrit »,
cursive ou en anglaise (meilleure réalisation dans cette acception, réfère à une langue claire
relative des lettres bâtons et des majuscules et/ou qui traduit au plus près la pensée de
d’imprimerie). l’auteur, ses émotions, ses opinions, ses expé-
riences. Le contenu (la pensée) autant que les
Aucun de ces signes, pris isolément, ne peut choix linguistiques contribuent à la qualité du
suffire à faire le diagnostic (cf. tableau 1.1). C’est texte. On parle d’un « beau texte », quand
dire qu’en présence d’un trouble ou d’un retard auteur et lecteur peuvent en partager le contenu
graphique avéré et significatif (c’est-à-dire linguistique, idéique et émotionnel. Celui qui
attesté par au moins un test étalonné, normé), produit un texte est un auteur (ou un poète).
c’est d’abord une démarche de diagnostic diffé-
rentiel [6] qui s’impose.
Lorsqu’il s’agit d’écriture, il faut donc tou-
Une fois la dyspraxie affirmée, décider sous
jours préciser clairement si l’on évoque soit :
quelle forme doit s’effectuer la prise en charge
de la dysgraphie reste complexe : il faut d’abord • la forme de surface, le graphisme manuel,
bien prendre conscience de la double significa- la calligraphie, c’est-à-dire le geste grapho-
tion, en français, du mot « écrire » et de la place moteur, la praxie qui consiste, à l’aide d’un
du graphisme manuel dans les apprentissages outil scripteur, à tracer les lettres ;
scolaires. Ensuite, il faut établir quelles sont les • le contenu, l’aspect linguistique et séman-
différentes fonctions de l’écrit afin de détermi- tique de l’écrit, transmission de la pensée,
ner au plus près des réalités de chaque enfant à l’aide de symboles arbitraires mais
quelles situations d’écrits constituent pour lui conventionnels dont la trace est durable28
un handicap, de quelle nature et de quelle inten-
sité. Enfin, nous détaillons dans quelles condi-
tions l’ordinateur peut constituer une aide 28 C’est cette permanence de la trace qui distingue
efficace à l’école. langue écrite et langue orale.

46
Chapitre 3. Écrire

Le contenu (le fond) de ce qui est écrit est en effet Enfin nous disposons, depuis plus de cinquante
tout à fait indépendant de la forme de surface, de ans, de l’expérience de jeunes qui, incapables
la façon dont les lettres sont réalisées. Que nous d’aucune réalisation gestuelle (jeunes quadri-
importe comment le prix Nobel de littérature a plégiques, enfants souffrant d’amyotrophie spi-
matériellement laissé trace de son texte : avec un nale infantile [ASI]…) apprennent à lire (puis à
feutre, un stylo ou une craie, en anglaise avec des écrire avec un matériel adapté) avec facilité,
pleins et des déliés ou en majuscules d’imprime- souvent même précocement, alors même qu’ils
rie, en lettres latines ou cyrilliques, à l’ordina- n’ont jamais pu tracer la moindre lettre ni faire
teur, en utilisant ou non son correcteur aucun geste approchant.
orthographique, ou même dicté à un secrétaire ?
« Les résultats ont pointé, chez ces enfants
Pour éviter toute confusion, nous appelons ASI, la force du raisonnement
hypothético-déductif sans avoir recours
désormais la forme de surface (le geste de
aux manipulations. (…) (L’ensemble des
tracer les lettres à la main) le graphisme
études) a mis ici en évidence chez ces jeunes
manuel. L’activité intellectuelle et linguisti- enfants une supériorité du développement
que qui conduit à produire un texte est, elle, des cognitions spatiales par rapport à la
désignée par le terme de production d’écrits. population témoin du même âge. »
P. Jouinot et al.[42]

Certains, tel Lurçat [41], supposent un lien


obligé entre le geste graphomoteur et l’activité Chez l’adulte tout-venant, la façon la plus
linguistique attachée à la production d’écrits, le commune mais aussi la plus facile, la plus sim-
premier étant conçu comme facilitateur de la ple et la plus courante de donner une forme
seconde, aussi bien dans la phase d’apprentis- concrète à une production écrite, c’est de la
sage de l’écrit qu’ultérieure­ment dans les activi- réaliser par graphisme manuel. Actuellement,
tés de planification de texte et de production de plus en plus de personnes produisent de
d’écrits. Cette croyance a d’ailleurs alimenté cer- l’écrit à partir de leur ordinateur, mais ces
taines techniques pédagogiques au décours du scripteurs peuvent aussi écrire à la main lors-
CP. Il est très possible en effet que, chez l’enfant que le besoin s’en fait sentir : l’ordinateur est
valide, la réalisation du geste graphomoteur pour eux une alternative choisie, qui répond à
associé à la lecture des graphèmes correspon- certains besoins mais ne remet pas en cause
dants contribue, par la multiplication des sti- l’utilité, la simplicité et l’efficacité du gra-
muli cohérents et convergents (kinesthésiques, phisme manuel au quotidien.
proprioceptifs, visuels et phonologiques), à faci- Celui-ci ne se développe pas « spontanément »
liter l’intégration et l’automatisation du lien oral/ ni par une simple exposition à l’écrit. Le gra-
écrit. La question se pose cependant très diffé- phisme manuel résulte d’un enseignement par-
remment chez les enfants atteints de troubles du ticulier qui s’inscrit tout au début de la scolarité
geste, puisqu’il est très peu probable que leurs et débouche, normalement, sur l’automatisa-
gestes – mal coordonnés et mal contrôlés – leur tion du geste graphique.
apportent des informations cohérentes avec cel-
les fournies par leur vision et la phonologie.
Au contraire même, on peut parier que la réali- Place du graphisme
sation gestuelle imparfaite du jeune dyspraxi-
que :
dans les apprentissages
• d’une part, va parasiter les informations Le graphisme manuel
visuelles et phonologiques qui, isolément,
est une praxie complexe
auraient été pour lui des informations fiables ;
• d’autre part, va accaparer l’essentiel de ses res- Le graphisme manuel nécessite un enseigne-
sources attentionnelles (cf. p. 19), aux dépens ment explicite, intentionnel et systématisé de
des informations visuelles et phono­logiques. la part des adultes en direction des enfants,

47
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

enseignement sans lequel cette habileté ne se En effet, le graphisme manuel n’est enseigné
développe pas : c’est bien une praxie (cf. p. 14–16). que parce qu’il sert « d’outil pour » (pour pren-
Cet apprentissage dépend d’un entraînement dre des notes, produire des textes, disposer
progressif et intensif : souvent débuté en d’une mémoire externe… [cf. p. 58]), et il ne
moyenne section de maternelle, systématique peut remplir ce rôle que s’il est parfaitement
et pluri-hebdomadaire en grande section, il se maîtrisé et automatisé (ne réclamant pas de res-
poursuit tout au long de la première année de sources attentionnelles indues). Le graphisme
primaire (CP) et souvent même encore en CE1. manuel, une fois automatisé, n’est en effet que le
Ces exercices soutenus et réguliers durant en support de la réalisation de tâches de haut
moyenne trois années consécutives sont indis- niveau permettant les apprentissages.
pensables car les enfants doivent acquérir une
gestuelle fluide et précise. Il leur faut effectuer
Car c’est la production d’écrits qui est visée
des enchaînements rapides, au tracé parfaitement
par la scolarité et non le graphisme manuel.
déterminé et rigoureux : ils doivent être capables
L’importance attribuée au graphisme manuel
de produire les détails pertinents et significatifs du
dessin de chaque lettre (permettant de distinguer au tout début de la scolarité tient donc uni-
le a du d, le n du h, le n du p, le e du c, le k du h, quement au fait qu’il est capital de disposer
etc.). Les enfants tout-venant, selon leur habileté, d’un outil fiable, performant et automatisé
commencent à automatiser (en partie) leur gra- pour produire de l’écrit.
phisme manuel dans le courant du CE ou en
début de CM. (Ensuite, le graphisme subit une C’est ce statut particulier qui incite, en cas de
dernière transformation à l’adolescence, se per- handicap graphique, à mettre rapidement à dis-
sonnalisant et reflétant alors le style de chacun.) position de l’enfant tout autre outil qui lui per-
mette de remplir les mêmes fonctions. C’est ce
statut particulier du graphisme manuel à l’école
Ce n’est donc habituellement qu’à partir du CE qui autorise l’usage d’un ersatz, d’un palliatif
que le geste peut être produit de façon routi- (l’ordinateur) ou même qui justifie qu’on s’en
nière, pratiquement sans contrôle attentionnel, passe chaque fois que possible (recours à l’oralisa-
libérant ainsi des ressources cognitives indispen- tion, à un secrétaire, aux photocopies). Car un
sables pour assurer les tâches de haut niveau. outil peut facilement en remplacer un autre, à
condition qu’il soit bien maîtrisé (cf. p. 84) et qu’il
remplisse les objectifs visés (cf. tableau 3.2, p. 65).
Pourquoi apprendre le graphisme
manuel ? Tant que cette praxie n’est
Contrairement à la lecture, les mathématiques pas acquise, l’enfant qui doit
et les connaissances académiques, le graphisme écrire est en double tâche
manuel est le seul des apprentissages scolaires à
n’être pas enseigné pour lui-même : il n’a donc Ce n’est en effet qu’une fois le geste grapho­moteur
pas du tout le même statut que la lecture ou les (visuo-practo-spatial) automatisé, que l’enfant
mathématiques. Son apprentissage n’est pas sera disponible pour les tâches intellectuelles et
motivé par l’intérêt qu’il y a à écrire joliment, linguistiques de haut niveau (orthographe, syn-
puisque notre enseignement n’inclut nullement taxe, élaboration d’un texte, compréhension,
la calligraphie dans les programmes. mémorisation…) qui sont in fine la seule véri­table
motivation de l’écrit.
La motivation du long apprentissage du tracé D’ailleurs, en fin de grande section de mater-
des lettres réside uniquement dans l’obten- nelle et en tout début de primaire, les ensei-
tion d’une automatisation de leur réalisation gnants savent qu’il leur faut séparer les deux
tâches, celles qui concernent le savoir-faire
graphomotrice, puisque c’est là la condition
(exercices de graphisme) et celles qui concer-
d’un graphisme utile et efficace.
nent la signification, l’attention au sens ou à des

48
Chapitre 3. Écrire

aspects linguistiques (production d’écrits). Ce sociales et scolaires augmentent et donc, para-


n’est qu’à partir du CE que la trace écrite com- doxalement, le handicap (résultante de la
mence à être utilisée, très modestement et très confrontation de la particularité délétère du
progressivement, comme support pour un autre sujet et des nécessités sociales) s’aggrave. Car si
apprentissage (orthographe). Auparavant, l’en- les « progrès » (en regard de son propre niveau
traînement graphique est demandé isolément, de performance antérieur) ne lui permettent
les exercices graphomoteurs (lignes de boucles, pas de rattraper le niveau d’efficience habituel
de telle ou telle lettre, de tel ou tel mot…) récla- de ses pairs, au contraire l’écart à la norme peut
mant pour eux-mêmes l’entièreté de l’attention s’accroître (figure 3.1).
de l’enfant. Il faut donc bien distinguer, dans les perfor-
mances de l’enfant, celles qui représentent un
Durant cette période, où ces praxies sont en progrès de l’enfant par rapport à lui-même et
cours d’apprentissage, le graphisme manuel celles qui lui permettent de progresser par rap-
est lent, laborieux, de médiocre qualité et port à la norme.
génère une importante fatigabilité.
Exemples
Normalement, après une longue phase d’en- Un enfant de 5 ans qui ne sait pas s’habiller
traînement, ces défauts disparaissent pour lais- ne se trouve pas en très grand décalage avec
ser place à un geste harmonieux, fluide, rapide les autres enfants du même âge (cela ne
et ne nécessitant pas de contrôle attentionnel. constitue donc pas un handicap notable).
Mais si, à 8 ans, il arrive à mettre seul son
Or, certains enfants – du fait d’une dys- pantalon et son anorak (ce qui constitue
praxie  – ne pourront jamais acquérir ces pour lui un progrès important), il est cepen-
praxies, c’est-à-dire automatiser leur geste dant très marginalisé par rapport à ses
graphique : ces enfants ne souffrent pas d’une camarades s’il doit demander de l’aide au
sortir de la piscine pour mettre ses chausset-
insuffisance d’enseignement ni d’entraîne-
tes, boutonner sa chemise et fermer sa fer-
ment, ils souffrent d’une pathologie neuro­
meture Éclair (en dépit de ses progrès, le
développementale stable et définitive (cf. p. 4).
handicap s’est aggravé).
Un enfant de 5 ans très dysgraphique
Progrès en graphisme manuel qui  écrit maladroitement son prénom en
et écart à la norme grosses lettres majuscules mal formées est
peu marginalisé en début de grande section
Cette formulation (pathologie stable et défini- de maternelle. Si, en CE2, il progresse suffi-
tive) doit être explicitée. Elle signifie que l’ano- samment pour produire un graphisme lisi-
malie initiale ne va ni guérir, ni s’aggraver : elle ble en cursive mais qu’il est lent et en
est une particularité du développement neuro- permanence en double tâche (cf. p. 19, 64),
cognitif de cet enfant et constitue une caracté- le handicap scolaire est bien plus important
ristique de son économie psycho-intellectuelle. qu’il ne l’était à 5 ans, en dépit des progrès
Mais les conséquences de l’anomalie initiale, apparents.
elles, peuvent évoluer au cours de la vie, en
fonction de l’âge et de la maturation d’une part,
des exigences scolaires et sociales d’autre part.
La maturation et l’expérience de l’enfant per- C’est donc par rapport à la norme et aux exi-
mettent habituellement une diminution « spon- gences (sociales et scolaires), auxquelles l’en-
tanée » (relative et partielle) de l’intensité des fant est soumis, qu’on doit interpréter
symptômes (l’enfant, en grandissant, est moins l’intensité du handicap et juger des progrès
malhabile, réalise à peu près correctement de
constatés (qu’il s’agisse de progrès spontanés
plus en plus de gestes : « il fait des progrès ») ;
ou après rééducation). Cf. figure 3.1.
mais, simultanément, avec l’âge, les exigences

49
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Évolution moyenne,
Niveau « normale »
de performance

L’écart à la norme s’accroît

Évolution
de l’enfant DVS

L’enfant progresse

T1 T2
Temps, âge…
L’enfant est Le décalage à la Malgré les progrès,
proche de la norme se constitue l’écart à la norme
norme … et se creuse s’accroît

Figure 3.1. Interpréter les progrès de l’enfant.

Ainsi, il faut évaluer (selon l’âge, le niveau et aucune disponibilité pour les tâches de haut
le projet scolaire) non seulement la qualité niveau.
du graphisme, sa lisibilité et sa vitesse (la
lenteur est en soi un handicap scolaire très
invalidant, cf. p. 64), mais surtout son auto- Comprendre et limiter
matisation, seul critère qui justifie l’utilisa- le handicap scolaire lié
tion du  graphisme manuel pour faire des
apprentissages. à la dysgraphie
Les cliniciens ne disposent pas actuellement
Évaluer le handicap secondaire à la dysgraphie,
de tests étalonnés leur permettant d’apprécier
la gêne induite et les répercussions prévisibles
directement le degré d’automatisation du gra-
dans les apprentissages est un temps capital pour
phisme manuel auquel est parvenu un enfant.
guider les choix rééducatifs. Car le « savoir
Nous disposons cependant d’un reflet indi-
écrire » indispensable pour effectuer une scola-
rect de cette capacité à automatiser le tracé
rité convenable se décline en fait sous de nom-
des lettres : il s’agit d’une épreuve étalonnée
breux aspects.
d’accélération du graphisme (« le doux par-
fum de fleurs ») : la capacité à accélérer reflète En effet, le graphisme manuel peut se réaliser dans
la capacité à tracer les lettres sans (ou avec différentes conditions, ressortant d’objectifs très
très peu de) contrôle attentionnel. L’enfant variés : il faut donc évaluer dans quelle mesure cer-
qui ne peut pas accélérer montre qu’il a besoin tains de ces objectifs peuvent être compromis par
d’un important temps de contrôle (ou d’ajus- la dysgraphie, et comment y remédier au mieux.
tement) sur son geste ; en outre, écrire en per- Enfin, ces écrits doivent généralement être ­réalisés
manence en classe à sa vitesse maximale est en temps limité, et la lenteur peut avoir aussi des
générateur d’épuisement rapide et ne laisse conséquences sur la qualité des apprentissages.

50
Chapitre 3. Écrire

Différentes conditions grande lenteur et de nombreux oublis de let-


de production de l’écrit tres et/ou de mots (cf. p. 125–128) ;
• une copie différée : l’enfant doit observer le
On peut distinguer différentes manières de réa- modèle qui est ensuite soustrait à sa vue ; il
liser de l’écrit ou différents contextes dans les- doit ensuite le reproduire en mémoire immé-
quels l’écrit s’actualise à l’école : diate. Habituellement, il s’agit de mots
• la copie (directe ou différée) ; entiers, de segments de phrases ou de phrases
• la complétion de phrases ou de textes (phra- entières.
ses à trous) ; N.B. : Les exercices de transformation de phra-
• la dictée ; ses ou de textes (exercices de grammaire ou de
• la prise de notes (pour les plus grands) ; style) s’apparentent à une copie (de phrase et/ou
de texte), qui peut être directe ou différée, copie
• la production à partir de la pensée de l’élève à  laquelle s’ajoute le travail linguistique ou
(expression écrite). grammatical. Cependant, l’oculomotricité est
Il est très important en effet de distinguer ces beaucoup moins sollicitée que dans le cas pré-
différentes conditions de réalisation du gra- cédent, puisque seule une exploration du
phisme, car, si toutes demandent de tracer des modèle est requise (celle-ci peut s’effectuer avec
lettres, elles ne requièrent cependant pas les quelques fixations plus ou moins précises).
mêmes capacités sensori-motrices et cogniti- Mais cette stratégie sollicite davantage la
ves. Certaines situations peuvent mettre l’en- mémoire de travail visuelle et visuospatiale.
fant en très grande difficulté, alors que Dans les deux cas (copie directe ou différée), il
d’autres peuvent au contraire lui autoriser une faut distinguer les modèles situés sur un sup-
performance beaucoup plus proche de la nor- port dont la distance et l’orientation sont fixes
male (cf. p. 8). (tableau) ou au contraire manipulables au gré de
l’enfant (étiquette, fiche, cahier ou livre posé à
Copie son côté) : ceci a d’importantes implications
C’est un exercice scolaire extrêmement fré- sur le plan visuel (en termes d’acuité visuelle,
quent, surtout en primaire, car il est utilisé à de d’oculomotricité, de stratégie du regard), et
nombreuses fins, telles que focaliser l’attention donc sur la performance que l’enfant peut
de l’enfant (sur une consigne, l’orthographe, un réaliser.
concept…) ou lui procurer les écrits dont il aura De même, le fait que le modèle soit disposé
besoin pour apprendre ou réviser. Chez les plus horizontalement (cahier ou livre posé sur le
jeunes, il s’agit aussi de les entraîner aussi bien bureau) ou verticalement (tableau, écran de
à la lecture (du texte à copier) qu’à la rapidité et l’ordinateur, page ou manuel posé sur un pupi-
à la qualité du graphisme manuel. tre ; cf. figure 3.2, cahier couleur central) peut
La copie peut être (cf. p. 92) : avoir une influence déterminante chez certains
jeunes atteints de DVS, en fonction d’éventuel-
• une copie directe : le modèle est copié alors les anomalies de leur champ visuel et/ou de dif-
qu’il est sous les yeux de l’enfant. Les plus jeu- ficultés particulières à calibrer leurs saccades
nes (en primaire) effectuent souvent alors une dans un plan ou l’autre de l’espace.
copie lettre à lettre ou élément par élément.
Sur le plan neurovisuel, cette copie impose de
nombreux aller-retours avec des fixations très Des dissociations dans les performances en
précisément calibrées (sur telle lettre, puis sur copie selon les conditions matérielles et le
la suivante, etc.). Pour les enfants souffrant de contexte doivent donc être recherchées : elles
DVS avec troubles du regard (troubles de
doivent être systématiquement exploitées et
l’oculomotricité et/ou de la stratégie du
servir de base à la conception personnalisée
regard), c’est une tâche épuisante qu’ils ne
des adaptations à l’école.
réalisent souvent que partiellement, avec une

51
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Que proposer ? espaces inter-mots et interlignes…), utilisation


Pour de nombreux enfants, en particulier ceux de pupitre pour verticaliser le modèle (figure 3.2,
qui présentent des troubles du regard et des cf. cahier couleur central), etc.
pathologies neurovisuelles, la copie : Dans tous les cas, la mise en place de ces aména-
• est rapidement épuisante ; gements (avec l’aide de l’AVS) suppose une anti-
cipation des activités prévues. Il faut scanner
• réclame un coût attentionnel prohibitif, ne
les  textes et les reconfigurer, les surligner,
permettant pas de réaliser les objectifs pour
les  coloriser (cf. figures 3.2, 4.2, 6.1 et 6.2 du
lesquels la copie est instituée.
cahier couleur central), préparer les photocopies
puis les numéroter et les classer, etc. Ces adapta-
Dans ces cas, il faut chercher à bannir cette tions, très utiles voire indispensables aux jeunes
activité : si l’enfant a besoin d’un écrit pour dyspraxiques, demandent donc au quotidien
apprendre (résumé de la leçon, poésie…), on beaucoup de temps de préparation.
peut, selon les cas, soit lui fournir des photo-
copies (cf. p. 59, 96), soit utiliser un secrétaire
(cf. p. 97). Complétion de phrases
Il faut aussi toujours se rappeler que, chez (ou de textes)
ces jeunes dyspraxiques, la focalisation de Souvent utilisés pour des exercices de vocabulaire,
l’attention passe d’abord par l’écoute : il est de grammaire et de conjugaison, les exercices à
donc capital que cette écoute, en classe, ne trous constituent une facilité pour ceux qui sont
soit pas obérée par une tâche concurrente (la lents ou très dysgraphiques, puisqu’ils n’ont que
copie), qui, pour eux, n’a aucune justification très peu de mots à réaliser en graphisme manuel.
(puisque ni l’amélioration du graphisme, ni C’est donc un bon choix, aussi bien pour un
la focalisation de l’attention, ni aucun entraînement (en orthographe, en grammaire)
apprentissage n’est favorisé par la copie). que pour les contrôles de connaissances dans de
nombreux secteurs des apprentissages.
Il est cependant difficile, concrètement, de dis- Que proposer ?
penser l’enfant de toutes les tâches de copie qui Favoriser les exercices à trous demande que les
peuvent occuper en classe un temps très impor- exercices ou contrôles soient spécialement pré-
tant : l’enfant accepte mal de ne pas faire comme parés – par l’enseignant, les parents ou l’AVS –
ses camarades et l’enseignant peut avoir l’im- pour permettre une complétion en graphisme
pression que l’enfant est inoccupé. La question manuel ou, le plus souvent, sur ordinateur. Il
de savoir quelles activités lui proposer durant faut alors prévoir des présentations type formu-
les temps de copie est donc importante. laire qui permettent de remplir des espaces pré-
On peut suggérer, selon les cas et le projet de vus à cet effet (cf. figure 7.11, p. 152).
l’enfant, des exercices d’entraînement à l’ordi- Cela suppose que du temps puisse être consacré
nateur, ou de commencer l’apprentissage de la à la préparation du travail de l’enfant DVS par
leçon si des photocopies ont pu lui être four- des personnes suffisamment compétentes et
nies, ou de terminer un travail que l’enfant bien formées aux différentes possibilités et utili-
(lent) n’aurait pas pu finir en temps utile, ou de sation des traitements de texte (AVS formé,
commencer les devoirs, etc. souvent par l’ergothérapeute).
Enfin, si la copie s’avère incontournable, on
aménage la situation (cf. p. 123–125) : apprentis-
Dictée
sage de stratégies plus économiques sur le plan Exercice traditionnel d’apprentissage et de
visuel telles que la copie différée, entraînements contrôle des connaissances orthographiques, la
visuels (et rééducation orthoptique si néces- dictée a ceci de particulier, par rapport à la
saire), aménagements structurant le modèle et copie, qu’elle ne réclame aucune afférence
guidant le regard (repères de couleurs, augmen- visuelle préalable : c’est pourquoi, paradoxale-
tation de la taille de la police, augmentation des ment, beaucoup de jeunes qui présentent des

52
Chapitre 3. Écrire

troubles neurovisuels sont moins gênés en dic- En ce qui concerne l’orthographe grammati-
tée (ou en expression écrite) qu’en copie. cale, l’apprentissage oral puis la récitation des
règles remplace avantageusement leur copie.
Rappelons cependant que la construction du Ensuite, il faut, comme pour l’orthographe
lexique orthographique est sous la dépendance d’usage, proposer l’épellation, la complétion ou
la transformation de phrases (en graphisme
des compétences de calibrage des saccades de
manuel ou à l’ordinateur).
fixation lors de la lecture (cf. p. 128), et peut donc
être compromise chez certains enfants dyspra­
S’il est en effet très important que l’enseignant
xiques présentant des troubles neurovisuels [43].
valorise et favorise l’usage de l’ordinateur qui
permet aux enfants de faire leur scolarité, il est
Par contre, la dictée réclame impérativement tout aussi important, en ce qui concerne les
de suivre le rythme du dicteur : l’enfant dysgra- apprentissages eux-mêmes, d’avoir vis-à-vis
phique peut soit « décrocher » (ne pouvant plus d’ eux des exigences qui sont les mêmes que cel-
gérer, en mémoire immédiate, l’accumulation les imposées à leurs pairs : c’ est cette exigence
de son retard), soit tenter d’accélérer et devenir
qui donne sens aux adaptations proposées, mais
alors de plus en plus illisible.
aussi qui en favorise leur acceptation par le
Enfin, la relecture (et la correction des erreurs jeune lui-même et par ses camarades de classe.
éventuelles) dépend aussi du niveau de lecture
du jeune (cf. chapitre 6) et suppose, outre des
connaissances orthographiques et grammati- Prise de notes
cales explicites, de bonnes capacités visuelles La prise de notes est un exercice très exigeant,
(dyslexies visuelles, cf. p. 122) et d’excellentes qui sollicite de nombreuses fonctions cogni­
fonctions exécutives (inhibition d’une lecture tives. C’est la raison pour laquelle ce n’est guère
par adressage exclusif et des aspects purement demandé aux enfants qu’à partir du collège : il
sémantiques de la lecture), qui ne sont vraiment faut en effet écouter (attention) et comprendre
efficaces dans ce type de fonction que très pro- (facteur G, connaissances ­antérieures ­mobi-
gressivement à partir du CM. ­lisables en mémoire à long terme), suivre le plan
Que proposer ? de l’orateur, puis trier et hiérarchiser les infor-
L’apprentissage de l’orthographe d’usage peut mations, les résumer et les synthétiser (fonc-
être proposé oralement : dire et répéter les carac- tions exécutives, fonctions linguistiques) et
téristiques orthographiques du mot, apprendre enfin les écrire, éventuellement en abrégé (style
des listes de mots qui partagent la même parti­ télégraphique, abréviations). Le tout doit être
cularité orthographique ou la même étymologie. rapide (c’est une exigence fondamentale de la
prise de notes) et, pour être utile, doit pouvoir
Pour contrôler les connaissances, on peut
être relu avec un maximum de fiabilité.
recourir selon les cas à l’épellation, aux phrases
à trous, à compléter (cf. supra), ou à une dictée
réduite en longueur sur l’ordinateur (encadré 3.1). La dysgraphie et la lenteur graphique per-
turbent considérablement l’ensemble de ce
Il est déconseillé de proposer un contrôle en processus, dans lequel les tâches de haut
choix multiple (l’enfant doit choisir la bonne niveau réclament un fort coût cognitif. Si la
solution parmi différentes propositions tâche de bas niveau n’est pas parfaitement et
orthographiques). Bien sûr, cela limite au efficacement automatisée, la prise de notes
minimum la production écrite de l’élève (il est impossible ou parcellaire, inefficace.
entoure ou se contente d’un signe qui mar-
que la bonne réponse) mais on risque aussi Que proposer ?
de favoriser la mémorisation des formes
Il est généralement plus efficace, afin de permet-
orthographiques fautives qu’il doit lire, ana-
tre à l’enfant d’effectuer les opérations de haut
lyser et comparer à la bonne forme…
niveau (planification, synthèse, ­compréhension,

53
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Encadré 3.1
Dictée et ordinateur : les interrogations fréquentes
Le correcteur orthographique de l’ordinateur La question des fautes de frappe à l’ordina-
(cf. p. 85, 130) : teur :
La question se pose souvent de la présence, Beaucoup d’enseignants s’interrogent sur la
dans les traitements de texte, d’un correcteur notation des dictées (ou la prise en compte
orthographique. Ces programmes soulignent des fautes d’orthographe dans toutes sortes
habituellement en rouge les mots mal ortho- de devoirs) lorsque ces dernières sont effec-
graphiés (orthographe lexicale) et proposent tuées à l’ordinateur, certaines erreurs pouvant
automatiquement la correction correspon- probablement être imputées à des fautes de
dante : ce programme peut être désactivé sur frappe.
les ordinateurs des plus jeunes. À partir du moment où l’enfant utilise l’ordi-
Pour les plus grands au contraire, la pré- nateur en classe et qu’il y atteint un niveau
sence de ce correcteur leur permet de pro- de performance suffisant pour effectuer une
duire des textes de meilleure qualité. dictée (avec aménagements, s’il y a lieu : tiers
D’ailleurs, signalant et corrigeant les erreurs, temps, ou réduction de la taille de la dictée,
ce programme contribue à l’apprentissage ou mise en place de formulaires type phrases
et au développement chez l’enfant d’une à trous), toutes les fautes doivent être comp-
bonne conscience orthographique : il est tabilisées, comme pour les autres enfants.
donc utile. Il faut cependant apprendre à D’une part, l’enseignant ne peut pas regar-
l’enfant à s’en servir (dans certains cas, l’or- der et vérifier sur le clavier la position de cha-
dinateur propose plusieurs alternatives, en que lettre en regard de la faute produite,
choix multiple), afin qu’il soit efficace sans d’autant que certaines erreurs, du fait des
que cela ne ralentisse trop la frappe. Enfin, troubles spatiaux, peuvent concerner des let-
actuellement, les traitements de texte ne tres disposées « en miroir » sur le clavier.
disposent pas de correcteur fiable en ce qui D’autre part, puisque l’ordinateur est l’outil
concerne l’orthographe grammaticale : il utilisé par l’enfant pour pallier ses difficultés
faut donc apprendre à l’enfant à négliger graphiques, il est licite d’avoir une exigence
cette information (souvent signalée par un en termes de précision de frappe (de même
surlignage vert), à appliquer les règles appri- que, pour l’enfant tout-venant, on a une exi-
ses, à les mettre en œuvre par des exercices gence de lisibilité et qu’une ambiguïté de
spécifiques, puis à les automatiser autant tracé peut lui être comptée comme une
que possible [44]. faute).

mémorisation…), de le libérer de la tâche graphi- ou écrivant…). Mais la ré-écoute est longue et


que dans la fonction prise de notes. souvent fastidieuse (car complète, ou nécessi-
Le jeune doit cependant pouvoir disposer tant des avances rapides à la recherche de telle
des mêmes informations que ses camarades, ou telle information précise). Par ailleurs, le
les notes servant normalement de « mémoire travail de planification et synthèse reste à faire,
externe ». oralement, par le jeune. Ce doit donc rester une
méthode exceptionnelle, plutôt adaptée à des
Il doit alors disposer des notes d’un camarade
conférences, des sorties, une panne de la photo-
(photocopies) ou de celles de l’enseignant si
copieuse, etc.
celui-ci y consent ; c’est le palliatif le plus effi-
cace, du moins s’il est bien géré par l’AVS Dans tous ces cas, le jeune, libéré du souci du
(cf. p. 96, 136, 165). graphisme manuel (et même, plus générale-
ment, de la gestion de la trace écrite), est dispo-
Le manuel scolaire, si l’enseignant s’y réfère,
nible durant le cours pour une écoute de qualité
peut aussi constituer un palliatif, à lui seul ou
(surtout si le plan est disponible simultané-
en complément des photocopies.
ment : inscrit au tableau ou entré dans l’ordina-
Le jeune peut aussi enregistrer le cours (si l’en- teur ouvert devant l’enfant durant l’écoute).
seignant y consent) ; dans ce cas, il faut savoir
Cependant, il n’est souvent pas évident, ni pour
que la bande-son ainsi constituée peut être uti-
le jeune ni pour l’enseignant, d’accepter une
lisée comme mémoire externe (nombre de ces
apparente inactivité durant le cours, alors que
jeunes souffrant de DVS apprennent beaucoup
l’ensemble de la classe est en train d’écrire : on
mieux en écoutant et ré-écoutant qu’en lisant

54
Chapitre 3. Écrire

peut alors lui demander d’inscrire le plan ou, spatiaux du texte (paragraphes, retours à la
s’il dispose de photocopies (ou du manuel), de ligne) qui lui sont très difficiles ou impossibles
surligner les informations importantes, de à gérer (à concevoir ?).
noter quelques mots clés ou éléments particu-
lièrement pertinents. « D’autres procédés autonomisent
Enfin, si le jeune est réellement très performant l’écriture [par rapport à l’oral]. Techniques
à l’ordinateur et qu’il peut produire une frappe typographiques surtout : alinéas, blancs,
rapide et automatisée, il peut effectuer la prise chapitres, majuscules, titres et sous-titres.
de notes à l’ordinateur, du moins si l’orateur ne En arrachant la parole au temps par la
parle pas trop vite, si les notes ne sont pas trop spatialisation, elles en font un objet en deux
abondantes et/ou s’il sait utiliser efficacement dimensions de page et trois dimensions
une écriture abrégée (cf. p. 93, 130). de volume. »
C. Hagège29
Cependant, à partir de la quatrième, la troi-
sième ou la seconde (selon les matières, les Ensuite, la dysgraphie elle-même contribue à
professeurs), le volume des notes, l’impor- appauvrir la production de différentes façons :
tante planification qu’elles réclament et leur • la fatigabilité peut rendre rapidement le
importance dans les apprentissages ne per- brouillon illisible ;
mettent souvent plus d’envisager l’ordina- • l’attention portée au graphisme est soustraite
teur comme unique palliatif (cf. p. 97). aux étapes d’élaboration du texte, de recher-
che des idées, des liens, de la mise en forme
Expression écrite linguistique et de la planification de l’ensem-
ble (double tâche, cf. p. 19), donnant quelque-
(ou « production d’écrits ») fois des textes fleuves mal conçus (associations
Les exigences sont presque les mêmes que pour d’idées non organisées) et plus ou moins hors
la prise de notes, à ceci près que : sujet ;
• la notion de vitesse et de rapidité n’est pas du • la lenteur ne permet souvent pas de rédiger un
tout au premier plan de cette activité (même brouillon détaillé puis de le recopier : soit le
si elle est en temps limité) ; devoir est anormalement court par manque
• c’est la pensée du sujet lui-même qu’il faut de développements, soit il est amputé de toute
mettre en forme (et non celle d’un locuteur). sa partie finale ;
• enfin, si le jeune n’a pas eu le temps de faire la
Produire un écrit demande différentes opéra-
relecture et la dernière révision de son texte,
tions mentales, en particulier la mise en forme
le devoir est entaché de fautes d’orthographe
sémantique, puis linguistique de la pensée, une
souvent grossières au sein de phrases à la syn-
planification, une organisation et un déroule-
taxe médiocre (mal planifiées).
ment chronologique (ou logique) de cette pen-
sée, puis une vérification et des ajustements (du Que proposer ?
plan, de la chronologie, de la syntaxe, de l’or- C’est pourquoi il est important de préparer pré-
thographe). Ces révisions successives consti- cocement les enfants à la conception de plans,
tuent les brouillons qui marquent l’élaboration d’abord linéaires puis plus complexes, et leur
et la construction progressive du texte. enseigner la réalisation d’un plan (mise en page,
Dans cet exercice, le jeune dyspraxique est sur- paragraphes, pagination, niveaux de titres) et
tout gêné par ses difficultés spatiales qui inter- d’un brouillon (utilisation des fonctions cou-
viennent pour mettre en œuvre et rendre per, copier, coller…) sur ordinateur où les modi-
visible le plan. En effet, ratures et surcharges fications ne donnent lieu ni à des ratures, ni à
peuvent rendre le brouillon difficilement
exploitable voire inexploitable par le jeune lui-
même. Dans la production finale, normale- 29 Hagège C. L’homme de paroles, collection Essais,
ment le plan se marque par des arrangements édition de poche, 1987.

55
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

des surcharges. Cet apprentissage doit se met- construction et d’élaboration du texte en plu-
tre en place très progressivement, dès le pri- sieurs temps, en spirale (cf. figure 7.6, p. 145). Il
maire, car le jeune doit pouvoir disposer d’un leur faut en effet savoir tenir leur rôle d’aide en
outil efficace pour produire de l’écrit dès le lien avec le handicap (ici, le trouble spatial et
CM2 ou le début du collège. graphique), mais sans intervenir dans la pro-
Or, en règle générale, ces enfants dyspraxiques duction du jeune, ce qui est à la fois complexe et
sont beaux parleurs, ils ont de bonnes connais- délicat.
sances générales et raisonnent bien : ils sont Schématiquement, on peut conseiller d’utiliser
donc souvent très performants dans les activi- la trame suivante, en cinq points :
tés de langue française durant le primaire, y • évocation en vrac, par le jeune, des idées, cita-
compris en expression écrite car les produc- tions, auteurs, liens logiques, qui surgissent à
tions demandées sont courtes et ne réclament la lecture du sujet choisi. Le secrétaire doit les
ni réelle mise en forme de la pensée ni élabora- noter tels quels (mots isolés, phrases avortées,
tion d’un plan complexe. Beaucoup de profes- ébauche de paragraphes formés de plusieurs
sionnels et de parents sont alors rassurés par phrases reliées, etc.), sous forme d’une liste
ces premiers succès et orientent l’essentiel de la sérielle mise sous les yeux du jeune. À ce
rééducation sur les difficultés apparentes, visi- stade, il faut que l’élève ait appris à contrôler
bles (graphisme, calcul, géométrie, habillage, les éventuelles diffluences par association
etc.). Mais les progrès en graphisme (modestes d’idées qui conduisent à des devoirs « fleuve »
et qui ne libèreront jamais l’enfant de la double sans plan ni structure interne, ou à des hors-
tâche, cf. p. 49) et en mathématiques (qui ne sujets ;
seront jamais suffisants pour autoriser une
• le jeune effectue une première ébauche de clas-
orientation dans les filières scientifiques) sont
sement des items précédemment énoncés (pré-
sans effet réel sur l’avenir du jeune…
plan) : dans cette phase, le secrétaire doit
constituer différentes zones dans la page, ou
Car à partir du collège et à long terme, ce prendre différents feuillets pour marquer cha-
sont en général les résultats dans les matiè- cun des regroupements conceptuels en cours
res littéraires qui règlent le pronostic sco- d’élaboration ; il peut, au fur et à mesure de
cette phase, biffer les items nommés dans la
laire puis les choix professionnels : il est
première « liste » ; il peut ainsi signaler au jeune
donc fondamental d’anticiper les difficultés
tout item qui n’apparaît dans aucun de ces
à venir dans les activités de planification, de
regroupements, se faire préciser si l’item est
rédaction, de commentaires de texte et de abandonné ou a été simplement oublié. Des
dissertation. ajouts se font jour habituellement à ce stade,
sous forme d’idées nouvelles ou complémen-
Le travail rééducatif préparatoire à l’élabora- taires à développer, de citations, d’auteurs,
tion de textes doit commencer dès le CE2 et etc. ;
comprend deux volets à mener de front : • le plan est désormais en cours de constitu-
• apprentissage de la verbalisation et travail de tion : le jeune nomme les différentes parties
tous ses corollaires (mémoire de travail audi- de son devoir, signale quels éléments sont des
tivoverbale, organisation des informations en sous-ensembles d’autres, comment il pense
mémoire à long terme, hiérarchisation des ordonner ses idées et les différentes parties du
idées…) ; devoir. Le secrétaire doit, sur les indications
du jeune, noter très clairement ce plan sur
• apprentissage de la mise en plan et mise en
une feuille spécialement dédiée, en laissant
forme de textes à l’ordinateur.
des « blancs » qui permettront si besoin, au fil
Enfin, de nombreux jeunes doivent utiliser un du temps, de compléter, de complexifier ou de
secrétaire (leur AVS ou un secrétaire inconnu préciser les différentes parties, leur position
lors des contrôles et examens) : ces personnels relative et leurs enchaînements. Cette page
doivent être formés à ces techniques de (qui peut souvent être une double page), doit

56
Chapitre 3. Écrire

ensuite en permanence rester sous les yeux de de travail qui est sur-utilisée dans ces straté-
l’élève. S’il suggère des modifications, une gies…) et avec les parents d’autre part (encou-
nouvelle page doit être rédigée, afin qu’il ait ragements à utiliser précocement ce type de
toujours sous les yeux la dernière mise à jour méthodologie) est indispensable pour assurer
de son plan, propre, bien présenté et claire (il une bonne efficacité à ces techniques à la fois
peut être utile d’utiliser des couleurs différen- inhabituelles, longues et complexes. Cependant
tes pour les différents niveaux de titres, surtout on voit bien, lorsque ce travail n’est pas fait, que
si le secrétaire écrit à la main). Si le secrétaire les bons résultats en français de ces élèves dys-
effectue ce travail à l’ordinateur, le dernier plan praxiques ont tendance à se déliter au fil des
mis à jour par le jeune doit être imprimé en années (au fil des exigences scolaires). Le pas-
temps réel, afin d’être disponible sous ses yeux sage au lycée signe souvent le basculement dans
durant toute la rédaction du texte et, le cas l’échec dans ces matières où justement c’est
échéant, être modifié et précisé ; (cf. p. 144) l’excellence qui est attendue.
• la phase de rédaction proprement dite peut Ce travail, qui ne s’impose pas comme « évi-
alors commencer : à partir des différents élé- dent » lors de la première enfance puisqu’il ne
ments déjà notés, il élabore son texte, son correspond alors à aucun symptôme « visible »
argumentaire, sa réflexion et les met en forme (simplement du fait qu’il n’y a pas encore d’exi-
et en phrases qu’il dicte à son secrétaire. gences scolaires en ce domaine), est pourtant le
Celui-ci lui relit phrase ou paragraphe au fur garant d’une scolarité longue (compte tenu de
et à mesure, à la demande. Il effectue les l’échec prévisible dans les matières scientifi-
modifications demandées par le jeune, relit la ques, cf. p. 118) et d’une orientation profession-
version modifiée, et la production progresse nelle gratifiante.
ainsi pas à pas, avec aussi des retours en Il doit donc être entrepris assez tôt (aux alentours
arrière (précisions sur un thème antérieur, du CE2/CM) et faire partie intégrante du projet
prise de conscience d’une redite ou d’une rééducatif si le pronostic scolaire est bon, visant
malposition d’un argument dans le plan, etc.). une scolarité longue et diplômante (cf. p. 31).
C’est le secrétaire qui effectue, au fur et à
Différentes sortes de textes à produire
mesure, la mise en forme du texte (paragra-
phes, retours à la ligne) en fonction du plan Outre les textes argumentatifs et de réflexion
déterminé par le jeune précédemment (et/ou (commentaires, rédaction, dissertations) abor-
sur les indications de l’élève) ; dés plus haut, il peut être intéressant de repérer
les contraintes spécifiques liées à des types de
• lorsque le texte est rédigé, le secrétaire propose
textes particuliers. Ainsi :
une (ou plusieurs) relecture(s) d’ensemble,
permettant une révision générale et les der- • les textes descriptifs réclament généralement
niers ajustements (formulation, liens entre les une observation visuospatiale préalable, ou, à
paragraphes, déplacements de certaines phra- tout le moins, une représentation mentale figu-
ses ou paragraphes, précisions à ajouter…). rative détaillée, précise et juste de l’objet (ou de
la situation) à décrire. Ces traitements visuospa-
On comprend bien que ce travail (qui atteint tiaux peuvent être difficiles, erronés ou impos-
son apogée au cours de l’épreuve de français sibles pour de nombreux jeunes dyspraxiques
puis de philosophie lors de l’examen du bacca- (cf. fig. 7.7 p. 147) ;
lauréat, mais concerne aussi les épreuves d’his-
• les textes narratifs peuvent être demandés soit
toire, de sciences sociales, d’économie, de
à partir de connaissances et de l’expérience du
langues, etc.) doit être longuement et très pro-
sujet, soit à partir d’illustrations, voire d’his-
gressivement préparé avec le jeune, et qu’il doit
toires en images : dans cette dernière hypo-
donner lieu à une formation spécifique en
thèse, c’est encore la prise d’information visuelle
direction des secrétaires (et AVS).
et/ou spatiale qui peut quelquefois constituer le
Une bonne coordination avec les rééducateurs handicap premier à la réalisation de l’écrit ;
d’une part (apprentissage des fonctions de mise
• les textes prescriptifs (recette, mode d’emploi,
en forme de textes à l’ordinateur, stratégies ora-
compte rendu d’expérience, de visite), eux,
les de planification, entraînement de la mémoire

57
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

réclament peu d’originalité de pensée mais chacun, on peut prévoir des aides ciblées portant
doivent être informatifs : choix et hiérarchi- plus particulièrement sur telle ou telle situation
sation des informations à transmettre, impor- scolaire, on peut moduler les adaptations en fonc-
tance de la chronologie d’apparition des tion des besoins repérés et choisir au mieux les
informations au sein du texte, de la précision tâches durant lesquelles on laisse éventuellement
de certaines informations (dont certaines l’enfant « en autonomie » sans trop de risque.
peuvent être très spatiales, fournies sous for-
mes de dessins ou schémas) ; Différents objectifs
• légender ou commenter une carte, un schéma, de la production d’écrits
un graphique (cf. tableaux 7.2, 7.3 et 7.4 p. 157–
160, fig. 7.12 et 7.13, cahier couleur central) : il Les écrits produits à l’école remplissent diffé-
s’agit là d’un type d’écrits particulièrement rentes fonctions, qui doivent toutes être sauve-
dépendant des traitements visuospatiaux. gardées en cas d’impossibilité de graphisme
Mais, contrairement aux textes descriptifs, manuel. Selon les rôles que remplit telle ou telle
c’est ici sur les deux versants, afférent (analyse forme d’écrit, on peut proposer des palliatifs
et/ou représentation mentale du sujet à traiter) différenciés, adaptés à l’objectif poursuivi.
et efférent (l’écrit produit doit être placé cor-
rectement, situé précisément) que les compé- Communiquer à distance
tences spatiales sont requises. C’est la raison C’est l’essence même de l’écrit que de constituer
pour laquelle il s’agit souvent d’activités tout à une trace linguistique transmissible à distance
fait irréalisables pour les jeunes dyspraxiques. (géographique ou temporelle). À l’école, il peut
Lorsqu’il s’agit d’un contrôle de connaissances, s’agir de faire un courrier, tenir un journal,
on propose généralement que le jeune puisse rédiger un mode d’emploi, un compte rendu
faire un commentaire dans lequel il donne (ora- d’expérience, etc.
lement ou par écrit) les explications nécessai- Que proposer ?
res. Lorsqu’il s’agit d’exercices destinés à faire L’ordinateur répond parfaitement à ces impératifs,
acquérir un nouveau concept ou de nouveaux du moins en classe. Mais la plupart des familles
savoirs, on est alors obligé de reconfigurer le redoutent que, utilisant l’ordinateur, l’enfant ne soit
matériel, qui doit être présenté sous forme d’un pas capable, ultérieurement, de remplir des formu-
texte (à lire ou à entendre, cf. p. 157). Il est laires, laisser un petit mot ou remplir un chèque,
d’ailleurs à noter que ces aménagements sont toutes situations indispensables à la vie sociale.
expressément prévus lors de la passation des
épreuves de géographie aux examens : l’élève Il faut absolument rassurer les parents (et l’en-
dyspraxique peut disposer d’un texte rédigé à la fant lui-même) :
place d’une carte ; de même, plutôt que de • d’une part, le graphisme manuel de ces
légender une carte, il est autorisé à disserter sur enfants s’améliore toujours un peu spontané-
le même sujet. ment (cf. figure 3.1), même en l’absence de
En résumé : toute action rééducative en ce sens ;
Les compétences cognitives sollicitées selon le • d’autre part, il n’existe aucun jeune dyspraxi-
type de tâche sont résumées dans le tableau 3.1. que qui ne soit pas capable d’écrire à la main,
du moins si :
On comprend ainsi facilement que les perfor-
mances de l’enfant peuvent être variables selon – l’écrit peut être réalisé en un temps non limité,
la tâche (mais aussi en fonction du temps imparti, – l’écrit est court, réduit à quelques mots ou
de la longueur, de la fatigue), variations qui ne quelques phrases,
peuvent pas être rapportées de façon faussement – le sujet a le choix de la police, en particulier
simplificatrice à la bonne volonté ou à la motiva- s’il peut écrire en « non attaché » (lettres
tion du jeune (« quand il veut, il peut »). bâtons, majuscules d’imprimerie),
Par ailleurs, selon les fonctions plus ou moins – aucune autre tâche (en particulier de haut
préservées ou plus ou moins défaillantes chez niveau) n’est requise simultanément.

58
Chapitre 3. Écrire

Tableau 3.1. Principales compétences cognitives sollicitées par les diverses formes d’écrits.
Copie Complétion : Dictée Prise Expression
phrases, textes de notes écrite
Directe Différée
Facteur G. + + ± ± (grammaire) +++ +++
Attention visuelle +++ + +++ Relecture 0 0
Mémoire de travail ± +++ 0 0 0 0
visuelle
Fonctions exécutives 0 + 0 Relecture, +++ +++
Planification corrections
Regard/Neurovision +++ ± +++ 0 0 0
Connaissances 0 + +++ 0 +
orthographiques
Selon l’exercice
Connaissances 0 + +++ 0 +
grammaticales
Compétences spatiales + 0 + 0 0 ++
Compétences 0 ± ++ ++ ++ +++
linguistiques
Influence du facteur + + + +++ +++ +
temps
Compétence sollicitée : 0 : pas du tout ; + un peu ; ++ beaucoup ; +++ essentiellement.

cf. p. 122–125), auxquelles l’enfant peut se référer


On note que ces quatre conditions sont exac-
facilement (notes datées, rangées, classées…), est
tement à l’opposé de celles qui sont exigées à indispensable s’il doit poursuivre une scolarité.
l’école et permettent les apprentissages…
Ces écrits peuvent être constitués de photoco-
pies (de bonne qualité graphique, d’une présen-
Disposer d’une mémoire externe tation simple, claire et aérée) titrées, datées,
Copier un mot (mémoriser l’orthographe), un numérotées, classées, ou de textes écrits à l’ordi-
texte, un résumé, un plan ; prendre des notes (et nateur par le jeune et collés dans les cahiers (ou
se relire) à partir d’un discours oral ou d’un texte classeurs), ou encore de textes écrits (à la main
écrit, mais aussi, dans la vie courante, faire une ou à l’ordinateur) par la personne qui fait office
liste, un aide-mémoire… Ce sont là les fonctions de secrétaire.
principales des écrits scolaires : l’enfant doit dis- C’est bien évidemment le travail de l’AVS (de
poser de traces des informations et explications faire le secrétariat, de faire les photocopies, de
fournies par l’enseignant, de façon à pouvoir y scanner les textes pour en permettre l’aména-
revenir, faire des révisions, apprendre. gement en ce qui concerne la typographie et
l’organisation visuospatiale, de les classer, de
Aussi, si ses cahiers (ou classeurs) ne lui per- coller les textes produits à l’ordinateur dans les
mettent pas de se relire, si ses copies ou ses cahiers, de surligner…), un travail exigeant et
notes sont incomplètes ou erronées, ces permanent, au quotidien.
écrits seront inutilisables et sans objet.
Il faut, chaque jour, vérifier que l’enfant dis-
Que proposer ? pose bien de l’ensemble des informations
nécessaires, en des formats facilement acces-
Disposer de traces propres, lisibles, complètes et
sibles pour lui, pour apprendre ses leçons,
bien organisées (typographie et mise en page
adaptées aux troubles neurovisuels éventuels, faire ses devoirs, réviser.

59
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Focaliser l’attention signe auquel celui-ci se tourne vers son auxi-


liaire et le regarde), l’AVS reformule (informa-
Chez l’enfant tout-venant, recopier le texte du tions, consignes, explications), en individuel et
problème, la consigne, la poésie, un mot à voix basse, les dires de l’enseignant. De la
­nouveau… est un moyen utilisé pour mobiliser sorte, le discours ou la consigne collective
l’attention visuelle de l’enfant sur l’information devient individuel, s’adressant à ce seul enfant :
nouvelle ou pertinente. C’est d’autant plus il est ainsi mis en situation d’apprentissage.
indispensable que la situation de grand groupe
génère facilement une certaine dispersion L’adulte veille également à limiter au maximum
attentionnelle, du fait de distractions émanant les distracteurs (enfant situé juste devant l’en-
des autres élèves d’une part et du fait que les seignant et devant le tableau, table dégagée de
consignes, informations et explications auditivo­ tout matériel inutile à ce moment précis, pré-
verbales concernent l’ensemble du groupe sence physique proche de l’AVS, inhibition
d’autre part. La copie, au contraire, concerne immédiate des diffluences…) et à rehausser au
chaque enfant personnellement, l’oblige indivi- mieux les informations ciblées, sur lesquelles
duellement à une attention ciblée puis à une doit porter l’effort attentionnel : isolement de
action qui le recentre, pour sa part, sur le tra- l’information ciblée par un surlignage de cou-
vail demandé collectivement. leur, demande de répétition des mots clés de la
consigne avant de débuter la tâche, utilisation
Mais chez beaucoup d’enfants dyspraxiques de « petits outils » de focalisation de l’attention
l’attention visuospatiale, le contrôle oculomo- [45] (figure 3.3).
teur, l’analyse spatiale de l’organisation du
modèle, puis enfin le tracé des lettres lui-même On note, là encore, combien la présence perma-
constituent un imbroglio de difficultés majeu- nente, à temps plein, d’un auxiliaire scolaire
res qui compromettent d’emblée les tâches de bien formé peut jouer un rôle décisif sur la sco-
bas niveau, premiers maillon de la chaîne des larité de l’enfant dyspraxique, non que l’auxi-
fonctions cognitives sollicitées. liaire fasse « à la place de l’enfant » comme on
l’entend dire quelquefois, mais parce que ses
interventions méthodologiques, bien adaptées,
Dans ces conditions, loin de focaliser l’atten- libèrent l’enfant de toute entrave en lien direct
tion de l’enfant dyspraxique sur l’informa- avec son handicap, et lui permettent de valoriser
tion pertinente, la copie la dilue au contraire ses capacités d’intelligence et de langage
dans l’invisible mais indispensable contrôle pour  faire les mêmes acquisitions scolaires que
du regard et du geste. ses pairs. Il s’agit donc bien de compenser le
handicap.
En rééducation individuelle : d’emblée on éva-
Que proposer (cf. p.131) ? lue puis on entraîne les capacités d’attention
Les aides attentionnelles centrées sur l’écoute auditive de l’enfant puisque l’on sait que ce sont
ne peuvent être efficaces que si la collabora- ces compétences-là qui, avec le niveau de fac-
tion médico-pédagogique est étroite, chacun teur G, règleront in fine le pronostic scolaire.
réutilisant en partie les stratégies dont l’en- En outre, capacité en mémoire de travail auditi-
fant peut s’emparer, tout en les appliquant voverbale et attention auditivoverbale sont inti-
dans des contextes très différents. En réédu- mement liées.
cation, ces méthodes sont individuelles et On propose [46], entre autres, des jeux de go–
visent une amélioration des fonctions atten- non go, d’inhibition des distracteurs, de focali-
tionnelles elles-mêmes ; en classe, elles doi- sation sur des cibles (auditives, visuelles,
vent être utilisables en groupe et servir les combinées) avec des consignes de plus en plus
apprentissages. complexes, travail de répétition de syllabes, de
En classe : après avoir attiré l’attention de l’en- logatomes, de « parler verlan », de repérage d’un
fant (on convient d’un « signal », par exemple mot dans un discours, de répétition de fins de
l’adulte pose sa main sur l’épaule de l’enfant, phrases, etc. [47, 48]. De nombreux logiciels,

60
Chapitre 3. Écrire

Figure 3.3. Pictogrammes de focalisation de l’attention.


Pictogrammes proposés par Gagné PP. In : Gagné PP. Être attentif, une question de gestion. Montréal : Chenelière
McGraw-Hill ; 2001. Avec l’autorisation de Chenelière Éducation Inc.

sur ordinateur, proposent également des jeux


que et qu’il ne soit pas nécessaire d’en faire
d’attention verbale.
une analyse spatiale.
La situation individuelle permet d’évaluer la
fatigue de l’enfant et de calibrer les attentes en C’est pourquoi l’usage – plus ou moins systé-
fonction de la disponibilité et des progrès de matique – de pictogrammes et/ou de couleurs
l’enfant. Il est très important, lors de ces exerci- est très efficace pour focaliser l’attention.
ces, de lui signifier clairement quel est le lien
entre ce travail et celui demandé en classe. Maîtriser la langue écrite
Il s’agit là d’apprendre à mettre en forme sa
D’une façon générale, il ne faut pas oublier pensée sous une forme linguistique appro-
qu’à côté des éléments auditivoverbaux priée (au thème, au destinataire) et conforme
(prééminents), on peut aussi utiliser certains aux usages culturels de la langue. C’est un
stimuli visuels pour capter ou recentrer l’at- travail qui s’étend sur l’ensemble de la scola-
tention de l’enfant (ces enfants y voient rité, prenant de multiples formes, se com-
bien !), à condition que l’enfant n’ait pas à plexifiant progressivement. C’est donc un
objectif qui se décline en différents sous-
produire simultanément une tâche graphi-
objectifs, concernant :

61
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

• d’abord les outils de base de la langue, tels que teur) épuise l’enfant sans pour autant lui per-
le vocabulaire, l’orthographe, la grammaire et mettre de faire les apprentissages prescrits, au
la conjugaison. On propose souvent aux contraire. Nous conseillons donc de :
enfants de copier, compléter, transformer ou • limiter au maximum la charge de l’écrit et dis-
produire des mots, des phrases ou de petits penser l’enfant de recopier la consigne ou le
textes ; texte (du problème, de l’exercice, de la consi-
• puis leur utilisation est progressivement gne, de l’expérience…) et, chaque fois que le
incluse dans des productions d’écrits qui devoir s’y prête, l’autoriser à répondre par un
solli­citent la syntaxe, les différents styles et mot, un résultat, une marque graphique éco-
niveaux de langue et les connaissances sur le nomique : surligner la bonne réponse dans le
monde physique et social ; texte, ne mettre que l’initiale du mot, cocher
• enfin, l’élève doit être capable de produire la bonne réponse, n’écrire que la terminaison
une rédaction ou une dissertation, c’est-à-dire du verbe, répondre par « vrai/faux », etc. ;
récupérer en mémoire à long terme les idées et • utiliser, chaque fois que possible, les QCM
connaissances en lien direct ou indirect avec le (questions à choix multiple) et les complétions
thème, faire un plan, élaborer sa pensée, choi- de phrases, qui minimisent la part d’écrit
sir le style linguistique (en tenant compte de la (cf. p. 52), que celui-ci soit réalisé à la main ou
consigne, du sujet à traiter, de l’occasion, du à l’ordinateur ;
lecteur éventuel…), effectuer la mise en mots • recourir surtout au verbal qui permet répéti-
et en phrases, ajuster la syntaxe (phrastique et tions et apprentissage par cœur (orthographe,
textuelle) et l’orthographe. Cela demande de listes lexicales, règles grammaticales…).
grandes compétences en sémantique, pragma-
tique, facteur G, fonctions exécutives… Cependant, cela suppose impérativement la
disponibilité d’un adulte (parents, enseignant,
L’élève atteint de DVS est donc en difficulté non AVS, éducateur scolaire ou autre) capable de
dans l’exercice proposé en tant que tel, mais s’assurer que l’enfant s’est bien approprié le
plutôt dans l’appropriation des formes ortho- savoir visé et de faire les corrections éventuelle-
graphiques, la conception et la réalisation d’un ment nécessaires.
plan (cf. p. 53, 56).
Il faut aussi veiller à ce que le temps mis pour
Que proposer ? Des pistes sont présentées p. 56–58. faire ces exercices (cf. p. 64) soit du même ordre
que le temps que les autres enfants y consacrent
Faire des exercices, en moyenne : au-delà, la fatigue (particulière-
faire ses devoirs ment rapide et intense chez les jeunes dyspraxi-
ques) rend ces exercices inutiles ou même
Les exercices ont pour objectif d’amener l’élève nocifs, car l’enfant ne peut plus assimiler de
à s’entraîner, de façon à ce qu’il parvienne peu à nouveaux savoirs. Il peut alors produire de
peu à automatiser une production de qualité nombreuses erreurs qui risquent de parasiter la
(lexicale, orthographique, syntaxique, etc.) mémorisation de la notion et compromettre
selon son âge et son niveau scolaire. l’assimilation de l’item correct.
C’est pourquoi l’attribut principal de ces exerci-
ces est d’être répétitif et ciblé sur un élément Il faut donc réduire la quantité d’exercices
précis. Par ailleurs, le fait que les exercices d’application, en proportion de ce que l’en-
soient écrits permet à l’adulte un contrôle (cf. fant peut réaliser dans les mêmes délais que
infra) sur leur réalisation effective, la compré- ses camarades de classe.
hension ou l’appropriation par l’enfant de la
notion travaillée, et d’éventuels ajustements ou
D’autant que ces enfants, intelligents, très sui-
corrections à prévoir.
vis et très accompagnés sur le plan scolaire, ont
Que proposer ? souvent besoin de moins de séances d’entraîne-
Nous l’avons dit, écrire à la main (mais aussi, ment que certains de leurs pairs valides pour
quoique dans une moindre mesure, à l’ordina- s’approprier certaines notions…

62
Chapitre 3. Écrire

Effectuer un contrôle conditions de cet entraînement, régulièrement,


(passer un examen) lors des contrôles, et ne pas attendre le jour de
l’examen pour en faire la proposition au jeune.
Évaluer les connaissances acquises, la façon Comme pour les exercices et devoirs, il faut
dont l’élève peut ou non les ré-employer à bon autoriser explicitement le jeune à ne pas reco-
escient, les stratégies utilisées par le jeune ; repé- pier le texte ou la consigne et accepter des
rer les méconnaissances mais aussi les incom- réponses minimales sur le plan rédactionnel
préhensions, les quiproquos, les erreurs, tout (mot isolé, surlignage, résultat brut, phrases en
cela, en grand groupe – le « groupe–classe »  –, style télégraphique…).
ne peut se réaliser que par l’intermédiaire de
l’écrit. • Lorsque l’élève utilise le graphisme manuel
(pour des mots isolés, des phrases à trous, des
chiffres), la qualité du tracé (grossier, difficile
Lorsque le graphisme manuel est, en soi, une à lire) et la présentation (sale, brouillon,
difficulté qui interfère négativement avec les désordonnée) ne doivent pas entacher la nota-
activités de haut niveau (double tâche, cf. tion ; une indulgence particulière doit être
p. 19), les contrôles écrits n’évaluent plus les demandée en ce qui concerne l’orthographe
connaissances de l’enfant, mais seulement sa et la qualité rédactionnelle (prise en compte
capacité – ou son incapacité – à gérer son de la situation de double tâche).
handicap visuo-practo-spatial. • S’il utilise l’ordinateur (cas le plus souhaita-
ble), l’indulgence ne doit plus porter que sur
Que proposer ? les aspects spécifiquement spatiaux (présenta-
Comme pour les exercices et les devoirs, on tion et mise en forme), l’enfant étant ­dispensé
choisit une présentation de phrases à trous, des des épreuves intrinsèquement spatiales (car-
réponses courtes et précises, on favorise l’usage tographie, schéma, légende, graphique, géo-
de l’ordinateur, de la fonction Formulaire (cf. métrie) ou bien ces dernières étant spéciale-
p.  152, figure 7.11) et des logiciels spécialisés ment aménagées pour lui (cf. p. 149–161 et
dont l’enfant a la maîtrise et, chaque fois que figure 7.13 du cahier couleur central).
possible, on propose un contrôle oral. • S’il fait appel aux services d’un secrétaire (avec
Par ailleurs, on octroie au jeune un tiers temps ou sans le recours à l’ordinateur), les tâches
supplémentaire pour tenir compte des contrain- que celui-ci doit remplir doivent être très pré-
tes imposées par le handicap, le matériel, la len- cisément listées avant l’examen.
teur. Lorsque, au cours de contrôles informels,
pour des raisons matérielles d’organisation et Pour la passation des examens (cf. p. 168),
de planning, il n’est pas possible d’octroyer ce nous conseillons la rédaction d’une fiche très
temps supplémentaire, soit : détaillée qui justifie et précise toutes les aides
• on diminue la charge de travail d’environ un techniques et humaines nécessaires à ce
tiers (ce qui oblige, dans la grande majorité jeune-là, pour ces épreuves-là, fiche soumise
des cas, à repenser les consignes, les sujets ou préalablement au médecin scolaire et/ou au
les questions spécifiquement pour l’élève dys- médecin du rectorat qui décide des aména-
praxique, car il est rare que la simple suppres- gements autorisés.
sion du dernier tiers des exercices permette
de faire une évaluation des mêmes items que
pour ses pairs) ; En effet, il existe des directives au plan national
concernant l’aménagement des examens et
• selon les disciplines et le type de contrôle, on
concours pour tous les enfants handicapés,
applique un coefficient de notation tenant
dont les jeunes dys- : le médecin scolaire doit
compte de la lenteur de l’élève.
être contacté dans le courant de l’année scolaire
Il ne peut s’agir là que d’expédients ponctuels. (souvent dès l’hiver qui précède l’examen pour
En effet, les jeunes doivent apprendre à utiliser lequel les aménagements sont sollicités), car
ce tiers temps : il faut donc mettre en place les c’est lui qui conseille les démarches à effectuer

63
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

et contacte les autorités compétentes. Il est éga- qui, en cas de lenteur coutumière, permettent
lement souhaitable d’informer l’enseignant ponctuellement de rattraper un retard, de se met-
référent, à la MDPH, des aménagements qui tre à jour.
sont demandés. En règle générale, les aides Or l’enfant qui ne peut pas accélérer son gra-
(humaines et/ou matérielles) que le jeune uti- phisme manuel :
lise régulièrement en classe depuis plusieurs
• montre qu’il a besoin d’un important temps
années sont agréées, si elles sont justifiées par le
de contrôle (ou d’ajustement) de son geste :
handicap et par un certificat médical descriptif
c’est un indice important pour soupçonner
et argumenté.
qu’il est en double tâche, même si le gra-
Enfin, pour certaines évaluations (lors de brefs phisme manuel est d’apparence satisfaisant,
contrôles inopinés en classe), l’élève peut être lisible ;
interrogé oralement par l’enseignant lui-même,
• écrit en permanence en classe, toute la jour-
pendant que les autres enfants répondent au
née, à sa vitesse maximale : cette situation est
contrôle écrit. Lorsque c’est nécessaire (évalua-
génératrice d’un épuisement rapide, ne lui
tions nationales), l’enseignant peut aussi rem-
laisse aucune disponibilité pour aucune autre
plir les fiches et cahiers en lieu et place de
tâche intellectuelle et, de fait, s’avère ingérable
l’enfant qui donne ses réponses oralement.
pour l’enfant.
Dans certains cas, lorsqu’il s’agit de contrôles
plus informels, l’AVS peut aussi remplir ce rôle
de secrétaire. Implications générales
On note donc (tableau 3.2) que l’ordinateur La lenteur est à l’origine de plusieurs éléments
peut remplir toutes les fonctions de l’écrit. défavorables :
Cependant, ce n’est qu’un ersatz, dont il faut • elle met l’enfant en décalage permanent et
bien connaître les exigences particulières et les cumulatif entre les activités sur lesquelles il
limites (chapitre 4). focalise son attention à un moment donné et
le discours (ou l’activité) de l’enseignant et du
Lenteur graphique reste de la classe. Cette désynchronisation fré-
quente, sinon continue, ne permet à l’enfant
La lenteur graphique est définie par des tests de bénéficier ni des explications et consignes
étalonnés de vitesse d’écriture : cette dernière orales que prodigue l’enseignant, ni du travail
doit être rapportée à l’âge de l’enfant et à son qu’il est en train de produire avec retard ;
niveau scolaire. Il s’agit de la vitesse du gra- • elle révèle et aggrave la situation de double
phisme manuel30 (selon les tests, il peut s’agir de tâche, en une relation circulaire très négative :
copie, de répétition de mot, de dictée) évaluée c’est la situation de double tâche qui contri-
dans des conditions nettement plus favorables bue (aussi) à ralentir l’enfant, et lorsqu’il a
que la situation de copie à l’école. En effet, lors pris du retard il n’a plus d’autre choix que de
de ces épreuves, l’enfant est en simple tâche se focaliser sur la tâche de bas niveau (le gra-
(puisque aucune autre tâche intellectuelle ne lui phisme manuel) pour essayer d’accélérer le
est demandée simultanément), ce qui est rare- geste, de se mettre à jour ;
ment le cas en situation scolaire.
• l’enfant travaille souvent avec précipitation,
Par ailleurs, nous avons déjà signalé un test (« le aux dépens de la réflexion : il s’épuise à noir-
doux parfum des fleurs », cf. p. 50) qui, outre la cir du papier aussi vite qu’il peut, sans rien en
vitesse graphique « habituelle » de l’enfant, mesure apprendre… ;
ses réserves d’accélération, celles qui reflètent en
• enfin, la lenteur et le retard constants génè-
partie l’automatisation du graphisme, celles aussi
rent une anticipation de l’échec et un décou-
ragement profond, qui s’ajoutent au sentiment
d’incompétence.
30 Il est souvent intéressant, lorsque l’enfant est initié
à l’ordinateur, de comparer vitesse en graphisme L’ensemble compromet donc inévitablement
manuel et frappe au clavier. les apprentissages et ce, d’une façon masquée

64
Tableau 3.2. Principales fonctions de l’écrit à l’école.
Communiquer Disposer d’une mémoire Focaliser Mémoriser l’orthographe Grammaire Produire des textes
à distance externe l’attention lexicale et conjugaison
Types d’écrits Courriers Résumés Copies Copies itératives de mots Copies Phrases ou textes à
Mode d’emploi Prise de notes Dictées Dictées compléter ou à transformer
Plans Phrases à trous Textes prescriptifs,
narratifs, descriptifs,
Copies Transformation argumentatifs : rédactions,
de phrases dissertations, journal…
Caractéristique Trace durable À disposition Présentation Focalisation de l’attention Focalisation Disposer d’un brouillon
essentielle Consultable Consultable par le sujet adéquate sur la forme orthographique de l’attention modifiable pour la mise
à préserver par autrui sur la forme en forme des différentes
65

Organisation interne (titre, syntaxique phases (élaboration,


pagination, classement, planification, production,
rangement) révision)
Modalités Ordinateur 1. Manuel : À BANNIR (l’écrit, 1. Lettres mobiles (jusqu’au Oral + Ordinateur et/ou secrétaire
palliatives – livre de référence très coûteux pour ces CP environ) épellation formé
envisageables enfants sur le plan 2. Épellation orale, recours des flexions
– Internet attentionnel, est, en à l’étymologie, lecture
2. Photocopies : notes du soi, un distracteur !) « flash » (cf. p. 129)
professeur (+ clé USB) ou
d’un camarade
3. Magnétophone
Ordinateur +++

Chapitre 3. Écrire
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

car la gravité provient de la répétition et de la échec durant de longs mois, recommence à


chronicité de cette situation. l’identique ou presque un programme dans
lequel il se montre performant en début d’an-
Dans le cas où l’on a l’espoir d’une scolarité née scolaire (du fait de l’expérience acquise pré-
longue et diplômante (cf. p. 31), la lenteur cédemment) et dans lequel il décroche à peu
d’écriture constitue en soi un handicap grave près au même moment que l’année précédente.
In fine, après deux années, les acquis ne sont
qui doit être précocement pris en compte,
toujours pas en place dans les différentes matiè-
sous peine de ruiner définitivement le pro-
res (ou dans les matières « fondamentales »
nostic scolaire, à bas bruit.
selon le projet poursuivi).
Étaler les apprentissages sur deux ans est une
Que proposer ? situation très différente : d’emblée, les difficul-
D’une façon générale, il faut limiter les écrits (à tés de l’enfant sont reconnues et prises en
la main et/ou à l’ordinateur) ainsi que cela a compte, permettant à l’élève de faire des
déjà été dit précédemment (procurer des photo- apprentissages de qualité, partiels mais qu’il
copies, des résumés ; demander à l’enfant de ne complète l’année suivante. Il faut bien sûr choi-
pas recopier les énoncés et de fournir des répon- sir avec soin le moment de cette proposition qui
ses écrites minimales, etc). ne peut être renouvelée, au mieux, qu’une seule
Il faut surtout diminuer la charge de travail fois dans le cursus scolaire.
dans toutes les activités proposées ou presque Exemple
(nombre des exercices, longueur des dictées ou
des devoirs…), de telle sorte que le travail puisse P., 14 ans, jeune fille dyspraxique, est en
être fait dans le temps imparti à ses camarades grande difficulté en troisième de collège
de classe. malgré son excellent niveau de raisonne-
ment et l’importance de l’aide parentale.
Mais si ce temps en fin de primaire (CM) Elle rêve d’être journaliste et elle possède a
dépasse le tiers temps prévu par les textes (cf. priori les capacités pour effectuer un cursus
p. 63), il faut alors prévoir également des allège- littéraire. Son histoire scolaire est assez
ments d’emploi du temps en fonction du pro- caractéristique : excellente élève en pri-
jet  scolaire et du projet de vie du jeune maire, elle est progressivement mise en
dyspraxique. ­difficulté par sa lenteur. Les résultats devien-
nent médiocres puis, à partir de la qua-
Ces aménagements du planning scolaire de trième, franchement inquiétants : c’est dans
l’enfant peuvent prendre différentes formes et toutes les matières, y compris en français et
être adaptés, au cas par cas, aux besoins. Ils en langues (où elle était antérieurement
sont décidés en réunion de PPS, avec l’accord performante) que les notes fléchissent puis
de l’enseignant référent à la MDPH, des ensei- s’effondrent.
gnants de l’enfant et des parents. L’objectif est Sur notre suggestion, le collège lui propose
d’aménager un temps de répit à l’enfant, tout alors d’effectuer sa troisième en deux ans,
en organisant une remise à niveau pour lui afin de tenter de préserver ses chances
permettre de reprendre ensuite une scolarité d’admission en seconde générale actuelle-
satisfaisante. Il peut s’agir de dispenses de ment très compromises. P. et ses parents
certains cours ou de certaines matières qui ne acceptent cette proposition qui sera assor-
compromettront pas le cursus ultérieur, ou tie de :
bien de répartir les apprentissages d’une ■ rééducations ciblées – aide à la rédaction de
année scolaire sur deux années. textes élaborés (cf. p. 55) –, et intensification
de l’usage de l’ordinateur ;
Cette dernière solution est tout à fait différente ■ dispenses de certains cours (dessin, mais aussi
d’un redoublement décidé après une (ou plu- latin et mathématiques, dans l’optique d’une
sieurs) année(s) de décrochage : l’enfant, en orientation vers un baccalauréat littéraire).

66
Chapitre 3. Écrire

À l’issue de la première troisième, P. passe le sa lenteur peut le gêner : il faut lui apprendre à
brevet en histoire/géographie : elle peut maîtriser le stress que cela représente, et il faut
garder ses notes pour l’an prochain, où elle qu’il arrive à s’atteler à son travail initialement
passera les épreuves complémentaires. Il est sans précipitation, à son rythme ; puis, lorsqu’il
possible que P. ait de nouveau besoin, au constate que les autres ont fini ou que le temps
cours des années de lycée, d’un tel disposi- imparti est trop court pour lui et qu’il n’a pas
tif : mais son âge le lui permettra et, loin de terminé, il laisse alors l’activité inachevée.
compromettre son avenir, cela peut lui don- L’enfant doit savoir qu’il sera autorisé à finir (ou
ner les moyens d’aller au bout d’un projet à compléter) ultérieurement, ou encore qu’« on »
professionnel gratifiant. (l’AVS, l’enseignant, un camarade) lui fournira
la suite et la fin (du cours, du corrigé…). Cette
situation, qui ne peut être que ponctuelle, per-
Croire que, plus l’enfant fournit de travail, plus
met au jeune de conserver sa sérénité et d’effec-
il est en situation de réussite est une erreur fré-
tuer un travail certes partiel mais dans de
quente, et lorsque les résultats scolaires de l’en-
bonnes conditions de disponibilité et donc
fant « décrochent », il est difficile de résister aux
d’apprentissage.
arguments apparemment de bon sens, du type :
« il échoue parce qu’il fait moins d’exercices,
moins d’entraînements que les autres et/ou Noter les devoirs à faire
parce qu’il rate certains cours (du fait des C’est souvent en fin de journée, ou au collège en
ré­éducations et/ou des allègements d’emploi du fin de chaque cours, que les devoirs doivent être
temps) ». très rapidement notés dans le cahier de textes,
Or, l’expérience nous montre régulièrement quelquefois alors même que la sonnerie retentit
que de nombreux enfants handicapés moteurs et que tous commencent à ranger leurs affaires.
non dyspraxiques sont scolarisés à temps partiel L’enfant lent est là dans une situation d’une
sans aucune influence négative sur leur cursus difficulté extrême, dont les répercussions vont
scolaire. A contrario, de nombreux enfants dys- se faire sentir en cascade d’une activité sur
praxiques ne sont dispensés d’aucune tâche et l’autre : sortir le cahier de textes et l’ouvrir à
s’enfoncent peu à peu inexorablement dans l’endroit pertinent est déjà compliqué, labo-
l’échec scolaire. rieux et lent ; lorsque l’enfant est enfin prêt,
c’est l’activité de copie elle-même qui le met
L’important est surtout que, durant les alors en difficulté. Souvent la transcription est
­heures scolaires, l’enfant soit réellement dis- illisible (précipitation) et incomplète, donc
ponible pour comprendre, mémoriser, appren­ inutilisable (les parents et l’enfant rapportent
dre, faire des liens et qu’il rentre au domicile qu’ils doivent très fréquemment téléphoner à
en ayant les éléments (cahiers, textes, infor- un camarade pour avoir les informations uti-
mations, documents, concepts…) nécessai- les aux devoirs). Mais il doit encore ramasser
res pour réviser. et ranger ses affaires et soit changer de salle
(au collège), soit sortir et préparer le matériel
(livres, cahier, trousse, ordinateur…) néces-
C’est le travail du médecin, des rééducateurs, saire à l’activité suivante : il a déjà pris là un
des parents, des enseignants (et de l’AVS) que retard notable par rapport à ses pairs, alors
d’y veiller, et cela passe, chez l’enfant lent, par le qu’il n’a même pas pu, contrairement aux
choix d’acquisitions prioritaires (celles qui autres enfants, bénéficier des quelques minu-
conditionneront son cursus ultérieur, ou son tes de pause nécessaires pour passer d’une
indépendance sociale, ou qui permettront la activité à l’autre. Si l’enfant dyspraxique s’oc-
réalisation de son projet professionnel…), choix troie ces quelques instants d’interclasse – ou
qui détermine la dispense d’un certain nombre de fin de journée – pour se détendre, « décro-
d’activités dans d’autre secteurs. cher » ou discuter avec ses copains, alors cela
Enfin, il faut apprendre à l’enfant à gérer, en lui est reproché car cela s’ajoute à son retard
classe, les situations résiduelles dans lesquelles déjà important…

67
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Pour toutes ses raisons, l’enfant dyspraxique


Aussi, on préconise que ce soit l’AVS qui
doit souvent être aidé matériellement à se mettre
inscrive les devoirs à faire, de façon que
en route. Ensuite, il peut effectuer le travail
l’enfant dispose des informations nécessai-
demandé, du moins à la mesure de sa dyspraxie.
res. Si l’enfant ne bénéficie pas d’AVS à
temps complet, l’enseignant lui-même
effectue cette tâche ou bien un camarade Conclusion : les principales
(dans certaines classes, une sorte de rota-
tion entre les enfants est instituée, évitant
réticences
que ce travail ne repose toujours sur le
même camarade).
Disposer d’écrits et être capable d’en pro-
duire est absolument indispensable tout au
Mise en route d’une activité long de la scolarité. Mais les modalités à
Les adultes signalent souvent que l’enfant dys- l’aide desquelles sont réalisées les traces écri-
praxique se met en retard dès le début de l’acti- tes peuvent être variables : seuls compte l’effi-
vité : décrit comme rêveur, peu attentif, lent à cacité du procédé et le respect des objectifs
commencer la tâche, l’enfant doit être sollicité à visés en termes d’apprentissages. Il ne faut
de nombreuses reprises pour se mettre au donc prendre aucun risque scolaire sous pré-
travail. texte de préserver la calligraphie.
Là encore, rappelons les différents éléments qui
se cumulent et rendent compte de cette diffi- Dans ce but, et quel que soit le moyen adopté,
culté à initier l’activité : doivent être pris en compte :
• chercher, trouver, ouvrir à la bonne page ou dis- • la vitesse à laquelle l’enfant peut réaliser la
poser le matériel demandé, après l’avoir extrait trace écrite (à la main, à l’ordinateur, en dic-
du cartable, de la trousse, de la case, du vestiaire tée à l’ordinateur ou à un secrétaire…), la len-
ou du bureau de l’ordinateur, constitue un véri- teur constituant un sur-handicap sévère ;
table challenge pour l’enfant dyspraxique (cf. • la qualité des écrits obtenus (lisibilité, présen-
p. 115) : tâche ardue, dont la réalisation le laisse tation, complétude…) ;
souvent perplexe, perdu, désemparé. • la disponibilité du jeune aux tâches de haut
C’est pourquoi, chez les plus jeunes, c’est niveau (automatisation) qui sont les seules
encore l’AVS qui doit sortir le livre, ouvrir le réellement visées par la scolarisation, sur les-
cahier, préparer règle et crayons, ­cliquer et quelles in fine l’enfant est jugé et qui seules
ouvrir le dossier concerné sur l’ordinateur… déterminent son avenir.
Chez les plus grands, c’est l’organisation du
bureau de l’ordinateur qui doit être conçue Ce sont ces trois critères qui qualifient la gravité
non comme cela paraît « logique » aux adultes et l’importance des répercussions fonctionnel-
performants mais comme cela est utile aux les, c’est-à-dire le handicap lié à la dysgraphie, et
jeunes dyspraxiques. L’étayage dans ce donc qui déterminent les mesures à prendre.
domaine est généralement indispensable Cependant, lorsqu’il apparaît que, pour préser-
jusqu’à la fin du collège ; ver la scolarité, il faut « renoncer » au graphisme
• l’enfant, presque toute la journée en double manuel (à le rééduquer et/ou à en faire le mode
tâche, est souvent anormalement fatigué sans habituel de réalisation de l’écrit en classe),
que les adultes en aient toujours nettement beaucoup de réticences se manifestent bien
conscience ; naturellement.
• en outre, le jeune dyspraxique, du fait de sa
lenteur, ne bénéficie d’aucun des temps de
Du côté des professionnels du soin
repos qui s’offrent normalement aux autres Les rééducateurs croient souvent, à tort, que
enfants, que ce soit en cours de travail ou leur mission consiste à réduire ou « gommer »
brièvement entre deux activités. les symptômes. En outre, il faut souvent se déci-

68
Chapitre 3. Écrire

der tôt, alors que l’enfant est jeune, idéalement


C’est pourquoi, lorsque l’enfant est très jeune
en grande section de maternelle ou en début de
(moyenne ou grande section de maternelle),
CP (cf. p. 7). On espère alors encore qu’il s’agit
d’une dysgraphie banale qui pourrait peut-être si le handicap semble « limite » et que le dia-
s’arranger avec du temps et de l’entraînement. gnostic et/ou le pronostic sont encore mal
assurés, on doit choisir l’ordinateur : le gra-
Certains proposent même de faire un essai
phisme manuel est travaillé à l’école et l’or-
(d’un ou deux ans, ou jusqu’en fin de primaire)
dinateur en rééducation, ce qui préserve
d’amélioration du graphisme manuel et de ne
passer à un autre procédé (en général, l’ordina- l’avenir. Cela permet à l’enfant de disposer
teur) qu’en cas d’échec. des deux possibilités, de lui laisser un réel
choix ultérieur, sans jamais prendre le risque
Cette attitude, apparemment de « bon sens », est
de compromettre sa scolarité.
particulièrement dangereuse : il est difficile
d’engager l’enfant dans un travail de rééduca-
tion du graphisme durant plusieurs années (et Du côté des parents
d’encourager ainsi son espoir de devenir apte à Les réticences tiennent à différents sentiments :
« faire comme les autres ») puis, à l’adolescence souvent, l’annonce du diagnostic de dyspraxie
et en dépit de ses progrès (cf. p. 50), de lui pro- et la proposition de l’ordinateur se télescopent,
poser d’y renoncer (cf. p. 95)… laissant sidérés des parents qui n’étaient prépa-
Par ailleurs, il faut compter environ deux années rés ni à l’un ni à l’autre. En outre, lorsque l’en-
scolaires d’un travail rééducatif pluri-hebdoma- fant est jeune, les familles sous-estiment le
daire (cf. p. 77) avant que l’enfant ne soit réelle- problème d’accès au graphisme, le réduisant
ment efficace en classe avec l’ordinateur : si l’on souvent à une question de bonne volonté et de
commence tard, alors que l’enfant est déjà en surcroît d’entraînement, méconnaissant les
échec scolaire ou en phase de décrochage, l’échec conséquences délétères engendrées par le pro-
scolaire sera consommé d’ici là… blème de la double tâche dont ils ignorent tout
C’est pourquoi le diagnostic de dyspraxie doit (cf. p. 19).
être clairement posé, la nature et l’intensité du Enfin, c’est à cette occasion qu’ils réalisent à
handicap bien évaluées avant toute décision quel point il s’agit d’un véritable handicap, avec
(cf. p. 31). Ce sont ces éléments qui doivent gui- les effets de stigmatisation inévitable que cela
der la décision, et non une attitude attentiste induit : ils luttent alors contre cette idée insup-
« par essai et erreur », dont l’enfant, finalement, portable en minimisant le problème, en le
devra seul assumer les errements. banalisant ou en espérant des professionnels
Enfin, en cas de doute persistant, on peut se une « guérison » (qui consisterait ici en une
demander quelle erreur serait la plus domma- amélioration suffisante du graphisme manuel).
geable à l’enfant si les décisions prises précoce- Dans cette quête, ils sont souvent leurrés, d’une
ment s’avéraient ultérieurement erronées : part par des professionnels bien intentionnés
mais disposant d’une expérience ou d’un recul
• proposer le graphisme manuel à un enfant
insuffisant en matière de scolarité (cf. p. 22, 23),
qui ne pourra pas le maîtriser et l’automatiser
d’autre part par les « progrès » que leur enfant
suffisamment, aura des conséquences gravis-
ne manque pas de faire (cf. figure 3.1).
simes, souvent irrécupérables à terme sur le
plan de sa scolarité ; C’est la raison pour laquelle le délai qui est
consacré aux tests et évaluations diverses en vue
• au contraire, se tromper en proposant une
du diagnostic (plusieurs mois, voire une année
écriture clavier à un enfant qui se révélera
scolaire) n’est pas, comme le pensent beaucoup,
ensuite capable d’exploiter efficacement le
du temps « perdu » (cf. p. 6) : non seulement cela
graphisme manuel, a moins d’inconvénients
permet de poser le diagnostic et d’assurer les
et ces derniers sont moins définitifs : le jeune
préconisations thérapeutiques, mais cela donne
disposera, outre de l’écriture manuelle, de la
aussi aux parents et aux ­différents profession-
maîtrise de l’ordinateur, ce qui ne peut être,
nels l’occasion d’échanger, de mieux appréhen-
au xxie siècle, qu’un avantage.
der les faces cachées du ­handicap, de se préparer

69
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

à des décisions dif­f iciles mais, à terme, porteu- Cet exemple, dans un collège standard où l’en-
ses d’espoir et gratifiantes. semble de l’équipe éducative a manifesté intérêt
et volonté de s’adapter face au handicap du
Du côté de l’enseignant jeune C., est assez caractéristique à plusieurs
Accepter que l’enfant n’écrive pas à la main titres :
peut être difficile. • méconnaissance des difficultés d’organisation
du jeune : on suppose qu’avec un peu de bonne
Une information sur le handicap caché que volonté, il pourrait avoir ses affaires, ses
constituent la dyspraxie et la situation de feuilles et photocopies, les classer, etc. ;
double tâche est un minimum indispensable • valorisation mal comprise « des efforts, du
à l’enseignant qui accueille l’enfant dans sa travail » qui amèneraient à une sorte de « nor-
classe. En particulier, il faut éviter la confu- malisation » (dictée manuscrite). Cette atti-
sion, fréquente, entre un enfant qui souffre tude est clairement une négation du handicap,
d’une dysgraphie dyspraxique et présente qui, invisible, n’est pas pris en compte. Qui
un handicap, et celui qui a simplement penserait à valoriser les efforts d’un enfant
besoin d’un entraînement supplémentaire qui chercherait à voir sans ses lunettes ?
(cf. p. 3) ou bâcle son travail. Pourtant d’autres handicaps invisibles sont
admis sans contestation (si l’on signale à l’école
un enfant diabétique et que l’on donne des
Mais cela peut s’avérer très insuffisant du fait conseils nutritionnels, ces derniers sont en
de convictions de l’enseignant… général pris très au sérieux). Donc, cette atti-
tude reflète non seulement l’invisibilité du
Exemple
handicap praxique, mais aussi (ou surtout) un
Extrait du courrier du professeur principal refus du diagnostic, qu’on s’autorise à réfuter,
du jeune C. (en 5e), adressé au service de à nier (malgré les dénégations, du type « ce
soins qui a diagnostiqué la dyspraxie, alors qui ne remet pas en cause le diagnostic » ou
que plusieurs réunions d’équipes éducatives « je ne suis pas médecin », affirmations qui ne
ont déjà eu lieu au collège : font en fait que souligner le scepticisme du
« Il semble qu’il y ait un écart entre ce que professeur). Dans quels autres domaines de la
vous traduit C. et ce qui se joue ici : il est médecine cela serait-il possible ? Comment
peut-être plus facile de dire qu’on n’a pas comprendre que les handicaps cognitifs,
les feuilles que de s’efforcer (même si c’est explicitement cités dans la loi du 11 février
dur…) d’avoir ses affaires, ses livres, feuilles 2005 et qui interfèrent directement avec les
et photocopies, qu’on essaiera de classer, ne apprentissages (troubles spécifiques des
pas perdre, ne pas oublier. apprentissages ou TSA), puissent être niés par
Quand ces efforts sont faits (ce qui a été le une partie du corps enseignant, alors même
cas aujourd’hui notamment), une dictée a que des équipes de soins spécialisées
pu être manuscrite de manière lisible et pra- interviennent ?
tiquement sans faute – ce qui ne remet • confusion sur les buts et objectifs visés : l’ensei-
aucunement en question le diagnostic posé gnant semble être très satisfait du fait que
(je ne suis pas médecin) – mais qui permet l’écriture manuscrite du jeune C. est lisible.
juste de pointer qu’un dispositif ne peut Mais l’école est-elle le lieu légitime de la
fonctionner sans le travail du principal inté- ré­éducation d’une dysgraphie dyspraxique,
ressé. Le portable ne fera pas tout… »31 six heures par jour ?
Dans d’autres cas, les professeurs qui acceptent
le diagnostic avancent leur crainte de stigmati-
31 Ayrault AD. Dyspraxie et précocité : limites de la
prise en charge ; étude de cas. Mémoire pour l’ob-
ser l’enfant dans le groupe par l’utilisation d’un
tention du DU de psychopathologie des troubles matériel inhabituel, ce qui leur semble aller à
intellectuels et cognitifs chez l’enfant et l’adoles- l’encontre de leur mission, qui consiste à traiter
cent, Pr. Ph. Mazet, université Paris VI ; 2009. de façon « égalitaire » tous les enfants.

70
Chapitre 3. Écrire

condition que les exigences (de rapidité, de


Mais l’équité, pour l’enfant handicapé, ne
qualité) soient adaptées à son trouble. À condi-
consiste-t-elle pas justement à lui fournir la
tion aussi d’éviter d’insister sur cette activité et
juste compensation du déficit induit par sa sur l’importance des éventuels « progrès » de
pathologie ? l’enfant, c’est-à-dire de ne pas en prendre pré-
texte pour le leurrer et lui donner de faux espoirs
L’enseignant peut également être mis en diffi- de « normalisation ».
culté par l’enfant qui veut « faire comme les On peut aussi, durant ces temps, proposer une
autres » (cf. infra), ou encore par les questions de activité alternative : produire des mots avec des
ses camarades qui interrogent devant l’ordina- lettres mobiles, s’entraîner en lecture, terminer
teur ou les adaptations dont « bénéficie » le un exercice en retard, commencer ses devoirs…
jeune dyspraxique, dont ils ne perçoivent pas le et, dès que l’ordinateur est introduit à l’école
handicap (handicap « invisible »). (cf. p. 91), inciter à un exercice de frappe au cla-
Lorsque cette question se pose, il est important vier (si possible, en lien avec le travail effectué
de proposer une intervention destinée à l’en- par l’ergothérapeute).
semble de la classe, effectuée par le médecin
scolaire, le médecin ou un rééducateur du Du côté de l’enfant lui-même
SESSD, l’infirmière ou le psychologue (selon la Inquiet des mots qui lui sont attachés (désor-
personne qui se trouve le plus à l’aise avec la mais, il est « dyspraxique », « handicapé »),
notion de dyspraxie, la plus expérimentée). Les l’enfant comprend que cela a quelque chose à
grands enfants (fin du primaire, collège) sou- voir avec une anomalie dont il est porteur,
haitent quelquefois faire eux-mêmes cette voire même avec le cerveau : il redoute la défi-
information à leur camarades : on peut alors les cience mentale autant que la folie, et ne sait
aider, s’ils le souhaitent, en préparant avec eux comment comprendre ce trouble étrange et
cette intervention. invisible qui l’entrave, le limite en faisant de
Enfin, plus concrètement, se pose la question lui un être « à part ». Le refus (le déni) du dia-
de savoir ce que va faire l’enfant durant les gnostic, de son statut de « handicapé », du
temps consacrés par les autres aux exercices de matériel qui le symbolise et le désigne aux
graphisme ? autres en tant que tel, représente souvent la
première ligne de défense derrière laquelle
Rappelons d’abord que l’enfant dyspraxique l’enfant tente de se réfugier.
auquel on préconise l’usage de l’ordinateur
n’est pas « interdit de graphisme » ! Ce n’est
que dans les applications où le graphisme Dans cette configuration, l’enfant se trouve
manuel est utilisé comme support à une en permanence en situation de compétition
tâche d’apprentissage qu’il lui est décon- négative avec les autres enfants. Il s’épuise à
seillé. tenter de masquer son handicap. Il ne lui
reste que peu ou pas de ressources pour valo-
riser ses compétences préservées. Ainsi, à
Il peut donc écrire à la main pour signer son long terme, il n’aura acquis aucune des stra-
dessin, remplir un exercice « à trou » ou envoyer tégies qui lui auraient permis de réussir en
une carte postale à sa grand-mère… En classe dépit de sa dyspraxie.
(surtout en maternelle), il peut donc aussi parti-
ciper à certains exercices de graphisme32, à
Exemple
Le jeune Q., né prématurément (grossesse
32 Il faut savoir que les exercices de coloriage (qui
impliquent précision et contrôle du geste durant gémellaire, son jumeau est indemne), pré-
une durée assez importante) sont souvent très sente une IMC très discrète, se traduisant

redoutés de l’enfant dyspraxique… par une très légère asymétrie de la marche.

71
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

En moyenne section de maternelle, l’impor- L’excellence des performances scolaires de


tant retard graphique fait entreprendre une l’enfant contribue, dès le début du primaire,
évaluation qui conclut à la présence d’une à rassurer tout le monde, libérant Q. et ses
dyspraxie. Le niveau verbal et raisonnemen- parents de tout doute sur la légitimité de
tal supérieur (QIV au WISC-III = 130–135 ; nos interventions. Q. utilise toutes les adap-
similitudes, note standard = 15), l’attention tations que nous proposons avec une grande
et la mémoire excellentes, le comportement efficacité tout au long de sa scolarité. À
de l’enfant, curieux, motivé par les appren- 17 ans, il vient d’obtenir son bac (section ES)
tissages et d’excellent contact, tout incite avec une mention « bien » et est inscrit à la
à  faire le pari d’une scolarité longue faculté de droit : comme il en a manifesté le
(cf. p. 31). De ce fait, nous préconisons d’em- désir depuis qu’il a 8–10 ans, il sera avocat…
blée la limitation des écrits manuels et l’ap-
prentissage du clavier de l’ordinateur. Les
Il arrive que parents et enseignants, luttant eux
parents (cf. p. 32) sont réticents.
aussi contre la réalité insupportable du handi-
Notre raisonnement pour tenter de les cap, se confortent alors mutuellement (cf. p. 30),
convaincre repose sur deux arguments, que souvent encouragés initialement par les progrès
nous déclinons sous différentes formes à graphiques de l’enfant (cf. p. 49). Lorsque les
chacune de nos rencontres : uns et les autres prennent conscience de l’échec
■ c’est parce que nous sommes persuadés du scolaire constitué, il est souvent trop tard pour
potentiel et des capacités scolaires de leur y remédier. C’est généralement dans ce contexte
enfant que nous faisons cette proposition que l’enfant, très insécurisé, « veut écrire à la
qui leur semble si inhabituelle (mise au cla- main », que les adultes (enseignant, parents,
vier dès la grande section de maternelle) : il rééducateur…) déclarent qu’ils ne sont pas
ne faut prendre aucun risque avec les appren- opposés à l’utilisation de l’ordinateur dont ils
tissages de Q. et surtout pas pour un objectif comprennent l’intérêt, mais qu’ils souhaitent
aussi secondaire que le dessin des lettres ; aussi répondre au désir de l’enfant qui « veut
■ plus tard, il sera toujours temps, si le besoin écrire à la main » (cf. p. 69)…
s’en fait sentir ou si l’enfant le réclame, de En fait, l’enfant veut surtout « être comme
reprendre un travail sur le graphisme manuel : tout le monde », effaçant ainsi son handicap.
si celui-ci s’avérait efficace (ce dont nous dou- Mais, s’il est assez facile de comprendre ce qui
tons, mais qui ne peut être écarté par les anime l’enfant (et ses proches), s’il est possi-
parents), Q. disposera alors des deux modali- ble de partager leur inquiétude et leur senti-
tés d’écriture, manuelle et informatique, ce ment d’injustice, il faut cependant prendre
qui ne peut constituer qu’un avantage. conscience que cette attitude n’est protectrice
Auprès de l’enfant, nous développons un qu’à très court terme et provoque rapidement
argumentaire complémentaire : un enfant de échecs et désillusions.
petite section qui sait dessiner avec sa main
des ronds et des traits sait-il écrire ? Non…
Tenir un crayon n’est pas le gage que l’on Tous les aménagements proposés doivent
écrit. Moi-même, qui rédige son dossier sur être clairement expliqués à l’enfant et soute-
l’ordinateur, peut-on dire que je ne sais pas nus par les parents. Ils doivent aussi être
écrire ? Celui qui sait écrire n’est pas forcé­ explicitement exposés et encouragés par l’en-
ment celui qui tient un crayon : c’est celui qui seignant, qui, du point de vue de l’enfant, est
connaît les lettres et sait lesquelles choisir, le seul à posséder la légitimité pour tout ce
et  dans quel ordre il faut les arranger. Nous qui passe en classe.
insistons sur le fait que « l’école, ce n’est pas
Faute de quoi, l’enfant aura toujours l’impres-
pour les mains, c’est pour la tête », tête qu’il a
sion de tricher, de transgresser une loi impli-
plutôt bien faite. Il serait bien dommage que
cite ou encore, paradoxalement, de bénéficier
ses mains, assez maladroites, parasitent sa
réflexion, ses apprentissages, ses acquisitions.
indûment d’un traitement de faveur.

72
Chapitre 3. Écrire

C’est souvent ce sentiment (cf. p. 99, 107), asso- tue au contraire un problème complexe, dont les
cié à celui de décevoir les adultes (parents, conséquences se manifestent en permanence – y
enseignants), qui sous-tend ce désir manifesté compris sous des formes rampantes et invisibles
par l’enfant « d’écrire à la main ». (la double tâche) –, exhibant aux yeux de tous
En résumé, la dysgraphie est donc loin d’être un le handicap, symptôme sur lequel risquent de se
symptôme secondaire ou négligeable. Elle consti- focaliser les espoirs, les exigences, les conflits…

73
L’ordinateur Chapitre  4
pour l’école
« Il [Michel Butor] compose cet objet littéraire non identifié, qui
procure un bonheur sans égal à quiconque se laisse enchanter (…).
On apprend au passage que le clavier d’un ordinateur peut être
aussi sensuel que le grain d’une page ou le crissement d’un stylo. »
F. Busnel33

Depuis quelques années l’ordinateur est entré à dans le socle commun de connaissances et de
l’école. Son utilisation est encouragée et des compétences que tout élève doit maîtriser au
compétences sont validées sous la forme du B2i. terme de la scolarité obligatoire. Le brevet
informatique et Internet école (B2i école)
Les programmes publiés dans le Bulletin officiel,
constitue une première validation de
hors série no 3 du 19 juin 200834, insistent sur
l’acquisition de ces compétences (ce n’est pas un
l’acquisition des compétences informatiques : examen). Votre enfant l’obtiendra, en principe, à
la fin de son parcours à l’école primaire. »
« Les technologies de l’information et de la
communication (ordinateurs, réseaux
informatiques, Internet) sont probablement Pourquoi cet outil accessible à tous est-il tel-
déjà largement présentes dans la vie de lement difficile à mettre en place à l’école,
votre enfant. L’école doit le former à utiliser
lorsqu’il est indispensable aux jeunes dys-
ces outils de manière raisonnée,
responsable et sûre. Les technologies de
praxiques pour écrire ?
l’information et de la communication
(TICE) sont également utilisées à l’école
comme support de l’enseignement. Leur
Taper sur une touche (appuyer sur un bouton)
usage est un formidable levier au service ne réclame pas du tout les mêmes compétences
des apprentissages fondamentaux, par gestuelles que tracer les différentes lettres et
exemple pour mieux individualiser les  enchaîner rapidement et précisément
l’enseignement ou faciliter le travail (cf.  p.  17–18). C’est la raison pour laquelle la
autonome des élèves. quasi-totalité des jeunes dyspraxiques en diffi-
Une compétence à acquérir culté graphique est en situation de pouvoir
devenir performant à l’ordinateur.
La maîtrise des techniques usuelles de
l’information et de la communication est En effet, nous pensons ordinateur pour
désormais indispensable. Elle est donc inscrite ­con­tourner la non- ou la mauvaise automatisa-
tion du geste graphique [1]. Pour autant, il est
impossible de donner un ordinateur à un
33 Busnel F. À propos de la parution de Petite his- enfant dyspraxique sans lui permettre de faire
toire de la littérature française de Michel Butor.
L’Expess mars 2008.
cet apprentissage dans des conditions spécifi-
34 Guide des parents publié par l’Éducation nationale
ques. Le moyen palliatif aux troubles du gra-
pour la rentrée de septembre 2008. Ref : Ordinateurs phisme doit répondre aux mêmes contraintes
et Internet à l’école, des outils pour divers usages. que celles du graphisme manuel et donc, à
Plus d’informations sur : www.education.gouv.fr terme, être automatisé. [49] (cf. p. 48, 84).

75
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Indications servent d’autres voies d’indiçage pour aider


­l’enfant (Borel-Maisonny) ou des petites « astu-
ces » que nous trouvons avec l’enfant [51]. La
Enfants porteurs de dyspraxie
phase d’automatisation est tout à fait possible.
visuospatiale (DVS) Cependant, au moment où on leur demande de
C’est une anomalie de la planification et de produire du langage écrit, ils sont bien évidem-
l’automatisation des gestes volontaires [5, 50], à ment en grande difficulté (cf. p. 130–131). On
laquelle s’associe un trouble de l’organisation du peut alors se demander pourquoi on s’est lancé
regard et un trouble spatial. Le diagnostic doit dans un tel apprentissage.
être assuré, car d’autres dysgraphies réclament
d’autres modalités thérapeutiques (p. 5–6).
Mais s’il maîtrise son ordinateur et s’il
connaît son clavier, l’enfant peut utiliser de
Cas particuliers manière efficace des logiciels qui vont lui
permettre de contourner sa dyslexie.
Un certain nombre de cas particuliers doivent
être identifiés au préalable (p. 39) afin d’éviter
de se lancer dans un apprentissage inutile ou
nécessitant des adaptations différentes ou sup- Principes généraux
plémentaires [1].
Cet apprentissage doit être le plus précoce possi-
ble (grande section de maternelle, idéalement).
Association dyspraxie et troubles Dès 4–5 ans et toujours en première intention,
de l’attention ce sont différents jeux (du commerce ou spécia-
lisés), adaptés à l’âge et aux intérêts de l’enfant,
qui lui sont proposés (cf. p. 68–73).
C’est le trouble de l’attention qu’il faut pren-
dre en compte en première intention. Ces jeux doivent permettre une découverte
agréable et motivante de l’outil, c’est une phase
de familiarisation avec l’ordinateur, une phase
Il faut être encore plus vigilant sur ce que l’on préparatoire indispensable : l’allumer, utiliser la
demande à l’enfant comme tâche. Chaque consi- souris (ou une trackball), découvrir les fonctions
gne doit être courte. L’attention ne peut être de certaines touches (entrée, effacer, flèches,
maintenue plus de quelques minutes en général. retour à la ligne, retour en arrière, fonction
Il faut donc changer d’activité régulièrement « ascenseur » pour se situer plus haut ou plus bas
pour aider au maintien de l’attention. Les persé- dans la page…) et, avec l’aide du rééducateur (au
vérations et l’impulsivité demandent un contrôle début), faire des productions valorisantes.
supplémentaire. Il faut donc qu’on les aide à ne L’ergothérapeute peut :
pas tripoter, cliquer dix fois de suite pour • évaluer la capacité (ou non) de l’enfant à utiliser
l’ouverture du dossier ou taper plusieurs fois sur la souris, les adaptations éventuellement néces-
la même lettre sans pouvoir s’arrêter (cf. p. 81). saires (taille du clavier, clavier spécial « bébé »,
positionnement de l’enfant, trackball, clavier à
Association dyspraxie et troubles l’écran, adaptation des polices, adaptation du
du langage écrit curseur, des flèches, etc. ; toutes adaptations qui
doivent évoluer au fil des mois et des années) ;
Ces enfants rencontrent parfois des difficultés en
• repérer les difficultés (motrices, spatiales,
confondant certaines lettres sur le plan phonolo-
attentionnelles…) et les intérêts de l’enfant
gique (/b/ et /d/, /f/ et /v/…). Il faut donc mettre en
(pour tel personnage, tel type d’activité…), etc.
place des aides appropriées pour que la mémori-
sation de l’emplacement de la touche associée à la Chaque fois que possible, on imprime son travail,
bonne lettre se fasse de manière correcte. Il peut le résultat de son jeu, son dessin, de façon à ce
être alors utile d’employer des méthodes qui se qu’il puisse les ramener à la maison ou à l’école.

76
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école

Nous, thérapeutes, gardons nos objectifs en tête


Le plaisir de l’enfant et la qualité de ses pro-
et pensons qu’une explication suffit à l’enfant,
ductions peuvent aussi contribuer à vaincre
la famille, l’école. Or, les situations varient et de
certaines appréhensions des parents. nouvelles questions voient le jour même si, de
notre point de vue de rééducateur, il s’agit tou-
Cette première étape est donc conçue pour amor- jours, au fond, de la même situation.
cer ou attiser la motivation de l’enfant par rapport
à cet outil. Cela est d’autant plus efficace que l’or-
dinateur est déjà utilisé à la maison (par les Le partenariat avec l’enseignant est très
parents, par un aîné) et/ou valorisé à l’école par le important, marquant pour l’enfant le lien
maître. S’ils disposent d’un ordinateur familial, entre cette rééducation et son usage scolaire,
les parents peuvent facilement être associés à cette justifiant l’apprentissage lui-même, lui don-
phase de façon gratifiante, tout simplement en nant légitimité et importance .
jouant avec leur enfant. Tous les jeux, à ce stade,
sont intéressants et peuvent être utilisés (jeux du
commerce, d’habileté, de rapidité, de logique…). Pourquoi cacher les lettres
du clavier ?
Avant même d’utiliser l’ordinateur à l’école, La technique « classique » d’apprentissage de la
il faut consacrer environ 18 mois à 2 ans à dactylographie n’est pas utilisable. En effet, elle
l’apprentissage et surtout à l’automatisation nécessite l’usage intégral des dix doigts, ce qui est
de cet outil. le plus souvent impossible pour les enfants dys-
Lorsque l’on entame ce travail, l’idéal est de praxiques (cf. p. 79). Cette méthode part d’une
s’y consacrer deux fois par semaine, à raison position de référence (la ligne du milieu du cla-
d’environ une demi-heure35 si l’enfant est vier) à partir de laquelle chaque doigt a une zone
jeune et/ou fatigable. Ce temps est nécessaire d’utilisation correspondant à un groupe de tou-
pour apprendre toutes les lettres du clavier ches. Le jeune dyspraxique qui dissocie mal les
et commencer le travail d’automatisation de doigts n’en utilise que quelques-uns, ce qui inter-
la frappe. dit cette technique.
Par ailleurs, contrairement aux utilisateurs ordi-
Le travail d’automatisation (cf. p. 19, 84) se naires du clavier (qui regardent l’écran), l’enfant
poursuit en classe (cf. p. 91) lorsque l’enfant dyspraxique, lui, est contraint de regarder ses
connaît toutes les lettres du clavier, surtout si doigts sur le clavier : en effet, c’est la mémoire
l’apprentissage a pu débuter en grande section kinesthésique (plus ou moins soutenue par le
de maternelle ou en CP, ce qui permet à l’enfant contrôle visuel) qui est utilisée pour localiser les
d’être en situation d’automatisation de la frappe touches (lettres) rapidement et sans erreur.
en même temps que les autres enfants de la
classe automatisent le graphisme manuel [52]. De plus, dès qu’on est lecteur, la lecture
Le démarrage de l’apprentissage se fait en séance devient irrépressible ; si les lettres sont visi-
individuelle, souvent auprès des ergothérapeu- bles, l’enfant va explorer visuellement le cla-
tes. Comme dans toute « rééducation » (il s’agit vier à leur recherche, et s’y perdre du fait des
ici plutôt de réadaptation), il faut expliquer à ses troubles neurovisuels. L’inhibition volon-
l’enfant les objectifs du travail que nous amor- taire et intentionnelle de cette tâche de lec-
çons ensemble, car on va lui demander du ture est coûteuse et donc ralentit la tâche
temps et beaucoup d’investissement. Il a sou- d’écriture. Cette situation met l’enfant en
vent besoin d’être rassuré et ce, régulièrement. double tâche (cf. p. 19).

35 Cette durée de séance est à titre indicatif. Certains


enfants peuvent avoir besoin de séances plus Pour toutes ces raisons, il est indispensable de
courtes entrecoupées de pauses. cacher les lettres sur les touches (cf. figure 4.1,

77
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

cahier couleur central). L’enfant doit évoquer la Loi de l’effort unique


lettre à frapper (son nom et sa phonologie, le
« son » qu’elle « fait ») et connaître son emplace-
ment, et non pas la retrouver visuellement Comme dans tout démarrage d’apprentis-
parmi les autres (cf. p. 79). sage, il faut évaluer ce que la tâche requiert
Exceptions comme compétences sur le plan cognitif. On
Certains enfants ne supportent pas de ne pas ne peut pas « tout » demander en même
voir les lettres (enfants très anxieux ; troubles temps, il est donc très important d’essayer
attentionnels associés, cf. p. 7, 8, 76, 132 ; trou- d’isoler pour chaque tâche les sous-systèmes
bles gnosiques visuels…). Dans ces cas, qui res- qui sont mis en œuvre (cf. p. 19).
tent rares, il faut composer avec l’enfant, voire
renoncer au masquage des touches–lettres.
Cependant, il faut savoir que ces enfants restent Si on souhaite que l’enfant focalise son atten-
lents à la frappe, n’atteignant jamais une auto- tion sur l’emplacement des touches, on ne peut
matisation de bonne qualité. pas lui demander en même temps de contrôler
la dissociation des doigts, sa posture,
l’orthographe…
Pourquoi ne pas utiliser
Si en cours d’activité, on remarque une modifi-
les logiciels du commerce ?
cation de la posture, soit le tronc s’affaisse, soit
Laisser un enfant dyspraxique apprendre seul l’enfant « glisse » de la chaise, soit il bascule sur
l’usage du clavier, ou avec l’aide de ses parents et le côté, cela signifie que le contrôle postural est
de logiciels non spécialisés du commerce, c’est, en partie sous contrôle volontaire (et donc non
dans la plupart des cas, courir à l’échec. Les automatisé, puisque ce contrôle se dégrade sous
logiciels de dactylo ou les jeux que l’on trouve l’effet de la double tâche), ce qui peut se pro-
sur Internet fonctionnent souvent par zone duire en particulier pour des enfants IMC. Il
d’utilisation des doigts (les touches dévolues à faut alors penser à une installation qui permet à
l’index gauche, celles au majeur droit, etc.). l’enfant d’être en partie dégagé de ce contrôle.
On propose de choisir une table avec encoche
ou cale-tronc, dont la hauteur est réglable, une
Cette façon de procéder entraîne des problè-
chaise avec repose-pied, éventuellement un
mes au cours de l’apprentissage car il s’agit siège moulé qui permet de libérer les membres
de touches proches sur le plan spatial et qui supérieurs. Le but de ces installations est de
induisent, chez ces enfants dont les traite- « prendre en charge » une partie du contrôle
ments spatiaux sont déficitaires, des erreurs postural, pour que l’enfant ne soit pas en dou-
en miroir. ble tâche lors de la frappe au clavier. C’est pour-
Une fois les erreurs engrammées, il est très quoi les sièges « dynamiques », sollicitant le
difficile de revenir en arrière. redressement actif de l’enfant, ne sont pas
adaptés.
De plus, les lettres à taper (et ensuite les mots et De même si on demande une tâche d’ortho-
les phrases) apparaissent sur l’écran. Il faut graphe ou d’épellation, en même temps que la
donc que l’enfant regarde le modèle, puis tape la frappe sur le clavier, avant que l’automatisa-
lettre, puis re-localise la nouvelle lettre à taper tion ne soit efficace, on réclame à l’enfant un
qui est apparue sur l’écran, etc. Ces aller- contrôle multiple et simultané. On doit alors
retours incessants du regard de l’écran au cla- proposer de scinder cette tâche en plusieurs
vier épuisent l’enfant qui perd rapidement des étapes. L’enfant épelle dans un premier temps,
yeux la cible à regarder. Son attention est dis- puis dans un second temps nous lui dictons
persée sur plusieurs tâches à gérer en même les lettres qu’il vient d’épeler pour être sûr
temps, alors que le but recherché est au contraire que toute son attention est dévolue à la
de l’aider en ne traitant qu’une activité à la fois. frappe.

78
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école

Le choix des doigts Méthodologie


Les enfants doivent avoir le libre choix des
doigts utilisés, le plus souvent deux ou trois Choix du matériel et préparation
doigts de l’une et/ou l’autre main, voire les deux Il faut d’abord choisir l’ordinateur, les périphé-
index. riques et interfaces nécessaires à l’enfant, en
En effet, les difficultés de dissociation des fonction de ses capacités et de ses difficultés.
doigts sont quasi constantes et demander On cherche, avec l’enfant, le type de police qui
d’apprendre un doigté, d’associer obligatoi- lui est la plus facilement identifiable (par ex., il
rement tel doigt à telle lettre réclame de leur faut faire attention à ce que le L majuscule et le
part un effort volontaire, une attention I soient bien différenciés, ce qui n’est pas le cas
consciente (double tâche) qui va à l’encontre dans toutes les polices), la taille des caractères
du projet de vitesse et d’automatisation de la (pour un bon confort visuel), la taille des inter-
frappe. lignes, ainsi que le contraste. Ces éléments sont
importants à partager rapidement avec l’ensei-
gnant pour que les supports utilisés en classe
Il faut se concentrer sur un seul apprentis- soient les plus adaptés possible à l’enfant.
sage, celui de la position des touches sur le
Il peut être important de ne laisser visible que
clavier.
les menus déroulants en enlevant les barres
d’outils, ou encore de programmer précisément
les fonctions que l’on souhaite laisser accessi-
Enfants hémiplégiques bles pour chaque jeune (les adaptations possi-
bles sont fonction de la version du traitement de
Lorsque l’enfant ne dispose que d’une main,
textes utilisé).
cela ralentit notablement la frappe ; il est alors
très important que la main hémiplégique reste
positionnée sur la barre d’espacement ce qui Clavier caché
évite, au moins à l’unique main qui écrit, les Lorsque l’enfant est jeune, en grande section de
aller-retours entre les touches–lettres et la barre maternelle par exemple, on commence par lui
d’espacement. montrer le clavier dont les lettres sont cachées
d’emblée.

Présence d’un petit syndrome


cérébelleux Cacher les lettres au fur et à mesure de l’ap-
La précision de la frappe reste très médiocre et prentissage de l’enfant l’oblige à changer de
surtout très lente (du fait de la dysmétrie et du repère à chaque nouvelle lettre cachée. Donc
léger tremblement près du but qui imposent à au lieu de lui proposer un apprentissage sta-
l’enfant un contrôle volontaire lorsqu’il appro- ble, il doit à chaque nouvelle lettre se
che la cible, et donc un ralentissement du geste). construire un nouveau référentiel puisque
Un guide-doigts peut être utile, en limitant la l’environnement se modifie à chaque nou-
fatigue liée au contrôle de la précision finale de velle gommette collée.
chaque frappe. Cependant, la frappe reste sou-
vent définitivement lente (ce qui pose rapide-
ment problème face au rythme scolaire) et il faut On lui décrit verbalement les deux zones d’uti-
donc prévoir de limiter les écrits de façon dras- lisation des mains (le pays des verts pour la
tique. Par ailleurs, le guide-doigts représente un main gauche, et le pays des rouges pour la main
matériel supplémentaire à transporter et il faut droite). Même si l’enfant ne tape qu’à un doigt
être très vigilant pour ne jamais refermer l’ordi- de chaque main, on lui demande de respecter la
nateur portable lorsqu’il est en place… zone dévolue à chaque main.

79
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Les chiffres ne sont pas cachés car ils sont orga-


Lorsque l’on choisit les gommettes, il faut
nisés de manière linéaire et ordonnée. C’est
faire attention à leur taille. En effet, certains
d’ailleurs cette organisation linéaire que nous
enfants qui ont des grosses difficultés neu- utilisons pour « verbaliser » la place des lettres
rovisuelles ne peuvent plus repérer l’empla- avec accent ou des signes de ponctuation placés
cement de la touche si toute la touche est sous les chiffres (cf. p. 86).
cachée par la gommette. Il faut centrer la
gommette sur la touche tout en laissant la Pièges et bugs
périphérie visible tout autour. En général, le À maintes reprises, lorsque les lettres ont été
clavier est noir ce qui fait un contraste avec « décachées » (volontairement ou non, livrai­
la gommette et évite ainsi que l’enfant tape son d’un nouvel ordinateur…), nous avons
systématiquement entre deux touches. constaté, après un ou deux mois, un ralentis­
sement notable de la frappe et la résurgence
de nombreuses fautes de frappe.
Les lettres du clavier sont cachées par des gom-
mettes de couleurs (figure 4.1, cf. cahier couleur Les adultes (parents, enseignant, AVS, édu­
central). On choisit en général le vert et le rouge. cateur…) qui, eux, n’ont pas de troubles
Ces deux couleurs sont utilisées de manière neurovisuels et ont besoin de consulter
habituelle en rééducation pour aider l’enfant à visuellement le clavier (pour leur frappe ou
s’organiser sur le plan spatial sur les feuilles pour corriger celle de l’enfant), doivent dis­
qu’il utilise, sa table, ses cahiers, ses livres, etc. poser d’un clavier annexe.
(cf. p. 105, 112, 149, 151).

Démarrage de l’apprentissage
En fait, il s’agit d’une stratégie que l’on uti-
lise dans toutes les activités nécessitant une Au début, tous les réglages sont faits par l’adulte,
prise d’informations neurovisuelles, surtout ainsi que l’ouverture du dossier de l’enfant, les
si ces informations nécessitent des traite- enregistrements, etc.
ments visuospatiaux. Il faut s’y tenir pour L’apprentissage commence par les lettres du
obtenir une réelle automatisation (condi- prénom de l’enfant, c’est une raison supplémen-
tionnement) de ce code chez l’enfant et ce, taire pour laquelle cette phase ne peut être
dans toutes les activités. qu’individuelle et non laissée à la direction d’un
logiciel de frappe, même si elle est accompa-
gnée par un adulte (cf. p. 78).
Le vert est toujours disposé du côté gauche de la
feuille, ou de la ligne, et le rouge du côté droit.
Pour les plus jeunes, nous utilisons une analo- Choisir de commencer l’apprentissage par le
gie simple : « on démarre au feu vert, et on s’ar- prénom de l’enfant lui permet de pouvoir
rête au feu rouge ». l’écrire rapidement et de façon valorisante,
Les lettres cachées par les gommettes vertes pour signer ses réalisations par exemple. En
sont : outre, en maternelle c’est souvent l’étiquette
• sur la première ligne : a, z, e, r, t ; du prénom qui sert de modèle pour les pre-
• sur la seconde ligne : q, s, d, f, g ; miers apprentissages graphiques.
• sur la troisième ligne : w, x, c, v, b ;
Les lettres cachées par les gommettes rouges On montre à l’enfant l’emplacement des trois
sont : premières lettres de son prénom. La touche
majuscule est activée (Caps lock : on) pour que
• sur la première ligne : y, u, i, o, p ;
les lettres que l’enfant voit à l’écran soient en
• sur la seconde ligne : h, j, k, l, m ; majuscules. Débuter avec des lettres en majus-
• sur la troisième ligne : n. cules évite au jeune enfant la confusion visuelle

80
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école

de certaines lettres minuscules qui sont en coup d’enfants accélèrent spontanément au fur
miroir (le p/q et le b/d). On désigne l’emplace- et à mesure de la frappe sur ces deux touches et
ment de la première lettre, en la nommant. Pour collent ainsi des lettres sans faire d’espaces ou à
les plus petits, on fait attention de bien distin- l’inverse font trop d’espaces. Il faut qu’ils
guer le nom de la lettre et le bruit qu’elle fait contrôlent une certaine « impulsivité » et cer-
(phonologie). tains automatismes (fonctions exécutives) : c’est
Connaître à la fois « le nom et le son » des let- donc sur ce contrôle que l’on focalise leur
tres, apprentissage qui se fait souvent en même attention.
temps que celui du clavier, est un préalable On introduit alors la seconde lettre du prénom
indispensable à l’apprentissage de la lecture : de l’enfant, pour laquelle on utilise la même
l’enfant doit connaître et la dénomination des stratégie que pour la première lettre.
lettres et le son qu’elles produisent (/esse/ pour On combine ensuite les deux ou trois lettres
/s/, qui « fait » phonologiquement /sssss/, ou /sé/ apprises (syllabe) en les dictant à l’enfant et en
pour la lettre /c/ qui « fait » phonologiquement nommant toujours l’espace.
/k/ devant /a, o, u/…). Lorsque ce travail n’a pas
encore été fait à l’école (ou n’est pas du tout
prévu par l’enseignant, ni en fin de maternelle, Nota bene : il est important d’introduire l’es-
ni en début de CP), nous le conduisons simulta- pace d’emblée, car il est essentiel pour la seg-
nément avec l’apprentissage du clavier. Nous mentation des mots à venir. Il faut que
avons choisi, pour les plus jeunes, de présenter l’enfant connaisse plusieurs lettres pour
les lettres, par exemple /c/, en disant que cha- pouvoir écrire des mots, cela lui permet déjà
cune a un nom (/sé/) et qu’elle a aussi un de commencer à automatiser l’utilisation de
« métier » qui est de faire un bruit, un son la barre d’espacement.
(/k/)… Le travail phonologique et métaphono-
logique est fréquemment conduit simultané-
ment par une orthophoniste, avec laquelle il Vignette clinique :
faut absolument que l’ergothérapeute se coor-
les premières lettres
donne : cette concertation est aussi indispensa-
ble qu’avec l’enseignant. Le prénom de l’enfant est Alexandre. Nous lui
Puis on demande à l’enfant de faire une ligne de montrons le A. Nous pouvons l’accompagner de
cette lettre, avec une espace entre chaque lettre. la verbalisation et lui dire que c’est la première
À chaque fois que l’enfant tape sur la touche, on touche sur la première ligne des verts. Puis lors-
dit le nom de la lettre et « espace ». que l’enfant tape sur la touche, nous disons : « A
espace, A espace », pendant une ligne.
Lorsque l’on débute l’apprentissage, on intro-
duit l’espace d’emblée, alors que dans le travail Pour la deuxième ligne, nous lui donnons le
d’automatisation l’espace est fait dans un rythme à suivre.
second temps (cf. p. 84). Nous montrons ensuite la deuxième lettre : le L.
L’espace après chaque lettre permet à l’enfant Nous verbalisons sa position sur le clavier : « il
d’individualiser la lettre comme il le fait est chez les rouges, sur la deuxième ligne ».
lorsqu’il doit lever le crayon après la ligne de L, L’enfant tape sa ligne de « L espace », et nous
par exemple. La lettre est alors reconnue pour nommons la touche sur laquelle il tape à chaque
elle-même. fois. Puis comme pour la première lettre, nous
On peut proposer à l’enfant de faire une donnons le rythme de la dictée pour la seconde
deuxième ligne de cette première lettre apprise ligne de L.
mais en suivant le rythme de notre parole. On Nous combinons ensuite les deux lettres appri-
l’oblige alors à contrôler la vitesse de la succes- ses en une « dictée » de lettres : « L espace,
sion des gestes, et à maintenir une vitesse que A espace, A espace, L espace, etc. ». L’ordre des
nous lui imposons. Cette vitesse ne doit lettres que nous dictons ne respecte pas forcé-
d’ailleurs pas être trop rapide. En effet, beau- ment l’ordre dans lequel elles apparaissent dans

81
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

le prénom de l’enfant pour qu’il ne mémorise choisit avec l’enfant), on la met dans une autre
pas une suite ordonnée de touches à frapper couleur ;
mais bien l’emplacement de chaque lettre • l’enfant peut réaliser (avec l’aide de l’ergothé-
individuellement. rapeute) des étiquettes, des petits cartons
Puis nous indiquons l’emplacement de la nou- d’invitation pour un anniversaire ou pour
velle lettre le E, en verbalisant sa localisation des fêtes (en y associant les outils « dessin » de
(chez les verts, sur la première ligne ; pour cer- Word®) etc. ;
tains enfants, on peut rajouter entre le trois et le • des jeux d’écriture d’anagrammes construits
quatre). Nous faisons une ligne de « E espace », à partir de tout ou partie des lettres du pré-
et nous oralisons à chaque fois que l’enfant fait nom ; dictées de lettres et jeux de « la mar-
le E et tape l’espace ; puis une seconde ligne où chande de lettres » (« bonjour monsieur, je
nous imposons la vitesse de frappe. Enfin nous voudrais deux /n/, un /e/ et un /a/, s’il vous
combinons les trois lettres A, L, E, en les dic- plaît… »), etc. ;
tant dans un ordre aléatoire, entrecoupées par
• des concours de vitesse, des épellations et des
une espace que nous verbalisons à chaque fois :
jeux de devinettes (l’adulte tape sur le clavier
nous dirons alors « A/L/E, espace, E/L/A,
caché et l’enfant doit énoncer les lettres avant
espace, L/A/E, espace », etc.
que l’adulte ne les ait frappées) ;
Nous pouvons proposer ce travail sur plusieurs
• des jeux d’inhibition : soit l’enfant ne tape
lignes en faisant varier certains paramètres
qu’une lettre sur deux, soit il ne doit taper le A
comme la vitesse, ou en ne disant plus « espace »
que s’il est suivi du L, soit il ne tape que les
et en demandant à l’enfant d’y penser seul. S’il
lettres dictées chez les rouges et l’adulte les
l’oublie, il suffit parfois de taper sur la table
lettres chez les verts, etc.
pour que l’enfant y pense.
Au fur et à mesure, on augmente le nombre de
lettres que l’on présente à l’enfant. Il faut par- Au fur et à mesure de l’apprentissage des
fois consacrer plusieurs séances aux premières nouvelles lettres, il faut toujours penser à
lettres apprises, pour qu’il n’y ait pas de confu- réutiliser celles antérieurement apprises.
sions spatiales qui s’installent.
Ceci est d’autant plus vrai lorsque les premières
lettres apprises sont très proches, comme dans Lorsque l’enfant connaît toutes les lettres qui
le prénom Louise où les lettres O, U et I se sui- composent son prénom, on lui propose de démar-
vent dans le « pays des rouges ». rer la séance par une ligne de son prénom.
On peut, de temps en temps, chronométrer le
temps que l’enfant met à taper cette ligne, ce
Autres activités qui sert ensuite de repère de la progression de la
Lorsque cette phase est acquise, on peut organi- vitesse de frappe de l’enfant, dans un premier
ser plusieurs activités. Citons, entre autres : temps et de repère pour la vitesse de frappe
• l’écriture du prénom « contre la montre » (le d’une ligne « automatisée », dans un second
plus de fois possible en un temps donné, ou temps.
une ligne réalisée en un temps de plus en plus On vérifie ensuite les lettres que l’on a déjà
court). On propose que l’enfant tape une ligne apprises, en proposant ce que l’on appelle en
et l’adulte tape une autre ligne, les vitesses général avec l’enfant « la dictée de lettres ». On
obtenues étant à améliorer la fois suivante. dicte les lettres que l’enfant connaît en lui
On joue en modifiant les polices et les cou- demandant de faire une espace après chaque
leurs des polices (selon le choix des enfants, lettre. Si l’enfant oublie l’espace, on le lui rap-
afin de les rendre attrayantes), on peut chan- pelle soit en disant « espace », soit en tapant sur
ger la couleur d’un mot sur deux ou à chaque la table. À terme, il faut que l’enfant y pense
fois que l’on trouve une lettre cible (que l’on seul.

82
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école

Si l’enfant se trompe pour une lettre, on analyse ligne de : ORDRE, NORD, LÉON, RONDE,
le type d’erreur commise. Est-ce : NÉON, DONNERA, etc.
• une confusion spatiale (lettres côte à côte ou Nous lui dictons les lettres qu’il doit taper
erreur en miroir) ; au rythme que nous lui imposons. Nous
• une confusion de sons (/f/ et /v/) ; nous arrangeons pour avoir toujours une ou
deux lettres d’avance sur sa vitesse de frappe
• une confusion de noms de lettres (/c/ = « sé » (cf. p. 87).
et /s/) ;
Lorsque l’enfant commence à se fatiguer, il
• une confusion « visuelle » (E et F ou O et Q), etc. commet des erreurs de frappe ou alors il a
On peut retravailler de manière « analytique » souvent besoin de répéter les lettres que
les erreurs commises en les introduisant dans nous venons de dicter (cela peut se produire
des anagrammes qui utilisent les lettres que également s’il a une mémoire de travail
l’enfant connaît. auditivoverbale un peu faible). Il est alors
judicieux de faire une pause dans la séance,
car l’enfant vide ses ressources attentionnel­
Il est très important de contacter l’ensei-
les et ne peut plus travailler efficacement.
gnant et/ou l’orthophoniste si ces confu-
sions  persistent [53, 54], sont régulières ou
fréquentes… Au fur et à mesure de la progression, nous
apprenons de nouvelles lettres. L’ordre d’ap-
prentissage varie bien sûr avec chaque enfant,
Progression des séances puisque nous lui montrons d’abord les lettres
de son prénom.
On introduit une nouvelle lettre environ toutes
les deux séances. À chaque nouvelle lettre, on
procède comme pour les lettres du prénom : on Ensuite, nous choisissons les lettres par fré-
montre l’emplacement de la nouvelle lettre à quence d’utilisation, en nous arrangeant
l’enfant, puis on fait une ligne de cette nouvelle pour ne pas apprendre successivement deux
lettre, suivi d’une espace. On utilise cette nou- lettres proches sur le plan spatial, ou en
velle lettre dans des anagrammes, avec les miroir sur le clavier (comme le E et le I), et
autres déjà connues. nous vérifions que les lettres vues précédem-
Si l’enfant fait des confusions de sons (comme ment ne posent pas de problème.
pour le B et le D), nous cherchons avec lui des
« trucs » pour l’aider. On peut alors proposer
d’associer soit un geste comme dans la méthode Avec ces nouvelles lettres, nous cherchons
Borel-Maisonny [51], soit nous disons « B en d’autres anagrammes. Si l’enfant est lecteur, il
bas », ce qui lui permet de la différencier du « D » peut nous aider dans la recherche des nouveaux
pour laquelle nous ne dirons rien, ou encore « B » mots. Parfois, il manque une lettre que nous
comme « ballon », etc. L’enfant (ou son ortho- n’avons pas encore vue avec l’enfant. Nous pou-
phoniste) nous indique ce qui est le plus efficace vons saisir l’occasion pour l’apprendre immé-
pour lui. diatement, ou nous disons à l’enfant que nous le
notons pour la prochaine fois.
Exemple Profiter des propositions de l’enfant permet de
L’enfant s’appelle ALEXANDRE. Il connaît le rendre acteur de ce travail qui peut parfois se
maintenant toutes les lettres de son pré­ révéler rebutant. On va toujours se saisir des
nom. Nous venons de voir avec lui une nou­ propositions de l’enfant, et les introduire dans
velle lettre, le O. des jeux.
Nous cherchons des anagrammes avec les On peut proposer de nouveaux jeux comme le
lettres qu’il connaît, il peut alors taper une jeu de la valise : « je mets dans ma valise des

83
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

mots qui commencent par LI… ou qui contien- G ’ a i g u s t e c e q u ’ i l v o u s g a u , m a c h é r i e 


nent la consonne M », etc. (si ce sont des lettres !ditmonsieur !Soufrressan, lepépiniériste.
que l’enfant connaît) et, également, des jeux où UngolisachetdegrainesdeMonstério
la syllabe du deuxième mot commence phono- saDéliciosa. »
logiquement par la syllabe qui termine le pre-
mier (maman → mentir, tirer → réfléchir), on
s’appuie sur le son produit et non sur l’ortho- En effet, pour la plupart des enfants, le fait de
graphe. On peut aussi réutiliser des jeux cités dire les espaces entre chaque mot oriente leur
précédemment ou en inventer d’autres. attention sur le fait d’essayer de reconnaître
(lire, déchiffrer) le mot qu’ils sont en train ou
Une fois que l’enfant connaît toutes les lettres viennent de taper ou, si l’écran est caché, de
du clavier, nous allons aborder la phase d’auto- reconstituer dans leur tête le mot qui a été épelé.
matisation proprement dite. Or, dans ce travail, ce que l’on cherche c’est une
automatisation de l’emplacement de la touche.
Phase d’automatisation de la frappe Il ne s’agit pas d’un travail sur le langage écrit.
Ce dernier peut tout à fait être fait dans un autre
Le thérapeute doit amener l’enfant à faire de temps [53] si le but est de travailler l’épellation
plus en plus de choses seul, mais après une ou la mémoire auditivoverbale.
période d’étayage, en ciblant les difficultés
sans noyer l’enfant. Dans l’objectif de ne travailler que l’automa-
tisation, on essaie d’être le plus monotâche
Utiliser le texte d’un livre possible afin que l’enfant n’ait qu’à suivre le
rythme de la dictée des lettres et à mobiliser
Nous sélectionnons avec l’enfant un livre qui l’emplacement correct de chaque lettre sur le
l’intéresse. En fonction de son âge, nous choi- clavier.
sissons des histoires courtes pour qu’à la fin de
ce travail (et si possible à la fin de l’année sco-
laire), il puisse montrer à ses parents ou à l’en-
seignant sa réalisation terminée qu’il aura mise Le travail de segmentation des mots se fait dans
en pages. Cela permet de travailler avec lui cer- un second temps avec l’enfant, il est prétexte à
taines fonctionnalités du traitement de textes. un travail de prise d’informations visuelles
soutenu par la verbalisation. On verbalise dans
Il est souhaitable de choisir avec lui un livre un premier temps les repères pour que l’enfant
dont le personnage principal a un nom facile- sache où mettre les espaces (cf. p. 90).
ment identifiable (ce qui lui permet d’anticiper
la frappe), ou encore une construction d’his- Exemple de correction
toire avec des passages récurrents (héros s’an- « Mais ma fille me tirait par la manche :
nonçant toujours de la même façon). Beaucoup
 On prend des graines, Papa ! Allez, on
d’histoires de la littérature enfantine sont
prend des graines !
construites ainsi, le choix est donc vaste.
 J’ai juste ce qu’il vous faut, ma chérie ! dit
Nous utilisons alors le livre comme support de
monsieur Soufressan, le pépiniériste. Un joli
« dictée » de lettres (nous dictons les mots lettre
sachet de graines de Monstériosa Déliciosa. »
à lettre comme dans la phase d’apprentissage,
puisque ce que l’on souhaite automatiser c’est Nota bene : les corrections, ici en gras et souli-
l’emplacement de la touche associée à la lettre), gnées, sont habituellement faites en couleur.
sans dire les espaces. J’aime Lire, Graine de monstre.

Exemple
De plus, pour certains, le fait de segmenter les
« Maismamefillemetiraitparlamanche : mots pendant la lecture rend le texte mobile
– Onprebddesgraines,Pap)a !Allez ?onprend­ (puisque l’espace que l’on introduit fait bouger
desgraines ! le reste du texte), et facilite ainsi leur lecture par

84
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école

un effet dynamique. Ce sont ces mêmes enfants


Ayant terminé (le mot, la phrase ou un court
qui sont aidés par des logiciels de lecture dyna-
paragraphe), on rallume alors l’écran et l’en-
mique (type Kurzweilâ ou Médialexie â, cf.
p. 137 et annexe), qui entraînent le mouvement fant procède à une phase de correction
de leurs yeux, alors qu’eux ne peuvent le faire (durant laquelle il n’écrit pas) : les temps de
seul (à moins de bouger la tête en même temps). frappe et les temps de correction sont ainsi
bien séparés, successifs et ne se chevauchent
pas.
Rythme de la dictée
Nous nous « calons » sur la vitesse de l’enfant
En effet, les enfants ont souvent la tentation de
avec toujours une ou deux lettres d’avance. Il ne
vérifier, lettre à lettre, que la touche sur laquelle
faut pas dicter trop lentement, car l’enfant aurait
ils ont tapé est la bonne. Ils font alors des aller-
alors le temps de passer en « revue » les emplace-
retours très fréquents avec le regard entre le cla-
ments des lettres dans sa tête et le travail d’auto-
vier et l’écran de l’ordinateur, ce qui les ralentit
matisation « lettre/touche » ne se ferait pas. Il ne
beaucoup (double tâche). Outre qu’elle est tout à
faut pas non plus dicter trop rapidement, car
fait inefficace et épuisante, cette stratégie induit
alors l’enfant risque de se décourager.
une lenteur inacceptable. C’est la raison pour
laquelle il ne faut jamais encourager ces contrô-
Le rythme de la dictée doit être : les et vérifications lettre à lettre en cours de
• constant, sans ralentissement ni accéléra­ frappe, ni d’ailleurs en situation scolaire.
tion ; Une fois encore, il est important de dissocier les
• un peu plus rapide que le rythme réel de tâches proposées. Nous souhaitons focaliser
l’attention de l’enfant sur le rythme de la frappe,
frappe de l’enfant.
et non sur les corrections que nous faisons dans
On dicte les lettres sans espace (cf. supra). un second temps. Si le travail s’effectue sur un
ordinateur portable, on peut utiliser une che-
mise cartonnée que l’on pose à cheval sur l’écran
Durant cette phase, il faut souvent rassurer
pour le masquer. On peut la choisir de couleur
l’enfant, qui a l’impression de « rater » beaucoup
rouge, ce qui permet de dire aux plus petits que
de lettres, puisque nous sommes toujours en
le rouge veut dire « interdit ». On ne doit pas la
avance sur lui.
soulever pour vérifier si l’on a fait des fautes.
On peut lui dire que les autres enfants ont la
Lors du temps de relecture, on rallume l’écran
même impression que lui, et que s’il prend trop
et l’enfant est sollicité (et aidé visuellement :
de retard, soit il peut rattraper en accélérant,
caches que l’on déplace pour l’enfant, couleurs,
soit il reprend là où nous en sommes de la dic-
surlignage progressif…) pour repérer les oublis
tée et que cela n’est pas grave.
(de lettres, d’espaces), les fautes de frappe, les
fautes d’orthographe. Puis, les corrections sont
effectuées, linéairement, de gauche à droite (du
En outre, c’est une situation écologique, vert vers le rouge), mot après mot, en s’aidant de
habituelle en classe, que l’enfant doit appren- la verbalisation, en particulier de l’épellation
dre à gérer. qui permet de s’attacher à la suite des lettres
(et donc à la forme orthographique des mots).
Progressivement, on passe à l’utilisation des
lettres minuscules. Correcteur orthographique
Éteindre l’écran Pour ces enfants, il est souhaitable de suppri-
mer les correcteurs orthographiques (surtout le
C’est le moment où il faut éteindre l’écran correcteur grammatical, de toute façon plus
durant la frappe, afin que l’enfant ne se concen- dangereux qu’utile), car les surlignages automa-
tre que sur ses doigts et le choix de la touche. tiques accroissent leur insécurité (cf. p. 54).

85
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Enfin, dès que les écrits comprennent plusieurs le cas pour la virgule, le point. En ce qui
lignes ou paragraphes, il faut, à l’occasion, concerne les signes de ponctuation comme le
savoir tolérer quelques fautes (de frappe ou point-virgule, les deux points, le point d’inter-
d’orthographe !)… comme chez chacun. Le rogation ou celui d’exclamation, ils sont com-
perfectionnisme des adultes ne doit pas aggra- posés de deux signes (ou de deux dessins), on
ver celui des enfants. fait alors deux espaces, un avant le signe de
Peu à peu, l’enfant, rassuré (cela peut prendre ponctuation et l’autre après.
des mois…), accepte de ne plus vérifier ni corri- Pour gagner du temps dans l’utilisation des
ger son texte en cours de frappe, et il n’y a alors majuscules, on utilise la majuscule « provi-
plus de nécessité d’éteindre l’écran. soire ». Il faut donc maintenir la touche majus-
cule enfoncée pendant que l’on tape la lettre
Logiciels de retour vocal qui doit être en majuscule. Si on utilise la
majuscule bloquée (Caps lock : on), il faut
Pour certains enfants, on peut être tenté d’utili- appuyer sur la touche majuscule, puis sur la
ser un retour vocal. En effet, cet outil permet à lettre que l’on souhaite faire en majuscule
l’enfant un contrôle « audio », en temps réel de puis ré-appuyer sur la touche majuscule pour
ce qu’il écrit, sans avoir besoin d’utiliser le la débloquer. Ce qui fait trois manœuvres,
regard, ni perdre du temps dans les aller-retours alors que l’on n’en fait que deux avec la majus-
clavier/écran. cule provisoire. On explique aussi que le point
Cependant, plusieurs aspects sont alors à dis- se fait avec une majuscule et qu’après un
cuter : point, la lettre est toujours en majuscule, il ne
• les logiciels de retour vocal disent le nom de la faut donc pas lever le doigt qui maintien la
lettre et non le phonème (le son) ; majuscule enfoncée pour faire la lettre sui-
vante lorsque l’on dit « majuscule provisoire–
• dans la phase d’apprentissage et d’automati- point ». Si le clavier a un pavé numérique, on
sation, le travail consiste à associer une tou- peut l’utiliser pour faire le point.
che et une lettre, ce n’est pas un exercice de
langage écrit, il n’est pas indiqué de surchar- Il faut aussi apprendre à automatiser ces séquen-
ger la tâche par un contrôle en vue d’une cor- ces. La majuscule est gérée automatiquement (à
rection immédiate, ce qui doit être fait dans condition de l’avoir paramétrée dans le menu
un second temps (cf. supra) : le retour vocal correction automatique).
est donc tout à fait inutile à cette phase ; En ce qui concerne les lettres avec accent
• en revanche, dès que l’enfant est suffisam- comme le « é accent aiguë », on verbalise sa
ment efficace pour utiliser son clavier dans position par rapport aux chiffres. Il est sous le
une tâche d’écriture, il peut être intéressant « 2 », et ainsi de suite pour toutes les lettres ou
de lui proposer ce logiciel (cf. p. 124) ; signes sous les touches de chiffres.
• il faut être attentif au choix du logiciel qui ne
doit pas ralentir l’enfant, être simple de para- Exemple
métrage et d’utilisation, et performant sur le Ainsi pour le « è accent grave » on dit « /E
plan de la transcription graphophonologique accent grave/ sous le 7 », pour le « A avec
(Word ReaderÒ, DspeechÒ, cf. annexe). accent » on dit « /A avec accent/ sous le 0 »,
pour le trait d’union on dit « trait d’union
sous le 6 », etc. Comme les chiffres sont
Ponctuation organisés de manière linéaire et ordonnée,
les enfants les trouvent facilement.
On commence à aborder des règles de
ponctuation.
Par exemple, après un point, on met toujours Il faut aussi travailler de manière élective les
une majuscule, ou après les signes de ponctua- séquences de lettres dont la suite est très
tion composés d’un seul caractère, on ne fait ­fréquente en français (tion, ent, qu, ation…). Ce
qu’un espace, et donc on le fait après, ce qui est travail ciblé doit permettre leur automatisation.

86
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école

Durant cette phase, on peut faire varier plu- met de vérifier qu’il a bien entendu les bonnes
sieurs paramètres : lorsque l’enfant a atteint lettres, et le nombre maximum de lettres qu’il
une vitesse à laquelle on le sent à l’aise, on aug- peut retenir à l’endroit. On propose ce travail à
mente le temps de dictée. On gagne ainsi en l’enfant sur plusieurs groupes de lettres, en
endurance, qui est une condition très impor- fonction de sa fatigue.
tante d’efficacité en situation scolaire. Dans un deuxième temps, quand l’enfant a bien
Ensuite, on modifie la vitesse de dictée, on compris le principe, on lui propose le même
l’augmente en ayant toujours une ou deux let- exercice avec les lettres à l’envers. On dicte à
tres d’avance sur l’enfant, mais on dicte moins l’enfant les lettres à l’endroit (ou des mots
longtemps. Enfin, une fois qu’on le sent suffi- courts, ou des syllabes), mais il doit alors les
samment à l’aise à cette nouvelle vitesse, on taper ou les dicter à l’adulte à l’envers, ou « en
peut ré-augmenter la longueur de la dictée. verlan ». Attention à la fatigue de l’enfant, avant
de proposer d’augmenter le groupe de lettres.
Pour varier les exercices, on demande à l’enfant
Entraînement de la mémoire de trouver des mots ou des anagrammes avec
de travail auditivoverbale les lettres données, ou encore d’écrire son pré-
nom tout en mémorisant les deux, trois ou qua-
tre lettres données, etc.
Cet exercice est important sur le plan fonc-
tionnel, car l’enfant doit conserver en mémoire
ce qu’il doit taper tout en continuant à écou- Travail en groupe
ter ce que l’enseignant dicte ou explique. Il peut être intéressant de réunir plusieurs
Il est donc indispensable d’associer le tra- enfants pour faire ce travail d’automatisation.
vail d’automatisation de l’écriture au cla- De façon optimale, le petit groupe est constitué
vier et de développer la mémoire de travail d’enfants ayant à peu près le même âge et un
[47, 48]. niveau comparable de connaissance de l’outil
ordinateur.
Dans ce but et pour varier les exercices, nous Ainsi, depuis plusieurs années, pour cette
proposons de nouveaux jeux. seconde partie du travail (automatisation), lors-
que les enfants connaissent bien l’emplacement
On explique à l’enfant qu’on va lui dicter des
de toutes les lettres sur le clavier, des groupes
lettres (ou des mots courts) et qu’il doit les répé-
sont régulièrement proposés.
ter dans le même ordre. Dans un premier temps,
on se substitue à l’enfant pour taper sur les tou-
ches, lui ne fait que répéter ce que l’on vient de Cela a l’avantage de permettre à des jeunes
dire. En fonction de l’âge de l’enfant, on fait qui sont seuls à utiliser l’ordinateur dans
varier le nombre de lettres proposées. On com- leur classe de se rencontrer et de se rendre
mence avec deux lettres, puis on ajoute une let- compte que d’autres enfants, scolarisés dans
tre jusqu’à ce que l’enfant ne puisse plus les d’autres écoles, ont les mêmes difficultés
retenir (de 2 à 6//9 en fonction de l’âge et des qu’eux.
capacités mnésiques).
On peut aussi instaurer une dynamique de
On peut aussi lui demander, une fois qu’il a bien travail très intéressante (collaboration, ému-
répété les lettres, de vérifier avant que l’on ne lation) et introduire des exercices plus variés
tape sur la touche que nous allons bien taper la
et plus ludiques.
bonne lettre (emplacement).
Si l’enfant répète facilement le nombre de let-
tres que l’on vient de lui dire, on peut alors aug- En effet, on peut faire le même type d’exercices
menter d’une lettre. On s’arrête après deux que ceux proposés en individuel, mais égale-
échecs consécutifs. Quand l’épellation est ter- ment des jeux d’attention visuelle et de
minée, il doit les redire dans l’ordre. Cela per- mémoire.

87
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Exemples a lu la ligne jaune, la ligne suivante doit être verte,


– Le groupe d’enfants choisit en commun etc. (figure 4.2, cf. cahier couleur central). On peut
une histoire qui sert de support. Une discus­ également ne laisser qu’une ligne visible à la fois.
sion préalable s’établit donc pour détermi­ Un enfant lit la ligne. On lui pose des questions
ner quel type d’histoire sera le support de sur les indices qu’il doit utiliser : « une phrase
travail de l’année. commence toujours par une… ? (majuscule) »,
« quels sont les mots au pluriel ? », « quels sont les
– À l’aide d’un vidéoprojecteur, on montre
signes de ponctuation et les règles pour les utili-
une syllabe au groupe d’enfants. Par exem­
ser ? », etc. Si la phrase est longue, on la découpe en
ple : VA. Puis cette syllabe disparaît, et on
deux parties. L’enfant mémorise ce qu’il doit taper,
montre consécutivement trois propositions
puis on cache le « modèle » projeté (cf. p. 51). Les
de syllabes qui se ressemblent sur le plan
enfants tapent le groupe de mots ou la phrase
morphologique (LEUR/PEUR/TEUR). Ils doi­
complète. Cela évite des aller-retours incessants
vent donc maintenir en mémoire la première
au modèle qui risquent de perdre le regard (sur-
syllabe et associer une des propositions pour
tout en cours de phrase ou de paragraphe).
former un mot. Les enfants doivent taper ce
mot. Dans cet exemple, ils ont le choix entre La préparation du modèle se fait en fonction :
VAPEUR et VALEUR. Les premiers exercices • de sa provenance (tableau ou livre, ou déjà sur
proposés n’ont qu’une solution et deux pro­ l’écran de son ordinateur…) ;
positions, puis pour complexifier la tâche on • de la prise de repères particuliers : surligna-
peut proposer des mots plus longs et/ou ges, ou marquage des débuts de lignes
augmenter le nombre de propositions. (cf.  figure 4.2), ou encadrement des paragra-
– On peut également profiter de ce travail phes pertinents (cf. figure 3.2, cahier couleur
en groupe pour entraîner la frappe en dic­ central) ;
tée (au sens habituel/scolaire du terme). • du marquage de l’endroit où il en est, d’une
part sur le modèle, d’autre part dans sa copie
[43, 55].
Ce travail en commun de dictée permet de sou-
tenir verbalement la mise en mémoire des règles Il peut être tout à fait intéressant d’utiliser un
orthographiques [43] (mots invariables tra- « tableau blanc interactif ».
vaillés en épellation au préalable) et typogra-
phiques (gestions des espaces avant et/ou après Exemple de travail en groupe :
les signes de ponctuations), etc. le groupe journal
En ce qui concerne le travail de copie (cf. p. 51), À l’adolescence, les jeunes ont souvent
on peut également profiter du vidéoprojecteur besoin d’être remotivés pour utiliser l’ordi­
pour expliciter les stratégies qui permettent que nateur. C’est à cette période, alors même
ce travail soit moins coûteux sur le plan cogni- qu’ils l’acceptaient jusque-là régulièrement
tif. Les enfants discutent des stratégies qu’ils en classe qu’ils le refusent. Ils s’en servent
ont parfois eux-mêmes mises en place. Cette cependant toujours volontiers pour com­
situation leur permet également de se retrouver muniquer avec leurs copains, ou créer des
dans une configuration proche d’une séquence blogs, mais n’en veulent plus au collège. On
scolaire : le fait d’être en groupe, de devoir uti- peut leur proposer alors de participer à un
liser deux plans de l’espace (vertical et horizon- groupe journal, où ils doivent rédiger des
tal), des zones d’exploration visuelle de tailles articles, les mettre en pages, insérer des
différentes (tableau et clavier), etc. photos, scanner des documents, créer des
Pratiquement, on isole les lignes à l’aide de cou- pages jeux, etc. Cette proposition s’est
leurs (cf. p. 125). On en choisit trois par exemple, révélée positive pour certains qui pouvaient
que l’on fait toujours se succéder dans le même alors monter leur habileté à l’ordinateur. Ils
ordre (ici : jaune, vert, rose). L’enfant sait (automa- distribuaient ensuite leur journal.
tise, grâce à un « conditionnement » qui suppose (D’après S. Lirondière. Ordinateur et adoles­
que chacun utilise le même code couleur) que s’il cence : expériences autour d’un groupe jour­

88
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école

nal. Actes du colloque des premières Journées en rappelant simplement en début de séance
européennes et francophone d’ergothérapie ; que toutes les étapes de la fiche doivent être
les 4 et 5 juin 2007 ; Paris, campus Cordelier). ­faites dans l’ordre et dans un temps imparti
(par ex., 15 minutes). Cinq minutes avant la fin,
on rappelle qu’il ne reste que 5 minutes pour
Installation du matériel que tout le monde soit prêt.

En début de séance, on travaille également l’ins- Exemple


tallation du matériel. Cela se fait par étapes. Au On peut utiliser un « time-timer » (de chez
début l’ordinateur peut être branché et allumé Hop’toys36) qui permet, par la visualisation du
par l’adulte, l’enfant n’ayant qu’à cliquer sur le temps restant (quartier rouge), d’objectiver le
document qu’il souhaite « ouvrir ». Il insère seul temps passé et surtout le temps restant :
la date, fait la ligne de son prénom comme en beaucoup d’enfants (surtout les plus jeunes)
séance individuelle. Ce travail, commencé en ayant du mal à se représenter les délais, à faire
individuel, peut être repris en groupe. coïncider les durées objectives et subjectives.
En progression, on peut proposer que chaque
enfant branche et allume seul son ordinateur, et
ouvre son dossier (étayage par l’adulte ou auto- Ultérieurement, on regroupe les instructions
guidage verbal, cf. p. 25), ou en montrant à l’aide sur une seule fiche séquentielle (encadré 4.1)
d’un ordinateur relié à un vidéoprojecteur les que l’on aide l’enfant à utiliser (faire le no 1, tout
différentes étapes à réaliser. le monde l’a fait, on passe au no 2, etc.). Cette
fiche séquentielle utilise le même code de surli-
Puis, on peut présenter chaque étape de l’instal- gnage que celui utilisé dans les exercices neuro-
lation sur une fiche différente. Les fiches, que visuels (cf. p. 80, 112).
l’on peut plastifier pour en rendre l’utilisation
plus facile, sont attachées comme dans un car- À terme, cette fiche n’est plus disposée sur les
net. Après avoir terminé une étape, l’enfant tables des enfants. Ils doivent mémoriser puis
tourne la fiche pour passer à l’étape suivante. rappeler à tour de rôle et dans l’ordre les diffé-
Dans un premier temps, un enfant du groupe lit rentes étapes, puis les effectuer.
la première consigne, les enfants accomplissent Enfin, on dit juste en démarrage de séance
la tâche, et l’enfant qui a lu demande si tout le « préparez-vous » et les enfants doivent s’instal-
monde est prêt à passer à la seconde étape. ler seuls.
Lorsque tout le groupe a répondu oui, les enfants
tournent la fiche, et un deuxième camarade lit la Élèves non autonomes :
nouvelle consigne et s’assure à son tour que tout rôle de l’AVS
le groupe est prêt à passer à l’étape suivante. Et
Certains enfants ont des troubles praxiques
l’on continue avec un troisième enfant, etc.
majeurs et n’y arriveront jamais dans des délais
En progression, ces fiches (encadré 4.1) sont raisonnables. Ils peuvent brancher seul leur
utilisées par chaque enfant individuellement, ordinateur ou ouvrir un document lorsqu’ils
n’ont pas de contrainte de temps ni autre chose
à faire en même temps, mais effectuer ces diffé-
Encadré 4.1

Exemple de fiche séquentielle pour rentes opérations leur devient impossible au


l’installation de l’ordinateur regard du rythme scolaire.
1. J’installe mon ordinateur (si j’ai besoin C’est l’AVS qui procure alors cette autonomie
d’aide, je le demande).
en se substituant à eux pour cette tâche, en ins-
2. J’ouvre le dossier du groupe.
3. Je mets la date. tallant le matériel, en sortant les affaires du car-
4. Je tape la ligne avec mon prénom. table, pour que l’enfant ne soit pas en double
5. Je dois être prêt à 17 h 15 mn. tâche (cf. p. 19) plusieurs fois par jour ­(surtout
Nota bene : un surlignage de couleur ligne à ligne
peut être proposé si nécessaire (cf. figures 4.2 et 6.2, 36 Hop’Toys : 381, rue Raymond Recouly, 34078
cahier couleur central) Montpellier : www.hoptoys.fr

89
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

au collège où l’enfant doit changer de salle toutes en se mettant d’accord avec lui sur le vocabu-
les 50 minutes) et ne prenne pas un retard rédhi- laire employé. Quand il utilise une de ces
bitoire dans toutes les activités (cf. p. 64). possibilités, on lui demande de nous expli-
Cela n’est généralement pas bien compris ou quer comment il aurait pu faire autrement. À
accepté, car on suppose (à tort) que la présence terme, il choisit la façon de faire la plus effi-
de l’AVS empêche l’enfant d’acquérir de l’auto- cace pour lui.
nomie : or, c’est la situation qui handicape l’en- Quand on fait les copier/coller, les enfants
fant dyspraxique. Il faut donc bien évaluer les oublient souvent dans un premier temps de sélec-
tâches ou parties de tâches dans lesquelles l’en- tionner le texte qu’ils souhaitent copier. On en
fant est autonome. profite pour leur expliquer qu’ils doivent « tout
dire » à l’ordinateur sinon lui ne sait pas quoi faire.
Fonctionnalités du traitement On apprend également comment copier d’un
document à un autre. Quand l’enfant a bien
de textes avancé dans le travail d’automatisation de la
Lorsque l’on a fait, par exemple, un travail de frappe, il a à sa disposition un certain nombre
dictée (cf. p. 52, 85), on montre à l’enfant com- de paragraphes déjà corrigés. On ouvre avec lui
ment faire un copier/coller des lettres ou mots un nouveau document dans le traitement de
que l’on a dictés. textes qu’il utilise. On lui apprend à enregistrer
ce nouveau document. On verbalise avec lui
Sur la partie collée, on travaille la segmentation
chaque étape, l’objectif étant, à terme, qu’il
des mots (cf. exemple de correction, p. 84). C’est
puisse utiliser cette verbalisation seul, sous
l’occasion d’entamer un travail neurovisuel
forme d’autoguidage (cf. p. 25).
(mise en jeu de capacités liées à la lecture : prise
d’information sur la forme globale du mot,
connaissances orthographiques et grammati- La maîtrise des différentes fonctions du trai-
cales, mise en forme typographique). tement de textes est également utile à l’en-
Là encore, on dissocie les tâches proposées : fant lorsqu’il doit rédiger et concevoir les
expressions écrites : mise en forme du plan
• soit l’enfant lit et nous indique où faire les
et de la rédaction (cf. p. 55 et 144).
espaces (cet exercice ne peut se faire que si
l’enfant est déjà lecteur). S’il y a des fautes,
nous changeons la couleur des caractères qui L’exemple qui suit est donné pour indiquer une
n’ont pas été correctement tapés voire oubliés, démarche. Il est bien sûr à adapter en fonction
si l’enfant n’a pas suivi le rythme à un moment de la version et/ou du logiciel de traitement de
donné. Nous lui montrons comment sélec- textes utilisé.
tionner les lettres à modifier et où changer la
couleur de la police. Cela permet également Exemple
de voir au bout de combien de temps de dictée Nous en sommes maintenant à l’étape où
l’enfant se fatigue car, en général, à ce l’enfant a déjà quelques paragraphes à sa
moment-là il fait nettement plus d’erreurs. disposition sur le document. À chaque nou­
Cela peut être utilisé comme un élément de velle séance, il a inséré seul la date du jour, il
motivation avec lui en lui faisant remarquer a fait une ligne de son prénom pour se pré­
que sur un certain nombre de lignes il n’a pas parer (c’est un rituel que l’on a instauré avec
fait d’erreur, et qu’à la séance suivante on lui). Souvent, les enfants aiment bien qu’on
essaiera d’augmenter ce nombre d’une ligne, leur relise ce qui a été tapé la fois précé­
par exemple. On indique aussi à l’enfant com- dente, puis on dicte la suite. On corrige avec
ment enregistrer son travail. On peut lui mon- lui ce qui vient d’être tapé.
ter qu’il existe plusieurs façons de le faire ; Pour faire la mise en page du document
• soit il utilise les icônes ou le menu déroulant ­corrigé, on doit donc ouvrir un nouveau
ou encore les raccourcis clavier. À chaque document (cf. figure 4.3, cahier couleur cen-
fois, on verbalise les différentes possibilités, tral). On verbalise les différentes étapes :

90
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école

 on sélectionne le menu déroulant Fichier ; lisibilité, l’endurance main versus ordinateur, le


 puis on clique sur Nouveau ; gain orthographique, la double tâche, les possi-
bilités de relecture ou de lecture de texte si l’en-
 on sélectionne Document vierge ;
fant a besoin d’un logiciel de retour vocal.
 on sélectionne de nouveau le menu dérou­ Sinon, l’ordinateur, présenté comme une aide,
lant Fichier ; ne sera en fait qu’un outil supplémentaire à
 on clique sur Enregistrer sous ; gérer, tant pour l’enfant que pour l’enseignant.
 une nouvelle fenêtre s’ouvre dans laquelle
on donne un nom au document ; En moyenne, c’est environ un an après les
 on sélectionne l’endroit où l’on souhaite premières prises de contact et le début de
qu’il s’enregistre. l’apprentissage du clavier que l’ordinateur
peut être introduit dans la classe avec béné-
fice et, initialement, pour des tâches réduites
Bien sûr l’enfant ne peut pas prendre en charge et ciblées définies avec l’enseignant (dictée,
toutes les étapes dès le début. C’est pourquoi il expression écrite…).
est important de les verbaliser et de les refaire
régulièrement. Ensuite, l’enfant mémorise ces
instructions comme une petite comptine, puis Les conditions concrètes de cette introduction
automatise cette procédure apprise verbalement. doivent être discutées avec l’enfant bien sûr,
mais aussi avec l’enseignant : moments et acti-
Une fois que le nouveau document est nommé,
vités scolaires durant lesquelles l’enfant peut
l’enfant n’a plus qu’à passer d’un document à
bénéficier de l’ordinateur, localisation des pri-
l’autre pour faire ses copier/coller. C’est pour-
ses électriques dans la classe pour recharger la
quoi il est important de choisir pour chaque
batterie, emplacement de l’imprimante, moda-
document des noms dont l’enfant se souviendra
lités d’impression, moments et nature des inter-
facilement, mais qui soient également différents
ventions de l’AVS, recours en cas de panne ou
pour qu’il ne se perde pas dans les aller-retours
de bug, etc. Tout ceci peut également faire l’ob-
d’un document à l’autre.
jet d’une fiche écrite et/ou être inscrit au PPS.

Introduction de l’ordinateur L’enseignant (et l’AVS) doivent savoir préci-


en classe sément ce que l’enfant :
• peut faire seul en classe et dans quelles
À quel moment, selon quels conditions (de temps, d’installation, de
critères ? type de document ou d’exercice…) ;
Apprendre à utiliser un ordinateur lors de séan- • peut faire avec aide ou préparation, adapta-
ces individuelles de rééducation est tout autre tion (le type d’aide doit être détaillé) ;
chose que d’arriver à l’école avec un matériel • ne peut pas faire du tout avec son ordina-
inhabituel : la première situation peut être vécue teur (dispensé ou réalisé par une tierce per-
comme gratifiante et ludique, alors que la sonne, cf. p. 115).
seconde peut l’être comme stigmatisante, infa-
mante, honteuse.
Ces informations sont éminemment évolutives,
et donc des rencontres régulières doivent être
En tout état de cause, l’ordinateur ne doit instaurées entre l’ergothérapeute (ou le repré-
jamais être proposé dans le cadre scolaire sentant du SESSD) et l’enseignant (ou les ensei-
tant que l’enfant n’y est pas au moins aussi gnants, au niveau du collège).
performant qu’à la main. Le moment choisi pour faire entrer l’ordinateur
en classe est donc fonction du handicap, des
La performance envisagée n’est pas qu’une contraintes inhérentes à la classe fréquentée et
question de vitesse. On doit faire le point sur la de l’âge de l’enfant.

91
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

La vitesse de frappe doit répondre aux exigen- des troubles du regard à la dyspraxie, toutes les
ces scolaires lorsque cela est possible. Il existe tâches scolaires qui nécessitent de la copie ne sont
plusieurs bilans de vitesse d’écriture, qui nous justement pas facilitatrices (cf. p. 51, 60, 121).
indiquent la vitesse graphique attendue soit à En particulier, les nécessaires aller-retours du
l’âge réel de l’enfant, soit en fonction de la classe regard du modèle à leur feuille vont les perdre.
fréquentée (cf. p. 50). En classe, il faut dissocier En général, le modèle est au tableau, donc sur
les situations d’utilisation de l’ordinateur un support vertical, et il faut copier sur une
(cf. p. 65) : quelle rapidité a-t-on sur une tâche feuille qui est à l’horizontale, ce qui nécessite
de copie, de production de langage écrit, de de changer de plan à chaque fois qu’il faut pren-
prise de notes ou de dictée [55] ? Toutes ces dre les repères. Il leur faut encore gérer les sauts
situations sont à considérer en fonction de l’âge de ligne, le respect de l’organisation spatiale du
de l’enfant. On ne peut pas parler de prise de texte (poésie…), pour arriver à un résultat sou-
notes proprement dite avant le collège. vent médiocre, avec des fautes et des oublis de
lettres au minimum, de mots voire de phrases
Il arrive que des enfants qui avaient une complètes, et une fatigue disproportionnée
vitesse de frappe correcte jusqu’à la fin du pour la tâche engagée. Cette situation de copie
primaire se trouvent en difficulté à l’entrée doit donc être évitée le plus souvent possible.
du collège. La gestion des activités ne se fait Si l’enfant doit malgré tout copier à un moment
plus sur une journée entière par un ensei- donné (et donc de manière tout à fait occasion-
gnant unique. Cette organisation est dévolue nelle), cette situation doit être accompagnée
à plusieurs enseignants, sur un temps limité par l’AVS qui dicte à l’enfant ce qui est écrit sur
(50 minutes), et il faut changer de salle à cha- le tableau (contournement de la phase de prise
que cours, voire d’étages et donc ré-installer d’informations visuelles).
le matériel. Ces nouveaux paramètres peu- S’il n’y a pas d’AVS (et toujours de manière
vent effondrer une organisation qui jusque-là limitée et ponctuelle), il faut donner des straté-
fonctionnait et mettre le jeune en échec. Cet gies à l’enfant, en particulier pour faciliter la
échec peut participer au refus du jeune de phase de lecture, afin que cela soit le moins
continuer à utiliser l’ordinateur. « coûteux » possible (cf. figures 3.2, 4.2 et 6.2,
cahier couleur central).
Il faut alors négocier avec les enseignants la
Copie différée
quantité d’écrits, la mise à disposition des cours
par anticipation (le jeune écoute alors le cours ou Il faut éviter au maximum les aller-retours du
ne note que le plan du cours…), des photocopies regard, en effet les stratégies de recherches
du cours pris par un autre élève (se pose alors le visuelles sont aléatoires, non automatisées
problème de la gestion des photocopies [p. 96]). (le jeune est donc en double tâche, cf. p. 19). On
Si l’apprentissage de l’ordinateur s’est fait au essaye plutôt de s’appuyer sur les bonnes com-
cours de la grande section maternelle, on peut pétences mnésiques de l’enfant en dissociant
avec l’accord de l’enseignant le mettre en classe une fois encore les procédures qu’il met en
dès la rentrée de CP. L’enfant automatise le cla- œuvre et donc utiliser la copie différée (cf. p. 51).
vier en l’utilisant en classe pendant que les autres Cela consiste à ne pas copier directement et
enfants automatisent le graphisme manuel. immédiatement ce qui est écrit et évite une
vérification lettre à lettre. Afin que l’enfant ne
vérifie pas sur le modèle au fur et à mesure, on
Travail de copie le cache immédiatement après la lecture.
Bien que l’on ne souhaite pas encourager la copie Après avoir lu la phrase (le mot), l’enfant doit
pour ces enfants en classe, elle est souvent utilisée écrire ce qu’il a lu sans faire référence au modèle
comme support à d’autres apprentissages et (c’est-à-dire la phrase qu’il vient de lire). Puis
comme moyen facilitateur puisque le modèle une fois le mot ou la phrase écrits, il lit le mot
reste visible. Mais pour les enfants qui associent ou la phrase suivant, puis il l’écrit, etc.

92
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école

Il faut entraîner cette stratégie en utilisant au terre (SVT), l’ordinateur lui remplacera sys­
départ des phrases courtes, sans difficulté tématiquement l’abréviation par le mot
orthographique, sans retour à la ligne au sein /souvent/. Il suffit, par exemple, pour la dis­
de la phrase. Cela nécessite, dans un premier cipline d’insérer un point après chaque let­
temps, de préparer les supports qui vont être tre (S.V.T.) pour que l’ordinateur ne modifie
utilisés avec l’enfant. plus l’abréviation.
D’autres types de logiciels peuvent rendre
Aménagements typographiques service à l’enfant notamment en géométrie.
du modèle Il ne s’agit pas de transférer sur l’ordinateur
ni manipulation, ni organisation spatiale
On utilise un interligne double, les phrases sont
d’outils, stratégie qui ne permet pas à ces
surlignées pour aider l’enfant à se repérer. On se
enfants d’apprendre, ni de raisonner. Au
sert de trois couleurs alternées pour que chaque
contraire, on privilégie des logiciels s’ap­
phrase soit dans une couleur différente. On expli-
puyant sur l’utilisation des propriétés géo­
que à l’enfant que la première phrase est surlignée
métriques des figures (cf. p. 141 et annexe).
en jaune, la deuxième en vert et la troisième en
Cependant, il ne faut pas que l’enfant inves­
rose. Puis, on recommence avec une phrase
tisse toute son énergie à prouver qu’il peut
jaune, etc. (cf. figure 6.2, cahier couleur central).
y arriver à tout prix si cet investissement
Un point vert peut être mis en début de phrase, obère ses autres apprentissages (cf. p. 118).
un rouge en fin de phrase (cf. figure 4.2, cahier
couleur central).
Lors de la lecture de la phrase, les signes de Dictée vocale
ponctuation ainsi que les majuscules sont ver- Il s’agit de dicter à l’ordinateur le texte que l’on
balisés. On insiste également sur les difficultés souhaite écrire (cf. annexe).
orthographiques, en verbalisant la règle, ou en
demandant à l’enfant de le faire. Paramétrage
Le paramétrage se fait par la lecture à haute
Logiciels à usage scolaires voix d’un texte par l’utilisateur. Après cette
phase de paramétrage, le logiciel « apprend », à
Certains logiciels sont utiles (ou indispensa-
partir des fichiers textes déjà enregistrés dans
bles) dans la scolarité de l’enfant, il lui faut
l’ordinateur, le vocabulaire spécifique de l’élève.
apprendre à les maîtriser.
Ensuite le logiciel continue à « apprendre » à
En effet à partir de la fin du primaire, la vitesse chaque utilisation. Il faut faire les corrections à la
de frappe peut s’avérer insuffisante pour la prise voix en dictant les commandes à l’ordinateur.
de notes à l’aube du collège. Certains logiciels
Certains jeunes peuvent avoir du mal à lire le
prédictifs de frappe peuvent être mis en place
texte lors du paramétrage. Le texte est écrit
pour faire gagner du temps sur la vitesse de
assez petit et le temps de lecture est limité. Il
frappe. Il faut toutefois être vigilant dans leur
faut, pour que le paramétrage soit efficace, une
choix, car certains enfants peuvent avoir du
voix stable (attention à la phase de mue chez les
mal à « trier visuellement » les informations
jeunes garçons), sans problème de souffle, sans
(trop nombreuses) qui leur sont proposées.
trop de fluctuations dans la déformation de la
On peut alors rentrer dans leur traitement de prononciation (problèmes fréquents si une
textes leurs propres abréviations (lorsque l’enfant dysarthrie coexiste). Le logiciel peut gérer cer-
tape /bcp espace/, l’ordinateur écrit /beaucoup/). taines déformations de prononciation si ces
déformations sont stables. L’adulte lit alors la
Pièges et bugs phrase et l’enfant la répète.
Il faut choisir judicieusement les abrévia­
tions car si pour /svt/ vous voulez que l’ordi­ Production d’écrits
nateur écrive le mot « souvent », le jour où Quand l’enfant est en phase de production de
l’élève sera en cours de sciences et vie de la textes, cela nécessite qu’il ait construit sa phrase

93
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

« dans la tête » avant de la dicter, car le logiciel Il ne faut pas avoir de troubles articulatoires, ni
est plus performant si on ne segmente pas trop de trouble du souffle. Le logiciel peut répondre
les phrases. Il faut être assez compétent sur le à une certaine variabilité de prononciation à
plan de la planification car il s’agit (comme lors- condition que les déformations soient stables.
que l’on utilise un dictaphone) d’avoir le plan en Si elles sont fluctuantes, il y a alors beaucoup
tête, de dicter ce que l’on souhaite mettre dans d’erreurs de transcription.
chaque partie, et en même temps de dicter la
mise en forme. La planification des idées est à Logiciels suppléant la lecture
travailler en parallèle avec l’orthophoniste pour
améliorer les compétences de l’enfant ou à En raison de l’association fréquente de la dys-
entraîner si cette tâche est déficitaire. praxie avec les troubles du regard, certains
enfants sont empêchés de lire ou ne le peuvent
Il faut toujours dissocier ces tâches car elles
que sur quelques lignes (cf. p. 121, 130, 132). Il
sont souvent difficiles à gérer conjointement.
faut alors absolument dissocier ces médiocres
Dans un premier temps, l’enfant dicte le plan,
capacités en lecture des bonnes capacités de
puis il insère, en la dictant, sa production dans
compréhension du langage écrit. C’est pourquoi
chaque partie, ensuite il gère l’aspect spatial de
il faut rapidement mettre en place des logiciels
l’organisation de son texte (les retraits pour les
qui lisent en classe pour l’enfant (pour une fonc-
paragraphes, les sauts de ligne, etc.).
tionnalité scolaire), tandis que celui-ci continue
Une bonne performance dans l’utilisation de la son travail en orthophonie (cf. p. 136).
dictée vocale semble difficile à obtenir avant le
Un cahier des charges précis doit être fait pour
collège. Cependant si on souhaite qu’elle soit
­choisir le logiciel qui sera le plus adapté pour l’en-
efficace dans des délais raisonnables, il faut
fant, y compris en termes de projet scolaire (cf. p. 31).
commencer l’apprentissage et l’utilisation dès
Il existe des logiciels qui associent dictée vocale,
le cours du cycle III (CM).
retour auditif et lecture dynamique37 (cf. annexe).
Limites de l’utilisation
Tout d’abord le casque peut être difficile à utili- En effet, on ne peut proposer une juxtaposi-
ser pour certains enfants. Il faut qu’il soit placé tion de logiciels qui se révèleraient à terme
de façon correcte pour que le micro soit à bonne ingérables pour l’enfant, en raison des diffi-
distance de la bouche. Or, cet ajustement est cultés d’organisation. Durant les séances
difficile à réaliser (en temps limité) par un d’ergothérapie, il faut donc lui apprendre à
enfant dyspraxique. Les écouteurs du casque utiliser le logiciel choisi pour l’amener à être
isolent un peu les bruits et notamment la voix le plus autonome possible.
de l’enseignant.
En revanche pour une utilisation à domicile, on
privilégie un micro sur pied que l’on place
Problèmes fréquents
devant le clavier. L’enfant utilise un clavier
L’utilisation de la dictée vocale n’est pas possi- « non caché »
ble dans toutes les situations. En effet, l’emploi
en classe peut s’avérer difficile car ce sont des C’est souvent le cas lorsque l’apprentissage n’a
logiciels assez sensibles au bruit ambiant. Si on pas été mené par un professionnel, ou lorsque le
souhaite l’utiliser pour dicter le cours pendant diagnostic de dyspraxie n’ayant pas été posé,
que l’enseignant donne des explications cela ne l’apprentissage a été fait « spontanément ».
fonctionne pas forcément correctement – même L’enfant connaît à peu près le clavier, mais il
si on a pris la précaution de demander à l’enfant
lors du paramétrage de ne pas parler trop fort –,
37 Il s’agit en général d’un surlignage de la ligne en
car il faut alors chuchoter, ce que le logiciel ne cours de lecture, associé à une fenêtre d’une autre
gère pas très bien. L’enfant en dictant génère lui couleur qui se déplace sur le mot en train d’être
aussi du bruit ce qui est parfois gênant pour le lu. Les couleurs sont paramétrables pour être faci-
fonctionnement de la classe (cf. p. 138). litatrices pour l’enfant.

94
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école

reste lent (aucun travail de vitesse et d’automa- En outre l’enfant a fait, durant toutes les
tisation n’a été conduit systématiquement), il années précédentes, beaucoup d’efforts pour
n’est pas assez performant pour que l’outil ordi- améliorer son graphisme manuel. Renoncer à
nateur lui facilite vraiment sa scolarité. ces années de travail, d’espoir et aux progrès
En outre, si des troubles neurovisuels sont pré- manifestes qu’ils ont permis reviendrait à
sents et si l’usage du clavier reste sous la dépen- nier des années d’efforts, mais aussi à recon-
dance d’une exploration visuelle (mal contrôlée naître que les adultes se sont trompés ou ont
et anarchique), les progrès seront insuffisants : menti…
après une période (début de primaire) où l’on C’est aussi la raison pour laquelle il faut éviter de
aura cru régler le problème graphique, les diffi- maintenir de front la rééducation du graphisme
cultés (double tâche, cf. p. 19) vont ré-apparaî- manuel et l’apprentissage de l’ordinateur (cf.
tre puis s’intensifier dès la fin du primaire, p.  69). On envoie alors à l’enfant un message
compromettant la poursuite de la scolarité. confus (voire franchement contradictoire) et, s’il
Que proposer ? progresse un tant soit peu en graphisme manuel
(cf. figure 3.1), il ne pourra pas investir l’ordina-
Si l’enfant est jeune et l’apprentissage récent,
teur. D’ailleurs cette situation, qui consiste à
on peut tenter de lui expliquer la nature du
« courir deux lièvres à la fois », ne permet habi-
problème, lui laisser l’usage du clavier non
tuellement pas d’engager les forces suffisantes,
caché en classe et, simultanément, s’il l’accepte,
en temps et en disponibilité, pour un usage réel-
commencer un apprentissage méthodique et
lement gratifiant et efficace de l’ordinateur.
rigoureux clavier caché durant les temps de
rééducation. Lorsqu’il est assez performant, on
remplace alors son clavier ordinaire par le cla- C’est pourquoi, il est capital de tenir un dis-
vier caché. Malheureusement, dans la plupart cours sincère, clair et cohérent : l’ordinateur
des cas, reprendre cet apprentissage contrai- doit être choisi pour favoriser la scolarité et
gnant alors qu’il maîtrise ou pense maîtriser, son apprentissage relève d’un travail de ­réédu­-
même partiellement, la frappe, est inaccepta-
cation. Pour le reste, l’enfant écrit comme il
ble pour le jeune… Il faut alors se résigner à
veut, à la main ou à l’ordinateur, et s’il sou-
composer au mieux avec les limites qu’il attein-
haite améliorer son graphisme manuel (ce qui
dra rapidement avec son ordinateur.
est tout à fait possible et respectable), cela n’est
pas du ressort de la prise en charge médico-
Il s’agit d’un grand enfant rééducative.
ou d’un adolescent
Enfin, en période de pré-adolescence ou d’ado-
Lorsque le diagnostic est posé tardivement (cf. lescence, le jeune a besoin plus que jamais de
p. 32), ou bien si l’on a malencontreusement cru s’identifier à ses pairs, d’être « comme tout le
bien faire de repousser « le plus tard possible » monde », de s’intégrer à son groupe. Il le mar-
l’usage de l’ordinateur (cf. p. 69), on se heurte à que par ses choix vestimentaires, ses loisirs, son
de nombreuses réticences. langage… Lui proposer de se singulariser par
L’échec scolaire est installé, ancien et sévère : l’usage scolaire d’un ordinateur est particuliè-
l’enfant doit sauver la face et garder une cer- rement mal perçu, voire insupportable. D’autant
taine estime de soi (déni, provocation, refus qu’il ne peut espérer en recueillir les fruits (en
scolaire), ou bien au contraire il s’enfonce dans termes de réussite scolaire) que bien plus tard,
une dépression qui ne lui permet pas d’investir alors que les inconvénients qu’il anticipe sont
dans une nouvelle stratégie et de nouveaux immédiats…
espoirs. Or, il faut environ deux années scolai- C’est aussi la raison pour laquelle il est indis-
res avant qu’il ne soit vraiment efficace avec ce pensable d’une part, de porter ce diagnostic
nouvel outil (cf. p. 77) ; d’ici là, il y a un risque précocement et d’autre part, de ne pas retarder
réel que l’enfant continue de s’enfoncer dans un la mise à l’ordinateur une fois le diagnostic
échec scolaire sans remède. posé.

95
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Que proposer ? pies s’avère en fait complexe et dévoreuse de


Si le jeune refuse avec force l’ordinateur et que temps.
ce refus s’avère difficilement négociable, des C’est pourquoi il est préférable que cela soit
essais peuvent avoir lieu d’abord en rééduca- confié à l’AVS, cette personne étant bien infor-
tion, puis en UPI (s’il s’agit du mode de scolari- mée des détails de la réalisation de la tâche qui
sation du jeune) ou au domicile. lui incombe.
Une aide psychologique est souvent indispen-
sable pour que le jeune prenne conscience de Photocopies : systématiques
ses difficultés sans qu’il ne s’effondre et puisse ou occasionnelles
accepter les aides proposées (cf. p. 34, 41).
Les photocopies systématiques sont relative-
ment plus faciles à gérer s’il s’agit de temps
Compléments de l’ordinateur scolaires durant lesquels l’élève est régulière-
ment absent (rééducation ou autre aménage-
L’ordinateur, même utilisé dans les meilleures ment d’emploi du temps).
conditions, n’est qu’un palliatif qui comporte Par ailleurs, même lorsqu’il est présent, le prin-
ses propres limites. Certains jeunes, du fait de cipe d’économie de la production écrite conduit
leur handicap, ne pourront en avoir un usage à lui fournir des photocopies chaque fois qu’il
réellement rapide et efficient. Mais de toute s’agit de copier ou recopier.
façon à partir du lycée, les exigences liées à la
prise de notes et les très importantes quantités Mais il est important que l’enseignant puisse
d’écrits lors de chaque cours ne peuvent plus l’indiquer à l’avance à l’AVS (copie d’une
être réglées par la frappe, en temps réel, toute la
poésie, d’un résumé, d’une expérience, d’un
journée [56].
document) afin que l’enfant en dispose et
puisse exploiter le document en cours, en
Il faut donc, dès que le diagnostic est posé, même temps que ses camarades.
réduire au maximum la quantité d’écrits, qui
est demandée à l’enfant, et ce, sans qu’il en
soit pénalisé ni en termes d’acquisition La photocopie peut aussi être nécessaire de
(orthographique…), ni en ce qui concerne façon ponctuelle, parce que l’enfant a du retard
dans une activité ou parce qu’il a utilisé son
les documents dont il a besoin pour appren-
tiers temps (cf. p. 64, 66) pour finir un contrôle
dre et réviser.
qui déborde sur l’activité suivante, ou parce que
ayant pris des notes à l’ordinateur, ces dernières
Ceci passe, selon les âges et les fonctions de s’avèrent incomplètes ou trop lacunaires pour
l’écrit, par différentes stratégies qui doivent être utilisables.
être gérées en classe par l’AVS (et, au domicile, Dans ces cas, c’est l’AVS qui doit prendre l’ini-
par les parents) en accord avec l’enseignant. tiative de fournir un document de qualité à
Pour la mise en œuvre de la plupart de ces stra- l’enfant et ce, rapidement, le plus souvent avant
tégies, l’aide ou les conseils pratiques de l’ergo- la sortie du soir.
thérapeute sont très précieux.
Aménager la typographie
Photocopies et la présentation
Il faut bien se rendre compte qu’il ne suffit pas Le document photocopié peut être celui d’un
d’autoriser l’enfant à faire des photocopies, ni camarade, ou bien extrait d’un livre, ou encore
même à les faire exécuter par un tiers qui les ce peut être une photocopie que l’enseignant
donnerait à l’enfant. Du fait de la dyspraxie, et distribue aux élèves.
puisque l’enfant est souvent le seul de sa classe Il faut d’abord toujours en vérifier la qualité de
à utiliser ce procédé, la gestion des photoco- contraste et d’impression (troubles visuels et

96
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école

neurovisuels, cf. p. 122), sous peine de la rendre les ranger, remettre les originaux à leurs pro-
tout à fait inexploitable par notre jeune dys- priétaires), ceci est peu envisageable pour les
praxique : c’est un préalable indispensable. plus jeunes, et dans tous les cas cela reste sous
Ensuite, dans un nombre non négligeable de contrôle attentionnel et donc coûteux. Cette
cas, il faut aménager la présentation du docu- « charge cognitive » est toujours dépensée au
ment, pour en faciliter la lecture par l’enfant : détriment d’une autre activité nécessitant du
découper, encadrer, agrandir, colorier, augmen- contrôle attentionnel. Il faut donc être très
ter les interlignes, ne laisser qu’un paragraphe attentif à ce que ça ne soit pas aux dépens d’ac-
(ou une consigne, une information…) par page, tivité de haut niveau.
etc. (cf. p. 128). En outre, il convient de leur éviter les réticences
que cela suscite souvent : lassitude d’un cama-
Les numéroter, les classer, rade sollicité en permanence pour fournir
les ranger l’écrit de référence (il peut être préférable d’or-
ganiser une permutation entre plusieurs élèves
Cette accumulation de papiers n’a aucun intérêt dont l’écriture est claire sur le plan calligraphi-
si l’adulte ne prend pas un soin extrême à titrer, que et les écrits de bonne qualité sur le plan
numéroter, dater, classer, agrafer puis coller et rédactionnel et orthographique) ; contrariété
ranger toute photocopie produite. de l’enseignant qui n’a pas anticipé tel ou tel
Faute de quoi, nous retrouverons au fond du développement de son cours et auquel on
cartable, déchirées, froissées, en lambeaux, la demande un texte rédigé ; voire incompréhen-
fin d’un cours de géographie, la fiche de voca- sion de celui qui trouve que « tout de même, si
bulaire d’anglais qui devait être apprise pour la l’enfant écrivait durant les cours, il rêvasserait
semaine précédente, des pages de brouillon, des moins » ou « il écrirait mieux » (cf. p. 70) ; ou
encore, devant la photocopieuse, refus de tel
adulte extérieur à la classe et qui ignore la
Il faut toujours être très vigilant à ne pas situation particulière de l’enfant, ou encore
fournir des matériels (ordinateur) ou docu- réflexions sur le quota de photocopies qui est
ments (photocopies) supplémentaires sans dépassé, le prix des cartouches d’encre, etc.
s’être assuré que soit : De plus, sur le plan pratique, il faut que la pho-
• l ’enfant peut leur appliquer, pour un coût tocopieuse soit accessible facilement, car
cognitif acceptable, une procédure efficace lorsqu’il faut en plus se procurer la clé, qui est
(ce qui est rare chez l’enfant dyspraxique) ; dans le bureau du principal ou du CPE…, cela
• un adulte en garantit, de façon stricte et devient vite ingérable pour le jeune.
régulière, la gestion au quotidien. Notre jeune dyspraxique, déjà très insécurisé
et très mal à l’aise avec son statut particulier,
ne doit en aucun cas se confronter à ces situa-
bouts d’exercices, des extraits de cours ou de tions, pourtant bien naturelles : ce sont les
contrôles, dont on ne peut même plus retrouver adultes qui doivent l’aider, lui rendre les aspects
le début ni la fin, ni l’intérêt, ni la date… matériels de la scolarité plus faciles, mettre à sa
Ce n’est en effet que très progressivement que disposition les outils spécifiques dont il a
l’on peut déléguer au jeune une partie de cette besoin, et régler au quotidien les difficultés ou
« maintenance » : c’est pratiquement jusqu’à petites dissensions qui peuvent naître d’une
la fin des études secondaires que ces enfants méconnaissance du trouble et de ses nécessai-
ont besoin d’un important étayage dans le res compensations.
domaine organisationnel (cartable, bureau,
trousse, classeurs…).
Le secrétaire
Enfin, si les plus grands (collège, lycée) peuvent
consacrer une partie de la longue récréation du Selon les cas (la nature et les buts de l’écrit), ce
déjeuner à ces activités (se procurer les origi- peut être l’enseignant lui-même, un camarade
naux, les photocopier, les annoter, les classer et ou l’AVS qui servent de secrétaire.

97
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Ce n’est en effet pas la même chose d’écrire ou bien il tape seul les cinq premiers mots
rapidement en fin de journée sur le cahier de puis l’AVS écrit sous son épellation, etc.) ;
textes les devoirs à faire pour le lendemain, (cf. • ne peut pas faire et que l’on doit faire à sa
p. 67) ou de faire une dictée, ou de répondre à place (par ex., ranger son classeur, écrire les
des questions concernant la leçon d’histoire, ou devoirs à faire sur le cahier de textes, etc.).
de produire une rédaction (cf. p. 50, 56).
Dans le premier cas, peu importe qui inscrit le L’enseignant doit participer à la validation
travail à faire pourvu qu’il soit inscrit et noté au de ces procédures (réunion de PPS, rencon-
bon endroit : de nombreux parents rapportent tres avec les rééducateurs et/ou le SESSD,
que leur premier travail, lorsque l’enfant revient réunion de concertation ou de synthèse), les
de l’école, c’est de téléphoner aux uns et aux présenter positivement et donner explicite-
autres (dont certains finissent par manifester
ment son accord à l’enfant pour leur utilisa-
leur lassitude !) pour savoir ce qu’il y a à faire et
tion ; ensuite, il doit contribuer à les faire
disposer des supports convenables pour effec-
évoluer en fonction des progrès du jeune et
tuer les devoirs.
des contraintes des programmes.
Dans le second cas (restitution d’un savoir,
orthographique ou académique), il est impor-
tant que l’enseignant puisse faire confiance au Oral
tandem « enfant–AVS ». On entend souvent en
effet l’enseignant s’interroger sur qui a réelle- Apprendre, réviser
ment fait la dictée (ou le devoir d’histoire) : Chaque fois que possible, il est très souhaitable
l’enfant ou l’AVS ? Quelle est la part, même de proposer à l’enfant d’utiliser l’oral (pour les
involontaire, d’influence de l’AVS ? A contra- apprentissages, la restitution, les contrôles) en
rio, on entend souvent aussi l’AVS déclarer « je lieu et place de l’écrit.
me tiens en retrait » afin de laisser l’enfant
Apprendre l’orthographe d’une liste de mots en
faire seul, soit pour qu’il « gagne en autono-
vue d’une dictée (cf. p. 53, 129) peut passer par
mie » (cf. p. 91, 115, 151, 165 et 181), soit pour
l’apprentissage par cœur, oralement, des carac-
qu’il puisse être évalué « comme les autres » !
téristiques orthographiques des mots, leur épel-
Dans les deux cas, l’enfant est en porte à faux, il lation, la constitution de listes de mots partageant
a l’impression de tricher (ce qui d’ailleurs lui la même particularité orthographique ou de
est souvent renvoyé par ses pairs : « c’est pas mots de la même famille (phonologique, ortho-
juste, lui, il a quelqu’un qui écrit les réponses à graphique ou sémantique), l’apprentissage par
sa place ! »), de ne pas mériter les bonnes notes cœur de règles et de leurs exceptions, voire même
ou les compliments (cf. p. 73) ; mais en même de moyens mnémotechniques. Les méthodes
temps, la compensation réelle de son handicap habituellement préconisées, telles qu’écrire les
n’est pas assurée, attisant chez lui un sentiment mots à plusieurs reprises, ne sont pas une straté-
d’injustice et de victimisation. gie valide pour les jeunes dyspraxiques.
C’est pourquoi, pour chaque enfant, il est sou- Ceci est vrai aussi des leçons d’histoire, de
haitable de disposer d’une fiche écrite (à join- vocabulaire, de grammaire ou de sciences :
dre au PPS) qui précise très concrètement ce l’enfant peut lire le résumé (ou la trame, ou les
que l’enfant (cf. p. 91) : idées principales, ou le plan détaillé…) à haute
• peut faire seul, comme les autres (par ex., voix et s’enregistrer, puis ré-écouter son propre
apprendre et réciter sa poésie) ; enregistrement à plusieurs reprises.
• peut faire seul après aménagements (par ex., Lorsque l’information initiale se présente sous la
taper les mots de la dictée une fois l’ordina- forme d’un tableau ou d’une carte, d’un graphe
teur et le bon dossier ouverts, la dictée étant ou d’un schéma (cf. p. 150, 156–161), elle doit
réduite d’un tiers de sa longueur) ; préalablement être transformée en une suite
• peut faire avec aide et quelle aide (par ex., séquentielle d’informations verbales, déroulées
l’AVS répète les mots de la dictée à son rythme, en un listing séquentiel, comprenant toutes les

98
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école

informations requises ainsi que les liens ou inter- En effet, souvent l’enfant nous interroge : « est-ce
sections entre ces informations. Ce travail de que je triche si j’écris à l’ordinateur ? que va dire
préparation doit être confié à l’AVS ou, ponc- la maîtresse ? ». Ces interrogations prennent
tuellement et à titre exceptionnel, demandé aux d’autres formes pour les plus grands : « les copains
parents. sont jaloux. J’ai l’impression de tricher à l’exa-
men, surtout avec le secrétaire. Si j’utilise le cor-
Contrôles recteur orthographique, je suis avantagé ». Pour
En classe, pour la restitution des connaissances, d’autres, ces questions sont réglées par un refus
il faut privilégier la dictée à l’adulte, mais il faut de l’utilisation de l’ordinateur ou des adaptations
que l’enfant apprenne progressivement à tra- proposées. Cela est d’autant plus fréquent que
vailler avec un secrétaire. La plupart du temps, l’enfant est proche de la norme, et qu’il lui est ren-
c’est l’AVS qui remplit ce rôle. En effet, l’enfant voyé « qu’avec des efforts, il pourrait y arriver »…
doit être entraîné à dicter à l’adulte, de même Toutes ces questions ne sont pas à prendre à la
qu’il doit l’être à utiliser de façon efficace le tiers légère, car elles tournent toutes autour de la ques-
temps supplémentaire dont il bénéficie souvent. tion de la différence et du handicap.
Enfin, lors de certains contrôles ou de brèves Considérer qu’un enfant qui n’est pas loin de la
interrogations de début de cours, l’enseignant norme peut finalement « y arriver » en l’aidant à
peut aussi quelquefois accepter d’interroger faire « comme les autres », c’est nier ses particula-
oralement le jeune dyspraxique pendant que le rités, son handicap, alors qu’il doit être aidé à faire
reste de la classe compose par écrit. avec (cf. p. 3, 4, 29, 49). Il faut travailler ces ques-
tions à plusieurs niveaux. Les enfants peuvent le
faire à l’aide d’entretiens réguliers avec un psycho-
Conclusion logue ou lors d’un travail psychothérapeutique.
Lors des séances de rééducations, on doit saisir
Lorsque l’on propose des adaptations, on expli- toutes les occasions de faire remarquer à l’en-
que à l’enfant ce qui motive les changements fant ses bonnes compétences dans certains
que l’on apporte par rapport à ce que font ses domaines. Il ne s’agit pas de « trouver tout
camarades de classe. bien », mais de faire prendre conscience à l’en-
Dans le cas du secrétaire, on doit se mettre d’ac- fant des points forts sur lesquels il peut s’ap-
cord avec l’enfant sur les tâches qui sont dévo- puyer, qu’il n’est pas incompétent partout mais
lues à chacun. qu’il peut s’aider de son bon raisonnement pour
L’ordinateur peut se révéler un outil précieux contourner ce qui le met en échec.
dans la scolarité de l’enfant à condition que Parfois les enfants demandent à être accompa-
l’automatisation en soit suffisante et que son gnés pour faire une information en classe quand
acceptation – par l’enfant, les enseignants et les ils se sentent démunis pour répondre aux ques-
parents – soit sincère. Il permet alors de répon- tions des autres enfants ou à leurs moqueries. On
dre aux exigences scolaires. la prépare toujours avec eux (cf. p. 71). Ces dis-
cussions se font ensuite en classe, avec l’accord
Cependant l’ordinateur n’est pas une pana- de l’enseignant sur un temps qu’il aura choisi.
cée : son utilisation ne peut rendre les servi- Il faut souvent beaucoup de temps pour que l’en-
ces escomptés (permettre à l’enfant de faire fant arrive à se sentir à l’aise « avec » sa diffé-
une scolarité à hauteur de ses espérances et rence. Il a besoin de se prouver à lui-même qu’il
de ses capacités) que s’il s’inscrit dans une peut y arriver quand même. La négociation doit
stratégie globale de rééducation, de limita- toujours se faire avec toutes les cartes en main
tion de la production d’écrits et de prise en pour que l’enfant ne cherche pas à se dépasser
charge des tâches qui en découlent (photo- dans des domaines qui, à terme, se révèleront
inefficaces ou inutiles pour lui ou, pire, lui auront
copies, secrétariat, classements et range-
demandé tellement d’investissement qu’il n’aura
ments, suppléances par l’oral, etc.), en
pas pu engager ses forces dans des secteurs qui
concertation étroite avec les enseignants.
lui auraient été indispensables.

99
Compter Chapitre  5
« Comme pour tout objet de pensée, le mode premier d’expression
des nombres est celui des mots. (…) Il importe de se souvenir que
les nombres, tout d’abord, se parlent. »
S. Baruk [59]

Beaucoup de parents et d’enseignants suppo- tions particulières des éléments symbolisant


sent que l’apprentissage de la numération et du les dizaines et les unités, etc., cf. p. 107).
calcul repose uniquement sur les capacités L’apprentissage scolaire de la numération et du
logiques de l’enfant, d’où la croyance sociale- calcul fait donc appel, de façon massive et systé-
ment bien établie que la réussite en mathémati- matique, d’une part aux capacités de traitement
ques reflèterait « l’intelligence », avec son spatial de l’enfant, d’autre part à ses capacités
corollaire que l’échec dans cette discipline praxiques.
serait la marque d’une intelligence médiocre.
Ainsi, l’arithmétique est-elle investie d’une
auréole particulière et les contre-performances C’est dire à quel point les enfants souffrant
de l’enfant dans ce domaine donnent lieu à des de dyspraxie visuospatiale se trouvent litté-
interprétations particulièrement négatives et ralement empêchés d’accéder au nombre,
blessantes.
non du fait de capacités insuffisantes dans le
Or, s’il est vrai que les capacités intellectuel- domaine de l’abstraction, de la logique, du
les, la logique et les capacités de déduction, de raisonnement (ces facultés sont normale-
raisonnement, de classification et catégorisa- ment développées chez ces enfants), mais du
tion (facteur G, cf. note 9, p. 9) sont indispen- fait de leur impossibilité à traiter les aspects
sables pour comprendre et progresser dans ce practo-spatiaux, présentés ou compris comme
domaine, d’autres capacités sont également
inhérents à l’objet mathématique.
sollicitées.
Généralement, la plupart des méthodes d’en-
seignement proposent en effet de commencer Et, lorsque l’enfant échoue dans ces activités
par des activités sensori-motrices – telles que manipulatoires et/ou graphiques, on en déduit
regarder (observer), manipuler, expérimenter –, presque toujours qu’il faut les renforcer puis­
activités visuo-practo-spatiales supposées qu’elles « ne sont pas encore maîtrisées » ou sont
soutenir « l’accès à l’abstraction » et systémati- « en cours d’acquisition » : c’est un domaine où,
quement utilisées comme une base qui serait une fois encore, au nom du bon sens commun, on
indispensable pour amener progressivement risque de proposer sans fin à l’enfant « toujours plus
l’enfant aux concepts visés. L’accès au concept de la même chose qui ne marche pas » (cf. p. 3).
de nombre (ou d’opérations) à l’école est ainsi Nous envisageons la remédiation dans ce
presque toujours médiatisé par la manipula- domaine selon deux axes différents qui, selon
tion de divers matériels (jetons, bûchettes, les enfants (l’importance de leur trouble practo-
etc.) et/ou par des représentations figuratives spatial, leur âge et leur niveau scolaire, « l’ur-
des quantités et des transformations de col- gence » relative d’accéder à telle ou telle
lections (dessins, schémas, flèches indiquant performance pour poursuivre la scolarité…),
les relations entre les divers éléments, disposi- peuvent être proposés soit isolément, soit

101
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

s­ imultanément, plus ou moins mêlés en des Les récents travaux par tomographie d’émis-
proportions variables de l’une ou de l’autre : sion de positrons (TEP) confirment que les
• la première stratégie tente de prendre en représentations mentales que nous construi-
compte la spécificité du fonctionnement intel- sons sont peu dépendantes des stratégies et
lectuel de ces enfants et propose un abord de modalités initialement choisies (figure 5.1,
la notion de nombre (et d’opération) différent cahier couleur central).
et adapté, c’est-à-dire essentiellement adossée Évidemment, pour la population qui nous inté-
au verbal, au linguistique. C’est certainement resse, la question de fond est de savoir si ces jeu-
le choix le plus pertinent pour permettre à ces nes peuvent (ou non) construire ce type de
jeunes d’accéder dans de bonnes conditions représentation. Cependant, pour ceux qui le
au concept de nombre, à la numération et aux peuvent, ces travaux (tout comme la clinique et
premières opérations sur le nombre ; les progrès des jeunes) nous confortent dans
• la seconde stratégie consiste à partir des notre démarche d’utiliser la verbalisation.
méthodes d’apprentissage habituelles, utilisées Les travaux de Stella Baruk [57-59] répondent
en classe. Il s’agit alors de leur appliquer des précisément à ces exigences. Nous ne connais-
aménagements de forme, afin que leur pré- sons pas d’autre pédagogue qui ait travaillé,
sentation soit mieux adaptée aux faibles pos- expérimenté et écrit autant sur les rapports
sibilités de traitements spatiaux de l’enfant entre le nombre et la langue, qui ait analysé
(cf. p. 8). Ce choix ne représente donc qu’un aussi finement les erreurs courantes des enfants
ersatz, mais il reste probablement le plus facile « normaux » face aux stratégies pédagogiques
à mettre en œuvre et à faire accepter en classe, « classiques ». Enfin, elle a formalisé une pro-
en milieu ordinaire. gression pédagogique destinée aux enfants du
primaire Comptes pour petits et grands [59],
dont le sous-titre est particulièrement expli-
Proposer un apprentissage cite : « pour un apprentissage du nombre et de
adossé au linguistique la numération fondé sur la langue et le sens »,
manuels pratiques particulièrement utiles pour
Les connaissances arithmétiques concernent conduire les apprentissages initiaux.
des concepts abstraits, des connaissances for- Bien sûr, nous n’allons pas paraphraser cette
melles, des symboles et des opérations mentales auteure et nous renvoyons le lecteur aux ouvra-
de haut niveau : les manipulations (de jetons, de ges cités, très explicites et très concrets. Nous
bûchettes…) et les représentations figuratives ne présentons ici, et encore très succinctement,
habituellement employées (tableaux, schémas, que certains des principes qui nous semblent
dessins…) ne sont que des stratagèmes utilisés fondamentaux pour les jeunes dyspraxiques.
pour en faciliter l’abord. En aucun cas, ces arti-
fices pédagogiques ne constituent l’objectif La numération : une construction
visé : ils peuvent donc facilement être abandon- linguistique
nés au profit d’autres techniques susceptibles
d’aboutir au même résultat. La numération, son organisation, la place parti-
culière de la base 10 et de la sous-base 5, et les
Or, pour cette population d’enfants dyspraxi- premières opérations sur le nombre reposent
ques, il est logique de favoriser une pédago- sur des instructions verbales, assorties de com-
mentaires qui explicitent clairement la signifi-
gie qui s’appuie sur le sens, qui insiste sur les
cation mathématique de chaque étape de cette
aspects langagiers tout en se dégageant au
construction.
maximum des aspects manipulatoires (praxi-
ques) et visuospatiaux, puisque ces derniers, Ainsi, le tout début de l’apprentissage (nom-
inutilisables pour ces jeunes, ne constituent bres de 1 à 9) s’ancre dans des notions de base
de toute façon pas le fond de l’apprentissage qui doivent être dites, explicitées, assorties
bien sûr d’exemples, d’exercices. Citons, en
mais seulement sa forme de surface…
particulier :

102
Chapitre 5. Compter

• les numéros, ça sert à repérer ; ils sont souvent En ce qui concerne la signification du zéro, elle
déjà écrits (sur les maisons, les autobus, les le présente comme « le chiffre du silence ». Si au
maillots des joueurs…) ; lieu de dire /trente-sept/ ou /trente-quatre/, on
• les nombres, eux, donnent une idée de quan- a besoin de dire /trente/, le zéro marque alors la
tité ; ils servent à se souvenir, imaginer, se place vide, « le silence » :
représenter une quantité ; un nombre, ça sert
à dire « combien de », et quand on peut dire trente …(silence)
« combien de », c’est qu’on a compté ; ↓ ↓
• compter, c’est dire le nom des nombres que 3 0
l’on obtient en partant de un, et en ajoutant
encore un, encore un et ainsi de suite ; Ce n’est qu’ensuite que sont abordés les nom-
• les nombres sont organisés (suite ordonnée bres à deux chiffres tels 10, 20, 70/80/90, joli-
pour la comptine numérique, groupements de ment sous-titrés : « quand les mots ne rendent
5 = une main ou de 10 = les deux mains) ; plus comptes », c’est-à-dire quand on entend
après 9, les mots organisent les nombres en (on parle) autrement que l’on écrit. Un travail
paquets de dix, de cent, de mille et ainsi de explicite est fait pour que l’enfant comprenne et
suite ; engramme ces particularités.
• comme tous les mots, tous les nombres se
lisent et s’écrivent. Mais ce sont les seuls mots Utilisation des configurations
qui ont deux écritures (les lettres et les chif- manuelles
fres arabes : douze ou 12).
La notion de quantité et les premiers calculs
Pour aborder les nombres à deux chiffres, elle
sont étayés par l’organisation des doigts.
conseille d’éviter l’utilisation précoce des ter-
Concernant les jeunes dyspraxiques, il n’est pas
mes « unités » et « dizaines », au profit d’une
possible (ni souhaitable) de leur demander de
compréhension de la signification de ce qui est
produire eux-mêmes ces configurations (gêne
dit. Insistons sur la confusion que peut induire,
fréquente à la dissociation des doigts, fréquents
chez l’enfant, le vocable « unité » : en effet, tout
troubles du schéma corporel et/ou agnosie digi-
peut être unité, y compris des dizaines ou des
tale, difficulté practo-spatiale à reproduire des
centaines. Par ailleurs, une unité peut être la
configurations manuelles ­particulières) ni de les
référence (l’étalon) en matière d’argent (unité
­dessiner (incapacité dans toutes les activités
monétaire = l’euro) ou de mesure (le mètre, le
graphospatiales).
litre…), etc.
Outre le recours aux configurations manuelles
(cf. p. 104), S. Baruk exploite avec constance les Mais ces jeunes peuvent parfaitement choisir
relations entre : entendre/dire ←→ dire/écrire : et utiliser des cartons figurant ces configura-
tions. Ces représentations analogiques sont
trente sept très importantes pour soulager la mémoire
↓ ↓ de travail, faciliter le calcul mental, la signi-
3 7 fication des opérations (ajouts, retraits) et
celle des retenues lors des premiers calculs.
où le « tr… » qui s’écrit 3 vaut 30 (3 fois les deux
mains) et le 7 « dit la vérité », c’est-à-dire qu’il Nota bene : la suite des mots-nombres, dans
représente bien sept éléments (bien sûr, le 3 ne cette représentation, se fait toujours à partir du
« ment pas ! Mais il dit autre chose que 3 « uns »). petit doigt et dans le sens de la lecture (de gau-
On analyse les nombres à deux chiffres en che à droite ou, pour les enfants qui nous occu-
disant que le premier chiffre, qui dit les « paquets pent, du vert vers le rouge ; cf. p. 80, 112 et 149,
de 10 » s’appelle une dizaine, alors que le second 151)  : à ce stade, les difficultés d’orientation
chiffre dit les « uns » (« la vérité »). droite/gauche propres à la numération arabe

103
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

sont donc en partie levée, puisque tout ce qui dire, par exemple, que le nombre 57 est organisé
s’écrit (lettres ou nombres en écriture arabe) en 5 paquets de 10 (5 fois les deux mains), ce qui
s’écrit de gauche à droite (figure 5.2). s’écrit avec un « 5 qui vaut 50 » ; et d’un 7, qui lui,
Le fait de lire (les « paquets de 10 » ou les confi- est un « vrai 7» (il dit « la vérité » car il vaut 7).
gurations de 10 représentées par les deux mains) Cette formulation évite de caractériser « les
en commençant par le haut est une aide majeure unités » comme le chiffre écrit à droite (ou
pour les jeunes qui nous occupent ici (figure « du côté de la porte » !) ; elle conduit à une
5.3a). Pour la lecture/écriture des nombres à écriture correctement spatialisée simplement
deux (ou plusieurs) chiffres S. Baruk propose de en écrivant les chiffres selon les conventions

Trois Huit
Deux Quatre Sept Neuf

Un Dix
Cinq Six

UN DIX

Figure 5.2. Configuration manuelle et comptage.

1. Tu as vu avec les étiquettes que pour additionner


trente-deux et vingt-cinq

3 2 + 2 5
on les avait mis côte à côte pour figurer leur somme.

2. Pour savoir
« combien ça fait ».
il suffit de disposer
les étiquettes
comme d’habitude,
les « dix » ensemble,
et les « uns » ensemble.

et on trouve : 5 7

5 et 7
a qui vaut 50 qui « dit la vérité » b

Figure 5.3. Utilisation des configurations de doigts pour de petites opérations sur le nombre.
a. Ici, réalisation de 50 + 7.
b. Ici,réalisation de 32 + 25.
Extrait de Baruk S. Comptes pour petits et grands : pour un apprentissage du nombre et de la numération fondé sur la
langue et le sens. Volumes 1 et 2. Paris : Magnard ; 2003.

104
Chapitre 5. Compter

propres à l’écriture et dans l’ordre (séquen- Ambiguïté opération/calcul


tiel) où on les considère, ce qui reflète leur
ordre de grandeur (le 5 qui vaut 50, puis le 7 En français, le terme d’opération a une double
qui vaut 7). signification qui peut induire, chez certains, des
confusions de sens. On parle en effet d’opéra-
Cette façon de travailler permet non seule- tion soit pour faire référence à l’opération men-
ment de lire et écrire les nombres à deux chif- tale (décider que, dans tel cas, il s’agit d’un ajout,
fres, de comprendre la réelle signification de d’un retrait, d’un partage…), soit pour évoquer
chaque chiffre sans référence explicite à sa la procédure qui permet de trouver le résultat
position spatiale (à droite de ou à gauche de) chiffré de l’opération mentale préalable (addi-
au sein du nombre, mais aussi de soutenir les tion, soustraction, multiplication, division).
premières opérations (après bien sûr en avoir
expliqué la signification) et d’effectuer de La décision – le choix de l’opération adéquate
petits calculs mentaux : ainsi, l’exemple ci- en fonction du problème soumis – est de l’or-
dessus (figure 5.3a) peut être conçu comme dre de la réflexion, de la logique, du raisonne-
l’ajout de 7 à 50, ou la réalisation de l’addition ment : c’est bien évidemment cet aspect
50 + 7. Là encore, S. Baruk utilise « ce qui s’en- conceptuel qui est recherché lors de la résolu-
tend », en attirant explicitement l’attention tion de problèmes, la compréhension de la
sur ces nombres déjà organisés en sommes, signification des transformations et des opéra-
oralement, puisque /cinquante-sept/, c’est tions mentales en jeu (cf. p. 112).
cinquante et sept ou 50 + 7. L’exécution du calcul, dite encore technique ou
Simultanément, un travail systématique est procédure de calcul, peut être conduite de mul-
consacré à la connaissance des doubles, des tiples façons. Selon la nature du calcul à effec-
nombres pairs et impairs, des petits ajouts… tuer et les nombres à manipuler, telle ou telle
stratégie peut être plus appropriée, plus prati-
Lorsque additionner nécessite un calcul (figure que ou plus rapide, mais… seul le résultat
5.3b : 32 + 25 = ?), elle propose d’utiliser la compte ! On peut ainsi trouver « combien ça
représentation organisée « en mains et doigts ». fait » par calcul mental, par une procédure
Quelle que soit la présentation (y compris lors spatiale de pose et l’application d’algorithmes
d’une pose de l’opération en colonnes), le calcul spécifiques (inaccessible aux jeunes dyspraxi-
consiste toujours à mettre « les dix » ensemble ques), par un calcul dit « réfléchi », etc. Le
et « les uns » ensemble (cette formulation évite calcul peut aussi ne pas être effectué du tout –
encore tout recours à une représentation d’abord exemple : P = 2 (L + l) – ou… être délégué à
spatialisée, comme le fait d’en référer à la notion une calculatrice.
de « colonnes »).
Nous citons de nouveau Stella Baruk pour cla-
Enfin, le problème de la retenue, née « du choc rifier cette distinction [59] :
de deux calculs », est abordé : il arrive en effet
que « les uns » lus ensemble dépassent dix…
« Une opération est la mise à exécution
Pour des calculs plus complexes ou sur de plus d’une décision : celle qui consiste, à partir
grands nombres, on utilise soit une aide infor- de deux nombres, à en constituer un
matisée à la pose des opérations (cf. figure 7.8, troisième, qui lui, est supposé répondre à la
cahier couleur central), soit (de préférence) une question préalablement posée. (…)
calculette. Le “combien ça fait” peut, si on le souhaite,
être confié à une machine qui exécutera
Utilisation de la calculette docilement les ordres. Cette machine,
habile à trouver “combien ça fait” s’appelle
L’expérience montre que faire accepter à l’école une calculette et a donc pour fonction
l’utilisation précoce et systématique de la calcu- d’effectuer des calculs. (…)
lette pour les enfants dyspraxiques reste encore D’abord, l’opération/décision et ensuite, s’il
très problématique. Divers types d’arguments est possible et souhaitable de l’effectuer, le
peuvent rendre compte de son refus à l’école calcul. (…) Autrement dit, une fois que l’on
primaire. a, soi, opéré, décidé d’appuyer sur une

105
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

touche (+, −, ×…), ce que la machine ne Les objectifs à atteindre par les élèves et les
saurait faire toute seule, on peut alors lui contenus à enseigner par les enseignants sont
donner l’ordre de calculer. » fixés par les « programmes » et s’imposent à
tous. « En revanche, le maître est pleinement res-
ponsable du choix des méthodes pédagogiques
Valeur pédagogique de la pose qu’il va utiliser pour aider les élèves à maîtriser
des opérations les objectifs prévus dans les programmes. »38.
De nombreux enseignants disent utiliser les Les jeunes dyspraxiques, eux, ne peuvent tirer
procédures de calcul (algorithme de résolution profit de ce type d’entraînement, du fait de leur
de l’opération) pour enseigner le principe de handicap spatial : ils doivent donc en être
position de la numération arabe (grâce aux ali- dispensés.
gnements en colonnes des unités, dizaines, cen-
taines…) et/ou pour expliciter le principe de la Ces impossibilités, directement en rapport
retenue. Pourtant, l’expérience montre que la avec la nature du handicap, doivent être
plupart des enfants (et des adultes !) utilisent
­clairement notifiées aux enseignants (et aux
avec succès ces procédures sans toujours en
­rééducateurs39) par les médecins ou le neuro-
comprendre la signification ni les raisons sous-
psychologue, explicitement notées dans le
jacentes.
PPS puis prises en compte lors de la prépara-
D’ailleurs, dans d’autres pays, d’autres disposi- tion des adaptations à prévoir pour les éva-
tions spatiales et d’autres algorithmes spatiaux luations nationales et les examens.
sont utilisés pour effectuer les calculs (pour
résoudre une addition, une multiplication, une
division, etc.), et il n’a jamais été fait mention D’autant que, comme presque toujours dans les
que les enfants de ces pays présentent des diffi- adaptations liées à la dyspraxie, il s’agit d’adap-
cultés spécifiques et/ou durables pour accéder à ter la forme (la technique, la procédure, la
la numération écrite en chiffres arabes, au sys- méthode : ici, l’exécution du calcul, du « com-
tème décimal ou à la signification des rete- bien ça fait ») et non le fond (la notion, le
nues… De ce fait, il est fort douteux que telle ou concept : ici la compréhension de l’organisation
telle procédure ait des vertus pédagogiques de la numération, sa signification et les opéra-
particulières, qu’il s’agisse de la pose des opéra- tions sur les nombres) qui reste l’objectif visé.
tions « en colonnes », en lignes ou autre.
L’impression de « favoriser »
Mais, pour des enfants souffrant de troubles l’enfant dyspraxique
ou d’anomalies ou de déficits des traitements
L’enseignant signale souvent combien il est lui
spatiaux, ce sont évidemment les stratégies
difficile, au sein du groupe–classe, de gérer un
verbales et logiques décrites par S. Baruk qui traitement spécial pour l’enfant dyspraxique,
sont les plus appropriées, ou le contourne- souvent pensé comme « un traitement de faveur ».
ment (calculette). Les autres enfants de la classe, eux, ne sont pas
autorisés à utiliser la calculette et doivent appli-
Instructions officielles quer (souvent laborieusement et avec de nom-
breux risques d’erreurs) les techniques opératoires
Les programmes scolaires sont clairs : « la maî- dont le jeune dyspraxique est dispensé. De ce
trise d’une technique opératoire pour chacune fait,  cette permission d’utiliser la calculette est
des quatre opérations est indispensable ».
Certes, pour les enfants tout-venant pour les-
quels les programmes sont conçus… Cependant,
38 Guide des parents publié par l’Éducation natio-
pour les jeunes dyspraxiques, du fait du nale pour la rentrée de septembre 2008.
­handicap spatial dont ils souffrent, cet objectif 39 En particulier si une orthophoniste – ou tout autre
est non seulement inatteignable mais surtout rééducateur – est chargé de rééduquer les troubles
sans signification ni utilité. du calcul.)

106
Chapitre 5. Compter

souvent vécue par tous (l’enseignant, les camara- là encore, si on s’adresse à ces enfants dyspraxi-
des de classe, l’enfant dyspraxique) comme une ques, non seulement cette stratégie n’est pas
injustice ou la marque d’un favoritisme. L’enfant motivée (le sensori-moteur, l’expérientiel, le
lui-même traduit cet état d’esprit en disant qu’il a « concret » ne sont pas, pour eux, un support
l’impression de « tricher » (cf. p. 72, 99). pertinent à leur réflexion, à la conceptualisa-
tion, à l’abstraction), mais pour eux ce choix
Des explications simples, claires et précises méthodologique est nocif, délétère : les « ensei-
doivent donc être dispensées tant auprès de gnements » que ces jeunes dyspraxiques tirent
de ces expériences détruisent ou parasitent leur
l’enfant lui-même que des adultes (ensei-
réflexion, et constituent alors pour eux, au
gnants, rééducateurs, parents) et de ses cama-
contraire, un obstacle à leurs apprentissages.
rades de classe : il s’agit, pour lui, de la
compensation de son handicap (et non d’une Nous envisageons ici certains moments clés de
quelconque « tolérance » ou d’un passe-droit). cet apprentissage numérique (notion de nom-
bre, numération et opérations sur le nombre),
qui en réalité s’interpénètrent. En fait, ce sont
En résumé : surtout les activités le plus souvent proposées
D’une façon générale, chaque fois que possible, aux enfants pour mettre en place ces acquisi-
il faut choisir des stratégies raisonnementales tions qui nous intéressent. Nous devons
verbales, dégagées au maximum des traitements y  débusquer toutes les sollicitations visuo-
visuospatiaux et/ou practomoteurs, peu ou non practo-spatiales, explicites ou non ; concevoir
accessibles. Lorsque ces derniers s’avèrent des aménagements qui minimisent ces exigen-
cependant incontournables, il faut selon les cas, ces en traitements spatiaux et praxiques, afin
soit prévoir des aménagements qui en facilitent d’en faciliter l’accès aux enfants DVS ; et ce,
l’accès au jeune dyspraxique, soit en dispenser sans que cela affecte la signification fondamen-
l’enfant. tale de l’apprentissage, le concept développé,
l’objectif visé par l’activité telle qu’initialement
prévue.
Aménager les aspects
visuopraxiques En maternelle : les activités
« pré-mathématiques »
Ce n’est pas un hasard si les méthodes habituelle-
ment utilisées par les pédagogues valorisent tant Dès la moyenne section mais surtout en grande
la manipulation et les aspects visuospatiaux, à tel section de maternelle, on rencontre différentes
point que certains ont pu croire que c’était là l’es- activités dites « pré-mathématiques », centrées
sence même du « savoir compter ». En effet, les soit sur les opérations logiques (classification,
enfants tout-venant – du moins dans leur sériation, combinatoire), soit sur le nombre (la
immense majorité – sont normalement très per- comptine, le lien entre le mot–nombre, la quan-
formants dans les activités visuospatiales et ce, tité qu’il désigne et son écriture, travail habi-
bien avant de l’être dans les activités logiques tuellement limité aux premiers nombres,
et/ou langagières : la population des enfants dys- jusqu’à 10–15 ou 20).
praxiques (surtout ceux qui présentent des trou-
bles des traitements spatiaux) constitue donc une Opérations logiques
minorité qui contredit l’expérience commune. Sériation
Pour tous les pédagogues et les éducateurs, On propose souvent aux enfants de mettre en
manipuler est considéré comme un moyen ordre du matériel, par exemple une série de
ludique qui permet progressivement à l’enfant, bûchettes de tailles croissantes. Or, les enfants
par l’expérimentation, d’extraire des régulari- qui présentent des troubles du regard ont sou-
tés, de comprendre les relations entre collec- vent de grandes difficultés à apprécier les
tions ou entre nombre et quantité, de passer du tailles relatives des objets et ce, d’autant que
concret à l’abstrait, du perceptif au conceptuel : ces différences sont minimes. Par ailleurs, ils

107
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

ont beaucoup de difficultés à aligner les origi- S’il s’agit d’ôter un intrus dans un regroupement
nes : de ce fait, ces exercices leur sont inacces- déjà existant, il faut s’assurer que l’enfant a bien
sibles. Paradoxalement, il leur est plus facile exploré du regard l’ensemble des éléments pré-
de sérier… les nombres (!) que n’importe quel sentés (objets, images, dessins disséminés sur
autre matériel qu’il faut ensuite organiser spa- une page…), aussi bien pour en déduire la caté-
tialement. De ce fait, l’activité ne répond à gorie déjà construite que pour repérer l’intrus.
aucun objectif d’apprentissage chez ce type Sinon, il faut adapter la présentation du matériel,
d’enfant. s’assurer de la stratégie d’exploration visuelle ou
Cependant, si on souhaite absolument qu’ils la faciliter (suivi du doigt, repérage grâce à des
participent au même type d’activités que les couleurs, description verbale ou dénomination
autres enfants de la classe, ils peuvent éventuel- successive de tous les éléments…).
lement sérier des œufs (ou des cubes) gigognes, Enfin, rappelons que toutes les épreuves dites
objets moins « linéaires » dont ils apprécient « de facteur G » sollicitent ces mêmes capacités
mieux, visuellement, les proportions relatives. à classer et catégoriser (cf. note 9, p. 9), et que
celles qui utilisent un matériel verbal sont net-
Classification tement plus pertinentes pour les enfants pré-
On demande aussi fréquemment aux enfants sentant une dyspraxie visuospatiale.
de classer divers matériels selon différents cri-
tères (couleur, forme, taille s’il s’agit de matériel Combinatoire
type « plaques logiques », ou animaux versus Ces tâches sont généralement proposées sous
légumes, animaux de la ferme versus animaux forme de tableau à double entrée. Le repérage de
du zoo, etc.). l’endroit précis (case, point d’intersection), où
Ces exercices ne comportent pas de difficultés une ligne donnée et une colonne donnée (ou une
particulières pour les enfants souffrant de dys- abscisse et une ordonnée) se recoupent, est sou-
praxie visuospatiale, du moins s’ils ne sont pas vent très difficile à réaliser pour l’enfant qui est
présentés sous des formes graphiques qui leur atteint de troubles du regard, voire impossible.
en interdisent l’accès : tableaux à double entrée, Ainsi, l’opération mentale que constitue la com-
tracés de traits enchevêtrés impossibles à suivre binatoire peut être réalisée en proposant soit :
des yeux ni du doigt… (figure 5.4). Dans ces cas, • des jeux n’utilisant pas de tableaux, de lignes,
il convient d’aménager la présentation de ces ni de repérage de coordonnées (ex. : habiller le
exercices (éviter la mise en relation via des flè- petit ours de toutes les façons possibles en
ches, des traits intersectés…) ou de les proposer disposant de tee-shirts, de pantalons, de
oralement. chaussures de différentes couleurs) ;

Sur quel littoral se trouvent les villes suivantes? Tu relies.

Marseille
La Rochelle Mer du Nord
Caen
Montpellier Manche
Biarritz
Cannes Océan Atlantique
Calais
Nice Mer Méditerranée
Figure 5.4. Une présentation inadaptée sur le plan visuospatial.

108
Chapitre 5. Compter

• des combinatoires à partir d’éléments verbaux Or, dans ces conditions, plus l’enfant compte et
(comme dans le jeu « qui est-ce ? » : les person- dénombre, plus il trouve des résultats différents
nages possèdent – ou non – certains attributs pour une même collection d’objet : il ne peut ni
qui sont énoncés verbalement, tels que les contrôler ses erreurs, ni en apprendre quoi que
lunettes, la moustache ou un chapeau, diver- ce soit.
sement combinés chez les différents person-
nages présentés). En effet, il ne s’agit pas d’erreurs d’étourde-
rie ni d’une mauvaise compréhension de la
Numération et nombres procédure de comptage (cette interprétation
Comptage et dénombrement ne conduit qu’à poursuivre les comptages, à
faire « toujours plus de la même chose qui ne
Pour être pertinent et aboutir à un nombre car-
dinal qui qualifie précisément une ­collection, le marche pas »), il s’agit d’un handicap qui
comptage doit répondre à différents critères consiste en une exploration visuelle anarchi-
dont le premier concerne le fait de regarder et que du matériel.
désigner (du doigt, du regard, en barrant, en
coloriant, en déplaçant) chaque élément de la Il faut donc soit :
collection une fois et une seule, sans oubli
• proposer des comptages en relation indivi-
aucun.
duelle (parents, AVS, rééducateur, tutorat par
C’est là une des grandes difficultés des jeunes dys­ un autre élève…) en s’assurant que tous les
praxiques qui souffrent de troubles du regard40 : éléments de la collection sont bien désignés
leur regard parcourt la collection de façon désor- une fois et une seule et sans oubli ;
ganisée, aléatoire, anarchique. C’est ainsi que
• renoncer à ce type d’activité.
certains éléments sont comptés à plusieurs repri-
ses (il est facile d’y remédier en « marquant » les Si l’on veut que l’enfant dispose d’une représen-
éléments déjà comptés : les déplacer, les entourer, tation analogique pour les petites quantités, on
les barrer, les colorier…), alors que d’autres ne peut utiliser les représentations prototypiques
sont pas vus et donc oubliés (il n’y a aucun moyen telles celles des dés, des dominos et les configu-
de pallier ces oublis, sinon de conduire chaque rations manuelles (cf. figures 5.2 et 5.3), du
comptage avec l’enfant). moins si on les utilise en reconnaissance et non
Par ailleurs, du fait de la nature aléatoire des en production par l’enfant (cf. p. 103) : l’enfant
doubles comptages et oublis, chaque nouvel essai dyspraxique doit disposer de cartons où ces
conduit l’enfant à un résultat différent, ce qui est différentes configurations sont dessinées, car-
exactement l’inverse de l’objectif de ce type d’ac- tons qu’il utilise et choisit en fonction de ses
tivité (qui est de faire prendre conscience à l’en- besoins. L’enfant dispose alors, pour ces petits
fant de l’invariance du nombre !). nombres (mais aussi pour la base 10 et la sous-
base 5), d’un référent analogique facilement
D’autant plus que, lorsque l’enfant dénombre de
exploitable.
petites quantités (ce qui est souvent le cas en
maternelle ou en début de primaire), un double
comptage peut compenser un oubli, donnant Bien sûr, ces représentations doivent être
un résultat exact, confortant à tort l’adulte dans associées à une quantité donnée d’un seul
l’idée que l’enfant est étourdi ou que la procé- coup d’œil, sans en recompter les éléments
dure est « en cours d’acquisition ». un à un (sinon, on reproduit les difficultés
liées au comptage).

40 Ces difficultés concernent tous les enfants dyspraxi- Leurres perceptifs


ques qui souffrent de troubles du regard, mais elles
Le travail sur le principe d’ordre indifférent, les
ne sont pas spécifiques : en effet, d’autres enfants
souffrant d’autres types de troubles (troubles épreuves piagétiennes d’invariance du nombre,
visuo-attentionnels ou syndromes dysexécutifs…) les leurres perceptifs consistent en comparai-
peuvent présenter des difficultés très semblables. son, évaluation et/ou comptage de collections

109
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

diversement agencées. L’objectif est de faire


constater à l’enfant que le cardinal d’une collec- 43
tion donnée est stable, invariant, indépendant
de l’apparence figurative, de la disposition spa-
tiale, de la surface ou du volume occupé par la 18
collection. Figure 5.5. Écritures de chiffres en « miroir ».
Ce type d’exercice est proposé aux enfants
« normaux » parce que ces derniers sont perfor-
mants sur le plan visuospatial et ce, bien avant En CP/CE
d’être performants sur le plan conceptuel et
numérique. Il s’agit donc de prendre en compte Instructions officielles
leurs « évidences » visuospatiales précocement Les instructions officielles sont assez précises :
et solidement construites (deux collections qui • nombres et calcul : « Les élèves apprennent la
occupent la même « surface », disposées en numération décimale inférieure à 1 000. Ils
« terme à terme », sont perceptivement égales), dénombrent des collections, connaissent la
et de les inciter à s’en dégager pour différencier suite des nombres, comparent et rangent. Ils
clairement le visuospatial (la configuration ou mémorisent et utilisent les tables d’addition et
l’espace occupé par la collection) du numérique de multiplication (par 2, 3, 4 et 5), ils appren-
(le cardinal de la collection). nent les techniques opératoires de l’addition et
Or, du fait de leur trouble du regard et/ou du de la soustraction, celle de la multiplication et
déficit (constant) du développement de leurs apprennent à résoudre des problèmes faisant
fonctions spatiales, les enfants DVS ne intervenir ces opérations. Les problèmes des
construisent absolument aucune certitude ni groupements et de partage permettent une
apprentissage pertinent par voie visuospatiale première approche de la division pour des
(dont ils ne retirent que des informations aléa- nombres inférieurs à 100. L’entraînement quo-
toires, fluctuantes et imprévisibles) : il est tidien au calcul mental permet une connais-
donc tout à fait paradoxal de tenter d’utiliser sance plus approfondie des nombres et une
ces fonctions, inefficaces chez eux, pour familiarisation avec leurs propriétés. » ;
ensuite les inciter à les distinguer des concepts • grandeurs et mesures : « Les élèves appren-
numériques. nent et comparent les unités usuelles de lon-
C’est pourquoi cette classe d’exercices n’a guère gueur (m et cm ; km et m) de masse (kg et g),
de justification chez l’enfant dyspraxique, chez de contenance (le litre) et de temps (heure,
lequel il faut toujours préférer un apprentissage demi-heure), la monnaie (euro et centime
centré d’emblée sur le nombre. d’euro). Ils commencent à résoudre des pro-
blèmes portant sur des longueurs, des masses,
Lecture et écriture des chiffres des durées ou des prix. » ;
• La lecture des chiffres arabes ne pose pas de • organisation et gestion des données : « L’élève
problème particulier à l’enfant dyspraxique. utilise progressivement des représentations
• Leur écriture est souvent grossière et maladroite usuelles : tableaux, graphiques. »41
(comme l’ensemble du graphisme manuel),
avec de nombreuses graphies en miroir, sans Nombres et calcul
que cela n’en perturbe la lisibilité (figure 5.5). Suite orale des mots–nombres
Il faut simplement veiller à ce que cela n’induise La suite des mots–nombres (acquise progressi-
pas d’ambiguïté (par ex., entre le 1 et le 7 : on vement entre 3 et 5–8 ans) est précocement
peut apprendre aux enfants à réaliser le 7 avec connue pour les premiers nombres de 1 à 10,
une barre horizontale pour bien le différencier).
En effet, initialement, il y a peu de bénéfice à 41 Guide des parents, votre enfant à l’école, CP–CM2
utiliser le clavier d’un ordinateur pour l’écri- publié par l’Éducation nationale pour la rentrée
ture des chiffres et des nombres. de septembre 2008.

110
Chapitre 5. Compter

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 Etc ...

Figure 5.6. File numérique.

puis souvent jusqu’à 20, sous forme d’une réci- Exemple


tation automatisée (une litanie, une comptine). Si l’enfant présente une faible mémoire de
En français de 1 jusqu’à 17, cette suite orale est travail ou si la dyspraxie est associée à un
tout à fait opaque puisqu’il s’agit de mots diffé- syndrome dysexécutif, ce travail doit être
rents et arbitraires, suite au sein de laquelle le soutenu simultanément par la présentation
terme « dix » n’occupe même pas une place par- de la file numérique écrite (figure 5.6),
ticulière. Il en est de même en ce qui concerne assortie éventuellement d’aides de couleurs.
le nom de la seconde dizaine (vingt). Mais Dans ces cas, il est important que cette suite
ensuite, le nom des dizaines suivantes est direc- puisse être séquencée (sinon l’enfant s’y
tement dérivé du nom de la pile correspondante perd).
(trois dizaines →  trente ; quatre dizaines →
quarante ; cinq dizaines → cinquante; etc.). Les
irrégularités des séries « soixante-dix », « qua- Organisation de la numération écrite
tre-vingts » et « quatre-vingt-dix » peuvent être La numération écrite en chiffres arabes
soit contournées (en utilisant initialement la (contrairement à la comptine orale) met expli-
terminologie belge : septante, octante, nonante), citement en évidence la base 10 et est construite
soit explicitées : soixante + 10 → soixante-dix régulièrement, sans aucune exception. Elle est
(logique !) ou septante ; septante + 10 → octante donc d’un soutien très important pour permet-
ou quatre paquets de vingt → quatre-vingts, tre la compréhension de l’organisation du sys-
etc. (cf. p. 103). tème numérique. Mais elle est généralement
Lorsque la dyspraxie est isolée, l’enfant dispose de présentée sous forme d’un tableau à double
bonnes capacités verbales et mnésiques, il apprend entrée dit « tableau cartésien ».
rapidement cette comptine orale des mots–­ Or, c’est justement cette présentation (tableau à
nombres. Il peut aussi comprendre (apprendre) double entrée [cf. tableau 7.4 p. 160]) qui met en
que les nombres qui sont dits « avant » dans la lita- difficulté beaucoup d’enfants dyspraxiques, qui
nie sont plus petits que ceux qui sont dits « après ». ne peuvent suivre des yeux (ni du doigt) une
Dans la mesure où l’on peut anticiper les ligne et/ou une colonne et encore moins cibler
­difficultés ultérieures, il est fondamental de la case (ou le point) précis de leur intersection
conduire (dès la maternelle) un apprentissage (cf. p. 108 et figure 5.4).
systématisé et très solide de cette suite numéri- C’est la raison pour laquelle il faut préférer l’as-
que orale, qui servira de base ultérieure pour sociation d’explications et d’apprentissages
compenser (partiellement) les difficultés de oraux et l’utilisation de la file numérique écrite
l’enfant : automatisation de cette suite le plus (figure 5.6 et encadré 5.1).
tôt et le plus loin possible, exercices favorisant
l’habileté à s’y déplacer virtuellement (à partir
d’un nombre donné on avance ou on recule42,
Par contre, chercher à tout prix à leur don-
on compte de 2 en 2, de 5 en 5, de 10 en 10, etc.),
ner des repères « spatiaux » ne constitue ni
ce qui prépare à la fois un travail systématique
de calcul mental puis l’utilisation raisonnée de une aide ni une rééducation : cela ne fait
la file numérique écrite (figure 5.6). qu’ajouter à leur confusion.
Ainsi, on entend fréquemment des enfants qui
déclarent : « les unités, c’est le chiffre qui est du
42 Aller à rebours n’est jamais automatisé et réclame côté de la porte », enseignement dont on peut
donc de très bonnes compétences en mémoire de douter d’une part de la fiabilité, d’autre part de
travail et un excellent contrôle de l’administrateur
la signification mathématique !
central.

111
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Ce matériel va servir de support pour lire et


Encadré 5.1
Utilisation de la file numérique écrire les nombres, les comparer (le plus grand
(normalement en couleurs ou le plus petit, plus petit que ou plus grand
pour en faciliter la lecture) que, N de plus que ou N de moins que, etc.),
Cette file (qui peut être très longue, et alors encadrer un nombre, effectuer de petites opéra-
soit enroulée, soit segmentée…) est scotchée tions d’ajouts ou de retraits.
sur le bureau de l’enfant.
Limites : cette présentation présente l’incon-
vénient majeur de ne pas marquer (visuelle- Lecture/écriture des nombres
ment, par la disposition spatiale) la réitération
des dizaines, le rôle fondateur de la base 10 C’est qu’à partir du moment où la position des
dans cette construction. On peut alors : chiffres dans le nombre devient significative
u marquer (par la couleur) et expliciter clai- que ces enfants sont notablement gênés, soit
rement la place du 10 et son rôle dans l’orga- ils ne peuvent interpréter la position relative
nisation des nombres ;
de chaque chiffre dans le nombre (120, 201,
u marquer d’une couleur différente, sur la 210, etc.), soit il s’agit de miroirs droite/gau-
suite écrite des nombres en chiffres arabes,
les chiffres qui « disent la vérité » (et repré-
che (172 et 271). C’est pourquoi ils doivent
sentent les unités) et ceux qui disent les être aidés d’emblée par des stratégies de ver-
dizaines, les « paquets de dix » (cf. p. 103). balisation (cf. p. 102) et des systèmes de colo-
Intérêts : l’enfant peut s’y référer pour y risation (cf. p. 80, 149).
« avancer ou reculer » linéairement (éven- La difficulté persiste cependant dans la lecture
tuellement en s’aidant, pour décider de la
et l’écriture des grands nombres et/ou le place-
direction de ses déplacements, des repères
de couleurs rouge et verte marqués sur sa ment des zéros intercalés, car cela nécessite en
table), ou pour faire de petits ajouts (3 + 2 : effet de pouvoir traduire la signification de
« à partir de 3, j’avance de 2 cases et j’arrive chaque chiffre en une organisation spatiale
sur le 5 ») ou de petits retraits (12 − 5 : « à par- rigoureuse.
tir de 12, je recule de 5 cases et j’arrive sur le
7 »). Noter l’importance de placer le 0 en tout En début de scolarité, pour les petits nombres
début de file : si, à partir de 3, je recule de (je (ou ceux qu’il peut maîtriser facilement), on
retranche) 3, j’obtiens 0. On peut aussi facile- peut demander à l’enfant de dire le nombre qui
ment faire remarquer qu’en ajoutant 1, on
est écrit par l’adulte (en utilisant le code cou-
tombe sur le successeur immédiat du nombre
et qu’en opérant ainsi de manière itérative, leur). Par exemple pour 53 : un trois rouge (ou
on construit la suite des nombres, ou encore, « un trois qui dit la vérité », cf. p. 103) et un
que si à partir de 4, j’avance de 3 puis je cinq vert (« qui vaut 50 ») ou pour 503 : un trois
recule de 3 (je recule d’autant), je me rouge et un cinquante vert, qui « vaut
retrouve sur la case du départ, etc.
50  paquets de dix », soit 500. On peut égale-
ment proposer des programmes adaptés sur
Le repère de couleur donne immédiatement au l’ordinateur, qui disposent automatiquement
jeune dyspraxique un indice fiable et facile- les couleurs et les chiffres successifs de droite
ment utilisable sur la signification du chiffre à gauche (cf. p. 148, 149).
puisqu’il est explicitement corrélé à la significa-
tion numérique du chiffre dans le nombre. Il ne
s’agit donc pas là d’un détail, mais bien d’une Opérations sur les nombres
indication majeure dont l’enfant ne peut se Il faut ici clairement distinguer (cf. p. 105) :
passer. • l’opération mentale : c’est l’aspect intellec-
tuel, qui permet de conceptualiser la nature
C’est pourquoi il est capital que le code couleur de la transformation en jeu dans le prob­
adopté soit constant, afin d’utiliser les auto­ lème posé, en termes d’ajouts, de retraits, de
matismes (le conditionnement) déjà acquis en partage, de distribution, etc., c’est-à-dire en
­termes d’opérations mentales qui, secondaire­
langage écrit. Il faut en outre que ce code cou-
ment sont traduites en opérations mathéma-
leur soit respecté par tous, en particulier tout
tiques (addition, soustraction, multiplication,
au long des années scolaires successives.
division) ;
112
Chapitre 5. Compter

sur-­utilisées (dessins, schémas, représentations


Cet aspect ne pose aucun problème particu-
figuratives illustrant des expérimentations) : la
lier aux enfants dyspraxiques, pour autant
présentation, pour être attrayante pour l’ensem-
qu’on ne surcharge pas leur réflexion par des ble du jeune public, propose souvent des che-
manipulations et/ou des représentations vauchements entre les différents exercices, des
figuratives et spatiales intempestives qu’ils bulles qui évoquent celles des bandes dessinées,
ne peuvent interpréter, qui les parasitent et des flèches pour mettre en relation différents
perturbent gravement leur réflexion. éléments d’une même page, etc. Ces feuillets
surchargés sont inutilisables pour la plupart des
• la procédure opératoire, le calcul proprement enfants dyspraxiques, qui ne peuvent souvent
dit, qui permet, par une stratégie particulière, même pas repérer l’entièreté des explications ou
de trouver le résultat de l’opération, « com- de l’exercice, ni où sont les parties laissées vier-
bien ça fait ». ges pour qu’ils écrivent la réponse !
Ces procédures peuvent consister, selon le type
de calculs à réaliser, en : Il faut donc d’abord proposer à l’enfant des
• calcul mental : les enfants dyspraxiques (s’ils photocopies (de bonne qualité) ou des docu-
ne présentent ni trouble mnésique ni syn- ments scannés sur lesquels on isole systéma-
drome dysexécutif associé) y sont normale- tiquement un exercice par feuillet.
ment compétents. Ils doivent même être
sur-entraînés en ce domaine et ce, assez préco-
En ce qui concerne l’explication du concept, la
cement (cf. p. 111) : savoir compter de 2 en 2,
réalisation des différents exercices et les éven-
de 5 en 5, de 10 en 10, leur enseigner les diffé-
tuelles réponses à fournir, il faut s’inspirer de
rents « trucs » facilitateurs de calcul mental,
méthodes pédagogiques spécifiquement adap-
etc. En effet, c’est à partir de ce matériel
tées aux enfants dyspraxiques et/ou présentant
mémorisé qu’ils pourront (partiellement)
un déficit des traitements spatiaux : adapta-
compenser leurs difficultés à résoudre des
tions graphiques, colorisation, évitement ou
calculs par la pose des opérations ;
transformation des données en tableaux, gra-
• calculs posés : du fait de leur nature (liée à la phes ou schémas et, bien sûr, verbalisation
numération de position), ces procédures sont (cf. p. 128, 148, 150, 159)…
uniquement et entièrement spatiales. Il faut
donc leur proposer d’emblée une calculette Grandeurs et mesures
qui effectue pour l’enfant les aspects mécani-
ques du calcul (cf. p. 105). On peut aussi pré- Si les jeunes souffrant de DVS peuvent très bien
voir un logiciel de pose des opérations sur comprendre le concept d’unité de mesure et
leur ordinateur : ceci n’a guère d’intérêt autre juger de l’ordre de grandeur de certaines mesu-
que de donner à l’enfant l’illusion qu’il « fait res, ils ne peuvent effectuer, réaliser eux-mêmes
comme les autres », sauf peut-être en ce qui la plupart des mesures.
concerne les divisions car cela permet aux
enfants de visualiser « le reste » (cf. figure 7.8, Mesure de la longueur d’un segment
cahier couleur central). En ce qui concerne la mesure de la longueur
d’un segment, ces enfants ne peuvent matériel-
lement :
Utilisation des fichiers, manuels
• ni manipuler correctement une règle graduée,
et livres d’arithmétique à savoir faire concorder l’origine du segment à
dans le primaire mesurer et le zéro de la règle, puis l’orienter de
Il faut être particulièrement vigilant en ce qui telle façon qu’elle soit plaquée contre le seg-
concerne la typographie et surtout la présenta- ment (sans le recouvrir), puis l’immobiliser ;
tion visuelle de ces manuels scolaires ou des • ni repérer précisément la graduation qui cor-
contrôles (figures 5.4, 5.7 et 6.3 p. 126). Les respond à l’extrémité du segment concerné
straté­gies  visuospatiales y sont généralement (lire le résultat, la longueur du segment).
113
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Figure 5.7. Coloriage mathématique (cf. aussi figure 6.3a).


Yorard P. Perfectionnement au calcul CE2, coloriages codés. Éd. MDI ; 2006.

114
Chapitre 5. Compter

fonctions cognitives défaillantes des jeunes


Certains peuvent donner des instructions
dyspraxiques.
verbales et séquentielles à l’adulte (AVS,
enseignant, parent) ou à l’ordinateur (logi- D’ailleurs tous les « outils » de rangement, de
ciel adapté, cf. p. 141) qui réalise la tâche à sa classement requièrent des compétences spatia-
place. Sinon, l’enfant dyspraxique doit être les, qu’il s’agisse des données d’un problème,
des classeurs ou des cahiers, et même du carta-
dispensé de cette activité.
ble, de la trousse, du bureau (y compris le
bureau de l’ordinateur), etc.
Le travail conceptuel concernant la notion de La lutte contre la désorganisation permanente
mesure étalon et d’unité de mesure, l’apprentis- est constante… et durablement à la charge des
sage des ordres de grandeur des éléments habi- adultes (cf. p. 181).
tuels de notre environnement, la compréhension
de l’organisation décimale des unités de mesure
et de leurs rapports réciproques, les opérations C’est même la raison fondamentale qui fait
mentales, les formules et les calculs mettant en dire que ces enfants ne sont « pas autono-
jeu ces mesures sont normalement accessibles à mes » (à l’école, à la maison). Les stratégies
ces enfants (compréhension, apprentissage, habituelles ne leur sont en effet pas accessi-
mémorisation), du moins si leur apprentissage bles du fait de leur handicap : il faut trouver
n’est pas réduit à l’expérimentation directe, la pour certaines activités des ersatz ou des
manipulation ou la réalisation effective de palliatifs et, pour l’essentiel, accepter… de
mesures. faire à leur place !

Les volumes et les masses


Ces jeunes sont aidés par la description verbale
Outre les difficultés signalées plus haut pour les
et/ou un listing séquentiel des éléments à clas-
longueurs, les jeunes dyspraxiques sont souvent
ser (ou des actions à faire), appris par cœur,
confrontés à des dessins représentant la troi-
affiché sur leur bureau ou collé sur leur ordi-
sième dimension, lignes de fuite qu’ils ne peu-
nateur (cf. encadré 4.1, p. 89). Des stratégies
vent pas interpréter du tout ou pas de façon
associées, de type CO-OP (cf. p. 25), sont très
fiable. En outre, les leçons concernant ces
efficaces.
notions consistent souvent en expérimentations
et manipulations que les enfants DVS contrô-
lent mal : ils consacrent alors l’essentiel de leurs Il faut cependant veiller à ne pas surcharger
ressources cognitives à tenter d’éviter quelque leur mémoire (ou leur bureau) de suites d’in-
catastrophe (renverser le matériel, le briser…).
dications, de fiches ou d’instructions, de les
Au contraire, libres de toute manipulation, de limiter au minimum indispensable pour tou-
toute nécessité d’analyse d’un dessin, de toute jours privilégier les apprentissages concep-
contingence liée à une réalisation graphique ou tuels et les connaissances, sans jamais les
à l’effectuation d’une mesure, ces jeunes peu- sacrifier aux procédures et savoir-faire.
vent alors raisonner avec pertinence sur les
concepts qui leur ont été explicités.
C’est souvent ce déficit persistant et rebelle
Organisation et gestion concernant l’organisation, l’autonomie et la
gestion (du matériel, des connaissances) qui fait
des données assimiler à tort handicap et mauvaise volonté,
Comme nous avons déjà eu l’occasion de le absence d’application, fainéantise ou travail
signaler, les tableaux, graphes, schémas sont des bâclé. Attention de ne pas confondre causes et
éléments que ces enfants ne peuvent ni interpré- conséquences : certains, ignorant le handicap
ter, ni réaliser. Ces objectifs (organisation et ges- fondamental qui sous-tend la dyspraxie, inter-
tion) et ces activités (tableaux, graphiques) prètent à tort les difficultés organisationnelles
sollicitent donc exactement et entièrement les de ces enfants comme résultant d’un défaut

115
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

d’attention, de motivation ou d’efforts. Ces ques et dont certains aspects leur resteront
­personnes pensent alors que l’enfant « se repose inaccessibles du moins sous leur forme « habi-
entièrement » sur l’adulte (c’est souvent l’AVS, tuelle » : valeur des chiffres en fonction de la
voire la mère, qui sont visées) et qu’améliorer position de la virgule et de leur position dans
son autonomie suppose de le mettre en situa- le nombre, écriture fractionnaire (position
tion de faire seul. des nombres par rapport au trait de fraction),
C’est un argument souvent avancé pour limiter correspondances entre nombres à virgule et
le temps d’intervention de l’AVS auprès du jeune écritures fractionnaires, repérage des valeurs
dyspraxique (cf. p. 98, 165, 181). Il est bien évi- sur une droite graduée… ;
dent que si, libéré de l’aide d’un tiers, l’enfant • grandeurs et mesures : les apprentissages
pouvait réaliser les actes et traitements spatiaux concernent les longueurs, les masses, les volu-
exigés (à juste titre) des autres enfants, il ne mes (mesures, calculs, conversions, périmè-
serait pas dyspraxique ! Et si pour guérir ou tres…), les aires, les angles, le repérage dans le
améliorer notablement le handicap, il suffisait temps et les durées, la monnaie ;
de supprimer l’aide humaine… cela serait • organisation et gestion de données : « Il s’agit
miraculeux ! d’apprendre à trier les données, à les classer, à
Bien sûr, c’est prendre le problème à l’envers lire ou à produire des tableaux, des graphi-
(exactement comme pour l’habillage, cf. p. 184, ques et à les analyser. La proportionnalité est
le graphisme ou la lenteur) : c’est parce qu’il est abordée à partir de notions faisant intervenir
incapable, du fait de son handicap, de réaliser cer- les notions de pourcentage, d’échelle… »43.
taines actions (ranger, classer, utiliser certains
Lorsqu’on lit ces instructions, on prend
outils, certains matériels, lire ou construire des
conscience que l’essentiel de ce programme est
tableaux et graphiques, etc.) qu’il a besoin d’une
en grande partie inaccessible à l’enfant dys-
aide humaine qui réalise pour lui ces actes, de
praxique, non pour des motifs conceptuels
façon à éviter que sa désorganisation permanente
mais bien en raison de la complexité des traite-
ne se répercute dans tous les secteurs de la scolarité.
ments spatiaux réclamés par la plupart de ces
apprentissages : fractions, nombres décimaux,
tableaux de proportionnalité ou de conversion,
En CM et au collège etc., sans parler des « grandeurs et mesures » et
Instructions officielles « organisation et gestion des données » tout à
fait hors de portée.
• les nombres entiers et naturels : il ne s’agit que
Il est donc de plus en plus important de cher-
de poursuivre et compléter les acquis anté-
cher à distinguer, pour chaque nouvelle acqui-
rieurs. « L’étude organisée des nombres est
sition, quels sont les aspects conceptuels que le
poursuivie jusqu’au milliard, mais des nom-
jeune doit (ou peut) acquérir, de ce qui revient à
bres plus grands peuvent être rencontrés. » Le
la méthodologie ou à la présentation spatiale
programme précise qu’il s’agit de maîtriser la
habituelle qu’il faut chercher à contourner, du
numération décimale de position, son écri-
moins lorsque c’est possible.
ture en chiffres et en lettres, de savoir compa-
rer, ranger, encadrer les nombres, de savoir Exemple
manier les relations arithmétiques courantes
Les règles de priorité des calculs, l’algèbre et
(double, moitié, quadruple, quart, triple,
la résolution d’équations, même simples,
tiers…) et la notion de multiple. Le calcul
réclament aussi des compétences neurovi-
mental doit être entraîné, les jeunes doivent
suelles et spatiales. En effet, le jeune ne doit
maîtriser les techniques opératoires des qua-
pas oublier (visuellement) certains éléments,
tre opérations et l’emploi « raisonné » de la
qu’il s’agisse d’un nombre, d’une lettre, d’un
calculatrice est encouragé ;
• les nombres décimaux et les fractions : là, il
s’agit de nouveaux apprentissages, qui posent 43 Guide des parents publié par l’Éducation natio-
de nouveaux problèmes aux jeunes dyspraxi- nale pour la rentrée de septembre 2008.

116
Chapitre 5. Compter

signe opératoire ou d’une parenthèse (équi- déplacements d’une fourmi qui se déplace
valent du saut de mot en lecture, cf. p. 124), le long des parcours requis, en fonction de
surtout lorsqu’il effectue ses calculs succes- l’énoncé. Ceci permet à l’élève de résoudre
sifs, d’une ligne à l’autre : chaque report avec un problème de périmètre, d’intervalles…
retour à la ligne peut être l’occasion d’oublis, Les stratégies utilisées (récits, contes) visent
d’erreurs, d’interversions… L’aide de cou- à enrichir l’énoncé d’éléments concrets (his-
leurs (par exemple) peut être déterminante. toire mise en scène par l’enfant) afin que
l’élève se construise et s’approprie une
représentation mentale (sous forme discur-
Ainsi, on aide l’enfant, au cas par cas, en com- sive, sémantique) de la situation–problème
binant différentes stratégies : proposer des qu’il doit résoudre.
aménagements pour certaines dispositions spa-
tiales (il peut s’agir de couleurs, de présenta-
tions linéaires ou d’autres simplifications)
Mais il faut insister sur certaines contraintes
et/ou enseigner des procédures verbales.
liées à la verbalisation :
Pour cette partie, nous nous inspirons directe-
• le choix de la verbalisation suppose que l’on
ment des travaux d’Alain Crouail [60], profes-
se soit préalablement assuré des capacités du
seur de mathématiques dans un collège mixte
jeune en attention et mémoire de travail
recevant des jeunes valides et dyspraxiques : il
auditivoverbales, mais aussi en mémoire à
est donc sans objet de les reproduire ici, nous
long terme ;
invitons donc le lecteur à se reporter à ses
ouvrages. • la formulation des instructions verbales ne
peut pas être improvisée. Elle doit être très
précise (les éléments visuospatiaux ne sont
Enseigner des procédures en effet pas faciles à décrire dans leurs rela-
verbales tions fines, puisque, justement, leur rôle est
de donner une information multifactorielle à
Le principe général vise à traduire les infor- partir d’une perception globale, ce qui doit
mations visuospatiales, simultanées et glo- en éviter la description verbale !). C’est pour-
bales, en informations verbales, séquen­tielles. quoi cette technique requiert des personnels
C’est une stratégie de choix lorsqu’il s’agit de formés à ces techniques, sachant anticiper
définitions, d’explicitations conceptuelles, les formulations à employer dans les diverses
de règles et même de procédures spatiales. circonstances, en fonction des programmes
scolaires ;
• par ailleurs, l’enfant doit être entraîné spécifi-
Notons que la stratégie est identique, lorsqu’il quement à utiliser cette méthode, souvent
s’agit de transformer un plan (une carte spa- durant plusieurs mois avant d’être véritable-
tiale) en un trajet constitué d’une suite d’ins- ment efficace. Il peut s’agir de descriptions
tructions verbales, telle que fournies par les verbales de procédures, de récitation par cœur
GPS (cf. p. 157). de définitions ou de récits (des « contes » selon
la formule de A. Crouail) qui actualisent le
Exemple problème sous une forme séquentielle que
On peut décrire de façon détaillée au jeune l’enfant DVS peut alors résoudre. Faute de
la suite séquentielle des actions à exécuter quoi, on peut se trouver devant des récits ou
pour utiliser une équerre ou un compas [60]. contes, très intéressants, mais qui n’aident en
On peut aussi transformer une information rien la résolution de problème, au sens sco-
holistique, visuospatiale, en une suite séquen- laire du terme ;
tielle d’instructions verbales : A. Crouail pro- • l’enfant doit disposer d’un magnétophone et
pose de transformer les données spatiales ses commentaires doivent ensuite être écoutés
(souvent réalisées sous forme de dessin) en puis corrigés individuellement (importance
un récit qui décrit très précisément les du feed-back, comme pour tout apprentissage) :

117
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

ceci nécessite à la fois une prise en charge indi- Certaines notions mathématiques sont indis-
viduelle ou en très petit groupe, et une dispo- pensables à une certaine autonomie sociale
nibilité importante en temps de la part de (notion de nombre, comparaisons de quantités,
l’enseignant. petites opérations…).
D’autres n’ont comme motivation que de per-
mettre la poursuite de la scolarité à un certain
Conclusion niveau : pour de nombreux jeunes, ces objectifs-
là resteront inatteignables. Il faut en prendre la
Nous voulons insister sur quelques éléments mesure rapidement afin d’éviter d’engager l’en-
inhérents au choix d’adapter au « moins mal » fant (sa famille et les enseignants) dans des pro-
pour les jeunes dyspraxiques les procédures jets dévoreurs de temps et d’énergie mais sans
visuospatiales habituellement mises en œuvre réelle efficacité à moyen et long terme.
en mathématiques :
Il faut donc bien cibler le projet en calcul et en
• ces aménagements requièrent un enseigne- mathématiques en général, et ne pas oublier
ment individualisé : chaque cours doit être, qu’un entraînement, même bien pensé en
idéalement, préparé à l’avance pour en per- fonction du trouble visuospatial que présente
mettre l’aménagement (présentation, mise l’enfant, comporte ses limites, inhérentes au
en page, colorisation…) et/ou la verbalisa- handicap.
tion, qu’il s’agisse de la notion à acquérir ou
des exercices d’application. Ceci impose une
prise en charge individuelle ou en très petit
Il faut se garder d’engager de manière trop
groupe, ou bien en classe ordinaire mais avec
importante les ressources de l’enfant (et des
l’aide d’un AVS très bien formé à ces
techniques ; rééducateurs) dans des batailles partielle-
ment mais inéluctablement perdues d’avance,
• ces adaptations comportent leurs propres alors même que ces jeunes ne s’orienteront
limites. Il est possible de :
pas vers des métiers scientifiques.
– coloriser certains éléments pour aider les
Un entraînement dans des matières où ils
enfants à les situer « à droite de » ou « à gauche
sont moins en difficulté (domaine littéraire,
de » ou bien, comme le propose A. Crouail [60],
langues, droit, histoire et connaissances
– de tracer à l’avance les barres de fraction générales…) est souvent beaucoup plus effi-
pour que l’enfant repère numérateur et cace et constitue une stratégie à long terme
dénominateur,
nettement plus profitable pour la grande
– de transformer un problème aux données majorité des jeunes dyspraxiques : c’est l’ob-
spatiales (déterminer le périmètre d’un jet même du projet individuel (cf. p. 31) que
champ d’après un dessin coté) en un pro- de préciser les priorités, la hiérarchie des
blème séquentiel (cf. « la petite fourmi »), actions à entreprendre et leur place relative.
– d’enseigner à l’enfant une procédure verbale
d’utilisation de l’équerre ou du compas dans
telle ou telle circonstance précise ; Il ne s’agit pas de rééduquer tous les symptô-
• mais il ne faut pas se leurrer : l’enfant dys- mes, ni de donner au jeune des « trucs » pour
praxique ne pourra jamais généraliser ces répondre « comme les autres » aux mêmes
techniques (c’est là l’essence même de sa apprentissages que ses pairs, et encore moins,
pathologie) ; devant l’échec en mathématiques et le retard
• ces stratégies ont un coût très important pour cumulatif que prennent habituellement ces
l’enfant, en temps, en énergie… Or, si cela enfants dans cette matière, de « faire tou-
permet certains apprentissages, il est cepen- jours plus de la même chose qui ne marche
dant loin d’être acquis que les résultats soient pas » (cf. p. 3).
toujours à la hauteur des efforts investis dans Or, la grande majorité des enfants dyspraxi-
ce domaine. ques, au vu de leur échec habituel, précoce et

118
Chapitre 5. Compter

intense en calcul, bénéficie de rééducations rééducation doit être déterminée (objectifs,


dites « logico-mathématiques », généralement techniques à favoriser, méthodes à proposer,
pratiquées par des orthophonistes formées aux aménagements à mettre en place en milieu sco-
troubles du calcul. Cependant les objectifs d’une laire, directives à suggérer à l’AVS, limites à se
telle rééducation ne peuvent pas être décidés fixer…) en tenant compte de l’ensemble des
isolément, en ne tenant compte que des anoma- troubles dont souffre l’enfant et en lien étroit
lies constatées dans le bilan mathématique. avec le pronostic prévisible et le projet scolaire
Souvent utile lorsqu’elle est bien adaptée, cette envisagé (cf. p. 31).

119
Lire Chapitre  6
« Toutefois, et c’est un point fondamental, Ramus44 et ses
collaborateurs ne nient pas qu’une minorité de dyslexiques
(peut-être un quart) présente un déficit visuel prononcé, sans
trouble phonologique évident. (…)
Ce qui signifie que, s’il existe une majorité d’enfants chez qui
prédomine un trouble phonologique, chez d’autres, la difficulté
viendrait avant tout de l’automatisation du lien entre vision et
langage.
Aurait-on négligé une catégorie importante de dyslexies d’origine
visuelle ? »
S. Dehaene45

qu’il devrait être46, ce qui se traduit par un


La grande majorité (environ les deux tiers)
décalage de deux années ou plus par rapport
des enfants qui sont atteints d’une dyspraxie
aux acquis des enfants du même âge ou du
isolée apprend à lire sans aucun problème même niveau scolaire. C’est alors un symp-
particulier, puis développe des compétences tôme, c’est-à-dire un signe observable qui
en lecture comparables à celles de leurs peut être la résultante de différentes patholo-
pairs. gies sous-jacentes ;
• ce terme désigne un diagnostic neuropsycho-
C’est pourquoi, lorsque ce n’est pas le cas, il logique, c’est-à-dire l’identification d’un défi-
convient de reprendre les explorations à la cit (ou d’une anomalie développementale)
recherche d’une cause qui rende compte des touchant un (ou plusieurs) des processus
symptômes : seul le diagnostic du type de dys- cognitifs sollicités lors de la lecture (ou de son
lexie dont souffre l’enfant permet de lui propo- apprentissage). En effet, différentes grandes
ser des aides, des rééducations et des adaptations fonctions cognitives peuvent être en cause ; la
efficaces. En effet, le terme de dyslexie, recouvre déficience ou l’anomalie de développement
deux significations très différentes, soit : de chacune d’entre elles peut déterminer un
• il s’agit d’un constat : l’enfant ne peut pas tableau pathologique différent, une forme de
apprendre à lire et/ou le niveau de perfor- dyslexie particulière, chacune répondant à
mance atteint en lecture est très inférieur à ce des stratégies thérapeutiques spécifiques.
Donc, différents mécanismes peuvent expli-
quer  des difficultés (ou des performances
44 Il s’agit de Frank Ramus, chargé de recherches au
CNRS, laboratoire de sciences cognitives et psy-
cholinguistique, département d’études cogniti- 46 Après avoir éliminé : une déficience mentale,
ves, École normale supérieure, Paris. un trouble envahissant du développement, une
45 Dehaene S. Les neurones de la lecture. Paris : Odile insuffisance d’apprentissage (non scolarisation,
Jacob ; 2007. difficultés psychosociales sévères…).

121
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

s­ ignificativement insuffisantes) en lecture chez retour à la ligne, balayage d’un texte à la recher-
l’enfant dyspraxique, et il faut considérer ici che d’une information précise) est défectueuse.
deux situations bien distinctes, soit : Il peut s’agir d’un trouble de la régulation spa-
• la dyslexie résulte de troubles neurovisuels en tiale automatique de l’organisation exploratoire
lien direct avec la dyspraxie, gênant la phase et/ou de troubles de la stratégie du regard.
de prise d’information visuelle de la lecture : Il est à noter que de nombreux spécialistes [62]
on parle de dyslexie « visuelle » ou « visuo- dans le domaine des dyslexies préconisent
attentionnelle » [53]. Cela semble concerner, depuis longtemps un entraînement visuel sys-
de façon plus ou moins intense, environ un tématique en CP pour favoriser l’apprentissage
tiers des jeunes dyspraxiques. Dans de rares de la lecture chez des enfants tout-venant [63].
cas (environ 10 % ?), elle peut même être au
premier plan, révélant une dyspraxie très dis-
crète passée inaperçue ; Difficulté d’accès à la lecture
• la dyslexie est sans rapport direct ou évident (CP/CE1)
avec la dyspraxie : dyslexie phonologique, Il s’agit de très jeunes enfants (6–8 ans) pour
déficit de la mémoire de travail, syndrome lesquels il est légitime de mener simultanément
dysexécutif… C’est alors un trouble associé. des actions de rééducation et des actions de
Ce second type de dyslexie (phonologique)
réadaptation.
représente, de loin, la plus fréquente des dys-
lexies (environ 70 à 80 % de l’ensemble des
Mais il ne faut jamais compter uniquement
dyslexies), ce qui rend compte que de nom-
sur les seuls progrès de l’enfant dans les sec-
breux professionnels, à tort, assimilent la dys-
teurs déficitaires (regard, organisation visuo­
lexie–symptôme (constatation d’un trouble
de la lecture) avec le diagnostic de dyslexie spatiale) : réels mais lents et laborieux, ces
« phonologique ». Bien sûr, l’association d’une progrès ne sont jamais assez rapides ni fonc-
dyslexie phonologique avec une DVS modifie tionnels pour permettre de suivre le rythme
considérablement la prise en compte et le pro- scolaire ordinaire (cf. p. 33).
nostic du problème lexique (cf. p. 39).
C’est pourquoi, d’emblée, il faut prévoir aussi
des adaptations et des palliatifs efficaces qui
Dyslexie « visuelle » dans le cadre autorisent les apprentissages dans des délais
satisfaisants.
d’une dyspraxie
Rééducation de l’organisation
Lorsque les difficultés en lecture du jeune sont du regard (orthoptiste,
directement en lien avec la dyspraxie [61], selon ergothérapeute)
l’intensité des troubles, les difficultés peuvent
se manifester soit d’emblée (lors de l’apprentis- En complément du travail effectué par l’orthop-
sage en CP/CE1), soit ultérieurement lorsque la tiste et/ou en collaboration directe avec lui, les
lecture courante est requise (CE2). rééducateurs (ergothérapeute, orthophoniste)
Dans les deux cas, l’avis de l’orthoptiste est impé- peuvent proposer un entraînement fonctionnel
rativement requis (cf. p. 6, tableau 1.1) : d’impor- des saccades, en vue d’améliorer la prise d’in-
tantes anomalies seront toujours présentes, formations visuelles lors de la lecture. Pratiqué
concernant la fixation, les capacités de pour- en individuel ou en petit groupe lors des séances
suite oculaire et, surtout, le déclenchement, le de rééducation (ergothérapie), cet entraînement
calibrage et l’organisation des saccades. prend des formes différentes selon l’âge de l’en-
fant et l’intensité des troubles47.
L’exploration visuelle du texte (organisation
linéaire et régulière des saccades, essentielle-
ment de gauche à droite, exploration en lignes 47 Mazeau M. Neuropsychologie et troubles des
ou colonnes, calibrage des grandes saccades de apprentissages. Paris : Masson ; 2005, 60–3.

122
Chapitre 6. Lire

Les exercices (sur papier, sur tableau ou sur effectuer un contrôle sur la production écrite
écran d’ordinateur ou, en groupe, sur écran et la frappe à l’ordinateur (et en éviter le
grâce à un vidéoprojecteur) portent principale- contrôle visuel)… ;
ment sur trois domaines : • porter une grande attention à la présentation
• l’organisation linéaire des saccades, de gau- du texte (typographie, présentation spatiale)
che à droite ; et ce, de façon systématique et permanente.
• la grande saccade de retour à la ligne ;
• le calibrage des saccades et l’augmentation de Toutes ces adaptations imposent une vigi-
l’empan visuel, dit aussi « fenêtre visuo- lance constante, car elles doivent concerner
attentionnelle ».
l’ensemble des écrits proposés à l’élève : cela
Ces rééducations ne conduisent pas à une « nor- constitue une part très importante du travail
malisation » des mouvements du regard lors de de l’AVS, travail qui doit être suffisamment
la lecture, mais peuvent limiter la fatigabilité et anticipé chaque fois que possible (en lien
autoriser la lecture sur de courts textes. avec l’enseignant) afin que l’enfant puisse
disposer de textes réellement exploitables et
ce, en même temps que ses camarades.
Elles rendent surtout beaucoup plus ­efficaces
et plus « rentables » les stratégies d’aménage-
ments des textes (adaptations typographi- Maximiser l’efficacité des processus
ques et de présentation) qui doivent toujours linguistiques sous-jacents
être simultanément utilisées. (orthophoniste)
Il s’agit d’utiliser et de valoriser au mieux les
compétences langagières – de bon niveau – de
Aménagement spécifique ces enfants pour faciliter l’apprentissage de la
de l’apprentissage lecture et compenser (ou contourner) les diffi-
cultés auxquelles ils vont se heurter du fait de
L’enfant, du fait de ses mouvements désorgani- leurs troubles du regard.
sés du regard, explore visuellement les mots (ou
le texte) de façon aléatoire. La nécessité perma- Entraînement phonologique
nente, lors de la tâche de lecture, de contrôler Il est très important de proposer à l’enfant dys-
plus ou moins intentionnellement les mouve- praxique un entraînement métaphonologique
ments de ses yeux induit une fatigabilité anor- particulièrement soutenu. Cette activité fait
male, car elle met le lecteur débutant en double souvent déjà partie des exercices que font nor-
tâche quasi permanente (cf. p. 19), situation qui malement tous les enfants en GSM, mais dans
aggrave ses difficultés de déchiffrage et la grande majorité des cas ce travail reste relati-
d’assemblage. vement ponctuel et limité. Il est donc impor-
C’est la raison pour laquelle il est très impor- tant de l’intensifier et d’être très vigilant sur
tant, en phase d’apprentissage, de simultané- l’évolution des compétences du jeune dyspraxi-
ment : que dans ce domaine.
• favoriser tous les autres processus linguisti- En règle générale, ces enfants (qui n’ont pas de
ques sous-jacents : sur-entraînement des troubles phonologiques) progressent rapide-
habiletés métaphonologiques, automatisation ment et de façon très efficace dans ces exercices
des conversions graphophonologiques de gra- (du moins en l’absence de déficit de la mémoire
phèmes, en particulier les di- et trigraphes, de travail et/ou des fonctions exécutives).
syllabes et ce, préalablement à la lecture de Si la mémoire de travail auditivoverbale est
mots et de petits textes ; « limite », un entraînement spécifique dans ce
• soulager au maximum la tâche visuelle : colo- secteur [47, 48, 64] est rapidement profitable et
risation syllabique alternée (cf. infra), surli- permet d’utiliser avec profit les stratégies com-
gnage alterné des lignes, retour auditif pour pensatrices proposées ici.

123
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Épellation quement le nom des lettres, et non leur corres-


Ce travail doit être couplé à l’apprentissage de la pondant phonologique, le rendant peu apte à un
reconnaissance des lettres dans les polices usuel- travail lettre à lettre). Au contraire, dès le niveau
les (majuscules, minuscules, cursives) et de leur de la syllabe (puis du mot), ce logiciel, lorsqu’il est
dénomination. Cela permet assez souvent, en employé régulièrement, participe grandement à
cours de CP, l’épellation de syllabes et de mots l’automatisation des conversions graphophono-
courts et fréquents, et, réciproquement, la recon- logiques, d’autant qu’il favorise un apprentissage
naissance de mots courts et fréquents épelés par « sans erreur » : la vocalisation toujours correcte
l’adulte. Cette compétence leur est ensuite très des syllabes ou petits mots transcrits favorise un
utile pour reconnaître visuellement une syllabe appariement parfait et automatique entre le sti-
ou un mot dont ils ont déjà construit une repré- mulus visuel qu’est le graphème et son correspon-
sentation orthographique par voie auditivover- dant phonologique.
bale (traitements « descendants » ou top → down)
Colorisation alternée des syllabes
et pour l’apprentissage du clavier (cf. p. 81). (figure 6.1, cf. cahier couleur central)
Conversions graphophonologiques Il s’agit d’aider l’enfant à repérer visuellement les
(graphèmes, di- et trigraphes, syllabes) frontières syllabiques et donc les syllabes (dont il
Ces conversions sont également systématique- a préalablement automatisé le correspondant
ment entraînées, afin de favoriser leur auto- phonologique) au sein des mots écrits. Il peut
matisation. Dans ce but, la méthode par ainsi utiliser les procédures acquises antérieure-
imprégnation syllabique [65] est un choix privi- ment (imprégnation syllabiques, PictopÒ), avec
légié : en isolant les syllabes, en focalisant l’at- efficacité et rapidité, ce qui est la condition fon-
tention de l’enfant sur ces groupements damentale pour effectuer l’assemblage dans de
fréquents de lettres, on favorise leur repérage bonnes conditions et aboutir à du sens. Par
ultérieur dans le mot et l’automatisation de leur convention, les lettres muettes sont laissées en
conversion. Par ailleurs, cela donne sens et ren- gris ou noir (les petits mots-outils, qui ne doivent
force grandement l’efficacité des adaptations pas être déchiffrés, sont en noir et soulignés).
visuelles simultanément mises en œuvre (colo- Cette préparation des textes, actuellement, doit
risation alternée des syllabes, cf. infra). encore être effectuée manuellement : c’est donc
long et fastidieux. Ce travail est réalisé par l’or-
Alléger les contraintes visuelles thophoniste en début d’apprentissage de la lec-
(ergothérapeute, AVS, enseignant) ture, lors de séances individuelles, mais il doit
Plusieurs stratégies sont employées, s’appuyant être poursuivi en classe (et à la maison lors de
d’une part sur l’oral, d’autre part sur la colori- devoirs) tant que la lecture n’a pas atteint une
sation alternée des syllabes et/ou des lignes. certaine efficacité (en rapidité et fluidité) com-
parable à celle qu’on observe habituellement en
Logiciel de lecture adapté (cf. p. 136)
fin de CE1/CE2. Ce n’est que progressivement
En début d’apprentissage (CP/CE1), ces enfants que ces aides visuelles sont partiellement omi-
tirent souvent profit d’un logiciel (PictopÒ déve- ses, puis tout à fait abandonnées.
loppé par l’INSHEA48, cf. annexe) qui oralise, au
choix, les lettres, les syllabes, les mots ou les phra-
ses, que ces éléments soient écrits à l’ordinateur Dans l’intervalle, c’est essentiellement l’AVS
par l’adulte ou par l’enfant (spontanément ou qui est en charge de préparer les petits textes
sous dictée [cf. p. 86]). Nous conseillons, là encore, à utiliser en classe (lectures, consignes écri-
de privilégier la syllabe, principal constituant du tes, textes de problèmes…). Il est très impor-
mot en français (en outre, le logiciel sonorise uni- tant que les différents écrits soient colorisés
à l’avance pour que l’enfant dyspraxique
48 Institut national supérieur de formation et de puisse, lors des différentes séquences, disposer
recherche pour l’éducation des jeunes handicapés des mêmes supports pédagogiques et répon-
et les enseignements adaptés (INSHEA) : 58–60,
dre aux mêmes exigences que ses camarades.
avenue des Landes, 92150 Suresnes.

124
Chapitre 6. Lire

Colorisation alternée des lignes exercice, etc. Il s’agit de limiter la recherche


(figure 6.2, cf. cahier couleur central) visuelle, activité qui réclame une excellente
Lorsque l’enfant n’a plus besoin de l’aide sylla- stratégie d’exploration du regard. Ces amé-
bique, les textes qu’il peut (doit) lire seul crois- nagements concernent les feuillets, les pages,
sent en longueur et en densité. Les jeunes le tableau, l’écran de l’ordinateur et aussi,
souffrant de troubles de la régulation du regard lorsque c’est possible, les  murs de la classe
doivent alors être aidés pour : souvent surchargés d’informations ;
• suivre la ligne sans que leur regard ne s’égare • une présentation classique, claire, aérée : les
(saut de mots) ; présentations touffues, complexes, souvent
jugées attrayantes par les autres enfants (bul-
• effectuer les retours à la ligne (éviter les sauts
les imitant les bandes dessinées, imbrication
de lignes).
de dessins et de textes, typographies origina-
Le surlignage de chaque ligne, en couleurs alter- les, textes en colonnes, flèches ou traits
nées, aide considérablement l’enfant en rédui- emmêlés reliant des éléments éloignés…) sont
sant sa fatigue (le contrôle volontaire qu’il doit souvent inaccessibles pour les enfants DVS
exercer sur les mouvements de son regard) et en (figure 6.3a et b). Il faut alors scanner ces
limitant les regards erratiques qui ­ralentissent ouvrages et en réaménager les informations
la  lecture et perturbent la com­préhension (ou les exercices), ou bien c’est l’AVS (le secré-
(cf. figure 3.2, cahier couleur central). taire) qui doit recopier chaque élément perti-
Il est très important que ce surlignage ne mas- nent sur l’ordinateur de l’enfant…
que pas le texte (fluo transparents de couleurs Bien sûr, toutes ces opérations seront grande-
claires) et, bien sûr, qu’il soit en place préalable- ment facilitées lorsque les supports numériques
ment à l’utilisation scolaire du ou des textes. seront réellement répandus (l’Éducation natio-
Pour certains enfants, il est également nécessaire nale prévoit une généralisation des manuels
de marquer le début (et la fin) de chaque ligne : scolaires sous forme numérique…).
dans ce cas, on choisit un repère vert en début
de ligne et rouge en fin de ligne (cf. figure 4.2,
cahier couleur central).
Ces aides doivent toujours prendre place dans
Augmenter l’espacement des lignes une stratégie globale de simplification et de
Chaque fois que possible, on choisit des inter- clarification de tous les écrits, car cela consti-
lignes 1,5 ou doubles, qui facilitent le retour à tue le premier et le principal des allègements
la ligne et limitent les sauts de ligne. Ceci est visuels.
possible si le texte à lire est informatisé ou
si l’on peut le scanner et en modifier la
présentation. Faible efficience en lecture
Attention cependant à ne pas trop augmenter la (à partir ou au-delà du CE2)
police de caractère et les interlignes (figures 6.1
et 6.2 cf. cahier couleur central) : la lecture du Il s’agit de jeunes qui ont initialement appris à
texte nécessite alors des saccades plus nombreu- lire sans problème manifeste, mais qui ne par-
ses, cela modifie les informations perçues lors de viennent pas à une lecture courante fluide et
chaque fixation (empan visuel) et réclame une rapide et/ou :
organisation du regard encore plus importante ! • ils présentent une fatigabilité anormale à la
Adapter la présentation spatiale lecture, limitant leurs possibilités à quelques
et typographique lignes ;
Plusieurs éléments concourent à rendre plus • leur compréhension de texte est insuffisante
accessibles les différents écrits : ou lacunaire.
• très peu d’informations par page : un ou deux C’est souvent à partir du CE2/CM que leur effi-
paragraphes, un seul problème ou un seul cience en lecture s’avère insuffisante, et leur

125
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Figure 6.3. Présentations visuospatiales inadaptées.


a. Contrôle de mathématiques en CE2 (cf. aussi figures 5.4 et 5.7).
Yorard P. Perfectionnement au calcul CE2, coloriages codés. Éd. MDI ; 2006.

126
Chapitre 6. Lire

Figure 6.3. Suite


b. Contrôle en BEP comptabilité.
Arnoldi J.C., Van Assche G. Activités commerciales et comptables par la pratique, BEP 2de professionnelle.
Foucher, Paris, 2001.

127
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

écart à la norme ne cesse de se creuser à tel Réduire la quantité de lecture


point qu’ils peuvent avoir des performances qui
les situent à deux ans ou plus du niveau de
Limiter les textes à lire est absolument fonda-
­lecture attendu pour leur âge ou leur niveau
mental et pourtant très difficile à faire accep-
scolaire (dyslexie–symptôme, cf. p. 121).
ter : la réaction la plus courante est en effet de
En fait, les troubles neurovisuels empêchent ces penser que, puisque l’enfant lit mal, il faut qu’il
enfants de progresser normalement, de se saisir s’entraîne plus et qu’il lise plus.
visuellement de façon efficace du texte et ils
Certains (qui ignorent ce handicap ou le nient)
atteignent précocement un « plafond », généra-
renversent même la proposition et pensent
lement au niveau CP/CE1 : ils comprennent et
que c’est parce que ces enfants lisent peu qu’ils
peuvent appliquer les règles d’assemblage, peu-
vent identifier un mot ou même lire une petite lisent mal ! On est donc encore dans la logique
phrase, voire quelques lignes (laborieusement) du « toujours plus de la même chose qui ne
mais ils ne peuvent pas lire un texte de façon marche pas »… (cf. p. 3)
fluide et rapide (lecture dite « courante »).
Or, lorsqu’ils fatiguent (du fait de leur handi-
L’objectif essentiel est alors de donner à l’en- cap neurovisuel, souvent méconnu), ces
fant une possibilité de s’emparer du contenu enfants n’apprennent plus rien : la lecture
des textes, qui soit fiable et rapide, d’utilisation ralentit, de nombreuses erreurs de déchiffrage
facile et souple, afin qu’il puisse poursuivre sa et d’identification de mots se produisent,
scolarité, apprendre, réviser, réfléchir. la  compréhension devient de plus en plus
déficitaire.
Pour les textes longs (romans, œuvres littérai-
En complément, la rééducation en vue d’amé- res…) qui doivent être lus à la maison dans des
liorer les capacités de lecture de l’enfant peut délais imposés, on peut proposer :
aussi être utile (essai de rééducation orthopti-
que si cela n’a jamais été fait). Mais l’urgence • une lecture alternée avec les parents (ou un
est désormais d’éviter que les difficultés adulte) ; on évalue grossièrement la quantité
neuro­v isuelles de l’enfant ne diffusent dans de lecture que l’enfant peut fournir dans de
l’ensemble des apprentissages, générant un bonnes conditions de fluidité, de rapidité et
échec scolaire global. Les propositions doivent de compréhension (six lignes ou un paragra-
donc tenir compte de l’importance du trouble phe ou une demi-page), cette quantité servant
lexique, de la nature des écrits, de leur d’étalon approximatif au décours duquel
­longueur, de leurs objectifs (un texte de pro- l’adulte prend le relais du jeune en effectuant
blème ne s’aborde pas comme une œuvre litté- à sa place une lecture à haute voix, durant
raire…) et, bien sûr, du pronostic scolaire environ la même quantité de texte ;
global (cf. p. 31). • l’écoute de livres, œuvres littéraires, poèmes…
Désormais de très nombreuses œuvres sont
Aménagement de tous les textes, enregistrées, en audio ou en numérique, qu’il
s’agisse de livres pour les très jeunes, de
sur tous les supports romans modernes récemment publiés, de
(AVS, enseignant, parents) classiques, etc. (cf. annexe). Dans certains cas,
Si les troubles ne sont pas trop intenses, on peut le jeune peut prendre connaissance de l’œu-
proposer les adaptations détaillées ci-dessus : vre aussi par d’autres moyens : films, pièces
allégement et organisation spatiale dépouillée de théâtre ;
du texte, limitation drastique du nombre d’in- • pour ce qui concerne certaines leçons ou cer-
formations par page, aménagements typogra- tains exposés qui nécessitent que le jeune
phiques (police usuelle comportant le minimum recherche des informations sur différents
d’ambiguïté, interligne 1,5, surlignage coloré supports, il faut aussi penser aux vidéos et CD
alterné des lignes…). documentaires, très nombreux et très bien

128
Chapitre 6. Lire

faits, qui lui permettent d’accéder à des savoirs


Or, cette dysorthographie peut avoir un impact
de bon niveau, en concordance avec ceux de
d’autant plus négatif sur leur scolarité que ces
ses pairs.
jeunes s’orientent, pour la plupart, vers des
sections littéraires (cf. p. 56, 118). Il faut donc
Ainsi, le jeune peut prendre connaissance être vigilant précocement (dès le CE1) sur la
des œuvres étudiées en classe, construire les qualité des apprentissages orthographiques
mêmes savoirs, disposer des mêmes bases de des jeunes dyspraxiques qui présentent des
connaissances que ses camarades, d’éléments anomalies du regard et de médiocres perfor-
de réflexion pertinents, et répondre aux mêmes mances en lecture.
questions ou exercices que les élèves de sa
classe.
Là encore, l’idée apparemment de bon sens que,
pour acquérir une solide orthographe d’usage
Utiliser des logiciels spécialisés (lexicale), il faut lire « plus », ressort de la logi-
que du « toujours plus de la même chose qui ne
(orthophoniste, ergothérapeute) marche pas » ! Au contraire, c’est parce qu’ils
On est là dans une logique palliative : le sont porteurs d’un handicap neurovisuel que
jeune peut lire de très courts textes, une ces jeunes ne peuvent pas bénéficier de la lec-
consigne, mais il ne peut pas lire un texte ture pour améliorer leur orthographe.
long, prendre connaissance d’une pleine Il faut donc leur proposer d’apprendre l’orthogra-
page d’instructions ou d’un roman. Pour phe par voie auditive (épellation) et/ou visuelle-
toutes ces applications, il faut lui proposer ment, mais en éliminant (ou limitant) la nécessité
un logiciel de lecture puissant et performant de calibrer les saccades et de les organiser.
(cf. p. 94, 136). Un casque est également pres-
Enfin, si une dysorthographie gênante persiste,
crit et fourni en même temps que le logiciel
on peut proposer d’utiliser un correcteur ortho-
pour permettre au jeune DVS de se faire lire
graphique (cf. p. 85, 130).
les textes par son logiciel en classe, sans
déranger les autres élèves. Voie auditivoverbale
Il faut choisir des logiciels susceptibles de lire Lors des premières années d’école primaire, les
tous les textes, sur des supports variés, dans apprentissages systématiques de l’orthographe
­différentes langues (ce qui est indispensable à des mots usuels se font soit sous forme de dic-
partir du collège : anglais, espagnol…). Le choix tées dites « préparées », soit par l’intermédiaire
de ces logiciels doit donc satisfaire à un cahier de listes de mots. Il faut en encourager un
des charges répondant à différents critères, apprentissage par cœur et oral (épellation), en
fonction des troubles de l’élève, de son âge, de regroupant les mots partageant la même parti-
son niveau scolaire et des tâches à effectuer cularité orthographique, ou la même étymolo-
(cf. annexe). gie, ou le même champ sémantique (cf. p. 53).

Lutter contre la dysorthographie Lecture « flash »


associée (orthophoniste) On présente à l’enfant des mots isolés (de préfé-
rence des mots d’occurrence fréquente) écrits
Les anomalies de calibrage des saccades lors de au centre de l’écran de l’ordinateur. L’enfant
la lecture ont une autre conséquence : la fixa- sait où ils vont apparaître, il n’a pas à faire de
tion oculaire ne se fait pas (ou tout à fait excep- recherche visuelle ni à calibrer ses saccades ; il
tionnellement, par hasard) précisément où elle doit juste fixer brièvement le centre de l’écran.
devrait pour permettre une perception globale Chaque mot doit apparaître très brièvement
efficace de la forme orthographique des mots. (d’où le terme de lecture flash), un temps insuf-
De ce fait, ces jeunes DVS ne peuvent pas fisant pour autoriser une lecture par voie indi-
construire un lexique orthographique fonc- recte (assemblage). Cette technique tend à
tionnel [43] (cf. p. 53). favoriser la lecture par adressage et, du même

129
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

coup, l’engrammation implicite (cf. p. 13) de la œuvre en moyenne de deux séances hebdoma-
forme orthographique du mot. daires d’orthophonie centrées, comme c’est
classique49, sur un travail de conscience phono-
Correcteur orthographique logique, les conversions graphophonologiques
Il faut disposer d’un correcteur orthographique et l’assemblage.
très performant (cf. annexe), en particulier : Production d’écrits et ordinateur
• capable de repérer les erreurs transformant (ergothérapeute, orthophoniste,
la forme globale du mot et/ou les graphèmes enseignant)
initiaux de début de mot tout en respectant la En conséquence, la prise en compte de la dys-
phonologie du mot (automne écrit /otone/) ; praxie doit être allégée (une seule séance d’er-
• ne faisant pas de trop nombreuses proposi- gothérapie par semaine) et entièrement orientée
tions dans lesquelles le jeune risque de se vers des adaptations efficaces en situation sco-
­perdre et de passer beaucoup de temps. laire (cf. chapitre 7).
Il peut aussi contenir des mots en écriture abré- Il faut aussi prendre la mesure des répercussions
gée (tjr → toujours, bcp → beaucoup) ou ini- de cette dyslexie sur l’usage de l’ordinateur : en
tiale (ortg → orthographe) concernant des effet, l’enfant progresse normalement dans
mots fréquents ou utilisés dans les program- l’apprentissage du clavier (cf. p. 76) puis l’auto-
mes de l’année scolaire en cours, abréviations matisation de la frappe en dictée de lettres
inscrites telles que dans le correcteur ortho- (cf.  p.  84), mais il reste anormalement lent en
graphique automatique de l’ordinateur de situation d’utilisation scolaire de son ordina-
l’élève (cf. p. 93). teur (dictées, prise de notes, exercices et
devoirs…). En effet, l’enfant dyslexique qui doit
Bien sûr, ces propositions peuvent être plus ou
écrire un mot cherche les sons qui le composent,
moins combinées et elles doivent évoluer en
les lettres, les digraphes, les règles orthographi-
fonction de l’importance de la dysorthogra-
ques ou grammaticales… et c’est cette recher-
phie, de l’âge et du niveau scolaire du jeune, de
che, lente, laborieuse, souvent infructueuse ou
son projet d’orientation et d’avenir.
fautive, qui ralentit grandement (voire inhibe)
la frappe. C’est pourquoi ces jeunes refusent
­souvent avec force l’ordinateur et revendiquent
Dyslexie liée à un trouble associé d’écrire à la main, ce qui n’est finalement guère
(co-occurrence de dys-) plus lent, leur maladresse pouvant leur permet-
tre (pensent-ils) de masquer certaines hésita-
Dyspraxie et trouble tions, incertitudes ou fautes.
phonologique
Dyslexie phonologique C’est donc la dyslexie qui perturbe la frappe et
non le fait d’écrire à l’ordinateur ou d’être dys-
et dyspraxie
praxique : on peut en faire la preuve en consta-
Souvent, le diagnostic de dyspraxie est connu tant des performances correctes en copie et
depuis les classes maternelles, l’enfant déjà suivi et surtout en dictée de lettres (tâches qui ne récla-
rééduqué, et c’est avec surprise que l’on découvre, ment pas de connaissances phonologiques ni
en fin de CP, les difficultés qu’il présente pour de compétences en langage écrit), qui contras-
apprendre à lire. Dans d’autres cas, c’est la dys- tent avec des capacités très faibles en produc-
lexie qui alerte en fin de CP ou en cours de CE1, tion d’écrits et dictée.
et, au décours du bilan, on découvre une dys-
praxie associée, jusqu’ici méconnue ou négligée.
Accès à la lecture (orthophoniste) 49 Nous renvoyons le lecteur intéressé aux ouvra-
Quoi qu’il en soit, la dyslexie doit être prise en ges consacrés à la rééducation de la dyslexie
compte en priorité, ce qui nécessite la mise en phonologique.

130
Chapitre 6. Lire

Dyslexie mixte En classe


(visuelle et phonologique) Si le jeune poursuit une scolarité normale ou
proche de la norme (bon ou excellent niveau
Ce cas de figure se présente probablement chez verbal, bonne motivation, absence de trou-
environ 10 % des élèves dyspraxiques et repré- bles du comportement et/ou de fragilité psy-
sente une forme particulièrement rebelle de chologique, soutien familial adapté, cf. p. 31),
dyslexie. C’est pourquoi cela peut justifier la il faut précocement (dès l’école primaire)
proposition de la poursuite de la scolarité en proposer des logiciels de lecture (cf. p. 137 et
CLIS, où l’on peut intensifier les rééducations annexe) qui lui permettent de disposer des
(orthophonie et ergothérapie pluri-hebdoma- mêmes documents que ses camarades de
daires) et, surtout, coordonner étroitement les classe et de faire les apprentissages auxquels
projets des rééducateurs entre eux et avec ceux il peut prétendre.
des enseignants, adapter le contenu, les métho-
des et le rythme des apprentissages (cf. p. 39).
Le diagnostic repose sur la mise en évidence – L’association des deux lignées de troubles
chez un jeune déjà repéré comme étant conduit, de fait, à prévoir une scolarité
­dyspraxique – d’une dyslexie « classique » (pho- quasiment purement orale, donc avec des
nologique) essentiellement caractérisée par aménagements très importants tant en ce
un  déficit en conscience phonologique et des qui concerne les aides techniques qu’hu-
troubles visuo-attentionnels (cf. p. 122) avec maines (dictée vocale et logiciels de lecture,
leur cortège de troubles orthoptiques, de confu-
AVS et secrétaire pour la prise de notes
sions visuelles, de sauts de mots, de sauts de
qui doivent être relues par le logiciel de
lignes, d’anomalies dans les épreuves de
lecture…).
barrage…
En ergothérapie
Les difficultés d’accès au clavier sont souvent Dyspraxie et syndrome
importantes lors de la mise en situation scolaire dysexécutif
(lenteur, fautes de frappe, erreurs phonologi-
ques, erreurs de segmentation, multiples essais Troubles de l’attention associés ?
de corrections plus ou moins appropriées…) et L’association « dyspraxie + troubles de l’atten-
ce, en raison de la dyslexie, telle qu’exposée ci- tion » est souvent évoquée. Cependant, il faut
dessus. Il faut alors insister sur les autre fonc- être vigilant, car cette association recèle deux
tions de l’ordinateur pour ce type d’enfants : ce pièges diagnostiques assez subtils :
sont eux en effet qui vont avoir précocement • d’une part, la dyspraxie elle-même (en raison
besoin en classe de logiciels spécialisés en lec- des situations de double tâche qui « vident »
ture, correction orthographique, etc. (cf. p. 136 littéralement le réservoir attentionnel du
et annexe). jeune, cf. p. 19) et son cortège habituel de
En orthophonie troubles neurovisuels peuvent facilement
donner l’impression de troubles attentionnels,
Sur le plan rééducatif, concernant l’accès à la
surtout si ce sont des tests d’attention visuelle
lecture, nous préconisons :
qui sont utilisés pour porter le diagnostic.
• un travail métaphonologique systématique Aussi on n’évoque la co-occurrence « dys-
(conscience phonologique) ; praxie + troubles attentionnels » que lorsque
• le choix d’une méthode syllabique (méthode ces derniers sont intrinsèques et touchent
par imprégnation syllabique) [65] ; donc aussi (ou principalement) les tâches
• un aménagement visuel soigneux et très auditivoverbales ;
systématique de tous les textes : élargisse- • d’autre part, et symétriquement, un trouble
ment des interlignes, alternée des syllabes des fonctions exécutives peut, s’il prédomine
(cf. p. 124)… nettement dans le secteur non verbal, donner

131
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

à lui seul l’impression d’une dyspraxie : en Prise en charge en rééducation


effet, la dysgraphie (on doit cependant être (ergothérapie, orthophonie)
alerté, dans ce cas, par un geste rapide et
impulsif, qui s’oppose nettement au geste
lent, hésitant et laborieux de l’enfant dys- Lorsque l’enfant présente cette association
praxique) et le trouble de la planification du « dyspraxie + syndrome dysexécutif », il
geste peuvent en imposer pour une « pseudo- convient d’abord de prendre en charge, réédu-
dyspraxie » (cf. p. 8, 60). quer et contrôler (au moins partiellement) les
troubles de l’attention, l’impulsivité et le défaut
Lorsque le syndrome dysexécutif est réel et
d’inhibition. Ce n’est que dans un second
complet, outre les troubles attentionnels (assor-
tis ou non d’une hyperactivité), l’enfant souffre temps que les troubles praxiques peuvent faire
également de faibles capacités en mémoire de l’objet d’indications spécifiques.
travail et d’une médiocre gestion de toutes les
tâches d’inhibition des automatismes, de sélec-
tion et de stratégie [1, 5, 6]. On peut noter, là encore, les répercussions de ces
troubles sur l’apprentissage du clavier, lorsque
celui-ci est motivé par une importante dysgra-
Or, ces fonctions sont utilisées de façon intense phie dyspraxique : il peut être souhaitable de
lors des apprentissages pour pallier les troubles « décacher » le clavier (cf. p. 78), l’enfant dysexé-
praxiques et visuospatiaux. L’association « dys- cutif bénéficiant malgré tout souvent d’un
praxie + troubles de l’attention » ou « dyspraxie contrôle visuel (en dépit du trouble visuospatial
+ déficit de la mémoire de travail » est donc lié à la dyspraxie). On peut assortir ce contrôle
particulièrement délétère, compromettant la visuel d’un précontrôle auditif (épellation,
mise en œuvre des compensations efficaces de dénomination de la lettre à frapper) et/ou d’un
la dyspraxie. post-contrôle oral (retour vocal sur la frappe
exécutée, qui peut concerner la lettre, la syllabe,
le mot ou la phrase).
Il faut également (cf. p. 60) [48, 67] :
De fait, toutes les activités d’apprentissage sont
affectées par le trouble attentionnel (et/ou exé- • lutter contre l’impulsivité et les persévéra-
cutif) qui perturbe l’engrammation des élé- tions lors de l’utilisation de l’ordinateur (frap-
ments pertinents, leur gestion en mémoire à pes incontrôlées de touches au hasard,
long terme et en mémoire de travail, l’inhibi- persévérations avec frappes itératives sur la
tion du parasitage de la pensée par des routines même touche…), mais aussi, en général,
antérieurement acquises ou des éléments dis- imposer un délai de réponse, convenir avec
tracteurs. On note alors une impulsivité, des l’enfant d’un signe (geste, carton vert…) avant
persévérations, des irruptions d’automatismes lequel il doit « retenir » sa réponse ou son
et, dans le langage oral, des diffluences et/ou action (lutte contre l’impulsivité) ;
des coq-à-l’âne. • canaliser l’attention (cf. p. 60) : peu de maté-
L’ensemble de ces dysfonctionnements peut riel sur la table, une seule consigne ou tâche à
conduire à des difficultés d’apprentissage dans la fois, mise en exergue (par des couleurs ou
tous les domaines, dont l’apprentissage de la par l’apparition successive d’icônes ou picto-
lecture. Une scolarité en CLIS est souvent pré- grammes) des éléments pertinents ou utiles à
conisée (cf. p. 39), permettant des interventions ce moment-là ; le travail en individuel ou en
rééducatives plus fréquentes et la poursuite des très petit groupe (CLIS) est un atout fonda-
apprentissages en petits groupes avec un ensei- mental pour permettre les apprentissages ;
gnant au fait des stratégies les mieux adaptées • soulager au maximum la mémoire de travail
[66, 67]. [47] : choix d’une méthode syllabique (impré-

132
Chapitre 6. Lire

gnation syllabique [65]), utilisation de quel- l­ ’accès à la lecture courante (diagnostic neuro­
ques pictogrammes (simples et dépouillés), psychologique).
images ou chiffres écrits (selon la tâche en Chez l’enfant dyspraxique, toute pathologie
cours) pour soutenir l’attention et libérer la d’accès à la lecture doit être soigneusement ana-
mémoire de travail (avoir sous les yeux ce lysée afin de déterminer quelle stratégie doit
qu’on ne peut garder en mémoire), etc. être mise en œuvre. En général, ces troubles de
la lecture nécessitent de conjuguer mesures
­rééducatives (pluri-hebdomadaires) et pédago-
giques bien ciblées, et d’adapter les exigences et
Conclusion le rythme scolaire aux possibilités effectives de
l’enfant : cela requiert bien souvent l’inscrip­
On voit donc qu’il ne suffit pas « de faire lire tion dans une CLIS 4 ou une CLIS « langage »
l’enfant », plus longtemps ou plus souvent : il (cf.  p.  35), du moins si l’enseignant est formé
faut d’abord tenter de comprendre quels sont et si on peut espérer un partenariat soins–école
les troubles sous-jacents qui lui interdisent sur plusieurs années scolaires consécutives.

133
Compétences Chapitre  7
visuo-practo-spatiales
et scolarité
« Gardons-nous de sous-estimer la seule chose sur laquelle nous
pouvons personnellement agir : la solitude et la honte de l’élève
qui ne comprend pas, perdu dans un monde où les autres
comprennent. »
D. Pennac50

Les difficultés d’un enfant dyspraxique se réper- C’est à partir de ces outils d’analyse que nous
cutent dans l’ensemble des apprentissages et, en exposons, au fil de notre propos, des sugges-
classe, concernent toutes les matières, car elles tions d’aides et des exemples concrets.
infiltrent des compétences transversales (lec-
ture, écriture, orthographe). Nous nous intéres- En effet, il est indispensable pour la scolarité
sons ensuite aux répercussions dans un domaine de ces jeunes dyspraxiques d’adapter les
scolaire où les compétences visuo-practo- ­d ifférents supports, inexploitables du fait
spatiales sont éminemment et spécifiquement de leurs difficultés spécifiques (praxiques
requises : la géométrie. Puis nous abordons les et visuospatiales) afin de leur permettre de
répercussions, successivement, dans les princi- ­réaliser leurs acquisitions scolaires dans les
pales matières : français, mathématiques, his-
même délais que leurs camarades (cf. p. 33),
toire et sciences. Cette approche essaie de mettre
mais avec des supports (d’apprentissage, de
en lumière les composantes visuelles, praxiques
contrôle et d’examen) accessibles.
et spatiales de ces différentes matières, souvent
partiellement méconnues.
Après cette mise en exergue des éléments qui Enfin, nous proposons de formaliser ces amé-
perturbent, de manière masquée, les apprentis- nagements qui leur sont indispensables, en par-
sages des ces jeunes, nous proposons une ticulier via leur inscription au PPS.
démarche d’analyse des différents supports C’est essentiellement l’ergothérapeute qui met à
pédagogiques. Bien qu’il soit nécessaire et indis- disposition (du jeune, des enseignants, des
pensable que l’ensemble des supports soit ana- parents) ses compétences d’analyse d’activités
lysé au regard des problèmes visuospatiaux des et de mises en situations écologiques pour faire
enfants, seuls les supports usuels sont abordés des propositions pertinentes en ce qui concerne
ici à titre d’exemples : cartes, schémas, graphi- ces adaptations (des supports d’apprentissages,
ques, dessins, géométrie, photographies, ima- de l’environnement) afin d’optimiser la partici-
ges, tableaux. Mais cette démarche d’analyse pation de l’enfant.
est à généraliser et à utiliser aussi souvent que En effet, de par sa formation, il peut, au décours
nécessaire. des bilans pratiqués et de sa rééducation en situa-
tion individuelle, analyser finement les difficul-
tés rencontrées, leur origine (gestuelle, visuelle,
50 Pennac D. Chagrin d’école. Paris : Gallimard ; 2007. spatiale…) et essayer avec l’enfant ­différentes

135
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

adaptations en fonction de ses troubles mais gauche. La saccade, normalement parfaitement


aussi et surtout de ses capacités de compensation. calibrée, se fait (dans les écritures qui se lisent
de gauche à droite) au milieu, mais légèrement
Il faut sans cesse effectuer des aller-retours à gauche du milieu d’un mot. Au cours de la
entre cette situation individuelle privilégiée lecture, la ­saccade suivante est automatique-
et la situation scolaire, au sein du groupe–­ ment pilotée par la rétine périphérique. Les
classe. enfants dyspraxiques présentant une dyspraxie
oculaire (cf.  p.  124) ne peuvent pas organiser
leurs saccades de façon si précise et ils oublient
Il faut ensuite s’attacher à convaincre les diffé- des lettres, des mots, manifestent une fatigue
rents partenaires (école, famille et le jeune lui- visuelle anormale (quelques lignes) et de gros
même) de leur nécessité. Il s’agit d’établir un problèmes de recherche visuelle (dans le texte,
véritable partenariat entre l’élève, l’enseignant, sur la page, les murs, le tableau…).
le rééducateur et la famille afin que l’ensemble
Il est alors primordial et indispensable pour
des aides proposées réponde bien aux besoins
leur scolarité de leur fournir un palliatif. Il faut
spécifiques du jeune et à son projet personnel et
trouver un moyen de leur permettre d’accéder
scolaire (cf. p. 31).
aux connaissances en contournant au maxi-
mum les activités visuelles liées à la lecture.
Quand cela est possible, l’adulte peut lire à la
Des compétences transversales : place de l’enfant. En classe, cela nécessite une
lecture, écriture et orthographe personne détachée pour l’enfant, l’idéal étant
de bénéficier de la présence d’un auxiliaire de
Nous pouvons isoler trois grands types d’ap- vie scolaire (AVS). Cette personne se substitue à
prentissages transversaux qui diffusent dans l’enfant pour la lecture, du moins quand cela
toute la scolarité : la lecture, l’écriture et l’or- est nécessaire. Cela pose malgré tout problème
thographe (cf. chapitres 3 à 6). lorsqu’il s’agit de textes longs. Ce travail de lec-
D’une façon générale, ce qui perturbe l’enfant ture est fastidieux à la fois pour le lecteur mais
dyspraxique, ce n’est pas le fond, c’est-à-dire le aussi pour l’enfant.
contenu pédagogique de ces matières, mais plu- C’est pourquoi il faut également l’entraîner à
tôt la forme, c’est-à-dire la présentation et la utiliser un logiciel de lecture vocale, comme
manière dont ces matières sont abordées. Speakback®, Pictop® ou autre (cf. annexe).
Il ne s’agit donc pas ici de s’immiscer dans les
programmes et la pédagogie des enseignants, Ces logiciels ont l’avantage de permettre à
mais au contraire d’essayer de trouver avec eux l’enfant d’être plus autonome dans l’activité,
des adaptations de leurs supports pédagogiques une fois le matériel informatique installé et
(présentation des notions, activités proposées, branché par une tierce personne, car il ne
mise en œuvre des contrôles…) afin de permettre faut pas sous-estimer les troubles d’organi-
à l’enfant dyspraxique de faire les mêmes acquisi- sation et de planification gestuelle qui vont
tions et les mêmes apprentissages que les autres interférer dans l’installation et la prépara-
enfants de sa classe. C’est donc une démarche de tion du matériel.
compensation du handicap dont il s’agit ici.
L’apprentissage de l’utilisation de ces logiciels
Lecture est généralement effectué en séance indivi-
duelle avec l’ergothérapeute qui :
Sur le plan visuel, la lecture (cf. p. 122) est une
praxie qui met en jeu une organisation particu- • montre et explique les différentes fonctionna-
lière des saccades oculaires (qui permettent de lités des logiciels ;
s’emparer visuellement de la suite des mots • définit également avec l’enfant, l’enseignant
écrits), organisées de gauche à droite, et une et la famille les conditions et modalités d’uti-
grande saccade de retour à la ligne de droite à lisation de ces logiciels.

136
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

• Kurzweil 3000 ® permet un retour vocal mais


Dès lors qu’il s’agit de suppléer à une fonc-
aussi des paramétrages spécifiques de lecture
tion déficitaire, seul un partenariat étroit
dynamique, avec des surlignages. Il permet
entre les différents intervenants permet une
également de bénéficier d’une prédiction de
utilisation justifiée, acceptée et efficace de mots et d’une vocalisation en cours de frappe,
cette aide palliative. de dictionnaires intégrés. Ce logiciel offre
aussi de nombreuses possibilités de mise en
forme d’exercices à réaliser ainsi qu’une
Plusieurs logiciels de retour vocal existent dans conversion en fichier audio MP3…
le commerce51. Citons, parmi les plus courants
(cf. annexe) : En parallèle, il faut essayer au maximum de
recourir aux livres « à écouter », audio et numé-
• Word Reader® est un logiciel freeware qui
riques (cf. annexe) permettant soit une écoute
permet de lire et d’imprimer tous les docu-
directe, soit une écoute par l’intermédiaire du
ments Word® quelle que soit la version avec
logiciel de retour vocal.
laquelle ils ont été créés ;
• ACE-HIGH Text To Speech Reader® permet
de lire des documents en les copiant dans le Contourner les difficultés de lecture n’em-
tableau de bord du logiciel, mais aussi de pêche pas l’enfant de progresser en lecture et
créer des fichiers MP3 à partir de n’importe ne contrarie en rien la rééducation ortho-
quelle source et transférables vers un lecteur phonique. Mais il faut clairement dissocier
MP3 ; les moments où l’enfant dyspraxique est en
• Speakback® est disponible chez Mysoft en situation de rééducation (séances d’ortho-
deux versions (français et bilingue français– phonie et séquences de lecture en classe ou
anglais), avec réglage de la vitesse et du ton de au domicile bien délimitées) et les situations
la voix, lancement dès l’ouverture d’un docu- où l’enfant est un élève en cours d’apprentis-
ment ou sur commande, arrêt de la lecture à sage, où la priorité est l’acquisition de nou-
tout moment. Il permet une lecture phonéti-
velles connaissances.
que des mots et des sigles, respecte les règles
de lecture des chiffres, de liaisons, d’intona-
tion, possède un dictionnaire d’abréviations
Écriture
et un dictionnaire d’homographes et des
règles de différenciation phonétique ; Écrire « mal » n’est pas un problème si les défor-
• ClaroRead Plus V5® est un logiciel beaucoup mations sont constantes, ce qui n’est pas le cas
plus complet qui permet un retour vocal mais de l’enfant dyspraxique (cf. tableau 1.2). Il faut
aussi des paramétrages spécifiques de lecture aussi contrôler la vitesse d’écriture. Si la qualité
avec fonds d’écran et surlignages. Il intègre de la calligraphie se fait au détriment d’une
également une reconnaissance OCR des vitesse acceptable, l’enfant est en décalage
fichiers scannés, une fonction de prédiction ­permanent face aux objectifs pédagogiques
de mots, une aide au choix des mots. En outre, (cf.  p. 29, 64). Le risque de cette situation
il offre des possibilités de scanner et de déver- constante de double tâche (cf. p. 21) est qu’il
rouiller un PDF ainsi qu’une compatibilité développe secondairement des troubles de la
avec Dragon NaturallySpeaking® (logiciel de constitution du lexique orthographique [43] et
dictée vocale, cf. p. 93) ; de la planification de texte (cf. p. 53, 55).
Nous devons donc encourager des moyens de
compensation, tels que le recours à un secré-
taire, l’utilisation de l’ordinateur, d’un dicta-
51 Les logiciels et matériels cités dans cet ouvrage
n’ont aucune prétention d’exhaustivité : il s’agit
phone, d’une dictée vocale…. En fonction des
d’un choix personnel des auteurs, fonction de leur situations scolaires et de l’âge de l’enfant, nous
expérience et de leurs habitudes de travail. Les réfé- optons pour l’une, l’autre ou plusieurs de ces
rences de ces logiciels sont présentées en annexe. solutions.

137
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Plus l’enfant est jeune et plus nous privilégions et la langue utilisée. La prise de notes peut ainsi
l’accès à une écriture dactylographiée, c’est- être assurée par un ou plusieurs camarades,
à-dire l’utilisation de l’ordinateur avec l’appren- professeurs et AVS et dans toutes les matières.
tissage en clavier caché (cf. p. 69, 76). En parallèle, Le transfert de fichier se fait sous Word®, ce qui
lorsque le rythme est trop rapide ou que la quan- permet, par la suite, d’utiliser un logiciel de
tité d’écrits est trop importante, il faut également retour vocal si besoin.
recourir au secrétariat, c’est-à-dire la dictée à un On peut aussi demander les cours sur clé USB aux
adulte, une tierce personne (cf. p. 97). professeurs qui les préparent sur informatique.
Quand les enfants sont plus grands (au collège),
nous avons tendance à privilégier soit l’écriture
informatique si l’enfant est suffisamment Orthographe
rapide au clavier, soit la dictée vocale associée au
secrétariat. Le problème de la dictée vocale Lors de la production d’écrits (en particulier les
(cf.  p. 93) est qu’elle n’est guère utilisable en dictées), les enfants dyspraxiques sont très
situation de classe, puisque le jeune doit parler gênés par plusieurs aspects concernant l’ortho-
à haute voix. En outre, au sein d’une classe, les graphe :
conditions d’enregistrement de la voix sont loin • d’une part, la restitution calligraphique
d’être optimales et la reconnaissance est sou- demandée ne peut être correctement réalisée.
vent médiocre par rapport à ce qu’elle peut être Les enfants se focalisent alors sur le graphisme,
à domicile ou dans une salle à part. sollicitant toutes leurs capacités d’attention
Le secrétariat (cf. p. 97) quant à lui nécessite la (double tâche, cf. p. 19) et ne pouvant plus se
présence d’une tierce personne, ce qui pose concentrer sur l’aspect orthographique et
aussi souvent problème lors de la scolarité : grammatical des mots, ce qui est pourtant
manque d’AVS, AVS à temps partiel mais dys- l’objectif principal de la dictée (cf. p. 52, 53). Il
praxie à temps plein, AVS non formé à ce type faut donc trouver un moyen permettant aux
très particulier de travail (cf. p. 98, 115)… enfants dyspraxiques de montrer leurs réelles
capacités ou incapacités dans ce domaine, en
Les photocopies (cf. p. 96) des cahiers des cama-
les soulageant de l’aspect calligraphique ;
rades de classe peuvent être envisagées si l’on
prend toujours le même cahier (même écriture). • d’autre part, ces jeunes présentent souvent
une dysorthographie associée à leurs troubles
praxiques, dysorthographie d’usage s’instal-
BloXnote DigiMemo A402® lant progressivement [43, 54]. Ils ne peuvent
Si l’enfant est gêné en lecture (ce qui est fré- donc pas s’appuyer sur leur expérience visuelle
quent, cf. chapitre 6), il faut en outre paramétrer du lexique, et restent dans un apprentissage
l’écriture du camarade de classe avec un logiciel « par cœur » de l’orthographe des mots
de reconnaissance manuscrite permettant une (cf. p. 53, 129).
transcription en texte dactylographié compati-
Pour juger au mieux de leurs connaissances
ble avec l’utilisation d’un logiciel de retour vocal.
orthographiques, il faut privilégier les dictées
BloXnote DigiMemo A402® est une solution préparées et se consacrer à l’évaluation de cer-
informatique couplant une tablette numérique tains mots uniquement. Il est intéressant de
à un logiciel permettant d’organiser les notes, recourir aux dictées sous forme de textes à trous
de les hiérarchiser. (cf. p. 52), limitant le graphisme aux mots sujets
La tablette numérique capture tout ce qui est à contrôle. L’utilisation de la fonction Formulaire
écrit ou dessiné sur du papier ordinaire, elle (cf. p. 144, 145, 149 et figure 7.11 p. 152) est alors
peut donc être utilisée par un camarade de souvent une bonne solution. La dictée par épel-
classe. Ensuite, il suffit de la brancher à l’ordina- lation (en l’absence de trouble de mémoire de
teur du jeune pour enregistrer les notes dans ses travail) est également très bénéfique pour ces
dossiers, afin qu’il puisse les réutiliser selon ses enfants qui sont alors déchargés de l’aspect cal-
besoins. De plus, plusieurs profils d’utilisateurs ligraphique et peuvent focaliser toute leur atten-
peuvent être créés selon l’écriture de la personne tion sur l’aspect orthographique.

138
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

Des compétences visuo-practo- • afférents, liés à l’analyse visuelle de la (ou des)


figure(s) qu’il faut « lire », comprendre, com-
spatiales intrinsèques : menter, copier ou transformer ;
la géométrie • efférents, impliqués dans la conception et la
réalisation d’une figure qu’il faut « dessiner »,
Ce domaine comporte des exigences propres traitements qui font appel d’abord aux capa-
qui, justement, sont intrinsèquement spatiales. cités de représentation mentale des objets géo-
La stratégie qui consiste, comme nous le déve- métriques, puis aux capacités de réalisation
loppons tout au long de cet ouvrage, à contour- graphomotrice.
ner ou ré-aménager les éléments spatiaux propres
Ainsi, la reconnaissance des figures géométriques
à la tâche sans en altérer le sens, est là mise à mal
usuelles se fait souvent sans difficulté (dire s’il
dans la mesure où les éléments spatiaux consti-
s’agit d’un carré, d’un triangle…) en grande sec-
tuent précisément le cœur et le sens de la tâche.
tion de maternelle (GSM). Mais ultérieurement,
En contrepartie de cette difficulté propre à la l’analyse visuelle des relations entre les différents
discipline, l’échec de l’enfant dyspraxique dans éléments de la figure (topologie), l’interprétation
ce domaine est généralement plus facilement perceptive de la longueur relative des segments
reconnu et même accepté. De ce fait, c’est cer- (côtés égaux ou non, milieu d’un segment, etc.),
tainement le domaine, et c’est heureux, où le l’appréciation de l’obliquité (diagonales, perpendi­
moins d’entraînements, de cours de « rattra- culaires, parallèles) posent problème. Dire s’il
page » et d’aides banalisées mal ciblées sont s’agit d’un losange ou d’un carré, distinguer un
proposées. triangle rectangle d’un triangle quelconque ou
Cependant, en fonction de l’intensité et de la différencier médiatrices, médianes et hauteurs
nature des troubles des traitements spatiaux, peut alors s’avérer difficile.
certains savoirs peuvent rester partiellement L’exécution graphique (le dessin) des figures
accessibles en utilisant des méthodes tenant géométriques est généralement impossible.
compte du handicap spatial. Dans les rares cas où elle peut s’avérer réalisa-
ble, il faut utiliser des instructions verbales
Principes généraux séquentielles, les seules dont l’enfant peut tirer
profit et qui peuvent servir de base à des
Apprentissages fondamentaux apprentissages effectifs.
(GSM/CP/CE1) Enfin, signalons que les symétries posent à ces
Compétences attendues à la fin du CE1 (extrait)52   : jeunes des problèmes totalement insolubles.

Utilisation des « outils » géométriques :


« Situer un objet par rapport à soi, donner
règle, équerre, compas, rapporteur…
sa position, décrire son déplacement ;
reconnaître, nommer et décrire les figures Orienter et placer correctement l’instrument
planes et les solides usuels ; utiliser la règle (souvent en alignant des origines ou le zéro) est
et l’équerre pour tracer avec soin et une action intrinsèquement difficile, que les
précision un carré, un rectangle, un triangle enfants dyspraxiques ne peuvent pas réaliser.
rectangle ; être précis et soigneux dans les C’est pourquoi trois choix seulement sont pos-
tracés, les mesures, les calculs. » sibles :
• verbaliser de façon détaillée la procédure d’uti-
Dans ce domaine, il faut toujours bien distin- lisation de chaque instrument (cf. p. 117) [60];
guer deux temps différents en repérant quels
sont les traitements spatiaux : • utiliser un logiciel spécialisé (cf. p. 141) ;
• renoncer et dispenser l’enfant de ces activités.

52 Guide des parents publié par l’Éducation nationale C’est l’intensité des troubles, la présence de trou-
pour la rentrée de septembre 2008. Plus d’informa- bles associés ou non, les capacités de compensa-
tions sur : www.education.gouv.fr tion que l’enfant peut développer (compétences

139
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

raisonnementales, linguistiques et mnésiques) et s’étend aux figures planes (carré, rectangle,


surtout le projet individuel de l’enfant en termes losange, parallélogramme, triangles, cercle)
de projet scolaire (cf. p. 31) qui légitiment tel ou et solides usuels (cube, pavé droit, cylindre,
tel choix. prismes droits, pyramides). »

Stratégies verbales À partir du CE2 (jusqu’à la fin du primaire,


Il s’agit, comme nous l’avons montré à plusieurs mais aussi au collège), certains jeunes dys-
reprises, de transformer des informations praxiques peuvent bénéficier de façon plus sys-
visuospatiales, globales, holistiques, en une tématique des stratégies de contournement
suite séquentielle d’instructions verbales qui, (verbalisation) ou palliatives (logiciels adap-
elles, sont accessibles aux jeunes DVS. tés). En effet, les méthodes pédagogiques et les
exercices font moins appel aux aspects percep-
Si l’on pense que l’enfant peut bénéficier des tifs mais beaucoup plus aux propriétés des
enseignements dans ce domaine, alors les AVS objets géométriques. Les stratégies proposées
(ou secrétaires), tout comme les enseignants, par A. Crouail [60] prennent là toute leur effi-
doivent eux-mêmes être entraînés à « décrire » cacité, préparant le jeune aux exigences du
les figures très précisément et de façon utili­ collège.
sable par ces jeunes (cf. p. 117–119), afin de
leur permettre de s’en faire une représenta- Ultérieurement, ces jeunes peuvent être très
tion mentale (qui ne sera très probablement intéressés (et relativement compétents) en géo-
pas figurative, mais plutôt propositionnelle métrie analytique. Dans cette matière, les
[cf. p. 102 et figure 5.1, cahier couleur central]) aspects perceptifs et spatiaux passent tout à fait
et d’en comprendre les propriétés. au second plan, au profit d’une description
algébrique des propriétés des objets géométri-
Les stratégies verbales, si elles sont bien prépa- ques et de leurs relations. Les jeunes dyspraxi-
rées, précises et pertinentes, permettent de réa- ques peuvent alors traiter les problèmes
liser ou concevoir un trajet, voire même séquentiellement comme ils le feraient avec
d’analyser ou décrire une figure simple [60]. n’importe quel système d’équations.
C’est également très souhaitable pour l’appren- Des stratégies et logiciels spécifiques d’aide à la
tissage par cœur des définitions et propriétés des géométrie peuvent donc rendre service à ces
divers objets géométriques (un élève dyspraxi- jeunes, à condition qu’ils puissent bénéficier
que peut savoir que : « une bissectrice partage d’un apprentissage efficace de leur utilisation,
un angle en deux parties égales », sans pour généralement avec leur ergothérapeute et en
autant être en capacité de la construire, ni de la lien avec leurs professeurs (ou au moins avec
reconnaître). leur assentiment).
Ces savoirs (séquentiels) sont par ailleurs tout à
fait indispensables pour utiliser avec profit les
logiciels d’aide à la géométrie (cf. p. 141–143). Nous insistons sur le fait que l’objectif, pour
ces jeunes, est rarement l’acquisition du pro-
Géométrie en fin de primaire gramme prévu pour la classe : il faut, dans ce
domaine, avoir des buts minimalistes, visant,
Programme du CE2 au CM2 (extrait)53 : lorsque c’est possible, les notions de base.

« L’objectif principal est de permettre aux


élèves de passer d’une reconnaissance Adaptations – remédiations
perceptive à une étude fondée sur le recours
aux instruments de tracé et de mesure. Cela Une partie de la remédiation proposée consiste
à conforter ces enfants dans leurs connaissan-
ces théoriques et à leur apprendre à ne faire
53 Guide des parents publié par l’Éducation nationale confiance qu’à leurs connaissances verbales,
pour la rentrée de septembre 2008. Plus d’informa- formelles et conceptuelles, et non à ce que leurs
tions sur : www.education.gouv.fr yeux voient.

140
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

Exemple férentes composantes, et de les mettre en corré-


Ainsi, il faut plutôt prendre en compte le lation avec les difficultés de l’enfant et son
texte « ABC est un triangle rectangle en A » environnement, ce qui permet d’orienter les choix
plutôt que l’interprétation visuospatiale de d’adaptation de manière fiable et pertinente.
la figure : « ABC est un triangle particulier
car C est plus lourd, il est en bas » (!), comme Apprentissage d’un logiciel
a pu le faire un enfant souffrant d’une DVS de tracé de figures géométriques
lors d’une séance d’ergothérapie axée sur la
remédiation en mathématiques (enfant Lorsqu’il s’avère nécessaire de mettre en place
intelligent, scolarisé en 4e). un logiciel de géométrie (Cabri II Plus® ou
GeoGebra®), il faut procéder à un accompagne-
ment rigoureux permettant à l’enfant d’appren-
Pour favoriser des acquisitions de qualité, il est
dre à utiliser de façon optimale ce logiciel en
préférable de mettre en place un logiciel d’aide
situation scolaire.
à la construction géométrique dès les premiers
apprentissages de l’enfant. Habituellement, cet apprentissage est le fait des
ergothérapeutes. Il est souhaitable de commen-
Même si à ce stade la fonction dessin de Word®
cer assez précocement, dès le CE2 ou CM1 au plus
peut suffire, il est important que les enfants
tard, et ce uniquement si l’enfant ne maîtrise pas
dyspraxiques s’approprient tout de suite le logi-
encore suffisamment bien l’outil informatique.
ciel qu’ils vont utiliser par la suite tout au long
de leur scolarité. Classiquement, nous utilisons Fonction Dessin du traitement de textes
Cabri II Plus® qui sera certainement progressive­
Dans les classes antérieures, la géométrie n’a pas
ment remplacé par GeoGebra®, reconnu par
une place prépondérante et les premiers appren-
l’Éducation nationale et souvent installé dans
tissages peuvent très bien se faire avec la simple
les ordi­nateurs fournis aux enfants dyspraxi-
fonction Dessin du traitement de textes utilisé.
ques. Ces logiciels permettent de réaliser l’en-
semble des constructions géométriques et d’y Il faut alors expliquer et montrer à l’enfant
associer des éléments de texte, ce qui a pour comment utiliser cette fonction et l’entraîner à
avantage de résoudre l’exercice de géométrie tracer les figures demandées avec les bonnes
avec un seul logiciel. mesures. De même, cette démarche explicative
et démonstratrice doit être proposée aux ensei-
Exemple gnants et aux parents afin que l’enfant puisse
D’autres logiciels, comme la trousse géo être conforté dans ses apprentissages dans tous
tracé développée par l’INSHEA, permettent ses lieux de vie.
de tracer les différents figures géométri­ Ensuite, il faut raisonner à partir de figures qui
ques en utilisant des outils similaires aux se complexifient et recourir à l’utilisation d’un
autres enfants (règle, équerre, compas…) logiciel spécialisé. Cependant, il est très difficile
mais apparaissant sur l’écran de l’ordinateur d’en démarrer l’apprentissage avant le CE2.
et manipulables via la souris. Cependant
cela ne résout en rien le problème d’orien­
En effet, ces logiciels demandent une cer-
tation et de repérage des enfants dyspraxi­
taine rigueur mathématique pour laquelle il
ques. Ce logiciel est plutôt utile aux enfants
est indispensable de connaître certains pré-
souffrant d’une atteinte motrice perturbant
le tracé, le graphisme.
requis. Les concepts de base, les définitions et
les propriétés des objets géométriques doivent
Il faut donc être très vigilant dans les pro­
être appris et maîtrisés. Il faut que l’enfant ait
positions et les choix des aides proposées,
déjà compris et acquis certaines notions et le
certaines pouvant même constituer de véri­
vocabulaire y afférent (droite, segment,
tables sur-handicaps.
demi-droite, parallèle, perpendiculaire…).
L’apprentissage doit donc se faire en para­l­
Il est donc indispensable de procéder à une
lèle des acquisitions scolaires.
analyse fine et détaillée de l’activité, de ses dif-

141
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Apprentissage d’un logiciel spécialisé De plus, les manipulations doivent être préci-
Au fur et à mesure des acquisitions scolaires, ses afin de tracer les figures demandées en
nous montrons à l’enfant comment réaliser les respectant les consignes de taille, d’orienta-
tracés avec le logiciel de géométrie choisi. Cet tion… Cela demande une certaine habileté
apprentissage peut être proposé, en séance indi- dans la manipulation de la souris. Il faut donc
viduelle, de manière ludique dès le CE2. À ce s’intéresser plus particulièrement au type de
stade, nous proposons à l’enfant de tracer des périphérique permettant une précision maxi-
droites, segments ou autres de telle sorte qu’au male. Le pavé tactile des ordinateurs porta-
final la figure réalisée représente par exemple bles est loin d’être la panacée ! Très souvent,
une fusée, une maison (figure 7.1). les enfants dyspraxiques sont plus habiles
avec une trackball (figure  7.2, cf. cahier cou-
Dès le CM1, on peut proposer un abord en lien
leur central).
plus étroit avec la scolarité. Nous apprenons à
l’enfant à utiliser ce logiciel pour réaliser des Cependant l’utilisation de ce type de périphéri-
exercices de son manuel scolaire, en lien avec que rajoute une contrainte. Il faut pouvoir
l’enseignant. brancher correctement cette adaptation, la ran-
ger et la transporter facilement. Il est donc
À partir du collège, il peut être intéressant de
impératif de prendre un guide-doigts lors de
mettre en place des groupes de travail permet-
l’achat de la trackball permettant d’éviter toute
tant aux enfants de se confronter les uns aux
chute de la boule centrale.
autres et de mieux comprendre et résoudre, en
collaboration, leurs difficultés (cf. p. 87). Ces logiciels comportent certaines touches spé-
cifiques (figure 7.3, cf. cahier couleur central),
L’apprentissage de ce type de logiciel doit se faire
par exemple : médiatrice, bissectrice… Les
selon la progression de l’enfant, il ne faut pas
enfants sont alors souvent tentés de les utiliser
vouloir à tout prix suivre le rythme de la classe.
afin « d’aller plus vite, de gagner du temps ».
En effet, ces enfants sont très souvent en déca-
Mais cela peut aller à l’encontre de ce qui est
lage (retard) par rapport à leurs camarades de
demandé, si l’objectif est de construire ces objets
classe au niveau des acquisitions géométriques.
géométriques particuliers.
Un grand soin doit être porté à l’accessibilité
Exemple
du logiciel proprement dit. En effet, les
Si l’on demande dans l’exercice de tracer la
enfants peuvent avoir besoin d’icônes gros-
médiatrice du segment [AB], cela suppose
sies, de paramétrage de couleurs et d’épais-
que l’enfant applique un protocole de
seurs de tracé spécifiques leur permettant
construction. On doit tout d’abord tracer le
un meilleur repérage sur l’écran.
milieu du segment, puis la droite perpendi­

8,0 cm
Figure 7.1. Consigne : « Trace un carré de 8 cm de côté et, au-dessus, un triangle équilatéral, puis
complète le dessin » (CE2).

142
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

culaire au segment passant par son milieu. Exemple de protocole


L’enfant ne doit donc pas utiliser la touche de construction avec Cabri II Plus®
Médiatrice, raccourci du logiciel. (figures 7.3 et 7.5, cf. cahier couleur central)
Pour tracer un rectangle :
L’utilisation de ces logiciels peut être contrôlée
 cliquer sur troisième icône Droite et sélec­
par l’adulte (l’enseignant, le rééducateur) grâce
tionner Segment ;
à la fonction Protocole de construction permet-
tant de visualiser les différentes étapes par les-  cliquer sur la feuille de dessin : Déplacer la
quelles l’enfant est passé avant d’arriver à la souris ; cliquer une deuxième fois → trace le
figure finale. Ainsi, chacun peut vérifier l’adé- segment ;
quation des résultats à ce qui a été demandé, en  cliquer sur la neuvième icône Distance ou
particulier l’enseignant. Il est très important longueur ;
d’en informer les enfants.  cliquer sur le segment dessiné ;
Parfois, nous proposons aux enfants des fiches  cliquer sur première icône Sélectionner ;
de procédure de tracé des figures géométriques cliquer sur un des deux points, maintenir le
de base afin de les aider à automatiser ces clic et délacer le point pour régler la dis­
démarches de construction. tance du segment comme demandé ;
 cliquer sur la cinquième icône Droite
Exemple de protocole perpendiculaire ;
de construction avec GeoGebra®  cliquer sur le segment puis sur un des bouts
(figure 7.4, cf. cahier couleur central) (extrémités) du segment ;
Pour tracer un rectangle :  cliquer à nouveau sur le segment puis sur
 tracer un segment à partir d’un point et un des bouts (extrémités) du segment ;
d’une longueur ;  cliquer quelque part sur une des deux
 tracer une droite perpendiculaire au seg­ droites tracées deux fois de suite ;
ment passant par un des deux points (extré­  cliquer sur Distance ou longueur puis sur le
mités) du segment ; dernier point tracé et sur le point du seg­
 tracer une perpendiculaire au segment ment qui est sur la même droite que lui ;
passant par l’autre point (extrémité) ;  cliquer sur Sélectionner et à nouveau sur le
 tracer un segment par un point et une dernier point tracé, maintenir le clic et
longueur ; déplacer le point pour régler la distance
 tracer une perpendiculaire passant par le demandée ;
point créé ;  cliquer sur Segment et repasser tous les
 repasser les segments ; segments ;

 cacher les droites.  cliquer sur Cacher/montrer (dernière icône)


et cliquer sur toutes les droites mais pas les
Pour tracer un triangle équilatéral :
segments.
 tracer un segment par un point et une
longueur ;
 tracer un cercle de centre un des points du
Les logiciels de tracé de figures géométriques
segment et de rayon la même longueur
comme Cabri géomètre® et GeoGebra® sont
(passe par l’autre point) ;
certes assez complexes mais également très
 tracer un cercle de centre l’autre point du complets. Surtout, ils respectent bien les
segment et de rayon la même longueur ; concepts mathématiques. Ils nécessitent de
 tracer les deux segments passant par le réels savoirs géométriques pour tracer les figu-
point commun aux deux cercles ; res de base, ce qui permet de s’assurer des
 cacher les cercles. apprentissages et des acquisitions de ces
enfants en géométrie.

143
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Cependant, tout ne peut pas être sujet à com- Production de textes


pensation. Les limites des stratégies et des La dyspraxie a souvent des répercussions dans
palliatifs décrits ici sont liées aux compéten- la production de textes (cf. p. 55). Dans ce
ces précisément et en rapport direct avec le domaine, également appelé « rédaction, expres-
handicap spatial (donner sa position, situer sion écrite ou production d’écrits », l’enfant
un objet, etc.) : le jeune dyspraxique en est dyspraxique est gêné à la fois par l’aspect calli-
alors dispensé. graphique si le résultat doit être rendu en écri-
ture manuscrite (cet aspect peut facilement
être compensé par le recours à un ordinateur
C’est pourquoi le médecin (médecin du centre
ou à un secrétaire), mais aussi par l’aspect orga-
référent, spécialiste en neuropsychologie infan-
nisationnel et spatial de ce type d’exercice.
tile ou médecin scolaire) doit lister précisément
les éléments du programme dont l’enfant doit Il faut alors en soulager l’enfant dyspraxique :
être dispensé ; ces éléments sont à communi- par exemple, lui faire verbaliser toutes ses idées,
quer à l’enseignant dès le début de l’année sco- l’aider à les regrouper ensemble et le laisser
laire et à détailler dans le PPS (cf. p. 168). ensuite « rédiger » les différentes parties corres-
pondant aux regroupements d’idées. Il s’agit
d’une « rédaction » orale. Il est donc primordial
Des éléments visuo-practo- que ces enfants tirent partie d’un secrétaire
pour toutes les activités scolaires nécessitant de
spatiaux masqués la production de textes. Lorsque l’enfant béné-
ficie d’un AVS, celui-ci peut tenir ce rôle. Il est
Dans de nombreuses autres matières, on ima- à noter que la quantité d’écrits augmente au fur
gine, à tort, que le jeune dyspraxique peut « faire et à mesure de la scolarité. Ces enfants vont
comme tout le monde ». donc avoir de plus en plus besoin d’un secré-
taire et ce, même s’ils ont progressé en indépen-
Or, certains supports, certains apprentissa- dance fonctionnelle et en autonomie.
ges, certaines activités ou présentations
contiennent, de façon masquée, des éléments
Cette notion d’augmentation du besoin de
visuo-practo-spatiaux dissimulés.
secrétariat est très importante, car elle justi-
fie le maintien et parfois l’augmentation du
Il ne viendrait à l’idée de personne de deman- temps de présence de l’AVS de l’enfant afin
der à un jeune se déplaçant en fauteuil roulant de lui permettre une meilleure autonomie
de faire du sport dans les mêmes conditions, dans ses acquisitions et ses apprentissages
avec les mêmes contraintes et le même équipe- scolaires.
ment que tous les autres enfants de la classe. Or,
c’est ce que l’on fait, de façon involontaire et
souvent en toute bonne foi, si l’on ignore ou En ce qui concerne l’aspect organisationnel et
néglige ces difficultés cachées, lorsque l’on donc spatial de la production de textes, il faut non
demande à un enfant dyspraxique de réaliser seulement trouver des idées mais aussi les organi-
certains apprentissages dans les mêmes condi- ser et les hiérarchiser pour aboutir à un texte
tions, contraintes et environnement que ses construit, respectant un plan et ayant du sens.
camarades de classe.
Fonction Formulaire
En français Nous pouvons proposer aux enfants dyspraxi-
ques des règles de procédures séquentielles
Outre les difficultés en lecture et en écriture, ­toujours identiques afin que celles-ci puissent
certains objectifs pédagogiques de cette matière être apprises et appliquées par la suite. L’enfant
doivent être adaptés, revus et parfois supprimés remplit alors une sorte de formulaire vierge où
ou remplacés par un autre objectif. il n’a plus qu’à inscrire ses idées (figure 7.6).

144
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

DUPONT Jules Cliquez ici pour entrer une date.

5e

Rédaction

Note Observations

Introduction
Il s’agit ici de présenter le sujet, ce dont on va parler.
À la fin de cette partie, il faut présenter le plan de la rédaction donc nommer les parties qui vont
suivre dans l’ordre.
1re partie – 1re grande idée
Plusieurs idées complémentaires sont décrites. À chaque nouvelle idée, changer de
paragraphe.
2e idée.
3e idée.

4e idée.
2e partie – 2e idée (souvent opposée à la première)
Plusieurs idées complémentaires sont décrites. À chaque nouvelle idée, changer de
paragraphe.

2e idée.
3e idée.
4e idée.
3e partie
En général, on fait ici le bilan entre les idées de la 1re partie et celles de la 2e partie.
On essaye de les mettre en relation les unes avec les autres.

À chaque nouvelle idée, changer de paragraphe.


2e idée.

3e idée.
4e idée.
Conclusion

Il s’agit de terminer sa rédaction donc de trouver une idée qui résume (rassemble) toutes les
autres idées de la rédaction en faisant un bilan.
En fin de conclusion, on essaye de trouver une idée plus générale, plus vaste qui va dans le
même sens que ce qu’on vient juste de dire.

Figure 7.6. Exemple de présentation « formulaire ».

Nous pouvons également, en fonction des dif- que paragraphe et saut de plusieurs lignes entre
ficultés d’organisation, proposer à ces enfants deux parties, retrait à chaque paragraphe. Lors
de lister toutes leurs idées dans un premier d’une césure de mot, après la fin d’une syllabe
temps, puis de regrouper ensemble celles qui et avec un tiret, les enfants dyspraxiques sont
vont ensemble et enfin de rédiger le texte souvent gênés par cet aspect spatial.
(cf. p. 56–58). Il faut donc souvent rappeler une liste d’ins-
Il reste un aspect souvent sous-estimé dans la tructions (cf. p. 25), par exemple : qu’écris-tu ?
rédaction qui est l’aspect spatial de la présenta- une phrase, un début de paragraphe… ? com-
tion du document fini : paragraphes, dialo- ment vas-tu présenter cela ? L’idée étant que les
gue… En effet, un texte doit suivre des règles de adultes entraînent les enfants de façon systéma-
présentation très spatiales : introduction avec tique à se faire eux-mêmes mentalement une
retrait de paragraphe, saut de ligne entre cha- liste d’auto-instructions (« Où en suis-je ? Je

145
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

change d’idée, donc… C’est un nouveau para- Aujourd’hui, on trouve un bon nombre de
graphe ? Alors, je dois… »). Les premiers temps, livres audio à la Bibliothèque nationale de
il faut que ce soit l’adulte qui les étaye dans cette France. Il existe aussi des associations se propo-
démarche. Ces méthodes doivent être mises en sant d’enregistrer un livre donné en version
place précocement (dès le CM) et longuement audio (Lecture pour tous). De nombreux édi-
entraînées, lentement complexifiées au fil des teurs (cf. annexe) proposent quant à eux des
exigences scolaires. Pour certains cependant, livres variés, destinés à tous les âges, existant
dans l’incapacité de concevoir et se représenter sous forme de CD ou de fichier MP3.
ces aspects spatiaux, il faut être tolérant… Cette démarche suppose une certaine anticipa-
tion de la part de l’enseignant pour :
Ne pas adopter la bonne présentation peut • choisir les textes et œuvres à étudier dans ce
relever du handicap ou d’un non-savoir : dis- vivier ;
socier les deux et savoir ce sur quoi l’enfant a • enregistrer une version audio du livre si celui-
été réellement évalué nécessitent que les ci n’existe pas encore sous forme numérique
aides spécifiques soient bien mises en place. ou audio.
S’il s’agit d’une version audio, il faut aussi anti-
Pour les résumés, c’est une stratégie particu- ciper, cette fois au niveau de chaque cours.
lière de lecture, souvent inaccessible aux jeunes L’enseignant doit dire à l’AVS quel chapitre va
dyspraxiques (cf. p. 122), qui doit être mise en être étudié en classe, afin qu’ayant repéré à
œuvre. Il faut aider l’enfant par une procédure combien de minutes ce chapitre est situé par
systématique : par exemple souligner les mots rapport au début du livre (en fonction des para-
« importants » (sur indication de l’enfant métrages et de la vitesse de lecture habituels de
lorsqu’il a lu ou écouté le texte), masquer les l’enfant), il puisse préparer le matériel. En effet,
digressions, les exemples et citations. la pagination est inutilisable et l’élève ne peut
Ensuite, l’enfant peut passer à la synthèse ou au généralement pas faire seul, dans les temps
résumé après lui avoir demandé de nous refor- impartis, cette recherche rapide sur le support
muler le contenu, de le définir en une seule audio.
phrase, de lui donner un titre… Sinon, le livre peut également être scanné afin
de le convertir en fichier audio. Cette démarche
Étude d’œuvre littéraire a l’avantage de permettre à l’enfant d’utiliser le
livre dans la même édition que celle de ses
Lorsque les enfants doivent étudier un texte, une
camarades et ainsi de situer plus facilement,
œuvre littéraire, ceux-ci doivent le lire seul avec
disposant des mêmes repères (numéro de
l’exemplaire recommandé par le professeur.
pages).
L’enfant dyspraxique dont la lecture est lente,
laborieuse et fatigante est donc jugé, noté et éva- Lorsqu’il s’agit de faire une fiche de lecture, le
lué sur son handicap et ses répercussions en lec- choix est laissé à l’enfant de prendre un livre
ture et non sur ses capacités de compréhension, parmi ceux existant en livre audio ou numérique.
d’analyse et de synthèse, critères sur lesquels les Enfin, n’oublions pas que certains textes sont
autres enfants de la classe sont jugés, dans la intrinsèquement peu accessibles aux enfants
mesure où ils ont automatisé la tâche de lecture. dyspraxiques de par leurs importantes référen-
Favoriser l’exploitation des livres audio et ces spatiales (figure 7.7). Dans ce cas, il faut
numériques permet de remédier en partie à ce accepter de renoncer : les jeunes dyspraxiques
problème (cf. p. 128). L’enfant dyspraxique ayant ne pourront jamais les appréhender dans leur
des difficultés de lecture, du fait de ses troubles entièreté avec tous les sous-entendus et les
oculomoteurs, doit utiliser un logiciel de retour détails, construire des représentations fidèles
vocal (synthèse vocale du logiciel d’exploitation au texte.
de l’ordinateur comme celle de Vista®, logiciel Ainsi dans certaines situations « extrêmes » (du
spécifique de retour vocal comme Speakback®, fait de leur lien direct et étroit avec le handi-
Word Reader®…, cf. p. 136 et annexe). cap), la prise en compte du handicap consiste

146
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

en une dispense, ce qui n’empêche pas, bien au Numération : dénombrement,


contraire, de penser, d’évoquer des solutions de comptage, accès au nombre
compensation pour d’autres situations.
(cf. chapitre 5)
Par compensation, il faut entendre remplace-
ment, contournement, palliatif ; le texte est L’accès au nombre se fait essentiellement par
modifié ou un autre choix est fait, en faveur des manipulations et des comptages de collec-
d’un autre texte avec aucune (ou le moins possi- tions chez les tout-petits. Or, les enfants dys-
ble de) références spatiales, laissant le jeune praxiques ont des difficultés en manipulation
libre de montrer sa sensibilité, sa compréhen- et en exploration visuelle qui interfèrent et
sion, son intérêt, ses savoirs, ses compétences perturbent leurs résultats. Ces enfants se
mais aussi, le cas échéant, ses limites. ­construisent une idée « magique » du nombre,
parfois « le maître (ou la maîtresse) est content(e)
En mathématiques et parfois non ». « Quand je compte ces billes,
des fois il y en a 4, des fois 5, des fois 3 et pour-
Il faut faire attention à la présentation des docu- tant rien n’a changé, c’est bizarre… » La notion
ments, favoriser une aération des exercices et, le même de nombre est perturbée et les enfants ne
plus souvent possible, ne faire apparaître qu’un peuvent plus avoir confiance dans l’invariance
seul exercice par page. du nombre.

Figure 7.7. Un texte descriptif, très spatial, de G. Perec.


a. G. Pérec. Les Choses, début du chapitre 1.
Issu du travail de Dagnac A. Description et interprétation spatiale. Peter Lang ; 2005 ; 99–126.

147
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Figure 7.7. (Suite).


b. Le « style interprétatif » de Christian Molinier.

En passant par un apprentissage plus verbal des Pose d’opération, résolutions


mathématiques (cf. p. 102), en les dégageant des spatiales
manipulations, nous favorisons l’accès au sens,
ce qui leur permet par la suite d’effectuer des La pose d’opération est particulièrement pro-
opérations et des manipulations mentales avec blématique pour les enfants dyspraxiques.
ces nombres. C’est-à-dire que nous utilisons Elle fait en effet appel à des compétences
directement les concepts mathématiques sans visuospatiales. L’enfant doit explorer la feuille
recourir à la phase d’apprentissage par mani- de gauche à droite (pour écrire ou copier ou
pulations et observations visuelles, sources lire les nombres), puis si la résolution se fait
d’erreurs pour eux. en colonnes, les nombres s’écrivent de droite

148
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

à gauche, de haut en bas, alignés en colonnes enfants dyspraxiques et dyslexiques (cf. p. 122,
dont la situation est déterminée par l’écriture 130). Dans ces cas-là, nous proposons le recours
du chiffre le plus à droite de chaque nombre à un système de lecture vocale, par logiciel,
(cf. p. 104). tierce personne (cf. p. 165, 167)…
Nous pouvons proposer aux enfants dyspraxi- Ensuite, il faut analyser les différents éléments
ques de poser et de résoudre leurs opérations en de l’énoncé. Ils ne peuvent ni produire ni inter-
lignes ou de les poser en colonnes, mais avec préter les dessins ou schémas qui aident les
des repères de couleurs (cf. p. 80, 112) et des for- autres en favorisant une représentation effi-
mulaires tout préparés où il n’y a plus qu’à ins- ciente du problème et en soulageant leur
crire les nombres dans des cases prédéfinies mémoire de travail. Enfin, certains présentent
respectant un code couleur toujours identique aussi des difficultés d’organisation et de planifi-
selon la valeur du chiffre dans le nombre (unité, cation, ce qui ajoute à leurs difficultés. Il s’agit
dizaine, centaine…). alors de les aider en séquentialisant les informa-
tions contenues dans l’énoncé, en leur posant à
Utilisation de la fonction Formulaire chaque fois les mêmes questions : « que dois-tu
Pour cela nous pouvons recourir à l’utilisation chercher ? que sais-tu déjà ? de quoi as-tu
du logiciel Posop® ou de la fonction Formulaire besoin ? quels éléments vas-tu utiliser ? quelle
de Word® (figure 7.8, cf. cahier couleur central) opération vas-tu faire ? »…
permettant d’adapter les paramétrages de cou- Ces questions doivent seulement orienter la
leur, taille d’écriture, espacements… mais aussi réflexion de l’élève dyspraxique et non se sub­
et surtout travailler directement dans Word® et stituer à son analyse, son interprétation et ses
donc limiter les problèmes de manipulation et choix. Il s’agit simplement de compenser les
de compatibilité de logiciel, voire même tra- difficultés d’organisation afin de permettre à
vailler directement sur le support de cours du ces élèves d’exercer et de montrer leurs réelles
professeur des écoles si celui-ci est déjà infor- compétences en analyse et résolution de pro-
matisé. Nous voyons ici clairement le gain de blèmes une fois leur handicap compensé.
temps et la facilité d’utilisation qu’il y a pour
Progressivement, l’enfant doit reprendre à son
tout le monde.
compte cette stratégie et se poser lui-même tou-
Cependant, il faut au maximum éviter, voire jours ces questions (auto-instructions verbales,
dispenser de la pose d’opérations. Si celles-ci cf. p. 25), ce qui lui permet, au fil des années, de
doivent être résolues, elles le sont dans la gagner en autonomie.
mesure du possible mentalement, éventuelle-
ment en ligne ou avec l’aide de la calculatrice
(cf.  p. 105). En histoire/géographie
Dans cette discipline, nombreux sont les sup-
En effet, il ne faut pas oublier que dans les ports « toxiques » ou du moins inexploitables
textes officiels de l’Éducation nationale, il est pour un enfant dyspraxique. En effet, les diffé-
inscrit que « la calculatrice fait l’objet d’une rents supports utilisés par cette discipline et
utilisation raisonnée en fonction de la com- dont les enfants doivent apprendre les significa-
plexité des calculs auxquels sont confrontés tions, le décryptage afin de les réutiliser ulté-
les élèves ». Pour un enfant dyspraxique, tout rieurement, font appel à des compétences
calcul posé est d’une complexité telle qu’il visuospatiales très développées.
relève de l’usage de la calculatrice. Les cartes et plans nécessitent un bon repérage
dans l’espace et sur la feuille (compétences
spatiales). De plus, parfois des compétences
Résolution de problème praxiques de type graphique sont mises en jeu
Pour résoudre un problème, il faut avant toute pour effectuer des tracés, compléments d’in-
autre chose avoir lu et compris l’énoncé, ce qui formations, légendes (figure 7.12, cahier cou-
peut se révéler déjà difficile pour certains leur central).

149
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Cela est souvent moins évident dans d’autre acti- Il est très intéressant de faire travailler ces
vités, pourtant très habituelles dans ces matières : enfants en binôme en les laissant décrire ce qu’il
• les frises chronologiques nécessitent également faut faire à un autre élève ou à un adulte réali-
un excellent repérage visuospatial, sur lequel sant alors les manipulations et dessins sur indi-
le repérage temporel est sensé s’appuyer ; cations de l’enfant.
• les portraits et monuments célèbres nécessi- Pour les réalisations de schémas, par exemple
tent de bonnes gnosies visuelles, ainsi qu’un en électricité (figure 7.10), nous pouvons pro-
repérage visuospatial avec analyse et déco- poser de recourir à l’utilisation de gommettes
dage de l’information et sont inexploitables représentant les différents éléments, symboles
par les enfants ayant une agnosie des visages et icônes constitutifs du schéma, ce qui permet
et/ou des images associée (cf. ex. p. 163) ; de s’assurer qu’ils en connaissent la significa-
tion et l’usage. Il faut au préalable demander à
• les drapeaux (figure 7.9, cf. cahier couleur cen-
l’enfant de nous nommer les symboles qu’il
tral), eux, font appel à des compétences visuo­
connaît, puis il dit à l’adulte (AVS) où et com-
spatiales complexes avec un ordre précis et une
ment les disposer, et quelles sont leurs relations
orientation des couleurs (horizontales, verti-
fonctionnelles.
cales, mais surtout obliques), très difficiles à
interpréter pour la plupart de ces enfants.

Exemple
Pour les drapeaux présentés sur la figure 7.9,
nous pouvons convertir l’information visuo­
spatiale et les décrire assez simplement :
Pile Lampe
 la France possède un drapeau à trois
­couleurs, représentées selon des bandes
verticales (c’est-à-dire « debout ») bleues,
Figure 7.10. Exemple de symboles.
blanches et rouges, disposées l’une à côté
de l’autre dans le sens de lecture ;
Bien sûr, une description verbale de la signifi-
 les Pays-Bas possèdent un drapeau à trois
cation de ces schémas, de leur fonctionnement,
couleurs, disposées en bandes horizontales
de leurs relations (selon les cas et les leçons) est
(c’est-à-dire couchées) avec le rouge en haut,
indispensable, en complément. Il s’agit de stra-
le blanc au milieu et le bleu en bas, etc.
tégies qui doivent rester exceptionnelles, il est
toujours préférable de les remplacer par le texte
explicatif plus facile d’accès pour ces enfants.
Dans la majorité des cas, il faut donc essayer Il en est de même pour les graphiques et les
de trouver d’autres supports permettant de dessins.
véhiculer les mêmes informations. Assez
souvent, il est possible de remplacer ces
documents visuospatiaux par un texte des-
Adaptations des supports
criptif, ce qui correspond en général à la des- pédagogiques
cription dudit document faite en classe par
le professeur. Certains documents sont donc difficilement
exploitables par les enfants dyspraxiques, les
mettant en situation de révélation de leur han-
En sciences dicap et non en situation d’apprentissage.
Aujourd’hui, on ne demande pas à un enfant
En sciences, nous retrouvons les difficultés face malvoyant de lire un texte littéraire dans le
aux schémas et graphiques, auxquelles s’ajou- même format et la même collection que ses
tent les manipulations et les dessins. camarades, on comprend qu’il a besoin d’un

150
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

texte aménagé (ou en braille). Mais, ce handi- liser seuls tout ou une partie du travail puisque
cap caché qu’est la dyspraxie est beaucoup plus la présentation est identique quelles que soient
difficile à appréhender. la matière et l’activité.
C’est pourquoi nous proposons d’aider au repé-
rage de ces éléments souvent méconnus mais
délétères qui sur-handicapent le jeune atteint Aération des supports
de DVS. Une présentation claire et aérée permet à l’en-
Dans un premier temps, nous listons les diffi- fant dyspraxique de mieux se repérer.
cultés liées à un certain nombre de supports Il est impératif de ne mettre qu’un seul exercice
inutilisables pour l’enfant, voire « toxiques » : par page et d’espacer un peu plus les éléments
leur utilisation constitue un véritable sur-han- les uns des autres : double interligne et double
dicap pour l’enfant en situation scolaire. espace, encadrement des photos, espacement et
Puis nous donnons quelques pistes générales et numérotation de ces dernières. Il faut associer
globales facilitatrices, avant d’aborder une cette présentation claire et aérée à une mise en
démarche spécifique d’analyse d’activité, géné- relief des éléments pertinents : surlignage, écri-
ralisable à toutes sortes de supports et transfé- ture en couleur…
rable à d’autres types de handicap en modifiant Cela permet également à l’enfant de mieux se
ou complétant les items. repérer, d’acquérir des automatismes pouvant
se transférer ou se réutiliser ailleurs, d’être plus
autonome.
Cela permet d’aboutir à une adaptation
Le recours à un code couleur toujours identique
­personnalisée de toutes sortes de supports
y contribue aussi. Nous conseillons de recourir
(documents, activités, contrôles…), issue
à un code couleur classique : vert à gauche de la
d’une réflexion commune des différents
page, rouge à droite (symbolisant les deux extré-
acteurs autour de la scolarité de l’enfant. mités des lignes à lire ainsi que le sens de lec-
ture, cf. p. 80, 105, 112 et figures 4.2 et 6.2, cahier
couleur central) ou, si nécessaire, bleu en haut et
Pour toutes les matières, marron en bas (symbolisant les repères verti-
quelques pistes générales caux de la feuille et le sens de lecture : « du feu
vert vers le feu rouge, du ciel vers la terre »).
Présentation des supports
Il faut éviter au maximum les manipulations, Rôle de l’AVS (cf. p. 59, 98, 115, 181)
celles-ci étant inefficaces, coûteuses et non por-
teuses de sens. Dans tous les cas, les photocopies L’AVS favorise l’oral, la verbalisation, étaye l’en-
doivent être agrandies et de bonne qualité afin fant en l’aidant à structurer ses réponses selon
de faciliter le repérage de l’enfant (cf. p. 96). Il un plan bien défini (séquentialisation, ques-
ne faut pas hésiter à recourir au surlignage en tionnement systématisé…), en lisant et relisant
couleurs des informations essentielles. De plus, tout ce qui est nécessaire… (cf. p. 165, 167).
dans la mesure du possible, il est préférable de La préparation des supports d’apprentissage et
scanner tous les documents remis à l’enfant pour d’évaluation constitue bien sûr une grande
permettre des aménagements de présentation partie du travail de l’AVS (mais aussi, occa-
et afin que le jeune puisse les exploiter directe- sionnellement, d’un enseignant). En particu-
ment sur son ordinateur. lier, l’utilisation de l’outil Formulaire doit être
Les supports, tout comme les différents docu- généralisée.
ments rendus ou utilisés par l’enfant, doivent La barre d’outils Formulaire (ou onglet
être tous présentés de la même façon. Cela per- Développeur), systématiquement présent dans
met aux enfants dyspraxiques de se repérer plus les principaux traitements de texte (Word®,
facilement et, progressivement, de pouvoir réa- Open office®…) permet d’insérer des zones de

151
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Figure 7.11. Exemple de l’utilisation de l’outil Formulaire.

réponse au sein de la présentation générale du Analyse des éléments practo-


document (figure 7.11) : l’enfant n’a plus qu’à se spatiaux de toute tâche scolaire
déplacer dans ce formulaire, avec les curseurs
ou la souris, pour produire sa réponse sans Supports facteurs de sur-handicap
pouvoir modifier le document initial ni sa pré-
Certains supports mettent systématiquement
sentation (il faut Verrouiller ou Protéger, selon
l’enfant dyspraxique en situation d’échec, d’in-
les versions, le document avant de le donner à
compétence et de handicap du fait des troubles
l’enfant).
visuospatiaux, d’autres font appel à des mani-
Les zones de réponse peuvent se présenter sous pulations, des constructions et relèvent plus du
diverses formes (menu déroulant, zone déter- domaine praxique avec une forte composante
minée à remplir, case à cocher…) en fonction organisationnelle et temporelle. Ces contrain-
des tâches : dictées à trous (cf. p. 52), plan de tes, qui ciblent précisément le handicap de
rédaction (cf. figure 7.6), pose d’opération l’élève, l’amènent à considérer certaines matiè-
(cf.  figure 7.8, cahier couleur central), QCM, res (géographie, sciences, technologie) comme
exercices d’application en grammaire, etc. source de problèmes insolubles.
Nous conduisons d’abord une démarche d’ana-
lyse de ces situations où l’enfant dyspraxique se
Ce type de présentation Formulaire permet
trouve en échec.
de répondre à toute sorte d’évaluation en
classe : l’enseignant donne son document à Puis, avant d’aborder les adaptations à conce-
scanner (ou idéalement, déjà sous forme voir et mettre en œuvre, nous examinons suc-
cessivement chacun des supports les plus
informatique) et demande à l’AVS d’insérer
fréquemment utilisés, quelle que soit la matière
les zones adéquates de réponse aux emplace-
dans laquelle ils sont utilisés : carte, schéma et
ments pertinents.
graphique, tableau à double entrée, images et

152
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

photographies (bien que ces dernières fassent Grille d’analyse des supports
plus appel à des compétences visuelles que pédagogiques et des activités
visuospatiales), manipulations, travaux prati-
ques et dessin/géométrie. scolaires
Cf. figures 7.12 à 7.14 et tableaux 7.1 à 7.6, et 7.7
Comment analyser les échecs à 7.8, cahier couleur central.
en situation scolaire ? De quoi s’agit-il ?
Pour comprendre ce qui met en échec cet enfant L’utilisation de cette grille d’analyse permet
dans telle ou telle tâche scolaire, il nous faut d’isoler et lister les compétences visuo-practo-
croiser deux types d’analyses : spatiales sollicitées par l’activité, de les comparer
• analyser les difficultés de l’enfant dyspraxi- aux compétences réelles dont dispose l’enfant
que et ses capacités, afin de pouvoir s’appuyer afin d’en déduire les domaines où les adaptations
sur ses compétences pour pallier ses difficultés ; des supports pédagogiques sont nécessaires.
• analyser les tâches scolaires proposées et essayer
de dégager le fond, c’est-à-dire l’objectif, l’ap- Le fait de « décortiquer » l’ensemble des com-
prentissage pédagogique visé, de la forme, c’est- pétences visuelles, praxiques, spatiales,
à-dire la présentation, le support de l’activité. organisationnelles, de lecture et d’écriture
Par la suite, il est capital d’essayer de voir, dans sollicitées par l’activité permet de mieux
chaque domaine de difficultés de l’enfant, si comprendre toutes les composantes (souvent
l’activité scolaire envisagée fait appel plus par- sous-estimées) indispensables pour réaliser
ticulièrement ou non à ces compétences défici- l’activité. La mise en parallèle avec les com-
taires et ce, de manière prégnante ou non. pétences réelles de l’enfant met en exergue
les domaines où l’enfant est de toute façon en
échec lors de la réalisation de l’activité, du
Ceci nous permet de personnaliser au mieux
fait de sa dyspraxie, indépendamment de ses
les adaptations proposées.
compétences scolaires.

L’ergothérapeute, par ses compétences dans le


domaine de l’analyse fine et détaillée d’activité Adopter une telle grille permet de comprendre
d’une part, ses connaissances sur les capacités et anticiper ce qui met l’enfant en difficulté
praxiques et spatiales de l’élève d’autre part, dans l’activité et de réfléchir à des adaptations
peut constituer le pilier de ce travail. En effet, il ciblées et pertinentes.
peut assez facilement dégager, en lien avec l’en-
Dans quelles situations ?
seignant, pour toute tâche scolaire :
Cette grille d’analyse se révèle très pertinente
• les pré-requis indispensables, en termes de
lorsque l’échec de l’enfant reste incompris, par
connaissances et concepts ;
exemple lorsque l’enfant reçoit une mauvaise
• les manipulations à effectuer, c’est-à-dire les note à un contrôle alors qu’à l’oral il semblait
compétences practo-spatiales ; avoir compris et/ou appris sa leçon.
• les repérages spatiaux à faire ; Cela permet de mieux comprendre que ce n’est
• les traitements visuels en jeu. pas le fond de l’activité scolaire, c’est-à-dire
l’accès au sens, à la signification, à l’apprentis-
C’est ainsi que nous avons créé une grille sage de la notion qui pose problème à l’enfant
d’analyse permettant de mettre en évidence dyspraxique, mais c’est bien la forme, c’est-
simultanément les adaptations requises (ou à-dire le type de support et sa nature même qui
indispensables) en fonction de l’activité le met en situation d’échec. Cela débouche donc
aussi sur une meilleure appréhension du type
pédagogique concernée et des difficultés
d’aide qui sera efficace selon la situation, sans
spécifiques de l’enfant.
dénaturer les objectifs pédagogiques.

153
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Pourquoi ? son regard et calibrer ses saccades. Au niveau


praxique, il est gêné dans l’ensemble des activités,
Il s’agit de faciliter le dialogue soins–école et ne peut pas s’habiller seul, ne peut écrire que
renforcer le partenariat entre les différents quelques lettres bâtons maladroitement dessi-
intervenants auprès de l’enfant. nées. Il a quelques difficultés à se repérer dans
l’espace et à situer les objets les uns par rapport
aux autres. De plus, Jules est très gêné dans l’or-
En effet, l’utilisation de cette grille commune ganisation de ses activités. Il ne sait pas comment
matérialise l’intersection entre les difficultés de s’organiser, choisir les bons outils…
l’enfant – liées à son handicap –, notées dans la A l’école, il suit tous les cours avec sa classe et
colonne centrale remplie par le secteur médico- est suivi en rééducation sur les temps extrasco-
rééducatif, et les impératifs scolaires, les laires, à raison d’une séance d’ergothérapie
contraintes liées aux documents et supports (dyspraxie visuospatiale) et deux séances d’or-
habituellement utilisés. thophonie par semaine (dyslexie visuo-atten-
Cela permet de confronter les répercussions sco- tionnelle, cf. p. 122).
laires de la dyspraxie, vécues quotidiennement En géographie, il doit apprendre quelles sont les
par l’enfant et l’enseignant, à la connaissance quinze principales villes de France et savoir les
du handicap de l’enfant. situer sur une carte.
Ainsi, l’utilisation de cette grille incite chacun à
se réunir autour d’une table et y apporter son
En utilisant la grille d’analyse des supports
savoir et son vécu. La grille se construit ensem-
pédagogiques et des activités scolaires
ble. Les besoins spécifiques de l’enfant dyspraxi-
(tableau 7.1), les difficultés spécifiques, inhé-
que en matière d’adaptations sont discutés au
rentes au handicap de Jules apparaissent clai-
cas par cas et les solutions proposées tiennent
rement, mises directement en rapport avec
compte à la fois de ses capacités, compétences et
certains des aspects de la tâche demandée.
incapacités mais aussi de l’environnement sco-
C’est à ces intersections que les adaptations
laire dans lequel il évolue.
pédagogiques sont nécessaires pour permettre
Une colonne « commentaires » permet de noter à Jules de faire l’apprentissage de cette leçon
les observations concrètes, faites en situation comme les autres.
écologique, qui débouchent sur des ajustements
des adaptations initialement prévues. Au vu de cette grille, il est clair que Jules va être
gêné la fois pour se repérer sur le support ­utilisé,
Cette grille, utilisable pour tout support, s’emparer des informations, mais aussi pour le
généralisable, permet de proposer des adap- compléter, faire l’exercice.
tations réalisables qui respectent totalement Dans le cas où la carte ne peut pas être sup-
les choix pédagogiques de l’enseignant, en primée ou remplacée par une verbalisation
adéquation avec les particularités de l’enfant descriptive (cf. p. 157 et figure 7.12, cahier
mais aussi avec son environnement. couleur central), il faut aider Jules à la rem-
plir : écrire à sa place, lui proposer des éti-
quettes–réponses et les coller aux endroits
Car la situation de handicap résulte toujours de qu’il nous désigne, en l’aidant à se repérer. Il
cette confrontation entre les facteurs person- faut également adjoindre à la carte un texte
nels et les facteurs environnementaux. explicatif et descriptif de cette dernière.
Mais le plus pertinent est de proposer à Jules
Vignette clinique d’apprendre (verbalement) quelles sont les
Prenons l’exemple de Jules, 10 ans, scolarisé dans quinze principales villes de France et leur
son école de quartier en CM2, avec présence d’un localisation par le recours à un texte ou un lis-
AVS à temps plein. Jules est un enfant d’intelli- ting de ces villes et une description de leur
gence normale, présentant une dyspraxie déve- localisation et surtout de leurs principales
loppementale, associée à des difficultés à orienter caractéristiques.
154
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

Tableau 7.1. Grille d’analyse des supports pédagogiques et des activités scolaires.
Titre de la leçon : les principales villes de France.
Compétence(s) testée(s) ou à acquérir : connaître les 15 principales villes de France.
Nature du document : carte

Compétences Difficultés Adaptations Commentaires


requises de l’enfant à prévoir
Compétences neurovisuelles
Regard (organisation, stratégie, repérage) XXX couleurs, cache
Perception (images, visages, signes
conventionnels)
Champs visuels
Autres
Compétences praxiques
Utilisation d’outils (gomme, ciseaux, X AVS ou secrétaire
règle…)
Manipulations (jetons, activité
manuelle…)
Reproductions de gestes
Dessin, graphisme, coloriage XX AVS, secrétaire ou
carte déjà préparée
Compétences spatiales
Topologie (situer un item par rapport XXX verbalisation
à d’autres)
Orientation propre (obliques, flèches…)
Compétences organisationnelles
Cartable, trousse X AVS ou secrétaire
Cahier de textes, classeur, photocopies
Emploi du temps, gestion des tâches
Ordinateur
Écriture
Rapidité X AVS, secrétaire
ou étiquettes
préparées
Lisibilité (nombre de lignes/nombre total) XXX couleurs
Fatigabilité (nombre de lignes) X
Code :
X Compétence Pas de difficulté dans ce domaine
peu sollicitée (en vert)
XX Compétence Quelques difficultés
moyennement (en orange)
sollicitée
XXX Compétence Nombreuses difficultés
très sollicitée (en rouge)
Domaine nécessitant une
ou plusieurs adaptations

155
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Par exemple, en fonction des priorités défi-


Pour les exemples suivants, nous considé-
nies par l’enseignant, on se centre sur une
rons des enfants « fictifs » pour lesquels nous
description orale plus fonctionnelle (géogra-
phie, économique ou politique) : les indica- avons rempli la colonne centrale (difficultés
tions données à l’enfant doivent s’appuyer sur de l’enfant) de façon réaliste. Bien sûr, cette
le cours et les renseignements données par colonne est à individualiser avec précision
l’enseignant. pour chaque enfant.

Exemples de verbalisation
Carte (tableau 7.2)
Paris est la première ville de France, c’est la
capitale du pays. Sa population intra-muros Nous voyons là clairement où vont résider les
est de plus de 2 millions d’habitants. Mais éventuelles difficultés d’un enfant dyspraxi-
l’agglomération de Paris s’est largement que : partout où, sur une même ligne, coexis-
développée hors des limites de la commune tent les symboles XX ou XXX conjugués à une
et son aire urbaine, qui inclut l’aggloméra­ difficulté ou une impossibilité de l’enfant (en
tion et la couronne péri-urbaine (banlieues), gris).
comprend près de 12 millions d’habitants. On voit là, en un coup d’œil, l’influence néga-
La ville de Paris est découpée en vingt arron­ tive pour cet enfant :
dissements qui se répartissent en forme
• des troubles neurovisuels, qui ont une inci-
d’escargot depuis le 1er arrondissement au
dence sur l’exploration même que cet enfant
centre de la ville…
peut faire de ce matériel. Ne pouvant tout
Lille est la préfecture du département du explorer, ni poser son regard sur tous les élé-
Nord et le chef-lieu de la région Nord-Pas- ments, il ne peut ni remplir ni utiliser ni s’ap-
de-Calais ; elle se situe au nord du pays, à proprier ce type de support. Il faut reconvertir
proximité de la Belgique. Elle compte au mieux les données visuelles et topologi-
226 000 habitants intra-muros, mais elle est ques en une description verbale ;
le centre administratif et économique d’une
• des troubles praxiques, puisqu’on mobilise les
vaste zone urbaine et péri-urbaine qui
possibilités de coloriage, de graphisme et
regroupe 85 communes et compte 1,1 mil­
d’écriture de l’enfant ;
lion d’habitants…
• des troubles spatiaux, en particulier en ce qui
concerne la topologie (situation relative d’un
Situations scolaires habituelles élément par rapport à d’autres) ; les difficultés
de repérage topologique empêchent l’enfant
d’exploitation de cette grille de se repérer dans ce type de support. Il ne
peut pas reconnaître et isoler les différents
Cette grille permet en particulier de mettre en éléments, remplit sa carte « au hasard ». Si la
évidence quelles sont les différentes composantes carte est un support à l’apprentissage, alors
neuropsychologiques mises en œuvre lors de l’enfant est gêné et cela perturbe ses connais-
l’utilisation de supports pédagogiques considérés sances académiques ;
comme « inexploitables » (carte, schéma–graphi- • de l’influence d’un travail demandé en temps
que, tableau, photographie–image, manipula- limité, qui risque d’aggraver le trouble gra-
tion/TP–dessin/géométrie). phique. Le support de carte ne peut pas être
Ce travail d’analyse doit également être expli- rempli correctement et n’est pas exploitable
cité à l’enfant pour qu’il puisse en être lui aussi par la suite si les possibilités d’écriture manus-
acteur. Cela permet de lui faire comprendre, et crite de l’enfant sont très limitées. L’enfant ne
accepter, les raisons de certaines adaptations. Il pouvant pas se relire et disposant d’un sup-
en est de même auprès des enseignants et des port peu attrayant (car mal rempli du fait de
AVS, en charge de la mise en œuvre de ces sa dyspraxie) ne peut ni utiliser ni s’appro-
adaptations. prier ce type de support.

156
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

Tableau 7.2. Analyse du support pédagogique « carte ».


Compétences Difficultés Adaptations Commentaires
requises de l’enfant à prévoir
Compétences neurovisuelles
Regard (organisation, stratégie, repérage) XXX
Perception (images, visages, signes
conventionnels)
Champs visuels
Autres
Compétences praxiques
Utilisation d’outils (gomme, ciseaux, X
règle…)
Manipulations (jetons, activité
manuelle…)
Reproductions de gestes
Dessin, graphisme, coloriage XX
Compétences spatiales
Topologie (situer un item par rapport XXX
à d’autres)
Orientation propre (obliques, flèches…) X
Compétences organisationnelles
Cartable, trousse X
Cahier de textes, classeur, photocopies X
Emploi du temps, gestion des tâches
Séquentialisation, sériation des idées
Ordinateur X
Écriture
Rapidité X
Lisibilité (nombre de lignes/nombre total) XXX
Fatigabilité (nombre de lignes) X

Exemple de contournement  L’Afrique est traversée par le tropique54


(partiel) par la verbalisation du  Cancer, l’Équateur, le tropique du
(figure 7.12, cf. cahier couleur) Capricorne. Le méridien de Greenwich croise
Proposition d’adaptation de la carte (figure la partie ouest de l’Afrique. L’Afrique est
7.12) en transposant les informations visuel­ bordée, à l’ouest par l’océan Atlantique, à
les fournies par la carte par des informations l’est par l’océan Indien, au nord par la mer
verbales (thème : l’Afrique) :
 l’Afrique est un des cinq continents.
L’Europe est située au nord de l’Afrique, 54 Au moment où arrive cette leçon, les jeunes savent
ce que représentent respectivement, les tropiques,
l’Asie à l’est, l’Amérique à l’ouest et
l’équateur et les méridiens. Il s’agit là de pré-requis
­l’Antarctique au sud ; fondamentaux pour construire la verbalisation.

157
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Méditerranée et la mer Rouge au nord-est, Plusieurs types d’aides peuvent être apportés. Il
séparant l’Égypte et le Soudan de l’Arabie peut s’agir d’une aide à la lecture du schéma/
saoudite ; graphique en isolant les différents composants
 Les reliefs de l’Afrique sont majoritaire­ les uns après les autres. Dans ce cas, une tierce
ment constitués de plateaux et de plaines. personne est nécessaire afin de déplacer un
Au nord et au sud, on rencontre des chaî­ « cache » (fenêtre de lecture) permettant à l’en-
nes de montagnes. À l’est, le plateau afri­ fant de n’observer les éléments qu’un par un.
cain est parcouru par de longs fossés (les Parfois, la mise en couleur des éléments peut
rifs), bordés de volcans. À l’ouest, on trouve faciliter la lecture et la compréhension.
des cuvettes drainées par de grands fleu­ Pour d’autres, il faut se contenter d’un savoir
ves. Les contraintes d’altitude ne sont « propositionnel », verbal, formel, concernant la
importantes que dans le Maghreb, l’est et notion visée.
le sud-est. En zone tropicale, les hautes ter­
res constituent des milieux attractifs pour
Certains sont tellement gênés qu’il faut accep-
l’homme qui peut pratiquer l’agriculture.
ter de renoncer à ce type de supports.
Enfin, les littoraux sont peu découpés et
n’offrent des débouchés maritimes qu’à Exemple : schéma en SVT,
peu de pays. en biologie
Certains schémas ou graphiques (cf. tableau
7.8, cahier couleur central) peuvent relative­
On peut aussi, simultanément, donner à l’élève ment être remplacés par un texte descriptif
des étiquettes avec les indications déjà écrites et explicatif. Les explications orales du pro­
(méridien, tropiques, noms des différents pays) fesseur durant la leçon (et/ou du manuel)
et, avec l’aide de l’AVS, les déposer aux servent de supports à la construction du dis­
emplacements voulus. cours descriptif.
Au niveau des examens, des aménagements Dans le cas de la figure 7.13 (cf. cahier cou-
sont possibles. Par exemple, au brevet, les leur central) distribuée à l’ensemble de la
enfants peuvent être dispensés d’épreuve de classe, celle-ci pourrait être remplacée par
cartographie (cf. p. 168). le texte suivant : « Au niveau de l’alvéole
pulmonaire, des échanges gazeux ont lieu :
de l’air riche en O2 est expulsé (pour aller
Schémas, graphiques (tableau 7.3) oxygéner les différents tissus de l’orga­
nisme), tandis qu’arrive de l’air pauvre en
L’utilisation des schémas et graphes peut être
O2 pour y être oxygéné. »
perturbée non seulement, comme précédem-
ment, par les troubles de l’organisation du Nous avons eu l’exemple d’un jeune qui pas­
regard et les anomalies des traitements spa- sant son baccalauréat, série S, option scien­
tiaux, mais aussi parfois la reconnaissance des ces de la vie et de la terre, a eu comme sujet
images, visages ou signes conventionnels pré- le cœur, l’objectif étant de réaliser un
sents sur le schéma ou le graphique. schéma. Ce jeune a écrit sur sa copie : « Mon
handicap ne me permet pas de réaliser un
Ainsi, nous notons sur la grille l’importance
schéma, mais je vais vous décrire le fonc­
dans cette activité :
tionnement du cœur. » Il a ensuite répondu
• de l’exploration visuelle correcte de l’ensem-
à la question par un texte argumenté et
ble du matériel ;
obtenu la note méritée.
• du traitement neurovisuel (décodage gnosi-
que de l’information), qui doit être parfait
pour permettre l’accès au sens ;
Cet exemple montre non seulement que les
• des tableaux et graphiques nécessitant un bon
compensations peuvent se faire de manière
repérage visuospatial (lignes/colonnes, flè-
efficace en ce qui concerne l’accès aux
ches, courbes…).

158
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

Tableau 7.3. Analyse du support pédagogique « schéma, graphique ».


Compétences Difficultés Adaptations Commentaires
requises de l’enfant à prévoir
Compétences neurovisuelles
Regard (organisation, stratégie, repérage) XXX
Perception (images, visages, signes XX
conventionnels)
Champs visuels
Autres
Compétences praxiques
Utilisation d’outils (gomme, ciseaux, règle…) XX
Manipulations (jetons, activité manuelle…)
Reproductions de gestes
Dessin, graphisme, coloriage XX
Compétences spatiales
Topologie (situer un item par rapport XX
à d’autres)
Orientation propre (obliques, flèches…)
Compétences organisationnelles
Cartable, trousse X
Cahier de textes, classeur, photocopies X
Emploi du temps, gestion des tâches
Séquentialisation, sériation des idées
Ordinateur X
Écriture
Rapidité X
Lisibilité (nombre de lignes/nombre total) XX
Fatigabilité (nombre de lignes)

visuelle souvent déficitaires chez l’élève dys-


savoirs, mais aussi que les jeunes eux-mêmes,
praxique. En effet, il faut balayer, régulière-
grâce à ces stratégies, apprennent à se
ment en lignes et en colonnes, l’ensemble du
connaître, savent ce qu’ils peuvent ou non
tableau, puis chaque élément isolément, pour
aborder et exploiter. en décrypter le sens et en extraire les infor-
Ils sont alors capables de faire face à une dif- mations pertinentes. Les enfants dyspraxi-
ficulté imprévue et de s’en expliquer vis-à-vis ques ayant des difficultés neurovisuelles
de personnes ignorant tout de leur handicap. doivent, eux, contrôler en permanence le
mouvement de leurs yeux lors de cette tâche :
l’enfant épuise ses ressources attentionnelles
Tableau à double entrée (tableau 7.4) dans le laborieux contrôle du mouvement de
ses yeux (double tâche, cf. p. 19) et n’est plus
Cette grille met à jour l’ensemble des difficultés disponible ensuite pour exploiter le tableau,
du jeune face à cette présentation des données  : le comprendre, en mémoriser les éléments
• l’utilisation de tableaux requiert des capaci- importants, etc. En outre, ils échouent fré-
tés d’organisation du regard et de stratégie quemment à prendre les bonnes i­ nformations,

159
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Tableau 7.4. Analyse du support pédagogique « tableau ».


Compétences Difficultés Adaptations Commentaires
requises de l’enfant à prévoir
Compétences neurovisuelles
Regard (organisation, stratégie, repérage) XXX

Perception (images, visages, signes X


conventionnels)
Champs visuels
Autres
Compétences praxiques
Utilisation d’outils (gomme, ciseaux, règle…) XX

Manipulations (jetons, activité manuelle…)


Reproductions de gestes
Dessin, graphisme, coloriage X
Compétences spatiales
Topologie (situer un item par rapport XXX
à d’autres)
Orientation propre (obliques, flèches…)
Compétences organisationnelles
Cartable, trousse X
Cahier de textes, classeur, photocopies X
Emploi du temps, gestion des tâches
Séquentialisation, sériation des idées XX
Ordinateur
Écriture
Rapidité X
Lisibilité (nombre de lignes/nombre total) XX
Fatigabilité (nombre de lignes)

passant sans s’en rendre compte d’une ligne à qu’il appartient tant à la ligne qu’à la
l’autre, ou d’une colonne à la voisine. Cet colonne. L’enfant dyspraxique est dans l’in-
aspect des difficultés du jeune dyspraxique capacité d’effectuer ce travail de « synthèse
est d’autant plus méconnu que les tableaux topologique ». Le tableau est alors quasiment
sont habituellement proposés pour simplifier inexploitable (cf. p. 108, 111) ;
la prise d’information, en faciliter l’accès ; • à ces aspects visuospatiaux, il faut également
• les tableaux nécessitent également de bon- ajouter l’aspect praxique d’utilisation d’outils,
nes capacités topologiques afin de pouvoir certes dans une moindre mesure, mais qui
situer les éléments les uns par rapport aux peut être très important si l’on demande aux
autres et les corréler ensemble. Pour utiliser enfants de tracer eux-mêmes le tableau. De
et lire un tableau, il faut effectivement repé- même, l’écriture dans le tableau doit être lisi-
rer l’élément à l’intersection d’une ligne et ble pour que ce dernier puisse être exploité
d’une colonne afin de pouvoir comprendre par la suite.

160
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

Lors de l’utilisation d’un tableau comme lors de Les informations peuvent aussi être délivrées
sa construction, il faut s’organiser et séquentia- sous la forme textuelle, comme dans l’exemple
liser ses idées afin de pouvoir regrouper les élé- de la figure 7.14.
ments. Cela demande des compétences de Cependant, cette adaptation paraît souvent
planification très précises dont certains enfants compliquée à mettre en place ; elle suscite
dyspraxiques sont parfois peu pourvus (en cas même quelquefois des réticences. En effet, la
de syndrome dysexécutif associé [cf. p. 8, 39, 131]). présentation en tableau, très utilisée dans de
Plusieurs types d’adaptations peuvent être pro- nombreuses matières (et même dès la mater-
posés : nelle) constitue un résumé synthétique qui
Par exemple, il peut être intéressant de mettre semble plus clair et plus facile d’utilisation
les lignes ou les colonnes en couleurs, ou même (ceci est vrai, bien sûr, pour les personnes sans
une couleur différente à chaque ligne ou handicap visuospatial). Beaucoup le considè-
colonne en fonction du référentiel choisi. rent aussi comme un exercice de logique,
(cf.  p.  108, 111) ; c’est même une compétence
Nous pouvons également aider l’enfant en iso-
spécifiquement inscrite au programme dès le
lant les éléments avec des caches permettant de
CP/CE : « l’élève utilise progressivement les repré-
n’avoir qu’une seule ligne ou colonne à observer
sentations usuelles de gestion des données :
à la fois. Puis au sein de chaque ligne et colonne,
tableaux, graphiques… ». Il s’agit d’une mécon-
nous pouvons encore orienter le regard de l’en-
naissance fréquente de l’importante influence
fant plus précisément en isolant une seule cel-
des compétences visuo­spatiales sollicités par
lule du tableau.
cette présentation, ce qui la rend tout à fait
inaccessible aux jeunes dyspraxiques.
Cette méthode doit être accompagnée obli-
Par ailleurs, le texte explicatif que nous propo-
gatoirement d’une verbalisation des éléments sons de soumettre aux enfants dyspraxiques
observés, au fur et à mesure de l’exploration comme support de leçon ou exercice, corres-
guidée du tableau, afin de permettre à pond normalement à l’explication orale que
­l ’enfant de se construire une représentation donne l’enseignant à l’ensemble de la classe.
­propositionnelle du tableau et de compren-
Ce n’est donc pas en proposant ce qui semble
dre les liens entre les différents éléments.
« plus simple » ou « plus efficace » pour les

Ci-dessous le tableau tel qu’il est donné en classe Ci-dessous le tableau est remplacé par un « texte » :

Indicateurs Mali Tunisie Afrique du Sud France Mali :


Revenu par habitant par an 810 6390 11 290 23 990 - revenu par habitant par an PIB/hab (dollars) : 810 ;
PIB/hab (dollars) - mortalité infantile (en %) : 126 ;
Mortalité infantile (en %) 126 23 57 6 - espérance de vie (en années) : 48 ;
Espérance de vie (en 48 72 51 78 - taux d’alphabétisation des adultes (en %) : 26.
années) Tunisie :
Taux d’alphabétisation des 26 62 85 99
adultes (en %) - revenu par habitant par an PIB/hab (dollars) : 6390 ;
- mortalité infantile (en %) : 23 ;
- espérance de vie (en années) : 72 ;
- taux d’alphabétisation des adultes (en %) : 62.
Afrique du Sud :
- revenu par habitant par an PIB/hab (dollars) : 11 290 ;
- mortalité infantile (en %) : 57 ;
- espérance de vie (en années) : 51 ;
- taux d’alphabétisation des adultes (en %) : 85.
France :
- revenu par habitant par an PIB/hab (dollars) : 23 990 ;
- mortalité infantile (en %) : 6 ;
- espérance de vie (en années) : 78 ;
- taux d’alphabétisation des adultes (en %) : 99.

Figure 7.14. Adaptation d’un tableau à double entrée utilisé en histoire–géographie.


D’après le groupe de réflexion à l’initiative de C. Ropars, 2008, coordinatrice de l’UPI Saint-Blaise, 75020.

161
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

­ ersonnes tout-venant, ni en entraînant (sans


p ment proposer un accompagnement spécifique
fin) l’enfant à tenter (avec plus ou moins de et efficace.
réussite) de « faire comme tout le monde » qu’on
lui rend service : l’accompagnement que nous Photographies, images (tableau 7.5)
proposons à ces jeunes nécessite que les adultes
acceptent de se décentrer afin de mieux com- L’utilisation des photographies et images est
prendre les difficultés liées au handicap et leurs source de nouveaux problèmes pour les enfants
répercussions dans le domaine scolaire (cf. p. 3). dyspraxiques présentant des troubles de l’orga-
C’est en croisant les impossibilités liées à son nisation du regard ou de perception visuelle.
handicap et les contraintes liées à la tâche, ainsi En effet, pour pouvoir dire quelque chose d’une
proposé dans les grilles d’analyse des supports image ou d’une photographie, il faut l’avoir
et ­activités pédagogiques, que l’on peut réelle- explorée, vue et analysée à la fois dans sa globa-

Tableau 7.5. Analyse du support pédagogique « photographie, image ».


Compétences Difficultés Adaptations Commentaires
requises de l’enfant à prévoir
Compétences neurovisuelles
Regard (organisation, stratégie, XXX
repérage)
Perception (images, visages, signes XXX
conventionnels)
Champs visuels
Autres
Compétences praxiques
Utilisation d’outils (gomme, ciseaux,
règle…)
Manipulations (jetons, activité
manuelle…)
Reproductions de gestes
Dessin, graphisme, coloriage
Compétences spatiales
Topologie (situer un item par rapport X
à d’autres)
Orientation propre (obliques, flèches…) XX
Compétences organisationnelles
Cartable, trousse
Cahier de textes, classeur, photocopies
Emploi du temps, gestion des tâches
Séquentialisation, sériation des idées
Ordinateur
Écriture
Rapidité
Lisibilité (nombre de lignes/nombre
total)
Fatigabilité (nombre de lignes)

162
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

lité et dans ses détails. Or, certains de ces enfants S’il n’avait pas appris sa leçon, il aurait
n’ont une vision que parcellaire de l’image pré- (comme les autres élèves dans cette situa­
sentée, c’est-à-dire qu’ils n’en voient que certains tion) obtenu une mauvaise note.
éléments, pertinents ou non, dont ils ne perçoi-
vent pas les relations spatiales ni l’organisation.
Leur analyse est donc biaisée d’entrée par cette Cette grille permet donc aussi de mettre à
mauvaise perception du support. disposition de tous les intervenants (ensei-
Si l’élève présente des troubles des gnosies visuel- gnants, AVS, secrétaire…) les renseigne-
les (tableau 7.5), c’est l’analyse – décodage – des ments concernant les interactions entre
éléments observés qui est perturbée. Dans ce cas, handicap et scolarité, surtout lorsque ces
les enfants peuvent voir les éléments nécessaires, dernières ne sont pas évidentes.
le regard peut très bien se poser correctement sur
l’image à observer, avec une acuité visuelle cor- Elle permet de distinguer clairement ce qui res-
recte, mais c’est l’interprétation des éléments vus sort du handicap (le premier « zéro » notait en
qui est défectueuse. fait le handicap neurovisuel de l’enfant) et ce
En outre, les processus cérébraux en jeu dans qui ressort du travail de l’élève, de ses appren-
ces processus d’interprétation des images sont tissages (contrôle adapté de façon pertinente).
différents selon le type d’image proposé (pho- Nous voyons à travers cet exemple comme l’en-
tos, dessins ou images représentant ou non la fant agnosique (ou victime de tout handicap
troisième dimension via des lignes de fuite, des dont la répercussion scolaire n’est pas évidente
ombres, etc. ; ou photos de visages, portraits, pour les non-spécialistes) peut être défavorisé.
personnages et lieux célèbres…) donnant lieu à
des dissociations étonnantes dans les perfor- Il est donc primordial que professionnels de
mances du jeune : il peut traiter certaines ima- ­rééducation et de pédagogie puissent communi-
ges mais pas toutes (cf. p. 1–3)… quer étroitement, à moindre coût (d’où l’intérêt
de cette grille, facilement transmise et utilisée
Les photographies ou images peuvent être par les différents intervenants) afin d’aider au
remplacées, tout comme les tableaux ou les mieux ces enfants et de leur permettre de suivre
cartes et plans, par un texte descriptif ; mais leur scolarité dans les meilleures conditions et
dans certains cas, le support d’image et de en évaluant réellement leurs connaissances.
photographie ne peut pas être utilisé, il faut y
renoncer.
Manipulations/travaux pratiques –
Exemple Dessin/géométrie (tableau 7.6)
Arthur, 12 ans, présente une dyspraxie
Les dessins et la géométrie mettent spécifique-
visuospatiale avec agnosie des images et
ment en difficulté les enfants dyspraxiques en
des visages. Lors d’un contrôle d’histoire sur
raison de la multitude de compétences visuo-
les rois de France, ce jeune garçon a eu 0/10.
practo-spatiales que ces activités requièrent.
Il s’agissait de « dire ce que l’on sait des trois
rois de France représentés ci-dessous ». Les Que ce soit sur le versant exploitation d’un dessin
représentations en question étaient des ou d’une figure géométrique ou sur le versant
photographies des rois de France. Arthur a conception, réalisation du dessin, de la figure
essayé de répondre à la question mais a géométrique, les compétences visuelles et spatia-
confondu Louis XIV avec Louis XVI, et n’a les sollicitées restent identiques. Les compétences
pas reconnu Henri IV. praxiques, elles, ne sont sollicitées que lorsqu’il
s’agit pour l’enfant de réaliser, de concevoir le
Le même contrôle lui a ensuite été proposé en
dessin ou la figure géométrique (cf. p. 139).
remplaçant les photographies par le nom des
rois de France. La question était alors « dis ce Comme le montre la grille d’analyse :
que tu sais de Louis XIV, Louis XVI et Henri • sur le plan visuel, tout d’abord, les dessins et la
IV ». Arthur a pu réciter tout son cours sans géométrie nécessitent que les enfants se repè-
erreur et faire la preuve de ses connaissances. rent dans le matériel et sur la feuille en ayant

163
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Tableau 7.6. Analyse de la tâche « manipulation/travaux pratiques » et du support pédagogique


« dessin/géométrie ».
Compétences Difficultés Adaptations Commentaires
requises de l’enfant à prévoir
Compétences neurovisuelles
Regard (organisation, stratégie, repérage) XXX
Perception (images, visages, signes XX
conventionnels)
Champs visuels X
Autres
Compétences praxiques
Utilisation d’outils (gomme, ciseaux, XXX
règle…)
Manipulations (jetons, activité manuelle…) XXX
Reproductions de gestes
Dessin, graphisme, coloriage XXX
Compétences spatiales
Topologie (situer un item par rapport XXX
à d’autres)
Orientation propre (obliques, flèches…) XXX
Compétences organisationnelles
Cartable, trousse X
Cahier de textes, classeur, photocopies XX
Emploi du temps, gestion des tâches
Séquentialisation, sériation des idées XXX
Ordinateur XX
Écriture
Rapidité X
Lisibilité (nombre de lignes/nombre total) XX
Fatigabilité (nombre de lignes)

une bonne coordination des mouvements du topologiques mais aussi d’orientation propre.
regard ainsi qu’une bonne stratégie d’explora- Il faut :
tion visuelle du matériel. De plus, le dessin et – d’une part, pouvoir situer les objets les uns
encore plus la géométrie sollicitent beaucoup par rapport aux autres : l’arbre est derrière
des compétences sous-jacentes de perception la maison, devant la maison il y a un portail,
visuelle, c’est-à-dire de gnosies visuelles. Il le chien est à gauche de la maison…, le trian-
faut en effet pouvoir interpréter ce qui est gle ABC est inscrit dans le cercle C,
dessiné ou représenté et pouvoir comprendre
– d’autre part, pouvoir faire une analyse de
le sens des images, dessins et symboles (signes
l’orientation des traits, (re)-connaître
conventionnels : formes, lettres, chiffres,
l’orientation propre des objets, c’est-à-dire
logos…) ;
leur position absolue ;
• l’exploitation aussi bien que la conception des • les compétences praxiques sont majoritaire-
dessins font appel à des compétences spatiales ment sollicitées lors du tracé, de la conception

164
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

des dessins ou figures géométriques. Il appa- ces spatiales (cf. p. 139, 141), et faire preuve
raît comme une évidence que les enfants dys- d’une grande tolérance en ce qui concerne leurs
praxiques vont être gênés par leurs faibles résultats, sans trop investir de temps ni d’éner-
compétences en graphisme, dessin et coloriage gie dans ce domaine (cf. p. 118).
très fortement sollicitées ici ; elles sont l’es-
sence même de l’activité. En outre, les enfants
doivent utiliser des outils (crayon, gomme,
pinceau, compas, équerre, rapporteur…), les
Adaptations transversales :
manipuler et les orienter de façon adaptée. leur formalisation
Par contre, ces tâches ne nécessitent que peu Notre démarche d’analyse croisée nous a per-
l’écriture, ou alors seulement quelques caractè- mis de mieux repérer les répercussions scolai-
res qu’il faut rendre lisible. res souvent méconnues ou masquées de la
dyspraxie : il ne s’agit pas que d’un enfant « qui
D’un coup d’œil sur la grille d’analyse, écrit mal » ni « qui doit s’appliquer » ! Elle nous
nous comprenons l’immense détresse de a aussi donné des pistes sur les aspects qu’il
convient de contourner ou d’aménager pour
certains enfants dyspraxiques lors de ces
permettre à ces enfants intelligents de suivre
séquences de dessin/arts plastiques ou de
leur scolarité et faire leurs apprentissages, en
géométrie. Et c’est sans compter la lenteur,
même temps et dans les mêmes délais que leurs
les difficultés liées au fait de sortir, prépa- camarades.
rer et organiser le matériel et les outils
adéquats… Nous avons déjà longuement abordé les adapta-
tions des supports considérés comme « toxi-
ques » et les adaptations usuelles, et le rôle
Il en découle la nécessité absolue d’adapter ces essentiel de l’AVS dans la personnalisation et la
activités… ou d’y renoncer (cf. figure 7.7 et tableau mise en œuvre de ces aides. Mais c’est l’ensem-
7.7, fig. 7.13 et tableau 7.8, cahier couleur central). ble des thérapeutes de l’enfant qui doivent se
Pour les dessins à exploiter (description…), on coordonner afin de procéder le plus possible de
peut par exemple aider ces enfants en leur pro- façon analogue, proposant en tous lieux un sys-
posant une description plutôt orale (ou écrite, tème d’aides cohérent.
dactylographiée) des dessins présentés, ce qui Mais il est important d’apporter quelques pré-
leur permet de la relire ou de se la faire relire cisions :
(par leur AVS, par un logiciel de retour • au sujet du palliatif « universel » pour les élèves
vocal). dyspraxiques : l’utilisation de la verbalisation ;
Lorsqu’il s’agit de réaliser un dessin, comme • sur les aménagements lors des examens ;
c’est le cas en arts plastiques ou en géométrie, il
• enfin, sur le meilleur moyen de formaliser
faut évaluer la souffrance de l’enfant. Si celle-ci
l’ensemble de ces aides, dispensées en classe
est trop importante on peut proposer qu’il réa-
via l’AVS et/ou le secrétaire, afin d’en assurer
lise un exposé en rapport avec le thème étudié,
la pérennité au fil des mois et des années.
ou bien il faut dispenser l’enfant (ponctuelle-
ment ou définitivement) de cette matière.
En ce qui concerne les dessins ou schémas dans
les autres matières, étant donné que le dessin AVS et verbalisation en classe
n’est alors utilisé que comme support à l’ap-
prentissage, il faut alors le remplacer dès que Limites de la verbalisation
possible par un texte explicatif (cf. figures 7.12 Dans tous les chapitres de ce livre, dans toutes
et 7.13, cahier couleur central). les matières et à toutes occasions nous avons
En géométrie, il est proposé aux enfants d’utili- souligné l’importance du langage comme
ser des logiciels adaptés de tracés de figures moyen de contournement, comme palliatif pri-
géométriques ne nécessitant pas de compéten- vilégié des difficultés propres aux élèves DVS,

165
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

enfants vifs, intelligents, généralement pourvus La procédure doit être réfléchie, toujours la
d’excellentes capacités verbales. même quelle que soit la réponse de l’enfant. On
Cependant, il faut être très vigilant quant à la peut suggérer :
fatigabilité de ces enfants. • tout d’abord, de lui demander s’il a compris la
En effet, réfléchir uniquement à l’oral et sans question et lui répéter (ou relire, ou reformu-
aucun support écrit (situation des enfants les ler) la consigne si besoin ;
plus gênés sur le plan visuospatial) demande • ensuite l’inciter à dire ce dont il a besoin pour
énormément de concentration, mobilise consi- formuler sa réponse.
dérablement la mémoire de travail et les fonc-
Lors de la formulation de la réponse (selon l’âge
tions exécutives. On est donc vigilant à
et le niveau scolaire), proposer à l’enfant de lis-
aménager très régulièrement des temps de
ter ses idées, les lui relire, lui proposer de les
pause au cours des exercices et surtout lors des
regrouper, de mettre ensemble celles qui vont
épreuves de contrôles.
ensemble, et enfin de les hiérarchiser.
Puis passer à la rédaction proprement dite, sous
Ces enfants épuisent plus vite leurs capacités la dictée de l’enfant (éventuellement l’épellation
attentionnelles et se fatiguent (cf. p. 60). La si l’orthographe est un enjeu du travail en
pertinence de leurs réponses peut s’en trou- cours). Si nécessaire, lui relire à chaque fois le
ver affectée, c’est pourquoi il est très impor- paragraphe précédent et les idées qu’il doit uti-
tant d’aménager des temps de pause. liser dans le paragraphe en cours.
À la fin de sa réponse, on peut demander de
Cette stratégie leur permet aussi de voir recon- façon systématique : « tu es sûr ? as-tu bien
nus leurs points forts, de prendre conscience de réfléchi ? ».
leurs capacités de raisonnement verbal, de Puis lui relire l’intégralité de sa réponse ou de
reprendre confiance en leurs possibilités. son texte, lui demander si c’est bien cela qu’il
souhaitait écrire.
Étayer, structurer la verbalisation Enfin, passer à la question ou l’exercice suivant.
de l’enfant On peut aussi, en fonction de type de travail
On demande aussi beaucoup à l’enfant de réflé- demandé, s’inspirer des stratégies CO-OP
chir à haute voix, de verbaliser, de raconter (cf. p. 25).
(cf. p. 117). Mais il ne s’agit pas d’encourager un
bavardage ni un verbiage. Ces verbalisations en En tout état de cause, les AVS qui assistent
lien avec les apprentissages scolaires doivent un jeune dyspraxique doivent être formés à
être organisées de façon à constituer une aide ces techniques.
aux apprentissages (mises en relation d’élé-
ments ou d’information, raisonnements,
mémorisation…). De même, lors des interroga- Une procédure qui doit être fiable
tions, exercices d’application ou contrôles, il ne Par ailleurs beaucoup pensent, à tort, que cette
faut pas encourager les digressions, les ques- aide à la structuration des réponses est trop
tionnements annexes, les hors-sujets… Il faut, facilitatrice et/ou se substitue (partiellement ou
progressivement, aider ces enfants à organiser totalement) aux réponses de l’enfant. On entend
et structurer leur verbalisation et leurs idées de souvent dire : « on ne sait pas qui on note » ou
façon claire, précise. « oui, il a de bons résultats mais… il est aidée
par une AVS ».
Dans le cadre scolaire, l’enfant doit être étayé Effectivement, certaines questions, ou mimi-
pour fournir des réponses adéquates et ques, ou intonations de l’adulte font penser à
l’enfant qu’il se trompe, qu’il doit reformuler ou
structurées, (dans la mesure où la leçon a été
modifier sa réponse. La plupart sont très habiles
préalablement apprise et comprise !).
à guetter dans le regard ou l’attitude de leur AVS

166
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

ses intentions, son jugement et tentent de modu- Il est fréquent que l’on considère qu’une fois la
ler ou transformer ou compléter leurs réponses consigne (texte) lu ou l’image (tableau, carte,
en fonction de ce qu’ils croient comprendre ou schéma) verbalisé, l’enfant doit se mettre au
deviner de la réaction de leur vis-à-vis. travail sans autre intervention de l’AVS. C’est
Ces attitudes, généralement involontaires ou une erreur qui ne prend pas en compte la réelle
mal maîtrisées, entretiennent auprès des ensei- situation de l’enfant.
gnants le climat de suspicion sur le crédit que Lorsqu’un élève tout-venant lit une consigne
l’on peut accorder aux réponses de l’enfant. (ou un problème ou un texte), il y revient à de
L’aide apportée au cours de ces dialogues avec multiples reprises au cours de l’exercice, sou-
l’élève doit, autant que possible, rester profes- vent de façon parcellaire ou ciblée, recherchant
sionnelle : il ne s’agit pas d’une aide compassion- telle information, en confirmant une autre.
nelle, ni de favoriser « les bonnes notes », il s’agit Le jeune qui est dépendant de la verbalisation
de permettre à l’enfant de construire des savoirs ou de la lecture de l’AVS a lui aussi besoin de
de bonne qualité en dépit de son handicap. Dans rafraîchir sa mémoire sur certains points pré-
le cadre scolaire, la relation avec l’AVS ou le cis, à intervalles réguliers. Il peut aussi s’agir
secrétaire doit être du même ordre que celle que d’une vérification ou de la recherche d’éléments
l’enseignant entretient avec ses élèves : étayante, manquants pour la constitution de sa réponse
mais sans exercer ni suggestion ni pression trop définitive.
appuyée, ce qui n’exclut en rien l’empathie. En outre, la quantité de langage délivrée à l’en-
fant dyspraxique, même pour de petits exerci-
Ce doute sur l’authenticité des réponses des ces, est considérable, sans compter les
enfants doit être levé, car il est dévastateur. descriptions qui doivent suppléer aux schémas,
plans ou dessins. Souvent, seule une mise en
Il conduit le jeune à la fois à :
situation des adultes leur permet de prendre
• refuser les aides proposées, désignées par conscience de ces contraintes. Bien sûr, les jeu-
les adultes comme illégitimes, pensées nes dyspraxiques sont, spontanément puis
comme des passe-droits ou des tolérances intentionnellement, sur-entraînés dans le
compassionnelles stigmatisantes qui souli- domaine verbal et, de ce fait, souvent beaucoup
gnent encore plus leurs faiblesses et leurs plus compétents que leurs pairs du même âge.
handicaps ;
Cependant, selon les enfants, leur âge et les exi-
• détruire le peu de confiance que l’enfant gences scolaires, il ne faut pas sous-estimer la
peut encore investir dans ses propres pro- charge en attention, en mémoire de travail et en
ductions, dans sa capacité de réussite, puis- mémoire à long terme imposée par ces techni-
que ses échecs lui sont attribués, tandis que ques. Relire, y compris si besoin de façon itéra-
ses réussites sont affectées à son AVS. tive, tout ou partie (de la consigne, des
C’est pourquoi les AVS doivent être sensibili- informations, du texte…) soulage en partie ces
sés aux techniques de verbalisation (cf. p. 117), fonctions mnésiques et permet de dégager de
telles que décrites succinctement ci-dessus, meilleures ressources cognitives pour répondre
et être vigilants, dans l’intérêt même de l’en- à la consigne et effectuer la tâche demandée.
fant et en dépit de leur empathie, à ne pas
suggérer ni induire les réponses. La lecture et la relecture doivent être propo-
sées et réalisées très fréquemment au cours
d’un exercice, au minimum chaque fois que
Lire et relire tout ce qui l’enfant en fait la demande.
est nécessaire
Afin de pallier les difficultés de lecture, il est Ceci, à lui seul, justifie un tiers temps supplé-
important de lire et relire régulièrement les consi- mentaire, permettant à la fois des pauses
gnes, les réponses et tout ce qui est nécessaire à la (cf. ci-dessus), des répétitions et des relectures
réalisation de l’activité proprement dite. aussi fréquentes que nécessaires, fonction de la

167
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

demande de l’enfant, demande explicite ou sug- Dispenses


gérée (regard, interrogation…).
Des enfants dyspraxiques peuvent être dispen-
sés de cartes, plans ou graphiques. Dans ce cas,
Aménagement des examens l’épreuve est généralement remplacée par une
et concours question de cours.
Il ne s’agit pas d’une liste limitative : d’autres
D’une façon générale, tous les aménagements
dispenses ou aménagements peuvent être envi-
(techniques et/ou humains) et dispenses dont le
sagées, au cas par cas, en collaboration avec
jeune a bénéficié au cours des mois et années
l’EN, si elles s’avèrent médicalement justifiées.
précédentes sont susceptibles d’être utilisés lors
des examens, si ces aides sont médicalement
justifiées (cf. p. 63). La circulaire 2006–15 du 26/12/2006 paru au
Bulletin officiel du 4 janvier 2007 (cf. annexe)
Tiers temps précise les dispositions légales en vigueur.
Notons en particulier : « Ces aides doivent
L’enfant présentant un ou plusieurs handicaps être en cohérence avec celles utilisées par
peut bénéficier du tiers temps supplémentaire. l’élève au cours de la scolarité. »
Cela permet de compenser la lenteur intrinsè-
que et/ou liée aux aides dont l’enfant a besoin.
Mais, chez des jeunes très fatigables, l’augmen- Pratiquement, le médecin doit, dans son certi-
tation de la durée des épreuves peut aggraver la ficat médical, s’attacher à détailler et motiver
fatigue : il faut savoir ménager des pauses de précisément les aides et aménagements néces-
façon stratégique. saires. Pour cela une concertation importante
avec les rééducateurs (ergothérapeutes notam-
ment), les enseignants et l’AVS le cas échéant
Mais bénéficier d’un temps supplémentaire, (surtout si l’AVS a l’expérience de l’accompa-
comme de toute autre adaptation, nécessite gnement du jeune lors des évaluations et/ou
un temps d’apprentissage pour être utilisé de d’examens précédents) peut fournir de précieux
manière optimale. Il faut donc anticiper cet renseignements complémentaires sur la concen-
apprentissage bien avant les premiers exa- tration, l’attention et la fatigabilité éventuelles
mens officiels. du jeune.
L’enseignant référent à la MDPH doit être
Or, c’est souvent très difficile à aménager dans informé (il conseille efficacement sur les for-
le cursus habituel de la scolarité, car les cours se malités à faire, les personnes à contacter, les
succèdent sans laisser le loisir d’un « débord » dossiers à remplir, les délais à respecter) et les
sur le cours suivant. Lors des contrôles habi- demandes d’aménagement pour les examens et
tuels, on peut soit limiter la quantité de travail à concours doivent être adressées au médecin
fournir par l’enfant handicapé d’un tiers, soit scolaire et/ou à l’un des médecins désignés par
modifier le barème de correction. la commission des droits et de l’autonomie des
personnes handicapées (CDAPH).
Cependant, il faut absolument mettre l’enfant
en situation réelle de tiers temps à plusieurs
reprises avant la passation des premiers exa- Formalisation de la démarche :
mens officiels : le contrôle peut alors avoir lieu un document à joindre au PPS
dans une salle à part, avec son AVS, ou mieux (cf. note 8, p. 7)
un secrétaire avec lequel le jeune n’a pas l’habi-
tude de travailler (un professeur peut même Pour formaliser au mieux l’ensemble des démar-
quelquefois accepter de jouer ce rôle), ce qui ches d’analyse et d’adaptation que nous avons
permet aussi de lever tout doute sur l’authenti- développé, il est important de créer un document
cité des réponses de l’enfant et la légitimité de la écrit qui recense et décrit les besoins spécifiques
note qu’il obtient. de l’enfant dyspraxique pour suivre sa scolarité.

168
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

Cet écrit s’actualise sous la forme d’un docu- La vie quotidienne : au niveau de l’habillage, les
ment annexe, un avenant joint au PPS, « officia- vêtements choisis comportent le moins possible
lisant » les adaptations liées au handicap de de boutons, les chaussures sont soit à scratch,
l’enfant, respectant ainsi la lettre et l’esprit de la soit à fermeture Éclair… Marius se lave seul
loi du 11 février 2005. Ce document est à ré- mais est dépendant lorsqu’il va aux toilettes,
ajuster, modifier, préciser chaque année, en car il ne peut pas s’essuyer seul de façon adé-
même temps que le PPS, ce qui permet de quate (cf. p. 185). Il lui a été proposé d’installer
l’adapter annuellement à la situation, éminem- un système de douchette anale chez lui afin de
ment évolutive, de l’enfant. lui donner un maximum d’indépendance.
Le plus simple est de procéder matière par Sur le plan scolaire : il présente une dysgra-
matière, avec en tout début de document un phie sévère puisqu’il ne peut écrire, lente­
descriptif des aides transversales nécessaires à ment, que des lettres bâtons avec des défor-
l’enfant et intéressant l’ensemble de sa scolarité. ­mations inconstantes, ce qui rend sa relecture
Ensuite l’objectif est de détailler, matière par très difficile voire impossible quand la prise
matière, les adaptations nécessaires. de notes a été un peu précipitée. Il a également
Ainsi chaque enseignant peut consulter l’en- des difficultés topologiques et de repérage
semble du document, mais surtout conserver la spatial. La dyspraxie de Marius se manifeste
partie intéressant plus spécifiquement la aussi dans ses faibles capacités d’organisation.
matière qu’il enseigne (au collège) et s’y repor- Il ne sait pas bien s’organiser, choisir les outils
ter régulièrement. adaptés…
Au collège, Marius suit les cours avec ses cama-
En joignant ce document au PPS, après dis- rades de classe et son AVS. Il bénéficie actuelle-
cussion avec l’ensemble de l’équipe éduca- ment d’une séance d’ergothérapie (deux par
tive, on évite que beaucoup de propositions, semaine les années précédentes) et une séance
suggérées verbalement, ne soient que partiel- d’aide aux devoirs effectuée par une éducatrice
lement mises en place, délaissées ou remises du SESSD. La séance d’ergothérapie est prise
en cause de façon unilatérale par tel ou tel. sur le temps scolaire, de façon délibérée : d’une
part, elle a lieu durant l’horaire d’un cours d’art
En effet, toutes les parties signent le PPS, et
plastique, ce qui permet de justifier l’absence de
l’enseignant référent (à la MDPH) est le
Marius qui vit très douloureusement cette
garant de la mise en œuvre de ce projet. matière (cf. p. 188) ; d’autre part, cela favorise
Par ailleurs, ce document favorise la péren- des temps de rencontres réguliers entre l’AVS et
nité des adaptations prévues ; de plus, il est l’ergothérapeute pour aménager au mieux les
irremplaçable pour les contrôles et examens. supports pédagogiques en fonction des besoins
précis de Marius.
Vignette clinique : rédiger Au cours de sa scolarité les (bons) résultats de
Marius ont souvent été remis en question par
ce document au cas par cas l’équipe enseignante qui se demandait si les
Pour plus de clarté, prenons l’exemple de notes correspondaient réellement aux capaci-
Marius, 13 ans et demi, scolarisé dans un col- tés de Marius ou si celles-ci n’étaient pas en
lège (établissement privé sous contrat) avec pré- grande partie le reflet de l’aide apportée par
sence d’un AVS à temps complet. Marius est un l’AVS (cf. p. 166). Il était très important de lever
jeune garçon à l’intelligence vive (NS aux simi- ce doute : il a donc été proposé que Marius
litudes du WISC-IV = 15), de contact agréable, fasse certains contrôles, en respectant des
étayé de façon très adéquate par ses parents. Il consignes précises d’aides et d’adaptations spé-
présente une dyspraxie sévère, avec difficultés cifiques dont il avait besoin, mais avec une per-
neurovisuelles associées se traduisant par un sonne autre que son AVS, une personne dont
mauvais calibrage de ses saccades et une explo- l’objectivité ne pourrait être remise en ques-
ration visuelle laborieuse limitant les capacités tion : enseignant de la matière concernée, prin-
de lecture (cf. p. 122). cipal du collège, secrétaire…

169
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

faire. Il reste dans un apprentissage « par cœur »


L’avenant au PPS, tel que défini plus haut,
de l’orthographe de chaque mot.
s’est révélé un outil indispensable et d’une
grande facilité d’utilisation. Rédigé et renou- Fonctions du secrétaire :
velé chaque année, il a servi de base de tra- • aménager la présentation ; la compréhension
vail pour tout adulte intervenant auprès de du contrôle est optimale si :
Marius au sein de l’école, puis pour la passa- – la police de caractère a une taille 16 ou 18,
tion des examens (brevet). – le texte est bien aéré (peu d’informations
par page, interlignes),
Une fois mis au point, au même titre que les – les photos sont de bonne qualité,
grilles d’analyse des supports pédagogiques et
– les exercices ne comportent pas ou peu de
des activités scolaires, cet avenant au PPS a per-
référence spatiale (histoire en images ou
mis à la fois :
bande dessinée…). Si des contrôles portent
• un gain de temps : limitation des réunions ité- sur l’heure55 (dire l’heure en anglais à partir
ratives pour justifier ou ré-initier les aména- de dessins d’horloges), il est préférable de
gements préconisés ; présenter des horloges digitales car son han-
• une bonne coopération des différents acteurs dicap ne lui permet pas de traiter l’orienta-
de terrain : les documents sont rédigés ou dis- tion des aiguilles ;
cutés en commun, lors d’une réunion d’équipe
• organiser le tiers temps (si le contrôle dépasse
éducative ;
2 h : aménager également des temps de pause,
• une réelle pertinence des aménagements mis ce jeune reste fatigable ou diminuer le nom-
en place dans toutes les matières mais aussi bre d’exercices : cf. le professeur concerné) ;
dans la durée, au fil des ans : les détails, la spé-
• lecture de l’énoncé et/ou du texte à voix haute ;
cificité ou la méthodologie de chaque interven-
tion ne se perdent pas, ou peuvent facilement • le secrétaire pose la question « as-tu bien com-
être ré-activés. pris ? » ; il relit l’énoncé, la consigne et/ou le
texte autant de fois qu’il est nécessaire ;
Dans la mesure où Marius présente une DVS
• à chaque mot ou expression dicté par le jeune,
sévère mais assez classique et où il est scolarisé
le secrétaire doit lever le stylo après avoir écrit
dans un collège « ordinaire » avec l’aide d’un
le mot ou l’expression demandé, pour éviter
AVS à temps plein, il nous a semblé que son his-
de l’influencer ou de l’aider ;
toire pouvait être représentative de toute une
catégorie d’enfants susceptibles de bénéficier • en raison de la dysorthographie précédem-
de cette façon de faire. ment citée, il y a peu d’intérêt à lui faire épeler
plusieurs fois le même mot et chaque mot
Exemple d’avenant au PPS composant la phrase,
Consignes au secrétaire • quand le jeune semble avoir terminé de répon-
pour le contrôle d’anglais dre à une question ou un exercice, lui deman-
Du matériel spécifique doit être préparé par der : « as-tu fini ? ». Relire les réponses une
l’AVS, en collaboration avec le professeur avant fois qu’elles sont complètes avant de passer à
le contrôle. l’exercice ou la question suivante ;
Pour ce jeune, il est préférable de privilégier • Marius doit oraliser pour une meilleure com-
l’oral pour tester ses connaissances ou prévoir préhension et une meilleure formulation de la
une évaluation orale supplémentaire. réponse. Après cette verbalisation demander
au jeune de re-formuler en dictant seulement
Ce jeune présente déjà en français une dysor-
les phrases à écrire sur la feuille réponse. La
thographie. Il est important de noter que ce
trouble de l’accès à l’orthographe est majoré
dans les langues étrangères. En raison des trou- 55 Il s’agit d’une recommandation ponctuelle, liée au
bles visuels et neurovisuels de ce jeune, l’accès à type précis de contrôle prévu par le professeur cette
l’orthographe par la voie visuelle ne peut se fois-là.

170
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

verbalisation lui permet souvent d’identifier Fonctions du secrétaire :


des erreurs qu’il n’aurait pas repérées sur un • aménager la présentation ; la compréhension
support écrit ; du contrôle est optimale si :
• le secrétaire peut rappeler à Marius pendant – la police de caractère a une taille 16 ou 18,
le contrôle de se concentrer (fatigabilité).
– le texte est bien aéré ;
Consignes au secrétaire
• organiser le tiers temps (si le contrôle
pour le contrôle de mathématiques
dépasse 2 h : aménager également des temps
Du matériel spécifique doit être préparé par le de pause, ce jeune reste fatigable ou dimi-
secrétaire en collaboration avec le professeur nuer le nombre d’exercices : cf. le professeur
avant le contrôle, en particulier : concerné) ;
• un tableau non rempli pour les conversions ; • avant de commencer réellement le contrôle :
• pour les opérations : – le secrétaire fait la lecture intégrale du
– en raison de sa dyscalculie spatiale, Marius contrôle,
ne peut pas poser les opérations : il est auto- – cela permet à Marius d’organiser son temps,
risé à utiliser sa calculatrice, de repérer les exercices qui lui semblent les
– toutefois si les opérations doivent être posées, plus faciles et de penser sa stratégie. Le
cela est fait par l’adulte sur une feuille à part secrétaire peut éventuellement intervenir
sans aucun autre élément sur celle-ci, le dans cette organisation ;
jeune n’est pas perturbé par des éléments • puis, pour chaque exercice, l’adulte relit
périphériques et cela lui permet un meilleur l’énoncé au moins deux fois ;
repère dans son opération,
• ensuite, l’adulte pose la question : « as-tu
– l’AVS résout l’opération sous la dictée de besoin de quelque chose en particulier pour
Marius (vérification de la connaissance des résoudre ce problème ? ». Selon la réponse de
tables de multiplication, de certaines Marius, l’adulte installe le matériel demandé :
procédures…) ; tableau de conversions, calculatrice… ;
• pour la géométrie : • le secrétaire posera la question « as-tu bien
– utilisation de l’ordinateur, logiciel Cabri compris ? », il relira l’énoncé, la consigne et/ou
géomètre®, avec une manipulation du logi- le texte autant de fois qu’il sera nécessaire ;
ciel par l’adulte, • à chaque mot ou expression dicté par le jeune,
– sans Cabri géomètre® : certaines construc- le secrétaire doit lever le stylo après avoir écrit
tions de géométrie peuvent être remplacées le mot ou l’expression demandé, pour éviter
par une question concernant les propriétés de l’influencer ou de l’aider ;
des figures ; toutes les étapes de construc- • quand l’enfant semble avoir terminé de répon-
tion (plan de construction) doivent être ver- dre à une question ou un exercice, lui deman-
balisées par le jeune au moins une fois pour der « as-tu fini ? ». Relire les réponses une fois
chaque outil, qu’elles sont complètes avant de passer à
– les figures doivent être surlignées en fluo l’exercice ou la question suivante ;
avec une couleur différente pour chaque • Marius doit oraliser pour une meilleure com-
élément. préhension et une meilleure formulation de
Le codage géométrique ne suffit pas au la réponse. Après cette verbalisation deman-
repérage, c’est pourquoi il faut privilégier der au jeune de re-formuler seulement les
dès que possible la voie orale. phrases à écrire sur la feuille réponse. La ver-
– il est préférable de présenter des figures balisation permet souvent d’identifier les
simplifiées avec un seul élément nouveau à erreurs que le jeune n’aurait pas repérées sur
la fois, plutôt qu’une figure complexe d’em- un support écrit ;
blée du fait des difficultés de repérage • le secrétaire peut rappeler à Marius pendant
visuospatial de ce jeune. le contrôle de se concentrer (fatigabilité).

171
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Consignes au secrétaire • à chaque mot ou expression dicté par le jeune,


pour la géographie le secrétaire doit lever le stylo après avoir écrit
Du matériel spécifique doit être préparé par le mot ou l’expression demandé, pour éviter
l’AVS en collaboration avec le professeur avant de l’influencer ou de l’aider ;
le contrôle. • quand l’enfant semble avoir terminé de répon-
Si l’on utilise des cartes : dre à une question ou un exercice, lui deman-
der « as-tu fini ? ».
• il faut qu’au préalable Marius puisse décrire
l’emplacement des pays par rapport aux Relire les réponses une fois qu’elles sont com-
continents et à l’intérieur des continents plètes avant de passer à l’exercice ou la question
avec des repères précis (équateur, nord/sud/ suivante ;
ouest/est…) ; • Marius doit oraliser pour une meilleure com-
• les cartes aérées, non surchargées et d’une préhension et une meilleure formulation de la
taille A4 sont plus facilement utilisable par ce réponse. Après cette verbalisation demander au
jeune. Elles le sont d’autant plus que chaque jeune de formuler seulement les phrases à
élément (continent, pays, mer ou océan…) est écrire sur la feuille réponse.
d’une couleur spécifique, identique à chaque La verbalisation permet souvent d’identifier les
contrôle. erreurs que le jeune n’aurait pas repérées sur un
support écrit ;
Pour les tableaux et les graphiques, le même
problème de repérage se pose. L’utilisation est • le secrétaire peut rappeler à Marius pendant
cependant facilitée par une présentation aérée, le contrôle de se concentrer (fatigabilité).
non surchargée, de taille A4. Un code couleur
est aussi nécessaire (une couleur par ligne et Consignes au secrétaire
par colonne pour les tableaux). pour le contrôle de SVT
Cependant, ces supports ne sont vraiment pas Du matériel spécifique doit être préparé par
conseillés pour ce jeune. l’AVS en collaboration avec le professeur avant
le contrôle.
Nota bene : les cartes posent beaucoup de difficul-
tés de repères spatiaux pour ce jeune. Il est donc Les schémas ne peuvent être dessinés ni inter-
préférable de la remplacer par une formulation prétés par l’enfant en raison de troubles neuro-
verbale ou textuelle et des questions précises. visuels et/ou visuospatiaux. Dans ce cas, on
peut envisager de remplacer cet exercice par
Fonctions du secrétaire :
une formulation verbale des données et une
• aménager la présentation ; la compréhension question de connaissance.
du contrôle est optimale si :
Fonctions du secrétaire :
– la police de caractère a une taille 16 ou 18,
• aménager la présentation ; la compréhension
– le texte est bien aéré, du contrôle est optimale si :
– les photos, les schémas et les cartes sont de – la police de caractère a une taille 16 ou 18,
bonne qualité,
– le texte est bien aéré,
– les documents sont, éventuellement, colorisés ;
– les photos, les schémas, les graphiques, les
• organiser le tiers temps (si le contrôle dépasse les cartes sont de bonne qualité et le plus aéré
2 h : aménager également des temps de pause, ce possible. Il est important que l’adulte décrive
jeune reste fatigable, ou diminuer le nombre ces supports en raison des difficultés dans le
d’exercices : cf. le professeur concerné) ; domaine visuospatial. Il est préférable de
• lecture de l’énoncé et/ou du texte à voix haute. remplacer le support visuel par une ques-
Lire et relire autant que nécessaire ; tion de cours.
• le secrétaire pose la question « as-tu bien com- – Exemple : « compléter le schéma du cœur »
pris ? » ; il relit l’énoncé, la consigne et/ou le est remplacé par « expliquer la circulation
texte autant de fois qu’il est nécessaire à la du sang dans le muscle cardiaque » : à voir
compréhension ; avec l’enseignant ;

172
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

• organiser le tiers temps (si le contrôle dépasse Fonctions du secrétaire :


les 2 h : aménager également des temps de • aménager la présentation ; la compréhension
pause, ce jeune reste fatigable ou diminuer du contrôle est optimale si :
le nombre d’exercices : cf. le professeur
– la police de caractère a une taille 16 ou 18,
concerné) ;
– le texte est bien aéré,
• lecture de l’énoncé et/ou du texte à voix haute,
à plusieurs reprises si nécessaire ; – les photos, les schémas et les cartes sont de
bonne qualité ;
• le secrétaire pose la question « as-tu bien com-
pris ? » ; il relit l’énoncé, la consigne et/ou le • organiser le tiers temps (si le contrôle dépasse
texte autant de fois qu’il est nécessaire à la les 2 h : aménager également des temps de
compréhension ; pause, ce jeune reste fatigable ou diminuer
• à chaque mot ou expression dicté par le jeune, le nombre d’exercices : cf. le professeur
le secrétaire doit lever le stylo après avoir écrit concerné) ;
le mot ou l’expression demandé, pour éviter • lecture de l’énoncé et/ou du texte à voix haute,
de l’influencer ou de l’aider ; autant de fois que nécessaire ;
• quand l’enfant semble avoir terminé de répon- • le secrétaire pose la question « as-tu bien com-
dre à une question ou un exercice, lui deman- pris ? », il relit l’énoncé, la consigne et/ou le
der « as-tu fini ? ». Relire les réponses une fois texte autant de fois qu’il est nécessaire à la
qu’elles sont complètes avant de passer à compréhension ;
l’exercice ou la question suivante ; • à chaque mot ou expression dicté par le jeune,
• Marius doit oraliser pour une meilleure com- le secrétaire doit lever le stylo après avoir écrit
préhension et une meilleure formulation de la le mot ou l’expression demandé, pour éviter
réponse. Après cette verbalisation, demander de l’influencer ou de l’aider ;
au jeune de formuler seulement les phrases à • quand l’enfant semble avoir terminé de répon-
écrire sur la feuille réponse. dre à une question ou un exercice, lui ­demander
La verbalisation permet souvent d’identifier les « as-tu fini ? ». Relire les réponses une fois qu’el-
erreurs que le jeune n’aurait pas repérées sur un les sont complètes avant de ­passer à l’exercice
support écrit ; ou la question suivante ;
• le secrétaire peut rappeler à Marius pendant • Marius doit oraliser pour une meilleure com-
le contrôle de se concentrer (fatigabilité). préhension et une meilleure formulation de la
Consignes au secrétaire réponse. Après cette verbalisation demander
pour le contrôle de français au jeune de formuler seulement les phrases à
écrire sur la feuille réponse.
Quels sont les objectifs et les pré-requis sollici-
La verbalisation permet souvent d’identifier les
tés dans ce contrôle ?
erreurs que le jeune n’aurait pas repérées sur un
Le français est composé de plusieurs domaines support écrit ;
(conjugaison, grammaire, orthographe, voca-
• le secrétaire peut rappeler à Marius pendant
bulaire) et plusieurs évaluations qui peuvent
le contrôle de se concentrer en raison de sa
réunir toutes les exigences ou une partie ou une
fatigabilité ;
seule : la rédaction, la dictée, la poésie (qui sol-
licite la mémoire du « par cœur »), les questions • pour l’expression écrite :
de dictées, de vocabulaire… – privilégier dans un premier temps la verba-
Il est donc difficile d’établir des consignes uni- lisation des idées et les noter au fur et à
ques pour le français. Néanmoins des règles mesure,
générales peuvent être établies. – puis relire les idées notées et demander au
C’est au cas par cas, en collaboration étroite jeune de donner l’ordre dans lequel les déve-
avec le professeur, qu’il faut spécifier les détails lopper (faire un plan, cf. p. 55, 143),
de l’intervention de l’adulte. – passer à la rédaction proprement dite.

173
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Consignes au secrétaire • le secrétaire peut rappeler à Marius pendant


pour le contrôle d’histoire le contrôle de se concentrer (fatigabilité).
Du matériel spécifique doit être préparé par Ces fiches consignes peuvent paraître redon-
l’AVS en collaboration avec le professeur avant dantes lorsqu’elles sont juxtaposées de la sorte.
le contrôle. Cependant elles sont rédigées de manière indé-
Par exemple : la frise chronologique et les cartes pendante, de façon à pouvoir être utilisées
posent beaucoup de difficultés de repères spa- ­séparément lors des contrôles, discipline par
tiaux pour ce jeune. En effet, il est préférable de discipline. C’est pourquoi les aides transversa-
les remplacer par une formulation verbale des les sont reprises dans chaque matière.
données et des questions précises sur les événe-
ments et/ou les pays.
Fonctions du secrétaire : Conclusion
• aménager la présentation ; la compréhension
du contrôle est optimale si :
– la police de caractère a une taille 16 ou 18, Nous avons vu que certains supports péda-
gogiques n’étaient pas accessibles et devaient
– le texte est bien aéré,
être soit abandonnés soit très adaptés, voire
– les photos, les schémas et les cartes sont être transformés, pour permettre aux jeunes dys-
de bonne qualité. Il est important que l’adulte praxiques d’effectuer les mêmes acquisitions
décrive précisément ces supports en raison et les mêmes apprentissages que leurs pairs
des difficultés dans le domaine visuospatial ; dès que cela est possible. Bien sûr, parfois il
• organiser le tiers temps (si le contrôle dépasse faut accepter de renoncer, de faire le deuil de
les 2 h : aménager également des temps de certaines compétences qui resteront inac-
pause, ce jeune reste fatigable, ou diminuer le cessibles ou en tout cas le reflet direct des
nombre d’exercices : cf. le professeur concerné) ; difficultés particulières de ces jeunes : tout
• lecture de l’énoncé et/ou du texte à voix n’est pas « compensable » en matière de
haute ; handicap…
• le secrétaire pose la question « as-tu bien com-
pris ?» ; il relit l’énoncé, la consigne et/ou le
texte autant de fois qu’il est nécessaire à la Lorsque la suppression d’une activité, d’un
compréhension ; support ou d’une compétence s’impose (utili-
sation de cartes en géographie ou de schémas
• à chaque mot ou expression dicté par Marius,
en SVT ou en sciences physiques), alors ce
le secrétaire doit lever le stylo après avoir écrit
renoncement et les techniques de remplace-
le mot ou l’expression demandé, pour éviter
ment préconisées doivent être explicitées et
de l’influencer ou de l’aider ;
justifiées aux yeux de l’enfant. Il faut motiver
• quand Marius semble avoir terminé de répon- de façon claire et réaliste les raisons de ce chan-
dre à une question ou un exercice, lui deman- gement radical de méthode, et mettre en avant
der « as-tu fini ? ». Relire les réponses une fois ses capacités d’apprentissage.
qu’elles sont complètes avant de passer à
l’exercice ou la question suivante ;
• Marius doit oraliser pour une meilleure com- Il est important de prendre le temps d’expli-
préhension et une meilleure formulation de la quer à ces jeunes que les propositions de
réponse. Après cette verbalisation, demander substitution de ces supports n’empêchent en
au jeune de formuler seulement les phrases à rien l’acquisition de nouvelles connaissan-
écrire sur la feuille réponse.
ces, bien au contraire : c’est parce qu’on les
La verbalisation permet souvent d’identifier
pense capables de ces acquisitions que ces
les erreurs que le jeune n’aurait pas repérées
propositions alternatives leur sont faites.
sur un support écrit ;

174
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité

L’adaptation des supports pédagogiques requiert les descriptions constituent le pivot de l’intri-
une démarche fine, détaillée et pertinente d’ana- gue (romans policiers…), la dispense doit être
lyse des différentes composantes neuropsycho- totale.
logiques mises en jeu par l’utilisation des Utiliser, interpréter ou construire un schéma
documents usuels, tout au long de la scolarité. fait appel au figuratif, au spatial. Les élèves
Elle doit servir à mettre en relation chacune de dyspraxiques sont donc très gênés, avec quel-
ces composantes et la nature/l’intensité des quefois des difficultés supplémentaires en
difficultés de l’enfant ; ainsi, il est possible de fonction des graphies utilisées sur le schéma.
repérer rapidement et sans oubli les domaines
On retrouve ce type de tâche dans de nombreuse
où une adaptation doit être pensée, réfléchie
matières (SVT, technologie, sciences physiques,
et mise en application. Il est tout à fait faux de
histoire/géographie, modélisation de certains
croire que des adaptations « universelles »
problèmes mathématiques…) : ces élèves ne
existent. Bien sûr, un certains nombres d’en-
peuvent pas être évalués sous cette forme ; il faut
tre elles peuvent être utilisées par plusieurs
convertir les informations en données verbales
enfants dyspraxiques. Mais chaque adapta-
et textuelles, qu’il s’agisse d’apprendre la leçon
tion doit se penser comme un travail « sur
ou de réaliser exercices et contrôles (cf. figure
mesure », partie intégrante de la scolarité de
7.13, cahier couleur central).
ce jeune et être finement personnalisée afin
de correspondre certes aux difficultés parti- Ces adaptations ne peuvent :
culières du jeune mais aussi et surtout à ses – se concevoir sans l’intervention de spécialistes
capacités tout autant particulières, singulières qui connaissent bien et le développement des
et personnelles. fonctions cognitives de l’enfant et le handicap
Enfin, il faut en permanence réajuster ces pro- que constitue la dyspraxie,
positions en fonction de l’évolution du jeune et – prendre corps sans la connaissance et la com-
de sa famille, de ses acquisitions, ses progrès, préhension, au fond, des exigences, contrain-
mais aussi des exigences scolaires croissantes, tes, objectifs et enjeux de la scolarité,
en lien étroit avec ses choix de vie. – être mises en œuvre avec efficacité sur le long
Adapter suppose de prendre en compte le terme sans l’assentiment sincère des péda-
handicap, les capacités, l’environnement et le gogues, qui guideront l’action des person-
désir de la personne. C’est elle qui sera le fil nels intervenants en situation scolaire (AVS,
conducteur nécessaire à la réussite de son secrétaires),
projet (tableaux 7.7 et 7.8, cf. cahier couleur – être pérennes que si l’enseignant référent,
central). garant de la mise en œuvre et du suivi du pro-
En littérature, les élèves ont souvent à étudier jet de scolarisation, s’engage,
des œuvres littéraires. Lors de l’étude de textes – être acceptées de l’élève que si les enseignants
descriptifs, les élèves dyspraxiques sont gênés légitiment ces stratégies et si ses parents le
dans leur compréhension par la nécessité de se soutiennent. C’est donc l’investissement
représenter mentalement la scène, ce qui solli- conjoint et cohérent de toute une équipe qui
cite des compétences spatiales et organisation- est requis…
nelles qu’ils n’ont pas.
C’est pourquoi, rappelons une fois encore que
La seule proposition valide alors est une dis- seul un partenariat étroit entre les différents
pense partielle, c’est-à-dire que les élèves dys- intervenants autour de la scolarité d’un enfant
praxiques ne sont pas du tout interrogés sur les dyspraxique permettra la réussite du projet sco-
passages descriptifs, mais seulement sur le reste laire et donc, à plus long terme, du projet de vie
de l’œuvre (cf. figure 7.7). Dans certains cas, où de l’enfant.

175
Vie quotidienne Chapitre  8
« Tu as tort. Tu devrais abuser davantage. Il ne faut pas tomber
dans ce piège-là, ne pas s’emmerder la vie en jouant le handicapé
qui fait comme s’il n’était pas handicapé.
Il faut être clair avec ça, considérer que les gens te doivent ces
petits services, d’ailleurs c’est vrai qu’il te les doivent, et la plupart
du temps ils sont bien contents de te les rendre. »
E. Carrère56

Les problèmes que rencontrent les enfants dys-


ses incapacités, assèchent ses ressources
praxiques du fait de leur handicap ne se limi-
attentionnelles, l’épuisent et s’additionnent
tent pas aux situations d’apprentissage scolaire.
Les actes de la vie quotidienne (AVQ) – ou sco- pour aggraver ses retards, inéluctablement,
laire – sont faits de mille gestes incessants dont tout au long du jour.
la réalisation rapide et correcte est indispensa-
ble aussi bien en termes d’autonomie person- Ici, l’enjeu n’est pas tel ou tel apprentissage, une
nelle que d’interactions sociales : se saluer le note au contrôle ou le passage dans la classe
matin en arrivant à l’école, enlever son man- supérieure ; l’enjeu c’est le risque permanent
teau, l’accrocher au portemanteau tout en dis- d’humiliation devant les copains (être traité de
cutant de la dernière émission de télévision ou « bébé » en primaire, d’incapable, de minable,
du prochain contrôle, s’installer à sa table, de « gogol » ou de « bouffon » plus tard), c’est la
ouvrir son cartable et sa trousse, sortir le livre ruine de l’estime de soi (incapable de faire ses
et le classeur adéquats, les ouvrir à la bonne preuves scolairement, l’enfant est également
page, écouter l’enseignant tout en inscrivant la incapable de « sauver la face » durant les temps
date (ou la consigne), prendre des notes, souli- parascolaires, les récréations ou les interclas-
gner tel item, etc. Pour beaucoup, s’y ajoutent le ses), c’est le découragement et le renoncement
fait de brancher et d’installer leur ordinateur, (tout est trop difficile, tout le temps).
d’aller faire des photocopies à l’interclasse et de
les retrouver au moment opportun. Tout cela C’est pourquoi il faut savoir accepter, avec dis-
bien sûr en temps limité. Il se peut aussi qu’il y cernement, de soulager l’enfant de certaines
ait sport ou piscine, et qu’il faille se déshabiller tâches dans certaines circonstances, lister
puis se rhabiller rapidement. À midi, à la can- clairement les exigences du quotidien et n’en-
tine, d’autres praxies sont encore et toujours treprendre de rééducations en ce domaine
sollicitées : prendre un plateau, se servir à boire, que dans des secteurs limités, à des moments
couper sa viande, ouvrir un yaourt, peut-être bien choisis : ce projet ne peut être conçu
éplucher une pomme ou une clémentine. qu’en étroite relation avec le jeune et sa famille
et doit être éminemment évolutif en fonction
de l’âge et des nécessités environnementales.
La journée de l’élève est ainsi une succession
ininterrompue de gestes complexes qui tous
nécessitent organisation praxique et spatiale,
56 Carrère E. D’autres vies que la mienne. P.O.L ;
qui tous le mettent en difficulté, dévoilent
2009.

177
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Nota bene : toutes les difficultés envisagées dans • d’une part, les capacités de l’enfant (en termes
ce chapitre ne concernent pas tous les enfants de motricité, d’organisation praxique, de
dyspraxiques ; comme toujours, il faut indivi- schéma corporel, de traitements spatiaux et
dualiser les propositions en fonction de chacun. de mode de vie, de besoins, de goût) ;
• d’autre part, les compétences sollicitées par la
tâche (en termes de force, d’adresse, de préci-
Penser la place des AVQ sion, de rapidité, d’organisation visuo-practo-
spatiale, de mémorisation…).
dans le projet de l’enfant
Pour bien cibler leurs objectifs dans le domaine Lorsque la faisabilité n’est que partielle, il
des activités de vie quotidienne (AVQ), les pro- convient de préciser au mieux dans quelles
fessionnels peuvent être guidés par plusieurs circonstances c’est réalisable par l’enfant seul
questions clés. ou dans quelles limites (problème de la dou-
ble tâche, cf. p. 19).
La question de l’évaluation
En effet, c’est encore trop souvent que, dès qu’il
Il faut d’abord disposer d’une sorte de photo- arrive laborieusement à ébaucher ou réaliser un
graphie des capacités/incapacités de l’enfant et geste donné, l’enfant est ensuite mis en demeure
les mettre en regard de son âge et des exigences de réaliser cette performance en permanence
particulières en milieu scolaire pour cet enfant- (puisqu’il a déjà montré qu’il peut le faire, c’est
là, cette année-là. Différents questionnaires donc que « quand il veut, il peut » !).
existent qui permettent de faire le point sur les Ces arguments fallacieux sont très préjudicia-
actes essentiels du quotidien. Ces question­ bles et influent négativement sur son désir
naires sont plus ou moins succincts ou exhaus- d’autonomie : il se décourage, renonce, les
tifs, certains prennent en compte les désirs et demandes excessives des adultes sont vécues
ressentis des parents et ceux de l’enfant lui- comme inatteignables. Outre l’épuisement qu’el-
même (qui peuvent être forts différents !), les provoquent, ces exigences abusives induisent
d’autres proposent un bilan en condition « éco- chez l’enfant handicapé un sentiment perma-
logique », etc. [68-70]. nent d’insuffisance : au lieu de recueillir compli-
ments et félicitations pour ses réussites (même
partielles, même ponctuelles), il ne lui est ren-
L’évaluation en situation scolaire est très voyé au contraire que des critiques concernant
importante [71] et trop souvent négligée ou les moments (ou les situations) où il ne répond
extrapolée à partir du vécu familial. Or, à pas aux attentes démesurées de certains adultes.
l’école (contrairement au domicile), l’enfant
Quoiqu’il fasse, quelques efforts qu’il fournisse,
est en permanence soumis à une double
quelques exploits qu’il finisse par accomplir, ce
contrainte qui aggrave (ou révèle) le handi- n’est jamais assez. Les exigences doivent donc
cap : faire vite et faire sous le regard de ses être évaluées, non à l’aune du souhaitable mais
camarades. à l’aune du possible, puis régulièrement revues
avec l’âge, l’évolution ou les progrès de l’enfant,
La question des conditions et toujours dosées avec réalisme.
de la faisabilité Exemples
L’enfant peut-il (ou pourra-t-il) raisonnablement Exemple 1
effectuer tel acte seul ou avec aide (et de quelle Lorsque M., jeune IMC dyspraxique, entre
nature) et à quels moments (cf. p. 21–22) ? en CP à 6 ans, l’équipe du SESSD inclut dans
Seuls des bilans (analytiques et fonctionnels) le projet le fait qu’elle arrive à manger seule
peuvent permettre de juger de la faisabilité, (une fois la viande coupée), d’autant qu’il
totale ou partielle, de tel ou tel acte en croisant : est prévu qu’elle reste à la cantine. Sa mère,

178
Chapitre 8. Vie quotidienne

très inquiète (l’enfant est très fluette) et et qui, probablement, ne s’allègera (en par­
très protectrice, lui donne en effet toujours tie) qu’avec le temps.
à manger à la cuillère ; pourtant, elle est sin­
Exemple 2
cèrement partie prenante du projet qu’elle
approuve. Les bilans (buccomoteurs et fonc­ Le jeune A., 12 ans, est désormais capable de
tionnels) montrent que M. présente des dif­ s’habiller seul : ses parents, tout comme ses
ficultés (neuromotrices) de mastication et thérapeutes insistent donc pour qu’il s’habille
déglutition, mais aussi des difficultés practo­ désormais seul, tout le temps. Chacun est
motrices pour remplir et porter la cuillère à conscient qu’il s’agit pour A. d’un effort, mais
la bouche. Une rééducation conjointe en cet effort est perçu à la fois comme l’aboutis­
orthophonie (mastication) et ergothérapie sement de progrès longuement attendus et
(geste, observation et travail en situation, à comme la preuve qu’il « mérite » son intégra­
la cantine) est déjà en place et se poursuit : tion, qu’il peut (plus ou moins) « faire comme
M., très demandeuse d’indépendance par tout le monde ». Mais au bout de quelques
rapport à sa mère et très désireuse de parta­ mois, A. nous dit son découragement : son
ger la cantine avec ses camarades, est très par­ AVS ne l’aide plus (« maintenant, tu peux le
ticipante et progresse de façon satis­faisante. faire seul », dit-elle), il est épuisé et se repose…
Mais, lors de bilans successifs de suivis pendant les cours ! Ce que A. peut faire lente­
d’évolu­tion, nous constatons que, si l’enfant ment et à petites doses, il ne peut le réussir
peut effectivement manger seule, elle mange toute la journée (récré­ations, heures de
de fait très peu, s’épuise rapidement et se sports, passage aux toilettes) alors même que
salit énormément, ce qui induit une gêne d’autres actions lui sont simultanément récla­
sociale (remarques humiliantes de ses cama­ mées, et toujours dans l’urgence de la sonne­
rades lors de la récréation qui suit le déjeu­ rie de fin de cours ou de fin de récréation. Il
ner). Nous revoyons alors nos objectifs et les faut donc encore accepter que son AVS l’aide,
calibrons de façon plus réaliste : M. mangera à certains moments (durant les interclasses
seule les premières cuillérées du début du les plus courts), afin de lui laisser des temps
repas puis le dessert, une éducatrice de can­ de pause, de récupération, de discussion et
tine lui donnant le reste de son repas ; elle de jeu avec ses camarades.
proposera également un rapide débar­ Exemple 3
bouillage (et, éventuellement, changera le
L., 14 ans, arrive souvent au collège « nég­
tee-shirt, la maman fournissant un change
ligé », ce qui lui vaut non seulement des
tous les matins, dans le cartable) avant que
réflexions désagréables des adultes mais
M. ne rejoigne ses amies à leur table puis à la
aussi des copains. Cheveux sales, vêtements
grande récréation de la mi-journée.
mal choisis, aspect débraillé… Sa mère,
Cette organisation est cependant difficile à consciente du problème, ne sait comment
faire accepter : l’éducatrice de cantine faire car il est hors de question qu’elle inter­
estime que M. « arrive très bien à manger vienne dans la toilette de ce grand adolescent
seule quand elle le veut », qu’elle peut « faire autrement que par des remarques verbales
l’effort » durant tout le repas, « qu’elle n’est dont il semble ne tenir aucun compte. Profitant
plus un bébé » et qu’il « faudra bien » qu’elle d’accompagnements à la piscine, l’ergothéra­
apprenne à se débrouiller toute seule. De peute note que les difficultés sont majeures
son côté, M. est à la fois déçue de ce demi- lors du passage sous la douche : L. ne sham­
échec (elle ne peut pas réellement manger pooine que la partie visible dans la glace de
avec ses amies à la cantine) et douloureuse­ sa chevelure, ne se rince que très partielle­
ment vexée des réflexions blessantes que ment, sort de la douche à moitié couvert de
cela suscite. savon qu’il n’essuie que très grossièrement en
Il nous faut donc convaincre l’éducatrice de passant vaguement la serviette sur le devant
cantine, mais aussi rassurer M. (et sa maman) de son corps. Des essais de verbalisation (en

sur l’aide dont cette enfant a encore besoin nommant les ­différents endroits du corps où

179
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

il doit passer la douche, vérifier le rinçage, Exemples


effectuer le séchage…) ne sont pas très Le jeune M., 8 ans, dyspraxique, montre au
convaincants : la durée de la toilette devient décours d’un bilan qu’il a beaucoup de mal
ingérable et le résultat est certes un peu amé­ à utiliser le couteau et la fourchette. Lors
lioré mais pas de façon suffisante ! Il lui est d’une réunion de synthèse, ce problème
bien sûr impossible de se couper les ongles ou est soulevé et l’ergothérapeute propose
de rentrer sa chemise dans son pantalon. Lors de commencer un travail en ce sens. Mais
d’une discussion avec L., nous prenons ni M. ni ses parents ne voient l’intérêt de
conscience qu’il souhaite une aide qu’il n’ose ce projet : à la maison, on mange avec les
pas ­réclamer : une aide à la toilette peut lui mains la semoule ou le riz pris dans le plat
être proposée au domicile de façon pluri- commun et M. se débrouille parfaitement ;
hebdomadaire (auxiliaire de vie), tandis que or il prend tous ses repas au domicile
la mère s’assurera de l’habillage et de la pré­ familial…
sentation générale ; au collège, il fréquentera
À l’inverse, R. 10 ans, ne peut pas lacer ses
les toilettes de l’infirmerie, l’infirmière pourra
lacets. Nous préconisons tout simplement
l’aider au rhabillage. Simultanément, on pro­
des chaussures à Velcro, mais l’enfant et ses
pose une rééducation ciblée, de type CO-OP
parents insistent : R. veut absolument être
(cf. p. 25), visant certains aspects des soins
chaussé comme ses frères et porter des bas­
corporels auxquels, peut-être, L. pourra accé­
kets à lacets…
der de façon autonome, à certains moments
(en parti­culier, au domicile, en dehors de
toute contrainte de temps…). La question des priorités
Exemple 4
On ne peut multiplier les rééducations hebdo-
A., 12 ans, IMC, est énurétique et porte tou­ madaires : en ce domaine, selon l’adage, le
jours des couches la nuit. Un médecin propose mieux est très souvent l’ennemi du bien. Il faut
un réveil nocturne pour lui permettre de vider au contraire s’imposer de hiérarchiser les prio-
sa vessie en milieu de nuit. Les parents nous rités, déterminer quels sont les éléments du
apprennent alors que la chambre de M. est projet qui sont dépendants de contraintes tem-
joliment aménagée avec un bureau surmonté porelles fortes, ou qui ne peuvent être remis à
d’un lit en mezzanine, lit que A. ne peut attein­ plus tard sans dommage sérieux. Nous avons
dre seul : il doit y être porté tous les soirs. déjà signalé les contraintes liées à un projet sco-
Cependant, le jeune A. souhaite absolument laire exigeant (cf. p. 31, 33), dont dépend sou-
conserver cet aména­ge­ment qu’il a choisi et vent l’avenir à long terme du jeune. Il peut aussi
qui, de fait, interdit tout lever nocturne… s’agir d’une intervention chirurgicale (qui
remet à plus tard les objectifs scolaires) ou
encore de nécessités liées à des projets ponc-
La question de l’opportunité tuels (classe externée…).

Tel acte est-il véritablement utile en ce moment


pour cet enfant-là (et/ou cette famille), peut-il Il faut savoir sérier dans le temps les objectifs
l’investir dès à présent, ou au contraire, peut-on rééducatifs : certains doivent être acquis
en différer la réalisation (au profit d’un objectif rapidement, tout délai représentant un sur-
plus urgent ou pour éviter une surcharge de handicap, alors que d’autres peuvent être
travail…) ? repoussés un temps et être proposés ulté-
rieurement sans grand dommage et avec
autant d’efficacité.
Car on ne peut pas tout rééduquer tout le
temps : pour certains gestes, il faut savoir
Il est évidemment très important de rendre
renoncer soit définitivement, soit momen­
l’enfant le plus indépendant, puis le plus auto-
tanément (cf. p. 22).
nome possible (compte tenu de son handicap,

180
Chapitre 8. Vie quotidienne

Exemple sation de qualité57, on entend souvent prétendre


L’enfant peut apprendre à remplir des for­ qu’il serait très important que l’enfant dys-
mulaires administratifs à tout âge : il n’y a praxique ne soit pas « en permanence » aidé de
rien là d’urgent à 8, 10 ou 14 ans, alors qu’au l’AVS. Ce serait donc intentionnellement, pour
contraire apprendre l’orthographe, la gram­ un motif « éducatif » (voire « rééducatif »), que
maire, la planification des phrases pour rédi­ ces enfants ne bénéficieraient d’un AVS qu’à
ger un écrit est une exigence qui ne peut temps partiel (cf. p. 98, 115, 151, 165) : les demi-
attendre (et suppose que l’enfant soit en journées scolaires « sans AVS » seraient indis-
capacité de produire un écrit sans être en pensables pour permettre au jeune dyspraxique
double tâche, cf. p. 19). de devenir autonome. De même, on entend
souvent dire que le jeune « se repose trop » sur
Au contraire, être correctement rhabillé
son AVS, ou « ne fait plus d’efforts »…
après être passé aux toilettes est un impé­
ratif social fort, à tout âge. Ces raisonnements, empreints de faux bon
sens, sont en fait la résultante de deux dérives :
• l’une consiste (par ignorance) à assimiler le
eu égard à son âge et ses conditions de vie), jeune dyspraxique à un enfant qui doit « faire
mais ces objectifs ne peuvent être conçus en des efforts » (toujours plus de la même chose
dehors du projet global : chaque élément du qui ne marche pas) pour parvenir à « faire
projet théra­peutique doit être remis en perspec- comme les autres » (cf. p. 4, 7) ; dans cette
tive avec tous les autres (cf. p. 28, 43). C’est optique erronée, faire à sa place le prive d’un
donc au cas par cas qu’il faut s’adapter, sérier entraînement utile et retarde son accès à
les propositions dans le temps, faire évoluer le l’indépendance… ;
projet. • l’autre consiste à oublier que l’école n’est pas
D’une façon générale, lorsque l’enfant est jeune le lieu des rééducations : s’il est vrai que les
(5–10 ans), le projet prioritaire (du fait de enfants valides sont progressivement entraî-
contraintes temporelles fortes, cf. p. 33) est celui nés à devenir autonomes dans leur travail et
des apprentissages et de la scolarité. Par ailleurs, dans leur organisation scolaire, c’est que cela
il est encore socialement acceptable qu’il soit ressort bien d’actions éducatives et pédago­
(discrètement) aidé des adultes dans de nom- giques puisqu’ils ne sont pas handicapés. Mais
breuses activités journalières. lorsque l’enfant est handicapé, l’apprentissage
de ces gestes et/ou de ces stratégies est du res-
sort de spécialistes qui connaissent la patho-
Ce n’est donc que progressivement (souvent en logie, et c’est donc du domaine du secteur des
fin de primaire, au collège ou au début de l’ado- soins.
lescence) que progressivement de réels objec-
tifs d’autonomie de vie quotidienne, toujours
limités et bien choisis, s’ajoutent. À l’école au contraire, on veille à ne pas sur-
charger l’enfant de consignes et d’exigences
excessives : la première mission de l’école
Ce n’est que lorsque le projet scolaire est peu reste l’apprentissage, objectif qui, chez l’en-
ambitieux ou paraît peu réaliste (cf. p. 42) que fant porteur d’une dyspraxie isolée pose peu
ces aspects (autonomie, indépendance) sont de problème, du moins s’il est déchargé de
légitimement au premier plan du projet l’essentiel des tâches matérielles practo-
individuel. spatiales.

La question de la présence d’un


AVS « à temps plein » 57 L’attribution d’un AVS n’est ni automatique, ni
systé­matique, ni liée au seul diagnostic de dys-
Lorsqu’il a été convenu que l’aide d’un AVS praxie, mais dépend de l’évaluation du handicap
était indispensable pour permettre une scolari- faite par la MDPH.

181
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

« Parfois, les malentendus se situent du côté très précisément quelles tâches l’enfant peut
de l’interprétation des textes. En effet, le (doit) faire seul, dans quelles circonstances il
rôle de l’AVS y est présenté comme facteur doit être aidé de l’AVS et, précisément, de
d’accès à l’autonomisation et cela peut quelle façon, et enfin dans quelles situations
parfois interférer dans la compréhension l’AVS doit faire à sa place (cf. p. 91, 98, 115,
des difficultés de l’enfant. Ainsi avons-nous 151, 165). Il est certain qu’une bonne forma-
connu un jeune dyspraxique pour lequel tion des enseignants sur ce sujet (en quoi
l’AVS avait en particulier pour rôle de consiste le handicap du jeune dyspraxique,
l’aider dans le séquençage des tâches à
quels sont les objectifs poursuivis à l’école et
réaliser. L’enfant parvenant, grâce à cette
quels sont les moyens d’action efficaces), de
aide, à un niveau de réalisation correct, il a
même qu’une formation minimale des AVS
été décidé, contre notre avis, une
diminution d’accompagnement au nom
sur ces thèmes permettent d’éviter ces erre-
d’une nécessaire autonomisation. Au fil des ments très préjudiciables à l’enfant.
semaines, les productions de l’enfant se sont
dégradées et l’enseignant a alors alerté
l’équipe, allant jusqu’à évoquer une
En effet, d’une part, durant les temps où il
régression que nous ne constations pas par n’est pas aidé par son AVS, l’enfant se
ailleurs au niveau des prises en charge retrouve en situation de sur-handicap, impli-
individuelles. Il a été très difficile de faire citement sommé de travailler en double ou
entendre que seul l’accompagnement à triple tâche et ce, généralement à l’insu des
temps complet de l’AVS pouvait permettre adultes ; il est finalement privé de toute
le maintien des performances de l’enfant. » compensation de son handicap, sommé de
A. Boissel, O. Pacual-Bouys [72] travailler comme s’il n’était pas (ou plus)
dyspraxique…
Ce n’est certainement pas l’absence (ou la sup-
pression partielle) de l’AVS qui aide l’enfant
dyspraxique à être moins handicapé ou plus D’autre part, si certains adultes le jugent trop
autonome : ce sont les actions rééducatives (ou assisté, l’enfant lui-même ne sait plus quelle est
palliatives) qui sont entreprises avec des straté- – ou non – la légitimité de l’aide dont il bénéfi-
gies spécifiques, adaptées au handicap. cie (cf. p. 72, 98, 106, 166) ; il doute de la validité
de ses résultats, de ses acquis et de ses réussites
Enfin, il ne faut pas nier que, quelquefois, le
en présence de l’AVS.
désir de limiter le temps de présence de l’auxi-
liaire auprès de l’enfant ne résulte que de la La tâche de l’AVS doit donc être très bien déli-
difficile gestion de la pénurie : les AVS ne sont mitée, laissant toute la place à l’enfant – et à
pas toujours disponibles en nombre suffisant l’enfant seul en ce qui concerne la réflexion,
(cela dépend des départements, des académies) les déductions, la verbalisation de ses connais-
pour répondre, dans les meilleures conditions, sances ou de ses explications –, et ne se substi-
aux besoins de tous les jeunes handicapés tuant à lui (totalement ou partiellement, en
scolarisés. fonction de l’intensité du handicap et de la
situation) que si (mais à chaque fois que) il
s’agit de tâches de réalisation manuelle ou
Or, malheureusement, l’enfant dyspraxique practo-spatiale.
est dyspraxique à temps plein : c’est donc à
temps plein qu’il a besoin d’aide à l’école, ce Quoi qu’il en soit, ces aides ou adaptations
qui ne veut pas dire qu’il a besoin d’aide pour doivent toujours être les plus discrètes possi-
tout… bles : l’enfant ne recherche pas cette dépen-
dance dont il est victime du fait de son
handicap. Il faut l’aider efficacement mais
C’est aux professionnels, lors des réunions
sans l’humilier, en particulier devant ses pairs.
d’équipe éducative et de PPS, de déterminer

182
Chapitre 8. Vie quotidienne

Exemple Exemple
Plusieurs fois pas jour, il faut mettre et enle- Se rhabiller partiellement, en prenant son
ver son manteau pour aller en récréation. temps, assis sur un petit tabouret adapté,
La stratégie proposée aux petits de mater­ n’est pas du tout la même chose que de se
nelle (poser le vêtement au sol devant soi, à rhabiller entièrement, assis par terre, très
plat, enfiler les manches droit devant, puis rapidement, sur corps humide, après la
passer le corps du manteau par-dessus la piscine…
tête, derrière soi) finit généralement par
être acquise – quoique tardivement – par
les jeunes DVS. Cependant, à partir d’un Réduire le déficit ?
certain âge, il est impossible que l’enfant
applique cette tactique, vécue comme vexa­
De nombreuses stratégies ont été proposées
toire (parce que proposée aux « bébés »).
pour la rééducation des enfants présentant un
Exiger cela de l’enfant ne le rend pas « plus
TAC ou une dyspraxie. La plupart ont fait l’ob-
autonome » mais achève de détruire son
jet de récentes méta-analyses qui ont conclu à
image de lui, pour lui-même et dans le
leur inefficacité [21] (cf. p. 22). Il est donc para-
regard de ses pairs.
doxal de les voir toujours enseignées, prônées et
utilisées par certains…
En fait, il faut renoncer à utiliser l’entraîne­
C’est le personnel communal (ATSEM, éduca- ment sensori-moteur, les feed-back sensoriels,
teurs de cantine), l’enseignant et l’AVS qui, dans la démonstration, l’imitation, l’organisation spa-
le cadre scolaire, dispensent au quotidien les tiale et l’ensemble des traitements simultanés
aides nécessaires : ils doivent donc être directe- (traitements visuospatiaux), renoncer à réduire
ce qui pourtant pouvait apparaître comme la
ment et précisément informés des besoins de
cause (ou une des causes) de l’échec gestuel
l’enfant (ce qu’il peut actuellement faire seul,
(proprioception, équilibre, coordination…).
avec aide, ou pas du tout). C’est pourquoi, pour
éviter toute dissension des adultes autour de
l’enfant, il est indispensable que ces éléments Tout choix rééducatif actuellement orienté
soient listés et précisément notés dans le PPS de en ce sens serait très critiquable.
l’enfant (cf. p. 168). Il est également fondamen-
tal d’en discuter avec l’enfant lui-même.
Réduire le handicap : verbaliser,
séquentialiser
Rééduquer Il s’agit ici moins de chercher à réduire le déficit
qu’à utiliser les compétences préservées : tenter
Si l’on décide, à certains moments, de rééduquer d’obtenir un résultat fonctionnellement satis-
certains gestes, il faut choisir des stratégies uti- faisant par des voies inhabituelles, c’est-à-dire
lisables par le jeune dyspraxique, et ne pas sim- en utilisant les traitements séquentiels dans
plement lui proposer un entraînement classique, ­lesquels excelle souvent le jeune dyspraxique,
plus intensif ou de plus longue durée (toujours traitements dont le langage est un vecteur
plus de la même chose qui ne marche pas, privilégié.
cf. p. 3, 22). Ces rééducations (ergothérapeute, Cependant, utiliser le langage dans la rééduca-
psychomotricien), proposées en séances indivi- tion gestuelle (comme dans toutes les activités
duelles ou en très petit groupe (cf. p. 25), peu- visuo-practo-spatiales) n’est pas chose facile, ni
vent ensuite (souvent partiellement) être triviale, ni évidente. Il est donc très utile de
transférées en milieu naturel (école, domicile) s’appuyer sur des stratégies déjà existantes,
avec l’aide du rééducateur qui doit bien connaî- mises au point et déjà expérimentées dans des
tre les conditions habituelles de réalisation du populations d’enfants présentant des patholo-
(ou des) geste(s) en question. gies du même type ou très proches (TAC).

183
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

La stratégie CO-OP (Cognitive Orientation to


d’une tâche à une autre : il faut donc détermi-
Occupational Performance) inspirée de l’auto-
ner, avec le jeune et ses parents, quelques actes
guidage verbal de Wilcox et Polatajko (1993)
bien choisis qui donnent lieu à ce type d’entraî-
paraît en ce sens très prometteuses, et rejoint,
nement.
de fait, l’expérience commune de nombreux
thérapeutes (cf. p. 25).
Malgré ces limites, cette stratégie peut être une
aide précieuse pour certains actes de la vie quo-
« Il n’existe pas de protocole thérapeutique tidienne, fréquents et répétitifs, pour lesquelles
modèle à disposition des thérapeutes l’enfant ne peut être aidé sans humiliation.
prenant en charge les enfants atteints de
TAC. (…) Mais cette étude comparative
apporte de solides éléments montrant que
l’approche thérapeutique CO-OP est Pallier, contourner, adapter,
supérieure [par rapport aux autres éviter
thérapeutiques proposées] vis-à-vis de
l’acquisition d’habiletés spécifiques. »
H.-J. Polatajko, N. Cantin58 C’est, in fine, la stratégie la plus économique,
la plus rentable et donc la plus utilisée aussi
Pour plus de détails, nous renvoyons le lecteur bien au domicile qu’en milieu scolaire.
aux auteurs qui ont développé cette méthodolo-
gie [26, 30, 32-36].
Habillage
L’apprentissage de petites comptines verbales
(auto-instructions verbales) qui décrivent pré- La plupart des jeunes finissent par être capables
cisément la succession des étapes à réaliser, la de s’habiller, du moins si :
procédure, est toujours efficace. Mais elle ne • ils disposent de suffisamment de temps (les
peut être appliquée qu’à des actions restreintes week-ends ou les vacances peuvent être des
(ponctuelles et/ou partielles), du fait de la lon- moments privilégiés pour un entraînement
gueur de la récitation nécessaire et de la lenteur de ce type) ;
de l’enfant.
• les vêtements sont bien disposés ou repérés
Il s’agit alors de repérer les difficultés précises (envers/endroit, devant/derrière) ;
de cet enfant-là, dans telle tâche particulière,
• ils ne comportent pas d’attaches particulière-
les circonstances où le geste doit effectivement
ment difficiles (petits boutons, agrafes…) ou
être produit (environnement matériel, délais,
des orientations inhabituelles (attaches dans le
installation ou position de départ…), et de lis-
dos, ceintures croisées, laçages compliqués…).
ter alors précisément avec l’enfant les points sur
lesquels il achoppe (échoue, se trompe, effectue Le problème du quotidien est donc lié d’une
trop approximativement…), de mettre en mots part à la contrainte temporelle (il faut s’habiller,
exactement la procédure correcte pour chacun totalement ou partiellement, mais toujours
de ces points, constituant une petite récitation vite), d’autre part à certains vêtements : bouton
dont on vérifie qu’elle permet bien à l’enfant de du jean, fermeture Éclair de l’anorak, manche
résoudre son problème. malencontreusement repliée…
On note l’analogie avec la stratégie dite de « ver- Il faut donc choisir avec soin les vêtements lors
balisation » ou de « contes » utilisée en mathé- de l’achat et, assez souvent, prévoir quelques
matiques par A. Crouail (cf. p. 117), telle qu’il adaptations pour faciliter la meilleure autono-
l’expose dans son ouvrage [60]. mie possible de l’enfant : fermetures Velcros qui
supportent un « à peu près », étiquette marquant
Il ne faut pas trop attendre de ces techniques de le dos, discrètes marques de couleurs facilitant
généralisations (ou seulement très restreintes) le repérage droite/gauche, pantalons à élastique
à la taille (un faux bouton peut imiter le jean,
évitant les éternels « joggings » peu seyants sur-
58 Polatajko HJ, Cantin N. Op. cit. tout pour les petites filles !), etc.
184
Chapitre 8. Vie quotidienne

Ces aménagements sont à concevoir au cas par sortir de classe en premier (quelques minutes
cas et, bien sûr, à faire évoluer avec l’âge et les avant le rush de la récréation ou de l’inter-
goûts vestimentaires des parents et surtout… classe), ce qui est souvent envisageable en
de l’adolescent ! primaire, mais plus difficile au collège et
Dans certains cas, il peut être préférable (voire lycée ; on peut aussi le dispenser de l’attente
indispensable) que l’enseignant et/ou l’AVS soit aux toilettes communes en le déclarant
informé du problème et habille rapidement et « prioritaire ».
discrètement l’enfant lors des récréations ou des
sorties, notamment lorsqu’il faut être rapide
S’essuyer
(sortie de classe un peu en retard, interclasse
très court, piscine…). Ce geste complexe – d’ailleurs acquis tardive-
ment par les jeunes enfants dont beaucoup doi-
vent souvent être encore aidés jusqu’en fin de
Repas maternelle –, où il faut coordonner la manipu-
Différentes stratégies peuvent être mises en lation du papier, le mouvement de rotation de la
place, fonction de l’intensité du handicap et de main et les fesses hors du champ de vision, reste
l’âge de l’enfant. On peut envisager la présence souvent définitivement difficile à gérer, sans
d’un éducateur de cantine auprès de l’enfant que les jeunes ni leurs parents n’osent aborder
(ou à sa table) lors des repas, ou la mise à dispo- ce problème pourtant pluriquotidien. La mise à
sition d’un plateau repas pré-préparé (viande disposition de lingettes de bonne taille (que l’on
coupée, verre rempli, yaourt ouvert, pomme ou trouve facilement dans le commerce) facilite
clémentine épluchée) et l’aide d’un copain pour souvent le geste et… parfume agréablement le
le transport du plateau (ce qui lui permet de jeune en attendant la douche du soir, lui évitant
déjeuner avec ses camarades sans intervention des réflexions humiliantes de la part des adul-
d’un adulte à ses côtés), etc. tes ou de ses pairs.
Au collège, c’est une solution qui est générale- Nota bene : dans le même ordre d’idées, des dif-
ment refusée par le jeune adolescent. Soit il se ficultés particulières sont à noter pour les jeu-
débrouille pour manger ce qu’il peut comme il nes filles, dont certaines sont systématiquement
peut, soit il ne mange pas du tout (évitement). absentes durant la période de leurs règles…
Dans ce dernier cas, on peut conseiller la prise Aussi, lorsqu’un refus scolaire s’installe (ou des
d’un petit déjeuner copieux type « brunch » au absences répétées dont la justification paraît
domicile, où l’enfant dispose de plus de temps douteuse), il faut quelquefois savoir interroger
et de l’aide parentale. discrètement la jeune fille ou ses parents puis
chercher des solutions, avec la maman et l’aide
de l’infirmière scolaire.
Toilettes
C’est un sujet épineux dont les jeunes et leur Se rhabiller
famille hésitent à parler. Beaucoup d’enfants
règlent le problème simplement par une straté- Nous l’avons évoqué à plusieurs reprises, cette
gie d’évitement et ne vont jamais aux toilettes dernière étape est capitale pour éviter le ridicule
durant les heures scolaires. En effet, plusieurs et échapper aux moqueries des camarades. Des
problèmes se conjuguent pour rendre ces petites comptines brèves peuvent être mémori-
moments particulièrement délicats pour nom- sées et constituer la base d’auto-­instructions
bre de jeunes dyspraxiques. verbales.
Mais lorsque plusieurs ou l’ensemble de ces éta-
Gestion du temps (récréation, pes posent régulièrement problème, il faut rapi-
interclasse) dement proposer que le jeune dyspraxique
puisse utiliser les toilettes de l’infirmerie (au
Il faut que l’enfant, qui a besoin de plus de collège), avec l’aide discrète mais efficace de
temps que les autres, puisse être autorisé à l’infirmière.

185
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Sports distinguer un peu schématiquement deux gran-


des populations parmi ces enfants :
Paradoxes • ceux qui prennent plaisir à bouger, participer
C’est certainement dans ce domaine que les à des jeux moteurs, accéder à certaines acti-
interrogations et les étonnements des adul- vités malgré les difficultés et les restrictions
tes non informés sont les plus importants, que imposées par leur handicap. Pour eux, il
les paradoxes apparents sont le plus spectacu- convient surtout d’aménager les activités
laires (cf. p. 1, 3) : tel qui ne peut boutonner un sportives en fonction de leurs possibilités/
bouton joue au ping-pong, tel autre qui ne impossibilités, de leurs intérêts, de leur plai-
peut tracer une lettre joue au tennis avec un sir, de la place qu’ils veulent (qu’ils peuvent)
bon niveau de réussite ! prendre dans le groupe–classe ou dans une
Bien sûr, cela tient à la distinction, d’une part équipe. On peut prévoir une progression
entre TAC et dyspraxie (cf. p. 13) et d’autre part adaptée à leurs performances en début d’an-
entre différents types de dyspraxies, ces derniè- née, ou bien aménager certaines activités, ou
res n’étant encore que très partiellement éluci- encore leur confier des rôles moins «praxi-
dées. En dépit du manque cruel d’explications ques » : chronométrer, participer à l’arbi-
ou de classifications convaincantes, nous ne trage, etc. ;
pouvons que constater que ces paradoxes ne • ceux qui le vivent dans la honte et l’humilia-
sont pas rares. Il semble, à l’observation clini- tion (en particulier par rapport à leurs cama-
que de tels cas, que ce sont surtout les gestes rades de classe) et ce, quelquefois en dépit de
dont la composante balistique rapide est pré- la pertinence des adaptations proposées, de
gnante qui puissent être respectés, les activités l’empathie et de l’attention de certains profes-
constructives (et spatiales) étant atteintes de seurs d’éducation sportive. Dans ces cas, il
façon particulièrement « pure » chez ces jeunes. faut savoir renoncer à l’activité sportive (certi-
Dans notre expérience, les difficultés scolaires ficat de contre-indication partielle ou totale),
et sociales ne sont guère différentes dans les au moins un temps, et favoriser une écoute
deux groupes… psychologique.
Nota bene : les activités aquatiques restent pres-
Possibilités et impossibilités que toujours positivement investies, même
lorsque le jeune ne peut acquérir une nage
Au-delà de ce qui peut apparaître comme des
académique.
bizarreries assez anecdotiques de la clinique
neurodéveloppementale, on note malgré tout
que l’immense majorité des enfants souffrant
de dyspraxie (et/ou de TAC) présente une grand Ces activités sportives ne constituent pas
maladresse motrice : ce sont des enfants seulement une partie du programme scolaire
patauds, balourds, maladroits de leur corps et officiel : elles représentent aussi, surtout pour
encore plus avec certains instruments (raquet- les jeunes garçons (beaucoup plus nombreux à
tes, balles…) normalement conçus comme « le souffrir de dyspraxie que les filles) des loisirs de
prolongement » de la main, du geste manuel. prédilection (vélo, football…) aussi bien dans
Le bilan psychomoteur confirme cette impres- les cours de récréation que dans les moments
sion, mettant en évidence anomalies toniques extrascolaires, activités qui leur permettent de
de régulation posturale, équilibres statiques et se confronter à leurs pairs, d’engager des joutes
dynamiques compromis, coordinations ges- et des compétitions nécessaires à leur construc-
tuelles et œil–main déficitaires, schéma corpo- tion identitaire.
rel médiocre, piètres capacités à reproduire des
gestes, traitements spatiaux, ego- et/ou allocen-
trés, mal gérés. La souffrance générée par leurs échecs et leurs
On peut, en fonction probablement de leurs piètres performances peut être intense, aussi
expériences antérieures et de leur personnalité, bien chez le jeune que chez les parents.

186
Chapitre 8. Vie quotidienne

Exemples de Victor, il a dit : “ha non ! on va pas t’avoir


Exemple 1 pas deux fois de suite, faut pas exagérer
quand même !”, alors je suis parti, j’ai pas
Après près d’un an de consultations diverses joué, mais sinon, les autres fois, ils sont gen­
initiées par la mère, le diagnostic de dys­ tils avec moi ».
praxie est porté chez I., à l’âge de 12 ans,
alors qu’il est en 6e et en grande difficulté
scolaire. Le père refuse de venir nous ren­ La résignation douloureuse de T. met en évi-
contrer et nie le diagnostic, banalisant les
dence la banalité et la violence de ces situations,
difficultés de son fils (« il ne travaille pas suf­
dont les enfants ne parlent pas volontiers…
fisamment… »). Or, I. aussi refuse le dia­
Pour eux, il faut rechercher des activités de
gnostic et bien sûr les aides que nous
loisirs où ils s’épanouissent vraiment, où ils
proposons, jugées non seulement stigmati­
santes, mais surtout sans objet (il reprend
ne sont pas mis en difficulté par leur handicap,
les arguments de son père : « quand il déci­
où ils peuvent réellement se confronter à leurs
dera de travailler, il y arrivera ! »). Étant dans pairs sans désavantage notable.
l’impasse, d’une part nous proposons plu­
sieurs rencontres entre I. et notre psycholo­
Pour tel, incapable de faire du vélo sans petites
gue clinicien, d’autre part nous insistons
roues, situation d’autant plus insupportable
pour rencontrer le père au moins une fois.
que son très jeune frère y réussit sans pro-
Lors de ce premier entretien (une fois I.
blème, la maman a trouvé une activité de kar-
admis au SESSD, le père vient ensuite régu­
ting dans laquelle il se débrouille avec plaisir.
lièrement aux rencontres que nous propo­
Pour un autre, incapable de shooter dans un
sons), le père, la voix cassée, relate sa
ballon et s’isolant tristement lors des récré­
déception devant ce fils, alors âgé de 3 ou
ations, l’école a imaginé de proposer, lors de la
4 ans, qu’il emmenait au square voisin : tous
grande récréation de la mi-journée, une rota-
les autres enfants courraient du toboggan à
tion d’activités ouvertes à tous, comprenant
la balançoire, grimpant, sautant, fiers de
selon les jours des vidéos de documentaires,
leurs exploits devant leurs parents ravis, et
des concours de sudoku et de jeux de société,
lui, il voyait I. se hisser laborieusement et
un groupe théâtre, etc.
maladroitement en haut du mini-toboggan
réservé aux bébés, sous les rires moqueurs
des plus jeunes, réclamant l’aide de son Il n’y a pas de solution toute prête ; il faut, au
père, chutant, pleurant, renonçant. Des cas par cas, selon les lieux, les ressources
années plus tard, le père pouvait encore locales, les opportunités, inventer pour cha-
évoquer ces blessures avec une intensité cun une petite parcelle de solution pour évi-
douloureuse intacte…
ter que même les loisirs soient l’occasion de
Exemple 2 frustrations permanentes.

T., 10 ans, en CM1, présentant une grande


dyspraxie développementale, parle de son L’effort pour tenter de s’améliorer, la volonté de
vécu à l’école : il dit comme les camarades se dépasser et de surmonter ses faiblesses est
de classe sont « gentils avec lui ». Il en donne certes une qualité. Mais il faut aussi veiller à ne
pour preuve le fait qu’ils l’acceptent, à tour pas transformer la vie de ces jeunes en un com-
de rôle, pour jouer avec eux au foot à la bat permanent (et toujours en partie perdu)
récréation. Sauf la semaine dernière (l’en­ contre le handicap, ne pas perdre de vue que les
fant est au bord de larmes), « mais c’est apprentissages eux-mêmes (dont dépend leur
parce qu’il y avait un jour férié, alors je me avenir d’adultes) réclament sans cesse efforts et
suis trompé, je ne savais plus dans quelle ajustements, et qu’ils ont aussi beaucoup de
équipe aller, celle de Max ou celle de Victor, potentialités et de ressources à exploiter avec
et comme je croyais que j’étais dans l’équipe réussite et bonheur.

187
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

Activités « d’expression » à l’école Musique


Outre les activités d’éducation physique et Là encore, nous devons distinguer ce qui est de
sportive (EPS), les programmes prévoient des la connaissance de l’histoire de la musique, de
heures d’initiation aux arts plastiques et à la l’écoute des œuvres, des instruments, etc. –
musique. activités très appréciées des enfants –, et ce qui
est du « faire » (de la flûte, du piano…) souvent
tout à fait inatteignable (dissociation des doigts,
Arts plastiques apprentissage de doigtés particuliers, de mou-
La dyspraxie, en distordant leurs capacités vements de mains et de doigts complexes…).
de  réalisation graphique, de construction et Au contraire, la fréquentation des concerts, le
­d ’assemblage, compromet définitivement les chant ou la participation à une chorale sont très
capacités d’expression graphique, picturale ou souvent sources de grands plaisirs.
sculpturale de ces jeunes.
Tout comme nous l’avons dit plus haut pour le
sport, certains trouvent cependant plaisir à Conclusion
jouer des formes et des couleurs, et ils partici-
pent avec plaisir à cette activité avec leurs Les activités de vie quotidienne recoupent aussi
camarades. Il faut cependant pour eux aména- bien des activités scolaires que familiales ou de
ger les exigences, les évaluations, les modalités loisirs.
même de réalisation de certains ouvrages. Dès l’école maternelle, l’enfant se trouve en diffi-
culté dans des jeux et des apprentissages conçus
Exemple pourtant comme particulièrement ludiques :
Le jeune A. passionné de photos, désormais chansons à mimer, jeux de déguisements…
âgé de 17 ans, vient de réaliser une exposi­ Son incapacité à se laver les mains, se moucher,
tion de photos qui a reçu un accueil très cha­ mettre (ou ranger) ses lunettes, enfiler ses gants
leureux : la beauté mais surtout l’émotion ou sa cagoule en hiver est souvent interprétée :
qui naît de certaines de ses prise de vues ont « il refuse de grandir, il cherche à ce qu’on s’oc-
séduit un public qui ignorait tout de son cupe de lui en permanence… » et/ou : « sa mère
handicap (invisible !). fait tout à sa place, elle refuse de le laisser gran-
dir, elle est surprotectrice, ou fusionnelle… »,
confondant ainsi les causes et les conséquences,
D’autres au contraire ne supportent pas d’être ajoutant aux difficultés de l’enfant (et des
confrontés à ce hiatus ingérable entre leur pro- parents) des jugements négatifs sans fondement
jet et la réalisation qu’ils produisent, ils ne sup- qui éloignent encore toute recherche d’aide et
portent pas d’exposer le fossé qui existe entre de solution.
leur projet et ce qu’ils peuvent en montrer. À l’école, c’est souvent la rapidité d’exécution
Pour ceux-là, on voit mal quel bénéfice ils peu- qui met en échec le jeune dyspraxique, souf-
vent tirer d’une confrontation régulière avec frant alors du regard de ses pairs, pour le moins
leurs déceptions, leurs incapacités, leurs échecs moqueurs. Chez les jeunes garçons, on sait à
(cf. p. 165). quel point les activités motrices, les compéti-
S’ils peuvent tous tirer profit de connaissances tions d’adresse et les exploits sportifs, perçus
concernant l’histoire de l’art, s’ils peuvent tous comme « virils », sont un élément important de
avec profit regarder, comprendre, s’émouvoir, valorisation dans le groupe et d’estime de soi.
apprécier les œuvres d’art plastiques, au
contraire les obliger à « faire » est d’une grande
violence, puisque c’est très précisément et très La dyspraxie, outre l’échec scolaire plus ou
exactement là que réside leur handicap. moins sévère, retentit ainsi sur l’ensemble des
processus de construction de la personnalité
Une dispense (totale ou partielle) dans cette
du jeune.
matière peut donc être tout à fait motivée.

188
Chapitre 8. Vie quotidienne

Car ces activités ont un impact social majeur ; Pour les activités de loisirs laissées à la discré-
les échecs, les maladresses ou pire la honte tion des familles, il faut absolument éviter que
rejettent souvent le jeune dyspraxique hors du le jeune ne soit, encore une fois confronté à son
groupe, dans lequel il n’est de toute façon sou- handicap et à ses échecs devant ses camarades :
vent accepté qu’avec réticence. Déjà intimement attention, sous le fallacieux prétexte de joindre
persuadé qu’il est « nul en tout », son isolement l’utile à l’agréable, de ne pas transformer toute
risque de s’aggraver, en spirale, surtout en la vie de l’enfant en rééducations perma­nentes…
période de pré-adolescence et adolescence. Enfin, on l’a compris, on ne peut pas déduire de
À la maison, on peut prendre plus de temps ou ce qu’il fait à la maison ce qu’il peut faire à
bénéficier d’une aide partielle pour certains l’école ni inversement : les contextes de réalisa-
gestes. Cependant, en famille un climat délé- tion sont souvent très différents, créant, selon
tère, dont le jeune se sent, bien malgré lui, res- les exigences du moment, des situations de han-
ponsable, peut être entretenu par : dicap fort différentes.
• l’agacement et l’énervement suscités au quoti-
dien par la multiplication des situations de
Il faut, au cas par cas, en réajustant sans cesse
chute, de casse, de maladresse, de dépen-
les décisions et les priorités, négocier « au
dance, de lenteur ;
moins mal » ce paradoxe : on ne peut ni négli-
• l’exacerbation des rivalités entre frères et ger ces activités, qui scandent le quotidien et
sœurs (avec l’impression qu’« on lui passe
le construisent, ni investir trop de temps et
tout », « lui, on l’aide toujours, on s’occupe
d’énergie dans leur rééducation (la réadapta-
toujours de lui », sans parler du temps impor-
tion) aux dépens des apprentissages.
tant que doivent lui consacrer les parents,
qu’il s’agisse des rééducations, des aides per-
sonnelles ou des rendez-vous à l’école ou la C’est pourquoi nous devons trouver, avec le jeune
MDPH ) ; et sa famille, des temps, des activités, des lieux et
• le doute permanent des parents quant à leurs des groupes de pairs avec lesquels il peut (aussi,
qualités éducatives (dans un inéluctable mou- enfin) – régulièrement et légitimement – être en
vement de balancier entre « on l’aide trop, il compétition favorable, en situation de réussite,
faut qu’on lui laisse plus d’autonomie » et « on en position valorisante, se montrer capable de,
lui en demande trop, c’est trop dur pour lui, faire ses preuves et construire de lui une image
on ne l’aide pas assez »). positive et gratifiante.

189
Conclusion Chapitre  9
« Pourquoi voulez-vous que chez l’Homme un déterminisme soit
une fatalité ?
Un coup du sort est une blessure qui s’inscrit dans notre histoire,
ce n’est pas un destin. »
Boris Cyrulnik59

Un texte législatif – loi du 11 février 2005 secteur des soins, c’est devenu essentiellement
(cf. annexe) – reconnaît désormais les troubles un problème de société.
cognitifs spécifiques (les dys-) comme suscep- En effet, le législateur a voulu insister sur le fait
tibles d’être à l’origine d’un handicap. Il stipule que, si l’organisation de notre environnement
que tous les enfants doivent être scolarisés et et le regard de chacun changeaient, si la peur
prévoit, en fonction de la nature et de l’intensité des « valides » face aux « handicapés » faisait
du handicap, les conditions de la mise en œuvre place à la tolérance, si le rejet se muait en accueil,
de compensations et d’aides diverses (soins, si la reconnaissance inaliénable de la valeur de
rééducations, aides techniques et/ou humaines, toute vie effaçait la perception du déficit, si l’on
pédagogies différenciées) afin de favoriser mettait en avant les capacités et les compéten-
« l’égalité des chances ». ces plutôt que les manques et les insuffisances,
Cette loi est l’aboutissement d’une part, des alors la place de la personne handicapée dans sa
avancées des neurosciences et des progrès famille, dans son école, dans son quartier, dans
médicaux concomitants (mise à jour et dia- son travail, dans l’ensemble de notre société ne
gnostic des dys-) et d’autre part, d’une impor- poserait plus problème, puisqu’il serait consi-
tante ­évolution sociale, soutenue par le lobbying déré comme un enfant, un citoyen, un individu
des parents, désormais bien informés et véri- à part entière, « comme les autres », apportant
tables partenaires tant des médecins que des ses talents uniques et irremplaçables dans la
pouvoirs publics, au travers des différentes construction sociale du bien commun.
associations dans lesquelles ils se regroupent
(cf. annexe). « Finissons-en avec cette approche à travers
Cette évolution de la société, globalement très le filtre des déficiences et incapacités.
positive vis-à-vis de la question du handicap, se Partons de ses potentialités (de la personne
marque nettement au niveau des termes utili- handicapée), de ses capacités à faire et
sés. Ainsi, les enfants ne doivent plus être « inté- adaptons l’environnement, apportons les
grés » à l’école (terme qui mettait en avant leur accompagnements pour une égalisation des
statut différencié), mais inclus ou tout simple- chances. »
ment « scolarisés », puisque tous les enfants ont J.-L. Garcia60
droit à la scolarisation.
On note également que, désormais, la fonction 59 Cyrulnik B. Les vilains petits canards. Paris : Odile
principale des « aidants » est « l’accompagne- Jacob ; 2004.
ment ». Ce nouveau vocabulaire véhicule une 60 Garcia JL, Membre du Conseil national consultatif
idée importante : le handicap ne ressort plus des personnes handicapées. In : Colloque MAIF.
d’abord, comme c’était le cas jusqu’alors, du Des élèves autrement capables. mars 2004.

191
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

« Il faut absolument démédicaliser le sans pouvoir prétendre à aucune orientation pro-
handicap… Nous avons à nous départir fessionnelle, ces personnes-là sont-elles simple-
d’une ­inclination médicale qui marque ment et banalement « différentes » au même titre
profondément notre société. Elle nous que celui qui est grand, roux ou bavard ?
amène à indexer les personnes atteintes
Certes le terme (initialement administratif) de
d’une déficience, à partir d’un diagnostic
initial, niant la singularité de chacun… Il
« prise en charge », qui désignait l’ensemble des
en résulte une stigmatisation. » soins, rééducations et adaptations proposés,
C. Gardou61 était-il lourd d’une conception très médicalisée
du handicap et de ses conséquences. Mais,
effectivement – et ce livre n’en est-il pas l’illus-
De fait, idéalement, le handicap – en tant que tration ? – ces remédiations, rééducations et
particularité négative liée au sujet – disparaî- adaptations sont complexes, difficiles à coor-
trait. La déficience, la pathologie initiale ne donner et à mettre en œuvre au quotidien.
serait plus qu’une péripétie, une différence D’une certaine façon, oui, il faut reconnaître
banalisée (tout le monde n’étant pas strictement que ces prises en charges sont « lourdes », aussi
identique, chacun étant, par essence, porteur bien pour le jeune dyspraxique que pour ses
d’une « différence »), partie intégrante de la vie parents, ses rééducateurs, ses enseignants. Ce
de chacun et de l’organisation sociale. ne peut pas être une tâche banale, requérant
Égaliser les chances – objectif noble s’il en fut au simplement bons sentiments et bon sens.
sein d’une démocratie –, ne pas stigmatiser, Pour ces jeunes dyspraxiques, ne s’agit-il vrai-
regarder du côté des compétences (et non des ment que des différences interindividuelles
incapacités), c’est tout le sens de la loi du 11 février habituelles, de la variété normale des publics ou
2005. Mais, comme tout objectif extrême et idéa- s’agit-il « d’usagers » (de patients ? de person-
lisé, si légitime puisse-t-il initialement apparaî- nes ?) à besoins spécifiques ? Et si oui, quels sont
tre, son caractère outrancier peut le rendre à la ces besoins spécifiques, qui les évalue et qui éla-
fois irréaliste et potentiellement dangereux. bore les réponses : le médical ? le politique ? les
Car, si le balancier avait probablement été, ces familles et les jeunes eux-mêmes ?
trente dernières années, très déséquilibré, pen- Il serait certainement plus productif que tous
chant du côté des actions très spécialisées (éta- collaborent, professionnels, pouvoirs publics,
blissements, écoles… souvent perçues comme jeunes et familles concernés, ensemble, en
des « ghettos »), conçues pour une adaptation concertation.
au plus près des besoins repérés en fonction du
handicap, ce balancier n’est-il pas en train de Exemple
basculer avec autant d’excès dans l’autre sens, Les personnes bénéficiant de structures ou
celui du déni de la spécificité des problèmes que de dispositifs particuliers ont été successive­
rencontrent certaines populations ou certains ment dénommées : les malades, les ayants
individus ? droit, les usagers, les publics « à besoins
Jusqu’où en effet peut-on banaliser la différence spéci­fiques ». De même, les personnes attein­
sans qu’il s’agisse d’une violence, d’une injustice tes d’un handicap ont été : les infirmes (infir­
faite au plus faible, d’un leurre qui constituera à mes civils ou de guerre, infirmes moteurs
terme un sur-handicap pour la personne « diffé- cérébraux ou IMC), les handicapés, les per­
rente » ? Le jeune dysphasique qui ne peut com- sonnes handicapées, les personnes en situa­
muniquer oralement, celui qui, dyslexique, ne tion de handicap, les personnes à besoins
peut pas lire couramment dans notre société, celui spécifiques. « Ici, la RATP va réaliser un dis­
qui, dyspraxique, est en échec scolaire intense positif pour personnes à besoins spéci­
fiques » annonce un panneau, dans le métro
parisien. Il s’avère que c’est un ascenseur qui
61 Gardou C, vice-président du Conseil natio- est en cours de réalisation : la maman qui a
nal consultatif des personnes handicapées. In : un jeune enfant dans un ­landau a besoin
Colloque MAIF. Op. cit. d’un ascenseur au même titre que la

192
Chapitre 9. Conclusion

­ ersonne paralysée en fauteuil roulant ; c’est


p « Paradoxe : à l’école, cet enfant handicapé
la situation (liée aux escaliers du métro) qui est mis en situation de normalité… Le
constitue le « handicap » et non une particu­ dispositif doit être intégrant bien sûr, mais
larité défavorable propre au sujet. en même temps respectueux des différences
et des difficultés. Il s’agit de rechercher les
C’est donc une décision politique (au sens éty­
compensation du handicap, et non son
mologique), visant à modifier la culture, les
effacement. »
choix et l’organisation de cette société face
M.-C. Philbert63
aux handicaps, aux difficultés que chacun peut
rencontrer dans la vie, qui doit répondre à
ces besoins, lever ces difficultés et inégalités… Car jusqu’à quel point les personnes atteintes
d’une déficience ou d’une incapacité peuvent-
Censés préserver la dignité et la sensibilité de la elles se passer des savoirs et compétences
personne blessée, supposés prévenir la stigmati- longue­ment acquis dans le cadre d’une profes-
sation par une assimilation à un sort commun sionnalisation spécifique, jusqu’à quel point
et éviter de déclencher peur et retrait chez les peuvent-elles se passer de l’expérience accumu-
personnes « valides », ces termes (de plus en plus lée dans des lieux qui leurs sont dédiés, jusqu’à
généraux, flous et imprécis) marquent l’évolu- quel point peuvent-elles aussi se passer de ren-
tion (réelle ou souhaitée) de la représentation du contrer, échanger et vivre avec d’autres qui leur
handicap dans la société. Traduisent-ils plus de ressemblent – par leurs particularités –, à qui
tolérance, d’intégration, de sensibilité positive à s’identifier, avec qui partager ?
la différence, ou bien sont-ils le reflet d’un déni, Oui, le handicap résulte de la rencontre, dans
d’une crainte de plus en plus marquée à regar- une société donnée, d’une déficience, d’une
der, prendre en compte et nommer l’altérité ? incapacité individuelle et d’un environnement
Dans cet état d’esprit, le vocable « d’accom­ (matériel, humain, conceptuel). Non, le handi-
pagnement », récurrent dans les différents cap ne peut pas être réduit à l’une ou l’autre de
­textes officiels, n’est pas choisi par hasard. Il ces dimensions prise isolément (médicale ver-
veut s’opposer aux soins, à la médicalisation, à sus sociale). Non, on ne peut gommer la parti-
la spécificité (qui répond à des besoins particu- cularité qui appartient au sujet (pas plus qu’on
liers mais souligne aussi la différence), pour ne peut l’y réduire), particularité vécue comme
mettre en valeur une notion d’aide dans un cli- limitante et qui constitue, dans cette société-là,
mat général d’attention et de soutien. L’« accom- « son » handicap.
pagnement » doit être le fait de tous : bonne C’est pourquoi, en même temps qu’il faut pour-
volonté, capacité d’empathie, bon sens et géné- suivre nos efforts pour changer nos regards et
rosité peuvent faire de chacun d’entre nous un améliorer les façons d’être de tous pour une
accompagnant. Il est loin des « soins », qui eux, meilleure prise en compte de chacun, il faudra
réclament des formations dans des domaines toujours aussi un diagnostic, fiable, qui éta-
particuliers et s’adressent à des personnes souf- blisse l’origine, la nature, les mécanismes et
frant de troubles, de pathologies (ou de séquel- l’intensité des troubles ; il faudra toujours aussi
les de ces mêmes pathologies). des spécialistes (médicaux, paramédicaux,
pédagogues, psychologues…) qui analysent,
« [Parlant de l’intégration scolaire] Cela est traitent, rééduquent et tentent de limiter (pal-
confié chez nous à un certain nombre lier, compenser, contourner) le handicap ; il
d’intervenants plus ou moins bénévoles, faudra toujours aussi concevoir des adaptations
plus ou moins compétents, qui font ce qu’ils à des besoins très particuliers (rééducations,
peuvent… »
I. Darrault-Harris62

63 Philbert MC, présidente de la Fnaseph (Fédération


62 Darrault-Harris I, formateur d’enseignants spé- nationale pour l’accompagnement scolaire des
cialisés à l’AIS (adaptation et intégration scolaire). enfants présentant un handicap). In : Colloque
In : Colloque MAIF. Op. cit. MAIF. Op. cit.

193
L’enfant dyspraxique et les apprentissages

remédiations, pédagogies spécifiques, classes rantes des véritables enjeux des rééducations et
spécialisées, structures de soins dédiées…). de la scolarité.
Notre société, pour être réellement efficace et Nous espérons, par ce livre, avoir mis à la
égalitaire, doit pouvoir offrir à chacun un éven- portée de tous, nos années cumulées d’expé-
tail de propositions et de solutions adaptées en rience. Mais nous ne doutons pas que d’autres
fonction du type de problème rencontré, de – parents, enseignants ou professionnels –
l’âge, du projet et de l’évolution du sujet. Une aient aussi trouvé et mis au point des techni-
seule voie, même apparemment généreuse, ne ques et des stratégies très utiles : ils en font
pourra jamais répondre à la diversité des part, souvent sur des sites ou des blogs que
besoins et à leur évolution au fil du temps. nous citons en annexe, sans aucune préten-
L’avenir de ces jeunes dyspraxiques dépend de tion d’exhaustivité.
la collaboration étroite, pertinente et efficace, Nous avons tenté, tout au long de ce livre, de
des années durant, de spécialistes de divers montrer comment la nécessaire compréhension
horizons. À ce prix, certains pourront bénéfi- de ce handicap caché – la dyspraxie – devait
cier d’une scolarité longue et diplômante à l’is- soutenir et alimenter en permanence le projet
sue de laquelle leur handicap sera minime voire thérapeutique, conçu, au cas par cas, comme
nul : tel sera juriste ou avocat (il saura apprécier un subtil mélange de rééducation, de stratégies
à sa juste valeur le travail de son assistante !), tel palliatives et de renoncements.
autre professeur de philosophie ou spécialiste Nous avons surtout voulu ne pas séparer soins
de l’histoire de l’art, journaliste ou photogra- et scolarisation, prendre de front et simultané-
phe. Beaucoup trouveront une « niche » profes- ment ces deux aspects qui ne sont que les deux
sionnelle où leurs connaissances générales, leur versants du même handicap : le trouble spécifi-
faconde, leurs talents leur permettront de que des apprentissages.
s’épanouir.
Cette prise de conscience, que la scolarisation
Au contraire, pour ceux dont la scolarité, labo- de ces enfants nécessite un énorme travail quo-
rieuse et décevante, sera très courte, se posera tidien, travail spécifique et de longue haleine,
le douloureux et insoluble problème de l’orien- est encore récente. C’est pourquoi il faut encore
tation professionnelle, le plus souvent inadap- intensifier les formations des acteurs de terrain
tée, sollicitant des capacités d’habileté et (médecins et psychologues scolaires, ensei-
d’organisation qu’ils ne possèderont jamais. gnants et AVS en première ligne, mais aussi for-
Pour ceux là, les désillusions et l’amertume mations initiales des rééducateurs) : il est
seront à la mesure des espoirs qui ont été nour- désormais évident qu’empathie et bonne
ris durant leur enfance, entretenus souvent par volonté, quoique nécessaires, sont bien loin
des personnes bien intentionnées mais igno- d’être suffisants.

194
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[42] Jouinot P, Barois A, Grisard C, Paumier B, [60] Crouail A. Rééduquer dyscalculie et dyspraxie :
Estiurnet B. Impacts psychologiques des amyotro- méthode pratique pour l’enseignement des mathé-
phies spinales infantiles. Neuropsychiatrie de matiques. Paris : Masson ; 2008.
l’Enfance et de l’Adolescence 2008 ; 56 : 82-8. [61] Dalens H. Les troubles visuels associés aux dys-
[43] Bosse ML. De la relation entre acquisition de l’or- praxies. Réadaptation 2006 ; 522 : 14-7.
thographe lexicale et traitements visuo-attention- [62] Zorman M, Jacquier-Roux M. Entraînement visuel
nel chez l’enfant. Rééducation orthophonique et apprentissage de la lecture en cours prépara-
2005 ; 222 : 9-30. toire. Éducation et Formations 1994 ; 38 : 27-36.
[44] Fayol M, Jaffré JP. Orthographier. Paris : PUF ; 2008. [63] M. Jacquier-Roux, M. Zorman. Livrets « entraîne-
[45] Gagné PP. Être attentif, une question de gestion. ment visuels ». Grenoble : Éditions de la Cigale.
Montréal : Chenelière McGraw-Hill ; 2001. [64] Torkel Klingberg MD et al. Computerized trai-
[46] Mazeau M. Syndromes dys-exécutifs et troubles ning of working memory in children with ADHD ;
de l’attention. In : Truscelli D. (dir. de) Les infir- a randomized, controlled trial. J Am Acad Child
mités motrices cérébrales, réflexions et perspec­ Adolesc Psychiatry 2005 ; 44, 2 : 177-86.
tives sur la prise en charge. Paris : Masson ; 2008, [65] Garnier-Lasek D. La lecture par imprégnation syl-
354-8. labique. Ortho-édition ; 2002.

196
Bibliographie

[66] Gagné PP, Leblanc N, Rousseau A. Apprendre, [69] Fougeyrollas P et al. La mesure des habitudes de
une question de stratégies : développer les habile- vie adaptée aux enfants de 5 à 13 ans. Québec :
tés liées aux fonctions exécutives. Montréal : RIPPH ; 2001.
Chenelière éducation ; 2009. [70] Talbot G. Batterie d’évaluation Talbot. Montréal :
[67] Lazure M, Lussier F, Ménard M. Proposition d’une service d’ergothérapie de l’hôpital Sainte-Justine ;
intervention métacognitive visant à contrer le 1993.
trouble de l’attention. Rééducation Orthophonique [71] Barray V, Gadolet, Guillot. Bilan d’autonomie sco-
2003 ; 214 : 69-90. laire en maternelle. Service d’ergothérapie de l’hô-
[68] Geuze RH. Questionnaire sur les activités de la vie pital de Garches (92).
quotidienne (AVQ) destiné aux parents. In : Geuze [72] Boissel A, Pacual-Bouys O. Us et abus à propos de la
RH Éd. Le trouble d’acquisition de la coordina- loi du 11 février 2005 : le point de vue d’un CAMSP.
tion. Marseille : Solal ; 2005, 21-4. Contraste (la revue de l’ANECAMSP) 2009 ; 30, 29-50.

197
Annexe

Quelques logiciels utiles à la scolarité • Scolarisation des élèves handicapés – août 2006 :
d’un enfant dyspraxique64 w w w.e du c at ion . gou v. f r/ b o/2 0 0 6/31/ M E N E
0601960C.htm
Aides à la lecture • Aménagement des examens – décembre 2006 :
– Speakback® : www.mysoft.com w w w. e d u c a t i o n . g o u v. f r/ b o / 2 0 0 7/1 / M E N E
– PC Voice® : www.microapp.com 0603102C.htm
– Word Reader® : word-reader.softonic.fr • Rôle des médecins scolaires – janvier 2001 : www.
– Ace-High Text To Speech Reader® : www.text­ education.gouv.fr/bo/2001/special1/texte.htm
reader.net/index.htm • Fonctionnement des UPI – février 2001 : www.
– ClaroRead Plus V5® : www.clarosoftware.com educ at ion.gouv.f r/ botex te/ bo 010301/M EN E
– WordRead Plus® : www.ceciaa.com 0100364C.htm
– Pictop® : www.inshea.fr À noter aussi, concernant les CLIS, l’importante et
– Médialexie® : www.medialexie.com récente circulaire 2009-087 du 17 juillet 2009.
– Kurzweil 3000® : www.ceciaa.com/kurzweil-3000 Elle confirme que les CLIS 1 sont destinées aux
enfants atteints de « troubles des fonctions cogniti-
Aides à l’écriture ves ou mentales. En font partie, les troubles envahis-
• Pictop® : www.inshea.fr sants du développement ainsi que les troubles
• Dragon NaturallySpeaking® : www.mysoft.com spécifiques du langage et de la parole » (lesquels,
• BloXnote DigiMemo A402® : www.bloxnote.fr pourtant, par definition puisqu’ils sont « spécifi-
• Médialexie® : www.medialexie.com ques », ne semblent pas pourvoir ressortir de classes
• Kurzweil 3000® : www.ceciaa.com/kurzweil-3000 « troubles cognitifs ou mentaux globaux »). Quant
aux CLIS 4, elles reçoivent les élèves « en situation de
Aides à la géométrie handicap moteur dont font partie les troubles dys-
• GeoGebra® : www.geogebra.org praxiques, avec ou sans troubles associés, ainsi qu’en
• Cabri II plus® : www.cabri.com situations de pluri-handicap » et multi-dys..
On note en particulier la signification très étendue
Manuels scolaires sur CD-Rom attribuée aux termes « troubles cognitifs », l’assimi-
Se renseigner auprès de chaque éditeur et de l’ins- lation des troubles du langage (dysphasies ?) aux
pection de l’Éducation nationale. déficiences intellectuelles et troubles envahissants
du développement, l’assimilation des dyspraxies à
Textes législatifs des troubles moteurs…
(www.legifrance.gouv.fr)
• Circulaire du 4 mai 2001 sur les centres référents : Aides pour la scolarité
organisation de la prise en charge hospitalière des
• L’ordinateur au collège : guide pratique du cabinet
troubles cognitifs spécifiques
d’ergothérapie Guillermin-Leveque. Étude de huit
• Loi du 11 février 2005 : loi pour l’égalité des droits
logiciels de géométrie : rnt.over-blog.com/article-
et des chances, la participation et la citoyenneté des
11916462.html
personnes handicapées.
• Cahier d’activités en salle informatique, maths 6e,
• Scolarisation : www.handicap.gouv.fr/rubrique.
des exercices avec CABRI ®, GeoGebra®, Exal ®;
php3?id_rubrique=19
Catherine Henrion. Hatier, 2010.
• Maisons départementales du handicap : www.
• Portail d’informations destiné aux enseignants et aux
handicap.gouv.fr/rubrique.php3?id_rubrique=22
professionnels de l’éducation amenés à accueillir des
• Prestation de compensation : www.handicap.gouv.
enfants malades et/ou handicapés : www.integrascol.fr
fr/rubrique.php3?id_rubrique=17
• Blog de ressources concernant les enfants dys-,
adressé aux enseignants en priorité, et aux parents
64  Cette liste est loin d’être exhaustive : comme pour tous de ces élèves : blog.crdp-versailles.fr/ressources-
les documents et matériels cités, il s’agit d’un choix dysgarches/index.php Ce blog est l’œuvre de
personnel des auteurs. Frédéric Plessiet, enseignant spécialisé attaché au

199
Annexe

centre référent de Garches. On le trouve aussi • Histoire 2 comprendre les dys, (Fédération des
sur Google avec les mots clés : ressources, dys, dys-, livret réalisé dans le cadre de la 2e journée
Garches. nationale des dys-)
• Dyspraxies de l’enfant, guide à l’intention des • 10 questions réponses sur les dys- (Fédération des
parents, Dysphasia : www.geppe.free.fr/IMG/pdf/ dys-) : www.ffdys.com
20 08 _10 _-_ SESSA D_ DYSPH ASI A _-_ g u ide _ • Le guide pratique des parents : Éducation natio-
parents_syndrome_dyspraxique-v2.pdf nale (distribué lors de chaque rentrée scolaire)
• Guide pour la scolarisation des enfants et adolescents
Livres audio ou numériques (CD, MP3) handicapés, disponible sur le site de l’Éducation natio-
nale : media.education.gouv.fr/file/42/2/4422.pdf
• Collection Écoutez lire, aux éditions Gallimard : • Permettre ou faciliter la scolarité de l’enfant dys-
www.ecoutezlire.gallimard.fr praxique. Guides pratiques L’ADAPT. M. Mazeau,
• La librairie sonore, éditions Frémeaux : www.fre- 2010. www.ladapt.net
meaux.com • Permettre ou faciliter la scolarité grâce à l’ordina-
• Audiolib, les livres à écouter : www.audiolib.fr teur. Guides pratiques L’ADAPT. C. Le Lostec, 2010.
• Association des donneurs de voix, Les bibliothè- www.ladapt.net.
ques sonores, 350 000 titres (classiques, contempo-
rains…) : www.advbs.fr Associations
• Pour les plus jeunes :
• Collection Livres lus, aux éditions de l’École des • Fédération française des dys- (ex-FLA) : 43 avenue
Loisirs : www.ecoledesloisirs.fr de Saxe, 75007 Paris : www.ffdys.com
• Éditions Oui’dire (contes pour enfants…) : www. • DMF (Dyspraxique mais fantastique) : www.dys-
oui-dire-éditions.com praxie.info
• Et aussi : www.librairiesonore.com qui présente • HyperSupers, TDHA (troubles de l’attention avec
un très important choix pour tous âges, dans tous les ou sans hyperactivité) : www.tdah-france.fr
domaines • Association pour la recherche des troubles des
apprentissages (professionnels) : www.arta.fr
Guides, livrets, opuscules • LADAPT : association loi de 1901 orientée vers la
rééducation et l’insertion sociale, scolaire et/ou pro-
• Vivre avec : les troubles cognitifs, Carolyn Marquez fessionnelle des personnes handicapées. Elle admi-
et Anne-Lyse Dal-Pra, distribué par l’APF (Association nistre (notamment) cinq établissements pour
des paralysés de France) enfants et plusieurs SESSD dont certains dédiés aux
• La dyspraxie, une approche clinique et pratique : jeunes TSA ou dyspraxiques : www.ladapt.net.
Évelyne Pannetier, université de Montréal, Canada Service de formation continue.

200
Index           

A correcteur orthographique, 54, 85, 99, 129, 130, 131


abréviations, 130 couleur, 57, 61, 80, 88, 93, 112, 117, 132, 151, 158, 161
agnosie, 2, 14, 39, 103, 150
––digitale, 103 D
––visuelle, 2, 14, 39 déficience, 8
apprentissage, 3, 5, 13, 14, 17–19, 21, 135 ––mentale, 5, 36, 37, 42, 71
––automatisé, 2, 13, 14, 19 description verbale, 150
––contrôlé, 13 dessin, 101, 115, 135, 139, 141, 149, 150, 163, 164, 167
––explicite, 13, 14, 21 dictée, 51–54, 59, 64–66, 70, 88, 92, 98, 124, 129, 130,
––gestuel, 5, 17 138, 173
––implicite, 13, 18, 21 ––vocale, 93, 94
attention, 8, 19–21, 26, 32, 39, 45, 47–50, 52, 53, 55, 60, double tâche, 18–20, 38, 55, 63, 64, 68–70, 73, 77–79,
65, 72, 76, 78, 85, 124, 131, 132, 138, 159, 166, 168 85, 89, 91, 92, 95, 123, 131, 137, 138, 159, 178
attentionnel (double tâche), 22 dysexécutif, 8, 14, 19, 41, 111, 113
autoguidage verbal, 89, 145, 149, 184 dyslexie, 8, 53, 121, 122, 128, 130, 131, 154
automatisation, 21, 47–50, 53–55, 62, 64, 68, 69, ––phonologique, 8, 122, 130, 131
75–82, 84–88, 90–92, 95, 99, 123, 124, 130, 146 ––visuo-attentionnelle, 8, 53, 122, 131, 154
––graphomotrice, 48 dysorthographie, 129, 130, 138, 170
AVS, 5, 10, 27, 39, 48, 50, 52, 54–57, 59, 60, 64, 67, 68,
90–92, 96–99, 109, 115, 116, 118, 119, 123–125, 128,
131, 136, 138, 140, 144, 146, 151, 154, 158, 163,
E
échec scolaire, 4, 20, 95, 128, 152, 153
165, 167–169, 171, 172, 174, 175, 179, 181–183, 185
épellation, 53, 78, 82, 84, 85, 88, 98, 124, 129, 132,
138, 166
C ergothérapeute, 5, 22, 24, 27, 28, 30, 38, 40, 42,45, 52,
calcul, 14, 38, 56, 103, 105, 110, 111, 113, 116, 118, 149 71, 76, 77, 81, 82, 91, 94, 96, 122, 124, 129, 130–132,
carte, 98, 135, 149, 154–157, 167, 168, 172, 174 135, 136, 153, 154, 168, 169, 179, 180, 183
cartographie, 63, 158 examen (Voir aussi contrôles), 56, 58, 63, 135, 165, 168
cérébelleux, 45, 79 expression écrite, 51, 55
CLIS, 10, 28, 31, 34–38, 40, 41, 131, 132
code couleur, 80, 112, 149
colorisation alternée des lignes, 113, 118, 124, 125, F
128, 131 facteur G, 37, 41, 53, 60, 62, 101, 108
compensation, 4, 7, 39, 136, 139, 147 fixation, 51, 53, 129
contrôles (Voir aussi Examen), 64, 98, 99, 175 fonction formulaire, 54, 63, 144, 149, 151
co-occurrence de dys, 130, 131 fonctions cognitives, 2, 19, 43, 53, 60
CO-OP, 25, 26, 115, 166, 180, 184 fonctions exécutives, 19, 39, 45, 53, 62, 81, 123, 166
coordinations, 5
––motrices, 3, 14 G
copie, 51–53, 59, 60, 62, 64, 65, 67, 88, 92, 130 géographie, 58, 172
––différée, 51, 92 géométrie, 56, 93, 135, 139, 141, 156, 163, 164, 171

201
Index

geste(s), 8, 15, 17, 20, 23, 46, 47, 49 orthophonie, 7, 28, 30, 38, 43, 81, 83, 94, 119, 122–124,
––graphique, 23, 49 129–132, 137, 154, 179
––graphomoteur, 46, 47, 49 orthoptie, 7, 28, 52, 122, 128, 131
––culturels, 8, 15
––nouveaux, 17 P
gnosies, 8, 27, 37, 40, 45, 78, 158, 163, 164 photocopies, 48, 52, 54, 55, 59, 65, 66, 70, 92, 96, 97,
––digitales, 8 99, 113, 138, 151, 177
––visuelles, 8, 27, 37, 40, 45, 78, 163, 164 plans, 167
graphomotrice, 23, 139 PPS, 7, 66, 91, 98, 106, 135, 144, 168–170, 182, 183
prédiction de mots, 137
H procédure verbale, 117, 118, 140
habillage, 21, 25, 26, 116, 169, 184 production d’écrits, 20, 46, 49, 55, 57, 58, 62, 93, 99,
handicap mental, 35 123, 130, 138, 144
histoire, 98, 135, 174 projet scolaire, 175
––géographie, 149, 175 psychomotricité, 5, 8, 15, 16, 22, 23, 27, 28, 30, 45, 183

I R
IMC, 5, 36, 42, 78 redoublement, 4, 7, 10, 33, 34, 38, 41, 42, 66
intelligence, 2, 9, 101, 154 regard, 37, 51, 52, 76, 107, 109, 110, 122, 123, 125, 159,
interligne, 79, 93, 97, 125, 128, 131, 151 161, 162
––organisation, 76, 125, 146, 156, 158, 159, 162
L ––stratégie, 51
lecture, 158 ––exploration, 125
––vocale, 149 ––troubles du, 37, 52, 107, 109, 110, 123
lenteur, 20, 46, 50, 51, 53, 55, 63, 64, 66–68, 85, 116, retard graphique, 7, 34, 37
131, 168, 184
logiciel, 39, 60, 63, 85, 86, 93, 94, 124, 129, 131, S
136–141, 143, 146, 165, 171 saccades, 28, 51, 53, 122, 123, 129, 136, 154, 169
––de dictée vocale, 131, 137 schéma, 63, 98, 101, 102, 115, 135, 149, 150, 156, 158,
––de géomètre, 171 159, 167, 172, 174, 175
––de lecture, 85, 94, 124, 129, 131, 136 ––corporel, 8, 22, 103, 178, 186
––de reconnaissance manuscrite, 138 secrétaire, 47, 48, 56, 57, 59, 63, 64, 68, 97, 99, 125, 131,
––de retour vocal, 86, 91, 137, 138, 146, 165 137, 138, 140, 144, 163, 167, 168, 170, 171–175
––dictée vocale, 137 sport, 177, 186
––géométrie, 140, 171 surlignage, 55, 60, 63, 85, 88, 89, 123, 125, 128, 137,
––géométriques, 141, 143 146, 151, 171
––jeux, 61, 76 SVT (Science de la vie et de la Terre), 174, 175
––prédictifs, 93 syllabes, 124
syndrome dysexécutif, 131, 132, 161
M
mémoire, 57 T
––de travail, 8, 32, 39, 41, 43, 51, 56, 60, 83, 87, 111, 122, TAC, 5, 8, 14, 16, 19, 22, 26, 183, 184, 186
123, 132, 138, 149, 166, 167 tiers temps, 54, 63, 96, 167, 168, 170–174
multidys, 35, 37, 39 toilettes, 185
troubles spécifiques des apprentissages (TSA), 2, 15,
N 20, 24, 31, 43, 70
neurones miroirs, 17
non-automatisation, 46 U
numération, 38, 40, 101, 102, 107, 109, 147 UPI, 41, 96

O V
oculomotricité, 14, 51 verbalisation, 56, 81, 82, 84–86, 90, 91, 93, 102,
oral, 98, 99, 165 107, 112, 113, 117, 139, 140, 144, 148, 151, 154, 156,
organisation des saccades, 122 157, 161, 164–167, 170–174, 179, 183, 184

202

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