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et les apprentissages
Coordonner les actions
thérapeutiques et scolaires
Chez le même éditeur
Du même auteur :
Conduite du bilan neuropsychologique de l’enfant, par M. Mazeau. 2e édition.
2008, 304 pages.
Neuropsychologie et troubles des apprentissages, par M. Mazeau. 2005, 320 pages.
Autres ouvrages :
Rééduquer dyscalculie et dyspraxie. Méthode pratique pour l’enseignement des mathématiques,
par A. Crouail. Collection Orthophonie, 2009, 184 pages.
Atlas interactif de neuroanatomie clinique. Atlas photographique + CD-ROM interactif
Encéphalia, par L. Thines, F. Lemarchand, J.-P. Francke. 2008, 144 pages.
Pratique de l’EEG. Bases neurophysiologiques, prinicipes d’interprétation et de prescritpion,
par J. Vion-Dury et F. Blanquet. Collection Abrégés de Médecine. 2008, 224 pages.
Évaluation neurologique de la naissance à 6 ans, par J. Gosselin, C. Amiel-Tison. Éditions CHU
Sainte-Justine. 2e édition, 2007, 208 pages.
Les Nerfs crâniens, par D. Doyon, K. Marsot-Dupuch, J.-P. et al. Francke. 2e édition, 2006,
304 pages.
Neuropsychologie, par R. Gil. Collection Abrégés de Médecine. 4e édition, 2006, 432 pages.
Neurologie, par J. Cambier, M. Masson, H. Dehen. Collection Abrégés de médecine. 11e édition,
2004, 576 pages.
Neuropédiatrie, par G. Lyon, P. Evrard. 2000, 2e édition, 568 pages.
L’enfant dyspraxique
et les apprentissages
Coordonner les actions
thérapeutiques et scolaires
Michèle Mazeau
Claire le Lostec
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reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans
le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont
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utilisation collective et, d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’informa-
tion de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété
intellectuelle).
VII
Avant-propos
VIII
Avant-propos
un ouvrage pratique, concret, qui s’attache aux petits riens qui, au quoti-
dien, font ou défont leur vie, un livre qui s’intéresse aux multiples problè-
mes, banals et répétitifs, qui épuisent les journées.
En ce sens, des parents pourront aussi, espérons-nous, y trouver quelques
pistes pour soutenir leur enfant dans ses efforts pour apprendre et grandir,
en dépit de ses différences.
Michèle Mazeau
IX
Cahier couleur
Typographie
allégée
Paragraphes
isolés
Surlignage
alterné des
lignes
Présentation
verticale du
texte
III
Ce soir, monsieur Lapin a peur d'aller se coucher.
Victor et la sorcière
Une histoire tapée par J.
IV
Visuel
G
F
E
D
C
B
A
Verbal
Figure 5.1. Activations cérébrales observées durant l’inspection d’une image mentale
de structures tridimensionnelles.
Lorsque des sujets apprennent des structures géométriques complexes, les uns par mémorisation visuelle (les figures,
dessinées en 3D, leur sont présentées visuellement), les autres par description verbale, les zones cérébrales activées lors
de la récupération de l’image mentale (on demande ensuite aux sujets, par exemple, si D est plus haut que F ?) sont très
similaires, quoique subtilement différentes, dans les deux formes d’apprentissage.
Houdé O, Mazoyer B, Tzourio-Mazoyer N. Cerveau et psychologie. Paris : PUF ; 2002, 431 p.
V
mélanie, la petite souris
noire
VI
Un séjour à la montagne
VII
Figure 6.2. Colorisation alternée de lignes.
De Pennart G. Le loup est revenu ! Kaléidoscope.
VIII
Figure 7.2. Différents types de souris trackball.
a. Kensington Trackball.
b. Personaly I like track.
c. This ergonomic.
d. Trackball CIMIS.
IX
Propriétés
Points
Mesure
Lignes
Texte et symboles
Courbes
Attributs
Macros
Transformations
Constructions
Manipulation
Figure 7.3. Barre d’outils de Cabri II Plus®.
X
Barre de titre
Barre de menus
Barre d’outils
Barre d’attributs
Fenêtre texte
B
A Zone de travail
Sur ce cercle
Fenêtre d’aide
Barre d’état
1
1253 9 12 1 7 5
+ + 946 − 14 19 9 2
2199 4 2 8 3
4 2
− 3 1
2 5 3
− x 2 8 6
− 1 5 1 8
2 0 2 4 0
− 5 0 6 0 0
7 2 3 5 8
XI
a b c
Figure 7.9. Les drapeaux, un problème d’analyse spatiale.
a. France ; b. Pays-Bas ; c. Ex-Yougoslavie.
Mer Méditerranée
Arabie
MAGHREB Égypte saoudite
Tropique
du Cancer
Soudan Mer Rouge
Équateur
Océan
Atlantique
Méridien de
Tropique
Greenwich
du
Capricorne Océan Indien
Air riche
en O2
et pauvre
en CO2
O2
CO2
CO2
O2 O2
Sang pauvre O2
Sang riche O2
O2
CO2
CO2
XII
Tableau 7.7. Grille d’analyse de support pédagogique : texte pédagogique.
Titre de la leçon : texte descriptif.
Compétence(s) testée(s) ou à acquérir : compréhension d’un texte descriptif.
Nature du document : texte descriptif.
Compétences Difficultés Adaptations Commentaires
requises de l’enfant à prévoir
Compétences neurovisuelles X Travail seul : utiliser
Regard (organisation, stratégie, X (lecture) Favoriser retour vocal sur
repérage) la lecture ordinateur (texte
scanné ou numérique)
Perception (images, visages, signes
Avec adulte : lecture
conventionnels)
par l’adulte
Champs visuels
Autres
Compétences praxiques
Utilisation d’outils (gomme, ciseaux,
règle…)
Manipulations (jetons, activité
manuelle…)
Reproductions de gestes
Dessin, graphisme, coloriage
Compétences spatiales XXX Favoriser la Pas de compensation
Topologie (situer un item par rapport XXX représentation possible : changer
à d’autres) spatiale de livre ou dispenser
induite par le de questions
Orientation propre (obliques, flèches…) XXX texte de compréhension
Compétences organisationnelles XXX relatives à ces
passages
Cartable, trousse
Cahier de textes, classeur, photocopies
Emploi du temps, gestion des tâches
Ordinateur
Écriture
Rapidité
Lisibilité (nombre de lignes/nombre total)
Fatigabilité (nombre de lignes)
Code :
X Compétence Pas de difficulté dans ce domaine
peu sollicitée (= vert)
XX Compétence Quelques difficultés (= orange)
moyennement
sollicitée
XXX Compétence Nombreuses difficultés (= rouge)
très sollicitée
Domaine nécessitant une ou plusieurs
adaptation(s)
XIII
Tableau 7.8. Grille d’analyse de support pédagogique : schéma de SVT.
Titre de la leçon : l’alvéole pulmonaire.
Compétence(s) testée(s) ou à acquérir : comprendre et utiliser un schéma.
Nature du document : schéma.
Compétences Difficultés Adaptations Commentaires
requises de l’enfant à prévoir
Compétences neurovisuelles XX Exploration Soulager l’enfant du
Regard (organisation, stratégie, XXX du document schéma et lui décrire
repérage) par tierce ce qui est représenté
personne
Perception (images, visages, signes X
conventionnels)
Champs visuels
Autres
Compétences praxiques XX Dispense dès Dans ce cas, en fonction
que possible des objectifs
Utilisation d’outils (gomme, ciseaux, X pédagogiques, l’enfant
règle…) ne peut peut-être pas
être évalué
Manipulations (jetons, activité
manuelle…)
Reproductions de gestes
Dessin, graphisme, coloriage XXX Dispense
Compétences spatiales XXX Changer Proposer au jeune un
Topologie (situer un item par rapport XXX de support : texte comportant tous
à d’autres) texte les termes notionnels
explicatif de la leçon
Orientation propre (obliques, flèches…) XXX
Compétences organisationnelles
Cartable, trousse X
Cahier de textes, classeur, photocopies X
Emploi du temps, gestion des tâches
Ordinateur
Écriture
Rapidité
Lisibilité (nombre de lignes/nombre XXX Écrire à sa place
total) ou ordinateur
Fatigabilité (nombre de lignes)
XIV
Introduction Chapitre 1
« Ainsi, en France, l’enseignement public obligatoire vise à
construire un accès égal aux chances.
Si le résultat produit néanmoins une hiérarchie, la faute en
incomberait alors à l’individu responsable, ou encore à quelque
facteur environnemental susceptible d’entraver l’épanouissement
du potentiel humain.
Ce dernier, en revanche, serait le même pour toutes et tous, selon
cette croyance.
Mais partout, on se heurte à des situations gênantes pour la thèse
égalitaire (la taille, la force musculaire…).
C’est précisément parce que l’inégalité existe qu’il importe et urge
de construire une société juste. »
J.-C. Guédon1
1
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
calculer le résultat exact d’une addition ou contraire, il nous faut très souvent accepter d’al-
l’estimer approximativement : deux zones ler résolument contre le sens commun si l’on
différentes du cerveau réalisent ces deux veut apporter quelque soulagement à ces
tâches. À l’inverse, elle montre les points enfants !
communs entre tâches qui semblent bien
Le fonctionnement cérébral foisonne d’illustra-
différentes. »
G. Chapelle2
tions qui discréditent beaucoup de tentatives
d’introspection conçues, à tort, comme une
possibilité d’approcher par soi-même, sans
La neuropsychologie est une branche de la connaissances spécialisées dans le domaine,
neurologie qui s’intéresse au fonctionnement notre propre fonctionnement intellectuel. En
intellectuel normal et pathologique, au dia- effet, l’essentiel de nos savoir-faire de base est
gnostic et à la rééducation des troubles des complètement automatisé et échappe tout à fait
fonctions « supérieures » (ou fonctions « cogni- à notre conscience. Ils sont donc hors de portée
tives » ), troubles secondaires à un dysfonction- de notre auto-analyse et la réalité est souvent
nement cérébral [1]. Ces troubles (du langage, très éloignée d’une description triviale des
de la mémoire, du geste, de l’espace, de la lec- phénomènes consciemment ressentis.
ture, etc.) peuvent survenir soit après une lésion
cérébrale très précoce (IMC3 ou tout autre Exemple
lésion cérébrale survenue durant la petite Lors de la lecture, nous croyons avoir la sen-
enfance), soit, le plus souvent, résulter d’une sation que nos yeux suivent régulièrement
atypie du développement cérébral de l’enfant chaque ligne de gauche à droite… Il n’en est
dans un secteur très focalisé de la cognition rien. Nos yeux effectuent une suite de
(troubles dits « développementaux »), générant minuscules sauts (ce dont nous n’avons
alors un trouble spécifique des apprentissages aucune conscience), les saccades. Les régula-
ou TSA (dyspraxie, dyslexie, dysphasie, dys- tions en amplitude, durée et direction des
calculie…), dont les répercussions scolaires saccades sont automatiquement ajustées
peuvent être sévères chez ces enfants à l’intelli- par notre cerveau. C’est seulement durant
gence préservée. les brèves pauses entre deux sauts, les fixa-
tions, que nous saisissons les informations
Ces enfants, pour des raisons encore souvent visuelles qui font l’objet d’un traitement
inconnues, ne disposent donc pas, pour cérébral de type « lecture », que nous identi-
développer certaines de leurs fonctions fions et comprenons les mots écrits.
cognitives, du même répertoire de compé-
tences que les autres. Ils se trouvent alors en D’autres troubles cognitifs peuvent alimenter ce
butte à des difficultés, des échecs, des impos- propos. En effet, certaines pathologies défient
sibilités qu’ils ne comprennent pas et qui l’expérience commune [2-4], telles les agnosies
peuvent donner lieu, de la part des adultes visuelles. Nous avons tous la sensation, l’expé-
(parents, enseignants, soignants) à des inter- rience de ce que c’est que voir : on voit net ou on
prétations erronées qui ajoutent encore à la voit flou, ou on ne voit pas du tout. C’est vrai si
confusion de l’enfant. l’on ne considère que l’œil et les pathologies oph-
talmologiques. Mais on oublie souvent qu’il n’y
Ainsi, la neuropsychologie infantile nous ensei- aurait pas de vision sans le cerveau qui analyse,
gne que le « naturel » et le bon sens ne sont géné- décrypte, décode et reconnaît les stimuli impri-
ralement pas, en la matière, bons conseillers. Au més sur la rétine. Lors de certaines anomalies du
fonctionnement des réseaux de neurones dédiés
au traitement de l’image rétinienne, il peut y
2 Chapelle G. Le cerveau et la pensée. Éd. Sciences
humaines ; 2003.
avoir des « ratés ». L’enfant voit bien, net, il peut
3 IMC : infirmité motrice cérébrale, ou paralysie décrire ou copier ce qu’il voit, mais il ne sait pas
d’origine cérébrale, d’origine périnatale, souvent donner sens à ce qu’il voit. C’est un peu comme
liée à la prématurité. si une photographie argentique – parfaite sur le
2
Chapitre 1. Introduction
3
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
encore les rééducations de la motricité fine ou toutes les rééducations et les efforts fournis, il
de l’organisation spatiale, multiplions les prises ne peut constater que son échec ;
en charge en psychomotricité ou en ergothéra- • la responsabilité de ces échecs, incompréhensi-
pie, achetons des cahiers de graphisme qu’il bles également pour les professionnels qui ont
réalisera les mercredis ou durant les vacances… mis en place les entraînements et les rééduca-
et l’enfant, confiant et plein d’espoir, engage tions, lui est toujours attribuée (il ne s’investit
toute son énergie dans ce combat, pourtant pas assez, ou bien il n’est pas si intelligent qu’on
perdu d’avance. le disait, ou bien il « fait un blocage »), aggravant
Mais, lorsqu’il en prend conscience – souvent son sentiment de culpabilité et d’impuissance ;
en même temps que les adultes qui l’entourent • ses compétences préservées, intactes, efficien-
–, il est trop tard, l’échec scolaire est consommé tes, sont négligées, méconnues, sous-utilisées.
et bien souvent définitif. Loin d’être exploitées pour favoriser sup-
pléances et compensations, elles sont au
Non seulement ce combat est inutile, mais il contraire utilisées comme une arme contre
est dangereux : pendant qu’il engage toute l’enfant ! Ainsi, s’il ne « fait » rien et parle
son attention et son énergie dans le difficile beaucoup – le langage oral est le point fort des
dessin des lettres – geste que l’enfant dys- enfants dyspraxiques –, on juge que son lan-
praxique n’automatisera jamais suffisamment gage très élaboré est un verbiage, ou qu’il fait
eu égards aux exigences scolaires –, il ne lui illusion, ou qu’il s’agit d’un vernis, ou d’une
reste plus assez de ressources pour écouter fuite et, de toute façon, cela est retenu contre
l’enseignant, prêter attention au sens ou à lui (« s’il parlait moins, il ferait plus attention
l’orthographe, mémoriser les informations. à écrire convenablement ») ;
Les résultats scolaires s’en ressentent dans • les orientations (scolaires, professionnelles)
toutes les matières, même celles où l’enfant qu’on lui propose sont de plus en plus éloi-
aurait pu faire normalement des apprentissa- gnées de ses capacités et de ses espérances,
ges si on lui en avait laissé le loisir… voire complètement contre-indiquées (orien-
tation vers des métiers manuels, nécessitant
des capacités gestuelles et spatiales complexes
Autre situation courante (cf. chapitre 5), l’enfant alors que l’enfant est dyspraxique). Au bout
fait des erreurs lors du comptage d’une collec- de quelques années, son avenir est définitive-
tion d’objets… Cela semble montrer qu’il n’a pas ment compromis.
encore bien compris la procédure de dénombre-
ment ; on lui propose donc – encore et encore –
de compter des jetons, des bûchettes ou des L’enfant « standard », en cours d’acquisition
haricots. Et la persistance des erreurs conduit à d’une notion, n’est aucunement comparable
intensifier encore et encore cet entraînement, en à l’enfant empéché d’y accéder du fait d’un
dépit de l’évidence que « ça ne marche pas ». Et, handicap cognitif : les méthodes pertinentes
malgré ses excellentes compétences en raison- pour les premiers ne le sont pas pour les
nement logique et en calcul mental (qui ne sont seconds, elles peuvent même s’avérer désas-
jamais valorisées ni prises en compte), malgré treuses à moyen et long terme (cf. p. 24, 49).
les premiers redoublements, on ne sait pas lui
proposer une autre stratégie, faute d’avoir ana- C’est pourquoi il faut savoir reconnaître (dépis-
lysé, compris, diagnostiqué les processus patho- ter et diagnostiquer) ces anomalies trompeuses
logiques en œuvre derrière ce symptôme. et déroutantes : elles requièrent des prises en
On pourrait ainsi multiplier les exemples. Les charge spécifiques, c’est-à-dire différentes des
conséquences nocives de cette attitude apparem- propositions habituellement faites à l’enfant
ment logique (« toujours plus de ce qui ne marche tout-venant.
pas ») se manifestent dans tous les domaines : Chacun doit donc préserver sa capacité à s’éton-
• l’enfant perd espoir et, plus grave encore, perd ner, à regarder et écouter autrement, à sortir des
confiance en ses propres capacités car, malgré sentiers battus.
4
Chapitre 1. Introduction
5
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
Déficience intellectuelle
Dyspraxie
Syndrome dys-exécutif
Trouble visuel
Etc.
Figure 1.1. Dysgraphie, exemple de symptôme isolé pouvant renvoyer à différents diagnostics.
Un symptôme ne représente qu’un des éléments constitutifs du diagnostic.
6
Chapitre 1. Introduction
cas de dyspraxie « pure » et isolée, cf. p. 121), il scolaire qui constitue une photographie fiable
est très important de demander aussi un bilan des capacités/incapacités fonctionnelles du
orthoptique et un bilan orthophonique. jeune à ce moment-là de son évolution, sans
Comme on le voit, ce diagnostic impose la pas- préjuger des causes.
sation de nombreux bilans, dont les résultats et S’il est évidemment important de mettre en
conclusions doivent être confrontés les uns aux place le plus précocement possible les diverses
autres (lors de la consultation d’un médecin aides nécessaires, cela ne doit cependant pas
expérimenté en neuropsychologie ou d’un neu- conduire à s’arrêter à une simple présomption
ropsychologue compétent dans ce domaine) diagnostique : les dangers encourus seraient
afin d’aboutir à un diagnostic. Il s’agit donc alors pires que le remède escompté. En effet, si
d’une démarche exigeante… et obligatoirement l’enfant se révèle ensuite effectivement « dys-
longue (Les bilans réduits – par exemple, la praxique », cela signifie qu’il est né dyspraxi-
BREV – sont très utiles dans une optique de que et… qu’il restera dyspraxique. Il n’y a donc
dépistage, pour effectuer un premier screening jamais aucune réelle justification à faire ce
et repérer les enfants qui auront effectivement diagnostic dans l’urgence, et bien sûr encore
besoin de l’ensemble de ce bilan diagnostique). moins à faire une erreur ou une approxima-
tion diagnostique dont les conséquences délé-
tères ne feraient que s’ajouter aux troubles
Le sentiment d’urgence initiaux.
Une fois le terme de dyspraxie évoqué, on
constate souvent un sentiment « d’urgence » Les prises en charge, comme nous aurons l’oc-
alimenté par des échéances datées, au cours casion de le redire, ont pour objectif de dimi-
desquelles les différents acteurs craignent de nuer la gêne ressentie par l’enfant, de limiter les
prendre une décision qui engage l’avenir et
répercussions négatives de la dyspraxie dans
s’avèrerait par la suite mal adaptée : maintien
les différents secteurs de la vie de l’enfant, de
ou redoublement, orientation scolaire, signa-
réduire le handicap (scolaire, psychologique et
lement à la MDPH7 dont dépend l’attribution
d’aides techniques ou humaines pour la social), et non de guérir la dyspraxie.
prochaine année scolaire, réunion de PPS ou
ESS8, etc. Or, s’il se confirmait ultérieurement C’est normalement en moyenne ou grande sec-
que l’enfant soit en effet dyspraxique, il serait tion de maternelle (éventuellement en CP/CE1
toujours loisible de modifier et réajuster – lorsque le trouble est discret) que le retard gra-
désormais avec pertinence – les décisions pri- phique et la maladresse doivent alerter. Lorsque
ses antérieurement. Pour les décisions qui la suspicion est plus tardive (CM, voire collège)
doivent intervenir dans l’intervalle de temps cela peut résulter soit d’un(e) :
qui sépare la suspicion de la confirmation du
• trouble léger chez un enfant très compétent
diagnostic, il faut accepter qu’elles soient pri-
sur le plan du raisonnement verbal et qui a
ses sur les éléments dont on dispose à ce
mis spontanément en œuvre des compensa-
moment-là : c’est essentiellement l’évaluation
tions efficaces ; ces dernières vont, un temps,
plus ou moins masquer les conséquences de la
7 MDPH : maison départementale des personnes pathologie praxique. Cependant, les exigen-
handicapées, où sont regroupés tous les services ces scolaires augmentant, le trouble finit par
dont dépend la mise en œuvre des aides et com- se dévoiler, mais plus tardivement ;
pensations liées au handicap. • méconnaissance ou erreur diagnostique ;
8 PPS : projet personnalisé de scolarisation, qui réu-
nit les différents acteurs (parents, école, rééduca- • déni du trouble (de la part des parents et/ou
teurs et/ou service de soins) pour déterminer de des enseignants et/ou des médecins).
quels aménagements (pédagogiques, d’emplois du
temps), de quelles aides techniques et/ou humaines Vouloir sauter des étapes diagnostiques parce
l’enfant doit bénéficier au cours de l’année scolaire. que l’enfant est déjà grand (diagnostic tardif,
ESS : équipe de suivi de scolarisation. cf. p. 32) et/ou parce que se jouent des échéances
7
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
scolaires (passage en 6e, orientation…) est une • trouble touchant électivement les gestes
erreur fréquente (impression qu’on a « perdu du enseignés (culturels) et épargnant les ges-
temps » et qu’il faut maintenant « faire vite »). tes sélectionnés par l’évolution (c’est-à-dire
Or, ce n’est pas en quelques semaines ni quel- dyspraxie isolée, sans signe de « retard psy-
ques mois que l’on règle un problème qui mine chomoteur » ni TAC : les premiers stades
la scolarité et la vie de l’enfant depuis des de développement moteur se sont manifes-
années. Une erreur ou une insuffisance dia- tés normalement qu’il s’agisse du ramper,
gnostique ne permet jamais de « rattraper » le de la station assise, du quatre pattes, de la
retard diagnostique et ne fait au contraire que marche…) ;
compliquer inutilement la situation, déjà diffi- • trouble touchant uniquement l’utilisation
cile, de ce jeune. d’outils (et respectant les gestes symboliques
tels que faire « au revoir », « chut »…).
Un diagnostic précis
La méthodologie suggérée plus haut (cf. tableaux Signes associés
1.1 et 1.2) est indispensable pour finaliser le Il faut aussi faire le point sur la présence éven-
projet individuel de l’enfant. tuelle de signes associés dont l’influence est
majeure tant sur le pronostic que sur les choix
Préciser la place relative rééducatifs :
de chaque symptôme • troubles de l’attention et/ou hyperactivité ;
La dyspraxie est constituée d’un ensemble de bien qu’elle ne soit pas du tout systématique,
symptômes qui peuvent, chez chaque enfant, cette association est très fréquente [8] ;
réaliser une mosaïque particulière et unique du • dyslexie, dont il faut alors bien préciser les
fait de la présence ou de l’absence (ou de l’in- déterminants (phonologiques et/ou visuo-
tensité très variable) de chacun des signes. Les attentionnels) ; en effet, si elle est uniquement
bilans des différents professionnels visent donc ou essentiellement « visuelle », la dyslexie fait
à préciser l’existence et l’importance : alors partie intégrante de la dyspraxie visuo
• du trouble constructif proprement dit ; spatiale avec troubles du regard (cf. p. 122).
Mais l’enfant peut également souffrir d’une
• du trouble spatial, quelquefois au tout premier
dyslexie imputable à un trouble phonologi-
plan de la pathologie ;
que, ou à un déficit de la mémoire de travail,
• d’anomalies du développement des fonctions ou à une association « troubles de l’attention,
du regard (fixation, exploration, poursuite, syndrome dysexécutif et déficit de la mémoire
saccades) ; de travail », toutes ces situations constituant
• d’éventuelles anomalies de constitution du alors un trouble associé ;
schéma corporel (y compris notions de droite • déficit de la mémoire de travail, isolé ou au
et de gauche, et gnosies digitales) ; sein d’un syndrome dysexécutif ;
• de possibles troubles gnosiques visuels ; • immaturité (déficience) intellectuelle…
• quelquefois, d’anomalies comportementales,
voire de troubles de structuration de la person-
Capacités préservées
nalité (traits autistiques, enfant borderline…).
Enfin, évaluer précisément le niveau de per-
Rechercher d’éventuelles formance dans chacune des fonctions préser-
vées est une démarche fondamentale pour
dissociations penser le projet thérapeutique : langage, mémoi-
Leur présence permet de mieux cibler le type res (mémoire de travail, à long terme, visuelle,
de gestes qui pose problème à l’enfant et les auditivoverbale), raisonnement et conceptua-
modalités gestuelles qui lui restent accessibles lisation, fonctions sur lesquelles on s’appuie
(cf. p. 13,14–18,51) : pour conduire les rééducations et/ou proposer
8
Chapitre 1. Introduction
9
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
• du côté des équipes de soins et des rééducateurs : rieurs, tels les rééducateurs ou les services de
– d’une méconnaissance des exigences liées soins11…).
aux programmes scolaires, l’ignorance des Conscients de la variété et de l’importance de
contraintes inhérentes à la pédagogie de toutes ces difficultés intriquées, nous tentons
groupe ; donc d’aborder ici l’ensemble de ces questions
– de la non-conscience de l’intrication forte qui sont interdépendantes et inséparables : les
entre la forme (la méthode) et le fond (le soins, les rééducations, les adaptations, l’utili-
savoir ou le concept visé) lors de certains sation d’aides techniques ou de palliatifs, mais
apprentissages ; aussi les aménagements à prévoir en ce qui
concerne les méthodes pédagogiques, les sup-
– de la sous-estimation de l’impact psychologi-
ports d’apprentissages, les évaluations scolai-
que du diagnostic lui-même (souvent vécu
res, et enfin les rôles des auxiliaires de vie
comme un handicap intellectuel et/ou mental)
scolaire (AVS).
et des adaptations (toujours stigmatisantes)
qui doivent prendre effet au sein d’un groupe Ainsi, nous espérons que cet ouvrage puisse
de pairs (les autres élèves de la classe) générant constituer une base pour un réel partenariat
des réactions de déni ou de prestance, qui, de entre les différents professionnels qui doivent,
fait, rendent impraticables les suggestions ensemble, sur le terrain, œuvrer à la réussite
proposées, etc. scolaire de ces enfants dyspraxiques.
Pour cela, il nous faut d’abord nous pencher sur
les processus qui président aux différents
Pourtant, quel sens peuvent avoir deux séan- apprentissages chez l’enfant, tout au long du
ces de rééducation par semaine (si bien développement (cf. chapitre 2). D’autant que les
conduites, si bien adaptées, si efficaces soient- rééducations, chez ces enfants, sont partie inté-
elles), si ces deux séquences hebdomadaires grante de leurs apprentissages… La neuropsy-
de trois quarts d’heure ne trouvent pas d’écho chologie met à notre portée une meilleure
lors des 24–26 autres heures hebdomadaires compréhension des effets des rééducations sur
(en moyenne) que l’enfant passe en classe, en l’évolution des performances des jeunes, per-
situation « écologique » d’apprentissage ? met de mieux cibler les actions à privilégier en
fonction des troubles, de l’âge, du pronostic et
du projet poursuivi. Après avoir comparé les
On voit donc d’emblée que le choix de telle ou
différentes méthodes habituellement utilisées
telle stratégie thérapeutique (rééducative ou de
réadaptation) ne peut advenir qu’au terme
d’investigations et de synthèses qui s’intéres-
sent autant au trouble (la dyspraxie, isolée ou 11 SESSD ou SESSAD : services de soins dits « à domi-
non, son type, son intensité…), qu’à l’enfant cile », qui interviennent sur le lieu de vie de l’enfant
(ses capacités de compensation, ses projets, sa (domicile, crèche, école…). Ces structures, légères
personnalité), à ses parents (leur propres pro- et souples, disposent d’équipes pluridisciplinaires
très complètes (médecins, psychologues, kinési-
jets, leur acceptation ou leur refus de considé- thérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes, psy-
rer leur enfant comme « handicapé » et de chomotriciens, éducateurs, assistants sociaux…)
solliciter la MDPH, leur soutien ou leurs exi- et assurent les soins, les rééducations et l’aide à la
gences…), ou à l’école (« tolérance » de l’échec scolarisation pour un public spécifique (il existe
dans certains secteurs, proposition de redouble- de services de soins pour enfants handicapés men-
ment ou de classe spécialisée10, acceptation des taux, moteurs, auditifs ou visuels). Pour des raisons
historiques, et du fait des compétences accumulées
aides techniques ou humaines, stigmatisation
dans ces structures, les jeunes dyspraxiques sont
ou non de l’enfant « à besoins spécifiques », le plus souvent admis dans les SESSD pour jeu-
capacité à travailler avec des intervenants exté- nes handicapés moteurs. Plus récemment, quel-
ques rares services de soins se sont orientés vers la
prise en charge d’enfants porteurs de troubles des
10 CLIS (classe d’inclusion scolaire) en primaire, UPI apprentissages (sans que cette dénomination ne
(unité pédagogique d’inclusion) au collège. soit validée officiellement dans les textes).
10
Chapitre 1. Introduction
lors des séances de rééducation, nous centrant en œuvre, leur permet de viser les mêmes objectifs
sur les objectifs de ces thérapeutiques, nous que leurs pairs en termes de savoirs, de concepts,
allons voir comment le projet individuel est d’apprentissages, de réflexion.
contraint par le projet scolaire, en particulier Enfin, nous traitons de la vie scolaire (cf. chapi-
entre 4–16 ans. tre 8) qui, dans de nombreux secteurs, rejoint la
Ensuite, les trois grands objectifs traditionnels vie quotidienne, « la vraie vie » selon la formu-
de l’école sont détaillés : écrire (cf. chapitre 3) et lation des enfants : les sports et loisirs, l’ha-
« e-écrire » grâce à l’ordinateur (cf. chapitre 4), billage (sports, piscine), la prise des repas
lire (cf. chapitre 5) et compter (cf. chapitre 6). (cantine), les récréations, les sorties, les classes
Nous précisons les répercussions des troubles externées sont autant d’occasions de vie sociale,
visuo-practo-spatiaux sur chacun de ces de challenges, d’émulation, de comparaisons,
apprentissages et comment on peut y remédier, qui font partie de la vie sociale des jeunes,
au moins partiellement, qu’il s’agisse de réédu- contribuent à l’image qu’ils se construisent
cations et/ou d’aménagements scolaires. d’eux-mêmes et aux projections qu’ils s’autori-
Nous tentons ensuite un renversement de point sent – ou non – pour leur avenir d’adultes.
de vue (cf. chapitre 7) : partant cette fois non de la Nota bene : la description des symptômes et des
pathologie de l’enfant mais des exigences scolai- grands tableaux nosologiques, la démarche dia-
res, des activités proposées dans les divers champs gnostique, la conduite des bilans et évaluations
disciplinaires, nous essayons de répertorier les ne sont donc pas abordés ici : ils ont fait l’objet
points spécifiques où ces activités croisent, solli- d’autres ouvrages [1, 6]. Par ailleurs, il n’est
citent précisément le handicap de l’enfant dys- question dans celui-ci que de la dyspraxie
praxique. Cela permet de préciser la nature des « manuelle » (et/ou oculaire), à l’exclusion de la
aides, matérielles et humaines, dont ces jeunes dyspraxie buccofaciale, buccophonatoire ou de
ont besoin pour effectuer une scolarité qui, com- la parole qui fait partie intégrante des troubles
pensant leur handicap en termes de moyens mis de la parole et du langage.
11
Les préalables à tout Chapitre 2
projet thérapeutique
« Les qualités objectives (physiques et intellectuelles) des hommes
peuvent être différentes, cela n’atteint pas ces hommes dans leur
être même.
Ils ne sont ni inégaux ni différents, ils sont incomparables. »
A. Pichot12
13
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
14
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique
Ces capacités inédites sont rendues possibles donnée : leur enseignement progressif par les
par les impressionnantes capacités d’apprentis- adultes contribue à inscrire l’enfant dans son
sage dont les humains sont dotées ; elles consti- environnement social et culturel.
tuent le fondement de la variété des cultures
humaines et sont systématiquement exploitées Exemples de gestes culturels
par l’éducation d’une part, par la scolarisation (et de leur variabilité en fonction
de l’époque et du lieu)
d’autre part.
Se saluer (en faisant un salut de la main,
en joignant les deux mains et en inclinant le
Le non-accès à ces apprentissages (ou un
tronc, en faisant une bise, en baissant les yeux,
accès déficitaire ou qualitativement anor-
en faisant la révérence…).
mal) caractérise le groupe des « troubles spé-
Manger (avec des baguettes, une fourchette
cifiques des apprentissages » (TSA) à savoir
et un couteau, les doigts…).
les dyslexies, les dysorthographies, les dys-
calculies, les dysgraphies et les dyspraxies. S’habiller (avec un sari, un blue-jean, un
La dénomination même de ces troubles, soutien gorge, des bandes molletières, une
neurodéveloppementaux, reflète la force du cravate, des lacets, une fermeture Éclair, des
lien qui unit ces pathologies et la scolarité. boutons, des fibules…).
Écrire (avec un calame, un pinceau, une
plume, un stylo à bille ; de haut en bas ou de
Apprentissage gestuel droite à gauche…).
En ce qui concerne les gestes (ensemble inten- Conduire une voiture (ou un carrosse, un âne
tionnel de mouvements coordonnés dans le bâté, un rickshaw, un char à voile…).
temps et dans l’espace en vue de réaliser une Changer une roue (ou ferrer un cheval), uti-
action finalisée), comme pour toutes les capaci- liser une perceuse (ou un fléau, un silex, un
tés sensori-motrices et cognitives, certains res- laser, une souris d’ordinateur, un rouleau de
sortent de mécanismes « obligés », sélectionnés scotch…).
par l’Évolution et d’autres dépendent stricte- Jouer de la trompette (ou de la harpe, du
ment d’un enseignement et d’un entraînement violon, de la batterie, de la viole de gambe, de
spécifique, fonction de l’environnement cultu- l’harmonica…).
rel particulier dans lequel le sujet se développe
Allumer la lumière (ou une bougie, le gaz, un
puis évolue.
feu de bois…).
Le développement des coordinations sélection-
Éteindre son réveil (ou sonner les cloches,
nées par l’Évolution suit un rythme chronolo-
retourner un sablier, construire un cadran
giquement contraint et hautement prévisible,
solaire).
connu sous le terme de « développement psy-
chomoteur » : tenue de tête, ramper, station Se faire un brushing (ou des nattes, un
assise, quatre pattes, prise fine pouce-index, chignon…).
station debout, marche libre, équilibres stati- Jouer à la marelle (ou avec des cubes, en
ques, équilibres dynamiques (sauts), réception construisant une cabane, avec un diabolo, une
de mobiles (balles), etc., développement inté- console de jeux).
grant également les coordinations oculomotri- Tisser, tricoter ou broder, etc.
ces et oculomanuelles qui jalonnent cette
évolution et la rendent possible. Classiquement,
c’est un retard (ou une anomalie qualitative) Ces gestes, qui emplissent notre quotidien,
dans ce développement-là qui est désigné par le dépendent étroitement de l’époque, de la région
terme, toujours très employé, de retard psycho- du monde et même de la famille dans laquelle
moteur ou TAC. nous sommes nés. Certains savent jouer du
D’autres gestes au contraire, « facultatifs » au piano, faire du tennis ou gaver les oies, d’autres
regard de l’Évolution, sont cependant indispen- utilisent habilement une scie, un vilebrequin
sables dans une communauté ou une société ou une poêle à crêpes. D’autres ne savent pas et
15
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
ne sauront jamais faire ces gestes de façon essai, il conçoit et planifie le geste (sa finalité,
habile : cela dépend de choix personnels et/ou sa réalisation, son contrôle proactif) puis, lors
de l’environnement dans lequel nous avons de sa réalisation effective, il perçoit les carac-
grandi et dans lequel nous évoluons. téristiques du geste accompli (réglages postu-
raux, amplitudes, force, configuration des
Cependant certains gestes doivent être différents segments corporels, trajectoires…)
acquis, à certains âges, dans certaines cultu- et il introduit des corrections en fonction de
res, sous peine de constituer, dans cet envi- l’appréciation du résultat obtenu (boucle de
ronnement-là, un handicap. contrôle efférences/ré-afférences, régulation
rétro-active). Au cours des essais successifs
(apprentissage par essais et erreurs), un
Ainsi, se laver et prendre soin de son apparence « schéma moteur » de plus en plus performant
(se raser, se coiffer…), manger et s’habiller émerge normalement peu à peu, dont les
conformément aux habitudes de son groupe caractéristiques se rapprochent de plus en
d’appartenance, mais aussi, dans les pays indus- plus en plus du geste expert.
trialisés, traverser la rue, conduire une voiture,
écrire, utiliser les outils scolaires (trousse, car- Mais suffit-il de « voir faire » (observation) ou
table, règle, compas…) et l’ordinateur sont, bien le geste s’apprend-il essentiellement en
entre autres, des acquis indispensables. s’exerçant, en l’effectuant, en expérimentant
par essais et erreurs successifs jusqu’à la consti-
tution du « bon geste », celui qui, harmonieux et
Les anomalies de constitution et d’automati- efficace, peut s’automatiser et s’effectuer avec
sation de ces gestes appris (alors que l’enfant un minimum de contrôle attentionnel ? En
a bénéficié d’un enseignement habituel) sont outre, lors de l’entraînement, comment prendre
la caractéristique clinique qui spécifie le en compte les différents éléments susceptibles
groupe des dyspraxies. de faciliter l’apprentissage : réalisation effective
C’est lorsqu’elles sont isolées (en l’absence du geste, nature et importance des feed-back
d’antécédent de retard psychomoteur) que (informations en retour) restitués à l’apprenti
les dyspraxies sont les plus typiques mais sur sa performance, simulation et convocation
aussi les plus difficiles à diagnostiquer. Au consciente de l’image motrice, description ver-
contraire, lorsque tous les gestes se dévelop- bale de certains aspects du geste ? etc. Ces ques-
pent de façon anormale (retard psychomo- tions sont évidemment cruciales en rééducation.
teur et dyspraxie), le diagnostic est plus De très nombreux travaux, issus aussi bien des
précoce et alors plus souvent dénommé TAC neurosciences que des techniques d’entraîne-
(trouble d’acquisition des coordinations). ment pour des sportifs de haut niveau, cher-
chent à éclaircir ces points ou à définir leur
importance réciproque [10]. Nous renvoyons le
Différents mécanismes peuvent être à l’origine
lecteur à ces études et publications qui consti-
de ces apprentissages gestuels (y compris un
tuent un corpus théorique encore disparate
dosage en proportions variées de ces différentes
pour comprendre comment les sujets tout-
procédures) :
venant acquièrent un nouveau geste. Les études
• l’observation (spontanée ou organisée délibé- chez le sujet dyspraxique – c’est-à-dire chez
rément comme dans la démonstration) : on lequel certaines des stratégies efficaces chez le
montre le geste à accomplir (ou un élément sujet « normal » se révèlent inutilisables – sont
caractéristique ou une séquence de ce geste) plus rares et plus parcellaires [11].
que l’enfant doit regarder attentivement ;
Nous rappelons ici simplement certaines des
• l’imitation : l’enfant observe dans l’intention données les plus récentes concernant les « neuro-
de reproduire ensuite le modèle le plus exacte- nes miroirs ». La mise en évidence, il y a environ
ment possible ; dix ans, de neurones bimodaux, visuo-moteurs, a
• l’entraînement : l’enfant tente de réaliser le en effet considérablement modifié notre percep-
geste (ou l’enchaînement gestuel). À chaque tion des mécanismes qui régissent l’apprentissage
16
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique
gestuel. Ces études font état de deux sortes de certains peuvent imiter des gestes signifiants et
neurones visuomoteurs [12] : sont incapables d’imiter des gestes sans significa-
• les neurones dits « canoniques » – les voies tion (configurations digitales ou manuelles arbi-
pour l’action (le « comment faire ») – réagis- traires) ; d’autres ne peuvent pas imiter des gestes
sent à la présentation d’objets « manipulables ». que par ailleurs ils reconnaissent et identifient
Ils assurent une association systématique et parfaitement, et qu’ils peuvent même produire
adéquate entre la vision et les caractéristiques sur consigne verbale. Cette distinction (entre ges-
fonctionnelles de l’objet. Ils codent la repré- tes connus ou inconnus du sujet) est fondamen-
sentation motrice d’une interaction correcte tale, en particulier lorsqu’on envisage un
avec l’objet. Ils précisent donc comment attra- apprentissage gestuel intentionnel (ce qui est le
per, saisir l’objet et comment agir (cf. la notion cas pour les gestes « culturels », spécifiquement
d’affordance selon Gibson [13, 14]) ; praxiques) [10]. Enfin, les neurones miroirs ne
sont impliqués que par le but (la signification, la
• les neurones dits « miroirs » – les voies pour la finalité, l’intentionnalité) de l’action : ils ne codent
perception et la sémantique de l’action (le pas les détails (morphologiques, cinématiques) de
« pour faire quoi ») – s’activent lors de l’obser- la réalisation du geste, et l’observateur n’est pas
vation d’une action faite par autrui (certains sensible aux caractéristiques fines du modèle.
neurones ne répondent qu’à un type d’action).
G. Rizzolatti a montré que l’observation d’une
action provoque, chez l’observateur, l’activa- C’est la raison pour laquelle voir autrui réali-
tion des mêmes réseaux de neurones que la ser un geste aide peu l’observateur naïf à réali-
réalisation effective du geste (aires frontales ser avec habileté (ou précision) ce même geste.
prémotrices et pariétales). Leurs propriétés en C’est encore plus vrai chez l’enfant qui évalue
font (entre autres) des candidats de choix encore mal sa propre posture et qui maîtrise
pour contribuer à l’apprentissage par observa- mal l’organisation des différents segments
tion et imitation. Cependant, pour activer corporels entre eux et par rapport à l’axe.
cette classe de neurones, l’action observée
doit répondre à certains critères :
Par ailleurs, Michel Desmurget insiste sur l’inté-
– impliquer principalement les mains et/ou la
rêt de distinguer différents types de gestes, dont la
face,
réalisation impose des contraintes d’apprentis-
– se rapporter à des postures corporelles, des sage différentes : les morphocinèses et les chrono-
mouvements de type biologique, cinèses d’une part, les téléocinèses d’autre part.
– concerner une action finalisée dont l’obser- Les morphocinèses (organisation morpholo
vateur comprend le but, la signification, gique du geste réclamant des coordinations
l’intention. spatiales) et les chronocinèses (organisation
A contrario, cela implique que la vision de l’objet chronométrique du geste, réclamant des coor-
seul, le mime, les gestes arbitraires ou une action dinations rythmiques et temporelles) sont des
qui n’est pas porteuse de sens pour l’observa- gestes dans lesquels les trajectoires et la forme
teur, ne déclenchent pas de réponse des neurones finale du geste sont parfaitement spécifiées.
miroirs : un apprentissage préalable est donc Cela permet, lors des essais successifs et de l’en-
nécessaire à leur mise en route. Les gestes connus traînement progressif, l’émergence d’une repré-
et les gestes nouveaux (du point de vue du sujet) sentation codée (abstraite, a-modale) stipulant
ne sont pas traités par les mêmes voies [15, 16]. les caractéristiques du geste. Ainsi, pour ce type
Ceci est corroboré par des travaux en imagerie de gestes, une représentation abstraite de la
fonctionnelle [17, 18] : l’imitation de gestes arbi- forme et/ou de la structure temporelle (ou ryth-
traires active des réseaux partiellement différents mique) s’élabore, qui spécifie les rapports topo-
de l’imitation de gestes signifiants, (re)-connus logiques et/ou chronologiques des différentes
par le sujet. Cela rend bien compte de certaines composantes du geste. L’apprentissage consiste
dissociations observées en pathologie, chez des alors à s’approcher puis à acquérir (à stocker en
sujets apraxiques (et chez de jeunes dyspraxiques) : mémoire) « le bon geste ».
17
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
18
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique
compétences spatiales (espace corporel, espace sans que nous ne puissions exercer intention-
de préhension, espace lointain, espaces coordon- nellement un contrôle sur leur déroulement.
nés dans un système de repères ego- et exocen- Cette gestion automatisée de l’essentiel de l’acti-
trés que le sujet doit pouvoir manipuler et vité cérébrale – qui concerne l’ensemble des
coordonner) ; si on prend en compte l’impor- tâches habituelles, routinières pour le sujet –
tance fondamentale des fonctions exécutives, laisse ainsi disponibles des ressources atten-
qui jouent un rôle à plusieurs niveaux de l’action tionnelles qui peuvent être allouées à :
(décision et pertinence à déclencher tel geste,
• des activités non encore automatisées, qui
motivation, anticipation des conséquences, pla-
requièrent donc le contrôle et la régulation de
nification et stratégie pour la réalisation de l’ac-
différents paramètres encore non coordonnés
tion, comparaison entre le projet et le résultat) ;
ou encore non suffisamment maîtrisés ; tou-
si on réalise que, à tous les niveaux, les systèmes
tes les tâches nouvelles ou en cours d’acquisi-
de régulation (sensori-moteurs et cognitifs) du
tion pour le sujet nécessitent attention et
geste peuvent intervenir en amont de la réalisa-
contrôle volontaire. C’est la raison pour
tion (contrôle pro-actif) et/ou en aval de son
laquelle elles sont perçues comme « difficiles »
déclenchement (contrôle rétro-actif) ; alors, on
et fatigantes par le sujet.
comprend la grande variété des troubles du déve-
loppement gestuel, chaque élément cité ci-dessus C’est le cas de toutes les tâches en cours d’ap-
pouvant potentiellement se développer de façon prentissage (et non encore automatisées) et de
atypique et/ou anormale et ce, isolément ou en celles qui sollicitent des fonctions pathologi-
combinaison avec d’autres… ques (gestuelles et spatiales en cas de dyspraxie,
linguistiques en cas de dysphasie/dyslexie ;
« Le TAC se caractérise par une grande inhibition en cas de trouble dysexécutif, etc.) ;
hétérogénéité tant dans ses manifestations • des activités dites de haut niveau (résolution
symptomatiques que dans l’ampleur de situations–problèmes au sens très large du
de celle-ci. » terme, compréhension…), qui réclament la
J.-M. Albaret, P. de Castelanu14 coordination et le contrôle de divers paramè-
tres dont la conjonction est rare ou que le sujet
Sur un plan clinique, il est plus efficace de rencontre pour la première fois (adaptation à
distinguer : des situations nouvelles).
• des dyspraxies « de conception » ou encore de Dans ces deux cas, on parle de processus contrô-
planification, souvent associées à des troubles lés (par les fonctions attentionnelles et exécuti-
des fonctions exécutives ; ves) ; on dit aussi que ces tâches requièrent une
• des dyspraxies « de production » [19] (Stamback importante charge mentale.
et al. [20] parlent de dyspraxie « motrice », qui
s’accompagne de troubles visuels et spatiaux), Notion de double tâche
les plus fréquentes lorsque la dyspraxie est Les performances attentionnelles (au sens neu-
isolée (sans autre dys- associé). ropsychologique du terme) caractérisent un
individu donné, à un moment donné de son
Processus contrôlés versus développement : l’attention se développe et évo-
automatisés lue, comme toutes les autres fonctions cogniti-
ves, avec l’âge (se reporter aux tests étalonnés
La grande majorité des processus perceptifs, d’attention chez l’enfant, tels que ceux de la
sensori-moteurs et cognitifs, se déroule norma- NEPSY ou du TEA-Ch, ECPA éd.).
lement sans intervention volontaire de la part
du sujet, hors de notre champ de conscience et Surtout, l’attention est une fonction aux
multiples facettes dont « la quantité et la
14 Albaret JM, de Castelanu P. Démarches diagnosti- qualité » ne sont pas extensibles à volonté : on
ques pour le TAC. In : Geuze RH. Le trouble de l’ac-
parle de réservoir à capacité limitée.
quisition de la coordination. Marseille : Solal ; 2005.
19
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
20
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique
seulement ils s’y épuisent (lenteur et fatiga- et/ou leurs répercussions en proposant un
bilité) mais, surtout, ils sont en double tâche enseignement explicite là où les autres enfants
dès qu’ils prennent leur stylo ou leur crayon, développent normalement un savoir ou un
ce qui compromet gravement leur accès aux savoir-faire implicite, secondairement automatisé.
notions essentielles pour laquelle pourtant
la tâche a été conçue (orthographe et/ou
apprentissage de vocabulaire et/ou élabora- Par définition, chez l’enfant souffrant d’un
tion d’un texte…). handicap, les activités travaillées en réédu-
cation restent sous contrôle attentionnel
(comme une activité « en cours d’apprentis-
Les dys- ou TSA : le sur-handicap sage ») : il ne faut jamais l’oublier lorsqu’on
de la double tâche propose à l’enfant d’utiliser telle ou telle stra-
tégie en classe (c’est-à-dire lorsqu’un autre
On voit, par les exemples précédents, qu’un des apprentissage est simultanément requis).
problèmes essentiels, que ces enfants dys- ren-
contrent lors de tous les apprentissages et tout
au long de leur scolarité, réside dans le fait qu’ils Ainsi, ce n’est pas la même chose, pour un jeune
ne peuvent réaliser facilement ni « routiniser » atteint de dysgraphie dyspraxique, de pouvoir
des traitements de « bas niveau » (sensori- dessiner à peu près correctement les lettres en
moteurs, gestuels et spatiaux), traitements qui individuel, durant la séance d’ergothérapie
font normalement l’objet d’une acquisition (le graphisme manuel et le dessin des lettres
implicite puis d’une automatisation chez les sont alors la seule tâche visée) ou bien durant
enfants tout-venant. une dictée en classe, ou lors de la prise de notes
ou lors d’une rédaction. Dans ces derniers cas,
les tâches visées par l’enseignant supposent
De ce fait, des tâches élémentaires restent
obligatoirement une certaine automatisation
« coûteuses » pour les jeunes dyspraxiques. du graphisme.
Elles sont à l’origine de situations quasi per-
manentes de double tâche, le plus souvent à Sinon, l’enfant est en double tâche et c’est tou-
jours la tâche de bas niveau (ici, la réalisation du
l’insu des adultes.
dessin des lettres) qui le mobilise et vide l’es-
sentiel de son réservoir attentionnel, aux dépens
Il faut donc, après avoir analysé les troubles de la tâche de haut niveau (orthographe, compré-
aussi finement que possible (cf. p. 8), être en hension, élaboration et planification d’un texte…)
mesure de lister les activités dans lesquelles ces qui ne peut donc pas être traitée (ou, dans le
capacités déficientes sont normalement (et sou- meilleur des cas, seulement partiellement).
vent implicitement) sollicitées (cf. chapitre 7).
Ensuite, il faut en informer l’enfant et les parents Exemple
pour l’en libérer au maximum, mais aussi les Beaucoup de parents (ou d’adultes en géné-
rééducateurs et les enseignants afin que les ral) signalent combien ils sont dépités de
mesures proposées soient réellement comprises constater que l’enfant peut faire certaines
et acceptées de tous. choses à certains moments, ponctuellement,
sans arriver à les effectuer systématique-
Rééducations, apprentissages ment à chaque occurrence. Ils sont alors per-
suadés que l’enfant fait preuve d’une
explicites et processus contrôlés certaine mauvaise volonté (« quand il veut,
La rééducation, chez l’enfant, consiste en un il peut ») ou qu’il se complaît dans la dépen-
enseignement dont la méthodologie particu- dance à l’adulte (« il veut rester bébé »). Or,
lière doit tenir compte du symptôme, du méca- la plupart du temps, il s’agit de gestes acquis
nisme sous-jacent aux troubles et du diagnostic. en rééducation (lacets, habillage (cf. p. 184),
L’objectif est de tenter de réduire les symptômes diverses constructions, graphisme manuel,
▲
21
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
etc.). L’enfant peut produire ces gestes (avec Le choix de l’écriture manuelle, dans le cas
même une bonne réussite) si : (malheureusement fréquent) où cette dernière
il ne fait que cela ; reste sous contrôle attentionnel (double tâche),
il n’est pas fatigué ;
peut donc constituer un grave sur-handicap.
il peut concentrer toute son attention uni-
quement sur cette tâche ;
il dispose d’un temps suffisant (générale-
Méthodes de rééducation
ment plus long que la normale).
La prescription des rééducations prend racine
Mais, s’il veut suivre la conversation en dans le diagnostic (de maladresse gestuelle, de
même temps qu’il coupe sa viande (double dyspraxie, de retard psychomoteur ou de TAC),
tâche), alors il doit choisir : ou couper la le plus souvent à raison d’une ou deux séances
viande (geste non automatisé, appris et réa- par semaine durant une durée indéterminée
lisable en rééducation) ou suivre la conver- (souvent plusieurs années). Mais, outre le fait
sation (cf. p. 180)… De même, s’il doit finir que la situation de double tâche – pourtant
de copier au tableau et écouter les explica- centrale – est habituellement méconnue (ou
tions de l’enseignant, mettre son manteau négligée), les rééducations individuelles (psy-
et répondre à son copain, tirer un trait et chomotricité, ergothérapie) ne spécifient jamais
réfléchir à la conversion des millimètres en ni les objectifs ni le contenu des séances, laissés
centimètres, écrire à la main et planifier sa à l’initiative des différents professionnels.
phrase… Chacun d’entre eux, en effet, est formé pour
évaluer les troubles (chaque professionnel dis-
pose de bilans spécifiques) puis mettre en
Il faut donc savoir évaluer le « coût » imposé œuvre les remédiations, rééducations et entraî-
au jeune dys- lors de la réalisation de telle ou nements. Ces rééducations font appel à diffé-
telle tâche, et savoir préciser quand, à quelles rentes techniques, généralement fonction de la
doses et dans quel cadre on peut demander formation et des convictions du professionnel,
telle ou telle performance à l’enfant. proposant des entraînements variés, souvent
présentés sur un mode ludique et ciblés sur les
Il faut aussi évaluer la pertinence d’une réédu échecs de l’enfant lors du bilan.
cation qui donne des résultats visiblement
satisfaisants en situation « artificielle » mais
qui, de façon masquée, induit un sur-handi- Méthodes traditionnelles
cap caché en situation « écologique ». ou « classiques »
Il s’agit de méthodes dites sensori-motrices, ou
En effet, s’il n’est pas a priori très grave de ne encore globales, qui visent à entraîner (restau-
pas bien dessiner les lettres (du moment qu’on rer) simultanément les fonctions sensorielles
peut laisser une trace écrite durable et de qua- (proprioception ; kinesthésie ; fonctions vesti-
lité), il peut être dangereux de favoriser le gra- bulaires, tactiles), motrices (équilibres ; coordi-
phisme manuel si cette performance se réalise, nations statiques et dynamiques avec jeux de
tout au long de la scolarité, aux dépens des ballon, de cerceaux, de sauts, de grimper ; coor-
tâches de haut niveau normalement liées à l’écrit dinations œil–main), spatiales (parcours sous
(orthographe, prise de notes, écoute de l’ensei- diverses formes), schéma corporel…, toutes
gnant, constitution de liens, compréhension, fonctions impliquées, à divers degrés, dans la
mémorisation, rédaction de textes…). L’enfant réalisation et la régulation du geste [21].
écrit de mieux en mieux (cf. p. 50) et, croit-on,
« comme tout le monde » (partie visible de l’ice- « Ces techniques peuvent certes donner
berg, cf. figure 3.1) mais en fait, plus il écrit à la des résultats positifs (par exemple, l’enfant
main, plus il perd d’informations (partie cachée progresse dans les exercices travaillés,
de l’iceberg)… comme l’équilibre ou la réception
22
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique
23
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
24
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique
tâche précise (saut, lancer, écriture, habillage…) • ai-je bien réussi ? (comparaison entre la réali-
et en variant les contextes de l’action (il s’agit sation, le résultat final et le projet initial, feed-
de varier les contraintes pour lesquelles la réa- back) et, le cas échéant, qu’ai-je raté et
lisation du geste est requise afin de gagner en pourquoi ? (analyse et repérage explicite du
souplesse de réalisation, et de favoriser la pos- problème rencontré, énonciation des solu-
sibilité de transferts vers d’autres gestes pro- tions à mettre en œuvre pour y remédier).
ches mais non travaillés).
On prévoit une série limitée de séances (12 à
Les études évaluatives [30] montrent une amé- 15 séances) d’une heure chacune, à raison d’une
lioration statistique notable des performances ou deux fois par semaine.
du groupe rééduqué selon ces techniques par
Les différentes évaluations de ces pratiques
rapport aux groupes témoins (auxquels on a
[35-37] concluent à une amélioration significa-
proposé une rééducation « classique »). Mais, là
tivement plus importante qu’avec les méthodes
encore, l’amélioration est mesurée par le score
contrôle (méthode classique, Ayres…), avec
obtenu à un test gestuel, le M-ABC [31], alors
des résultats qui se maintiennent après l’arrêt
que les auteurs soulignent une importante fai-
des rééducations et peuvent se transférer à
blesse : ces progrès ne sont pas toujours perçus
d’autres habiletés non travaillées.
par les enfants eux-mêmes, ni surtout par leurs
enseignants, posant toujours la question (pri-
mordiale) de la fonctionnalité des progrès « Les analyses montrent également une
obtenus. amélioration significative au niveau
d’habiletés non ciblées par la prise
en charge. (…)
Méthodes cognitivoverbales La CO-OP conduit à des améliorations
statistiquement plus importante que
Il s’agit d’approches qui font appel, consciem- l’ergothérapie traditionnelle. »
ment, à des stratégies cognitives de type ana- H.-J. Polatajko, N. Cantin17
lyse de tâche et résolution de problèmes.
S’appuyant explicitement sur le raisonnement, Ce sont, à ce jour, les seules méthodes aux résul-
la mémoire et le langage et s’inspirant des tra- tats positifs nets et ce, probablement pour trois
vaux de Meichenbaum en 1977 [32], elles ont raisons :
été à l’origine de différentes méthodes, telles
l’autoguidage ou les auto-instructions verbales, • ce sont des méthodes actives, dans lesquelles
ou encore, plus récemment, la méthode CO-OP l’enfant est acteur (c’est lui qui produit l’ana-
(Cognitive Orientation to daily Occupationnal lyse de la tâche, des erreurs…) ;
Performance) [33, 34]. • on met en avant ses compétences, on utilise
On délivre des instructions verbales et on four- les « points forts » du jeune dyspraxique : le
nit des feed-back précis, fondamentaux dans langage, le raisonnement, la séquentialisation
cette approche, pour permettre à l’enfant de de la tâche ;
juger de sa performance et d’en modifier les élé- • on lui apprend à raisonner sur ses difficultés,
ments jugés maladroits ou insuffisants ou ratés. ce raisonnement étant facilement généralisa-
Le jeune, lui, est mis en situation de résolution ble (la tâche actuelle n’en étant qu’une
de problème (but–planification–action–vérifi- particularisation).
cation), concrètement sollicité par une série de Notons encore, au sein des méthodes cognitives,
questions : l’imagerie motrice [38]. Il s’agit de la capacité à
• que dois-je faire, quel est mon problème ? s’imaginer et à se représenter en train d’agir, en
(déterminer et énoncer le but poursuivi) ; simulant une action réelle effectuée par soi-même
• comment vais-je m’y prendre ? (déterminer la ou par autrui. Très utilisée pour les apprentissa-
stratégie) ; ges moteurs dans le cadre de la performance
• que dois-je faire ? (énoncer précisément les
étapes, leur contenu et leur organisation) ; 17 Polatajko HJ, Cantin N. Op. cit.
25
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
sportive de haut niveau ou en milieu scolaire, ces le fait de savoir se rhabiller en sortant des
techniques ne peuvent guère être mises en œuvre toilettes, cf. p. 185)… Dans ces cas, une straté-
avec efficacité avant l’âge de 7–8 ans. En effet, des gie séquentielle et verbale (petite comptine à
études récentes [11] ont montré que ce n’est que savoir par cœur, stratégie CO-OP) est, comme
très progressivement, entre 5 et 7 ans, que ces nous venons de le montrer, le choix le plus
capacités d’imagerie motrice émergent. efficace et le plus judicieux ;
En résumé, ces méthodes : • restaurer (au moins partiellement) les proces-
• visent à réduire tel ou tel symptôme précis, sus pathologiques sous-jacents (approches
particulièrement gênant dans la vie de l’en- orientées vers le déficit). Ces approches, très
fant (méthode orientée vers la tâche) ; elles ne critiquables, sont actuellement abandonnées :
prétendent nullement restaurer la fonction – d’une part, comme nous l’avons montré plus
gestuelle, et encore moins agir sur un (ou des) haut, elles n’ont jamais fait leurs preuves,
processus déficitaire(s) supposé(s) à l’origine – d’autre part, les processus déficitaires possi-
des troubles ; blement en cause sont très nombreux, mal
• surtout, sollicitant explicitement et intention- connus dans leurs inter-relations et probable-
nellement les fonctions verbales et raisonne- ment différents selon les enfants (cf. p. 18–19) ;
mentales du jeune, elles mobilisent ipso facto dans ce domaine, de très nombreuses hypo-
une part importante de ses ressources atten- thèses ont été proposées [39], testées, plus ou
tionnelles. moins partiellement validées dans certains
groupes d’enfants, mais il faudra attendre des
Ces stratégies cognitivoverbales sont certaine- résultats plus concluants, et probablement
ment les mieux adaptées à l’enfant dyspraxi- scinder le groupe des enfants TAC et/ou
que, à condition qu’elles ne concernent que : dyspraxiques, pour mieux comprendre la
(les) racine(s) de leur handicap,
• un petit nombre d’activités, bien ciblées et
– enfin, même si les processus pathologiques
dont la réalisation est socialement ou sco-
en cause pouvaient être précisés, il n’est pas
lairement indispensables (cf. p. 185) ;
certain que ces déficits primaires soient
• surtout, des activités ponctuelles, qui peu- accessibles à la rééducation ;
vent être réalisées isolément, du fait des
importantes ressources cognitives (atten- • limiter le handicap : c’est bien sûr l’option la
plus rationnelle et, de loin, la plus efficace. Le
tionnelles) qu’elles requièrent, ce qui exclut
handicap résulte de l’intersection entre une
qu’elles puissent être utilisées pour améliorer
incapacité (ici gestuelle et/ou visuospatiale) et
le graphisme manuel en situation scolaire…
l’environnement. Une même incapacité (par
ex., incapacité à se repérer sur un plan) n’a pas
Car, in fine, la véritable question n’est pas celle de la même répercussion fonctionnelle selon le
méthodes de rééducation, mais bien celles des contexte dans laquelle elle s’exprime : très
objectifs auxquels elles sont censées répondre. gênante si le jeune se promène en ville et se
perd, elle devient négligeable en voiture s’il
dispose d’un GPS… Il en va de même pour :
Objectifs des rééducations
– la dysgraphie : peu gênante pour écrire une
Théoriquement, on peut viser trois sortes d’ob- liste de courses, tranquillement, au domi-
jectifs, isolément ou en association : cile, un dimanche matin ; catastrophique
• réduire le (ou les) symptôme(s) (approches s’il s’agit de prendre des notes durant un
orientées vers la tâche) : c’est une stratégie qui cours et que ces notes s’avèrent ensuite être
n’a de sens que si elle s’applique à quelques lacunaires et illisibles,
rares symptômes, ponctuels, bien circons- – l’habillage, où le handicap peut résulter
crits, à des tâches bien répertoriées et peu d’une contrainte particulière telle la rapi-
nombreuses, qui induisent une gêne particuliè- dité ou encore le fait que le corps soit humide
rement humiliante et incontournable (par ex., (sortie de piscine), etc.
26
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique
Cela suppose donc de repérer les situations Ce que n’est pas le projet
de handicap : à l’école ou au domicile ou lors thérapeutique individuel
de telle activité et, précisément, dans telle ou
telle circonstance. À partir des éclairages et exemples précé-
On peut alors selon le cas, l’efficacité et le dents, il apparaît donc, comme en négatif, ce
type de résultat recherché : tenter de réédu- que ne doit pas être le projet thérapeutique
quer le jeune (en choisissant une approche d’un enfant dys- en général, dyspraxique en
cognitivoverbale) et/ou aménager les condi- particulier.
tions environnementales.
Ce n’est pas une réponse
stéréotypée à un diagnostic
Le projet thérapeutique individuel comprend
donc toujours trois grands axes, qui doivent Quelquefois le diagnostic de dyspraxie, émer-
être clairement identifiés : geant à la fin d’une démarche bien conduite,
déclenche « la » prise en charge, comme une
• rééduquer (méthode cognitivoverbale) un ou
réponse automatique : ordinateur, psychomo-
deux gestes, une ou deux tâches, dont la réali-
tricité, ergothérapie, AVS…
sation apparaît actuellement incontournable
et indispensable ;
• aménager (adapter, pallier) les situations géné- Pourtant, s’il est certain qu’il y a, comme
ratrices d’un handicap. Pour les enfants qui dans toute pathologie, des indications-types
nous occupent, ce handicap peut être social qui répondent au noyau commun justifiant
(repas, habillage, sports et loisirs) ou scolaire. que tous soient réunis sous le même vocable
Entre 4 et 16–20 ans, dans nos cultures, l’es- « d’enfants dyspraxiques », il est indispensa-
sentiel du projet se concentre autour de l’école,
ble de penser la thérapeutique comme une
lieu d’apprentissage mais aussi, par la confron-
prescription « sur mesure », extrêmement
tation permanente avec les pairs, lieu où se
individualisée.
forgent les identifications, l’image de soi, la
personnalité ;
• contourner, éviter… Il faut renoncer à tout En effet, sur le plan purement clinique, le dia-
rééduquer ! Il faut savoir éviter certaines gnostic de dyspraxie s’actualise au sein d’his-
situations, renoncer à certaines habiletés toires individuelles et familiales particulières :
« facultatives ». Bien sûr, c’est au cas par cas, quoi de commun entre un enfant qui présente
lors de discussions avec l’enfant et sa une dyspraxie isolée, sans aucun autre signe
famille, en fonction de son projet, de sa per- associé, de très bon niveau verbal, très soutenu
sonnalité, de ses goûts et intérêts qu’il faut par des parents informés et étayants, et un autre
négocier pour faire accepter certains atteint simultanément d’un déficit des fonc-
renoncements… tions exécutives, dont les compétences verbales
sont « limites » et les parents dépassés ; ou
encore cet autre qui souffre aussi de troubles
gnosiques visuels sévères associés à des troubles
Ce projet doit en permanence (au moins une
du comportement ? Tous, pourtant, peuvent, de
ou deux fois par an) être évalué (au regard
façon justifiée, être repérés à la MDPH comme
des objectifs et sous-objectifs explicitement
« dyspraxiques ».
visés) puis réajusté, en fonction des résultats
obtenus (ou non) et de l’évolution des Chaque mosaïque de symptômes, chaque his-
toire familiale, chaque trajectoire, représente
exigences environnementales (elles-mêmes
une situation unique qui doit donner lieu à un
variables en fonction de l’âge de l’enfant, du
projet au plus près des besoins de chaque enfant,
projet scolaire lui-même, etc.)
de chaque famille.
27
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
Ce n’est pas une juxtaposition cienne propose également, durant une par-
tie des séances, un travail centré sur
de projets « locaux »
l’habileté corporelle et sur les notions spa-
Mais, le plus souvent, des prises en charge tiotemporelles. L’ergothérapeute de son
démarrent sans aucun diagnostic précis ou sur côté s’intéresse aussi aux activités de la vie
une simple suspicion, à partir de la constatation quotidienne (en particulier l’habillage).
d’un symptôme (maladresse, retard psychomo- L’orthoptiste (consultée sur les conseils de
teur, dysgraphie, dyslexie, voire trouble d’accès l’ophtalmologiste), qui a constaté un impor-
au calcul…), c’est-à-dire d’une anomalie qui, tant déficit de la poursuite oculaire et une
« logiquement », apparaît comme « à rééduquer ». grande difficulté à produire des mouve-
Le symptôme est considéré comme « à éradi- ments saccadiques, a préconisé, pour com-
quer » avec l’idée (plus ou moins implicite) que mencer, une série de 20 séances. Enfin, vers
si l’anomalie peut être gommée ou réparée par le milieu du CP, désarçonnée devant les
une action rééducative adéquate, d’une certaine grandes difficultés de M. pour apprendre à
façon, l’enfant sera plus ou moins « guéri ». lire, la maman, sur les conseils de l’ensei-
gnante, a mis en place une rééducation
Au fur et à mesure que des symptômes sont
orthophonique. À noter aussi que, depuis la
repérés, en cascade, les rééducations se multi-
grande section de maternelle (date à
plient, souvent sans profit ni amélioration
laquelle, devant l’importance du retard gra-
flagrante.
phique, le diagnostic de dyspraxie a été
Exemple évoqué par le médecin scolaire), M. a été
signalé à la MDPH et dispose d’une AVS à
Le jeune M., 7 ans et demi, en fin de CP, pré-
mi-temps.
sente une dyspraxie visuospatiale (DVS), iso-
lée mais sévère s’accompagnant d’importants Quel bilan, après deux ans de cette prise en
troubles du regard. Lorsque nous le rencon- charge intensive, mais sans aucune cohé-
trons, les parents organisent eux-mêmes le rence globale ?
suivi de leur enfant en un ballet continu de L’enfant est épuisé (ses parents aussi) mais,
rééducations en libéral (six séances hebdo- malgré cette débauche d’aides matérielles
madaires). Ils sont allés de spécialiste en spé- et humaines, en dépit des efforts consentis,
cialiste (psychomotricien, ergothérapeute, nonobstant les progrès pourtant réalisés
graphothérapeute, ophtalmologiste, orthop- (en particulier en graphisme manuel – désor-
tiste, orthophoniste, pédopsychiatre), au mais lisible – et un peu en habillage), M. n’a
gré des difficultés et anomalies notées par pas pu apprendre à lire et ne peut suivre le
l’école ou par tel ou tel professionnel. rythme imposé par un CP ordinaire ; il est
On leur a signalé le retard graphique : saturé, découragé et en échec sévère. Il a
M. « bénéficie » d’une séance par semaine pourtant déjà un an de retard. L’école sug-
de psychomotricité (proposée par la psycho- gère alors de continuer les apprentissages
motricienne qui avait fait le bilan initial), au sein d’une CLIS…
d’une séance de graphomotricité (sur le Ni l’enfant ni les parents ne comprennent
conseil d’une amie) et d’une séance d’ergo- pourquoi les « choses ne s’arrangent pas »,
thérapie (car on leur a parlé de dyspraxie et puisque « on a tout fait » et que M. est intel-
ils se sont renseignés sur Internet). Il dispose ligent (ce qui est attesté par l’examen psy-
aussi d’un ordinateur demandé par les chométrique pratiqué en cours d’année par
parents à la MDPH, dont il ne sait que faire la psychologue scolaire). Tout ce qu’il a
car M. est très fier de ses progrès en gra- appris, au terme de ces deux années, c’est
phisme manuel (cf. p. 50), ordinateur qui qu’il a besoin d’aide « pour tout », qu’il faut
embarrasse aussi l’enseignante mais est qu’il produise toujours plus d’efforts (dont
quand même « un peu » utilisé par l’ergo- il ne perçoit aucun résultat en retour) et
thérapeute pour entraîner M. à des jeux qu’il ne peut pas suivre ses copains qui pas-
constructifs et spatiaux. La psychomotri- sent en CE1.
28
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique
En fait, on a juxtaposé, sans logique ni cohé- On comprend que cela est difficile (voire impos-
rence d’ensemble, des rééducations « loca- sible) pour les parents qui doivent (ou qui
les » qui, isolément, semblent répondre à un souhaitent) gérer eux-mêmes les différentes
besoin, mais qui forment un patchwork dis- thérapies, d’autant qu’ils sont souvent envahis
parate et, de fait, sans efficacité. par l’angoisse de « manquer une chance » pour
En particulier, la difficulté de M. à appren- leur enfant, ce qui les incite, bien naturellement,
dre à lire n’a pas été reliée à ses problèmes à « tout essayer ». Malheureusement, même dans
de regard (cf. p. 122). Les « aides » mises en des structures spécialisées (SESSD, SESSAD,
place sont inadaptées car non spécifiques, IEM, CMPP, CMP…), le projet global reste
les liens entre les rééducations et les appren- encore trop souvent la juxtaposition des projets
tissages scolaires sont opaques et M. n’est des différents acteurs.
confronté en permanence qu’à ses difficul- Ces structures bénéficient en effet d’un plateau
tés dans lesquelles il s’enlise. technique très complet, et chaque professionnel
procède – soit à l’admission de l’enfant, soit
ultérieurement – à une évaluation spécifique de
Or le symptôme n’est qu’un signe. Rester au son domaine. Ces examens, qui permettent de
niveau du symptôme, c’est faire deux types recenser précisément les compétences et incom-
d’erreurs qui pèseront lourd sur l’évolution de pétences de l’enfant dans différents domaines
l’enfant : au regard de son âge, doivent être utilisés pour
• proposer « toujours plus de la même chose qui en faire une synthèse d’où le diagnostic, puis le
ne marche pas » (cf. p. 3) : rééduquer le symp- projet global devraient émergent.
tôme conduit à proposer plus d’entraînement, Mais, le plus souvent, la conclusion de ces diffé-
plus d’exercices, plus de démonstrations, plus rents examens – dont une partie est spécifique
d’activités préliminaires (les pré-requis, les à chaque domaine professionnel et dont une
préalables ou les supposés « stades anté- partie se recoupe (figure 2.1) – consiste en une
rieurs »), bref, plus d’efforts qui, mal choisis et sorte de listing d’incapacités assorties des
mal orientés, n’atteignent pas leur but ; rééducations censées réduire chacune : ces
• isoler chaque difficulté : si l’on isole chaque pseudo-projets sont alors restreints à une suc-
symptôme pour le traiter comme un trouble cession d’exercices conçus comme des entraî-
autonome, on s’empêche de voir (et de traiter) nements progressifs qui doivent faire reculer
le dysfonctionnement commun qui, en amont, chacun des différents symptômes.
les relie. Chaque symptôme doit être intégré Ces prises en charge se trompent d’objectif : s’il
dans un projet global et non pas être considéré est vrai que l’enfant (au prix d’un entraînement
isolément. cinq à dix fois plus important que l’enfant tout-
venant) peut (partiellement) améliorer tel ou
tel symptôme (par ex., graphisme), à quoi lui
sert ce graphisme désormais lisible si, durant
La dyspraxie n’est pas la conséquence d’un cette période de rééducation et de « progrès », il
défaut d’enseignement ni d’une insuffisance prend un retard scolaire rédhibitoire (cf. p. 19,
d’entraînement (cf. p. 4) : c’est une anomalie 49 et 137) ?
neurodéveloppementale, un handicap qui
distord ou interdit certains apprentissages « Il faut un fort besoin pour inciter des
gestuels et/ou certains traitements spatiaux. professionnels à entrouvrir chacun leur
Seul le projet global permet d’attribuer à cha- porte pour construire ce nouvel espace fait
que symptôme sa place dans la mosaïque de de l’intersection de cultures singulières.
problèmes qui assaillent l’enfant, puis de Se réunir est coûteux en énergie, en temps…
Il faut que chacun s’y retrouve. (…) De la
décliner précisément les objectifs d’un projet
multidisciplinarité à l’interdisciplinarité
individuel en termes de priorités, d’objectifs
puis à la transdisciplinarité, l’intersection
et de sous-objectifs. des savoirs partagés par ceux qui
▲
29
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
Kiné
– Motricité Ergo
– Coordinations
– Vie quotidienne
Psychomot. motrices
– Aides techniques
et oculomotrices
– Structuration
temps
– Image
APPRENTISSAGES
du corps
– VPS
– schéma
corporel
– LE Ortho
Neuropsychologue – LO
– Facteur G – Mémoires
ECOLE
– Fonctions
Enseignant
attentionnelles
et exécutives
30
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique
31
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
comme tout à fait prioritaire le projet scolaire et effet la prise de conscience des exigences du
ce, dans l’objectif d’une scolarité longue. collège qui incite à consulter, alors même que
l’enfant a généralement été repéré depuis long-
Diagnostic précoce (5–8 ans) temps comme étant en difficulté. Mais durant
et dyspraxie isolée toute la scolarité maternelle et primaire, soit on
a banalisé les troubles (« il n’est pas motivé, il est
Lorsque le diagnostic est fait entre 5 et 7–8 ans fainéant, il ne s’applique pas… »), soit on les a
(grande section de maternelle → début ou interprétés a priori en termes psychodynami-
mi-CE1), les aides adaptées peuvent être mises ques triviaux19 (« il n’a pas le désir d’apprendre,
en route précocement, autorisant ainsi la pour- il n’a pas le désir de grandir… »).
suite d’une scolarité standard de qualité, dans C’est souvent la proximité de l’entrée au collège
les temps normalement impartis. qui met en évidence l’écart entre les possibilités
Ceci est envisageable si : de l’enfant et ce qui va lui être demandé, tant en
• l’enfant fait la preuve d’un bon niveau intellec- termes de connaissances que d’autonomie et
tuel (cf. note 9, p. 9) et verbal ; d’organisation.
• la dyspraxie est isolée : les différentes évalua- Mais il est déjà bien tard : toute la scolarité s’est
tions ont exclu tout trouble de l’attention, tout déroulée non seulement sous le signe de l’échec,
déficit de la mémoire de travail, tout trouble mais aussi des exhortations inutiles (« applique-
gnosique visuel susceptible d’interférer nota- toi, entraîne-toi davantage »), des conflits (avec
blement avec les apprentissages ; les enseignants, avec les parents lors des devoirs
• il n’y a pas de graves troubles du comporte- à faire…), des déceptions et des décourage-
ment ou bien ceux-ci, modérés, peuvent être ments. L’enfant s’est construit une image néga-
rapportés à l’échec scolaire et/ou directement tive de lui (mésestime de soi) et a perdu confiance
liés à la dyspraxie (troubles secondaires, induits). aussi bien dans ses propres capacités que dans
l’aide que les adultes peuvent lui apporter.
Enfin, l’attitude des parents, réalistes quant au
trouble mais positifs et étayants, est également
un facteur qui peut s’avérer décisif. C’est pourquoi habituellement ces diagnos-
tics tardifs sont de mauvais pronostic : reflé-
tant souvent les dénégations persistantes des
En effet, la poursuite d’une scolarité au
adultes, le diagnostic est posé lors de la pré-
rythme habituel et visant des diplômes, va
adolescence ou l’adolescence, à une époque
demander à l’enfant des efforts sur le très
particulièrement difficile pour gérer la diffé-
long terme, avec des moments difficiles pré-
rence (négative) chez un jeune en grand
visibles, des déceptions, des échecs partiels
échec scolaire dont on a largement épuisé les
qu’il faudra pouvoir surmonter. La person-
velléités d’efforts et annihilé tout espoir en la
nalité de l’enfant et la qualité du soutien
scolarité.
parental peuvent être déterminants tout au
long de ce qui peut être vécu comme une
véritable course d’obstacles.
Pourtant, si l’enfant est exceptionnellement
doué sur le plan du raisonnement verbal et de
la mémoire (notes standard dans ces secteurs
Diagnostic tardif (≈ 12 ans), supérieures ou égales à 14–15, niveau verbal
mais chez un enfant « très doué » aux échelles de Wechsler faisant évoquer une
Une seconde situation peut inciter à faire le
même pari, celui d’une scolarité diplômante en
temps voulu, en dépit du diagnostic tardif. 19 L’erreur, évidemment, n’est pas l’interprétation
psychodynamique en soi (dans de nombreux cas,
L’histoire est souvent celle d’un enfant qui est elle est pertinente) mais le fait qu’elle intervienne
adressé en milieu ou fin de CM2, ou lors de la a priori comme « explicative » de l’échec scolaire et
première année de collège (p. 7, 95). C’est en soit souvent évoquée par des non-spécialistes…
32
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique
SCOLARITE « NORMALE »
= Contraintes temporelles
+++
Se socialiser,
partager, Apprendre
appartenir un métier
au groupe Obtenir des
Apprendre
diplômes
Figure 2.2. Un projet scolaire exigeant doit intégrer les contraintes temporelles.
33
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
que soient leurs capacités potentielles. Pour ces Les nécessaires anticipations
enfants, c’est là tout le challenge : il faut réussir
à transformer leurs potentialités en performan- En outre, par définition, il s’agit d’un projet à
ces effectives et ce, en un délai imposé par long terme, qui réclame endurance et détermi-
l’école. nation : il faut « tenir la distance » et ceci
concerne aussi bien le jeune et ses parents que
Il faut donc être très vigilant lorsqu’on évoque l’équipe de rééducation.
un maintien en maternelle, surtout si ce dernier
est uniquement (ou essentiellement) motivé par
un retard graphique et/ou un « manque d’auto- Il faut sans cesse savoir anticiper et prévoir
nomie ». En effet, si ces problèmes sont directe- aujourd’hui les adaptations dont le jeune
ment en lien avec la dyspraxie, le redoublement aura besoin demain, voire après-demain.
améliorera peu et seulement très temporaire- Attendre que l’enfant soit confronté à un pro-
ment les performances de l’enfant (simplement blème pour commencer à chercher ou propo-
du fait qu’il aura un an de plus…), mais la ser une solution (ou un contournement) est
dyspraxie demeurera, toujours accompagnée une stratégie inappropriée en termes de délai
de son même cortège de difficultés scolaires de mise en œuvre et donc vouée à l’échec.
s’accumulant au fil des ans. C’est aussi tout
l’enjeu d’un diagnostic précoce (en moyenne Engager le jeune et sa famille dans l’espoir
ou grande section de maternelle, cf. p. 7), qui d’une scolarité longue et diplômante est donc
permet de prendre des décisions pertinentes, une décision importante qui nécessite une
en toute connaissance de cause et en proté- bonne connaissance de l’enfant et une excel-
geant l’avenir. lente expérience des exigences scolaires que
Un « maintien » (ou redoublement) injustifié cela recouvre. C’est une décision qui doit être
peut compromettre l’opportunité ultérieure d’en discutée à plusieurs reprises, avec franchise et
faire bénéficier l’enfant si (du fait de la lenteur, réalisme avec le jeune et ses parents, en en sou-
de la double tâche, des adaptations nécessaires, lignant les points positifs mais sans minimiser
de la fatigabilité ou d’autres événements inter- les éventuels points de fragilité du projet.
currents) son niveau scolaire (en termes de Des entretiens avec le psychologue peuvent être
niveau des acquisitions) se trouvait à certains très utiles à ce stade, permettant :
moments trop loin de ce qui est attendu pour
son âge. Il vaut donc mieux, si possible, se réser- • à l’équipe d’estimer la « faisabilité » de ce projet ;
ver la possibilité d’un redoublement éventuel en • au jeune et à ses parents d’évaluer leurs pro-
primaire, puis, si nécessaire, un second (et der- pres motivations, d’exprimer craintes, réti-
nier) entre la sixième et la troisième (dans ces cences, désirs.
classes, on peut aussi proposer d’effectuer une Il faut ensuite préparer soigneusement – et réa-
année scolaire sur deux ans, cf. p. 66)… juster sans relâche – des années durant, chaque
Au-delà de ces deux années de décalage, il faut élément du projet thérapeutique. Car ce type
savoir conseiller une orientation vers une scola- de projet est très exigeant : il mobilise une
rité courte, ce qui bien sûr implique aussi de énergie importante de la part du jeune, mais
réviser le projet professionnel et, par voie de aussi une disponibilité et une expérience suffi-
conséquence, à plus ou moins long terme, le santes de la part des équipes et ce, sur le long
choix de vie. terme. Un échec serait à l’origine d’une décep-
Lorsque l’enfant a deux ans ou plus de décalage tion à la hauteur des espoirs que l’on aurait fait
scolaire par rapport aux camarades de son âge, naître.
outre l’arrêt qui est donné à son projet scolaire
et professionnel, il est également en difficulté Scolarité spécialisée (CLIS, UPI)
pour se construire (on lui demande, implicite-
ment, de s’identifier à un groupe de plus jeunes), Traditionnellement, les classes spécialisées de
partager des jeux, des intérêts et des préoccupa- l’Éducation nationale (EN) sont destinées aux
tions avec ses copains de classe (figure 2.2). élèves qui ne peuvent pas (plus) suivre une sco-
34
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique
larité normale, ordinaire. Réservés aux enfants Ceux qui ont absolument besoin d’une CLIS
en grand échec scolaire cumulant des retards sont ceux qui souffrent (isolément ou en asso-
de toutes sortes, ces petits groupes (10–12 élè- ciation avec un trouble sensoriel ou moteur)
ves) permettent à l’enfant de se libérer du rythme soit :
imposé par les programmes et, au contraire, de • d’une déficience mentale et/ou de troubles
bénéficier d’un enseignement « à la carte » res- envahissants du développement (CLIS 1) ;
pectant leur rythme propre.
• d’un (ou plusieurs) dys- : ces troubles, en effet,
Les enfants inscrits dans ces classes, situées interfèrent directement avec les apprentissages
dans des écoles de quartier, bénéficient aussi scolaires et nécessitent donc des aménage-
de temps d’intégration dans les classes ordi- ments pédagogiques tout à fait spécifiques,
naires de l’école, temps choisis en fonction de qui ne peuvent prendre place au sein d’un
leur planning et des matières enseignées dans grand groupe, dans le cadre d’une scolarisa-
la classe d’intégration, ce qui favorise leur tion de masse.
socialisation et leurs relations avec des pairs
de leur âge. Pour l’instant et par défaut, c’est au sein de
CLIS identifiées comme des CLIS 4 (handicap
moteur) que sont habituellement accueillis les
Mais, dans la mesure où l’Éducation natio-
jeunes dyspraxiques. Selon les départements et
nale a prévu des classes dédiées à certaines
les moments, ces CLIS sont quelquefois aussi
pathologies, on doit aussi (surtout ?) les renommées « classes langage » (dédiées alors
concevoir comme des classes où s’applique aux enfants dyslexiques/dysphasiques) ou clas-
une pédagogie spécialisée, spécifiquement ses « troubles des apprentissages » (dédiées à
adaptée aux différents troubles que présen- l’ensemble des dys- et TSA) : ces appellations
tent ces élèves. ont le mérite de spécifier les populations
accueillies mais, malheureusement, ne sont pas
L’EN distingue en effet quatre sortes de CLIS des dénominations officielles.
(classes d’inclusion scolaire), destinées respec- Ceci n’est pas un détail sans conséquence : selon
tivement aux jeunes souffrant d’un handicap les années, la spécialisation (ou non) de l’ensei-
auditif, visuel, moteur ou mental. Ces derniè- gnant, les demandes d’admission, le public
res (CLIS « handicap mental » ou CLIS 1) sont accueilli, ces (rares) classes réellement spéciali-
les plus nombreuses et de ce fait sont les sées en direction des enfants dys- peuvent faci-
plus connues du public. C’est pourquoi les lement (re-)devenir des CLIS « polyvalentes ».
parents d’enfants dys- assimilent souvent la Actuellement, on voit se multiplier ces CLIS
proposition de classe spécialisée à une admission polyvalentes de fait qui accueillent des publics
dans une CLIS 1. Or, ces dernières reçoivent très hétérogènes (jeunes souffrant de troubles
souvent à la fois des enfants souffrant d’un du comportement, de troubles envahissants du
déficit mental, de troubles du comportement et de développement ou de déficience mentale), tan-
troubles envahissants du développement. De ce dis que la création de CLIS dédiées à des publics
fait, les parents craignent, à juste titre, que ces spécifiquement dys- est récusée. Il est vrai que
CLIS 1, polyvalentes et hétérogènes, ne répondent les CLIS « polyvalentes » facilitent une meilleure
pas aux problèmes spécifiques de leur enfant dys-. proximité géographique par rapport au domi-
D’une façon générale, on comprend d’ailleurs cile des familles. Mais c’est aux dépens de la spé-
mal pourquoi des enfants qui ne seraient por- cificité des actions qui peuvent y être entreprises
teurs que d’une déficience auditive, visuelle ou sur le plan pédagogique.
motrice isolée auraient besoin d’une CLIS : ces Or, s’il est légitime de ne pas créer de « filières »
jeunes doivent être scolarisés en milieu ordi- scolaires à partir d’un diagnostic médical, il
naire, comme le stipule la loi du 11 février 2005 est au contraire très important de regrouper les
et, si besoin, bénéficier au sein de leur classe enfants, pour les apprentissages, en fonction
standard d’une pédagogie individualisée, de de leurs besoins pédagogiques particuliers sur-
matériels adaptés et d’un AVSi. tout lorsqu’on s’adresse à ceux qui, du fait de
35
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
l’intensité et/ou la particularité de leur handi- apprendre le calcul et la numération par voie
cap, ne peuvent pas (ou plus) suivre une scola- strictement verbale sans recourir à des référen-
rité standard. ces spatiales ou expérimentales, etc.
Sur le plan pédagogique, on peut en effet distin-
guer grossièrement : Dans tous les cas, les jeunes dyspraxiques
• les enfants qui, en raison de leurs troubles, (contrairement aux jeunes déficients men-
ont besoin que les informations leur soient taux) ont besoin que leurs capacités préser-
essentiellement fournies sous forme de sché- vées, leur intelligence et leur raisonnement
mas, dessins (ou pictogrammes) ou vidéos, soient utilisés comme leviers pour favoriser
car ils sont en difficulté avec le langage (oral leurs apprentissages.
et/ou écrit). Le langage employé doit être sim-
ple, largement redondant, favorisant les refor- Dans le même temps, la façon dont leur fonc-
mulations, les phrases courtes, les consignes tionnement intellectuel est affecté par leur(s)
réduites. Les méthodes pédagogiques doivent trouble(s), les mécanismes qui gênent ou
valoriser l’observation, la manipulation, l’ex- favorisent les apprentissages doivent être
périmentation active. Cela concerne les jeu- bien connus des enseignants (cf. chapitre 7)
nes dysphasiques, dyslexiques, mais aussi une qui, en collaboration avec les services de
partie des enfants malentendants avec trou- soins, sont en charge de prévoir, au cas par
bles associés ; cas, les adaptations spécifiques (puis les pro-
• les enfants qui, à l’inverse, ont besoin de s’ap- gressions) indispensables.
puyer sur le langage pour construire leurs
savoirs et ne peuvent tirer aucun enseigne- Faute de quoi, la CLIS risquerait de n’être
ment des schémas, tableaux, dessins, mani- qu’une classe où l’on proposerait à l’enfant
pulations et expérimentation d’aucune sorte « différent » de faire « comme les autres » mais
qui, au contraire, les parasitent. Cela concerne plus lentement et plus longtemps ! Quelle serait
les enfants soufrant de dyspraxie et/ou de alors la finalité de ces classes ? Le projet de
troubles neurovisuels, mais aussi certains socialisation est, pour les jeunes dyspraxiques,
jeunes malvoyants avec troubles associés, cer- nécessaire mais très insuffisant. Le projet scolaire
tains IMC porteurs de DVS, etc. doit rester un véritable projet d’apprentissages.
Il est évidemment très difficile, pour un ensei-
gnant en charge de ces enfants intelligents, dont
Car, pour les enfants évoqués ici, l’objectif
les troubles neurodéveloppementaux interfè-
rent directement avec la scolarité, de prévoir est véritablement scolaire, en termes de
une pédagogie qui privilégie à la fois le verbal concepts et de savoirs maîtrisés et ce, dans
pour les uns et le non-verbal pour les autres20, le les mêmes fourchettes d’âge que leurs pairs.
tout au sein d’un petit groupe d’une douzaine C’est la stratégie d’accès (la pédagogie) à ces
d’enfants d’âges variés et dont le niveau scolaire savoirs qui doit être spécifiquement aména-
s’étage, selon les matières, du CP au CM2. gée (et non leur contenu).
D’autant que, dans certains domaines, les
apprentissages scolaires réclament des straté- Idéalement, il faudrait donc disposer de CLIS
gies très élaborées et tout à fait inusitées en spécifiquement dédiées aux jeunes dyspraxi-
milieu ordinaire : par exemple, apprendre à lire ques et pathologies assimilés21, des classes offi-
à des enfants qui ont des troubles neurovisuels
et ne peuvent identifier les lettres de façon
stable ou se repérer sur une ligne, ou bien 21 Sous ce terme, nous désignons tous les enfants souf-
frant d’une dys- qui épargne la sphère linguistique :
dyspraxiques bien sûr, mais aussi enfants souffrant
20 On pourrait d’ailleurs s’interroger sur la formation de troubles gnosiques visuels, de troubles visuo
de ces enseignants, qui devraient être « spécialisés spatiaux, de troubles de l’attention, quelquefois
en tout » ! regroupés sous le vocable « troubles non verbaux ».
36
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique
ciellement étiquetées « troubles des fonctions • si les rééducations et l’ensemble du projet thé-
non verbales ». rapeutique sont gérés en collaboration étroite
Nota bene : l’enfant déficient mental qui souffre par un SESSD et les parents22.
également d’une dyspraxie doit être orienté vers • si le partenariat service de soins/CLIS est
une CLIS 1 où les éventuels dys- associés au réel, efficace et d’une durée suffisante. En
déficit intellectuel doivent aussi être pris en effet, il est souvent nécessaire de prévoir un
compte. L’orientation de ces jeunes vers des projet sur deux (voire trois) années scolaires
CLIS dys- (où, par définition, les capacités rai- avant d’envisager une réintégration en milieu
sonnementales sont utilisées, voire sur-utilisées ordinaire.
sur le plan pédagogique) est toujours une erreur
Ce type de projet peut donc être proposé pour
qui, si elle rassure momentanément les familles,
préparer, dans les meilleures conditions, un
aboutit à court terme à un échec et un mal-être
retour vers une scolarité normative (et longue)
accru de l’enfant soumis à des propositions
alors que l’enfant manifeste, dans un secteur ou
dont il ne peut pas profiter (cf. p. 41).
un autre, des faiblesses importantes qui ris-
Quels enfants faut-il envisager d’orienter vers quent de compromettre, à moyen terme, la sco-
ces CLIS dédiés aux jeunes dyspraxiques ? On larité ultérieure.
peut distinguer, là encore de façon schémati-
C’est le cas de très jeunes enfants qui ont été
que, trois cas de figures :
maintenus en grande section et dont l’intensité
• l’enfant potentiellement capable d’une scola- des troubles fait redouter (alors que l’enfant a
rité longue mais qui, mal orienté ou dont le déjà un an de retard) qu’il ne puisse apprendre
diagnostic a été trop tardif, a pris un retard à lire et écrire en une seule année, lors du CP.
trop important et ne peut plus, en l’état, pré-
tendre suivre une scolarité « normale » ; Exemple
• l’enfant multidys- (cf. p. 39) ; L. est un petit garçon qui a présenté à l’âge
• l’enfant dyspraxique dont les capacités rai- de 4 ans une méningo-encéphalite. Après
sonnementales (facteur G, cf. note 9, p. 9) un bref épisode de coma et de cécité corti-
sont normales mais faibles (notes standard cale, L. reprend sa scolarité. Le père consulte
aux épreuves de facteur G verbales ≈ 7–8), en raison des inquiétudes formulées par
n’autorisant pas les compensations indispen- l’enseignante de grande section de mater-
sables nécessitées par la présence du trouble nelle, car l’enfant ne fait pas du tout les
dys-. acquisitions attendues. Lorsque nous le ren-
controns, nous notons, outre la dyspraxie et
l’important retard graphique, la prégnance
Enfant en grand échec scolaire de troubles du regard auxquels s’ajoutent
mais potentiellement capable des troubles gnosiques visuels (non-recon-
d’une scolarité longue naissance de certaines images), qui jettent
l’enfant dans la perplexité (« je sais rien, j’ar-
Il s’agit là d’utiliser la CLIS pour donner une
rive à rien »). L. est alors maintenu en grande
seconde chance à l’enfant : il est alors capital
section de maternelle. À la fin de cette
que l’enseignant de cette CLIS soit effectivement
seconde grande section, et malgré de bon-
très spécialisé et expérimenté, à l’aise avec les
nes performances intellectuelles (QIV = 105
matériels et techniques spécifiques qui vont
au WISC-IV, à l’âge de 7 ans), il ne peut pas
permettre à cet enfant de faire rapidement
écrire à la main, ne porte aucune attention
les acquisitions indispensables à son retour en
aux stimuli visuels (qui, au contraire, sem-
milieu normal.
blent le perturber) et ne reconnaît toujours
▲
37
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
38
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique
Exemples
Le programme de soins et de rééducations de Exemple 1
l’enfant est alors très dépendant du projet qui
va dicter ses impératifs : moyens particuliers à S. est une petite fille vive et intelligente qui
mettre en œuvre pour que l’enfant puisse lire et présente une hémiparésie droite congéni-
écrire en dépit de son trouble neurovisuel, par tale et, sur le plan cognitif, un manque du
exemple, ou stratégies originales d’accès au mot (dysphasie mnésique), intense et très
nombre (cf. p. 102) et ce, dans des délais brefs handicapant.
(un ou deux ans). Les choix thérapeutiques Sur le plan scolaire, à partir du CE2, on
(rééducatifs et pédagogiques) doivent donc obli- constate une difficulté particulièrement
gatoirement s’ordonner autour de ces priorités. sévère en numération et calcul. En explo-
rant cette impossibilité à progresser en
L’enfant « multidys- » numération, nous découvrons que S. est
incapable d’associer un mot oral précis à
Le petit groupe, une bonne appréhension des une quantité ou à un nombre écrit en chif-
troubles par un enseignant formé et la mise en fres arabes : elle ne peut ni nommer les
œuvre de techniques, méthodes et matériels nombres, ni apparier (désigner) un nombre
particulièrement adaptés permettent certains donné oralement à sa représentation ana-
apprentissages qui ne sont envisageables que logique ou à son écriture arabe. Mais S.
dans une classe spécialisée. peut sérier, classer et comparer des collec-
Cela concerne, par exemple, au sein de la popu- tions et des nombres écrits ; elle a parfaite-
lation des jeunes dyspraxiques : ment compris le principe de la numération,
• les jeunes qui souffrent d’une dysphasie et son lien avec la quantité, le principe de la
d’une dyspraxie : sauf exception, le trouble du base 10 et la construction de la numération
langage doit être pris en compte en priorité écrite arabe.
(CLIS « langage »), mais la présence de la dys- C’est pourquoi Sandrine Lirondière suggère
praxie complique notablement la mise en
▲
39
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
qui évite la nomination des nombres et utilise une UPI 4, aidé d’un AVS, et son évolution
au contraire toutes les propriétés de la numé- positive se poursuit, tant sur le plan scolaire
ration écrite arabe (logique, régularité que relationnel et comportemental.
parfaite, mise en exergue de la base 10) :
ce type de travail, si particulier, ne peut s’en-
visager que dans le cadre d’une scolarité
très spécialisée, en petit groupe, au décours
Au contraire, dans un milieu adapté et spé-
d’une étroite collaboration entre les servi- cialisé, ces enfants ont l’opportunité de faire
ces de soins (ici, son ergothérapeute) et l’en- certaines acquisitions qui peuvent leur don-
seignante. Ce travail porte ses fruits : en fin ner accès, malgré leurs troubles, à des
de primaire, on envisage la poursuite de sa apprentissages et une formation profession-
scolarité en UPI 4, du moins si les méthodes nelle (qui doit bien sûr être choisie en fonc-
de travail que S. s’est appropriée peuvent tion de l’éventail particulier des compétences/
être acceptées, comprises et valorisées pour incompétences de chaque jeune).
la poursuite de ses apprentissages.
40
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique
La prise de conscience de cet échec intervient compter), dans l’optique de préparer une
trop tardivement, alors que le jeune est adoles- bonne indépendance sociale ultérieure. Un
cent ou jeune adulte et qu’il est difficile (voire parcours pré-professionnel, un CAP peuvent
impossible) d’envisager une autre solution… ensuite être envisagés ;
Au contraire, une scolarité bien préparée et « à • l’indépendance sociale, l’autonomie person-
la carte » au sein d’une CLIS permet d’alléger le nelle (et éventuellement financière en cas de
contenu des programmes, de se centrer sur les projet professionnel) sont alors au centre du
fondamentaux avec l’aide de matériels et techni- projet thérapeutique à moyen et long terme.
ques spécifiquement adaptés en fonction de la
Cela concerne schématiquement soit :
dyspraxie, et ainsi autoriser une scolarité de
meilleure qualité (qui se prolonge le plus sou- • des jeunes dont le niveau de raisonnement
vent par une UPI) et débouche sur une forma- (facteur G) est limite ou faible (note standard
tion plus compatible avec les aspirations et les aux épreuves de facteur G inférieure à 7–9) et
possibilités du jeune. qui présentent une association de troubles
(DVS + troubles du langage ; mémoire de tra-
vail faible ; syndrome dysexécutif important,
etc.), éventuellement avec une personnalité
Souvent pensées par les parents (et même
limite ;
certains professionnels) comme des lieux de
relégation pour les enfants qui ne peuvent • des « grands » (12–15 ans), qui ont déjà plus de
pas suivre une scolarité (d’où l’extrême deux ans de retard ou sont en rupture scolaire
inquiétude des parents ou leur refus de ces et dont l’échec est ancien et massif et ce, quel
que soit leur niveau intellectuel ou leurs
CLIS), ces classes spécialisées (CLIS 4 ou
potentialités (cf. ci-dessous exemple 1).
UPI 4) peuvent aussi être quelquefois des
lieux d’excellence où se conjuguent profes- • toute situation, même théoriquement favora-
sionnalisme (de l’enseignant et d’un service ble à une scolarité longue, s’il y a un déni per-
de soins) et expérience, autorisant chez ces sistant et un refus non négociable dans le temps
des aides proposées, que ce soit de la part du
enfants aux troubles si particuliers des
jeune, de ses parents ou de l’école. Ces refus,
apprentissages et des parcours scolaires qui,
ces dénis, lorsqu’ils perdurent, sont souvent le
sinon, auraient été impossibles.
signe d’une fragilité particulière de l’enfant
et/ou de l’ensemble familial (cf. ci-dessous
exemple 2).
Pronostic de scolarité courte
Par scolarité courte, on entend ici une scolarité Exemples
qui vise à donner accès, dès 16 ans, à une for- Exemple 1
mation professionnelle. Il peut s’agir de SEGPA
Le jeune B., sans aucun antécédent particu-
(jeunes ne pouvant entrer au collège) ou d’UPI
lier, est en grand échec scolaire « depuis tou-
(classes spécialisées au sein d’un collège, réu-
jours ». Il nous est signalé par le médecin
nissant au plus dix jeunes de la sixième à la troi-
scolaire alors qu’il redouble son CM2 et que,
sième, sous la responsabilité d’un enseignant
de ce fait, il s’est vu proposé une évaluation
spécialisé), ou encore d’orientation pré-profes-
par la psychologue scolaire. Le diagnostic de
sionnelle en fin de troisième (ou à 16 ans, fin de
DVS est établi alors que B. entre en sixième
la scolarité obligatoire).
au collège de son quartier (une ZEP). Le dia-
Ce type de projet a différentes conséquences, gnostic est très mal accueilli par cet adoles-
qui doivent être prises en compte dans le projet cent fragile et blessé : il refuse le diagnostic
de soins : (et les aides que nous proposons) jusqu’à
• absence de pression temporelle en ce qui son exclusion du collège pour raisons disci-
concerne les apprentissages : les objectifs plinaires, alors qu’il a plus de 16 ans et
concernent les savoirs de base (lire, écrire, redouble sa quatrième.
▲
41
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
En réalité, son niveau scolaire est très faible que tel professeur… ») et refuse toutes les
dans toutes les matières (grossièrement, aides que nous proposons, aussi bien en
proche d’un CE2) : débordé par les deman- rééducation individuelle qu’au collège. Le
des scolaires auxquelles il n’est pas du tout suivi psychologique mis en place dès l’admis-
en mesure de répondre, fragilisé par une sion dans notre SESSD n’avance guère et au
très mauvaise estime de lui, déstabilisé par contraire, nous assistons à une décompensa-
le diagnostic (que, malgré nos explications, tion sur un mode paranoïde avec phobie
il assimile à une déficience mentale dont scolaire.
son échec scolaire serait la preuve…), il se Nous demandons alors l’aide d’un service de
réfugie dans une dépression larvée émaillée pédopsychiatrie voisin tandis que nous
de réactions de prestance et de provocations. rediscutons en équipe de la pertinence de
Nous proposons alors d’une part un soutien notre intervention chez ce jeune adolescent
psychologique, d’autre part une remise à dont nous avons probablement sous-estimé
niveau en un quasi-préceptorat assuré par la fragilité, et que le diagnostic et nos pro-
Votre École Chez Vous23 qui accepte de tra- positions ont certainement contribué à
vailler en étroite collaboration avec nos ser- déstabiliser.
vices (ergothérapeute) pour mettre en place
les adaptations pertinentes en fonction de
la DVS. B. s’investit très positivement dans
Projet non scolaire : projet
ce projet et, au terme d’une année scolaire,
il passe et réussit le CFG24. Il est ensuite
éducatif et, si possible,
accepté dans une filière pré-professionnelle indépendance sociale
où il prépare un CAP de vente.
Enfin, pour certains enfants, la sévérité et l’in-
Exemple 2 trication des troubles ne peuvent pas permet-
tre d’envisager raisonnablement une scolarité.
Le jeune R., sans aucun antécédent particu-
C’est souvent la conjonction de troubles
lier, a eu une scolarité chaotique et a déjà
moteurs et/ou sensoriels avec les troubles
redoublé son CE1. Intelligent et vif, R. est
cognitifs qui oblige à renoncer à une scolarité.
diagnostiqué « dyspraxique » alors qu’il
entre en sixième au collège de son secteur. Exemple
Le père, très autoritaire et très directif, ne
F. est un jeune IMC qui présente une quadri-
peut accepter le diagnostic (son fils, intelli-
plégie spastique. À 9 ans, il se déplace au sol
gent, doit s’appliquer et faire comme les
ou bien en fauteuil électrique. Il dispose
autres, voire mieux) alors même que la mère,
d’un matériel lourd et varié (siège moulé,
en conflit avec le père, elle-même dépassée
déambulateur, flèche, fauteuil manuel, ver-
et démunie, ne peut soutenir R. Ce dernier
ticalisateur…) et doit bénéficier de deux
refuse le diagnostic avec force, et malgré
séances de kinésithérapie par semaine en
l’aggravation régulière de ses problèmes
moyenne, mais quelquefois plus, notam-
scolaires (il redouble sa cinquième), il bana-
ment dans les semaines qui suivent des
lise ses difficultés (« c’est parce que je n’ai
injections (pluri-annuelles) de toxine botuli-
pas assez travaillé ce trimestre, c’est parce
que qui tendent à lutter contre les rétrac-
que je n’aime pas telle matière, c’est parce
tions. Il présente aussi un important trouble
visuospatial pour lequel il bénéficie de deux
23 Votre École Chez Vous : association loi de 1901, séances par semaine d’ergothérapie. C’est
sous contrat avec l’Éducation nationale, 29, rue un enfant d’intelligence normale (similitu-
Merlin, 75011 Paris. des au WISC-IV, = 10), très fatigable. À 6 ans,
24 CFG : le certificat de formation générale valide des il est admis simultanément dans notre SESSD
acquis dans des domaines de connaissances géné- et en CLIS 4.
rales, notamment pour les élèves des enseigne-
ments généraux et professionnels adaptés (SEGPA À l’issue de la première année d’école, il ne
de collège, EREA) et de troisième d’insertion. sait pas lire du tout : nous reprenons alors
42
Chapitre 2. Les préalables à tout projet thérapeutique
les bilans antérieurs qui s’étaient beaucoup ves, les loisirs, la socialisation et les activités
focalisés sur les problèmes moteurs et scolaires ou parascolaires (selon l’âge et les
practo-spatiaux, et nous mettons en évi- possibilités de chaque jeune), ce qui permet à
dence un important déficit de la mémoire l’enfant de se développer au mieux de ses
de travail auditivoverbale. F. ne peut pas capacités.
répéter deux items à l’envers, ce qui a des
répercussions très négatives sur ses capaci-
tés à manipuler les phonèmes (métaphono-
logie) et à assembler les quelques sons
Conclusion
déchiffrés pour reconstituer le sens du mot
On voit donc que ce n’est pas du tout « le symp-
à lire. Nous tentons de l’aider via une séance
tôme » (il est malhabile, il écrit mal, il est « nul »
d’orthophonie par semaine.
en calcul…) qui est directement à l’origine des
Actuellement, à 9 ans, il peut lire quelques options rééducatives.
syllabes simples et déchiffrer (laborieuse-
C’est la conjonction d’informations issues de
ment) des mots réguliers de deux syllabes.
différents domaines (antécédents neurologi-
Le calcul mental est impossible, la manipula-
ques, éventail particulier de fonctions préser-
tion difficile, les fonctions visuospatiales
vées ou atteintes, intensité de telle ou telle
déficientes, la fatigabilité intense. Enfin, le
pathologie, compensations déjà spontanément
projet individuel – répondant en cela aux
mises en place ou non, personnalité de l’enfant,
souhaits des parents – est essentiellement
attitude et projets de ses parents, parcours de
centré sur l’amélioration de ses capacités de
vie et parcours scolaire antérieur, âge au
déplacement et la kinésithérapie.
moment de la consultation, etc.) qui permet
Nous préconisons donc une réorientation d’envisager tel ou tel avenir scolaire, tel pronos-
vers un institut d’éducation motrice où les tic scolaire.
actions rééducatives, les installations de
C’est le rôle du médecin (compétent en neuro
confort et de prévention orthopédique et
psychologie infantile) et/ou du neuropsycholo-
les apprentissages seraient mieux intégrés,
gue de rassembler les éléments nécessaires pour
moins fatigants. Par ailleurs, des actions
avoir une vue d’ensemble de cette mosaïque
éducatives, orientées vers les activités de vie
unique dont l’enfant est porteur, pour construire
quotidienne constitueraient, à moyen terme,
son projet thérapeutique individuel.
un projet plus réaliste et mieux adapté.
Dans nos cultures, entre 4 et 20 ans, pour les
enfants souffrant de troubles dys- et/ou TSA, ce
projet est obligatoirement organisé en corréla-
Le projet thérapeutique est alors d’abord un tion étroite avec le projet scolaire.
projet de soins (de rééducation), de confort et,
autant que possible, d’épanouissement person-
nel et d’autonomie ou d’indépendance partielle. En effet, les fonctions cognitives – celles qui
Le projet scolaire est centré sur la socialisation nous permettent de nous connaître et de
et l’épanouissement personnel, tandis que les prendre connaissance du monde – interfè-
apprentissages sont limités aux savoirs fonda- rent directement avec les apprentissages : le
mentaux (lire, compter), lesquels ne sont sou- plus souvent, « rééduquer » l’enfant atteint de
vent que partiellement atteignables. troubles cognitifs spécifiques (l’enfant dys-)
Un établissement spécialisé (dans les troubles consiste à l’aider à faire malgré tout des
moteurs tels les IEM ou, selon chaque cas parti- apprentissages et à réduire ses difficultés sco-
culier, dans les troubles sensoriels, ou dans les laires pour préserver au mieux son avenir.
troubles intellectuels tels les IME, ou dans les
pathologies psychiques tels les hôpitaux de
jour…) peut être alors une bonne orientation, Il faut donc savoir renoncer, non seulement à
permettant de prendre en charge de façon coor- « guérir » l’enfant mais aussi à « tout » rééduquer,
donnée, à la fois les soins, les activités éducati- soit que l’on sache la rééducation de certains
43
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
44
Écrire Chapitre 3
« L’écriture assemble des signes dont la première caractéristique
est qu’ils diffèrent d’un système à l’autre. À l’intérieur même d’un
système, il se trouve que le signe d’écriture varie encore
sensiblement selon le style du moment ou les hasards de l’histoire.
D’où proviennent donc ces constantes variations dans le tracé
des signes ?
Des supports et des outils : les signes aigus en forme de clous
imprimés par le calame sur l’argile mésopotamienne ne
ressemblent pas aux traces rapides laissées par le pinceau
chinois sur la soie ou le papier.
Derrière ce foisonnement de graphies et de tracés, nous pouvons
dégager une constante : la volonté de transmettre un message. »
A. Zali, A. Berthier25
45
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
46
Chapitre 3. Écrire
Le contenu (le fond) de ce qui est écrit est en effet Enfin nous disposons, depuis plus de cinquante
tout à fait indépendant de la forme de surface, de ans, de l’expérience de jeunes qui, incapables
la façon dont les lettres sont réalisées. Que nous d’aucune réalisation gestuelle (jeunes quadri-
importe comment le prix Nobel de littérature a plégiques, enfants souffrant d’amyotrophie spi-
matériellement laissé trace de son texte : avec un nale infantile [ASI]…) apprennent à lire (puis à
feutre, un stylo ou une craie, en anglaise avec des écrire avec un matériel adapté) avec facilité,
pleins et des déliés ou en majuscules d’imprime- souvent même précocement, alors même qu’ils
rie, en lettres latines ou cyrilliques, à l’ordina- n’ont jamais pu tracer la moindre lettre ni faire
teur, en utilisant ou non son correcteur aucun geste approchant.
orthographique, ou même dicté à un secrétaire ?
« Les résultats ont pointé, chez ces enfants
Pour éviter toute confusion, nous appelons ASI, la force du raisonnement
hypothético-déductif sans avoir recours
désormais la forme de surface (le geste de
aux manipulations. (…) (L’ensemble des
tracer les lettres à la main) le graphisme
études) a mis ici en évidence chez ces jeunes
manuel. L’activité intellectuelle et linguisti- enfants une supériorité du développement
que qui conduit à produire un texte est, elle, des cognitions spatiales par rapport à la
désignée par le terme de production d’écrits. population témoin du même âge. »
P. Jouinot et al.[42]
47
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
enseignement sans lequel cette habileté ne se En effet, le graphisme manuel n’est enseigné
développe pas : c’est bien une praxie (cf. p. 14–16). que parce qu’il sert « d’outil pour » (pour pren-
Cet apprentissage dépend d’un entraînement dre des notes, produire des textes, disposer
progressif et intensif : souvent débuté en d’une mémoire externe… [cf. p. 58]), et il ne
moyenne section de maternelle, systématique peut remplir ce rôle que s’il est parfaitement
et pluri-hebdomadaire en grande section, il se maîtrisé et automatisé (ne réclamant pas de res-
poursuit tout au long de la première année de sources attentionnelles indues). Le graphisme
primaire (CP) et souvent même encore en CE1. manuel, une fois automatisé, n’est en effet que le
Ces exercices soutenus et réguliers durant en support de la réalisation de tâches de haut
moyenne trois années consécutives sont indis- niveau permettant les apprentissages.
pensables car les enfants doivent acquérir une
gestuelle fluide et précise. Il leur faut effectuer
Car c’est la production d’écrits qui est visée
des enchaînements rapides, au tracé parfaitement
par la scolarité et non le graphisme manuel.
déterminé et rigoureux : ils doivent être capables
L’importance attribuée au graphisme manuel
de produire les détails pertinents et significatifs du
dessin de chaque lettre (permettant de distinguer au tout début de la scolarité tient donc uni-
le a du d, le n du h, le n du p, le e du c, le k du h, quement au fait qu’il est capital de disposer
etc.). Les enfants tout-venant, selon leur habileté, d’un outil fiable, performant et automatisé
commencent à automatiser (en partie) leur gra- pour produire de l’écrit.
phisme manuel dans le courant du CE ou en
début de CM. (Ensuite, le graphisme subit une C’est ce statut particulier qui incite, en cas de
dernière transformation à l’adolescence, se per- handicap graphique, à mettre rapidement à dis-
sonnalisant et reflétant alors le style de chacun.) position de l’enfant tout autre outil qui lui per-
mette de remplir les mêmes fonctions. C’est ce
statut particulier du graphisme manuel à l’école
Ce n’est donc habituellement qu’à partir du CE qui autorise l’usage d’un ersatz, d’un palliatif
que le geste peut être produit de façon routi- (l’ordinateur) ou même qui justifie qu’on s’en
nière, pratiquement sans contrôle attentionnel, passe chaque fois que possible (recours à l’oralisa-
libérant ainsi des ressources cognitives indispen- tion, à un secrétaire, aux photocopies). Car un
sables pour assurer les tâches de haut niveau. outil peut facilement en remplacer un autre, à
condition qu’il soit bien maîtrisé (cf. p. 84) et qu’il
remplisse les objectifs visés (cf. tableau 3.2, p. 65).
Pourquoi apprendre le graphisme
manuel ? Tant que cette praxie n’est
Contrairement à la lecture, les mathématiques pas acquise, l’enfant qui doit
et les connaissances académiques, le graphisme écrire est en double tâche
manuel est le seul des apprentissages scolaires à
n’être pas enseigné pour lui-même : il n’a donc Ce n’est en effet qu’une fois le geste graphomoteur
pas du tout le même statut que la lecture ou les (visuo-practo-spatial) automatisé, que l’enfant
mathématiques. Son apprentissage n’est pas sera disponible pour les tâches intellectuelles et
motivé par l’intérêt qu’il y a à écrire joliment, linguistiques de haut niveau (orthographe, syn-
puisque notre enseignement n’inclut nullement taxe, élaboration d’un texte, compréhension,
la calligraphie dans les programmes. mémorisation…) qui sont in fine la seule véritable
motivation de l’écrit.
La motivation du long apprentissage du tracé D’ailleurs, en fin de grande section de mater-
des lettres réside uniquement dans l’obten- nelle et en tout début de primaire, les ensei-
tion d’une automatisation de leur réalisation gnants savent qu’il leur faut séparer les deux
tâches, celles qui concernent le savoir-faire
graphomotrice, puisque c’est là la condition
(exercices de graphisme) et celles qui concer-
d’un graphisme utile et efficace.
nent la signification, l’attention au sens ou à des
48
Chapitre 3. Écrire
49
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
Évolution moyenne,
Niveau « normale »
de performance
Évolution
de l’enfant DVS
L’enfant progresse
T1 T2
Temps, âge…
L’enfant est Le décalage à la Malgré les progrès,
proche de la norme se constitue l’écart à la norme
norme … et se creuse s’accroît
Ainsi, il faut évaluer (selon l’âge, le niveau et aucune disponibilité pour les tâches de haut
le projet scolaire) non seulement la qualité niveau.
du graphisme, sa lisibilité et sa vitesse (la
lenteur est en soi un handicap scolaire très
invalidant, cf. p. 64), mais surtout son auto- Comprendre et limiter
matisation, seul critère qui justifie l’utilisa- le handicap scolaire lié
tion du graphisme manuel pour faire des
apprentissages. à la dysgraphie
Les cliniciens ne disposent pas actuellement
Évaluer le handicap secondaire à la dysgraphie,
de tests étalonnés leur permettant d’apprécier
la gêne induite et les répercussions prévisibles
directement le degré d’automatisation du gra-
dans les apprentissages est un temps capital pour
phisme manuel auquel est parvenu un enfant.
guider les choix rééducatifs. Car le « savoir
Nous disposons cependant d’un reflet indi-
écrire » indispensable pour effectuer une scola-
rect de cette capacité à automatiser le tracé
rité convenable se décline en fait sous de nom-
des lettres : il s’agit d’une épreuve étalonnée
breux aspects.
d’accélération du graphisme (« le doux par-
fum de fleurs ») : la capacité à accélérer reflète En effet, le graphisme manuel peut se réaliser dans
la capacité à tracer les lettres sans (ou avec différentes conditions, ressortant d’objectifs très
très peu de) contrôle attentionnel. L’enfant variés : il faut donc évaluer dans quelle mesure cer-
qui ne peut pas accélérer montre qu’il a besoin tains de ces objectifs peuvent être compromis par
d’un important temps de contrôle (ou d’ajus- la dysgraphie, et comment y remédier au mieux.
tement) sur son geste ; en outre, écrire en per- Enfin, ces écrits doivent généralement être réalisés
manence en classe à sa vitesse maximale est en temps limité, et la lenteur peut avoir aussi des
générateur d’épuisement rapide et ne laisse conséquences sur la qualité des apprentissages.
50
Chapitre 3. Écrire
51
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
52
Chapitre 3. Écrire
troubles neurovisuels sont moins gênés en dic- En ce qui concerne l’orthographe grammati-
tée (ou en expression écrite) qu’en copie. cale, l’apprentissage oral puis la récitation des
règles remplace avantageusement leur copie.
Rappelons cependant que la construction du Ensuite, il faut, comme pour l’orthographe
lexique orthographique est sous la dépendance d’usage, proposer l’épellation, la complétion ou
la transformation de phrases (en graphisme
des compétences de calibrage des saccades de
manuel ou à l’ordinateur).
fixation lors de la lecture (cf. p. 128), et peut donc
être compromise chez certains enfants dyspra
S’il est en effet très important que l’enseignant
xiques présentant des troubles neurovisuels [43].
valorise et favorise l’usage de l’ordinateur qui
permet aux enfants de faire leur scolarité, il est
Par contre, la dictée réclame impérativement tout aussi important, en ce qui concerne les
de suivre le rythme du dicteur : l’enfant dysgra- apprentissages eux-mêmes, d’avoir vis-à-vis
phique peut soit « décrocher » (ne pouvant plus d’ eux des exigences qui sont les mêmes que cel-
gérer, en mémoire immédiate, l’accumulation les imposées à leurs pairs : c’ est cette exigence
de son retard), soit tenter d’accélérer et devenir
qui donne sens aux adaptations proposées, mais
alors de plus en plus illisible.
aussi qui en favorise leur acceptation par le
Enfin, la relecture (et la correction des erreurs jeune lui-même et par ses camarades de classe.
éventuelles) dépend aussi du niveau de lecture
du jeune (cf. chapitre 6) et suppose, outre des
connaissances orthographiques et grammati- Prise de notes
cales explicites, de bonnes capacités visuelles La prise de notes est un exercice très exigeant,
(dyslexies visuelles, cf. p. 122) et d’excellentes qui sollicite de nombreuses fonctions cogni
fonctions exécutives (inhibition d’une lecture tives. C’est la raison pour laquelle ce n’est guère
par adressage exclusif et des aspects purement demandé aux enfants qu’à partir du collège : il
sémantiques de la lecture), qui ne sont vraiment faut en effet écouter (attention) et comprendre
efficaces dans ce type de fonction que très pro- (facteur G, connaissances antérieures mobi-
gressivement à partir du CM. lisables en mémoire à long terme), suivre le plan
Que proposer ? de l’orateur, puis trier et hiérarchiser les infor-
L’apprentissage de l’orthographe d’usage peut mations, les résumer et les synthétiser (fonc-
être proposé oralement : dire et répéter les carac- tions exécutives, fonctions linguistiques) et
téristiques orthographiques du mot, apprendre enfin les écrire, éventuellement en abrégé (style
des listes de mots qui partagent la même parti télégraphique, abréviations). Le tout doit être
cularité orthographique ou la même étymologie. rapide (c’est une exigence fondamentale de la
prise de notes) et, pour être utile, doit pouvoir
Pour contrôler les connaissances, on peut
être relu avec un maximum de fiabilité.
recourir selon les cas à l’épellation, aux phrases
à trous, à compléter (cf. supra), ou à une dictée
réduite en longueur sur l’ordinateur (encadré 3.1). La dysgraphie et la lenteur graphique per-
turbent considérablement l’ensemble de ce
Il est déconseillé de proposer un contrôle en processus, dans lequel les tâches de haut
choix multiple (l’enfant doit choisir la bonne niveau réclament un fort coût cognitif. Si la
solution parmi différentes propositions tâche de bas niveau n’est pas parfaitement et
orthographiques). Bien sûr, cela limite au efficacement automatisée, la prise de notes
minimum la production écrite de l’élève (il est impossible ou parcellaire, inefficace.
entoure ou se contente d’un signe qui mar-
que la bonne réponse) mais on risque aussi Que proposer ?
de favoriser la mémorisation des formes
Il est généralement plus efficace, afin de permet-
orthographiques fautives qu’il doit lire, ana-
tre à l’enfant d’effectuer les opérations de haut
lyser et comparer à la bonne forme…
niveau (planification, synthèse, compréhension,
53
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
Encadré 3.1
Dictée et ordinateur : les interrogations fréquentes
Le correcteur orthographique de l’ordinateur La question des fautes de frappe à l’ordina-
(cf. p. 85, 130) : teur :
La question se pose souvent de la présence, Beaucoup d’enseignants s’interrogent sur la
dans les traitements de texte, d’un correcteur notation des dictées (ou la prise en compte
orthographique. Ces programmes soulignent des fautes d’orthographe dans toutes sortes
habituellement en rouge les mots mal ortho- de devoirs) lorsque ces dernières sont effec-
graphiés (orthographe lexicale) et proposent tuées à l’ordinateur, certaines erreurs pouvant
automatiquement la correction correspon- probablement être imputées à des fautes de
dante : ce programme peut être désactivé sur frappe.
les ordinateurs des plus jeunes. À partir du moment où l’enfant utilise l’ordi-
Pour les plus grands au contraire, la pré- nateur en classe et qu’il y atteint un niveau
sence de ce correcteur leur permet de pro- de performance suffisant pour effectuer une
duire des textes de meilleure qualité. dictée (avec aménagements, s’il y a lieu : tiers
D’ailleurs, signalant et corrigeant les erreurs, temps, ou réduction de la taille de la dictée,
ce programme contribue à l’apprentissage ou mise en place de formulaires type phrases
et au développement chez l’enfant d’une à trous), toutes les fautes doivent être comp-
bonne conscience orthographique : il est tabilisées, comme pour les autres enfants.
donc utile. Il faut cependant apprendre à D’une part, l’enseignant ne peut pas regar-
l’enfant à s’en servir (dans certains cas, l’or- der et vérifier sur le clavier la position de cha-
dinateur propose plusieurs alternatives, en que lettre en regard de la faute produite,
choix multiple), afin qu’il soit efficace sans d’autant que certaines erreurs, du fait des
que cela ne ralentisse trop la frappe. Enfin, troubles spatiaux, peuvent concerner des let-
actuellement, les traitements de texte ne tres disposées « en miroir » sur le clavier.
disposent pas de correcteur fiable en ce qui D’autre part, puisque l’ordinateur est l’outil
concerne l’orthographe grammaticale : il utilisé par l’enfant pour pallier ses difficultés
faut donc apprendre à l’enfant à négliger graphiques, il est licite d’avoir une exigence
cette information (souvent signalée par un en termes de précision de frappe (de même
surlignage vert), à appliquer les règles appri- que, pour l’enfant tout-venant, on a une exi-
ses, à les mettre en œuvre par des exercices gence de lisibilité et qu’une ambiguïté de
spécifiques, puis à les automatiser autant tracé peut lui être comptée comme une
que possible [44]. faute).
54
Chapitre 3. Écrire
peut alors lui demander d’inscrire le plan ou, spatiaux du texte (paragraphes, retours à la
s’il dispose de photocopies (ou du manuel), de ligne) qui lui sont très difficiles ou impossibles
surligner les informations importantes, de à gérer (à concevoir ?).
noter quelques mots clés ou éléments particu-
lièrement pertinents. « D’autres procédés autonomisent
Enfin, si le jeune est réellement très performant l’écriture [par rapport à l’oral]. Techniques
à l’ordinateur et qu’il peut produire une frappe typographiques surtout : alinéas, blancs,
rapide et automatisée, il peut effectuer la prise chapitres, majuscules, titres et sous-titres.
de notes à l’ordinateur, du moins si l’orateur ne En arrachant la parole au temps par la
parle pas trop vite, si les notes ne sont pas trop spatialisation, elles en font un objet en deux
abondantes et/ou s’il sait utiliser efficacement dimensions de page et trois dimensions
une écriture abrégée (cf. p. 93, 130). de volume. »
C. Hagège29
Cependant, à partir de la quatrième, la troi-
sième ou la seconde (selon les matières, les Ensuite, la dysgraphie elle-même contribue à
professeurs), le volume des notes, l’impor- appauvrir la production de différentes façons :
tante planification qu’elles réclament et leur • la fatigabilité peut rendre rapidement le
importance dans les apprentissages ne per- brouillon illisible ;
mettent souvent plus d’envisager l’ordina- • l’attention portée au graphisme est soustraite
teur comme unique palliatif (cf. p. 97). aux étapes d’élaboration du texte, de recher-
che des idées, des liens, de la mise en forme
Expression écrite linguistique et de la planification de l’ensem-
ble (double tâche, cf. p. 19), donnant quelque-
(ou « production d’écrits ») fois des textes fleuves mal conçus (associations
Les exigences sont presque les mêmes que pour d’idées non organisées) et plus ou moins hors
la prise de notes, à ceci près que : sujet ;
• la notion de vitesse et de rapidité n’est pas du • la lenteur ne permet souvent pas de rédiger un
tout au premier plan de cette activité (même brouillon détaillé puis de le recopier : soit le
si elle est en temps limité) ; devoir est anormalement court par manque
• c’est la pensée du sujet lui-même qu’il faut de développements, soit il est amputé de toute
mettre en forme (et non celle d’un locuteur). sa partie finale ;
• enfin, si le jeune n’a pas eu le temps de faire la
Produire un écrit demande différentes opéra-
relecture et la dernière révision de son texte,
tions mentales, en particulier la mise en forme
le devoir est entaché de fautes d’orthographe
sémantique, puis linguistique de la pensée, une
souvent grossières au sein de phrases à la syn-
planification, une organisation et un déroule-
taxe médiocre (mal planifiées).
ment chronologique (ou logique) de cette pen-
sée, puis une vérification et des ajustements (du Que proposer ?
plan, de la chronologie, de la syntaxe, de l’or- C’est pourquoi il est important de préparer pré-
thographe). Ces révisions successives consti- cocement les enfants à la conception de plans,
tuent les brouillons qui marquent l’élaboration d’abord linéaires puis plus complexes, et leur
et la construction progressive du texte. enseigner la réalisation d’un plan (mise en page,
Dans cet exercice, le jeune dyspraxique est sur- paragraphes, pagination, niveaux de titres) et
tout gêné par ses difficultés spatiales qui inter- d’un brouillon (utilisation des fonctions cou-
viennent pour mettre en œuvre et rendre per, copier, coller…) sur ordinateur où les modi-
visible le plan. En effet, ratures et surcharges fications ne donnent lieu ni à des ratures, ni à
peuvent rendre le brouillon difficilement
exploitable voire inexploitable par le jeune lui-
même. Dans la production finale, normale- 29 Hagège C. L’homme de paroles, collection Essais,
ment le plan se marque par des arrangements édition de poche, 1987.
55
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
des surcharges. Cet apprentissage doit se met- construction et d’élaboration du texte en plu-
tre en place très progressivement, dès le pri- sieurs temps, en spirale (cf. figure 7.6, p. 145). Il
maire, car le jeune doit pouvoir disposer d’un leur faut en effet savoir tenir leur rôle d’aide en
outil efficace pour produire de l’écrit dès le lien avec le handicap (ici, le trouble spatial et
CM2 ou le début du collège. graphique), mais sans intervenir dans la pro-
Or, en règle générale, ces enfants dyspraxiques duction du jeune, ce qui est à la fois complexe et
sont beaux parleurs, ils ont de bonnes connais- délicat.
sances générales et raisonnent bien : ils sont Schématiquement, on peut conseiller d’utiliser
donc souvent très performants dans les activi- la trame suivante, en cinq points :
tés de langue française durant le primaire, y • évocation en vrac, par le jeune, des idées, cita-
compris en expression écrite car les produc- tions, auteurs, liens logiques, qui surgissent à
tions demandées sont courtes et ne réclament la lecture du sujet choisi. Le secrétaire doit les
ni réelle mise en forme de la pensée ni élabora- noter tels quels (mots isolés, phrases avortées,
tion d’un plan complexe. Beaucoup de profes- ébauche de paragraphes formés de plusieurs
sionnels et de parents sont alors rassurés par phrases reliées, etc.), sous forme d’une liste
ces premiers succès et orientent l’essentiel de la sérielle mise sous les yeux du jeune. À ce
rééducation sur les difficultés apparentes, visi- stade, il faut que l’élève ait appris à contrôler
bles (graphisme, calcul, géométrie, habillage, les éventuelles diffluences par association
etc.). Mais les progrès en graphisme (modestes d’idées qui conduisent à des devoirs « fleuve »
et qui ne libèreront jamais l’enfant de la double sans plan ni structure interne, ou à des hors-
tâche, cf. p. 49) et en mathématiques (qui ne sujets ;
seront jamais suffisants pour autoriser une
• le jeune effectue une première ébauche de clas-
orientation dans les filières scientifiques) sont
sement des items précédemment énoncés (pré-
sans effet réel sur l’avenir du jeune…
plan) : dans cette phase, le secrétaire doit
constituer différentes zones dans la page, ou
Car à partir du collège et à long terme, ce prendre différents feuillets pour marquer cha-
sont en général les résultats dans les matiè- cun des regroupements conceptuels en cours
res littéraires qui règlent le pronostic sco- d’élaboration ; il peut, au fur et à mesure de
cette phase, biffer les items nommés dans la
laire puis les choix professionnels : il est
première « liste » ; il peut ainsi signaler au jeune
donc fondamental d’anticiper les difficultés
tout item qui n’apparaît dans aucun de ces
à venir dans les activités de planification, de
regroupements, se faire préciser si l’item est
rédaction, de commentaires de texte et de abandonné ou a été simplement oublié. Des
dissertation. ajouts se font jour habituellement à ce stade,
sous forme d’idées nouvelles ou complémen-
Le travail rééducatif préparatoire à l’élabora- taires à développer, de citations, d’auteurs,
tion de textes doit commencer dès le CE2 et etc. ;
comprend deux volets à mener de front : • le plan est désormais en cours de constitu-
• apprentissage de la verbalisation et travail de tion : le jeune nomme les différentes parties
tous ses corollaires (mémoire de travail audi- de son devoir, signale quels éléments sont des
tivoverbale, organisation des informations en sous-ensembles d’autres, comment il pense
mémoire à long terme, hiérarchisation des ordonner ses idées et les différentes parties du
idées…) ; devoir. Le secrétaire doit, sur les indications
du jeune, noter très clairement ce plan sur
• apprentissage de la mise en plan et mise en
une feuille spécialement dédiée, en laissant
forme de textes à l’ordinateur.
des « blancs » qui permettront si besoin, au fil
Enfin, de nombreux jeunes doivent utiliser un du temps, de compléter, de complexifier ou de
secrétaire (leur AVS ou un secrétaire inconnu préciser les différentes parties, leur position
lors des contrôles et examens) : ces personnels relative et leurs enchaînements. Cette page
doivent être formés à ces techniques de (qui peut souvent être une double page), doit
56
Chapitre 3. Écrire
ensuite en permanence rester sous les yeux de de travail qui est sur-utilisée dans ces straté-
l’élève. S’il suggère des modifications, une gies…) et avec les parents d’autre part (encou-
nouvelle page doit être rédigée, afin qu’il ait ragements à utiliser précocement ce type de
toujours sous les yeux la dernière mise à jour méthodologie) est indispensable pour assurer
de son plan, propre, bien présenté et claire (il une bonne efficacité à ces techniques à la fois
peut être utile d’utiliser des couleurs différen- inhabituelles, longues et complexes. Cependant
tes pour les différents niveaux de titres, surtout on voit bien, lorsque ce travail n’est pas fait, que
si le secrétaire écrit à la main). Si le secrétaire les bons résultats en français de ces élèves dys-
effectue ce travail à l’ordinateur, le dernier plan praxiques ont tendance à se déliter au fil des
mis à jour par le jeune doit être imprimé en années (au fil des exigences scolaires). Le pas-
temps réel, afin d’être disponible sous ses yeux sage au lycée signe souvent le basculement dans
durant toute la rédaction du texte et, le cas l’échec dans ces matières où justement c’est
échéant, être modifié et précisé ; (cf. p. 144) l’excellence qui est attendue.
• la phase de rédaction proprement dite peut Ce travail, qui ne s’impose pas comme « évi-
alors commencer : à partir des différents élé- dent » lors de la première enfance puisqu’il ne
ments déjà notés, il élabore son texte, son correspond alors à aucun symptôme « visible »
argumentaire, sa réflexion et les met en forme (simplement du fait qu’il n’y a pas encore d’exi-
et en phrases qu’il dicte à son secrétaire. gences scolaires en ce domaine), est pourtant le
Celui-ci lui relit phrase ou paragraphe au fur garant d’une scolarité longue (compte tenu de
et à mesure, à la demande. Il effectue les l’échec prévisible dans les matières scientifi-
modifications demandées par le jeune, relit la ques, cf. p. 118) et d’une orientation profession-
version modifiée, et la production progresse nelle gratifiante.
ainsi pas à pas, avec aussi des retours en Il doit donc être entrepris assez tôt (aux alentours
arrière (précisions sur un thème antérieur, du CE2/CM) et faire partie intégrante du projet
prise de conscience d’une redite ou d’une rééducatif si le pronostic scolaire est bon, visant
malposition d’un argument dans le plan, etc.). une scolarité longue et diplômante (cf. p. 31).
C’est le secrétaire qui effectue, au fur et à
Différentes sortes de textes à produire
mesure, la mise en forme du texte (paragra-
phes, retours à la ligne) en fonction du plan Outre les textes argumentatifs et de réflexion
déterminé par le jeune précédemment (et/ou (commentaires, rédaction, dissertations) abor-
sur les indications de l’élève) ; dés plus haut, il peut être intéressant de repérer
les contraintes spécifiques liées à des types de
• lorsque le texte est rédigé, le secrétaire propose
textes particuliers. Ainsi :
une (ou plusieurs) relecture(s) d’ensemble,
permettant une révision générale et les der- • les textes descriptifs réclament généralement
niers ajustements (formulation, liens entre les une observation visuospatiale préalable, ou, à
paragraphes, déplacements de certaines phra- tout le moins, une représentation mentale figu-
ses ou paragraphes, précisions à ajouter…). rative détaillée, précise et juste de l’objet (ou de
la situation) à décrire. Ces traitements visuospa-
On comprend bien que ce travail (qui atteint tiaux peuvent être difficiles, erronés ou impos-
son apogée au cours de l’épreuve de français sibles pour de nombreux jeunes dyspraxiques
puis de philosophie lors de l’examen du bacca- (cf. fig. 7.7 p. 147) ;
lauréat, mais concerne aussi les épreuves d’his-
• les textes narratifs peuvent être demandés soit
toire, de sciences sociales, d’économie, de
à partir de connaissances et de l’expérience du
langues, etc.) doit être longuement et très pro-
sujet, soit à partir d’illustrations, voire d’his-
gressivement préparé avec le jeune, et qu’il doit
toires en images : dans cette dernière hypo-
donner lieu à une formation spécifique en
thèse, c’est encore la prise d’information visuelle
direction des secrétaires (et AVS).
et/ou spatiale qui peut quelquefois constituer le
Une bonne coordination avec les rééducateurs handicap premier à la réalisation de l’écrit ;
d’une part (apprentissage des fonctions de mise
• les textes prescriptifs (recette, mode d’emploi,
en forme de textes à l’ordinateur, stratégies ora-
compte rendu d’expérience, de visite), eux,
les de planification, entraînement de la mémoire
57
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
réclament peu d’originalité de pensée mais chacun, on peut prévoir des aides ciblées portant
doivent être informatifs : choix et hiérarchi- plus particulièrement sur telle ou telle situation
sation des informations à transmettre, impor- scolaire, on peut moduler les adaptations en fonc-
tance de la chronologie d’apparition des tion des besoins repérés et choisir au mieux les
informations au sein du texte, de la précision tâches durant lesquelles on laisse éventuellement
de certaines informations (dont certaines l’enfant « en autonomie » sans trop de risque.
peuvent être très spatiales, fournies sous for-
mes de dessins ou schémas) ; Différents objectifs
• légender ou commenter une carte, un schéma, de la production d’écrits
un graphique (cf. tableaux 7.2, 7.3 et 7.4 p. 157–
160, fig. 7.12 et 7.13, cahier couleur central) : il Les écrits produits à l’école remplissent diffé-
s’agit là d’un type d’écrits particulièrement rentes fonctions, qui doivent toutes être sauve-
dépendant des traitements visuospatiaux. gardées en cas d’impossibilité de graphisme
Mais, contrairement aux textes descriptifs, manuel. Selon les rôles que remplit telle ou telle
c’est ici sur les deux versants, afférent (analyse forme d’écrit, on peut proposer des palliatifs
et/ou représentation mentale du sujet à traiter) différenciés, adaptés à l’objectif poursuivi.
et efférent (l’écrit produit doit être placé cor-
rectement, situé précisément) que les compé- Communiquer à distance
tences spatiales sont requises. C’est la raison C’est l’essence même de l’écrit que de constituer
pour laquelle il s’agit souvent d’activités tout à une trace linguistique transmissible à distance
fait irréalisables pour les jeunes dyspraxiques. (géographique ou temporelle). À l’école, il peut
Lorsqu’il s’agit d’un contrôle de connaissances, s’agir de faire un courrier, tenir un journal,
on propose généralement que le jeune puisse rédiger un mode d’emploi, un compte rendu
faire un commentaire dans lequel il donne (ora- d’expérience, etc.
lement ou par écrit) les explications nécessai- Que proposer ?
res. Lorsqu’il s’agit d’exercices destinés à faire L’ordinateur répond parfaitement à ces impératifs,
acquérir un nouveau concept ou de nouveaux du moins en classe. Mais la plupart des familles
savoirs, on est alors obligé de reconfigurer le redoutent que, utilisant l’ordinateur, l’enfant ne soit
matériel, qui doit être présenté sous forme d’un pas capable, ultérieurement, de remplir des formu-
texte (à lire ou à entendre, cf. p. 157). Il est laires, laisser un petit mot ou remplir un chèque,
d’ailleurs à noter que ces aménagements sont toutes situations indispensables à la vie sociale.
expressément prévus lors de la passation des
épreuves de géographie aux examens : l’élève Il faut absolument rassurer les parents (et l’en-
dyspraxique peut disposer d’un texte rédigé à la fant lui-même) :
place d’une carte ; de même, plutôt que de • d’une part, le graphisme manuel de ces
légender une carte, il est autorisé à disserter sur enfants s’améliore toujours un peu spontané-
le même sujet. ment (cf. figure 3.1), même en l’absence de
En résumé : toute action rééducative en ce sens ;
Les compétences cognitives sollicitées selon le • d’autre part, il n’existe aucun jeune dyspraxi-
type de tâche sont résumées dans le tableau 3.1. que qui ne soit pas capable d’écrire à la main,
du moins si :
On comprend ainsi facilement que les perfor-
mances de l’enfant peuvent être variables selon – l’écrit peut être réalisé en un temps non limité,
la tâche (mais aussi en fonction du temps imparti, – l’écrit est court, réduit à quelques mots ou
de la longueur, de la fatigue), variations qui ne quelques phrases,
peuvent pas être rapportées de façon faussement – le sujet a le choix de la police, en particulier
simplificatrice à la bonne volonté ou à la motiva- s’il peut écrire en « non attaché » (lettres
tion du jeune (« quand il veut, il peut »). bâtons, majuscules d’imprimerie),
Par ailleurs, selon les fonctions plus ou moins – aucune autre tâche (en particulier de haut
préservées ou plus ou moins défaillantes chez niveau) n’est requise simultanément.
58
Chapitre 3. Écrire
Tableau 3.1. Principales compétences cognitives sollicitées par les diverses formes d’écrits.
Copie Complétion : Dictée Prise Expression
phrases, textes de notes écrite
Directe Différée
Facteur G. + + ± ± (grammaire) +++ +++
Attention visuelle +++ + +++ Relecture 0 0
Mémoire de travail ± +++ 0 0 0 0
visuelle
Fonctions exécutives 0 + 0 Relecture, +++ +++
Planification corrections
Regard/Neurovision +++ ± +++ 0 0 0
Connaissances 0 + +++ 0 +
orthographiques
Selon l’exercice
Connaissances 0 + +++ 0 +
grammaticales
Compétences spatiales + 0 + 0 0 ++
Compétences 0 ± ++ ++ ++ +++
linguistiques
Influence du facteur + + + +++ +++ +
temps
Compétence sollicitée : 0 : pas du tout ; + un peu ; ++ beaucoup ; +++ essentiellement.
59
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
60
Chapitre 3. Écrire
61
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
• d’abord les outils de base de la langue, tels que teur) épuise l’enfant sans pour autant lui per-
le vocabulaire, l’orthographe, la grammaire et mettre de faire les apprentissages prescrits, au
la conjugaison. On propose souvent aux contraire. Nous conseillons donc de :
enfants de copier, compléter, transformer ou • limiter au maximum la charge de l’écrit et dis-
produire des mots, des phrases ou de petits penser l’enfant de recopier la consigne ou le
textes ; texte (du problème, de l’exercice, de la consi-
• puis leur utilisation est progressivement gne, de l’expérience…) et, chaque fois que le
incluse dans des productions d’écrits qui devoir s’y prête, l’autoriser à répondre par un
sollicitent la syntaxe, les différents styles et mot, un résultat, une marque graphique éco-
niveaux de langue et les connaissances sur le nomique : surligner la bonne réponse dans le
monde physique et social ; texte, ne mettre que l’initiale du mot, cocher
• enfin, l’élève doit être capable de produire la bonne réponse, n’écrire que la terminaison
une rédaction ou une dissertation, c’est-à-dire du verbe, répondre par « vrai/faux », etc. ;
récupérer en mémoire à long terme les idées et • utiliser, chaque fois que possible, les QCM
connaissances en lien direct ou indirect avec le (questions à choix multiple) et les complétions
thème, faire un plan, élaborer sa pensée, choi- de phrases, qui minimisent la part d’écrit
sir le style linguistique (en tenant compte de la (cf. p. 52), que celui-ci soit réalisé à la main ou
consigne, du sujet à traiter, de l’occasion, du à l’ordinateur ;
lecteur éventuel…), effectuer la mise en mots • recourir surtout au verbal qui permet répéti-
et en phrases, ajuster la syntaxe (phrastique et tions et apprentissage par cœur (orthographe,
textuelle) et l’orthographe. Cela demande de listes lexicales, règles grammaticales…).
grandes compétences en sémantique, pragma-
tique, facteur G, fonctions exécutives… Cependant, cela suppose impérativement la
disponibilité d’un adulte (parents, enseignant,
L’élève atteint de DVS est donc en difficulté non AVS, éducateur scolaire ou autre) capable de
dans l’exercice proposé en tant que tel, mais s’assurer que l’enfant s’est bien approprié le
plutôt dans l’appropriation des formes ortho- savoir visé et de faire les corrections éventuelle-
graphiques, la conception et la réalisation d’un ment nécessaires.
plan (cf. p. 53, 56).
Il faut aussi veiller à ce que le temps mis pour
Que proposer ? Des pistes sont présentées p. 56–58. faire ces exercices (cf. p. 64) soit du même ordre
que le temps que les autres enfants y consacrent
Faire des exercices, en moyenne : au-delà, la fatigue (particulière-
faire ses devoirs ment rapide et intense chez les jeunes dyspraxi-
ques) rend ces exercices inutiles ou même
Les exercices ont pour objectif d’amener l’élève nocifs, car l’enfant ne peut plus assimiler de
à s’entraîner, de façon à ce qu’il parvienne peu à nouveaux savoirs. Il peut alors produire de
peu à automatiser une production de qualité nombreuses erreurs qui risquent de parasiter la
(lexicale, orthographique, syntaxique, etc.) mémorisation de la notion et compromettre
selon son âge et son niveau scolaire. l’assimilation de l’item correct.
C’est pourquoi l’attribut principal de ces exerci-
ces est d’être répétitif et ciblé sur un élément Il faut donc réduire la quantité d’exercices
précis. Par ailleurs, le fait que les exercices d’application, en proportion de ce que l’en-
soient écrits permet à l’adulte un contrôle (cf. fant peut réaliser dans les mêmes délais que
infra) sur leur réalisation effective, la compré- ses camarades de classe.
hension ou l’appropriation par l’enfant de la
notion travaillée, et d’éventuels ajustements ou
D’autant que ces enfants, intelligents, très sui-
corrections à prévoir.
vis et très accompagnés sur le plan scolaire, ont
Que proposer ? souvent besoin de moins de séances d’entraîne-
Nous l’avons dit, écrire à la main (mais aussi, ment que certains de leurs pairs valides pour
quoique dans une moindre mesure, à l’ordina- s’approprier certaines notions…
62
Chapitre 3. Écrire
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L’enfant dyspraxique et les apprentissages
et contacte les autorités compétentes. Il est éga- qui, en cas de lenteur coutumière, permettent
lement souhaitable d’informer l’enseignant ponctuellement de rattraper un retard, de se met-
référent, à la MDPH, des aménagements qui tre à jour.
sont demandés. En règle générale, les aides Or l’enfant qui ne peut pas accélérer son gra-
(humaines et/ou matérielles) que le jeune uti- phisme manuel :
lise régulièrement en classe depuis plusieurs
• montre qu’il a besoin d’un important temps
années sont agréées, si elles sont justifiées par le
de contrôle (ou d’ajustement) de son geste :
handicap et par un certificat médical descriptif
c’est un indice important pour soupçonner
et argumenté.
qu’il est en double tâche, même si le gra-
Enfin, pour certaines évaluations (lors de brefs phisme manuel est d’apparence satisfaisant,
contrôles inopinés en classe), l’élève peut être lisible ;
interrogé oralement par l’enseignant lui-même,
• écrit en permanence en classe, toute la jour-
pendant que les autres enfants répondent au
née, à sa vitesse maximale : cette situation est
contrôle écrit. Lorsque c’est nécessaire (évalua-
génératrice d’un épuisement rapide, ne lui
tions nationales), l’enseignant peut aussi rem-
laisse aucune disponibilité pour aucune autre
plir les fiches et cahiers en lieu et place de
tâche intellectuelle et, de fait, s’avère ingérable
l’enfant qui donne ses réponses oralement.
pour l’enfant.
Dans certains cas, lorsqu’il s’agit de contrôles
plus informels, l’AVS peut aussi remplir ce rôle
de secrétaire. Implications générales
On note donc (tableau 3.2) que l’ordinateur La lenteur est à l’origine de plusieurs éléments
peut remplir toutes les fonctions de l’écrit. défavorables :
Cependant, ce n’est qu’un ersatz, dont il faut • elle met l’enfant en décalage permanent et
bien connaître les exigences particulières et les cumulatif entre les activités sur lesquelles il
limites (chapitre 4). focalise son attention à un moment donné et
le discours (ou l’activité) de l’enseignant et du
Lenteur graphique reste de la classe. Cette désynchronisation fré-
quente, sinon continue, ne permet à l’enfant
La lenteur graphique est définie par des tests de bénéficier ni des explications et consignes
étalonnés de vitesse d’écriture : cette dernière orales que prodigue l’enseignant, ni du travail
doit être rapportée à l’âge de l’enfant et à son qu’il est en train de produire avec retard ;
niveau scolaire. Il s’agit de la vitesse du gra- • elle révèle et aggrave la situation de double
phisme manuel30 (selon les tests, il peut s’agir de tâche, en une relation circulaire très négative :
copie, de répétition de mot, de dictée) évaluée c’est la situation de double tâche qui contri-
dans des conditions nettement plus favorables bue (aussi) à ralentir l’enfant, et lorsqu’il a
que la situation de copie à l’école. En effet, lors pris du retard il n’a plus d’autre choix que de
de ces épreuves, l’enfant est en simple tâche se focaliser sur la tâche de bas niveau (le gra-
(puisque aucune autre tâche intellectuelle ne lui phisme manuel) pour essayer d’accélérer le
est demandée simultanément), ce qui est rare- geste, de se mettre à jour ;
ment le cas en situation scolaire.
• l’enfant travaille souvent avec précipitation,
Par ailleurs, nous avons déjà signalé un test (« le aux dépens de la réflexion : il s’épuise à noir-
doux parfum des fleurs », cf. p. 50) qui, outre la cir du papier aussi vite qu’il peut, sans rien en
vitesse graphique « habituelle » de l’enfant, mesure apprendre… ;
ses réserves d’accélération, celles qui reflètent en
• enfin, la lenteur et le retard constants génè-
partie l’automatisation du graphisme, celles aussi
rent une anticipation de l’échec et un décou-
ragement profond, qui s’ajoutent au sentiment
d’incompétence.
30 Il est souvent intéressant, lorsque l’enfant est initié
à l’ordinateur, de comparer vitesse en graphisme L’ensemble compromet donc inévitablement
manuel et frappe au clavier. les apprentissages et ce, d’une façon masquée
64
Tableau 3.2. Principales fonctions de l’écrit à l’école.
Communiquer Disposer d’une mémoire Focaliser Mémoriser l’orthographe Grammaire Produire des textes
à distance externe l’attention lexicale et conjugaison
Types d’écrits Courriers Résumés Copies Copies itératives de mots Copies Phrases ou textes à
Mode d’emploi Prise de notes Dictées Dictées compléter ou à transformer
Plans Phrases à trous Textes prescriptifs,
narratifs, descriptifs,
Copies Transformation argumentatifs : rédactions,
de phrases dissertations, journal…
Caractéristique Trace durable À disposition Présentation Focalisation de l’attention Focalisation Disposer d’un brouillon
essentielle Consultable Consultable par le sujet adéquate sur la forme orthographique de l’attention modifiable pour la mise
à préserver par autrui sur la forme en forme des différentes
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Chapitre 3. Écrire
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
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Chapitre 3. Écrire
À l’issue de la première troisième, P. passe le sa lenteur peut le gêner : il faut lui apprendre à
brevet en histoire/géographie : elle peut maîtriser le stress que cela représente, et il faut
garder ses notes pour l’an prochain, où elle qu’il arrive à s’atteler à son travail initialement
passera les épreuves complémentaires. Il est sans précipitation, à son rythme ; puis, lorsqu’il
possible que P. ait de nouveau besoin, au constate que les autres ont fini ou que le temps
cours des années de lycée, d’un tel disposi- imparti est trop court pour lui et qu’il n’a pas
tif : mais son âge le lui permettra et, loin de terminé, il laisse alors l’activité inachevée.
compromettre son avenir, cela peut lui don- L’enfant doit savoir qu’il sera autorisé à finir (ou
ner les moyens d’aller au bout d’un projet à compléter) ultérieurement, ou encore qu’« on »
professionnel gratifiant. (l’AVS, l’enseignant, un camarade) lui fournira
la suite et la fin (du cours, du corrigé…). Cette
situation, qui ne peut être que ponctuelle, per-
Croire que, plus l’enfant fournit de travail, plus
met au jeune de conserver sa sérénité et d’effec-
il est en situation de réussite est une erreur fré-
tuer un travail certes partiel mais dans de
quente, et lorsque les résultats scolaires de l’en-
bonnes conditions de disponibilité et donc
fant « décrochent », il est difficile de résister aux
d’apprentissage.
arguments apparemment de bon sens, du type :
« il échoue parce qu’il fait moins d’exercices,
moins d’entraînements que les autres et/ou Noter les devoirs à faire
parce qu’il rate certains cours (du fait des C’est souvent en fin de journée, ou au collège en
rééducations et/ou des allègements d’emploi du fin de chaque cours, que les devoirs doivent être
temps) ». très rapidement notés dans le cahier de textes,
Or, l’expérience nous montre régulièrement quelquefois alors même que la sonnerie retentit
que de nombreux enfants handicapés moteurs et que tous commencent à ranger leurs affaires.
non dyspraxiques sont scolarisés à temps partiel L’enfant lent est là dans une situation d’une
sans aucune influence négative sur leur cursus difficulté extrême, dont les répercussions vont
scolaire. A contrario, de nombreux enfants dys- se faire sentir en cascade d’une activité sur
praxiques ne sont dispensés d’aucune tâche et l’autre : sortir le cahier de textes et l’ouvrir à
s’enfoncent peu à peu inexorablement dans l’endroit pertinent est déjà compliqué, labo-
l’échec scolaire. rieux et lent ; lorsque l’enfant est enfin prêt,
c’est l’activité de copie elle-même qui le met
L’important est surtout que, durant les alors en difficulté. Souvent la transcription est
heures scolaires, l’enfant soit réellement dis- illisible (précipitation) et incomplète, donc
ponible pour comprendre, mémoriser, appren inutilisable (les parents et l’enfant rapportent
dre, faire des liens et qu’il rentre au domicile qu’ils doivent très fréquemment téléphoner à
en ayant les éléments (cahiers, textes, infor- un camarade pour avoir les informations uti-
mations, documents, concepts…) nécessai- les aux devoirs). Mais il doit encore ramasser
res pour réviser. et ranger ses affaires et soit changer de salle
(au collège), soit sortir et préparer le matériel
(livres, cahier, trousse, ordinateur…) néces-
C’est le travail du médecin, des rééducateurs, saire à l’activité suivante : il a déjà pris là un
des parents, des enseignants (et de l’AVS) que retard notable par rapport à ses pairs, alors
d’y veiller, et cela passe, chez l’enfant lent, par le qu’il n’a même pas pu, contrairement aux
choix d’acquisitions prioritaires (celles qui autres enfants, bénéficier des quelques minu-
conditionneront son cursus ultérieur, ou son tes de pause nécessaires pour passer d’une
indépendance sociale, ou qui permettront la activité à l’autre. Si l’enfant dyspraxique s’oc-
réalisation de son projet professionnel…), choix troie ces quelques instants d’interclasse – ou
qui détermine la dispense d’un certain nombre de fin de journée – pour se détendre, « décro-
d’activités dans d’autre secteurs. cher » ou discuter avec ses copains, alors cela
Enfin, il faut apprendre à l’enfant à gérer, en lui est reproché car cela s’ajoute à son retard
classe, les situations résiduelles dans lesquelles déjà important…
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L’enfant dyspraxique et les apprentissages
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Chapitre 3. Écrire
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L’enfant dyspraxique et les apprentissages
à des décisions diff iciles mais, à terme, porteu- Cet exemple, dans un collège standard où l’en-
ses d’espoir et gratifiantes. semble de l’équipe éducative a manifesté intérêt
et volonté de s’adapter face au handicap du
Du côté de l’enseignant jeune C., est assez caractéristique à plusieurs
Accepter que l’enfant n’écrive pas à la main titres :
peut être difficile. • méconnaissance des difficultés d’organisation
du jeune : on suppose qu’avec un peu de bonne
Une information sur le handicap caché que volonté, il pourrait avoir ses affaires, ses
constituent la dyspraxie et la situation de feuilles et photocopies, les classer, etc. ;
double tâche est un minimum indispensable • valorisation mal comprise « des efforts, du
à l’enseignant qui accueille l’enfant dans sa travail » qui amèneraient à une sorte de « nor-
classe. En particulier, il faut éviter la confu- malisation » (dictée manuscrite). Cette atti-
sion, fréquente, entre un enfant qui souffre tude est clairement une négation du handicap,
d’une dysgraphie dyspraxique et présente qui, invisible, n’est pas pris en compte. Qui
un handicap, et celui qui a simplement penserait à valoriser les efforts d’un enfant
besoin d’un entraînement supplémentaire qui chercherait à voir sans ses lunettes ?
(cf. p. 3) ou bâcle son travail. Pourtant d’autres handicaps invisibles sont
admis sans contestation (si l’on signale à l’école
un enfant diabétique et que l’on donne des
Mais cela peut s’avérer très insuffisant du fait conseils nutritionnels, ces derniers sont en
de convictions de l’enseignant… général pris très au sérieux). Donc, cette atti-
tude reflète non seulement l’invisibilité du
Exemple
handicap praxique, mais aussi (ou surtout) un
Extrait du courrier du professeur principal refus du diagnostic, qu’on s’autorise à réfuter,
du jeune C. (en 5e), adressé au service de à nier (malgré les dénégations, du type « ce
soins qui a diagnostiqué la dyspraxie, alors qui ne remet pas en cause le diagnostic » ou
que plusieurs réunions d’équipes éducatives « je ne suis pas médecin », affirmations qui ne
ont déjà eu lieu au collège : font en fait que souligner le scepticisme du
« Il semble qu’il y ait un écart entre ce que professeur). Dans quels autres domaines de la
vous traduit C. et ce qui se joue ici : il est médecine cela serait-il possible ? Comment
peut-être plus facile de dire qu’on n’a pas comprendre que les handicaps cognitifs,
les feuilles que de s’efforcer (même si c’est explicitement cités dans la loi du 11 février
dur…) d’avoir ses affaires, ses livres, feuilles 2005 et qui interfèrent directement avec les
et photocopies, qu’on essaiera de classer, ne apprentissages (troubles spécifiques des
pas perdre, ne pas oublier. apprentissages ou TSA), puissent être niés par
Quand ces efforts sont faits (ce qui a été le une partie du corps enseignant, alors même
cas aujourd’hui notamment), une dictée a que des équipes de soins spécialisées
pu être manuscrite de manière lisible et pra- interviennent ?
tiquement sans faute – ce qui ne remet • confusion sur les buts et objectifs visés : l’ensei-
aucunement en question le diagnostic posé gnant semble être très satisfait du fait que
(je ne suis pas médecin) – mais qui permet l’écriture manuscrite du jeune C. est lisible.
juste de pointer qu’un dispositif ne peut Mais l’école est-elle le lieu légitime de la
fonctionner sans le travail du principal inté- rééducation d’une dysgraphie dyspraxique,
ressé. Le portable ne fera pas tout… »31 six heures par jour ?
Dans d’autres cas, les professeurs qui acceptent
le diagnostic avancent leur crainte de stigmati-
31 Ayrault AD. Dyspraxie et précocité : limites de la
prise en charge ; étude de cas. Mémoire pour l’ob-
ser l’enfant dans le groupe par l’utilisation d’un
tention du DU de psychopathologie des troubles matériel inhabituel, ce qui leur semble aller à
intellectuels et cognitifs chez l’enfant et l’adoles- l’encontre de leur mission, qui consiste à traiter
cent, Pr. Ph. Mazet, université Paris VI ; 2009. de façon « égalitaire » tous les enfants.
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Chapitre 3. Écrire
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L’enfant dyspraxique et les apprentissages
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Chapitre 3. Écrire
C’est souvent ce sentiment (cf. p. 99, 107), asso- tue au contraire un problème complexe, dont les
cié à celui de décevoir les adultes (parents, conséquences se manifestent en permanence – y
enseignants), qui sous-tend ce désir manifesté compris sous des formes rampantes et invisibles
par l’enfant « d’écrire à la main ». (la double tâche) –, exhibant aux yeux de tous
En résumé, la dysgraphie est donc loin d’être un le handicap, symptôme sur lequel risquent de se
symptôme secondaire ou négligeable. Elle consti- focaliser les espoirs, les exigences, les conflits…
73
L’ordinateur Chapitre 4
pour l’école
« Il [Michel Butor] compose cet objet littéraire non identifié, qui
procure un bonheur sans égal à quiconque se laisse enchanter (…).
On apprend au passage que le clavier d’un ordinateur peut être
aussi sensuel que le grain d’une page ou le crissement d’un stylo. »
F. Busnel33
Depuis quelques années l’ordinateur est entré à dans le socle commun de connaissances et de
l’école. Son utilisation est encouragée et des compétences que tout élève doit maîtriser au
compétences sont validées sous la forme du B2i. terme de la scolarité obligatoire. Le brevet
informatique et Internet école (B2i école)
Les programmes publiés dans le Bulletin officiel,
constitue une première validation de
hors série no 3 du 19 juin 200834, insistent sur
l’acquisition de ces compétences (ce n’est pas un
l’acquisition des compétences informatiques : examen). Votre enfant l’obtiendra, en principe, à
la fin de son parcours à l’école primaire. »
« Les technologies de l’information et de la
communication (ordinateurs, réseaux
informatiques, Internet) sont probablement Pourquoi cet outil accessible à tous est-il tel-
déjà largement présentes dans la vie de lement difficile à mettre en place à l’école,
votre enfant. L’école doit le former à utiliser
lorsqu’il est indispensable aux jeunes dys-
ces outils de manière raisonnée,
responsable et sûre. Les technologies de
praxiques pour écrire ?
l’information et de la communication
(TICE) sont également utilisées à l’école
comme support de l’enseignement. Leur
Taper sur une touche (appuyer sur un bouton)
usage est un formidable levier au service ne réclame pas du tout les mêmes compétences
des apprentissages fondamentaux, par gestuelles que tracer les différentes lettres et
exemple pour mieux individualiser les enchaîner rapidement et précisément
l’enseignement ou faciliter le travail (cf. p. 17–18). C’est la raison pour laquelle la
autonome des élèves. quasi-totalité des jeunes dyspraxiques en diffi-
Une compétence à acquérir culté graphique est en situation de pouvoir
devenir performant à l’ordinateur.
La maîtrise des techniques usuelles de
l’information et de la communication est En effet, nous pensons ordinateur pour
désormais indispensable. Elle est donc inscrite contourner la non- ou la mauvaise automatisa-
tion du geste graphique [1]. Pour autant, il est
impossible de donner un ordinateur à un
33 Busnel F. À propos de la parution de Petite his- enfant dyspraxique sans lui permettre de faire
toire de la littérature française de Michel Butor.
L’Expess mars 2008.
cet apprentissage dans des conditions spécifi-
34 Guide des parents publié par l’Éducation nationale
ques. Le moyen palliatif aux troubles du gra-
pour la rentrée de septembre 2008. Ref : Ordinateurs phisme doit répondre aux mêmes contraintes
et Internet à l’école, des outils pour divers usages. que celles du graphisme manuel et donc, à
Plus d’informations sur : www.education.gouv.fr terme, être automatisé. [49] (cf. p. 48, 84).
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L’enfant dyspraxique et les apprentissages
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Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école
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L’enfant dyspraxique et les apprentissages
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Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école
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L’enfant dyspraxique et les apprentissages
Démarrage de l’apprentissage
En fait, il s’agit d’une stratégie que l’on uti-
lise dans toutes les activités nécessitant une Au début, tous les réglages sont faits par l’adulte,
prise d’informations neurovisuelles, surtout ainsi que l’ouverture du dossier de l’enfant, les
si ces informations nécessitent des traite- enregistrements, etc.
ments visuospatiaux. Il faut s’y tenir pour L’apprentissage commence par les lettres du
obtenir une réelle automatisation (condi- prénom de l’enfant, c’est une raison supplémen-
tionnement) de ce code chez l’enfant et ce, taire pour laquelle cette phase ne peut être
dans toutes les activités. qu’individuelle et non laissée à la direction d’un
logiciel de frappe, même si elle est accompa-
gnée par un adulte (cf. p. 78).
Le vert est toujours disposé du côté gauche de la
feuille, ou de la ligne, et le rouge du côté droit.
Pour les plus jeunes, nous utilisons une analo- Choisir de commencer l’apprentissage par le
gie simple : « on démarre au feu vert, et on s’ar- prénom de l’enfant lui permet de pouvoir
rête au feu rouge ». l’écrire rapidement et de façon valorisante,
Les lettres cachées par les gommettes vertes pour signer ses réalisations par exemple. En
sont : outre, en maternelle c’est souvent l’étiquette
• sur la première ligne : a, z, e, r, t ; du prénom qui sert de modèle pour les pre-
• sur la seconde ligne : q, s, d, f, g ; miers apprentissages graphiques.
• sur la troisième ligne : w, x, c, v, b ;
Les lettres cachées par les gommettes rouges On montre à l’enfant l’emplacement des trois
sont : premières lettres de son prénom. La touche
majuscule est activée (Caps lock : on) pour que
• sur la première ligne : y, u, i, o, p ;
les lettres que l’enfant voit à l’écran soient en
• sur la seconde ligne : h, j, k, l, m ; majuscules. Débuter avec des lettres en majus-
• sur la troisième ligne : n. cules évite au jeune enfant la confusion visuelle
80
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école
de certaines lettres minuscules qui sont en coup d’enfants accélèrent spontanément au fur
miroir (le p/q et le b/d). On désigne l’emplace- et à mesure de la frappe sur ces deux touches et
ment de la première lettre, en la nommant. Pour collent ainsi des lettres sans faire d’espaces ou à
les plus petits, on fait attention de bien distin- l’inverse font trop d’espaces. Il faut qu’ils
guer le nom de la lettre et le bruit qu’elle fait contrôlent une certaine « impulsivité » et cer-
(phonologie). tains automatismes (fonctions exécutives) : c’est
Connaître à la fois « le nom et le son » des let- donc sur ce contrôle que l’on focalise leur
tres, apprentissage qui se fait souvent en même attention.
temps que celui du clavier, est un préalable On introduit alors la seconde lettre du prénom
indispensable à l’apprentissage de la lecture : de l’enfant, pour laquelle on utilise la même
l’enfant doit connaître et la dénomination des stratégie que pour la première lettre.
lettres et le son qu’elles produisent (/esse/ pour On combine ensuite les deux ou trois lettres
/s/, qui « fait » phonologiquement /sssss/, ou /sé/ apprises (syllabe) en les dictant à l’enfant et en
pour la lettre /c/ qui « fait » phonologiquement nommant toujours l’espace.
/k/ devant /a, o, u/…). Lorsque ce travail n’a pas
encore été fait à l’école (ou n’est pas du tout
prévu par l’enseignant, ni en fin de maternelle, Nota bene : il est important d’introduire l’es-
ni en début de CP), nous le conduisons simulta- pace d’emblée, car il est essentiel pour la seg-
nément avec l’apprentissage du clavier. Nous mentation des mots à venir. Il faut que
avons choisi, pour les plus jeunes, de présenter l’enfant connaisse plusieurs lettres pour
les lettres, par exemple /c/, en disant que cha- pouvoir écrire des mots, cela lui permet déjà
cune a un nom (/sé/) et qu’elle a aussi un de commencer à automatiser l’utilisation de
« métier » qui est de faire un bruit, un son la barre d’espacement.
(/k/)… Le travail phonologique et métaphono-
logique est fréquemment conduit simultané-
ment par une orthophoniste, avec laquelle il Vignette clinique :
faut absolument que l’ergothérapeute se coor-
les premières lettres
donne : cette concertation est aussi indispensa-
ble qu’avec l’enseignant. Le prénom de l’enfant est Alexandre. Nous lui
Puis on demande à l’enfant de faire une ligne de montrons le A. Nous pouvons l’accompagner de
cette lettre, avec une espace entre chaque lettre. la verbalisation et lui dire que c’est la première
À chaque fois que l’enfant tape sur la touche, on touche sur la première ligne des verts. Puis lors-
dit le nom de la lettre et « espace ». que l’enfant tape sur la touche, nous disons : « A
espace, A espace », pendant une ligne.
Lorsque l’on débute l’apprentissage, on intro-
duit l’espace d’emblée, alors que dans le travail Pour la deuxième ligne, nous lui donnons le
d’automatisation l’espace est fait dans un rythme à suivre.
second temps (cf. p. 84). Nous montrons ensuite la deuxième lettre : le L.
L’espace après chaque lettre permet à l’enfant Nous verbalisons sa position sur le clavier : « il
d’individualiser la lettre comme il le fait est chez les rouges, sur la deuxième ligne ».
lorsqu’il doit lever le crayon après la ligne de L, L’enfant tape sa ligne de « L espace », et nous
par exemple. La lettre est alors reconnue pour nommons la touche sur laquelle il tape à chaque
elle-même. fois. Puis comme pour la première lettre, nous
On peut proposer à l’enfant de faire une donnons le rythme de la dictée pour la seconde
deuxième ligne de cette première lettre apprise ligne de L.
mais en suivant le rythme de notre parole. On Nous combinons ensuite les deux lettres appri-
l’oblige alors à contrôler la vitesse de la succes- ses en une « dictée » de lettres : « L espace,
sion des gestes, et à maintenir une vitesse que A espace, A espace, L espace, etc. ». L’ordre des
nous lui imposons. Cette vitesse ne doit lettres que nous dictons ne respecte pas forcé-
d’ailleurs pas être trop rapide. En effet, beau- ment l’ordre dans lequel elles apparaissent dans
81
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
le prénom de l’enfant pour qu’il ne mémorise choisit avec l’enfant), on la met dans une autre
pas une suite ordonnée de touches à frapper couleur ;
mais bien l’emplacement de chaque lettre • l’enfant peut réaliser (avec l’aide de l’ergothé-
individuellement. rapeute) des étiquettes, des petits cartons
Puis nous indiquons l’emplacement de la nou- d’invitation pour un anniversaire ou pour
velle lettre le E, en verbalisant sa localisation des fêtes (en y associant les outils « dessin » de
(chez les verts, sur la première ligne ; pour cer- Word®) etc. ;
tains enfants, on peut rajouter entre le trois et le • des jeux d’écriture d’anagrammes construits
quatre). Nous faisons une ligne de « E espace », à partir de tout ou partie des lettres du pré-
et nous oralisons à chaque fois que l’enfant fait nom ; dictées de lettres et jeux de « la mar-
le E et tape l’espace ; puis une seconde ligne où chande de lettres » (« bonjour monsieur, je
nous imposons la vitesse de frappe. Enfin nous voudrais deux /n/, un /e/ et un /a/, s’il vous
combinons les trois lettres A, L, E, en les dic- plaît… »), etc. ;
tant dans un ordre aléatoire, entrecoupées par
• des concours de vitesse, des épellations et des
une espace que nous verbalisons à chaque fois :
jeux de devinettes (l’adulte tape sur le clavier
nous dirons alors « A/L/E, espace, E/L/A,
caché et l’enfant doit énoncer les lettres avant
espace, L/A/E, espace », etc.
que l’adulte ne les ait frappées) ;
Nous pouvons proposer ce travail sur plusieurs
• des jeux d’inhibition : soit l’enfant ne tape
lignes en faisant varier certains paramètres
qu’une lettre sur deux, soit il ne doit taper le A
comme la vitesse, ou en ne disant plus « espace »
que s’il est suivi du L, soit il ne tape que les
et en demandant à l’enfant d’y penser seul. S’il
lettres dictées chez les rouges et l’adulte les
l’oublie, il suffit parfois de taper sur la table
lettres chez les verts, etc.
pour que l’enfant y pense.
Au fur et à mesure, on augmente le nombre de
lettres que l’on présente à l’enfant. Il faut par- Au fur et à mesure de l’apprentissage des
fois consacrer plusieurs séances aux premières nouvelles lettres, il faut toujours penser à
lettres apprises, pour qu’il n’y ait pas de confu- réutiliser celles antérieurement apprises.
sions spatiales qui s’installent.
Ceci est d’autant plus vrai lorsque les premières
lettres apprises sont très proches, comme dans Lorsque l’enfant connaît toutes les lettres qui
le prénom Louise où les lettres O, U et I se sui- composent son prénom, on lui propose de démar-
vent dans le « pays des rouges ». rer la séance par une ligne de son prénom.
On peut, de temps en temps, chronométrer le
temps que l’enfant met à taper cette ligne, ce
Autres activités qui sert ensuite de repère de la progression de la
Lorsque cette phase est acquise, on peut organi- vitesse de frappe de l’enfant, dans un premier
ser plusieurs activités. Citons, entre autres : temps et de repère pour la vitesse de frappe
• l’écriture du prénom « contre la montre » (le d’une ligne « automatisée », dans un second
plus de fois possible en un temps donné, ou temps.
une ligne réalisée en un temps de plus en plus On vérifie ensuite les lettres que l’on a déjà
court). On propose que l’enfant tape une ligne apprises, en proposant ce que l’on appelle en
et l’adulte tape une autre ligne, les vitesses général avec l’enfant « la dictée de lettres ». On
obtenues étant à améliorer la fois suivante. dicte les lettres que l’enfant connaît en lui
On joue en modifiant les polices et les cou- demandant de faire une espace après chaque
leurs des polices (selon le choix des enfants, lettre. Si l’enfant oublie l’espace, on le lui rap-
afin de les rendre attrayantes), on peut chan- pelle soit en disant « espace », soit en tapant sur
ger la couleur d’un mot sur deux ou à chaque la table. À terme, il faut que l’enfant y pense
fois que l’on trouve une lettre cible (que l’on seul.
82
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école
Si l’enfant se trompe pour une lettre, on analyse ligne de : ORDRE, NORD, LÉON, RONDE,
le type d’erreur commise. Est-ce : NÉON, DONNERA, etc.
• une confusion spatiale (lettres côte à côte ou Nous lui dictons les lettres qu’il doit taper
erreur en miroir) ; au rythme que nous lui imposons. Nous
• une confusion de sons (/f/ et /v/) ; nous arrangeons pour avoir toujours une ou
deux lettres d’avance sur sa vitesse de frappe
• une confusion de noms de lettres (/c/ = « sé » (cf. p. 87).
et /s/) ;
Lorsque l’enfant commence à se fatiguer, il
• une confusion « visuelle » (E et F ou O et Q), etc. commet des erreurs de frappe ou alors il a
On peut retravailler de manière « analytique » souvent besoin de répéter les lettres que
les erreurs commises en les introduisant dans nous venons de dicter (cela peut se produire
des anagrammes qui utilisent les lettres que également s’il a une mémoire de travail
l’enfant connaît. auditivoverbale un peu faible). Il est alors
judicieux de faire une pause dans la séance,
car l’enfant vide ses ressources attentionnel
Il est très important de contacter l’ensei-
les et ne peut plus travailler efficacement.
gnant et/ou l’orthophoniste si ces confu-
sions persistent [53, 54], sont régulières ou
fréquentes… Au fur et à mesure de la progression, nous
apprenons de nouvelles lettres. L’ordre d’ap-
prentissage varie bien sûr avec chaque enfant,
Progression des séances puisque nous lui montrons d’abord les lettres
de son prénom.
On introduit une nouvelle lettre environ toutes
les deux séances. À chaque nouvelle lettre, on
procède comme pour les lettres du prénom : on Ensuite, nous choisissons les lettres par fré-
montre l’emplacement de la nouvelle lettre à quence d’utilisation, en nous arrangeant
l’enfant, puis on fait une ligne de cette nouvelle pour ne pas apprendre successivement deux
lettre, suivi d’une espace. On utilise cette nou- lettres proches sur le plan spatial, ou en
velle lettre dans des anagrammes, avec les miroir sur le clavier (comme le E et le I), et
autres déjà connues. nous vérifions que les lettres vues précédem-
Si l’enfant fait des confusions de sons (comme ment ne posent pas de problème.
pour le B et le D), nous cherchons avec lui des
« trucs » pour l’aider. On peut alors proposer
d’associer soit un geste comme dans la méthode Avec ces nouvelles lettres, nous cherchons
Borel-Maisonny [51], soit nous disons « B en d’autres anagrammes. Si l’enfant est lecteur, il
bas », ce qui lui permet de la différencier du « D » peut nous aider dans la recherche des nouveaux
pour laquelle nous ne dirons rien, ou encore « B » mots. Parfois, il manque une lettre que nous
comme « ballon », etc. L’enfant (ou son ortho- n’avons pas encore vue avec l’enfant. Nous pou-
phoniste) nous indique ce qui est le plus efficace vons saisir l’occasion pour l’apprendre immé-
pour lui. diatement, ou nous disons à l’enfant que nous le
notons pour la prochaine fois.
Exemple Profiter des propositions de l’enfant permet de
L’enfant s’appelle ALEXANDRE. Il connaît le rendre acteur de ce travail qui peut parfois se
maintenant toutes les lettres de son pré révéler rebutant. On va toujours se saisir des
nom. Nous venons de voir avec lui une nou propositions de l’enfant, et les introduire dans
velle lettre, le O. des jeux.
Nous cherchons des anagrammes avec les On peut proposer de nouveaux jeux comme le
lettres qu’il connaît, il peut alors taper une jeu de la valise : « je mets dans ma valise des
83
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
Exemple
De plus, pour certains, le fait de segmenter les
« Maismamefillemetiraitparlamanche : mots pendant la lecture rend le texte mobile
– Onprebddesgraines,Pap)a !Allez ?onprend (puisque l’espace que l’on introduit fait bouger
desgraines ! le reste du texte), et facilite ainsi leur lecture par
84
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école
85
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
Enfin, dès que les écrits comprennent plusieurs le cas pour la virgule, le point. En ce qui
lignes ou paragraphes, il faut, à l’occasion, concerne les signes de ponctuation comme le
savoir tolérer quelques fautes (de frappe ou point-virgule, les deux points, le point d’inter-
d’orthographe !)… comme chez chacun. Le rogation ou celui d’exclamation, ils sont com-
perfectionnisme des adultes ne doit pas aggra- posés de deux signes (ou de deux dessins), on
ver celui des enfants. fait alors deux espaces, un avant le signe de
Peu à peu, l’enfant, rassuré (cela peut prendre ponctuation et l’autre après.
des mois…), accepte de ne plus vérifier ni corri- Pour gagner du temps dans l’utilisation des
ger son texte en cours de frappe, et il n’y a alors majuscules, on utilise la majuscule « provi-
plus de nécessité d’éteindre l’écran. soire ». Il faut donc maintenir la touche majus-
cule enfoncée pendant que l’on tape la lettre
Logiciels de retour vocal qui doit être en majuscule. Si on utilise la
majuscule bloquée (Caps lock : on), il faut
Pour certains enfants, on peut être tenté d’utili- appuyer sur la touche majuscule, puis sur la
ser un retour vocal. En effet, cet outil permet à lettre que l’on souhaite faire en majuscule
l’enfant un contrôle « audio », en temps réel de puis ré-appuyer sur la touche majuscule pour
ce qu’il écrit, sans avoir besoin d’utiliser le la débloquer. Ce qui fait trois manœuvres,
regard, ni perdre du temps dans les aller-retours alors que l’on n’en fait que deux avec la majus-
clavier/écran. cule provisoire. On explique aussi que le point
Cependant, plusieurs aspects sont alors à dis- se fait avec une majuscule et qu’après un
cuter : point, la lettre est toujours en majuscule, il ne
• les logiciels de retour vocal disent le nom de la faut donc pas lever le doigt qui maintien la
lettre et non le phonème (le son) ; majuscule enfoncée pour faire la lettre sui-
vante lorsque l’on dit « majuscule provisoire–
• dans la phase d’apprentissage et d’automati- point ». Si le clavier a un pavé numérique, on
sation, le travail consiste à associer une tou- peut l’utiliser pour faire le point.
che et une lettre, ce n’est pas un exercice de
langage écrit, il n’est pas indiqué de surchar- Il faut aussi apprendre à automatiser ces séquen-
ger la tâche par un contrôle en vue d’une cor- ces. La majuscule est gérée automatiquement (à
rection immédiate, ce qui doit être fait dans condition de l’avoir paramétrée dans le menu
un second temps (cf. supra) : le retour vocal correction automatique).
est donc tout à fait inutile à cette phase ; En ce qui concerne les lettres avec accent
• en revanche, dès que l’enfant est suffisam- comme le « é accent aiguë », on verbalise sa
ment efficace pour utiliser son clavier dans position par rapport aux chiffres. Il est sous le
une tâche d’écriture, il peut être intéressant « 2 », et ainsi de suite pour toutes les lettres ou
de lui proposer ce logiciel (cf. p. 124) ; signes sous les touches de chiffres.
• il faut être attentif au choix du logiciel qui ne
doit pas ralentir l’enfant, être simple de para- Exemple
métrage et d’utilisation, et performant sur le Ainsi pour le « è accent grave » on dit « /E
plan de la transcription graphophonologique accent grave/ sous le 7 », pour le « A avec
(Word ReaderÒ, DspeechÒ, cf. annexe). accent » on dit « /A avec accent/ sous le 0 »,
pour le trait d’union on dit « trait d’union
sous le 6 », etc. Comme les chiffres sont
Ponctuation organisés de manière linéaire et ordonnée,
les enfants les trouvent facilement.
On commence à aborder des règles de
ponctuation.
Par exemple, après un point, on met toujours Il faut aussi travailler de manière élective les
une majuscule, ou après les signes de ponctua- séquences de lettres dont la suite est très
tion composés d’un seul caractère, on ne fait fréquente en français (tion, ent, qu, ation…). Ce
qu’un espace, et donc on le fait après, ce qui est travail ciblé doit permettre leur automatisation.
86
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école
Durant cette phase, on peut faire varier plu- met de vérifier qu’il a bien entendu les bonnes
sieurs paramètres : lorsque l’enfant a atteint lettres, et le nombre maximum de lettres qu’il
une vitesse à laquelle on le sent à l’aise, on aug- peut retenir à l’endroit. On propose ce travail à
mente le temps de dictée. On gagne ainsi en l’enfant sur plusieurs groupes de lettres, en
endurance, qui est une condition très impor- fonction de sa fatigue.
tante d’efficacité en situation scolaire. Dans un deuxième temps, quand l’enfant a bien
Ensuite, on modifie la vitesse de dictée, on compris le principe, on lui propose le même
l’augmente en ayant toujours une ou deux let- exercice avec les lettres à l’envers. On dicte à
tres d’avance sur l’enfant, mais on dicte moins l’enfant les lettres à l’endroit (ou des mots
longtemps. Enfin, une fois qu’on le sent suffi- courts, ou des syllabes), mais il doit alors les
samment à l’aise à cette nouvelle vitesse, on taper ou les dicter à l’adulte à l’envers, ou « en
peut ré-augmenter la longueur de la dictée. verlan ». Attention à la fatigue de l’enfant, avant
de proposer d’augmenter le groupe de lettres.
Pour varier les exercices, on demande à l’enfant
Entraînement de la mémoire de trouver des mots ou des anagrammes avec
de travail auditivoverbale les lettres données, ou encore d’écrire son pré-
nom tout en mémorisant les deux, trois ou qua-
tre lettres données, etc.
Cet exercice est important sur le plan fonc-
tionnel, car l’enfant doit conserver en mémoire
ce qu’il doit taper tout en continuant à écou- Travail en groupe
ter ce que l’enseignant dicte ou explique. Il peut être intéressant de réunir plusieurs
Il est donc indispensable d’associer le tra- enfants pour faire ce travail d’automatisation.
vail d’automatisation de l’écriture au cla- De façon optimale, le petit groupe est constitué
vier et de développer la mémoire de travail d’enfants ayant à peu près le même âge et un
[47, 48]. niveau comparable de connaissance de l’outil
ordinateur.
Dans ce but et pour varier les exercices, nous Ainsi, depuis plusieurs années, pour cette
proposons de nouveaux jeux. seconde partie du travail (automatisation), lors-
que les enfants connaissent bien l’emplacement
On explique à l’enfant qu’on va lui dicter des
de toutes les lettres sur le clavier, des groupes
lettres (ou des mots courts) et qu’il doit les répé-
sont régulièrement proposés.
ter dans le même ordre. Dans un premier temps,
on se substitue à l’enfant pour taper sur les tou-
ches, lui ne fait que répéter ce que l’on vient de Cela a l’avantage de permettre à des jeunes
dire. En fonction de l’âge de l’enfant, on fait qui sont seuls à utiliser l’ordinateur dans
varier le nombre de lettres proposées. On com- leur classe de se rencontrer et de se rendre
mence avec deux lettres, puis on ajoute une let- compte que d’autres enfants, scolarisés dans
tre jusqu’à ce que l’enfant ne puisse plus les d’autres écoles, ont les mêmes difficultés
retenir (de 2 à 6//9 en fonction de l’âge et des qu’eux.
capacités mnésiques).
On peut aussi instaurer une dynamique de
On peut aussi lui demander, une fois qu’il a bien travail très intéressante (collaboration, ému-
répété les lettres, de vérifier avant que l’on ne lation) et introduire des exercices plus variés
tape sur la touche que nous allons bien taper la
et plus ludiques.
bonne lettre (emplacement).
Si l’enfant répète facilement le nombre de let-
tres que l’on vient de lui dire, on peut alors aug- En effet, on peut faire le même type d’exercices
menter d’une lettre. On s’arrête après deux que ceux proposés en individuel, mais égale-
échecs consécutifs. Quand l’épellation est ter- ment des jeux d’attention visuelle et de
minée, il doit les redire dans l’ordre. Cela per- mémoire.
87
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
88
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école
nal. Actes du colloque des premières Journées en rappelant simplement en début de séance
européennes et francophone d’ergothérapie ; que toutes les étapes de la fiche doivent être
les 4 et 5 juin 2007 ; Paris, campus Cordelier). faites dans l’ordre et dans un temps imparti
(par ex., 15 minutes). Cinq minutes avant la fin,
on rappelle qu’il ne reste que 5 minutes pour
Installation du matériel que tout le monde soit prêt.
89
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
au collège où l’enfant doit changer de salle toutes en se mettant d’accord avec lui sur le vocabu-
les 50 minutes) et ne prenne pas un retard rédhi- laire employé. Quand il utilise une de ces
bitoire dans toutes les activités (cf. p. 64). possibilités, on lui demande de nous expli-
Cela n’est généralement pas bien compris ou quer comment il aurait pu faire autrement. À
accepté, car on suppose (à tort) que la présence terme, il choisit la façon de faire la plus effi-
de l’AVS empêche l’enfant d’acquérir de l’auto- cace pour lui.
nomie : or, c’est la situation qui handicape l’en- Quand on fait les copier/coller, les enfants
fant dyspraxique. Il faut donc bien évaluer les oublient souvent dans un premier temps de sélec-
tâches ou parties de tâches dans lesquelles l’en- tionner le texte qu’ils souhaitent copier. On en
fant est autonome. profite pour leur expliquer qu’ils doivent « tout
dire » à l’ordinateur sinon lui ne sait pas quoi faire.
Fonctionnalités du traitement On apprend également comment copier d’un
document à un autre. Quand l’enfant a bien
de textes avancé dans le travail d’automatisation de la
Lorsque l’on a fait, par exemple, un travail de frappe, il a à sa disposition un certain nombre
dictée (cf. p. 52, 85), on montre à l’enfant com- de paragraphes déjà corrigés. On ouvre avec lui
ment faire un copier/coller des lettres ou mots un nouveau document dans le traitement de
que l’on a dictés. textes qu’il utilise. On lui apprend à enregistrer
ce nouveau document. On verbalise avec lui
Sur la partie collée, on travaille la segmentation
chaque étape, l’objectif étant, à terme, qu’il
des mots (cf. exemple de correction, p. 84). C’est
puisse utiliser cette verbalisation seul, sous
l’occasion d’entamer un travail neurovisuel
forme d’autoguidage (cf. p. 25).
(mise en jeu de capacités liées à la lecture : prise
d’information sur la forme globale du mot,
connaissances orthographiques et grammati- La maîtrise des différentes fonctions du trai-
cales, mise en forme typographique). tement de textes est également utile à l’en-
Là encore, on dissocie les tâches proposées : fant lorsqu’il doit rédiger et concevoir les
expressions écrites : mise en forme du plan
• soit l’enfant lit et nous indique où faire les
et de la rédaction (cf. p. 55 et 144).
espaces (cet exercice ne peut se faire que si
l’enfant est déjà lecteur). S’il y a des fautes,
nous changeons la couleur des caractères qui L’exemple qui suit est donné pour indiquer une
n’ont pas été correctement tapés voire oubliés, démarche. Il est bien sûr à adapter en fonction
si l’enfant n’a pas suivi le rythme à un moment de la version et/ou du logiciel de traitement de
donné. Nous lui montrons comment sélec- textes utilisé.
tionner les lettres à modifier et où changer la
couleur de la police. Cela permet également Exemple
de voir au bout de combien de temps de dictée Nous en sommes maintenant à l’étape où
l’enfant se fatigue car, en général, à ce l’enfant a déjà quelques paragraphes à sa
moment-là il fait nettement plus d’erreurs. disposition sur le document. À chaque nou
Cela peut être utilisé comme un élément de velle séance, il a inséré seul la date du jour, il
motivation avec lui en lui faisant remarquer a fait une ligne de son prénom pour se pré
que sur un certain nombre de lignes il n’a pas parer (c’est un rituel que l’on a instauré avec
fait d’erreur, et qu’à la séance suivante on lui). Souvent, les enfants aiment bien qu’on
essaiera d’augmenter ce nombre d’une ligne, leur relise ce qui a été tapé la fois précé
par exemple. On indique aussi à l’enfant com- dente, puis on dicte la suite. On corrige avec
ment enregistrer son travail. On peut lui mon- lui ce qui vient d’être tapé.
ter qu’il existe plusieurs façons de le faire ; Pour faire la mise en page du document
• soit il utilise les icônes ou le menu déroulant corrigé, on doit donc ouvrir un nouveau
ou encore les raccourcis clavier. À chaque document (cf. figure 4.3, cahier couleur cen-
fois, on verbalise les différentes possibilités, tral). On verbalise les différentes étapes :
90
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école
91
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
La vitesse de frappe doit répondre aux exigen- des troubles du regard à la dyspraxie, toutes les
ces scolaires lorsque cela est possible. Il existe tâches scolaires qui nécessitent de la copie ne sont
plusieurs bilans de vitesse d’écriture, qui nous justement pas facilitatrices (cf. p. 51, 60, 121).
indiquent la vitesse graphique attendue soit à En particulier, les nécessaires aller-retours du
l’âge réel de l’enfant, soit en fonction de la classe regard du modèle à leur feuille vont les perdre.
fréquentée (cf. p. 50). En classe, il faut dissocier En général, le modèle est au tableau, donc sur
les situations d’utilisation de l’ordinateur un support vertical, et il faut copier sur une
(cf. p. 65) : quelle rapidité a-t-on sur une tâche feuille qui est à l’horizontale, ce qui nécessite
de copie, de production de langage écrit, de de changer de plan à chaque fois qu’il faut pren-
prise de notes ou de dictée [55] ? Toutes ces dre les repères. Il leur faut encore gérer les sauts
situations sont à considérer en fonction de l’âge de ligne, le respect de l’organisation spatiale du
de l’enfant. On ne peut pas parler de prise de texte (poésie…), pour arriver à un résultat sou-
notes proprement dite avant le collège. vent médiocre, avec des fautes et des oublis de
lettres au minimum, de mots voire de phrases
Il arrive que des enfants qui avaient une complètes, et une fatigue disproportionnée
vitesse de frappe correcte jusqu’à la fin du pour la tâche engagée. Cette situation de copie
primaire se trouvent en difficulté à l’entrée doit donc être évitée le plus souvent possible.
du collège. La gestion des activités ne se fait Si l’enfant doit malgré tout copier à un moment
plus sur une journée entière par un ensei- donné (et donc de manière tout à fait occasion-
gnant unique. Cette organisation est dévolue nelle), cette situation doit être accompagnée
à plusieurs enseignants, sur un temps limité par l’AVS qui dicte à l’enfant ce qui est écrit sur
(50 minutes), et il faut changer de salle à cha- le tableau (contournement de la phase de prise
que cours, voire d’étages et donc ré-installer d’informations visuelles).
le matériel. Ces nouveaux paramètres peu- S’il n’y a pas d’AVS (et toujours de manière
vent effondrer une organisation qui jusque-là limitée et ponctuelle), il faut donner des straté-
fonctionnait et mettre le jeune en échec. Cet gies à l’enfant, en particulier pour faciliter la
échec peut participer au refus du jeune de phase de lecture, afin que cela soit le moins
continuer à utiliser l’ordinateur. « coûteux » possible (cf. figures 3.2, 4.2 et 6.2,
cahier couleur central).
Il faut alors négocier avec les enseignants la
Copie différée
quantité d’écrits, la mise à disposition des cours
par anticipation (le jeune écoute alors le cours ou Il faut éviter au maximum les aller-retours du
ne note que le plan du cours…), des photocopies regard, en effet les stratégies de recherches
du cours pris par un autre élève (se pose alors le visuelles sont aléatoires, non automatisées
problème de la gestion des photocopies [p. 96]). (le jeune est donc en double tâche, cf. p. 19). On
Si l’apprentissage de l’ordinateur s’est fait au essaye plutôt de s’appuyer sur les bonnes com-
cours de la grande section maternelle, on peut pétences mnésiques de l’enfant en dissociant
avec l’accord de l’enseignant le mettre en classe une fois encore les procédures qu’il met en
dès la rentrée de CP. L’enfant automatise le cla- œuvre et donc utiliser la copie différée (cf. p. 51).
vier en l’utilisant en classe pendant que les autres Cela consiste à ne pas copier directement et
enfants automatisent le graphisme manuel. immédiatement ce qui est écrit et évite une
vérification lettre à lettre. Afin que l’enfant ne
vérifie pas sur le modèle au fur et à mesure, on
Travail de copie le cache immédiatement après la lecture.
Bien que l’on ne souhaite pas encourager la copie Après avoir lu la phrase (le mot), l’enfant doit
pour ces enfants en classe, elle est souvent utilisée écrire ce qu’il a lu sans faire référence au modèle
comme support à d’autres apprentissages et (c’est-à-dire la phrase qu’il vient de lire). Puis
comme moyen facilitateur puisque le modèle une fois le mot ou la phrase écrits, il lit le mot
reste visible. Mais pour les enfants qui associent ou la phrase suivant, puis il l’écrit, etc.
92
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école
Il faut entraîner cette stratégie en utilisant au terre (SVT), l’ordinateur lui remplacera sys
départ des phrases courtes, sans difficulté tématiquement l’abréviation par le mot
orthographique, sans retour à la ligne au sein /souvent/. Il suffit, par exemple, pour la dis
de la phrase. Cela nécessite, dans un premier cipline d’insérer un point après chaque let
temps, de préparer les supports qui vont être tre (S.V.T.) pour que l’ordinateur ne modifie
utilisés avec l’enfant. plus l’abréviation.
D’autres types de logiciels peuvent rendre
Aménagements typographiques service à l’enfant notamment en géométrie.
du modèle Il ne s’agit pas de transférer sur l’ordinateur
ni manipulation, ni organisation spatiale
On utilise un interligne double, les phrases sont
d’outils, stratégie qui ne permet pas à ces
surlignées pour aider l’enfant à se repérer. On se
enfants d’apprendre, ni de raisonner. Au
sert de trois couleurs alternées pour que chaque
contraire, on privilégie des logiciels s’ap
phrase soit dans une couleur différente. On expli-
puyant sur l’utilisation des propriétés géo
que à l’enfant que la première phrase est surlignée
métriques des figures (cf. p. 141 et annexe).
en jaune, la deuxième en vert et la troisième en
Cependant, il ne faut pas que l’enfant inves
rose. Puis, on recommence avec une phrase
tisse toute son énergie à prouver qu’il peut
jaune, etc. (cf. figure 6.2, cahier couleur central).
y arriver à tout prix si cet investissement
Un point vert peut être mis en début de phrase, obère ses autres apprentissages (cf. p. 118).
un rouge en fin de phrase (cf. figure 4.2, cahier
couleur central).
Lors de la lecture de la phrase, les signes de Dictée vocale
ponctuation ainsi que les majuscules sont ver- Il s’agit de dicter à l’ordinateur le texte que l’on
balisés. On insiste également sur les difficultés souhaite écrire (cf. annexe).
orthographiques, en verbalisant la règle, ou en
demandant à l’enfant de le faire. Paramétrage
Le paramétrage se fait par la lecture à haute
Logiciels à usage scolaires voix d’un texte par l’utilisateur. Après cette
phase de paramétrage, le logiciel « apprend », à
Certains logiciels sont utiles (ou indispensa-
partir des fichiers textes déjà enregistrés dans
bles) dans la scolarité de l’enfant, il lui faut
l’ordinateur, le vocabulaire spécifique de l’élève.
apprendre à les maîtriser.
Ensuite le logiciel continue à « apprendre » à
En effet à partir de la fin du primaire, la vitesse chaque utilisation. Il faut faire les corrections à la
de frappe peut s’avérer insuffisante pour la prise voix en dictant les commandes à l’ordinateur.
de notes à l’aube du collège. Certains logiciels
Certains jeunes peuvent avoir du mal à lire le
prédictifs de frappe peuvent être mis en place
texte lors du paramétrage. Le texte est écrit
pour faire gagner du temps sur la vitesse de
assez petit et le temps de lecture est limité. Il
frappe. Il faut toutefois être vigilant dans leur
faut, pour que le paramétrage soit efficace, une
choix, car certains enfants peuvent avoir du
voix stable (attention à la phase de mue chez les
mal à « trier visuellement » les informations
jeunes garçons), sans problème de souffle, sans
(trop nombreuses) qui leur sont proposées.
trop de fluctuations dans la déformation de la
On peut alors rentrer dans leur traitement de prononciation (problèmes fréquents si une
textes leurs propres abréviations (lorsque l’enfant dysarthrie coexiste). Le logiciel peut gérer cer-
tape /bcp espace/, l’ordinateur écrit /beaucoup/). taines déformations de prononciation si ces
déformations sont stables. L’adulte lit alors la
Pièges et bugs phrase et l’enfant la répète.
Il faut choisir judicieusement les abrévia
tions car si pour /svt/ vous voulez que l’ordi Production d’écrits
nateur écrive le mot « souvent », le jour où Quand l’enfant est en phase de production de
l’élève sera en cours de sciences et vie de la textes, cela nécessite qu’il ait construit sa phrase
93
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
« dans la tête » avant de la dicter, car le logiciel Il ne faut pas avoir de troubles articulatoires, ni
est plus performant si on ne segmente pas trop de trouble du souffle. Le logiciel peut répondre
les phrases. Il faut être assez compétent sur le à une certaine variabilité de prononciation à
plan de la planification car il s’agit (comme lors- condition que les déformations soient stables.
que l’on utilise un dictaphone) d’avoir le plan en Si elles sont fluctuantes, il y a alors beaucoup
tête, de dicter ce que l’on souhaite mettre dans d’erreurs de transcription.
chaque partie, et en même temps de dicter la
mise en forme. La planification des idées est à Logiciels suppléant la lecture
travailler en parallèle avec l’orthophoniste pour
améliorer les compétences de l’enfant ou à En raison de l’association fréquente de la dys-
entraîner si cette tâche est déficitaire. praxie avec les troubles du regard, certains
enfants sont empêchés de lire ou ne le peuvent
Il faut toujours dissocier ces tâches car elles
que sur quelques lignes (cf. p. 121, 130, 132). Il
sont souvent difficiles à gérer conjointement.
faut alors absolument dissocier ces médiocres
Dans un premier temps, l’enfant dicte le plan,
capacités en lecture des bonnes capacités de
puis il insère, en la dictant, sa production dans
compréhension du langage écrit. C’est pourquoi
chaque partie, ensuite il gère l’aspect spatial de
il faut rapidement mettre en place des logiciels
l’organisation de son texte (les retraits pour les
qui lisent en classe pour l’enfant (pour une fonc-
paragraphes, les sauts de ligne, etc.).
tionnalité scolaire), tandis que celui-ci continue
Une bonne performance dans l’utilisation de la son travail en orthophonie (cf. p. 136).
dictée vocale semble difficile à obtenir avant le
Un cahier des charges précis doit être fait pour
collège. Cependant si on souhaite qu’elle soit
choisir le logiciel qui sera le plus adapté pour l’en-
efficace dans des délais raisonnables, il faut
fant, y compris en termes de projet scolaire (cf. p. 31).
commencer l’apprentissage et l’utilisation dès
Il existe des logiciels qui associent dictée vocale,
le cours du cycle III (CM).
retour auditif et lecture dynamique37 (cf. annexe).
Limites de l’utilisation
Tout d’abord le casque peut être difficile à utili- En effet, on ne peut proposer une juxtaposi-
ser pour certains enfants. Il faut qu’il soit placé tion de logiciels qui se révèleraient à terme
de façon correcte pour que le micro soit à bonne ingérables pour l’enfant, en raison des diffi-
distance de la bouche. Or, cet ajustement est cultés d’organisation. Durant les séances
difficile à réaliser (en temps limité) par un d’ergothérapie, il faut donc lui apprendre à
enfant dyspraxique. Les écouteurs du casque utiliser le logiciel choisi pour l’amener à être
isolent un peu les bruits et notamment la voix le plus autonome possible.
de l’enseignant.
En revanche pour une utilisation à domicile, on
privilégie un micro sur pied que l’on place
Problèmes fréquents
devant le clavier. L’enfant utilise un clavier
L’utilisation de la dictée vocale n’est pas possi- « non caché »
ble dans toutes les situations. En effet, l’emploi
en classe peut s’avérer difficile car ce sont des C’est souvent le cas lorsque l’apprentissage n’a
logiciels assez sensibles au bruit ambiant. Si on pas été mené par un professionnel, ou lorsque le
souhaite l’utiliser pour dicter le cours pendant diagnostic de dyspraxie n’ayant pas été posé,
que l’enseignant donne des explications cela ne l’apprentissage a été fait « spontanément ».
fonctionne pas forcément correctement – même L’enfant connaît à peu près le clavier, mais il
si on a pris la précaution de demander à l’enfant
lors du paramétrage de ne pas parler trop fort –,
37 Il s’agit en général d’un surlignage de la ligne en
car il faut alors chuchoter, ce que le logiciel ne cours de lecture, associé à une fenêtre d’une autre
gère pas très bien. L’enfant en dictant génère lui couleur qui se déplace sur le mot en train d’être
aussi du bruit ce qui est parfois gênant pour le lu. Les couleurs sont paramétrables pour être faci-
fonctionnement de la classe (cf. p. 138). litatrices pour l’enfant.
94
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école
reste lent (aucun travail de vitesse et d’automa- En outre l’enfant a fait, durant toutes les
tisation n’a été conduit systématiquement), il années précédentes, beaucoup d’efforts pour
n’est pas assez performant pour que l’outil ordi- améliorer son graphisme manuel. Renoncer à
nateur lui facilite vraiment sa scolarité. ces années de travail, d’espoir et aux progrès
En outre, si des troubles neurovisuels sont pré- manifestes qu’ils ont permis reviendrait à
sents et si l’usage du clavier reste sous la dépen- nier des années d’efforts, mais aussi à recon-
dance d’une exploration visuelle (mal contrôlée naître que les adultes se sont trompés ou ont
et anarchique), les progrès seront insuffisants : menti…
après une période (début de primaire) où l’on C’est aussi la raison pour laquelle il faut éviter de
aura cru régler le problème graphique, les diffi- maintenir de front la rééducation du graphisme
cultés (double tâche, cf. p. 19) vont ré-apparaî- manuel et l’apprentissage de l’ordinateur (cf.
tre puis s’intensifier dès la fin du primaire, p. 69). On envoie alors à l’enfant un message
compromettant la poursuite de la scolarité. confus (voire franchement contradictoire) et, s’il
Que proposer ? progresse un tant soit peu en graphisme manuel
(cf. figure 3.1), il ne pourra pas investir l’ordina-
Si l’enfant est jeune et l’apprentissage récent,
teur. D’ailleurs cette situation, qui consiste à
on peut tenter de lui expliquer la nature du
« courir deux lièvres à la fois », ne permet habi-
problème, lui laisser l’usage du clavier non
tuellement pas d’engager les forces suffisantes,
caché en classe et, simultanément, s’il l’accepte,
en temps et en disponibilité, pour un usage réel-
commencer un apprentissage méthodique et
lement gratifiant et efficace de l’ordinateur.
rigoureux clavier caché durant les temps de
rééducation. Lorsqu’il est assez performant, on
remplace alors son clavier ordinaire par le cla- C’est pourquoi, il est capital de tenir un dis-
vier caché. Malheureusement, dans la plupart cours sincère, clair et cohérent : l’ordinateur
des cas, reprendre cet apprentissage contrai- doit être choisi pour favoriser la scolarité et
gnant alors qu’il maîtrise ou pense maîtriser, son apprentissage relève d’un travail de réédu-
même partiellement, la frappe, est inaccepta-
cation. Pour le reste, l’enfant écrit comme il
ble pour le jeune… Il faut alors se résigner à
veut, à la main ou à l’ordinateur, et s’il sou-
composer au mieux avec les limites qu’il attein-
haite améliorer son graphisme manuel (ce qui
dra rapidement avec son ordinateur.
est tout à fait possible et respectable), cela n’est
pas du ressort de la prise en charge médico-
Il s’agit d’un grand enfant rééducative.
ou d’un adolescent
Enfin, en période de pré-adolescence ou d’ado-
Lorsque le diagnostic est posé tardivement (cf. lescence, le jeune a besoin plus que jamais de
p. 32), ou bien si l’on a malencontreusement cru s’identifier à ses pairs, d’être « comme tout le
bien faire de repousser « le plus tard possible » monde », de s’intégrer à son groupe. Il le mar-
l’usage de l’ordinateur (cf. p. 69), on se heurte à que par ses choix vestimentaires, ses loisirs, son
de nombreuses réticences. langage… Lui proposer de se singulariser par
L’échec scolaire est installé, ancien et sévère : l’usage scolaire d’un ordinateur est particuliè-
l’enfant doit sauver la face et garder une cer- rement mal perçu, voire insupportable. D’autant
taine estime de soi (déni, provocation, refus qu’il ne peut espérer en recueillir les fruits (en
scolaire), ou bien au contraire il s’enfonce dans termes de réussite scolaire) que bien plus tard,
une dépression qui ne lui permet pas d’investir alors que les inconvénients qu’il anticipe sont
dans une nouvelle stratégie et de nouveaux immédiats…
espoirs. Or, il faut environ deux années scolai- C’est aussi la raison pour laquelle il est indis-
res avant qu’il ne soit vraiment efficace avec ce pensable d’une part, de porter ce diagnostic
nouvel outil (cf. p. 77) ; d’ici là, il y a un risque précocement et d’autre part, de ne pas retarder
réel que l’enfant continue de s’enfoncer dans un la mise à l’ordinateur une fois le diagnostic
échec scolaire sans remède. posé.
95
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
96
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école
neurovisuels, cf. p. 122), sous peine de la rendre les ranger, remettre les originaux à leurs pro-
tout à fait inexploitable par notre jeune dys- priétaires), ceci est peu envisageable pour les
praxique : c’est un préalable indispensable. plus jeunes, et dans tous les cas cela reste sous
Ensuite, dans un nombre non négligeable de contrôle attentionnel et donc coûteux. Cette
cas, il faut aménager la présentation du docu- « charge cognitive » est toujours dépensée au
ment, pour en faciliter la lecture par l’enfant : détriment d’une autre activité nécessitant du
découper, encadrer, agrandir, colorier, augmen- contrôle attentionnel. Il faut donc être très
ter les interlignes, ne laisser qu’un paragraphe attentif à ce que ça ne soit pas aux dépens d’ac-
(ou une consigne, une information…) par page, tivité de haut niveau.
etc. (cf. p. 128). En outre, il convient de leur éviter les réticences
que cela suscite souvent : lassitude d’un cama-
Les numéroter, les classer, rade sollicité en permanence pour fournir
les ranger l’écrit de référence (il peut être préférable d’or-
ganiser une permutation entre plusieurs élèves
Cette accumulation de papiers n’a aucun intérêt dont l’écriture est claire sur le plan calligraphi-
si l’adulte ne prend pas un soin extrême à titrer, que et les écrits de bonne qualité sur le plan
numéroter, dater, classer, agrafer puis coller et rédactionnel et orthographique) ; contrariété
ranger toute photocopie produite. de l’enseignant qui n’a pas anticipé tel ou tel
Faute de quoi, nous retrouverons au fond du développement de son cours et auquel on
cartable, déchirées, froissées, en lambeaux, la demande un texte rédigé ; voire incompréhen-
fin d’un cours de géographie, la fiche de voca- sion de celui qui trouve que « tout de même, si
bulaire d’anglais qui devait être apprise pour la l’enfant écrivait durant les cours, il rêvasserait
semaine précédente, des pages de brouillon, des moins » ou « il écrirait mieux » (cf. p. 70) ; ou
encore, devant la photocopieuse, refus de tel
adulte extérieur à la classe et qui ignore la
Il faut toujours être très vigilant à ne pas situation particulière de l’enfant, ou encore
fournir des matériels (ordinateur) ou docu- réflexions sur le quota de photocopies qui est
ments (photocopies) supplémentaires sans dépassé, le prix des cartouches d’encre, etc.
s’être assuré que soit : De plus, sur le plan pratique, il faut que la pho-
• l ’enfant peut leur appliquer, pour un coût tocopieuse soit accessible facilement, car
cognitif acceptable, une procédure efficace lorsqu’il faut en plus se procurer la clé, qui est
(ce qui est rare chez l’enfant dyspraxique) ; dans le bureau du principal ou du CPE…, cela
• un adulte en garantit, de façon stricte et devient vite ingérable pour le jeune.
régulière, la gestion au quotidien. Notre jeune dyspraxique, déjà très insécurisé
et très mal à l’aise avec son statut particulier,
ne doit en aucun cas se confronter à ces situa-
bouts d’exercices, des extraits de cours ou de tions, pourtant bien naturelles : ce sont les
contrôles, dont on ne peut même plus retrouver adultes qui doivent l’aider, lui rendre les aspects
le début ni la fin, ni l’intérêt, ni la date… matériels de la scolarité plus faciles, mettre à sa
Ce n’est en effet que très progressivement que disposition les outils spécifiques dont il a
l’on peut déléguer au jeune une partie de cette besoin, et régler au quotidien les difficultés ou
« maintenance » : c’est pratiquement jusqu’à petites dissensions qui peuvent naître d’une
la fin des études secondaires que ces enfants méconnaissance du trouble et de ses nécessai-
ont besoin d’un important étayage dans le res compensations.
domaine organisationnel (cartable, bureau,
trousse, classeurs…).
Le secrétaire
Enfin, si les plus grands (collège, lycée) peuvent
consacrer une partie de la longue récréation du Selon les cas (la nature et les buts de l’écrit), ce
déjeuner à ces activités (se procurer les origi- peut être l’enseignant lui-même, un camarade
naux, les photocopier, les annoter, les classer et ou l’AVS qui servent de secrétaire.
97
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
Ce n’est en effet pas la même chose d’écrire ou bien il tape seul les cinq premiers mots
rapidement en fin de journée sur le cahier de puis l’AVS écrit sous son épellation, etc.) ;
textes les devoirs à faire pour le lendemain, (cf. • ne peut pas faire et que l’on doit faire à sa
p. 67) ou de faire une dictée, ou de répondre à place (par ex., ranger son classeur, écrire les
des questions concernant la leçon d’histoire, ou devoirs à faire sur le cahier de textes, etc.).
de produire une rédaction (cf. p. 50, 56).
Dans le premier cas, peu importe qui inscrit le L’enseignant doit participer à la validation
travail à faire pourvu qu’il soit inscrit et noté au de ces procédures (réunion de PPS, rencon-
bon endroit : de nombreux parents rapportent tres avec les rééducateurs et/ou le SESSD,
que leur premier travail, lorsque l’enfant revient réunion de concertation ou de synthèse), les
de l’école, c’est de téléphoner aux uns et aux présenter positivement et donner explicite-
autres (dont certains finissent par manifester
ment son accord à l’enfant pour leur utilisa-
leur lassitude !) pour savoir ce qu’il y a à faire et
tion ; ensuite, il doit contribuer à les faire
disposer des supports convenables pour effec-
évoluer en fonction des progrès du jeune et
tuer les devoirs.
des contraintes des programmes.
Dans le second cas (restitution d’un savoir,
orthographique ou académique), il est impor-
tant que l’enseignant puisse faire confiance au Oral
tandem « enfant–AVS ». On entend souvent en
effet l’enseignant s’interroger sur qui a réelle- Apprendre, réviser
ment fait la dictée (ou le devoir d’histoire) : Chaque fois que possible, il est très souhaitable
l’enfant ou l’AVS ? Quelle est la part, même de proposer à l’enfant d’utiliser l’oral (pour les
involontaire, d’influence de l’AVS ? A contra- apprentissages, la restitution, les contrôles) en
rio, on entend souvent aussi l’AVS déclarer « je lieu et place de l’écrit.
me tiens en retrait » afin de laisser l’enfant
Apprendre l’orthographe d’une liste de mots en
faire seul, soit pour qu’il « gagne en autono-
vue d’une dictée (cf. p. 53, 129) peut passer par
mie » (cf. p. 91, 115, 151, 165 et 181), soit pour
l’apprentissage par cœur, oralement, des carac-
qu’il puisse être évalué « comme les autres » !
téristiques orthographiques des mots, leur épel-
Dans les deux cas, l’enfant est en porte à faux, il lation, la constitution de listes de mots partageant
a l’impression de tricher (ce qui d’ailleurs lui la même particularité orthographique ou de
est souvent renvoyé par ses pairs : « c’est pas mots de la même famille (phonologique, ortho-
juste, lui, il a quelqu’un qui écrit les réponses à graphique ou sémantique), l’apprentissage par
sa place ! »), de ne pas mériter les bonnes notes cœur de règles et de leurs exceptions, voire même
ou les compliments (cf. p. 73) ; mais en même de moyens mnémotechniques. Les méthodes
temps, la compensation réelle de son handicap habituellement préconisées, telles qu’écrire les
n’est pas assurée, attisant chez lui un sentiment mots à plusieurs reprises, ne sont pas une straté-
d’injustice et de victimisation. gie valide pour les jeunes dyspraxiques.
C’est pourquoi, pour chaque enfant, il est sou- Ceci est vrai aussi des leçons d’histoire, de
haitable de disposer d’une fiche écrite (à join- vocabulaire, de grammaire ou de sciences :
dre au PPS) qui précise très concrètement ce l’enfant peut lire le résumé (ou la trame, ou les
que l’enfant (cf. p. 91) : idées principales, ou le plan détaillé…) à haute
• peut faire seul, comme les autres (par ex., voix et s’enregistrer, puis ré-écouter son propre
apprendre et réciter sa poésie) ; enregistrement à plusieurs reprises.
• peut faire seul après aménagements (par ex., Lorsque l’information initiale se présente sous la
taper les mots de la dictée une fois l’ordina- forme d’un tableau ou d’une carte, d’un graphe
teur et le bon dossier ouverts, la dictée étant ou d’un schéma (cf. p. 150, 156–161), elle doit
réduite d’un tiers de sa longueur) ; préalablement être transformée en une suite
• peut faire avec aide et quelle aide (par ex., séquentielle d’informations verbales, déroulées
l’AVS répète les mots de la dictée à son rythme, en un listing séquentiel, comprenant toutes les
98
Chapitre 4. L’ordinateur pour l’école
informations requises ainsi que les liens ou inter- En effet, souvent l’enfant nous interroge : « est-ce
sections entre ces informations. Ce travail de que je triche si j’écris à l’ordinateur ? que va dire
préparation doit être confié à l’AVS ou, ponc- la maîtresse ? ». Ces interrogations prennent
tuellement et à titre exceptionnel, demandé aux d’autres formes pour les plus grands : « les copains
parents. sont jaloux. J’ai l’impression de tricher à l’exa-
men, surtout avec le secrétaire. Si j’utilise le cor-
Contrôles recteur orthographique, je suis avantagé ». Pour
En classe, pour la restitution des connaissances, d’autres, ces questions sont réglées par un refus
il faut privilégier la dictée à l’adulte, mais il faut de l’utilisation de l’ordinateur ou des adaptations
que l’enfant apprenne progressivement à tra- proposées. Cela est d’autant plus fréquent que
vailler avec un secrétaire. La plupart du temps, l’enfant est proche de la norme, et qu’il lui est ren-
c’est l’AVS qui remplit ce rôle. En effet, l’enfant voyé « qu’avec des efforts, il pourrait y arriver »…
doit être entraîné à dicter à l’adulte, de même Toutes ces questions ne sont pas à prendre à la
qu’il doit l’être à utiliser de façon efficace le tiers légère, car elles tournent toutes autour de la ques-
temps supplémentaire dont il bénéficie souvent. tion de la différence et du handicap.
Enfin, lors de certains contrôles ou de brèves Considérer qu’un enfant qui n’est pas loin de la
interrogations de début de cours, l’enseignant norme peut finalement « y arriver » en l’aidant à
peut aussi quelquefois accepter d’interroger faire « comme les autres », c’est nier ses particula-
oralement le jeune dyspraxique pendant que le rités, son handicap, alors qu’il doit être aidé à faire
reste de la classe compose par écrit. avec (cf. p. 3, 4, 29, 49). Il faut travailler ces ques-
tions à plusieurs niveaux. Les enfants peuvent le
faire à l’aide d’entretiens réguliers avec un psycho-
Conclusion logue ou lors d’un travail psychothérapeutique.
Lors des séances de rééducations, on doit saisir
Lorsque l’on propose des adaptations, on expli- toutes les occasions de faire remarquer à l’en-
que à l’enfant ce qui motive les changements fant ses bonnes compétences dans certains
que l’on apporte par rapport à ce que font ses domaines. Il ne s’agit pas de « trouver tout
camarades de classe. bien », mais de faire prendre conscience à l’en-
Dans le cas du secrétaire, on doit se mettre d’ac- fant des points forts sur lesquels il peut s’ap-
cord avec l’enfant sur les tâches qui sont dévo- puyer, qu’il n’est pas incompétent partout mais
lues à chacun. qu’il peut s’aider de son bon raisonnement pour
L’ordinateur peut se révéler un outil précieux contourner ce qui le met en échec.
dans la scolarité de l’enfant à condition que Parfois les enfants demandent à être accompa-
l’automatisation en soit suffisante et que son gnés pour faire une information en classe quand
acceptation – par l’enfant, les enseignants et les ils se sentent démunis pour répondre aux ques-
parents – soit sincère. Il permet alors de répon- tions des autres enfants ou à leurs moqueries. On
dre aux exigences scolaires. la prépare toujours avec eux (cf. p. 71). Ces dis-
cussions se font ensuite en classe, avec l’accord
Cependant l’ordinateur n’est pas une pana- de l’enseignant sur un temps qu’il aura choisi.
cée : son utilisation ne peut rendre les servi- Il faut souvent beaucoup de temps pour que l’en-
ces escomptés (permettre à l’enfant de faire fant arrive à se sentir à l’aise « avec » sa diffé-
une scolarité à hauteur de ses espérances et rence. Il a besoin de se prouver à lui-même qu’il
de ses capacités) que s’il s’inscrit dans une peut y arriver quand même. La négociation doit
stratégie globale de rééducation, de limita- toujours se faire avec toutes les cartes en main
tion de la production d’écrits et de prise en pour que l’enfant ne cherche pas à se dépasser
charge des tâches qui en découlent (photo- dans des domaines qui, à terme, se révèleront
inefficaces ou inutiles pour lui ou, pire, lui auront
copies, secrétariat, classements et range-
demandé tellement d’investissement qu’il n’aura
ments, suppléances par l’oral, etc.), en
pas pu engager ses forces dans des secteurs qui
concertation étroite avec les enseignants.
lui auraient été indispensables.
99
Compter Chapitre 5
« Comme pour tout objet de pensée, le mode premier d’expression
des nombres est celui des mots. (…) Il importe de se souvenir que
les nombres, tout d’abord, se parlent. »
S. Baruk [59]
101
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
s imultanément, plus ou moins mêlés en des Les récents travaux par tomographie d’émis-
proportions variables de l’une ou de l’autre : sion de positrons (TEP) confirment que les
• la première stratégie tente de prendre en représentations mentales que nous construi-
compte la spécificité du fonctionnement intel- sons sont peu dépendantes des stratégies et
lectuel de ces enfants et propose un abord de modalités initialement choisies (figure 5.1,
la notion de nombre (et d’opération) différent cahier couleur central).
et adapté, c’est-à-dire essentiellement adossée Évidemment, pour la population qui nous inté-
au verbal, au linguistique. C’est certainement resse, la question de fond est de savoir si ces jeu-
le choix le plus pertinent pour permettre à ces nes peuvent (ou non) construire ce type de
jeunes d’accéder dans de bonnes conditions représentation. Cependant, pour ceux qui le
au concept de nombre, à la numération et aux peuvent, ces travaux (tout comme la clinique et
premières opérations sur le nombre ; les progrès des jeunes) nous confortent dans
• la seconde stratégie consiste à partir des notre démarche d’utiliser la verbalisation.
méthodes d’apprentissage habituelles, utilisées Les travaux de Stella Baruk [57-59] répondent
en classe. Il s’agit alors de leur appliquer des précisément à ces exigences. Nous ne connais-
aménagements de forme, afin que leur pré- sons pas d’autre pédagogue qui ait travaillé,
sentation soit mieux adaptée aux faibles pos- expérimenté et écrit autant sur les rapports
sibilités de traitements spatiaux de l’enfant entre le nombre et la langue, qui ait analysé
(cf. p. 8). Ce choix ne représente donc qu’un aussi finement les erreurs courantes des enfants
ersatz, mais il reste probablement le plus facile « normaux » face aux stratégies pédagogiques
à mettre en œuvre et à faire accepter en classe, « classiques ». Enfin, elle a formalisé une pro-
en milieu ordinaire. gression pédagogique destinée aux enfants du
primaire Comptes pour petits et grands [59],
dont le sous-titre est particulièrement expli-
Proposer un apprentissage cite : « pour un apprentissage du nombre et de
adossé au linguistique la numération fondé sur la langue et le sens »,
manuels pratiques particulièrement utiles pour
Les connaissances arithmétiques concernent conduire les apprentissages initiaux.
des concepts abstraits, des connaissances for- Bien sûr, nous n’allons pas paraphraser cette
melles, des symboles et des opérations mentales auteure et nous renvoyons le lecteur aux ouvra-
de haut niveau : les manipulations (de jetons, de ges cités, très explicites et très concrets. Nous
bûchettes…) et les représentations figuratives ne présentons ici, et encore très succinctement,
habituellement employées (tableaux, schémas, que certains des principes qui nous semblent
dessins…) ne sont que des stratagèmes utilisés fondamentaux pour les jeunes dyspraxiques.
pour en faciliter l’abord. En aucun cas, ces arti-
fices pédagogiques ne constituent l’objectif La numération : une construction
visé : ils peuvent donc facilement être abandon- linguistique
nés au profit d’autres techniques susceptibles
d’aboutir au même résultat. La numération, son organisation, la place parti-
culière de la base 10 et de la sous-base 5, et les
Or, pour cette population d’enfants dyspraxi- premières opérations sur le nombre reposent
ques, il est logique de favoriser une pédago- sur des instructions verbales, assorties de com-
mentaires qui explicitent clairement la signifi-
gie qui s’appuie sur le sens, qui insiste sur les
cation mathématique de chaque étape de cette
aspects langagiers tout en se dégageant au
construction.
maximum des aspects manipulatoires (praxi-
ques) et visuospatiaux, puisque ces derniers, Ainsi, le tout début de l’apprentissage (nom-
inutilisables pour ces jeunes, ne constituent bres de 1 à 9) s’ancre dans des notions de base
de toute façon pas le fond de l’apprentissage qui doivent être dites, explicitées, assorties
bien sûr d’exemples, d’exercices. Citons, en
mais seulement sa forme de surface…
particulier :
102
Chapitre 5. Compter
• les numéros, ça sert à repérer ; ils sont souvent En ce qui concerne la signification du zéro, elle
déjà écrits (sur les maisons, les autobus, les le présente comme « le chiffre du silence ». Si au
maillots des joueurs…) ; lieu de dire /trente-sept/ ou /trente-quatre/, on
• les nombres, eux, donnent une idée de quan- a besoin de dire /trente/, le zéro marque alors la
tité ; ils servent à se souvenir, imaginer, se place vide, « le silence » :
représenter une quantité ; un nombre, ça sert
à dire « combien de », et quand on peut dire trente …(silence)
« combien de », c’est qu’on a compté ; ↓ ↓
• compter, c’est dire le nom des nombres que 3 0
l’on obtient en partant de un, et en ajoutant
encore un, encore un et ainsi de suite ; Ce n’est qu’ensuite que sont abordés les nom-
• les nombres sont organisés (suite ordonnée bres à deux chiffres tels 10, 20, 70/80/90, joli-
pour la comptine numérique, groupements de ment sous-titrés : « quand les mots ne rendent
5 = une main ou de 10 = les deux mains) ; plus comptes », c’est-à-dire quand on entend
après 9, les mots organisent les nombres en (on parle) autrement que l’on écrit. Un travail
paquets de dix, de cent, de mille et ainsi de explicite est fait pour que l’enfant comprenne et
suite ; engramme ces particularités.
• comme tous les mots, tous les nombres se
lisent et s’écrivent. Mais ce sont les seuls mots Utilisation des configurations
qui ont deux écritures (les lettres et les chif- manuelles
fres arabes : douze ou 12).
La notion de quantité et les premiers calculs
Pour aborder les nombres à deux chiffres, elle
sont étayés par l’organisation des doigts.
conseille d’éviter l’utilisation précoce des ter-
Concernant les jeunes dyspraxiques, il n’est pas
mes « unités » et « dizaines », au profit d’une
possible (ni souhaitable) de leur demander de
compréhension de la signification de ce qui est
produire eux-mêmes ces configurations (gêne
dit. Insistons sur la confusion que peut induire,
fréquente à la dissociation des doigts, fréquents
chez l’enfant, le vocable « unité » : en effet, tout
troubles du schéma corporel et/ou agnosie digi-
peut être unité, y compris des dizaines ou des
tale, difficulté practo-spatiale à reproduire des
centaines. Par ailleurs, une unité peut être la
configurations manuelles particulières) ni de les
référence (l’étalon) en matière d’argent (unité
dessiner (incapacité dans toutes les activités
monétaire = l’euro) ou de mesure (le mètre, le
graphospatiales).
litre…), etc.
Outre le recours aux configurations manuelles
(cf. p. 104), S. Baruk exploite avec constance les Mais ces jeunes peuvent parfaitement choisir
relations entre : entendre/dire ←→ dire/écrire : et utiliser des cartons figurant ces configura-
tions. Ces représentations analogiques sont
trente sept très importantes pour soulager la mémoire
↓ ↓ de travail, faciliter le calcul mental, la signi-
3 7 fication des opérations (ajouts, retraits) et
celle des retenues lors des premiers calculs.
où le « tr… » qui s’écrit 3 vaut 30 (3 fois les deux
mains) et le 7 « dit la vérité », c’est-à-dire qu’il Nota bene : la suite des mots-nombres, dans
représente bien sept éléments (bien sûr, le 3 ne cette représentation, se fait toujours à partir du
« ment pas ! Mais il dit autre chose que 3 « uns »). petit doigt et dans le sens de la lecture (de gau-
On analyse les nombres à deux chiffres en che à droite ou, pour les enfants qui nous occu-
disant que le premier chiffre, qui dit les « paquets pent, du vert vers le rouge ; cf. p. 80, 112 et 149,
de 10 » s’appelle une dizaine, alors que le second 151) : à ce stade, les difficultés d’orientation
chiffre dit les « uns » (« la vérité »). droite/gauche propres à la numération arabe
103
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
sont donc en partie levée, puisque tout ce qui dire, par exemple, que le nombre 57 est organisé
s’écrit (lettres ou nombres en écriture arabe) en 5 paquets de 10 (5 fois les deux mains), ce qui
s’écrit de gauche à droite (figure 5.2). s’écrit avec un « 5 qui vaut 50 » ; et d’un 7, qui lui,
Le fait de lire (les « paquets de 10 » ou les confi- est un « vrai 7» (il dit « la vérité » car il vaut 7).
gurations de 10 représentées par les deux mains) Cette formulation évite de caractériser « les
en commençant par le haut est une aide majeure unités » comme le chiffre écrit à droite (ou
pour les jeunes qui nous occupent ici (figure « du côté de la porte » !) ; elle conduit à une
5.3a). Pour la lecture/écriture des nombres à écriture correctement spatialisée simplement
deux (ou plusieurs) chiffres S. Baruk propose de en écrivant les chiffres selon les conventions
Trois Huit
Deux Quatre Sept Neuf
Un Dix
Cinq Six
UN DIX
3 2 + 2 5
on les avait mis côte à côte pour figurer leur somme.
2. Pour savoir
« combien ça fait ».
il suffit de disposer
les étiquettes
comme d’habitude,
les « dix » ensemble,
et les « uns » ensemble.
et on trouve : 5 7
5 et 7
a qui vaut 50 qui « dit la vérité » b
Figure 5.3. Utilisation des configurations de doigts pour de petites opérations sur le nombre.
a. Ici, réalisation de 50 + 7.
b. Ici,réalisation de 32 + 25.
Extrait de Baruk S. Comptes pour petits et grands : pour un apprentissage du nombre et de la numération fondé sur la
langue et le sens. Volumes 1 et 2. Paris : Magnard ; 2003.
104
Chapitre 5. Compter
105
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
touche (+, −, ×…), ce que la machine ne Les objectifs à atteindre par les élèves et les
saurait faire toute seule, on peut alors lui contenus à enseigner par les enseignants sont
donner l’ordre de calculer. » fixés par les « programmes » et s’imposent à
tous. « En revanche, le maître est pleinement res-
ponsable du choix des méthodes pédagogiques
Valeur pédagogique de la pose qu’il va utiliser pour aider les élèves à maîtriser
des opérations les objectifs prévus dans les programmes. »38.
De nombreux enseignants disent utiliser les Les jeunes dyspraxiques, eux, ne peuvent tirer
procédures de calcul (algorithme de résolution profit de ce type d’entraînement, du fait de leur
de l’opération) pour enseigner le principe de handicap spatial : ils doivent donc en être
position de la numération arabe (grâce aux ali- dispensés.
gnements en colonnes des unités, dizaines, cen-
taines…) et/ou pour expliciter le principe de la Ces impossibilités, directement en rapport
retenue. Pourtant, l’expérience montre que la avec la nature du handicap, doivent être
plupart des enfants (et des adultes !) utilisent
clairement notifiées aux enseignants (et aux
avec succès ces procédures sans toujours en
rééducateurs39) par les médecins ou le neuro-
comprendre la signification ni les raisons sous-
psychologue, explicitement notées dans le
jacentes.
PPS puis prises en compte lors de la prépara-
D’ailleurs, dans d’autres pays, d’autres disposi- tion des adaptations à prévoir pour les éva-
tions spatiales et d’autres algorithmes spatiaux luations nationales et les examens.
sont utilisés pour effectuer les calculs (pour
résoudre une addition, une multiplication, une
division, etc.), et il n’a jamais été fait mention D’autant que, comme presque toujours dans les
que les enfants de ces pays présentent des diffi- adaptations liées à la dyspraxie, il s’agit d’adap-
cultés spécifiques et/ou durables pour accéder à ter la forme (la technique, la procédure, la
la numération écrite en chiffres arabes, au sys- méthode : ici, l’exécution du calcul, du « com-
tème décimal ou à la signification des rete- bien ça fait ») et non le fond (la notion, le
nues… De ce fait, il est fort douteux que telle ou concept : ici la compréhension de l’organisation
telle procédure ait des vertus pédagogiques de la numération, sa signification et les opéra-
particulières, qu’il s’agisse de la pose des opéra- tions sur les nombres) qui reste l’objectif visé.
tions « en colonnes », en lignes ou autre.
L’impression de « favoriser »
Mais, pour des enfants souffrant de troubles l’enfant dyspraxique
ou d’anomalies ou de déficits des traitements
L’enseignant signale souvent combien il est lui
spatiaux, ce sont évidemment les stratégies
difficile, au sein du groupe–classe, de gérer un
verbales et logiques décrites par S. Baruk qui traitement spécial pour l’enfant dyspraxique,
sont les plus appropriées, ou le contourne- souvent pensé comme « un traitement de faveur ».
ment (calculette). Les autres enfants de la classe, eux, ne sont pas
autorisés à utiliser la calculette et doivent appli-
Instructions officielles quer (souvent laborieusement et avec de nom-
breux risques d’erreurs) les techniques opératoires
Les programmes scolaires sont clairs : « la maî- dont le jeune dyspraxique est dispensé. De ce
trise d’une technique opératoire pour chacune fait, cette permission d’utiliser la calculette est
des quatre opérations est indispensable ».
Certes, pour les enfants tout-venant pour les-
quels les programmes sont conçus… Cependant,
38 Guide des parents publié par l’Éducation natio-
pour les jeunes dyspraxiques, du fait du nale pour la rentrée de septembre 2008.
handicap spatial dont ils souffrent, cet objectif 39 En particulier si une orthophoniste – ou tout autre
est non seulement inatteignable mais surtout rééducateur – est chargé de rééduquer les troubles
sans signification ni utilité. du calcul.)
106
Chapitre 5. Compter
souvent vécue par tous (l’enseignant, les camara- là encore, si on s’adresse à ces enfants dyspraxi-
des de classe, l’enfant dyspraxique) comme une ques, non seulement cette stratégie n’est pas
injustice ou la marque d’un favoritisme. L’enfant motivée (le sensori-moteur, l’expérientiel, le
lui-même traduit cet état d’esprit en disant qu’il a « concret » ne sont pas, pour eux, un support
l’impression de « tricher » (cf. p. 72, 99). pertinent à leur réflexion, à la conceptualisa-
tion, à l’abstraction), mais pour eux ce choix
Des explications simples, claires et précises méthodologique est nocif, délétère : les « ensei-
doivent donc être dispensées tant auprès de gnements » que ces jeunes dyspraxiques tirent
de ces expériences détruisent ou parasitent leur
l’enfant lui-même que des adultes (ensei-
réflexion, et constituent alors pour eux, au
gnants, rééducateurs, parents) et de ses cama-
contraire, un obstacle à leurs apprentissages.
rades de classe : il s’agit, pour lui, de la
compensation de son handicap (et non d’une Nous envisageons ici certains moments clés de
quelconque « tolérance » ou d’un passe-droit). cet apprentissage numérique (notion de nom-
bre, numération et opérations sur le nombre),
qui en réalité s’interpénètrent. En fait, ce sont
En résumé : surtout les activités le plus souvent proposées
D’une façon générale, chaque fois que possible, aux enfants pour mettre en place ces acquisi-
il faut choisir des stratégies raisonnementales tions qui nous intéressent. Nous devons
verbales, dégagées au maximum des traitements y débusquer toutes les sollicitations visuo-
visuospatiaux et/ou practomoteurs, peu ou non practo-spatiales, explicites ou non ; concevoir
accessibles. Lorsque ces derniers s’avèrent des aménagements qui minimisent ces exigen-
cependant incontournables, il faut selon les cas, ces en traitements spatiaux et praxiques, afin
soit prévoir des aménagements qui en facilitent d’en faciliter l’accès aux enfants DVS ; et ce,
l’accès au jeune dyspraxique, soit en dispenser sans que cela affecte la signification fondamen-
l’enfant. tale de l’apprentissage, le concept développé,
l’objectif visé par l’activité telle qu’initialement
prévue.
Aménager les aspects
visuopraxiques En maternelle : les activités
« pré-mathématiques »
Ce n’est pas un hasard si les méthodes habituelle-
ment utilisées par les pédagogues valorisent tant Dès la moyenne section mais surtout en grande
la manipulation et les aspects visuospatiaux, à tel section de maternelle, on rencontre différentes
point que certains ont pu croire que c’était là l’es- activités dites « pré-mathématiques », centrées
sence même du « savoir compter ». En effet, les soit sur les opérations logiques (classification,
enfants tout-venant – du moins dans leur sériation, combinatoire), soit sur le nombre (la
immense majorité – sont normalement très per- comptine, le lien entre le mot–nombre, la quan-
formants dans les activités visuospatiales et ce, tité qu’il désigne et son écriture, travail habi-
bien avant de l’être dans les activités logiques tuellement limité aux premiers nombres,
et/ou langagières : la population des enfants dys- jusqu’à 10–15 ou 20).
praxiques (surtout ceux qui présentent des trou-
bles des traitements spatiaux) constitue donc une Opérations logiques
minorité qui contredit l’expérience commune. Sériation
Pour tous les pédagogues et les éducateurs, On propose souvent aux enfants de mettre en
manipuler est considéré comme un moyen ordre du matériel, par exemple une série de
ludique qui permet progressivement à l’enfant, bûchettes de tailles croissantes. Or, les enfants
par l’expérimentation, d’extraire des régulari- qui présentent des troubles du regard ont sou-
tés, de comprendre les relations entre collec- vent de grandes difficultés à apprécier les
tions ou entre nombre et quantité, de passer du tailles relatives des objets et ce, d’autant que
concret à l’abstrait, du perceptif au conceptuel : ces différences sont minimes. Par ailleurs, ils
107
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
ont beaucoup de difficultés à aligner les origi- S’il s’agit d’ôter un intrus dans un regroupement
nes : de ce fait, ces exercices leur sont inacces- déjà existant, il faut s’assurer que l’enfant a bien
sibles. Paradoxalement, il leur est plus facile exploré du regard l’ensemble des éléments pré-
de sérier… les nombres (!) que n’importe quel sentés (objets, images, dessins disséminés sur
autre matériel qu’il faut ensuite organiser spa- une page…), aussi bien pour en déduire la caté-
tialement. De ce fait, l’activité ne répond à gorie déjà construite que pour repérer l’intrus.
aucun objectif d’apprentissage chez ce type Sinon, il faut adapter la présentation du matériel,
d’enfant. s’assurer de la stratégie d’exploration visuelle ou
Cependant, si on souhaite absolument qu’ils la faciliter (suivi du doigt, repérage grâce à des
participent au même type d’activités que les couleurs, description verbale ou dénomination
autres enfants de la classe, ils peuvent éventuel- successive de tous les éléments…).
lement sérier des œufs (ou des cubes) gigognes, Enfin, rappelons que toutes les épreuves dites
objets moins « linéaires » dont ils apprécient « de facteur G » sollicitent ces mêmes capacités
mieux, visuellement, les proportions relatives. à classer et catégoriser (cf. note 9, p. 9), et que
celles qui utilisent un matériel verbal sont net-
Classification tement plus pertinentes pour les enfants pré-
On demande aussi fréquemment aux enfants sentant une dyspraxie visuospatiale.
de classer divers matériels selon différents cri-
tères (couleur, forme, taille s’il s’agit de matériel Combinatoire
type « plaques logiques », ou animaux versus Ces tâches sont généralement proposées sous
légumes, animaux de la ferme versus animaux forme de tableau à double entrée. Le repérage de
du zoo, etc.). l’endroit précis (case, point d’intersection), où
Ces exercices ne comportent pas de difficultés une ligne donnée et une colonne donnée (ou une
particulières pour les enfants souffrant de dys- abscisse et une ordonnée) se recoupent, est sou-
praxie visuospatiale, du moins s’ils ne sont pas vent très difficile à réaliser pour l’enfant qui est
présentés sous des formes graphiques qui leur atteint de troubles du regard, voire impossible.
en interdisent l’accès : tableaux à double entrée, Ainsi, l’opération mentale que constitue la com-
tracés de traits enchevêtrés impossibles à suivre binatoire peut être réalisée en proposant soit :
des yeux ni du doigt… (figure 5.4). Dans ces cas, • des jeux n’utilisant pas de tableaux, de lignes,
il convient d’aménager la présentation de ces ni de repérage de coordonnées (ex. : habiller le
exercices (éviter la mise en relation via des flè- petit ours de toutes les façons possibles en
ches, des traits intersectés…) ou de les proposer disposant de tee-shirts, de pantalons, de
oralement. chaussures de différentes couleurs) ;
Marseille
La Rochelle Mer du Nord
Caen
Montpellier Manche
Biarritz
Cannes Océan Atlantique
Calais
Nice Mer Méditerranée
Figure 5.4. Une présentation inadaptée sur le plan visuospatial.
108
Chapitre 5. Compter
• des combinatoires à partir d’éléments verbaux Or, dans ces conditions, plus l’enfant compte et
(comme dans le jeu « qui est-ce ? » : les person- dénombre, plus il trouve des résultats différents
nages possèdent – ou non – certains attributs pour une même collection d’objet : il ne peut ni
qui sont énoncés verbalement, tels que les contrôler ses erreurs, ni en apprendre quoi que
lunettes, la moustache ou un chapeau, diver- ce soit.
sement combinés chez les différents person-
nages présentés). En effet, il ne s’agit pas d’erreurs d’étourde-
rie ni d’une mauvaise compréhension de la
Numération et nombres procédure de comptage (cette interprétation
Comptage et dénombrement ne conduit qu’à poursuivre les comptages, à
faire « toujours plus de la même chose qui ne
Pour être pertinent et aboutir à un nombre car-
dinal qui qualifie précisément une collection, le marche pas »), il s’agit d’un handicap qui
comptage doit répondre à différents critères consiste en une exploration visuelle anarchi-
dont le premier concerne le fait de regarder et que du matériel.
désigner (du doigt, du regard, en barrant, en
coloriant, en déplaçant) chaque élément de la Il faut donc soit :
collection une fois et une seule, sans oubli
• proposer des comptages en relation indivi-
aucun.
duelle (parents, AVS, rééducateur, tutorat par
C’est là une des grandes difficultés des jeunes dys un autre élève…) en s’assurant que tous les
praxiques qui souffrent de troubles du regard40 : éléments de la collection sont bien désignés
leur regard parcourt la collection de façon désor- une fois et une seule et sans oubli ;
ganisée, aléatoire, anarchique. C’est ainsi que
• renoncer à ce type d’activité.
certains éléments sont comptés à plusieurs repri-
ses (il est facile d’y remédier en « marquant » les Si l’on veut que l’enfant dispose d’une représen-
éléments déjà comptés : les déplacer, les entourer, tation analogique pour les petites quantités, on
les barrer, les colorier…), alors que d’autres ne peut utiliser les représentations prototypiques
sont pas vus et donc oubliés (il n’y a aucun moyen telles celles des dés, des dominos et les configu-
de pallier ces oublis, sinon de conduire chaque rations manuelles (cf. figures 5.2 et 5.3), du
comptage avec l’enfant). moins si on les utilise en reconnaissance et non
Par ailleurs, du fait de la nature aléatoire des en production par l’enfant (cf. p. 103) : l’enfant
doubles comptages et oublis, chaque nouvel essai dyspraxique doit disposer de cartons où ces
conduit l’enfant à un résultat différent, ce qui est différentes configurations sont dessinées, car-
exactement l’inverse de l’objectif de ce type d’ac- tons qu’il utilise et choisit en fonction de ses
tivité (qui est de faire prendre conscience à l’en- besoins. L’enfant dispose alors, pour ces petits
fant de l’invariance du nombre !). nombres (mais aussi pour la base 10 et la sous-
base 5), d’un référent analogique facilement
D’autant plus que, lorsque l’enfant dénombre de
exploitable.
petites quantités (ce qui est souvent le cas en
maternelle ou en début de primaire), un double
comptage peut compenser un oubli, donnant Bien sûr, ces représentations doivent être
un résultat exact, confortant à tort l’adulte dans associées à une quantité donnée d’un seul
l’idée que l’enfant est étourdi ou que la procé- coup d’œil, sans en recompter les éléments
dure est « en cours d’acquisition ». un à un (sinon, on reproduit les difficultés
liées au comptage).
109
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
110
Chapitre 5. Compter
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 Etc ...
111
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
114
Chapitre 5. Compter
115
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
d’attention, de motivation ou d’efforts. Ces ques et dont certains aspects leur resteront
personnes pensent alors que l’enfant « se repose inaccessibles du moins sous leur forme « habi-
entièrement » sur l’adulte (c’est souvent l’AVS, tuelle » : valeur des chiffres en fonction de la
voire la mère, qui sont visées) et qu’améliorer position de la virgule et de leur position dans
son autonomie suppose de le mettre en situa- le nombre, écriture fractionnaire (position
tion de faire seul. des nombres par rapport au trait de fraction),
C’est un argument souvent avancé pour limiter correspondances entre nombres à virgule et
le temps d’intervention de l’AVS auprès du jeune écritures fractionnaires, repérage des valeurs
dyspraxique (cf. p. 98, 165, 181). Il est bien évi- sur une droite graduée… ;
dent que si, libéré de l’aide d’un tiers, l’enfant • grandeurs et mesures : les apprentissages
pouvait réaliser les actes et traitements spatiaux concernent les longueurs, les masses, les volu-
exigés (à juste titre) des autres enfants, il ne mes (mesures, calculs, conversions, périmè-
serait pas dyspraxique ! Et si pour guérir ou tres…), les aires, les angles, le repérage dans le
améliorer notablement le handicap, il suffisait temps et les durées, la monnaie ;
de supprimer l’aide humaine… cela serait • organisation et gestion de données : « Il s’agit
miraculeux ! d’apprendre à trier les données, à les classer, à
Bien sûr, c’est prendre le problème à l’envers lire ou à produire des tableaux, des graphi-
(exactement comme pour l’habillage, cf. p. 184, ques et à les analyser. La proportionnalité est
le graphisme ou la lenteur) : c’est parce qu’il est abordée à partir de notions faisant intervenir
incapable, du fait de son handicap, de réaliser cer- les notions de pourcentage, d’échelle… »43.
taines actions (ranger, classer, utiliser certains
Lorsqu’on lit ces instructions, on prend
outils, certains matériels, lire ou construire des
conscience que l’essentiel de ce programme est
tableaux et graphiques, etc.) qu’il a besoin d’une
en grande partie inaccessible à l’enfant dys-
aide humaine qui réalise pour lui ces actes, de
praxique, non pour des motifs conceptuels
façon à éviter que sa désorganisation permanente
mais bien en raison de la complexité des traite-
ne se répercute dans tous les secteurs de la scolarité.
ments spatiaux réclamés par la plupart de ces
apprentissages : fractions, nombres décimaux,
tableaux de proportionnalité ou de conversion,
En CM et au collège etc., sans parler des « grandeurs et mesures » et
Instructions officielles « organisation et gestion des données » tout à
fait hors de portée.
• les nombres entiers et naturels : il ne s’agit que
Il est donc de plus en plus important de cher-
de poursuivre et compléter les acquis anté-
cher à distinguer, pour chaque nouvelle acqui-
rieurs. « L’étude organisée des nombres est
sition, quels sont les aspects conceptuels que le
poursuivie jusqu’au milliard, mais des nom-
jeune doit (ou peut) acquérir, de ce qui revient à
bres plus grands peuvent être rencontrés. » Le
la méthodologie ou à la présentation spatiale
programme précise qu’il s’agit de maîtriser la
habituelle qu’il faut chercher à contourner, du
numération décimale de position, son écri-
moins lorsque c’est possible.
ture en chiffres et en lettres, de savoir compa-
rer, ranger, encadrer les nombres, de savoir Exemple
manier les relations arithmétiques courantes
Les règles de priorité des calculs, l’algèbre et
(double, moitié, quadruple, quart, triple,
la résolution d’équations, même simples,
tiers…) et la notion de multiple. Le calcul
réclament aussi des compétences neurovi-
mental doit être entraîné, les jeunes doivent
suelles et spatiales. En effet, le jeune ne doit
maîtriser les techniques opératoires des qua-
pas oublier (visuellement) certains éléments,
tre opérations et l’emploi « raisonné » de la
qu’il s’agisse d’un nombre, d’une lettre, d’un
calculatrice est encouragé ;
• les nombres décimaux et les fractions : là, il
s’agit de nouveaux apprentissages, qui posent 43 Guide des parents publié par l’Éducation natio-
de nouveaux problèmes aux jeunes dyspraxi- nale pour la rentrée de septembre 2008.
116
Chapitre 5. Compter
signe opératoire ou d’une parenthèse (équi- déplacements d’une fourmi qui se déplace
valent du saut de mot en lecture, cf. p. 124), le long des parcours requis, en fonction de
surtout lorsqu’il effectue ses calculs succes- l’énoncé. Ceci permet à l’élève de résoudre
sifs, d’une ligne à l’autre : chaque report avec un problème de périmètre, d’intervalles…
retour à la ligne peut être l’occasion d’oublis, Les stratégies utilisées (récits, contes) visent
d’erreurs, d’interversions… L’aide de cou- à enrichir l’énoncé d’éléments concrets (his-
leurs (par exemple) peut être déterminante. toire mise en scène par l’enfant) afin que
l’élève se construise et s’approprie une
représentation mentale (sous forme discur-
Ainsi, on aide l’enfant, au cas par cas, en com- sive, sémantique) de la situation–problème
binant différentes stratégies : proposer des qu’il doit résoudre.
aménagements pour certaines dispositions spa-
tiales (il peut s’agir de couleurs, de présenta-
tions linéaires ou d’autres simplifications)
Mais il faut insister sur certaines contraintes
et/ou enseigner des procédures verbales.
liées à la verbalisation :
Pour cette partie, nous nous inspirons directe-
• le choix de la verbalisation suppose que l’on
ment des travaux d’Alain Crouail [60], profes-
se soit préalablement assuré des capacités du
seur de mathématiques dans un collège mixte
jeune en attention et mémoire de travail
recevant des jeunes valides et dyspraxiques : il
auditivoverbales, mais aussi en mémoire à
est donc sans objet de les reproduire ici, nous
long terme ;
invitons donc le lecteur à se reporter à ses
ouvrages. • la formulation des instructions verbales ne
peut pas être improvisée. Elle doit être très
précise (les éléments visuospatiaux ne sont
Enseigner des procédures en effet pas faciles à décrire dans leurs rela-
verbales tions fines, puisque, justement, leur rôle est
de donner une information multifactorielle à
Le principe général vise à traduire les infor- partir d’une perception globale, ce qui doit
mations visuospatiales, simultanées et glo- en éviter la description verbale !). C’est pour-
bales, en informations verbales, séquentielles. quoi cette technique requiert des personnels
C’est une stratégie de choix lorsqu’il s’agit de formés à ces techniques, sachant anticiper
définitions, d’explicitations conceptuelles, les formulations à employer dans les diverses
de règles et même de procédures spatiales. circonstances, en fonction des programmes
scolaires ;
• par ailleurs, l’enfant doit être entraîné spécifi-
Notons que la stratégie est identique, lorsqu’il quement à utiliser cette méthode, souvent
s’agit de transformer un plan (une carte spa- durant plusieurs mois avant d’être véritable-
tiale) en un trajet constitué d’une suite d’ins- ment efficace. Il peut s’agir de descriptions
tructions verbales, telle que fournies par les verbales de procédures, de récitation par cœur
GPS (cf. p. 157). de définitions ou de récits (des « contes » selon
la formule de A. Crouail) qui actualisent le
Exemple problème sous une forme séquentielle que
On peut décrire de façon détaillée au jeune l’enfant DVS peut alors résoudre. Faute de
la suite séquentielle des actions à exécuter quoi, on peut se trouver devant des récits ou
pour utiliser une équerre ou un compas [60]. contes, très intéressants, mais qui n’aident en
On peut aussi transformer une information rien la résolution de problème, au sens sco-
holistique, visuospatiale, en une suite séquen- laire du terme ;
tielle d’instructions verbales : A. Crouail pro- • l’enfant doit disposer d’un magnétophone et
pose de transformer les données spatiales ses commentaires doivent ensuite être écoutés
(souvent réalisées sous forme de dessin) en puis corrigés individuellement (importance
un récit qui décrit très précisément les du feed-back, comme pour tout apprentissage) :
117
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
ceci nécessite à la fois une prise en charge indi- Certaines notions mathématiques sont indis-
viduelle ou en très petit groupe, et une dispo- pensables à une certaine autonomie sociale
nibilité importante en temps de la part de (notion de nombre, comparaisons de quantités,
l’enseignant. petites opérations…).
D’autres n’ont comme motivation que de per-
mettre la poursuite de la scolarité à un certain
Conclusion niveau : pour de nombreux jeunes, ces objectifs-
là resteront inatteignables. Il faut en prendre la
Nous voulons insister sur quelques éléments mesure rapidement afin d’éviter d’engager l’en-
inhérents au choix d’adapter au « moins mal » fant (sa famille et les enseignants) dans des pro-
pour les jeunes dyspraxiques les procédures jets dévoreurs de temps et d’énergie mais sans
visuospatiales habituellement mises en œuvre réelle efficacité à moyen et long terme.
en mathématiques :
Il faut donc bien cibler le projet en calcul et en
• ces aménagements requièrent un enseigne- mathématiques en général, et ne pas oublier
ment individualisé : chaque cours doit être, qu’un entraînement, même bien pensé en
idéalement, préparé à l’avance pour en per- fonction du trouble visuospatial que présente
mettre l’aménagement (présentation, mise l’enfant, comporte ses limites, inhérentes au
en page, colorisation…) et/ou la verbalisa- handicap.
tion, qu’il s’agisse de la notion à acquérir ou
des exercices d’application. Ceci impose une
prise en charge individuelle ou en très petit
Il faut se garder d’engager de manière trop
groupe, ou bien en classe ordinaire mais avec
importante les ressources de l’enfant (et des
l’aide d’un AVS très bien formé à ces
techniques ; rééducateurs) dans des batailles partielle-
ment mais inéluctablement perdues d’avance,
• ces adaptations comportent leurs propres alors même que ces jeunes ne s’orienteront
limites. Il est possible de :
pas vers des métiers scientifiques.
– coloriser certains éléments pour aider les
Un entraînement dans des matières où ils
enfants à les situer « à droite de » ou « à gauche
sont moins en difficulté (domaine littéraire,
de » ou bien, comme le propose A. Crouail [60],
langues, droit, histoire et connaissances
– de tracer à l’avance les barres de fraction générales…) est souvent beaucoup plus effi-
pour que l’enfant repère numérateur et cace et constitue une stratégie à long terme
dénominateur,
nettement plus profitable pour la grande
– de transformer un problème aux données majorité des jeunes dyspraxiques : c’est l’ob-
spatiales (déterminer le périmètre d’un jet même du projet individuel (cf. p. 31) que
champ d’après un dessin coté) en un pro- de préciser les priorités, la hiérarchie des
blème séquentiel (cf. « la petite fourmi »), actions à entreprendre et leur place relative.
– d’enseigner à l’enfant une procédure verbale
d’utilisation de l’équerre ou du compas dans
telle ou telle circonstance précise ; Il ne s’agit pas de rééduquer tous les symptô-
• mais il ne faut pas se leurrer : l’enfant dys- mes, ni de donner au jeune des « trucs » pour
praxique ne pourra jamais généraliser ces répondre « comme les autres » aux mêmes
techniques (c’est là l’essence même de sa apprentissages que ses pairs, et encore moins,
pathologie) ; devant l’échec en mathématiques et le retard
• ces stratégies ont un coût très important pour cumulatif que prennent habituellement ces
l’enfant, en temps, en énergie… Or, si cela enfants dans cette matière, de « faire tou-
permet certains apprentissages, il est cepen- jours plus de la même chose qui ne marche
dant loin d’être acquis que les résultats soient pas » (cf. p. 3).
toujours à la hauteur des efforts investis dans Or, la grande majorité des enfants dyspraxi-
ce domaine. ques, au vu de leur échec habituel, précoce et
118
Chapitre 5. Compter
119
Lire Chapitre 6
« Toutefois, et c’est un point fondamental, Ramus44 et ses
collaborateurs ne nient pas qu’une minorité de dyslexiques
(peut-être un quart) présente un déficit visuel prononcé, sans
trouble phonologique évident. (…)
Ce qui signifie que, s’il existe une majorité d’enfants chez qui
prédomine un trouble phonologique, chez d’autres, la difficulté
viendrait avant tout de l’automatisation du lien entre vision et
langage.
Aurait-on négligé une catégorie importante de dyslexies d’origine
visuelle ? »
S. Dehaene45
121
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
s ignificativement insuffisantes) en lecture chez retour à la ligne, balayage d’un texte à la recher-
l’enfant dyspraxique, et il faut considérer ici che d’une information précise) est défectueuse.
deux situations bien distinctes, soit : Il peut s’agir d’un trouble de la régulation spa-
• la dyslexie résulte de troubles neurovisuels en tiale automatique de l’organisation exploratoire
lien direct avec la dyspraxie, gênant la phase et/ou de troubles de la stratégie du regard.
de prise d’information visuelle de la lecture : Il est à noter que de nombreux spécialistes [62]
on parle de dyslexie « visuelle » ou « visuo- dans le domaine des dyslexies préconisent
attentionnelle » [53]. Cela semble concerner, depuis longtemps un entraînement visuel sys-
de façon plus ou moins intense, environ un tématique en CP pour favoriser l’apprentissage
tiers des jeunes dyspraxiques. Dans de rares de la lecture chez des enfants tout-venant [63].
cas (environ 10 % ?), elle peut même être au
premier plan, révélant une dyspraxie très dis-
crète passée inaperçue ; Difficulté d’accès à la lecture
• la dyslexie est sans rapport direct ou évident (CP/CE1)
avec la dyspraxie : dyslexie phonologique, Il s’agit de très jeunes enfants (6–8 ans) pour
déficit de la mémoire de travail, syndrome lesquels il est légitime de mener simultanément
dysexécutif… C’est alors un trouble associé. des actions de rééducation et des actions de
Ce second type de dyslexie (phonologique)
réadaptation.
représente, de loin, la plus fréquente des dys-
lexies (environ 70 à 80 % de l’ensemble des
Mais il ne faut jamais compter uniquement
dyslexies), ce qui rend compte que de nom-
sur les seuls progrès de l’enfant dans les sec-
breux professionnels, à tort, assimilent la dys-
teurs déficitaires (regard, organisation visuo
lexie–symptôme (constatation d’un trouble
de la lecture) avec le diagnostic de dyslexie spatiale) : réels mais lents et laborieux, ces
« phonologique ». Bien sûr, l’association d’une progrès ne sont jamais assez rapides ni fonc-
dyslexie phonologique avec une DVS modifie tionnels pour permettre de suivre le rythme
considérablement la prise en compte et le pro- scolaire ordinaire (cf. p. 33).
nostic du problème lexique (cf. p. 39).
C’est pourquoi, d’emblée, il faut prévoir aussi
des adaptations et des palliatifs efficaces qui
Dyslexie « visuelle » dans le cadre autorisent les apprentissages dans des délais
satisfaisants.
d’une dyspraxie
Rééducation de l’organisation
Lorsque les difficultés en lecture du jeune sont du regard (orthoptiste,
directement en lien avec la dyspraxie [61], selon ergothérapeute)
l’intensité des troubles, les difficultés peuvent
se manifester soit d’emblée (lors de l’apprentis- En complément du travail effectué par l’orthop-
sage en CP/CE1), soit ultérieurement lorsque la tiste et/ou en collaboration directe avec lui, les
lecture courante est requise (CE2). rééducateurs (ergothérapeute, orthophoniste)
Dans les deux cas, l’avis de l’orthoptiste est impé- peuvent proposer un entraînement fonctionnel
rativement requis (cf. p. 6, tableau 1.1) : d’impor- des saccades, en vue d’améliorer la prise d’in-
tantes anomalies seront toujours présentes, formations visuelles lors de la lecture. Pratiqué
concernant la fixation, les capacités de pour- en individuel ou en petit groupe lors des séances
suite oculaire et, surtout, le déclenchement, le de rééducation (ergothérapie), cet entraînement
calibrage et l’organisation des saccades. prend des formes différentes selon l’âge de l’en-
fant et l’intensité des troubles47.
L’exploration visuelle du texte (organisation
linéaire et régulière des saccades, essentielle-
ment de gauche à droite, exploration en lignes 47 Mazeau M. Neuropsychologie et troubles des
ou colonnes, calibrage des grandes saccades de apprentissages. Paris : Masson ; 2005, 60–3.
122
Chapitre 6. Lire
Les exercices (sur papier, sur tableau ou sur effectuer un contrôle sur la production écrite
écran d’ordinateur ou, en groupe, sur écran et la frappe à l’ordinateur (et en éviter le
grâce à un vidéoprojecteur) portent principale- contrôle visuel)… ;
ment sur trois domaines : • porter une grande attention à la présentation
• l’organisation linéaire des saccades, de gau- du texte (typographie, présentation spatiale)
che à droite ; et ce, de façon systématique et permanente.
• la grande saccade de retour à la ligne ;
• le calibrage des saccades et l’augmentation de Toutes ces adaptations imposent une vigi-
l’empan visuel, dit aussi « fenêtre visuo- lance constante, car elles doivent concerner
attentionnelle ».
l’ensemble des écrits proposés à l’élève : cela
Ces rééducations ne conduisent pas à une « nor- constitue une part très importante du travail
malisation » des mouvements du regard lors de de l’AVS, travail qui doit être suffisamment
la lecture, mais peuvent limiter la fatigabilité et anticipé chaque fois que possible (en lien
autoriser la lecture sur de courts textes. avec l’enseignant) afin que l’enfant puisse
disposer de textes réellement exploitables et
ce, en même temps que ses camarades.
Elles rendent surtout beaucoup plus efficaces
et plus « rentables » les stratégies d’aménage-
ments des textes (adaptations typographi- Maximiser l’efficacité des processus
ques et de présentation) qui doivent toujours linguistiques sous-jacents
être simultanément utilisées. (orthophoniste)
Il s’agit d’utiliser et de valoriser au mieux les
compétences langagières – de bon niveau – de
Aménagement spécifique ces enfants pour faciliter l’apprentissage de la
de l’apprentissage lecture et compenser (ou contourner) les diffi-
cultés auxquelles ils vont se heurter du fait de
L’enfant, du fait de ses mouvements désorgani- leurs troubles du regard.
sés du regard, explore visuellement les mots (ou
le texte) de façon aléatoire. La nécessité perma- Entraînement phonologique
nente, lors de la tâche de lecture, de contrôler Il est très important de proposer à l’enfant dys-
plus ou moins intentionnellement les mouve- praxique un entraînement métaphonologique
ments de ses yeux induit une fatigabilité anor- particulièrement soutenu. Cette activité fait
male, car elle met le lecteur débutant en double souvent déjà partie des exercices que font nor-
tâche quasi permanente (cf. p. 19), situation qui malement tous les enfants en GSM, mais dans
aggrave ses difficultés de déchiffrage et la grande majorité des cas ce travail reste relati-
d’assemblage. vement ponctuel et limité. Il est donc impor-
C’est la raison pour laquelle il est très impor- tant de l’intensifier et d’être très vigilant sur
tant, en phase d’apprentissage, de simultané- l’évolution des compétences du jeune dyspraxi-
ment : que dans ce domaine.
• favoriser tous les autres processus linguisti- En règle générale, ces enfants (qui n’ont pas de
ques sous-jacents : sur-entraînement des troubles phonologiques) progressent rapide-
habiletés métaphonologiques, automatisation ment et de façon très efficace dans ces exercices
des conversions graphophonologiques de gra- (du moins en l’absence de déficit de la mémoire
phèmes, en particulier les di- et trigraphes, de travail et/ou des fonctions exécutives).
syllabes et ce, préalablement à la lecture de Si la mémoire de travail auditivoverbale est
mots et de petits textes ; « limite », un entraînement spécifique dans ce
• soulager au maximum la tâche visuelle : colo- secteur [47, 48, 64] est rapidement profitable et
risation syllabique alternée (cf. infra), surli- permet d’utiliser avec profit les stratégies com-
gnage alterné des lignes, retour auditif pour pensatrices proposées ici.
123
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
124
Chapitre 6. Lire
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L’enfant dyspraxique et les apprentissages
coup, l’engrammation implicite (cf. p. 13) de la œuvre en moyenne de deux séances hebdoma-
forme orthographique du mot. daires d’orthophonie centrées, comme c’est
classique49, sur un travail de conscience phono-
Correcteur orthographique logique, les conversions graphophonologiques
Il faut disposer d’un correcteur orthographique et l’assemblage.
très performant (cf. annexe), en particulier : Production d’écrits et ordinateur
• capable de repérer les erreurs transformant (ergothérapeute, orthophoniste,
la forme globale du mot et/ou les graphèmes enseignant)
initiaux de début de mot tout en respectant la En conséquence, la prise en compte de la dys-
phonologie du mot (automne écrit /otone/) ; praxie doit être allégée (une seule séance d’er-
• ne faisant pas de trop nombreuses proposi- gothérapie par semaine) et entièrement orientée
tions dans lesquelles le jeune risque de se vers des adaptations efficaces en situation sco-
perdre et de passer beaucoup de temps. laire (cf. chapitre 7).
Il peut aussi contenir des mots en écriture abré- Il faut aussi prendre la mesure des répercussions
gée (tjr → toujours, bcp → beaucoup) ou ini- de cette dyslexie sur l’usage de l’ordinateur : en
tiale (ortg → orthographe) concernant des effet, l’enfant progresse normalement dans
mots fréquents ou utilisés dans les program- l’apprentissage du clavier (cf. p. 76) puis l’auto-
mes de l’année scolaire en cours, abréviations matisation de la frappe en dictée de lettres
inscrites telles que dans le correcteur ortho- (cf. p. 84), mais il reste anormalement lent en
graphique automatique de l’ordinateur de situation d’utilisation scolaire de son ordina-
l’élève (cf. p. 93). teur (dictées, prise de notes, exercices et
devoirs…). En effet, l’enfant dyslexique qui doit
Bien sûr, ces propositions peuvent être plus ou
écrire un mot cherche les sons qui le composent,
moins combinées et elles doivent évoluer en
les lettres, les digraphes, les règles orthographi-
fonction de l’importance de la dysorthogra-
ques ou grammaticales… et c’est cette recher-
phie, de l’âge et du niveau scolaire du jeune, de
che, lente, laborieuse, souvent infructueuse ou
son projet d’orientation et d’avenir.
fautive, qui ralentit grandement (voire inhibe)
la frappe. C’est pourquoi ces jeunes refusent
souvent avec force l’ordinateur et revendiquent
Dyslexie liée à un trouble associé d’écrire à la main, ce qui n’est finalement guère
(co-occurrence de dys-) plus lent, leur maladresse pouvant leur permet-
tre (pensent-ils) de masquer certaines hésita-
Dyspraxie et trouble tions, incertitudes ou fautes.
phonologique
Dyslexie phonologique C’est donc la dyslexie qui perturbe la frappe et
non le fait d’écrire à l’ordinateur ou d’être dys-
et dyspraxie
praxique : on peut en faire la preuve en consta-
Souvent, le diagnostic de dyspraxie est connu tant des performances correctes en copie et
depuis les classes maternelles, l’enfant déjà suivi et surtout en dictée de lettres (tâches qui ne récla-
rééduqué, et c’est avec surprise que l’on découvre, ment pas de connaissances phonologiques ni
en fin de CP, les difficultés qu’il présente pour de compétences en langage écrit), qui contras-
apprendre à lire. Dans d’autres cas, c’est la dys- tent avec des capacités très faibles en produc-
lexie qui alerte en fin de CP ou en cours de CE1, tion d’écrits et dictée.
et, au décours du bilan, on découvre une dys-
praxie associée, jusqu’ici méconnue ou négligée.
Accès à la lecture (orthophoniste) 49 Nous renvoyons le lecteur intéressé aux ouvra-
Quoi qu’il en soit, la dyslexie doit être prise en ges consacrés à la rééducation de la dyslexie
compte en priorité, ce qui nécessite la mise en phonologique.
130
Chapitre 6. Lire
131
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
132
Chapitre 6. Lire
gnation syllabique [65]), utilisation de quel- l ’accès à la lecture courante (diagnostic neuro
ques pictogrammes (simples et dépouillés), psychologique).
images ou chiffres écrits (selon la tâche en Chez l’enfant dyspraxique, toute pathologie
cours) pour soutenir l’attention et libérer la d’accès à la lecture doit être soigneusement ana-
mémoire de travail (avoir sous les yeux ce lysée afin de déterminer quelle stratégie doit
qu’on ne peut garder en mémoire), etc. être mise en œuvre. En général, ces troubles de
la lecture nécessitent de conjuguer mesures
rééducatives (pluri-hebdomadaires) et pédago-
giques bien ciblées, et d’adapter les exigences et
Conclusion le rythme scolaire aux possibilités effectives de
l’enfant : cela requiert bien souvent l’inscrip
On voit donc qu’il ne suffit pas « de faire lire tion dans une CLIS 4 ou une CLIS « langage »
l’enfant », plus longtemps ou plus souvent : il (cf. p. 35), du moins si l’enseignant est formé
faut d’abord tenter de comprendre quels sont et si on peut espérer un partenariat soins–école
les troubles sous-jacents qui lui interdisent sur plusieurs années scolaires consécutives.
133
Compétences Chapitre 7
visuo-practo-spatiales
et scolarité
« Gardons-nous de sous-estimer la seule chose sur laquelle nous
pouvons personnellement agir : la solitude et la honte de l’élève
qui ne comprend pas, perdu dans un monde où les autres
comprennent. »
D. Pennac50
Les difficultés d’un enfant dyspraxique se réper- C’est à partir de ces outils d’analyse que nous
cutent dans l’ensemble des apprentissages et, en exposons, au fil de notre propos, des sugges-
classe, concernent toutes les matières, car elles tions d’aides et des exemples concrets.
infiltrent des compétences transversales (lec-
ture, écriture, orthographe). Nous nous intéres- En effet, il est indispensable pour la scolarité
sons ensuite aux répercussions dans un domaine de ces jeunes dyspraxiques d’adapter les
scolaire où les compétences visuo-practo- d ifférents supports, inexploitables du fait
spatiales sont éminemment et spécifiquement de leurs difficultés spécifiques (praxiques
requises : la géométrie. Puis nous abordons les et visuospatiales) afin de leur permettre de
répercussions, successivement, dans les princi- réaliser leurs acquisitions scolaires dans les
pales matières : français, mathématiques, his-
même délais que leurs camarades (cf. p. 33),
toire et sciences. Cette approche essaie de mettre
mais avec des supports (d’apprentissage, de
en lumière les composantes visuelles, praxiques
contrôle et d’examen) accessibles.
et spatiales de ces différentes matières, souvent
partiellement méconnues.
Après cette mise en exergue des éléments qui Enfin, nous proposons de formaliser ces amé-
perturbent, de manière masquée, les apprentis- nagements qui leur sont indispensables, en par-
sages des ces jeunes, nous proposons une ticulier via leur inscription au PPS.
démarche d’analyse des différents supports C’est essentiellement l’ergothérapeute qui met à
pédagogiques. Bien qu’il soit nécessaire et indis- disposition (du jeune, des enseignants, des
pensable que l’ensemble des supports soit ana- parents) ses compétences d’analyse d’activités
lysé au regard des problèmes visuospatiaux des et de mises en situations écologiques pour faire
enfants, seuls les supports usuels sont abordés des propositions pertinentes en ce qui concerne
ici à titre d’exemples : cartes, schémas, graphi- ces adaptations (des supports d’apprentissages,
ques, dessins, géométrie, photographies, ima- de l’environnement) afin d’optimiser la partici-
ges, tableaux. Mais cette démarche d’analyse pation de l’enfant.
est à généraliser et à utiliser aussi souvent que En effet, de par sa formation, il peut, au décours
nécessaire. des bilans pratiqués et de sa rééducation en situa-
tion individuelle, analyser finement les difficul-
tés rencontrées, leur origine (gestuelle, visuelle,
50 Pennac D. Chagrin d’école. Paris : Gallimard ; 2007. spatiale…) et essayer avec l’enfant différentes
135
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
136
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité
137
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
Plus l’enfant est jeune et plus nous privilégions et la langue utilisée. La prise de notes peut ainsi
l’accès à une écriture dactylographiée, c’est- être assurée par un ou plusieurs camarades,
à-dire l’utilisation de l’ordinateur avec l’appren- professeurs et AVS et dans toutes les matières.
tissage en clavier caché (cf. p. 69, 76). En parallèle, Le transfert de fichier se fait sous Word®, ce qui
lorsque le rythme est trop rapide ou que la quan- permet, par la suite, d’utiliser un logiciel de
tité d’écrits est trop importante, il faut également retour vocal si besoin.
recourir au secrétariat, c’est-à-dire la dictée à un On peut aussi demander les cours sur clé USB aux
adulte, une tierce personne (cf. p. 97). professeurs qui les préparent sur informatique.
Quand les enfants sont plus grands (au collège),
nous avons tendance à privilégier soit l’écriture
informatique si l’enfant est suffisamment Orthographe
rapide au clavier, soit la dictée vocale associée au
secrétariat. Le problème de la dictée vocale Lors de la production d’écrits (en particulier les
(cf. p. 93) est qu’elle n’est guère utilisable en dictées), les enfants dyspraxiques sont très
situation de classe, puisque le jeune doit parler gênés par plusieurs aspects concernant l’ortho-
à haute voix. En outre, au sein d’une classe, les graphe :
conditions d’enregistrement de la voix sont loin • d’une part, la restitution calligraphique
d’être optimales et la reconnaissance est sou- demandée ne peut être correctement réalisée.
vent médiocre par rapport à ce qu’elle peut être Les enfants se focalisent alors sur le graphisme,
à domicile ou dans une salle à part. sollicitant toutes leurs capacités d’attention
Le secrétariat (cf. p. 97) quant à lui nécessite la (double tâche, cf. p. 19) et ne pouvant plus se
présence d’une tierce personne, ce qui pose concentrer sur l’aspect orthographique et
aussi souvent problème lors de la scolarité : grammatical des mots, ce qui est pourtant
manque d’AVS, AVS à temps partiel mais dys- l’objectif principal de la dictée (cf. p. 52, 53). Il
praxie à temps plein, AVS non formé à ce type faut donc trouver un moyen permettant aux
très particulier de travail (cf. p. 98, 115)… enfants dyspraxiques de montrer leurs réelles
capacités ou incapacités dans ce domaine, en
Les photocopies (cf. p. 96) des cahiers des cama-
les soulageant de l’aspect calligraphique ;
rades de classe peuvent être envisagées si l’on
prend toujours le même cahier (même écriture). • d’autre part, ces jeunes présentent souvent
une dysorthographie associée à leurs troubles
praxiques, dysorthographie d’usage s’instal-
BloXnote DigiMemo A402® lant progressivement [43, 54]. Ils ne peuvent
Si l’enfant est gêné en lecture (ce qui est fré- donc pas s’appuyer sur leur expérience visuelle
quent, cf. chapitre 6), il faut en outre paramétrer du lexique, et restent dans un apprentissage
l’écriture du camarade de classe avec un logiciel « par cœur » de l’orthographe des mots
de reconnaissance manuscrite permettant une (cf. p. 53, 129).
transcription en texte dactylographié compati-
Pour juger au mieux de leurs connaissances
ble avec l’utilisation d’un logiciel de retour vocal.
orthographiques, il faut privilégier les dictées
BloXnote DigiMemo A402® est une solution préparées et se consacrer à l’évaluation de cer-
informatique couplant une tablette numérique tains mots uniquement. Il est intéressant de
à un logiciel permettant d’organiser les notes, recourir aux dictées sous forme de textes à trous
de les hiérarchiser. (cf. p. 52), limitant le graphisme aux mots sujets
La tablette numérique capture tout ce qui est à contrôle. L’utilisation de la fonction Formulaire
écrit ou dessiné sur du papier ordinaire, elle (cf. p. 144, 145, 149 et figure 7.11 p. 152) est alors
peut donc être utilisée par un camarade de souvent une bonne solution. La dictée par épel-
classe. Ensuite, il suffit de la brancher à l’ordina- lation (en l’absence de trouble de mémoire de
teur du jeune pour enregistrer les notes dans ses travail) est également très bénéfique pour ces
dossiers, afin qu’il puisse les réutiliser selon ses enfants qui sont alors déchargés de l’aspect cal-
besoins. De plus, plusieurs profils d’utilisateurs ligraphique et peuvent focaliser toute leur atten-
peuvent être créés selon l’écriture de la personne tion sur l’aspect orthographique.
138
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité
52 Guide des parents publié par l’Éducation nationale C’est l’intensité des troubles, la présence de trou-
pour la rentrée de septembre 2008. Plus d’informa- bles associés ou non, les capacités de compensa-
tions sur : www.education.gouv.fr tion que l’enfant peut développer (compétences
139
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
140
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité
141
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
Apprentissage d’un logiciel spécialisé De plus, les manipulations doivent être préci-
Au fur et à mesure des acquisitions scolaires, ses afin de tracer les figures demandées en
nous montrons à l’enfant comment réaliser les respectant les consignes de taille, d’orienta-
tracés avec le logiciel de géométrie choisi. Cet tion… Cela demande une certaine habileté
apprentissage peut être proposé, en séance indi- dans la manipulation de la souris. Il faut donc
viduelle, de manière ludique dès le CE2. À ce s’intéresser plus particulièrement au type de
stade, nous proposons à l’enfant de tracer des périphérique permettant une précision maxi-
droites, segments ou autres de telle sorte qu’au male. Le pavé tactile des ordinateurs porta-
final la figure réalisée représente par exemple bles est loin d’être la panacée ! Très souvent,
une fusée, une maison (figure 7.1). les enfants dyspraxiques sont plus habiles
avec une trackball (figure 7.2, cf. cahier cou-
Dès le CM1, on peut proposer un abord en lien
leur central).
plus étroit avec la scolarité. Nous apprenons à
l’enfant à utiliser ce logiciel pour réaliser des Cependant l’utilisation de ce type de périphéri-
exercices de son manuel scolaire, en lien avec que rajoute une contrainte. Il faut pouvoir
l’enseignant. brancher correctement cette adaptation, la ran-
ger et la transporter facilement. Il est donc
À partir du collège, il peut être intéressant de
impératif de prendre un guide-doigts lors de
mettre en place des groupes de travail permet-
l’achat de la trackball permettant d’éviter toute
tant aux enfants de se confronter les uns aux
chute de la boule centrale.
autres et de mieux comprendre et résoudre, en
collaboration, leurs difficultés (cf. p. 87). Ces logiciels comportent certaines touches spé-
cifiques (figure 7.3, cf. cahier couleur central),
L’apprentissage de ce type de logiciel doit se faire
par exemple : médiatrice, bissectrice… Les
selon la progression de l’enfant, il ne faut pas
enfants sont alors souvent tentés de les utiliser
vouloir à tout prix suivre le rythme de la classe.
afin « d’aller plus vite, de gagner du temps ».
En effet, ces enfants sont très souvent en déca-
Mais cela peut aller à l’encontre de ce qui est
lage (retard) par rapport à leurs camarades de
demandé, si l’objectif est de construire ces objets
classe au niveau des acquisitions géométriques.
géométriques particuliers.
Un grand soin doit être porté à l’accessibilité
Exemple
du logiciel proprement dit. En effet, les
Si l’on demande dans l’exercice de tracer la
enfants peuvent avoir besoin d’icônes gros-
médiatrice du segment [AB], cela suppose
sies, de paramétrage de couleurs et d’épais-
que l’enfant applique un protocole de
seurs de tracé spécifiques leur permettant
construction. On doit tout d’abord tracer le
un meilleur repérage sur l’écran.
milieu du segment, puis la droite perpendi
8,0 cm
Figure 7.1. Consigne : « Trace un carré de 8 cm de côté et, au-dessus, un triangle équilatéral, puis
complète le dessin » (CE2).
142
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité
143
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
144
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité
5e
Rédaction
Note Observations
Introduction
Il s’agit ici de présenter le sujet, ce dont on va parler.
À la fin de cette partie, il faut présenter le plan de la rédaction donc nommer les parties qui vont
suivre dans l’ordre.
1re partie – 1re grande idée
Plusieurs idées complémentaires sont décrites. À chaque nouvelle idée, changer de
paragraphe.
2e idée.
3e idée.
4e idée.
2e partie – 2e idée (souvent opposée à la première)
Plusieurs idées complémentaires sont décrites. À chaque nouvelle idée, changer de
paragraphe.
2e idée.
3e idée.
4e idée.
3e partie
En général, on fait ici le bilan entre les idées de la 1re partie et celles de la 2e partie.
On essaye de les mettre en relation les unes avec les autres.
3e idée.
4e idée.
Conclusion
Il s’agit de terminer sa rédaction donc de trouver une idée qui résume (rassemble) toutes les
autres idées de la rédaction en faisant un bilan.
En fin de conclusion, on essaye de trouver une idée plus générale, plus vaste qui va dans le
même sens que ce qu’on vient juste de dire.
Nous pouvons également, en fonction des dif- que paragraphe et saut de plusieurs lignes entre
ficultés d’organisation, proposer à ces enfants deux parties, retrait à chaque paragraphe. Lors
de lister toutes leurs idées dans un premier d’une césure de mot, après la fin d’une syllabe
temps, puis de regrouper ensemble celles qui et avec un tiret, les enfants dyspraxiques sont
vont ensemble et enfin de rédiger le texte souvent gênés par cet aspect spatial.
(cf. p. 56–58). Il faut donc souvent rappeler une liste d’ins-
Il reste un aspect souvent sous-estimé dans la tructions (cf. p. 25), par exemple : qu’écris-tu ?
rédaction qui est l’aspect spatial de la présenta- une phrase, un début de paragraphe… ? com-
tion du document fini : paragraphes, dialo- ment vas-tu présenter cela ? L’idée étant que les
gue… En effet, un texte doit suivre des règles de adultes entraînent les enfants de façon systéma-
présentation très spatiales : introduction avec tique à se faire eux-mêmes mentalement une
retrait de paragraphe, saut de ligne entre cha- liste d’auto-instructions (« Où en suis-je ? Je
145
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
change d’idée, donc… C’est un nouveau para- Aujourd’hui, on trouve un bon nombre de
graphe ? Alors, je dois… »). Les premiers temps, livres audio à la Bibliothèque nationale de
il faut que ce soit l’adulte qui les étaye dans cette France. Il existe aussi des associations se propo-
démarche. Ces méthodes doivent être mises en sant d’enregistrer un livre donné en version
place précocement (dès le CM) et longuement audio (Lecture pour tous). De nombreux édi-
entraînées, lentement complexifiées au fil des teurs (cf. annexe) proposent quant à eux des
exigences scolaires. Pour certains cependant, livres variés, destinés à tous les âges, existant
dans l’incapacité de concevoir et se représenter sous forme de CD ou de fichier MP3.
ces aspects spatiaux, il faut être tolérant… Cette démarche suppose une certaine anticipa-
tion de la part de l’enseignant pour :
Ne pas adopter la bonne présentation peut • choisir les textes et œuvres à étudier dans ce
relever du handicap ou d’un non-savoir : dis- vivier ;
socier les deux et savoir ce sur quoi l’enfant a • enregistrer une version audio du livre si celui-
été réellement évalué nécessitent que les ci n’existe pas encore sous forme numérique
aides spécifiques soient bien mises en place. ou audio.
S’il s’agit d’une version audio, il faut aussi anti-
Pour les résumés, c’est une stratégie particu- ciper, cette fois au niveau de chaque cours.
lière de lecture, souvent inaccessible aux jeunes L’enseignant doit dire à l’AVS quel chapitre va
dyspraxiques (cf. p. 122), qui doit être mise en être étudié en classe, afin qu’ayant repéré à
œuvre. Il faut aider l’enfant par une procédure combien de minutes ce chapitre est situé par
systématique : par exemple souligner les mots rapport au début du livre (en fonction des para-
« importants » (sur indication de l’enfant métrages et de la vitesse de lecture habituels de
lorsqu’il a lu ou écouté le texte), masquer les l’enfant), il puisse préparer le matériel. En effet,
digressions, les exemples et citations. la pagination est inutilisable et l’élève ne peut
Ensuite, l’enfant peut passer à la synthèse ou au généralement pas faire seul, dans les temps
résumé après lui avoir demandé de nous refor- impartis, cette recherche rapide sur le support
muler le contenu, de le définir en une seule audio.
phrase, de lui donner un titre… Sinon, le livre peut également être scanné afin
de le convertir en fichier audio. Cette démarche
Étude d’œuvre littéraire a l’avantage de permettre à l’enfant d’utiliser le
livre dans la même édition que celle de ses
Lorsque les enfants doivent étudier un texte, une
camarades et ainsi de situer plus facilement,
œuvre littéraire, ceux-ci doivent le lire seul avec
disposant des mêmes repères (numéro de
l’exemplaire recommandé par le professeur.
pages).
L’enfant dyspraxique dont la lecture est lente,
laborieuse et fatigante est donc jugé, noté et éva- Lorsqu’il s’agit de faire une fiche de lecture, le
lué sur son handicap et ses répercussions en lec- choix est laissé à l’enfant de prendre un livre
ture et non sur ses capacités de compréhension, parmi ceux existant en livre audio ou numérique.
d’analyse et de synthèse, critères sur lesquels les Enfin, n’oublions pas que certains textes sont
autres enfants de la classe sont jugés, dans la intrinsèquement peu accessibles aux enfants
mesure où ils ont automatisé la tâche de lecture. dyspraxiques de par leurs importantes référen-
Favoriser l’exploitation des livres audio et ces spatiales (figure 7.7). Dans ce cas, il faut
numériques permet de remédier en partie à ce accepter de renoncer : les jeunes dyspraxiques
problème (cf. p. 128). L’enfant dyspraxique ayant ne pourront jamais les appréhender dans leur
des difficultés de lecture, du fait de ses troubles entièreté avec tous les sous-entendus et les
oculomoteurs, doit utiliser un logiciel de retour détails, construire des représentations fidèles
vocal (synthèse vocale du logiciel d’exploitation au texte.
de l’ordinateur comme celle de Vista®, logiciel Ainsi dans certaines situations « extrêmes » (du
spécifique de retour vocal comme Speakback®, fait de leur lien direct et étroit avec le handi-
Word Reader®…, cf. p. 136 et annexe). cap), la prise en compte du handicap consiste
146
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité
147
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
148
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité
à gauche, de haut en bas, alignés en colonnes enfants dyspraxiques et dyslexiques (cf. p. 122,
dont la situation est déterminée par l’écriture 130). Dans ces cas-là, nous proposons le recours
du chiffre le plus à droite de chaque nombre à un système de lecture vocale, par logiciel,
(cf. p. 104). tierce personne (cf. p. 165, 167)…
Nous pouvons proposer aux enfants dyspraxi- Ensuite, il faut analyser les différents éléments
ques de poser et de résoudre leurs opérations en de l’énoncé. Ils ne peuvent ni produire ni inter-
lignes ou de les poser en colonnes, mais avec préter les dessins ou schémas qui aident les
des repères de couleurs (cf. p. 80, 112) et des for- autres en favorisant une représentation effi-
mulaires tout préparés où il n’y a plus qu’à ins- ciente du problème et en soulageant leur
crire les nombres dans des cases prédéfinies mémoire de travail. Enfin, certains présentent
respectant un code couleur toujours identique aussi des difficultés d’organisation et de planifi-
selon la valeur du chiffre dans le nombre (unité, cation, ce qui ajoute à leurs difficultés. Il s’agit
dizaine, centaine…). alors de les aider en séquentialisant les informa-
tions contenues dans l’énoncé, en leur posant à
Utilisation de la fonction Formulaire chaque fois les mêmes questions : « que dois-tu
Pour cela nous pouvons recourir à l’utilisation chercher ? que sais-tu déjà ? de quoi as-tu
du logiciel Posop® ou de la fonction Formulaire besoin ? quels éléments vas-tu utiliser ? quelle
de Word® (figure 7.8, cf. cahier couleur central) opération vas-tu faire ? »…
permettant d’adapter les paramétrages de cou- Ces questions doivent seulement orienter la
leur, taille d’écriture, espacements… mais aussi réflexion de l’élève dyspraxique et non se sub
et surtout travailler directement dans Word® et stituer à son analyse, son interprétation et ses
donc limiter les problèmes de manipulation et choix. Il s’agit simplement de compenser les
de compatibilité de logiciel, voire même tra- difficultés d’organisation afin de permettre à
vailler directement sur le support de cours du ces élèves d’exercer et de montrer leurs réelles
professeur des écoles si celui-ci est déjà infor- compétences en analyse et résolution de pro-
matisé. Nous voyons ici clairement le gain de blèmes une fois leur handicap compensé.
temps et la facilité d’utilisation qu’il y a pour
Progressivement, l’enfant doit reprendre à son
tout le monde.
compte cette stratégie et se poser lui-même tou-
Cependant, il faut au maximum éviter, voire jours ces questions (auto-instructions verbales,
dispenser de la pose d’opérations. Si celles-ci cf. p. 25), ce qui lui permet, au fil des années, de
doivent être résolues, elles le sont dans la gagner en autonomie.
mesure du possible mentalement, éventuelle-
ment en ligne ou avec l’aide de la calculatrice
(cf. p. 105). En histoire/géographie
Dans cette discipline, nombreux sont les sup-
En effet, il ne faut pas oublier que dans les ports « toxiques » ou du moins inexploitables
textes officiels de l’Éducation nationale, il est pour un enfant dyspraxique. En effet, les diffé-
inscrit que « la calculatrice fait l’objet d’une rents supports utilisés par cette discipline et
utilisation raisonnée en fonction de la com- dont les enfants doivent apprendre les significa-
plexité des calculs auxquels sont confrontés tions, le décryptage afin de les réutiliser ulté-
les élèves ». Pour un enfant dyspraxique, tout rieurement, font appel à des compétences
calcul posé est d’une complexité telle qu’il visuospatiales très développées.
relève de l’usage de la calculatrice. Les cartes et plans nécessitent un bon repérage
dans l’espace et sur la feuille (compétences
spatiales). De plus, parfois des compétences
Résolution de problème praxiques de type graphique sont mises en jeu
Pour résoudre un problème, il faut avant toute pour effectuer des tracés, compléments d’in-
autre chose avoir lu et compris l’énoncé, ce qui formations, légendes (figure 7.12, cahier cou-
peut se révéler déjà difficile pour certains leur central).
149
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
Cela est souvent moins évident dans d’autre acti- Il est très intéressant de faire travailler ces
vités, pourtant très habituelles dans ces matières : enfants en binôme en les laissant décrire ce qu’il
• les frises chronologiques nécessitent également faut faire à un autre élève ou à un adulte réali-
un excellent repérage visuospatial, sur lequel sant alors les manipulations et dessins sur indi-
le repérage temporel est sensé s’appuyer ; cations de l’enfant.
• les portraits et monuments célèbres nécessi- Pour les réalisations de schémas, par exemple
tent de bonnes gnosies visuelles, ainsi qu’un en électricité (figure 7.10), nous pouvons pro-
repérage visuospatial avec analyse et déco- poser de recourir à l’utilisation de gommettes
dage de l’information et sont inexploitables représentant les différents éléments, symboles
par les enfants ayant une agnosie des visages et icônes constitutifs du schéma, ce qui permet
et/ou des images associée (cf. ex. p. 163) ; de s’assurer qu’ils en connaissent la significa-
tion et l’usage. Il faut au préalable demander à
• les drapeaux (figure 7.9, cf. cahier couleur cen-
l’enfant de nous nommer les symboles qu’il
tral), eux, font appel à des compétences visuo
connaît, puis il dit à l’adulte (AVS) où et com-
spatiales complexes avec un ordre précis et une
ment les disposer, et quelles sont leurs relations
orientation des couleurs (horizontales, verti-
fonctionnelles.
cales, mais surtout obliques), très difficiles à
interpréter pour la plupart de ces enfants.
Exemple
Pour les drapeaux présentés sur la figure 7.9,
nous pouvons convertir l’information visuo
spatiale et les décrire assez simplement :
Pile Lampe
la France possède un drapeau à trois
couleurs, représentées selon des bandes
verticales (c’est-à-dire « debout ») bleues,
Figure 7.10. Exemple de symboles.
blanches et rouges, disposées l’une à côté
de l’autre dans le sens de lecture ;
Bien sûr, une description verbale de la signifi-
les Pays-Bas possèdent un drapeau à trois
cation de ces schémas, de leur fonctionnement,
couleurs, disposées en bandes horizontales
de leurs relations (selon les cas et les leçons) est
(c’est-à-dire couchées) avec le rouge en haut,
indispensable, en complément. Il s’agit de stra-
le blanc au milieu et le bleu en bas, etc.
tégies qui doivent rester exceptionnelles, il est
toujours préférable de les remplacer par le texte
explicatif plus facile d’accès pour ces enfants.
Dans la majorité des cas, il faut donc essayer Il en est de même pour les graphiques et les
de trouver d’autres supports permettant de dessins.
véhiculer les mêmes informations. Assez
souvent, il est possible de remplacer ces
documents visuospatiaux par un texte des-
Adaptations des supports
criptif, ce qui correspond en général à la des- pédagogiques
cription dudit document faite en classe par
le professeur. Certains documents sont donc difficilement
exploitables par les enfants dyspraxiques, les
mettant en situation de révélation de leur han-
En sciences dicap et non en situation d’apprentissage.
Aujourd’hui, on ne demande pas à un enfant
En sciences, nous retrouvons les difficultés face malvoyant de lire un texte littéraire dans le
aux schémas et graphiques, auxquelles s’ajou- même format et la même collection que ses
tent les manipulations et les dessins. camarades, on comprend qu’il a besoin d’un
150
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité
texte aménagé (ou en braille). Mais, ce handi- liser seuls tout ou une partie du travail puisque
cap caché qu’est la dyspraxie est beaucoup plus la présentation est identique quelles que soient
difficile à appréhender. la matière et l’activité.
C’est pourquoi nous proposons d’aider au repé-
rage de ces éléments souvent méconnus mais
délétères qui sur-handicapent le jeune atteint Aération des supports
de DVS. Une présentation claire et aérée permet à l’en-
Dans un premier temps, nous listons les diffi- fant dyspraxique de mieux se repérer.
cultés liées à un certain nombre de supports Il est impératif de ne mettre qu’un seul exercice
inutilisables pour l’enfant, voire « toxiques » : par page et d’espacer un peu plus les éléments
leur utilisation constitue un véritable sur-han- les uns des autres : double interligne et double
dicap pour l’enfant en situation scolaire. espace, encadrement des photos, espacement et
Puis nous donnons quelques pistes générales et numérotation de ces dernières. Il faut associer
globales facilitatrices, avant d’aborder une cette présentation claire et aérée à une mise en
démarche spécifique d’analyse d’activité, géné- relief des éléments pertinents : surlignage, écri-
ralisable à toutes sortes de supports et transfé- ture en couleur…
rable à d’autres types de handicap en modifiant Cela permet également à l’enfant de mieux se
ou complétant les items. repérer, d’acquérir des automatismes pouvant
se transférer ou se réutiliser ailleurs, d’être plus
autonome.
Cela permet d’aboutir à une adaptation
Le recours à un code couleur toujours identique
personnalisée de toutes sortes de supports
y contribue aussi. Nous conseillons de recourir
(documents, activités, contrôles…), issue
à un code couleur classique : vert à gauche de la
d’une réflexion commune des différents
page, rouge à droite (symbolisant les deux extré-
acteurs autour de la scolarité de l’enfant. mités des lignes à lire ainsi que le sens de lec-
ture, cf. p. 80, 105, 112 et figures 4.2 et 6.2, cahier
couleur central) ou, si nécessaire, bleu en haut et
Pour toutes les matières, marron en bas (symbolisant les repères verti-
quelques pistes générales caux de la feuille et le sens de lecture : « du feu
vert vers le feu rouge, du ciel vers la terre »).
Présentation des supports
Il faut éviter au maximum les manipulations, Rôle de l’AVS (cf. p. 59, 98, 115, 181)
celles-ci étant inefficaces, coûteuses et non por-
teuses de sens. Dans tous les cas, les photocopies L’AVS favorise l’oral, la verbalisation, étaye l’en-
doivent être agrandies et de bonne qualité afin fant en l’aidant à structurer ses réponses selon
de faciliter le repérage de l’enfant (cf. p. 96). Il un plan bien défini (séquentialisation, ques-
ne faut pas hésiter à recourir au surlignage en tionnement systématisé…), en lisant et relisant
couleurs des informations essentielles. De plus, tout ce qui est nécessaire… (cf. p. 165, 167).
dans la mesure du possible, il est préférable de La préparation des supports d’apprentissage et
scanner tous les documents remis à l’enfant pour d’évaluation constitue bien sûr une grande
permettre des aménagements de présentation partie du travail de l’AVS (mais aussi, occa-
et afin que le jeune puisse les exploiter directe- sionnellement, d’un enseignant). En particu-
ment sur son ordinateur. lier, l’utilisation de l’outil Formulaire doit être
Les supports, tout comme les différents docu- généralisée.
ments rendus ou utilisés par l’enfant, doivent La barre d’outils Formulaire (ou onglet
être tous présentés de la même façon. Cela per- Développeur), systématiquement présent dans
met aux enfants dyspraxiques de se repérer plus les principaux traitements de texte (Word®,
facilement et, progressivement, de pouvoir réa- Open office®…) permet d’insérer des zones de
151
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
152
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité
photographies (bien que ces dernières fassent Grille d’analyse des supports
plus appel à des compétences visuelles que pédagogiques et des activités
visuospatiales), manipulations, travaux prati-
ques et dessin/géométrie. scolaires
Cf. figures 7.12 à 7.14 et tableaux 7.1 à 7.6, et 7.7
Comment analyser les échecs à 7.8, cahier couleur central.
en situation scolaire ? De quoi s’agit-il ?
Pour comprendre ce qui met en échec cet enfant L’utilisation de cette grille d’analyse permet
dans telle ou telle tâche scolaire, il nous faut d’isoler et lister les compétences visuo-practo-
croiser deux types d’analyses : spatiales sollicitées par l’activité, de les comparer
• analyser les difficultés de l’enfant dyspraxi- aux compétences réelles dont dispose l’enfant
que et ses capacités, afin de pouvoir s’appuyer afin d’en déduire les domaines où les adaptations
sur ses compétences pour pallier ses difficultés ; des supports pédagogiques sont nécessaires.
• analyser les tâches scolaires proposées et essayer
de dégager le fond, c’est-à-dire l’objectif, l’ap- Le fait de « décortiquer » l’ensemble des com-
prentissage pédagogique visé, de la forme, c’est- pétences visuelles, praxiques, spatiales,
à-dire la présentation, le support de l’activité. organisationnelles, de lecture et d’écriture
Par la suite, il est capital d’essayer de voir, dans sollicitées par l’activité permet de mieux
chaque domaine de difficultés de l’enfant, si comprendre toutes les composantes (souvent
l’activité scolaire envisagée fait appel plus par- sous-estimées) indispensables pour réaliser
ticulièrement ou non à ces compétences défici- l’activité. La mise en parallèle avec les com-
taires et ce, de manière prégnante ou non. pétences réelles de l’enfant met en exergue
les domaines où l’enfant est de toute façon en
échec lors de la réalisation de l’activité, du
Ceci nous permet de personnaliser au mieux
fait de sa dyspraxie, indépendamment de ses
les adaptations proposées.
compétences scolaires.
153
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
Tableau 7.1. Grille d’analyse des supports pédagogiques et des activités scolaires.
Titre de la leçon : les principales villes de France.
Compétence(s) testée(s) ou à acquérir : connaître les 15 principales villes de France.
Nature du document : carte
155
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
Exemples de verbalisation
Carte (tableau 7.2)
Paris est la première ville de France, c’est la
capitale du pays. Sa population intra-muros Nous voyons là clairement où vont résider les
est de plus de 2 millions d’habitants. Mais éventuelles difficultés d’un enfant dyspraxi-
l’agglomération de Paris s’est largement que : partout où, sur une même ligne, coexis-
développée hors des limites de la commune tent les symboles XX ou XXX conjugués à une
et son aire urbaine, qui inclut l’aggloméra difficulté ou une impossibilité de l’enfant (en
tion et la couronne péri-urbaine (banlieues), gris).
comprend près de 12 millions d’habitants. On voit là, en un coup d’œil, l’influence néga-
La ville de Paris est découpée en vingt arron tive pour cet enfant :
dissements qui se répartissent en forme
• des troubles neurovisuels, qui ont une inci-
d’escargot depuis le 1er arrondissement au
dence sur l’exploration même que cet enfant
centre de la ville…
peut faire de ce matériel. Ne pouvant tout
Lille est la préfecture du département du explorer, ni poser son regard sur tous les élé-
Nord et le chef-lieu de la région Nord-Pas- ments, il ne peut ni remplir ni utiliser ni s’ap-
de-Calais ; elle se situe au nord du pays, à proprier ce type de support. Il faut reconvertir
proximité de la Belgique. Elle compte au mieux les données visuelles et topologi-
226 000 habitants intra-muros, mais elle est ques en une description verbale ;
le centre administratif et économique d’une
• des troubles praxiques, puisqu’on mobilise les
vaste zone urbaine et péri-urbaine qui
possibilités de coloriage, de graphisme et
regroupe 85 communes et compte 1,1 mil
d’écriture de l’enfant ;
lion d’habitants…
• des troubles spatiaux, en particulier en ce qui
concerne la topologie (situation relative d’un
Situations scolaires habituelles élément par rapport à d’autres) ; les difficultés
de repérage topologique empêchent l’enfant
d’exploitation de cette grille de se repérer dans ce type de support. Il ne
peut pas reconnaître et isoler les différents
Cette grille permet en particulier de mettre en éléments, remplit sa carte « au hasard ». Si la
évidence quelles sont les différentes composantes carte est un support à l’apprentissage, alors
neuropsychologiques mises en œuvre lors de l’enfant est gêné et cela perturbe ses connais-
l’utilisation de supports pédagogiques considérés sances académiques ;
comme « inexploitables » (carte, schéma–graphi- • de l’influence d’un travail demandé en temps
que, tableau, photographie–image, manipula- limité, qui risque d’aggraver le trouble gra-
tion/TP–dessin/géométrie). phique. Le support de carte ne peut pas être
Ce travail d’analyse doit également être expli- rempli correctement et n’est pas exploitable
cité à l’enfant pour qu’il puisse en être lui aussi par la suite si les possibilités d’écriture manus-
acteur. Cela permet de lui faire comprendre, et crite de l’enfant sont très limitées. L’enfant ne
accepter, les raisons de certaines adaptations. Il pouvant pas se relire et disposant d’un sup-
en est de même auprès des enseignants et des port peu attrayant (car mal rempli du fait de
AVS, en charge de la mise en œuvre de ces sa dyspraxie) ne peut ni utiliser ni s’appro-
adaptations. prier ce type de support.
156
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité
157
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
Méditerranée et la mer Rouge au nord-est, Plusieurs types d’aides peuvent être apportés. Il
séparant l’Égypte et le Soudan de l’Arabie peut s’agir d’une aide à la lecture du schéma/
saoudite ; graphique en isolant les différents composants
Les reliefs de l’Afrique sont majoritaire les uns après les autres. Dans ce cas, une tierce
ment constitués de plateaux et de plaines. personne est nécessaire afin de déplacer un
Au nord et au sud, on rencontre des chaî « cache » (fenêtre de lecture) permettant à l’en-
nes de montagnes. À l’est, le plateau afri fant de n’observer les éléments qu’un par un.
cain est parcouru par de longs fossés (les Parfois, la mise en couleur des éléments peut
rifs), bordés de volcans. À l’ouest, on trouve faciliter la lecture et la compréhension.
des cuvettes drainées par de grands fleu Pour d’autres, il faut se contenter d’un savoir
ves. Les contraintes d’altitude ne sont « propositionnel », verbal, formel, concernant la
importantes que dans le Maghreb, l’est et notion visée.
le sud-est. En zone tropicale, les hautes ter
res constituent des milieux attractifs pour
Certains sont tellement gênés qu’il faut accep-
l’homme qui peut pratiquer l’agriculture.
ter de renoncer à ce type de supports.
Enfin, les littoraux sont peu découpés et
n’offrent des débouchés maritimes qu’à Exemple : schéma en SVT,
peu de pays. en biologie
Certains schémas ou graphiques (cf. tableau
7.8, cahier couleur central) peuvent relative
On peut aussi, simultanément, donner à l’élève ment être remplacés par un texte descriptif
des étiquettes avec les indications déjà écrites et explicatif. Les explications orales du pro
(méridien, tropiques, noms des différents pays) fesseur durant la leçon (et/ou du manuel)
et, avec l’aide de l’AVS, les déposer aux servent de supports à la construction du dis
emplacements voulus. cours descriptif.
Au niveau des examens, des aménagements Dans le cas de la figure 7.13 (cf. cahier cou-
sont possibles. Par exemple, au brevet, les leur central) distribuée à l’ensemble de la
enfants peuvent être dispensés d’épreuve de classe, celle-ci pourrait être remplacée par
cartographie (cf. p. 168). le texte suivant : « Au niveau de l’alvéole
pulmonaire, des échanges gazeux ont lieu :
de l’air riche en O2 est expulsé (pour aller
Schémas, graphiques (tableau 7.3) oxygéner les différents tissus de l’orga
nisme), tandis qu’arrive de l’air pauvre en
L’utilisation des schémas et graphes peut être
O2 pour y être oxygéné. »
perturbée non seulement, comme précédem-
ment, par les troubles de l’organisation du Nous avons eu l’exemple d’un jeune qui pas
regard et les anomalies des traitements spa- sant son baccalauréat, série S, option scien
tiaux, mais aussi parfois la reconnaissance des ces de la vie et de la terre, a eu comme sujet
images, visages ou signes conventionnels pré- le cœur, l’objectif étant de réaliser un
sents sur le schéma ou le graphique. schéma. Ce jeune a écrit sur sa copie : « Mon
handicap ne me permet pas de réaliser un
Ainsi, nous notons sur la grille l’importance
schéma, mais je vais vous décrire le fonc
dans cette activité :
tionnement du cœur. » Il a ensuite répondu
• de l’exploration visuelle correcte de l’ensem-
à la question par un texte argumenté et
ble du matériel ;
obtenu la note méritée.
• du traitement neurovisuel (décodage gnosi-
que de l’information), qui doit être parfait
pour permettre l’accès au sens ;
Cet exemple montre non seulement que les
• des tableaux et graphiques nécessitant un bon
compensations peuvent se faire de manière
repérage visuospatial (lignes/colonnes, flè-
efficace en ce qui concerne l’accès aux
ches, courbes…).
158
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité
159
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
passant sans s’en rendre compte d’une ligne à qu’il appartient tant à la ligne qu’à la
l’autre, ou d’une colonne à la voisine. Cet colonne. L’enfant dyspraxique est dans l’in-
aspect des difficultés du jeune dyspraxique capacité d’effectuer ce travail de « synthèse
est d’autant plus méconnu que les tableaux topologique ». Le tableau est alors quasiment
sont habituellement proposés pour simplifier inexploitable (cf. p. 108, 111) ;
la prise d’information, en faciliter l’accès ; • à ces aspects visuospatiaux, il faut également
• les tableaux nécessitent également de bon- ajouter l’aspect praxique d’utilisation d’outils,
nes capacités topologiques afin de pouvoir certes dans une moindre mesure, mais qui
situer les éléments les uns par rapport aux peut être très important si l’on demande aux
autres et les corréler ensemble. Pour utiliser enfants de tracer eux-mêmes le tableau. De
et lire un tableau, il faut effectivement repé- même, l’écriture dans le tableau doit être lisi-
rer l’élément à l’intersection d’une ligne et ble pour que ce dernier puisse être exploité
d’une colonne afin de pouvoir comprendre par la suite.
160
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité
Lors de l’utilisation d’un tableau comme lors de Les informations peuvent aussi être délivrées
sa construction, il faut s’organiser et séquentia- sous la forme textuelle, comme dans l’exemple
liser ses idées afin de pouvoir regrouper les élé- de la figure 7.14.
ments. Cela demande des compétences de Cependant, cette adaptation paraît souvent
planification très précises dont certains enfants compliquée à mettre en place ; elle suscite
dyspraxiques sont parfois peu pourvus (en cas même quelquefois des réticences. En effet, la
de syndrome dysexécutif associé [cf. p. 8, 39, 131]). présentation en tableau, très utilisée dans de
Plusieurs types d’adaptations peuvent être pro- nombreuses matières (et même dès la mater-
posés : nelle) constitue un résumé synthétique qui
Par exemple, il peut être intéressant de mettre semble plus clair et plus facile d’utilisation
les lignes ou les colonnes en couleurs, ou même (ceci est vrai, bien sûr, pour les personnes sans
une couleur différente à chaque ligne ou handicap visuospatial). Beaucoup le considè-
colonne en fonction du référentiel choisi. rent aussi comme un exercice de logique,
(cf. p. 108, 111) ; c’est même une compétence
Nous pouvons également aider l’enfant en iso-
spécifiquement inscrite au programme dès le
lant les éléments avec des caches permettant de
CP/CE : « l’élève utilise progressivement les repré-
n’avoir qu’une seule ligne ou colonne à observer
sentations usuelles de gestion des données :
à la fois. Puis au sein de chaque ligne et colonne,
tableaux, graphiques… ». Il s’agit d’une mécon-
nous pouvons encore orienter le regard de l’en-
naissance fréquente de l’importante influence
fant plus précisément en isolant une seule cel-
des compétences visuospatiales sollicités par
lule du tableau.
cette présentation, ce qui la rend tout à fait
inaccessible aux jeunes dyspraxiques.
Cette méthode doit être accompagnée obli-
Par ailleurs, le texte explicatif que nous propo-
gatoirement d’une verbalisation des éléments sons de soumettre aux enfants dyspraxiques
observés, au fur et à mesure de l’exploration comme support de leçon ou exercice, corres-
guidée du tableau, afin de permettre à pond normalement à l’explication orale que
l ’enfant de se construire une représentation donne l’enseignant à l’ensemble de la classe.
propositionnelle du tableau et de compren-
Ce n’est donc pas en proposant ce qui semble
dre les liens entre les différents éléments.
« plus simple » ou « plus efficace » pour les
Ci-dessous le tableau tel qu’il est donné en classe Ci-dessous le tableau est remplacé par un « texte » :
161
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
162
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité
lité et dans ses détails. Or, certains de ces enfants S’il n’avait pas appris sa leçon, il aurait
n’ont une vision que parcellaire de l’image pré- (comme les autres élèves dans cette situa
sentée, c’est-à-dire qu’ils n’en voient que certains tion) obtenu une mauvaise note.
éléments, pertinents ou non, dont ils ne perçoi-
vent pas les relations spatiales ni l’organisation.
Leur analyse est donc biaisée d’entrée par cette Cette grille permet donc aussi de mettre à
mauvaise perception du support. disposition de tous les intervenants (ensei-
Si l’élève présente des troubles des gnosies visuel- gnants, AVS, secrétaire…) les renseigne-
les (tableau 7.5), c’est l’analyse – décodage – des ments concernant les interactions entre
éléments observés qui est perturbée. Dans ce cas, handicap et scolarité, surtout lorsque ces
les enfants peuvent voir les éléments nécessaires, dernières ne sont pas évidentes.
le regard peut très bien se poser correctement sur
l’image à observer, avec une acuité visuelle cor- Elle permet de distinguer clairement ce qui res-
recte, mais c’est l’interprétation des éléments vus sort du handicap (le premier « zéro » notait en
qui est défectueuse. fait le handicap neurovisuel de l’enfant) et ce
En outre, les processus cérébraux en jeu dans qui ressort du travail de l’élève, de ses appren-
ces processus d’interprétation des images sont tissages (contrôle adapté de façon pertinente).
différents selon le type d’image proposé (pho- Nous voyons à travers cet exemple comme l’en-
tos, dessins ou images représentant ou non la fant agnosique (ou victime de tout handicap
troisième dimension via des lignes de fuite, des dont la répercussion scolaire n’est pas évidente
ombres, etc. ; ou photos de visages, portraits, pour les non-spécialistes) peut être défavorisé.
personnages et lieux célèbres…) donnant lieu à
des dissociations étonnantes dans les perfor- Il est donc primordial que professionnels de
mances du jeune : il peut traiter certaines ima- rééducation et de pédagogie puissent communi-
ges mais pas toutes (cf. p. 1–3)… quer étroitement, à moindre coût (d’où l’intérêt
de cette grille, facilement transmise et utilisée
Les photographies ou images peuvent être par les différents intervenants) afin d’aider au
remplacées, tout comme les tableaux ou les mieux ces enfants et de leur permettre de suivre
cartes et plans, par un texte descriptif ; mais leur scolarité dans les meilleures conditions et
dans certains cas, le support d’image et de en évaluant réellement leurs connaissances.
photographie ne peut pas être utilisé, il faut y
renoncer.
Manipulations/travaux pratiques –
Exemple Dessin/géométrie (tableau 7.6)
Arthur, 12 ans, présente une dyspraxie
Les dessins et la géométrie mettent spécifique-
visuospatiale avec agnosie des images et
ment en difficulté les enfants dyspraxiques en
des visages. Lors d’un contrôle d’histoire sur
raison de la multitude de compétences visuo-
les rois de France, ce jeune garçon a eu 0/10.
practo-spatiales que ces activités requièrent.
Il s’agissait de « dire ce que l’on sait des trois
rois de France représentés ci-dessous ». Les Que ce soit sur le versant exploitation d’un dessin
représentations en question étaient des ou d’une figure géométrique ou sur le versant
photographies des rois de France. Arthur a conception, réalisation du dessin, de la figure
essayé de répondre à la question mais a géométrique, les compétences visuelles et spatia-
confondu Louis XIV avec Louis XVI, et n’a les sollicitées restent identiques. Les compétences
pas reconnu Henri IV. praxiques, elles, ne sont sollicitées que lorsqu’il
s’agit pour l’enfant de réaliser, de concevoir le
Le même contrôle lui a ensuite été proposé en
dessin ou la figure géométrique (cf. p. 139).
remplaçant les photographies par le nom des
rois de France. La question était alors « dis ce Comme le montre la grille d’analyse :
que tu sais de Louis XIV, Louis XVI et Henri • sur le plan visuel, tout d’abord, les dessins et la
IV ». Arthur a pu réciter tout son cours sans géométrie nécessitent que les enfants se repè-
erreur et faire la preuve de ses connaissances. rent dans le matériel et sur la feuille en ayant
163
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
une bonne coordination des mouvements du topologiques mais aussi d’orientation propre.
regard ainsi qu’une bonne stratégie d’explora- Il faut :
tion visuelle du matériel. De plus, le dessin et – d’une part, pouvoir situer les objets les uns
encore plus la géométrie sollicitent beaucoup par rapport aux autres : l’arbre est derrière
des compétences sous-jacentes de perception la maison, devant la maison il y a un portail,
visuelle, c’est-à-dire de gnosies visuelles. Il le chien est à gauche de la maison…, le trian-
faut en effet pouvoir interpréter ce qui est gle ABC est inscrit dans le cercle C,
dessiné ou représenté et pouvoir comprendre
– d’autre part, pouvoir faire une analyse de
le sens des images, dessins et symboles (signes
l’orientation des traits, (re)-connaître
conventionnels : formes, lettres, chiffres,
l’orientation propre des objets, c’est-à-dire
logos…) ;
leur position absolue ;
• l’exploitation aussi bien que la conception des • les compétences praxiques sont majoritaire-
dessins font appel à des compétences spatiales ment sollicitées lors du tracé, de la conception
164
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité
des dessins ou figures géométriques. Il appa- ces spatiales (cf. p. 139, 141), et faire preuve
raît comme une évidence que les enfants dys- d’une grande tolérance en ce qui concerne leurs
praxiques vont être gênés par leurs faibles résultats, sans trop investir de temps ni d’éner-
compétences en graphisme, dessin et coloriage gie dans ce domaine (cf. p. 118).
très fortement sollicitées ici ; elles sont l’es-
sence même de l’activité. En outre, les enfants
doivent utiliser des outils (crayon, gomme,
pinceau, compas, équerre, rapporteur…), les
Adaptations transversales :
manipuler et les orienter de façon adaptée. leur formalisation
Par contre, ces tâches ne nécessitent que peu Notre démarche d’analyse croisée nous a per-
l’écriture, ou alors seulement quelques caractè- mis de mieux repérer les répercussions scolai-
res qu’il faut rendre lisible. res souvent méconnues ou masquées de la
dyspraxie : il ne s’agit pas que d’un enfant « qui
D’un coup d’œil sur la grille d’analyse, écrit mal » ni « qui doit s’appliquer » ! Elle nous
nous comprenons l’immense détresse de a aussi donné des pistes sur les aspects qu’il
convient de contourner ou d’aménager pour
certains enfants dyspraxiques lors de ces
permettre à ces enfants intelligents de suivre
séquences de dessin/arts plastiques ou de
leur scolarité et faire leurs apprentissages, en
géométrie. Et c’est sans compter la lenteur,
même temps et dans les mêmes délais que leurs
les difficultés liées au fait de sortir, prépa- camarades.
rer et organiser le matériel et les outils
adéquats… Nous avons déjà longuement abordé les adapta-
tions des supports considérés comme « toxi-
ques » et les adaptations usuelles, et le rôle
Il en découle la nécessité absolue d’adapter ces essentiel de l’AVS dans la personnalisation et la
activités… ou d’y renoncer (cf. figure 7.7 et tableau mise en œuvre de ces aides. Mais c’est l’ensem-
7.7, fig. 7.13 et tableau 7.8, cahier couleur central). ble des thérapeutes de l’enfant qui doivent se
Pour les dessins à exploiter (description…), on coordonner afin de procéder le plus possible de
peut par exemple aider ces enfants en leur pro- façon analogue, proposant en tous lieux un sys-
posant une description plutôt orale (ou écrite, tème d’aides cohérent.
dactylographiée) des dessins présentés, ce qui Mais il est important d’apporter quelques pré-
leur permet de la relire ou de se la faire relire cisions :
(par leur AVS, par un logiciel de retour • au sujet du palliatif « universel » pour les élèves
vocal). dyspraxiques : l’utilisation de la verbalisation ;
Lorsqu’il s’agit de réaliser un dessin, comme • sur les aménagements lors des examens ;
c’est le cas en arts plastiques ou en géométrie, il
• enfin, sur le meilleur moyen de formaliser
faut évaluer la souffrance de l’enfant. Si celle-ci
l’ensemble de ces aides, dispensées en classe
est trop importante on peut proposer qu’il réa-
via l’AVS et/ou le secrétaire, afin d’en assurer
lise un exposé en rapport avec le thème étudié,
la pérennité au fil des mois et des années.
ou bien il faut dispenser l’enfant (ponctuelle-
ment ou définitivement) de cette matière.
En ce qui concerne les dessins ou schémas dans
les autres matières, étant donné que le dessin AVS et verbalisation en classe
n’est alors utilisé que comme support à l’ap-
prentissage, il faut alors le remplacer dès que Limites de la verbalisation
possible par un texte explicatif (cf. figures 7.12 Dans tous les chapitres de ce livre, dans toutes
et 7.13, cahier couleur central). les matières et à toutes occasions nous avons
En géométrie, il est proposé aux enfants d’utili- souligné l’importance du langage comme
ser des logiciels adaptés de tracés de figures moyen de contournement, comme palliatif pri-
géométriques ne nécessitant pas de compéten- vilégié des difficultés propres aux élèves DVS,
165
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
enfants vifs, intelligents, généralement pourvus La procédure doit être réfléchie, toujours la
d’excellentes capacités verbales. même quelle que soit la réponse de l’enfant. On
Cependant, il faut être très vigilant quant à la peut suggérer :
fatigabilité de ces enfants. • tout d’abord, de lui demander s’il a compris la
En effet, réfléchir uniquement à l’oral et sans question et lui répéter (ou relire, ou reformu-
aucun support écrit (situation des enfants les ler) la consigne si besoin ;
plus gênés sur le plan visuospatial) demande • ensuite l’inciter à dire ce dont il a besoin pour
énormément de concentration, mobilise consi- formuler sa réponse.
dérablement la mémoire de travail et les fonc-
Lors de la formulation de la réponse (selon l’âge
tions exécutives. On est donc vigilant à
et le niveau scolaire), proposer à l’enfant de lis-
aménager très régulièrement des temps de
ter ses idées, les lui relire, lui proposer de les
pause au cours des exercices et surtout lors des
regrouper, de mettre ensemble celles qui vont
épreuves de contrôles.
ensemble, et enfin de les hiérarchiser.
Puis passer à la rédaction proprement dite, sous
Ces enfants épuisent plus vite leurs capacités la dictée de l’enfant (éventuellement l’épellation
attentionnelles et se fatiguent (cf. p. 60). La si l’orthographe est un enjeu du travail en
pertinence de leurs réponses peut s’en trou- cours). Si nécessaire, lui relire à chaque fois le
ver affectée, c’est pourquoi il est très impor- paragraphe précédent et les idées qu’il doit uti-
tant d’aménager des temps de pause. liser dans le paragraphe en cours.
À la fin de sa réponse, on peut demander de
Cette stratégie leur permet aussi de voir recon- façon systématique : « tu es sûr ? as-tu bien
nus leurs points forts, de prendre conscience de réfléchi ? ».
leurs capacités de raisonnement verbal, de Puis lui relire l’intégralité de sa réponse ou de
reprendre confiance en leurs possibilités. son texte, lui demander si c’est bien cela qu’il
souhaitait écrire.
Étayer, structurer la verbalisation Enfin, passer à la question ou l’exercice suivant.
de l’enfant On peut aussi, en fonction de type de travail
On demande aussi beaucoup à l’enfant de réflé- demandé, s’inspirer des stratégies CO-OP
chir à haute voix, de verbaliser, de raconter (cf. p. 25).
(cf. p. 117). Mais il ne s’agit pas d’encourager un
bavardage ni un verbiage. Ces verbalisations en En tout état de cause, les AVS qui assistent
lien avec les apprentissages scolaires doivent un jeune dyspraxique doivent être formés à
être organisées de façon à constituer une aide ces techniques.
aux apprentissages (mises en relation d’élé-
ments ou d’information, raisonnements,
mémorisation…). De même, lors des interroga- Une procédure qui doit être fiable
tions, exercices d’application ou contrôles, il ne Par ailleurs beaucoup pensent, à tort, que cette
faut pas encourager les digressions, les ques- aide à la structuration des réponses est trop
tionnements annexes, les hors-sujets… Il faut, facilitatrice et/ou se substitue (partiellement ou
progressivement, aider ces enfants à organiser totalement) aux réponses de l’enfant. On entend
et structurer leur verbalisation et leurs idées de souvent dire : « on ne sait pas qui on note » ou
façon claire, précise. « oui, il a de bons résultats mais… il est aidée
par une AVS ».
Dans le cadre scolaire, l’enfant doit être étayé Effectivement, certaines questions, ou mimi-
pour fournir des réponses adéquates et ques, ou intonations de l’adulte font penser à
l’enfant qu’il se trompe, qu’il doit reformuler ou
structurées, (dans la mesure où la leçon a été
modifier sa réponse. La plupart sont très habiles
préalablement apprise et comprise !).
à guetter dans le regard ou l’attitude de leur AVS
166
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité
ses intentions, son jugement et tentent de modu- Il est fréquent que l’on considère qu’une fois la
ler ou transformer ou compléter leurs réponses consigne (texte) lu ou l’image (tableau, carte,
en fonction de ce qu’ils croient comprendre ou schéma) verbalisé, l’enfant doit se mettre au
deviner de la réaction de leur vis-à-vis. travail sans autre intervention de l’AVS. C’est
Ces attitudes, généralement involontaires ou une erreur qui ne prend pas en compte la réelle
mal maîtrisées, entretiennent auprès des ensei- situation de l’enfant.
gnants le climat de suspicion sur le crédit que Lorsqu’un élève tout-venant lit une consigne
l’on peut accorder aux réponses de l’enfant. (ou un problème ou un texte), il y revient à de
L’aide apportée au cours de ces dialogues avec multiples reprises au cours de l’exercice, sou-
l’élève doit, autant que possible, rester profes- vent de façon parcellaire ou ciblée, recherchant
sionnelle : il ne s’agit pas d’une aide compassion- telle information, en confirmant une autre.
nelle, ni de favoriser « les bonnes notes », il s’agit Le jeune qui est dépendant de la verbalisation
de permettre à l’enfant de construire des savoirs ou de la lecture de l’AVS a lui aussi besoin de
de bonne qualité en dépit de son handicap. Dans rafraîchir sa mémoire sur certains points pré-
le cadre scolaire, la relation avec l’AVS ou le cis, à intervalles réguliers. Il peut aussi s’agir
secrétaire doit être du même ordre que celle que d’une vérification ou de la recherche d’éléments
l’enseignant entretient avec ses élèves : étayante, manquants pour la constitution de sa réponse
mais sans exercer ni suggestion ni pression trop définitive.
appuyée, ce qui n’exclut en rien l’empathie. En outre, la quantité de langage délivrée à l’en-
fant dyspraxique, même pour de petits exerci-
Ce doute sur l’authenticité des réponses des ces, est considérable, sans compter les
enfants doit être levé, car il est dévastateur. descriptions qui doivent suppléer aux schémas,
plans ou dessins. Souvent, seule une mise en
Il conduit le jeune à la fois à :
situation des adultes leur permet de prendre
• refuser les aides proposées, désignées par conscience de ces contraintes. Bien sûr, les jeu-
les adultes comme illégitimes, pensées nes dyspraxiques sont, spontanément puis
comme des passe-droits ou des tolérances intentionnellement, sur-entraînés dans le
compassionnelles stigmatisantes qui souli- domaine verbal et, de ce fait, souvent beaucoup
gnent encore plus leurs faiblesses et leurs plus compétents que leurs pairs du même âge.
handicaps ;
Cependant, selon les enfants, leur âge et les exi-
• détruire le peu de confiance que l’enfant gences scolaires, il ne faut pas sous-estimer la
peut encore investir dans ses propres pro- charge en attention, en mémoire de travail et en
ductions, dans sa capacité de réussite, puis- mémoire à long terme imposée par ces techni-
que ses échecs lui sont attribués, tandis que ques. Relire, y compris si besoin de façon itéra-
ses réussites sont affectées à son AVS. tive, tout ou partie (de la consigne, des
C’est pourquoi les AVS doivent être sensibili- informations, du texte…) soulage en partie ces
sés aux techniques de verbalisation (cf. p. 117), fonctions mnésiques et permet de dégager de
telles que décrites succinctement ci-dessus, meilleures ressources cognitives pour répondre
et être vigilants, dans l’intérêt même de l’en- à la consigne et effectuer la tâche demandée.
fant et en dépit de leur empathie, à ne pas
suggérer ni induire les réponses. La lecture et la relecture doivent être propo-
sées et réalisées très fréquemment au cours
d’un exercice, au minimum chaque fois que
Lire et relire tout ce qui l’enfant en fait la demande.
est nécessaire
Afin de pallier les difficultés de lecture, il est Ceci, à lui seul, justifie un tiers temps supplé-
important de lire et relire régulièrement les consi- mentaire, permettant à la fois des pauses
gnes, les réponses et tout ce qui est nécessaire à la (cf. ci-dessus), des répétitions et des relectures
réalisation de l’activité proprement dite. aussi fréquentes que nécessaires, fonction de la
167
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
168
Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité
Cet écrit s’actualise sous la forme d’un docu- La vie quotidienne : au niveau de l’habillage, les
ment annexe, un avenant joint au PPS, « officia- vêtements choisis comportent le moins possible
lisant » les adaptations liées au handicap de de boutons, les chaussures sont soit à scratch,
l’enfant, respectant ainsi la lettre et l’esprit de la soit à fermeture Éclair… Marius se lave seul
loi du 11 février 2005. Ce document est à ré- mais est dépendant lorsqu’il va aux toilettes,
ajuster, modifier, préciser chaque année, en car il ne peut pas s’essuyer seul de façon adé-
même temps que le PPS, ce qui permet de quate (cf. p. 185). Il lui a été proposé d’installer
l’adapter annuellement à la situation, éminem- un système de douchette anale chez lui afin de
ment évolutive, de l’enfant. lui donner un maximum d’indépendance.
Le plus simple est de procéder matière par Sur le plan scolaire : il présente une dysgra-
matière, avec en tout début de document un phie sévère puisqu’il ne peut écrire, lente
descriptif des aides transversales nécessaires à ment, que des lettres bâtons avec des défor-
l’enfant et intéressant l’ensemble de sa scolarité. mations inconstantes, ce qui rend sa relecture
Ensuite l’objectif est de détailler, matière par très difficile voire impossible quand la prise
matière, les adaptations nécessaires. de notes a été un peu précipitée. Il a également
Ainsi chaque enseignant peut consulter l’en- des difficultés topologiques et de repérage
semble du document, mais surtout conserver la spatial. La dyspraxie de Marius se manifeste
partie intéressant plus spécifiquement la aussi dans ses faibles capacités d’organisation.
matière qu’il enseigne (au collège) et s’y repor- Il ne sait pas bien s’organiser, choisir les outils
ter régulièrement. adaptés…
Au collège, Marius suit les cours avec ses cama-
En joignant ce document au PPS, après dis- rades de classe et son AVS. Il bénéficie actuelle-
cussion avec l’ensemble de l’équipe éduca- ment d’une séance d’ergothérapie (deux par
tive, on évite que beaucoup de propositions, semaine les années précédentes) et une séance
suggérées verbalement, ne soient que partiel- d’aide aux devoirs effectuée par une éducatrice
lement mises en place, délaissées ou remises du SESSD. La séance d’ergothérapie est prise
en cause de façon unilatérale par tel ou tel. sur le temps scolaire, de façon délibérée : d’une
part, elle a lieu durant l’horaire d’un cours d’art
En effet, toutes les parties signent le PPS, et
plastique, ce qui permet de justifier l’absence de
l’enseignant référent (à la MDPH) est le
Marius qui vit très douloureusement cette
garant de la mise en œuvre de ce projet. matière (cf. p. 188) ; d’autre part, cela favorise
Par ailleurs, ce document favorise la péren- des temps de rencontres réguliers entre l’AVS et
nité des adaptations prévues ; de plus, il est l’ergothérapeute pour aménager au mieux les
irremplaçable pour les contrôles et examens. supports pédagogiques en fonction des besoins
précis de Marius.
Vignette clinique : rédiger Au cours de sa scolarité les (bons) résultats de
Marius ont souvent été remis en question par
ce document au cas par cas l’équipe enseignante qui se demandait si les
Pour plus de clarté, prenons l’exemple de notes correspondaient réellement aux capaci-
Marius, 13 ans et demi, scolarisé dans un col- tés de Marius ou si celles-ci n’étaient pas en
lège (établissement privé sous contrat) avec pré- grande partie le reflet de l’aide apportée par
sence d’un AVS à temps complet. Marius est un l’AVS (cf. p. 166). Il était très important de lever
jeune garçon à l’intelligence vive (NS aux simi- ce doute : il a donc été proposé que Marius
litudes du WISC-IV = 15), de contact agréable, fasse certains contrôles, en respectant des
étayé de façon très adéquate par ses parents. Il consignes précises d’aides et d’adaptations spé-
présente une dyspraxie sévère, avec difficultés cifiques dont il avait besoin, mais avec une per-
neurovisuelles associées se traduisant par un sonne autre que son AVS, une personne dont
mauvais calibrage de ses saccades et une explo- l’objectivité ne pourrait être remise en ques-
ration visuelle laborieuse limitant les capacités tion : enseignant de la matière concernée, prin-
de lecture (cf. p. 122). cipal du collège, secrétaire…
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Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité
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Chapitre 7. Compétences visuo-practo-spatiales et scolarité
L’adaptation des supports pédagogiques requiert les descriptions constituent le pivot de l’intri-
une démarche fine, détaillée et pertinente d’ana- gue (romans policiers…), la dispense doit être
lyse des différentes composantes neuropsycho- totale.
logiques mises en jeu par l’utilisation des Utiliser, interpréter ou construire un schéma
documents usuels, tout au long de la scolarité. fait appel au figuratif, au spatial. Les élèves
Elle doit servir à mettre en relation chacune de dyspraxiques sont donc très gênés, avec quel-
ces composantes et la nature/l’intensité des quefois des difficultés supplémentaires en
difficultés de l’enfant ; ainsi, il est possible de fonction des graphies utilisées sur le schéma.
repérer rapidement et sans oubli les domaines
On retrouve ce type de tâche dans de nombreuse
où une adaptation doit être pensée, réfléchie
matières (SVT, technologie, sciences physiques,
et mise en application. Il est tout à fait faux de
histoire/géographie, modélisation de certains
croire que des adaptations « universelles »
problèmes mathématiques…) : ces élèves ne
existent. Bien sûr, un certains nombres d’en-
peuvent pas être évalués sous cette forme ; il faut
tre elles peuvent être utilisées par plusieurs
convertir les informations en données verbales
enfants dyspraxiques. Mais chaque adapta-
et textuelles, qu’il s’agisse d’apprendre la leçon
tion doit se penser comme un travail « sur
ou de réaliser exercices et contrôles (cf. figure
mesure », partie intégrante de la scolarité de
7.13, cahier couleur central).
ce jeune et être finement personnalisée afin
de correspondre certes aux difficultés parti- Ces adaptations ne peuvent :
culières du jeune mais aussi et surtout à ses – se concevoir sans l’intervention de spécialistes
capacités tout autant particulières, singulières qui connaissent bien et le développement des
et personnelles. fonctions cognitives de l’enfant et le handicap
Enfin, il faut en permanence réajuster ces pro- que constitue la dyspraxie,
positions en fonction de l’évolution du jeune et – prendre corps sans la connaissance et la com-
de sa famille, de ses acquisitions, ses progrès, préhension, au fond, des exigences, contrain-
mais aussi des exigences scolaires croissantes, tes, objectifs et enjeux de la scolarité,
en lien étroit avec ses choix de vie. – être mises en œuvre avec efficacité sur le long
Adapter suppose de prendre en compte le terme sans l’assentiment sincère des péda-
handicap, les capacités, l’environnement et le gogues, qui guideront l’action des person-
désir de la personne. C’est elle qui sera le fil nels intervenants en situation scolaire (AVS,
conducteur nécessaire à la réussite de son secrétaires),
projet (tableaux 7.7 et 7.8, cf. cahier couleur – être pérennes que si l’enseignant référent,
central). garant de la mise en œuvre et du suivi du pro-
En littérature, les élèves ont souvent à étudier jet de scolarisation, s’engage,
des œuvres littéraires. Lors de l’étude de textes – être acceptées de l’élève que si les enseignants
descriptifs, les élèves dyspraxiques sont gênés légitiment ces stratégies et si ses parents le
dans leur compréhension par la nécessité de se soutiennent. C’est donc l’investissement
représenter mentalement la scène, ce qui solli- conjoint et cohérent de toute une équipe qui
cite des compétences spatiales et organisation- est requis…
nelles qu’ils n’ont pas.
C’est pourquoi, rappelons une fois encore que
La seule proposition valide alors est une dis- seul un partenariat étroit entre les différents
pense partielle, c’est-à-dire que les élèves dys- intervenants autour de la scolarité d’un enfant
praxiques ne sont pas du tout interrogés sur les dyspraxique permettra la réussite du projet sco-
passages descriptifs, mais seulement sur le reste laire et donc, à plus long terme, du projet de vie
de l’œuvre (cf. figure 7.7). Dans certains cas, où de l’enfant.
175
Vie quotidienne Chapitre 8
« Tu as tort. Tu devrais abuser davantage. Il ne faut pas tomber
dans ce piège-là, ne pas s’emmerder la vie en jouant le handicapé
qui fait comme s’il n’était pas handicapé.
Il faut être clair avec ça, considérer que les gens te doivent ces
petits services, d’ailleurs c’est vrai qu’il te les doivent, et la plupart
du temps ils sont bien contents de te les rendre. »
E. Carrère56
177
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
Nota bene : toutes les difficultés envisagées dans • d’une part, les capacités de l’enfant (en termes
ce chapitre ne concernent pas tous les enfants de motricité, d’organisation praxique, de
dyspraxiques ; comme toujours, il faut indivi- schéma corporel, de traitements spatiaux et
dualiser les propositions en fonction de chacun. de mode de vie, de besoins, de goût) ;
• d’autre part, les compétences sollicitées par la
tâche (en termes de force, d’adresse, de préci-
Penser la place des AVQ sion, de rapidité, d’organisation visuo-practo-
spatiale, de mémorisation…).
dans le projet de l’enfant
Pour bien cibler leurs objectifs dans le domaine Lorsque la faisabilité n’est que partielle, il
des activités de vie quotidienne (AVQ), les pro- convient de préciser au mieux dans quelles
fessionnels peuvent être guidés par plusieurs circonstances c’est réalisable par l’enfant seul
questions clés. ou dans quelles limites (problème de la dou-
ble tâche, cf. p. 19).
La question de l’évaluation
En effet, c’est encore trop souvent que, dès qu’il
Il faut d’abord disposer d’une sorte de photo- arrive laborieusement à ébaucher ou réaliser un
graphie des capacités/incapacités de l’enfant et geste donné, l’enfant est ensuite mis en demeure
les mettre en regard de son âge et des exigences de réaliser cette performance en permanence
particulières en milieu scolaire pour cet enfant- (puisqu’il a déjà montré qu’il peut le faire, c’est
là, cette année-là. Différents questionnaires donc que « quand il veut, il peut » !).
existent qui permettent de faire le point sur les Ces arguments fallacieux sont très préjudicia-
actes essentiels du quotidien. Ces question bles et influent négativement sur son désir
naires sont plus ou moins succincts ou exhaus- d’autonomie : il se décourage, renonce, les
tifs, certains prennent en compte les désirs et demandes excessives des adultes sont vécues
ressentis des parents et ceux de l’enfant lui- comme inatteignables. Outre l’épuisement qu’el-
même (qui peuvent être forts différents !), les provoquent, ces exigences abusives induisent
d’autres proposent un bilan en condition « éco- chez l’enfant handicapé un sentiment perma-
logique », etc. [68-70]. nent d’insuffisance : au lieu de recueillir compli-
ments et félicitations pour ses réussites (même
partielles, même ponctuelles), il ne lui est ren-
L’évaluation en situation scolaire est très voyé au contraire que des critiques concernant
importante [71] et trop souvent négligée ou les moments (ou les situations) où il ne répond
extrapolée à partir du vécu familial. Or, à pas aux attentes démesurées de certains adultes.
l’école (contrairement au domicile), l’enfant
Quoiqu’il fasse, quelques efforts qu’il fournisse,
est en permanence soumis à une double
quelques exploits qu’il finisse par accomplir, ce
contrainte qui aggrave (ou révèle) le handi- n’est jamais assez. Les exigences doivent donc
cap : faire vite et faire sous le regard de ses être évaluées, non à l’aune du souhaitable mais
camarades. à l’aune du possible, puis régulièrement revues
avec l’âge, l’évolution ou les progrès de l’enfant,
La question des conditions et toujours dosées avec réalisme.
de la faisabilité Exemples
L’enfant peut-il (ou pourra-t-il) raisonnablement Exemple 1
effectuer tel acte seul ou avec aide (et de quelle Lorsque M., jeune IMC dyspraxique, entre
nature) et à quels moments (cf. p. 21–22) ? en CP à 6 ans, l’équipe du SESSD inclut dans
Seuls des bilans (analytiques et fonctionnels) le projet le fait qu’elle arrive à manger seule
peuvent permettre de juger de la faisabilité, (une fois la viande coupée), d’autant qu’il
totale ou partielle, de tel ou tel acte en croisant : est prévu qu’elle reste à la cantine. Sa mère,
178
Chapitre 8. Vie quotidienne
très inquiète (l’enfant est très fluette) et et qui, probablement, ne s’allègera (en par
très protectrice, lui donne en effet toujours tie) qu’avec le temps.
à manger à la cuillère ; pourtant, elle est sin
Exemple 2
cèrement partie prenante du projet qu’elle
approuve. Les bilans (buccomoteurs et fonc Le jeune A., 12 ans, est désormais capable de
tionnels) montrent que M. présente des dif s’habiller seul : ses parents, tout comme ses
ficultés (neuromotrices) de mastication et thérapeutes insistent donc pour qu’il s’habille
déglutition, mais aussi des difficultés practo désormais seul, tout le temps. Chacun est
motrices pour remplir et porter la cuillère à conscient qu’il s’agit pour A. d’un effort, mais
la bouche. Une rééducation conjointe en cet effort est perçu à la fois comme l’aboutis
orthophonie (mastication) et ergothérapie sement de progrès longuement attendus et
(geste, observation et travail en situation, à comme la preuve qu’il « mérite » son intégra
la cantine) est déjà en place et se poursuit : tion, qu’il peut (plus ou moins) « faire comme
M., très demandeuse d’indépendance par tout le monde ». Mais au bout de quelques
rapport à sa mère et très désireuse de parta mois, A. nous dit son découragement : son
ger la cantine avec ses camarades, est très par AVS ne l’aide plus (« maintenant, tu peux le
ticipante et progresse de façon satisfaisante. faire seul », dit-elle), il est épuisé et se repose…
Mais, lors de bilans successifs de suivis pendant les cours ! Ce que A. peut faire lente
d’évolution, nous constatons que, si l’enfant ment et à petites doses, il ne peut le réussir
peut effectivement manger seule, elle mange toute la journée (récréations, heures de
de fait très peu, s’épuise rapidement et se sports, passage aux toilettes) alors même que
salit énormément, ce qui induit une gêne d’autres actions lui sont simultanément récla
sociale (remarques humiliantes de ses cama mées, et toujours dans l’urgence de la sonne
rades lors de la récréation qui suit le déjeu rie de fin de cours ou de fin de récréation. Il
ner). Nous revoyons alors nos objectifs et les faut donc encore accepter que son AVS l’aide,
calibrons de façon plus réaliste : M. mangera à certains moments (durant les interclasses
seule les premières cuillérées du début du les plus courts), afin de lui laisser des temps
repas puis le dessert, une éducatrice de can de pause, de récupération, de discussion et
tine lui donnant le reste de son repas ; elle de jeu avec ses camarades.
proposera également un rapide débar Exemple 3
bouillage (et, éventuellement, changera le
L., 14 ans, arrive souvent au collège « nég
tee-shirt, la maman fournissant un change
ligé », ce qui lui vaut non seulement des
tous les matins, dans le cartable) avant que
réflexions désagréables des adultes mais
M. ne rejoigne ses amies à leur table puis à la
aussi des copains. Cheveux sales, vêtements
grande récréation de la mi-journée.
mal choisis, aspect débraillé… Sa mère,
Cette organisation est cependant difficile à consciente du problème, ne sait comment
faire accepter : l’éducatrice de cantine faire car il est hors de question qu’elle inter
estime que M. « arrive très bien à manger vienne dans la toilette de ce grand adolescent
seule quand elle le veut », qu’elle peut « faire autrement que par des remarques verbales
l’effort » durant tout le repas, « qu’elle n’est dont il semble ne tenir aucun compte. Profitant
plus un bébé » et qu’il « faudra bien » qu’elle d’accompagnements à la piscine, l’ergothéra
apprenne à se débrouiller toute seule. De peute note que les difficultés sont majeures
son côté, M. est à la fois déçue de ce demi- lors du passage sous la douche : L. ne sham
échec (elle ne peut pas réellement manger pooine que la partie visible dans la glace de
avec ses amies à la cantine) et douloureuse sa chevelure, ne se rince que très partielle
ment vexée des réflexions blessantes que ment, sort de la douche à moitié couvert de
cela suscite. savon qu’il n’essuie que très grossièrement en
Il nous faut donc convaincre l’éducatrice de passant vaguement la serviette sur le devant
cantine, mais aussi rassurer M. (et sa maman) de son corps. Des essais de verbalisation (en
▲
sur l’aide dont cette enfant a encore besoin nommant les différents endroits du corps où
179
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
180
Chapitre 8. Vie quotidienne
181
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
« Parfois, les malentendus se situent du côté très précisément quelles tâches l’enfant peut
de l’interprétation des textes. En effet, le (doit) faire seul, dans quelles circonstances il
rôle de l’AVS y est présenté comme facteur doit être aidé de l’AVS et, précisément, de
d’accès à l’autonomisation et cela peut quelle façon, et enfin dans quelles situations
parfois interférer dans la compréhension l’AVS doit faire à sa place (cf. p. 91, 98, 115,
des difficultés de l’enfant. Ainsi avons-nous 151, 165). Il est certain qu’une bonne forma-
connu un jeune dyspraxique pour lequel tion des enseignants sur ce sujet (en quoi
l’AVS avait en particulier pour rôle de consiste le handicap du jeune dyspraxique,
l’aider dans le séquençage des tâches à
quels sont les objectifs poursuivis à l’école et
réaliser. L’enfant parvenant, grâce à cette
quels sont les moyens d’action efficaces), de
aide, à un niveau de réalisation correct, il a
même qu’une formation minimale des AVS
été décidé, contre notre avis, une
diminution d’accompagnement au nom
sur ces thèmes permettent d’éviter ces erre-
d’une nécessaire autonomisation. Au fil des ments très préjudiciables à l’enfant.
semaines, les productions de l’enfant se sont
dégradées et l’enseignant a alors alerté
l’équipe, allant jusqu’à évoquer une
En effet, d’une part, durant les temps où il
régression que nous ne constations pas par n’est pas aidé par son AVS, l’enfant se
ailleurs au niveau des prises en charge retrouve en situation de sur-handicap, impli-
individuelles. Il a été très difficile de faire citement sommé de travailler en double ou
entendre que seul l’accompagnement à triple tâche et ce, généralement à l’insu des
temps complet de l’AVS pouvait permettre adultes ; il est finalement privé de toute
le maintien des performances de l’enfant. » compensation de son handicap, sommé de
A. Boissel, O. Pacual-Bouys [72] travailler comme s’il n’était pas (ou plus)
dyspraxique…
Ce n’est certainement pas l’absence (ou la sup-
pression partielle) de l’AVS qui aide l’enfant
dyspraxique à être moins handicapé ou plus D’autre part, si certains adultes le jugent trop
autonome : ce sont les actions rééducatives (ou assisté, l’enfant lui-même ne sait plus quelle est
palliatives) qui sont entreprises avec des straté- – ou non – la légitimité de l’aide dont il bénéfi-
gies spécifiques, adaptées au handicap. cie (cf. p. 72, 98, 106, 166) ; il doute de la validité
de ses résultats, de ses acquis et de ses réussites
Enfin, il ne faut pas nier que, quelquefois, le
en présence de l’AVS.
désir de limiter le temps de présence de l’auxi-
liaire auprès de l’enfant ne résulte que de la La tâche de l’AVS doit donc être très bien déli-
difficile gestion de la pénurie : les AVS ne sont mitée, laissant toute la place à l’enfant – et à
pas toujours disponibles en nombre suffisant l’enfant seul en ce qui concerne la réflexion,
(cela dépend des départements, des académies) les déductions, la verbalisation de ses connais-
pour répondre, dans les meilleures conditions, sances ou de ses explications –, et ne se substi-
aux besoins de tous les jeunes handicapés tuant à lui (totalement ou partiellement, en
scolarisés. fonction de l’intensité du handicap et de la
situation) que si (mais à chaque fois que) il
s’agit de tâches de réalisation manuelle ou
Or, malheureusement, l’enfant dyspraxique practo-spatiale.
est dyspraxique à temps plein : c’est donc à
temps plein qu’il a besoin d’aide à l’école, ce Quoi qu’il en soit, ces aides ou adaptations
qui ne veut pas dire qu’il a besoin d’aide pour doivent toujours être les plus discrètes possi-
tout… bles : l’enfant ne recherche pas cette dépen-
dance dont il est victime du fait de son
handicap. Il faut l’aider efficacement mais
C’est aux professionnels, lors des réunions
sans l’humilier, en particulier devant ses pairs.
d’équipe éducative et de PPS, de déterminer
182
Chapitre 8. Vie quotidienne
Exemple Exemple
Plusieurs fois pas jour, il faut mettre et enle- Se rhabiller partiellement, en prenant son
ver son manteau pour aller en récréation. temps, assis sur un petit tabouret adapté,
La stratégie proposée aux petits de mater n’est pas du tout la même chose que de se
nelle (poser le vêtement au sol devant soi, à rhabiller entièrement, assis par terre, très
plat, enfiler les manches droit devant, puis rapidement, sur corps humide, après la
passer le corps du manteau par-dessus la piscine…
tête, derrière soi) finit généralement par
être acquise – quoique tardivement – par
les jeunes DVS. Cependant, à partir d’un Réduire le déficit ?
certain âge, il est impossible que l’enfant
applique cette tactique, vécue comme vexa
De nombreuses stratégies ont été proposées
toire (parce que proposée aux « bébés »).
pour la rééducation des enfants présentant un
Exiger cela de l’enfant ne le rend pas « plus
TAC ou une dyspraxie. La plupart ont fait l’ob-
autonome » mais achève de détruire son
jet de récentes méta-analyses qui ont conclu à
image de lui, pour lui-même et dans le
leur inefficacité [21] (cf. p. 22). Il est donc para-
regard de ses pairs.
doxal de les voir toujours enseignées, prônées et
utilisées par certains…
En fait, il faut renoncer à utiliser l’entraîne
C’est le personnel communal (ATSEM, éduca- ment sensori-moteur, les feed-back sensoriels,
teurs de cantine), l’enseignant et l’AVS qui, dans la démonstration, l’imitation, l’organisation spa-
le cadre scolaire, dispensent au quotidien les tiale et l’ensemble des traitements simultanés
aides nécessaires : ils doivent donc être directe- (traitements visuospatiaux), renoncer à réduire
ce qui pourtant pouvait apparaître comme la
ment et précisément informés des besoins de
cause (ou une des causes) de l’échec gestuel
l’enfant (ce qu’il peut actuellement faire seul,
(proprioception, équilibre, coordination…).
avec aide, ou pas du tout). C’est pourquoi, pour
éviter toute dissension des adultes autour de
l’enfant, il est indispensable que ces éléments Tout choix rééducatif actuellement orienté
soient listés et précisément notés dans le PPS de en ce sens serait très critiquable.
l’enfant (cf. p. 168). Il est également fondamen-
tal d’en discuter avec l’enfant lui-même.
Réduire le handicap : verbaliser,
séquentialiser
Rééduquer Il s’agit ici moins de chercher à réduire le déficit
qu’à utiliser les compétences préservées : tenter
Si l’on décide, à certains moments, de rééduquer d’obtenir un résultat fonctionnellement satis-
certains gestes, il faut choisir des stratégies uti- faisant par des voies inhabituelles, c’est-à-dire
lisables par le jeune dyspraxique, et ne pas sim- en utilisant les traitements séquentiels dans
plement lui proposer un entraînement classique, lesquels excelle souvent le jeune dyspraxique,
plus intensif ou de plus longue durée (toujours traitements dont le langage est un vecteur
plus de la même chose qui ne marche pas, privilégié.
cf. p. 3, 22). Ces rééducations (ergothérapeute, Cependant, utiliser le langage dans la rééduca-
psychomotricien), proposées en séances indivi- tion gestuelle (comme dans toutes les activités
duelles ou en très petit groupe (cf. p. 25), peu- visuo-practo-spatiales) n’est pas chose facile, ni
vent ensuite (souvent partiellement) être triviale, ni évidente. Il est donc très utile de
transférées en milieu naturel (école, domicile) s’appuyer sur des stratégies déjà existantes,
avec l’aide du rééducateur qui doit bien connaî- mises au point et déjà expérimentées dans des
tre les conditions habituelles de réalisation du populations d’enfants présentant des patholo-
(ou des) geste(s) en question. gies du même type ou très proches (TAC).
183
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
Ces aménagements sont à concevoir au cas par sortir de classe en premier (quelques minutes
cas et, bien sûr, à faire évoluer avec l’âge et les avant le rush de la récréation ou de l’inter-
goûts vestimentaires des parents et surtout… classe), ce qui est souvent envisageable en
de l’adolescent ! primaire, mais plus difficile au collège et
Dans certains cas, il peut être préférable (voire lycée ; on peut aussi le dispenser de l’attente
indispensable) que l’enseignant et/ou l’AVS soit aux toilettes communes en le déclarant
informé du problème et habille rapidement et « prioritaire ».
discrètement l’enfant lors des récréations ou des
sorties, notamment lorsqu’il faut être rapide
S’essuyer
(sortie de classe un peu en retard, interclasse
très court, piscine…). Ce geste complexe – d’ailleurs acquis tardive-
ment par les jeunes enfants dont beaucoup doi-
vent souvent être encore aidés jusqu’en fin de
Repas maternelle –, où il faut coordonner la manipu-
Différentes stratégies peuvent être mises en lation du papier, le mouvement de rotation de la
place, fonction de l’intensité du handicap et de main et les fesses hors du champ de vision, reste
l’âge de l’enfant. On peut envisager la présence souvent définitivement difficile à gérer, sans
d’un éducateur de cantine auprès de l’enfant que les jeunes ni leurs parents n’osent aborder
(ou à sa table) lors des repas, ou la mise à dispo- ce problème pourtant pluriquotidien. La mise à
sition d’un plateau repas pré-préparé (viande disposition de lingettes de bonne taille (que l’on
coupée, verre rempli, yaourt ouvert, pomme ou trouve facilement dans le commerce) facilite
clémentine épluchée) et l’aide d’un copain pour souvent le geste et… parfume agréablement le
le transport du plateau (ce qui lui permet de jeune en attendant la douche du soir, lui évitant
déjeuner avec ses camarades sans intervention des réflexions humiliantes de la part des adul-
d’un adulte à ses côtés), etc. tes ou de ses pairs.
Au collège, c’est une solution qui est générale- Nota bene : dans le même ordre d’idées, des dif-
ment refusée par le jeune adolescent. Soit il se ficultés particulières sont à noter pour les jeu-
débrouille pour manger ce qu’il peut comme il nes filles, dont certaines sont systématiquement
peut, soit il ne mange pas du tout (évitement). absentes durant la période de leurs règles…
Dans ce dernier cas, on peut conseiller la prise Aussi, lorsqu’un refus scolaire s’installe (ou des
d’un petit déjeuner copieux type « brunch » au absences répétées dont la justification paraît
domicile, où l’enfant dispose de plus de temps douteuse), il faut quelquefois savoir interroger
et de l’aide parentale. discrètement la jeune fille ou ses parents puis
chercher des solutions, avec la maman et l’aide
de l’infirmière scolaire.
Toilettes
C’est un sujet épineux dont les jeunes et leur Se rhabiller
famille hésitent à parler. Beaucoup d’enfants
règlent le problème simplement par une straté- Nous l’avons évoqué à plusieurs reprises, cette
gie d’évitement et ne vont jamais aux toilettes dernière étape est capitale pour éviter le ridicule
durant les heures scolaires. En effet, plusieurs et échapper aux moqueries des camarades. Des
problèmes se conjuguent pour rendre ces petites comptines brèves peuvent être mémori-
moments particulièrement délicats pour nom- sées et constituer la base d’auto-instructions
bre de jeunes dyspraxiques. verbales.
Mais lorsque plusieurs ou l’ensemble de ces éta-
Gestion du temps (récréation, pes posent régulièrement problème, il faut rapi-
interclasse) dement proposer que le jeune dyspraxique
puisse utiliser les toilettes de l’infirmerie (au
Il faut que l’enfant, qui a besoin de plus de collège), avec l’aide discrète mais efficace de
temps que les autres, puisse être autorisé à l’infirmière.
185
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
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Chapitre 8. Vie quotidienne
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L’enfant dyspraxique et les apprentissages
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Chapitre 8. Vie quotidienne
Car ces activités ont un impact social majeur ; Pour les activités de loisirs laissées à la discré-
les échecs, les maladresses ou pire la honte tion des familles, il faut absolument éviter que
rejettent souvent le jeune dyspraxique hors du le jeune ne soit, encore une fois confronté à son
groupe, dans lequel il n’est de toute façon sou- handicap et à ses échecs devant ses camarades :
vent accepté qu’avec réticence. Déjà intimement attention, sous le fallacieux prétexte de joindre
persuadé qu’il est « nul en tout », son isolement l’utile à l’agréable, de ne pas transformer toute
risque de s’aggraver, en spirale, surtout en la vie de l’enfant en rééducations permanentes…
période de pré-adolescence et adolescence. Enfin, on l’a compris, on ne peut pas déduire de
À la maison, on peut prendre plus de temps ou ce qu’il fait à la maison ce qu’il peut faire à
bénéficier d’une aide partielle pour certains l’école ni inversement : les contextes de réalisa-
gestes. Cependant, en famille un climat délé- tion sont souvent très différents, créant, selon
tère, dont le jeune se sent, bien malgré lui, res- les exigences du moment, des situations de han-
ponsable, peut être entretenu par : dicap fort différentes.
• l’agacement et l’énervement suscités au quoti-
dien par la multiplication des situations de
Il faut, au cas par cas, en réajustant sans cesse
chute, de casse, de maladresse, de dépen-
les décisions et les priorités, négocier « au
dance, de lenteur ;
moins mal » ce paradoxe : on ne peut ni négli-
• l’exacerbation des rivalités entre frères et ger ces activités, qui scandent le quotidien et
sœurs (avec l’impression qu’« on lui passe
le construisent, ni investir trop de temps et
tout », « lui, on l’aide toujours, on s’occupe
d’énergie dans leur rééducation (la réadapta-
toujours de lui », sans parler du temps impor-
tion) aux dépens des apprentissages.
tant que doivent lui consacrer les parents,
qu’il s’agisse des rééducations, des aides per-
sonnelles ou des rendez-vous à l’école ou la C’est pourquoi nous devons trouver, avec le jeune
MDPH ) ; et sa famille, des temps, des activités, des lieux et
• le doute permanent des parents quant à leurs des groupes de pairs avec lesquels il peut (aussi,
qualités éducatives (dans un inéluctable mou- enfin) – régulièrement et légitimement – être en
vement de balancier entre « on l’aide trop, il compétition favorable, en situation de réussite,
faut qu’on lui laisse plus d’autonomie » et « on en position valorisante, se montrer capable de,
lui en demande trop, c’est trop dur pour lui, faire ses preuves et construire de lui une image
on ne l’aide pas assez »). positive et gratifiante.
189
Conclusion Chapitre 9
« Pourquoi voulez-vous que chez l’Homme un déterminisme soit
une fatalité ?
Un coup du sort est une blessure qui s’inscrit dans notre histoire,
ce n’est pas un destin. »
Boris Cyrulnik59
Un texte législatif – loi du 11 février 2005 secteur des soins, c’est devenu essentiellement
(cf. annexe) – reconnaît désormais les troubles un problème de société.
cognitifs spécifiques (les dys-) comme suscep- En effet, le législateur a voulu insister sur le fait
tibles d’être à l’origine d’un handicap. Il stipule que, si l’organisation de notre environnement
que tous les enfants doivent être scolarisés et et le regard de chacun changeaient, si la peur
prévoit, en fonction de la nature et de l’intensité des « valides » face aux « handicapés » faisait
du handicap, les conditions de la mise en œuvre place à la tolérance, si le rejet se muait en accueil,
de compensations et d’aides diverses (soins, si la reconnaissance inaliénable de la valeur de
rééducations, aides techniques et/ou humaines, toute vie effaçait la perception du déficit, si l’on
pédagogies différenciées) afin de favoriser mettait en avant les capacités et les compéten-
« l’égalité des chances ». ces plutôt que les manques et les insuffisances,
Cette loi est l’aboutissement d’une part, des alors la place de la personne handicapée dans sa
avancées des neurosciences et des progrès famille, dans son école, dans son quartier, dans
médicaux concomitants (mise à jour et dia- son travail, dans l’ensemble de notre société ne
gnostic des dys-) et d’autre part, d’une impor- poserait plus problème, puisqu’il serait consi-
tante évolution sociale, soutenue par le lobbying déré comme un enfant, un citoyen, un individu
des parents, désormais bien informés et véri- à part entière, « comme les autres », apportant
tables partenaires tant des médecins que des ses talents uniques et irremplaçables dans la
pouvoirs publics, au travers des différentes construction sociale du bien commun.
associations dans lesquelles ils se regroupent
(cf. annexe). « Finissons-en avec cette approche à travers
Cette évolution de la société, globalement très le filtre des déficiences et incapacités.
positive vis-à-vis de la question du handicap, se Partons de ses potentialités (de la personne
marque nettement au niveau des termes utili- handicapée), de ses capacités à faire et
sés. Ainsi, les enfants ne doivent plus être « inté- adaptons l’environnement, apportons les
grés » à l’école (terme qui mettait en avant leur accompagnements pour une égalisation des
statut différencié), mais inclus ou tout simple- chances. »
ment « scolarisés », puisque tous les enfants ont J.-L. Garcia60
droit à la scolarisation.
On note également que, désormais, la fonction 59 Cyrulnik B. Les vilains petits canards. Paris : Odile
principale des « aidants » est « l’accompagne- Jacob ; 2004.
ment ». Ce nouveau vocabulaire véhicule une 60 Garcia JL, Membre du Conseil national consultatif
idée importante : le handicap ne ressort plus des personnes handicapées. In : Colloque MAIF.
d’abord, comme c’était le cas jusqu’alors, du Des élèves autrement capables. mars 2004.
191
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
« Il faut absolument démédicaliser le sans pouvoir prétendre à aucune orientation pro-
handicap… Nous avons à nous départir fessionnelle, ces personnes-là sont-elles simple-
d’une inclination médicale qui marque ment et banalement « différentes » au même titre
profondément notre société. Elle nous que celui qui est grand, roux ou bavard ?
amène à indexer les personnes atteintes
Certes le terme (initialement administratif) de
d’une déficience, à partir d’un diagnostic
initial, niant la singularité de chacun… Il
« prise en charge », qui désignait l’ensemble des
en résulte une stigmatisation. » soins, rééducations et adaptations proposés,
C. Gardou61 était-il lourd d’une conception très médicalisée
du handicap et de ses conséquences. Mais,
effectivement – et ce livre n’en est-il pas l’illus-
De fait, idéalement, le handicap – en tant que tration ? – ces remédiations, rééducations et
particularité négative liée au sujet – disparaî- adaptations sont complexes, difficiles à coor-
trait. La déficience, la pathologie initiale ne donner et à mettre en œuvre au quotidien.
serait plus qu’une péripétie, une différence D’une certaine façon, oui, il faut reconnaître
banalisée (tout le monde n’étant pas strictement que ces prises en charges sont « lourdes », aussi
identique, chacun étant, par essence, porteur bien pour le jeune dyspraxique que pour ses
d’une « différence »), partie intégrante de la vie parents, ses rééducateurs, ses enseignants. Ce
de chacun et de l’organisation sociale. ne peut pas être une tâche banale, requérant
Égaliser les chances – objectif noble s’il en fut au simplement bons sentiments et bon sens.
sein d’une démocratie –, ne pas stigmatiser, Pour ces jeunes dyspraxiques, ne s’agit-il vrai-
regarder du côté des compétences (et non des ment que des différences interindividuelles
incapacités), c’est tout le sens de la loi du 11 février habituelles, de la variété normale des publics ou
2005. Mais, comme tout objectif extrême et idéa- s’agit-il « d’usagers » (de patients ? de person-
lisé, si légitime puisse-t-il initialement apparaî- nes ?) à besoins spécifiques ? Et si oui, quels sont
tre, son caractère outrancier peut le rendre à la ces besoins spécifiques, qui les évalue et qui éla-
fois irréaliste et potentiellement dangereux. bore les réponses : le médical ? le politique ? les
Car, si le balancier avait probablement été, ces familles et les jeunes eux-mêmes ?
trente dernières années, très déséquilibré, pen- Il serait certainement plus productif que tous
chant du côté des actions très spécialisées (éta- collaborent, professionnels, pouvoirs publics,
blissements, écoles… souvent perçues comme jeunes et familles concernés, ensemble, en
des « ghettos »), conçues pour une adaptation concertation.
au plus près des besoins repérés en fonction du
handicap, ce balancier n’est-il pas en train de Exemple
basculer avec autant d’excès dans l’autre sens, Les personnes bénéficiant de structures ou
celui du déni de la spécificité des problèmes que de dispositifs particuliers ont été successive
rencontrent certaines populations ou certains ment dénommées : les malades, les ayants
individus ? droit, les usagers, les publics « à besoins
Jusqu’où en effet peut-on banaliser la différence spécifiques ». De même, les personnes attein
sans qu’il s’agisse d’une violence, d’une injustice tes d’un handicap ont été : les infirmes (infir
faite au plus faible, d’un leurre qui constituera à mes civils ou de guerre, infirmes moteurs
terme un sur-handicap pour la personne « diffé- cérébraux ou IMC), les handicapés, les per
rente » ? Le jeune dysphasique qui ne peut com- sonnes handicapées, les personnes en situa
muniquer oralement, celui qui, dyslexique, ne tion de handicap, les personnes à besoins
peut pas lire couramment dans notre société, celui spécifiques. « Ici, la RATP va réaliser un dis
qui, dyspraxique, est en échec scolaire intense positif pour personnes à besoins spéci
fiques » annonce un panneau, dans le métro
parisien. Il s’avère que c’est un ascenseur qui
61 Gardou C, vice-président du Conseil natio- est en cours de réalisation : la maman qui a
nal consultatif des personnes handicapées. In : un jeune enfant dans un landau a besoin
Colloque MAIF. Op. cit. d’un ascenseur au même titre que la
192
Chapitre 9. Conclusion
193
L’enfant dyspraxique et les apprentissages
remédiations, pédagogies spécifiques, classes rantes des véritables enjeux des rééducations et
spécialisées, structures de soins dédiées…). de la scolarité.
Notre société, pour être réellement efficace et Nous espérons, par ce livre, avoir mis à la
égalitaire, doit pouvoir offrir à chacun un éven- portée de tous, nos années cumulées d’expé-
tail de propositions et de solutions adaptées en rience. Mais nous ne doutons pas que d’autres
fonction du type de problème rencontré, de – parents, enseignants ou professionnels –
l’âge, du projet et de l’évolution du sujet. Une aient aussi trouvé et mis au point des techni-
seule voie, même apparemment généreuse, ne ques et des stratégies très utiles : ils en font
pourra jamais répondre à la diversité des part, souvent sur des sites ou des blogs que
besoins et à leur évolution au fil du temps. nous citons en annexe, sans aucune préten-
L’avenir de ces jeunes dyspraxiques dépend de tion d’exhaustivité.
la collaboration étroite, pertinente et efficace, Nous avons tenté, tout au long de ce livre, de
des années durant, de spécialistes de divers montrer comment la nécessaire compréhension
horizons. À ce prix, certains pourront bénéfi- de ce handicap caché – la dyspraxie – devait
cier d’une scolarité longue et diplômante à l’is- soutenir et alimenter en permanence le projet
sue de laquelle leur handicap sera minime voire thérapeutique, conçu, au cas par cas, comme
nul : tel sera juriste ou avocat (il saura apprécier un subtil mélange de rééducation, de stratégies
à sa juste valeur le travail de son assistante !), tel palliatives et de renoncements.
autre professeur de philosophie ou spécialiste Nous avons surtout voulu ne pas séparer soins
de l’histoire de l’art, journaliste ou photogra- et scolarisation, prendre de front et simultané-
phe. Beaucoup trouveront une « niche » profes- ment ces deux aspects qui ne sont que les deux
sionnelle où leurs connaissances générales, leur versants du même handicap : le trouble spécifi-
faconde, leurs talents leur permettront de que des apprentissages.
s’épanouir.
Cette prise de conscience, que la scolarisation
Au contraire, pour ceux dont la scolarité, labo- de ces enfants nécessite un énorme travail quo-
rieuse et décevante, sera très courte, se posera tidien, travail spécifique et de longue haleine,
le douloureux et insoluble problème de l’orien- est encore récente. C’est pourquoi il faut encore
tation professionnelle, le plus souvent inadap- intensifier les formations des acteurs de terrain
tée, sollicitant des capacités d’habileté et (médecins et psychologues scolaires, ensei-
d’organisation qu’ils ne possèderont jamais. gnants et AVS en première ligne, mais aussi for-
Pour ceux là, les désillusions et l’amertume mations initiales des rééducateurs) : il est
seront à la mesure des espoirs qui ont été nour- désormais évident qu’empathie et bonne
ris durant leur enfance, entretenus souvent par volonté, quoique nécessaires, sont bien loin
des personnes bien intentionnées mais igno- d’être suffisants.
194
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mités motrices cérébrales, réflexions et perspec Adolesc Psychiatry 2005 ; 44, 2 : 177-86.
tives sur la prise en charge. Paris : Masson ; 2008, [65] Garnier-Lasek D. La lecture par imprégnation syl-
354-8. labique. Ortho-édition ; 2002.
196
Bibliographie
[66] Gagné PP, Leblanc N, Rousseau A. Apprendre, [69] Fougeyrollas P et al. La mesure des habitudes de
une question de stratégies : développer les habile- vie adaptée aux enfants de 5 à 13 ans. Québec :
tés liées aux fonctions exécutives. Montréal : RIPPH ; 2001.
Chenelière éducation ; 2009. [70] Talbot G. Batterie d’évaluation Talbot. Montréal :
[67] Lazure M, Lussier F, Ménard M. Proposition d’une service d’ergothérapie de l’hôpital Sainte-Justine ;
intervention métacognitive visant à contrer le 1993.
trouble de l’attention. Rééducation Orthophonique [71] Barray V, Gadolet, Guillot. Bilan d’autonomie sco-
2003 ; 214 : 69-90. laire en maternelle. Service d’ergothérapie de l’hô-
[68] Geuze RH. Questionnaire sur les activités de la vie pital de Garches (92).
quotidienne (AVQ) destiné aux parents. In : Geuze [72] Boissel A, Pacual-Bouys O. Us et abus à propos de la
RH Éd. Le trouble d’acquisition de la coordina- loi du 11 février 2005 : le point de vue d’un CAMSP.
tion. Marseille : Solal ; 2005, 21-4. Contraste (la revue de l’ANECAMSP) 2009 ; 30, 29-50.
197
Annexe
Quelques logiciels utiles à la scolarité • Scolarisation des élèves handicapés – août 2006 :
d’un enfant dyspraxique64 w w w.e du c at ion . gou v. f r/ b o/2 0 0 6/31/ M E N E
0601960C.htm
Aides à la lecture • Aménagement des examens – décembre 2006 :
– Speakback® : www.mysoft.com w w w. e d u c a t i o n . g o u v. f r/ b o / 2 0 0 7/1 / M E N E
– PC Voice® : www.microapp.com 0603102C.htm
– Word Reader® : word-reader.softonic.fr • Rôle des médecins scolaires – janvier 2001 : www.
– Ace-High Text To Speech Reader® : www.text education.gouv.fr/bo/2001/special1/texte.htm
reader.net/index.htm • Fonctionnement des UPI – février 2001 : www.
– ClaroRead Plus V5® : www.clarosoftware.com educ at ion.gouv.f r/ botex te/ bo 010301/M EN E
– WordRead Plus® : www.ceciaa.com 0100364C.htm
– Pictop® : www.inshea.fr À noter aussi, concernant les CLIS, l’importante et
– Médialexie® : www.medialexie.com récente circulaire 2009-087 du 17 juillet 2009.
– Kurzweil 3000® : www.ceciaa.com/kurzweil-3000 Elle confirme que les CLIS 1 sont destinées aux
enfants atteints de « troubles des fonctions cogniti-
Aides à l’écriture ves ou mentales. En font partie, les troubles envahis-
• Pictop® : www.inshea.fr sants du développement ainsi que les troubles
• Dragon NaturallySpeaking® : www.mysoft.com spécifiques du langage et de la parole » (lesquels,
• BloXnote DigiMemo A402® : www.bloxnote.fr pourtant, par definition puisqu’ils sont « spécifi-
• Médialexie® : www.medialexie.com ques », ne semblent pas pourvoir ressortir de classes
• Kurzweil 3000® : www.ceciaa.com/kurzweil-3000 « troubles cognitifs ou mentaux globaux »). Quant
aux CLIS 4, elles reçoivent les élèves « en situation de
Aides à la géométrie handicap moteur dont font partie les troubles dys-
• GeoGebra® : www.geogebra.org praxiques, avec ou sans troubles associés, ainsi qu’en
• Cabri II plus® : www.cabri.com situations de pluri-handicap » et multi-dys..
On note en particulier la signification très étendue
Manuels scolaires sur CD-Rom attribuée aux termes « troubles cognitifs », l’assimi-
Se renseigner auprès de chaque éditeur et de l’ins- lation des troubles du langage (dysphasies ?) aux
pection de l’Éducation nationale. déficiences intellectuelles et troubles envahissants
du développement, l’assimilation des dyspraxies à
Textes législatifs des troubles moteurs…
(www.legifrance.gouv.fr)
• Circulaire du 4 mai 2001 sur les centres référents : Aides pour la scolarité
organisation de la prise en charge hospitalière des
• L’ordinateur au collège : guide pratique du cabinet
troubles cognitifs spécifiques
d’ergothérapie Guillermin-Leveque. Étude de huit
• Loi du 11 février 2005 : loi pour l’égalité des droits
logiciels de géométrie : rnt.over-blog.com/article-
et des chances, la participation et la citoyenneté des
11916462.html
personnes handicapées.
• Cahier d’activités en salle informatique, maths 6e,
• Scolarisation : www.handicap.gouv.fr/rubrique.
des exercices avec CABRI ®, GeoGebra®, Exal ®;
php3?id_rubrique=19
Catherine Henrion. Hatier, 2010.
• Maisons départementales du handicap : www.
• Portail d’informations destiné aux enseignants et aux
handicap.gouv.fr/rubrique.php3?id_rubrique=22
professionnels de l’éducation amenés à accueillir des
• Prestation de compensation : www.handicap.gouv.
enfants malades et/ou handicapés : www.integrascol.fr
fr/rubrique.php3?id_rubrique=17
• Blog de ressources concernant les enfants dys-,
adressé aux enseignants en priorité, et aux parents
64 Cette liste est loin d’être exhaustive : comme pour tous de ces élèves : blog.crdp-versailles.fr/ressources-
les documents et matériels cités, il s’agit d’un choix dysgarches/index.php Ce blog est l’œuvre de
personnel des auteurs. Frédéric Plessiet, enseignant spécialisé attaché au
199
Annexe
centre référent de Garches. On le trouve aussi • Histoire 2 comprendre les dys, (Fédération des
sur Google avec les mots clés : ressources, dys, dys-, livret réalisé dans le cadre de la 2e journée
Garches. nationale des dys-)
• Dyspraxies de l’enfant, guide à l’intention des • 10 questions réponses sur les dys- (Fédération des
parents, Dysphasia : www.geppe.free.fr/IMG/pdf/ dys-) : www.ffdys.com
20 08 _10 _-_ SESSA D_ DYSPH ASI A _-_ g u ide _ • Le guide pratique des parents : Éducation natio-
parents_syndrome_dyspraxique-v2.pdf nale (distribué lors de chaque rentrée scolaire)
• Guide pour la scolarisation des enfants et adolescents
Livres audio ou numériques (CD, MP3) handicapés, disponible sur le site de l’Éducation natio-
nale : media.education.gouv.fr/file/42/2/4422.pdf
• Collection Écoutez lire, aux éditions Gallimard : • Permettre ou faciliter la scolarité de l’enfant dys-
www.ecoutezlire.gallimard.fr praxique. Guides pratiques L’ADAPT. M. Mazeau,
• La librairie sonore, éditions Frémeaux : www.fre- 2010. www.ladapt.net
meaux.com • Permettre ou faciliter la scolarité grâce à l’ordina-
• Audiolib, les livres à écouter : www.audiolib.fr teur. Guides pratiques L’ADAPT. C. Le Lostec, 2010.
• Association des donneurs de voix, Les bibliothè- www.ladapt.net.
ques sonores, 350 000 titres (classiques, contempo-
rains…) : www.advbs.fr Associations
• Pour les plus jeunes :
• Collection Livres lus, aux éditions de l’École des • Fédération française des dys- (ex-FLA) : 43 avenue
Loisirs : www.ecoledesloisirs.fr de Saxe, 75007 Paris : www.ffdys.com
• Éditions Oui’dire (contes pour enfants…) : www. • DMF (Dyspraxique mais fantastique) : www.dys-
oui-dire-éditions.com praxie.info
• Et aussi : www.librairiesonore.com qui présente • HyperSupers, TDHA (troubles de l’attention avec
un très important choix pour tous âges, dans tous les ou sans hyperactivité) : www.tdah-france.fr
domaines • Association pour la recherche des troubles des
apprentissages (professionnels) : www.arta.fr
Guides, livrets, opuscules • LADAPT : association loi de 1901 orientée vers la
rééducation et l’insertion sociale, scolaire et/ou pro-
• Vivre avec : les troubles cognitifs, Carolyn Marquez fessionnelle des personnes handicapées. Elle admi-
et Anne-Lyse Dal-Pra, distribué par l’APF (Association nistre (notamment) cinq établissements pour
des paralysés de France) enfants et plusieurs SESSD dont certains dédiés aux
• La dyspraxie, une approche clinique et pratique : jeunes TSA ou dyspraxiques : www.ladapt.net.
Évelyne Pannetier, université de Montréal, Canada Service de formation continue.
200
Index
201
Index
geste(s), 8, 15, 17, 20, 23, 46, 47, 49 orthophonie, 7, 28, 30, 38, 43, 81, 83, 94, 119, 122–124,
––graphique, 23, 49 129–132, 137, 154, 179
––graphomoteur, 46, 47, 49 orthoptie, 7, 28, 52, 122, 128, 131
––culturels, 8, 15
––nouveaux, 17 P
gnosies, 8, 27, 37, 40, 45, 78, 158, 163, 164 photocopies, 48, 52, 54, 55, 59, 65, 66, 70, 92, 96, 97,
––digitales, 8 99, 113, 138, 151, 177
––visuelles, 8, 27, 37, 40, 45, 78, 163, 164 plans, 167
graphomotrice, 23, 139 PPS, 7, 66, 91, 98, 106, 135, 144, 168–170, 182, 183
prédiction de mots, 137
H procédure verbale, 117, 118, 140
habillage, 21, 25, 26, 116, 169, 184 production d’écrits, 20, 46, 49, 55, 57, 58, 62, 93, 99,
handicap mental, 35 123, 130, 138, 144
histoire, 98, 135, 174 projet scolaire, 175
––géographie, 149, 175 psychomotricité, 5, 8, 15, 16, 22, 23, 27, 28, 30, 45, 183
I R
IMC, 5, 36, 42, 78 redoublement, 4, 7, 10, 33, 34, 38, 41, 42, 66
intelligence, 2, 9, 101, 154 regard, 37, 51, 52, 76, 107, 109, 110, 122, 123, 125, 159,
interligne, 79, 93, 97, 125, 128, 131, 151 161, 162
––organisation, 76, 125, 146, 156, 158, 159, 162
L ––stratégie, 51
lecture, 158 ––exploration, 125
––vocale, 149 ––troubles du, 37, 52, 107, 109, 110, 123
lenteur, 20, 46, 50, 51, 53, 55, 63, 64, 66–68, 85, 116, retard graphique, 7, 34, 37
131, 168, 184
logiciel, 39, 60, 63, 85, 86, 93, 94, 124, 129, 131, S
136–141, 143, 146, 165, 171 saccades, 28, 51, 53, 122, 123, 129, 136, 154, 169
––de dictée vocale, 131, 137 schéma, 63, 98, 101, 102, 115, 135, 149, 150, 156, 158,
––de géomètre, 171 159, 167, 172, 174, 175
––de lecture, 85, 94, 124, 129, 131, 136 ––corporel, 8, 22, 103, 178, 186
––de reconnaissance manuscrite, 138 secrétaire, 47, 48, 56, 57, 59, 63, 64, 68, 97, 99, 125, 131,
––de retour vocal, 86, 91, 137, 138, 146, 165 137, 138, 140, 144, 163, 167, 168, 170, 171–175
––dictée vocale, 137 sport, 177, 186
––géométrie, 140, 171 surlignage, 55, 60, 63, 85, 88, 89, 123, 125, 128, 137,
––géométriques, 141, 143 146, 151, 171
––jeux, 61, 76 SVT (Science de la vie et de la Terre), 174, 175
––prédictifs, 93 syllabes, 124
syndrome dysexécutif, 131, 132, 161
M
mémoire, 57 T
––de travail, 8, 32, 39, 41, 43, 51, 56, 60, 83, 87, 111, 122, TAC, 5, 8, 14, 16, 19, 22, 26, 183, 184, 186
123, 132, 138, 149, 166, 167 tiers temps, 54, 63, 96, 167, 168, 170–174
multidys, 35, 37, 39 toilettes, 185
troubles spécifiques des apprentissages (TSA), 2, 15,
N 20, 24, 31, 43, 70
neurones miroirs, 17
non-automatisation, 46 U
numération, 38, 40, 101, 102, 107, 109, 147 UPI, 41, 96
O V
oculomotricité, 14, 51 verbalisation, 56, 81, 82, 84–86, 90, 91, 93, 102,
oral, 98, 99, 165 107, 112, 113, 117, 139, 140, 144, 148, 151, 154, 156,
organisation des saccades, 122 157, 161, 164–167, 170–174, 179, 183, 184
202