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L'ESSENCE RELATIONNELLE.

FONCTIONNEMENT
NEUROBIOLOGIQUE ET RELATIONS HUMAINES
Marco Vannotti et Roberto Berrini

De Boeck Supérieur | « Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de


réseaux »

2009/2 n° 43 | pages 97 à 116


ISSN 1372-8202
ISBN 9782804102555
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L’essence relationnelle. Fonctionnement
neurobiologique et relations humaines
Marco Vannotti 1 & Roberto Berrini 2

Résumé
Dans une perspective phénoménologique, le corps, les fonctions vitales, le

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mouvement déterminent un échange constant entre le sujet et le monde, entre soi
et l’autre. La neurobiologie, de son côté, s’intéresse aux transformations biologi-
ques liées à ces expériences, mais sa méthode est fort différente.
Les auteurs proposent une réflexion sur la manière dont les découvertes de
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la neurobiologie interviennent pour mieux “comprendre” la dimension de la ren-


contre. La relation intersubjective est façonnée non seulement par les structures
du fonctionnement mental, par le vécu du sujet, mais encore par la "danse" des
postures et le mouvement des corps ; elle est enfin portée par le milieu culturel et
social, par la nature de l’environnement.
La construction des liens entre le patient et le thérapeute permet à chacun
d’eux de cheminer vers un accomplissement de sa propre existence.

Abstract: Relational essence. Neurological functioning and human


relations
In a phenomenological perspective, the body, the vital functions, the move-
ments determine a constant exchange between the subject and the world, between
self and the others. The neurobiology on its part, is interested in the biological
transformations connected to these experiences but its method is quite different.
The authors suggest to consider how the neurobiological discoveries help
to get a better understanding of the dimension of the encounter. The intersubjective
relationship is not only shaped by the structures of the mental functioning, by the
subject’s experiences, but also by the « dance » of the postures and movements of
the body; it is nonetheless influenced by the cultural and social environment, as
well as by the type of environment.

1 Psychiatre, psychothérapeute, professeur associé. Département de Psychiatrie de la


Faculté de Biologie et Médecine à Lausanne, Suisse. Formateur au Cerfasy à Neu-
châtel, Suisse et à « Scuola di psicoterapia Mara Selvini Palazzoli » à Milan.
2 Médecin, spécialiste en neurologie, psychothérapeute, formateur à « Scuola di psi-
coterapia Mara Selvini Palazzoli » à Milan.

DOI: 10.3917/ctf.043.0097
98 Marco Vannotti & Roberto Berrini

The build-up of relationships between the therapist and the patient allows
both of them to find a way to fulfillment of their own existence.

Mots-clés
Phénoménologie – Vie biologique – Neurobiologie – Psychothérapie.

Key words
Phenomenology – Biological life – Neurobiology – Psychotherapy.

Biologie et corporéité
La phénoménologie est l’une des orientations majeures de la philoso-
phie du XXe s. Elle a été le point de départ d’un renouvellement du paradigme

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de la psychologie et de la psychiatrie (Straus, 1956 ; Binswanger, 1957 ; Jas-
pers, 2000), de la biologie et de la médecine (von Weizsaecker, 1940 ; Buy-
tendijk, 1948). Moins que l’unité d’une doctrine, c’est le recours à une même
méthode qui rassemble les penseurs qui s’en réclament. C’est en référence à
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ces penseurs que nous pouvons partager quelques réflexions autour du thème
de biologie et psychothérapie. La raison pour laquelle nous nous aventure-
rons en tant que thérapeutes sur le terrain de la neurobiologie qui nous est peu
familier, réside en ceci qu’elle apporte un nouvel éclairage, en mettant en évi-
dence les soubassements biologiques de la manière d’entrer en relation avec
les autres et en particulier avec ceux qui ont choisi une profession de soins.
Nous approcherons tout d’abord la biologie sous l’angle de la phéno-
ménologie. La vie biologique ne peut être pensée dans une perspective phé-
noménologique si l’on cultive la croyance que la vie est une quelconque
matière vivante impersonnelle. « La vie biologique s’accomplit au travers
d’un organisme à qui il appartient essentiellement de se mouvoir et de sentir
(soi-même et l’autre) – ce qui pourrait être une définition très sommaire de
ce qu’est exister (ex-sistere, se tenir debout hors… de soi). » (Gennart, 2008).
La vie biologique s’incarne d’abord dans le corps propre de la personne.
Réalisant notre présence au monde, notre corps réalise encore notre
présence l’un à l’autre. La corporéité se manifeste comme une adhésion au
monde, une liaison à la réalité des choses, une présence qui s’accorde d’abord,
de façon pré-réfléchie, à la présence corporelle de l’autre. Nous reviendrons
ensuite sur le sens que l’on peut donner à l’adjectif « pré-réfléchi » qui est
éclairé d’une lumière nouvelle par la neurobiologie.
« Comme tel, le corps vivant […] est toujours aussi dans un échange
intime et constitutif avec ce qui n’est pas lui-même et est autre que lui-même
– ce qui fait la fondamentale ouverture, incomplétude du sujet vivant, et le
L’essence relationnelle 99

définit comme existant », (Gennart, 2008). L’être humain en somme décou-


vre soi-même, comme le soutenait Merlau-Ponty, comme ce corps qui est
seulement à travers la relation avec l’autre.
« Toutes les grandes fonctions biologiques […] portent à leur manière
la marque de cette condition originaire et paradoxale du sujet vivant qui con-
siste à être un soi en échange avec de l’autre, mêlé à l’autre dans un mouve-
ment de s’unir et de se séparer. C’est dire aussi que la subjectivité à laquelle
on a affaire lorsque l’on s’intéresse au vivant ne peut absolument pas être
assimilée au psychique » (Gennart, 2008).

Approche phénoménologique de la maladie mentale

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La description détaillée des phénomènes mentaux chez les patients
graves ou psychotiques auxquels s’est particulièrement intéressée la phéno-
ménologie psychiatrique a eu comme conséquence d’éclairer des phénomè-
nes mentaux avec leur spécificité (par exemple délires, hallucinations) dans
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une analyse approfondie de la présence à l’autre, au temps et à l’espace (Jas-


pers, 2000 ; Biswanger, 1971). Celle-ci a cherché à circonscrire la dimension
pathique (Vannotti & Gennart 2006) de la souffrance exprimée par le patient.
Nombre d’auteurs se sont intéressés aux altérations du vécu corporel et
aux perceptions des personnes affligées d’une grave maladie mentale. Or,
dans la pathologie psychiatrique grave, nous avons à comprendre à la fois le
mode particulier d’être au monde du patient, sa manière de vivre son corps,
d’exprimer son vécu et à la fois la « danse corporelle » qui se tisse d’abord
avec l’entourage et – dans ce qui nous occupe ici – avec les soignants.
La maladie mentale, approchée en son niveau de réalité phénoménolo-
gique – non pas telle qu’on peut l’objectiver en faisant abstraction du sujet
vivant qui la porte, mais telle qu’elle se réalise dans le monde de la vie
« avant » toute intervention thérapeutique – peut se définir comme ce proces-
sus par lequel le sujet subit une atteinte à son être. Des modifications peuvent
survenir au niveau biologique, mais la maladie et le pâtir ne deviennent des
données phénoménologiques réelles qu’à partir du moment où le niveau
« personne » est impliqué, c’est-à-dire à partir du moment où le sujet fait
l’expérience d’un malaise ou d’une détresse.
La phénoménologie a ainsi considéré la maladie psychiatrique comme
une manifestation des difficultés à être, à être au monde, aux autres et à soi-
même (Dasein) sans recourir, pour déchiffrer les comportements complexes
et parfois bizarres des personnes affligées par un syndrome psychotique
majeur, aux déchirures liées au conflit conscient – inconscient.
100 Marco Vannotti & Roberto Berrini

Pour la phénoménologie, l’inconscient existe seulement “pour ainsi


dire”. L’inconscient, pour le phénoménologue, est une complication de la
conscience – il est une conscience qui oublie d’être telle. La phénoménologie
essaie de réintégrer dans l’intentionnalité – donc dans la conscience – ce qui
pour Freud restait inconscient, c’est-à-dire ce qui était saisissable seulement
à travers des médiations interprétatives complexes, à travers des machines
psychiques. Pour les phénoménologues «… notre subjectivité au sens de la
subjectivité de la vie […], nous ne la connaissons pas forcément nous-
mêmes ; elle est largement non consciente (unaware), non pas forcément au
sens où elle aurait été refoulée, mais au sens où elle est intimement complice
de la matérialité et du mouvement de la vie en nous, et n’a pas besoin de la
conscience pour s’accomplir. La conscience, elle, arrive toujours après-

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coup… » (Gennart, 2008).
La psychanalyse, la thérapie d’orientation systémique et la phénomé-
nologie sont toutes en train de s’intéresser à la différence qui est devenue pro-
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gressivement plus évidente et qui distingue l’inconscient dynamique freudien


(unconscious) et le non-conscient (unaware), qui s’identifie dans une série
d’expériences inscrites et non refoulées de l’époque pré-verbale de l’enfance,
qui se sont déposées dans la mémoire implicite. Cette dernière acception de
non-conscient (unaware) naît des acquisitions conjointes tout d’abord des
études phénoménologiques, mais ensuite de l’expérience des recherches de
cliniciens qui se sont intéressés à l’attachement et des découvertes récentes de
la neurobiologie.

Découvertes de la neurobiologie
et de la neuropsychologie

Les neurosciences soulignent l’importance et les conséquences du


vécu de la relation entre soi et le monde extérieur dans la formation des struc-
tures cérébrales. De telles découvertes interviennent dans la compréhension
de la relation intersubjective qui se noue dans le processus psychothérapeuti-
que 3. Elles nous permettent de mieux saisir la communication intercorpo-
relle, le mouvement, la perception, la genèse de la mémoire et de ses

3 Les structures cérébrales ne peuvent pas éclairer seules le vécu intersubjectif qui est
dépendant de bien d’autres éléments tels que l’environnement et la culture. Nous ne
pouvons pas passer du neurobiologique au relationnel sans prendre en compte la
complexité infinie des variables intervenant dans la relation intersubjective. Les
modèles sociaux donnent aussi un éclairage riche sur la construction des relations
intersubjective que nous avons décidé de ne point aborder ici.
L’essence relationnelle 101

manifestations, sans faire nécessairement référence ni à la conscience ni à


l’inconscient.
La neurobiologie (de Lange et al., 2008 ; Farioli-Vecchioli et al.,
2008 ; De Chastelaine et al., 2008 ; Ramkin, 2008) a mis en évidence l’exis-
tence de modalités différentes et séparées de codifier dans la mémoire l’expé-
rience de soi en relation à l’autre, suivant la progression et le développement
du sujet et de son appareil mental.
Les relations dyadiques et triadiques avec les figures d’attachement, en
particulier dans les deux premières années de vie, sont rangées dans la
mémoire procédurale implicite. Ce processus se déroule sur deux voies qui
procèdent ensuite parallèlement, tout au long de la vie, en s’influençant

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mutuellement.
La première réside dans la composante émotionnelle et motrice, pré-
verbale, inscrite dans la mémoire procédurale, que l’on peut définir encore
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comme connaissance relationnelle implicite. Elle ne peut pas être reconduite


à la conscience. La deuxième a trait à la composante déclarative, entreposée
sous la forme de constructions sémantiques ou épisodiques, que l’on peut –
ou pas – refouler, et que l’on peut récupérer sous la forme de souvenirs ou
d’intentionnalité consciente. Ces différentes compétences du sujet trouvent la
base de leur fonctionnement en différentes localisations cérébrales, sous-cor-
ticales et corticales, et le développement des structures neuronales qui les
caractérise rend compte de leurs particularités intrinsèquement différentes.

Imprinting procédural sous-cortical


Des structures corticales comme l’hippocampe et le cortex préfrontal
participent en première ligne à l’élaboration du sens à donner à l’expérience
émotionnelle et corporelle chez l’adulte. Chez le tout jeune enfant, en raison
de l’immaturité de son cortex, les schèmes relationnels sont d’abord enregis-
trés dans des aires cérébrales sous-corticales qui restent d’ordinaire en dehors
de la conscience. Ces expériences restent toutefois inscrites dans la mémoire
implicite ou non déclarative (par opposition à la mémoire explicite) 4. Cette
mémoire implicite se relie à des expériences non conscientes et, en quelque
sorte oubliées ; elle se consolide, dans les circuits sous-corticaux, avant
même que l’enfant ait acquis la capacité d’accéder à une compréhension des

4 La mémoire explicite peut être évoquée dans la conscience et son contenu peut être
verbalisé par les paroles. On la divise d’ordinaire en mémoire sémantique et épisodi-
que. Nous faisons appel à ce type de mémoire pour reconstruire notre propre histoire.
102 Marco Vannotti & Roberto Berrini

événements qui le touchent et qui modifient son état mental. C’est en effet la
raison pour laquelle de telles expériences demeurent au-dehors de la possibi-
lité d’être élaborées dans une pensée exprimable au travers des paroles.
L’enfant est en mesure d’attribuer un sens à ses relations avec son
milieu et de construire des narrations toujours plus complexes à partir de
l’achèvement de la maturation de l’hippocampe et du cortex préfrontal.
La mémoire procédurale, de son côté, est la mémoire des expériences
motrices. C’est la mémoire des “danses” faites par le bébé pour captiver
l’attention des parents (Fivaz & Corboz, 2001 ; Stern, 1995), qui se tradui-
sent, par exemple, dans la manière d’être intercorporellement avec l’autre.
Comme la danse de l’enfant avec ses deux parents, nos attitudes corporelles

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sont accomplies d’une manière automatique et elles ne rejoignent que rare-
ment le niveau de conscience.
Il y a enfin une mémoire émotionnelle qui touche justement les émo-
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tions vécues lors de certaines expériences, notamment celles qui caractérisent


les relations d’attachement de l’enfant avec les figures primaires de soin.
La mémoire implicite conserve des schèmes intercorporels sensori-
moteurs et émotionnels de la relation d’attachement et de soins qui restent,
comme nous l’avons vu, dans le domaine du non-conscient.
Les expériences et les schèmes relationnels qui sont conservés sous
une forme non déclarative dans le substrat biologique du cerveau, peuvent se
révéler dans des attitudes et dans des comportements moteurs et émotionnels
des sujets (Mancia, 2004). Cependant, de telles expériences deviennent par-
ticulièrement évidentes et décodables dans les situations relationnelles inten-
ses ou critiques, même si elles ne sont pas exprimables par des mots. Il s’agit
de contextes dans lesquels les conditions de la rencontre interpersonnelle
(intenses ou critiques) viennent mettre en danger la conservation du Modèle
Opérationnel Interne du sujet (Bowlby, 1969). Il s’agit d’expériences que
l’on retrouve au cours d’un processus psychothérapeutique.

Neuroplasticité
De récentes découvertes ont démontré que le sujet enrichit ses diffé-
rentes formes d’apprentissage en fonction des expériences qu’il traverse
grâce à la flexibilité, à la plasticité de ses neurones. C’est celle-ci qui permet
l’adaptation stable du sujet aux requêtes d’un milieu toujours en mouvement.
La neuroplasticité est à la base du processus d’apprentissage et de la mémoire,
L’essence relationnelle 103

de la récupération après un dommage cérébral comme des adaptations patho-


logiques qui mènent à des troubles du comportement. La plasticité neuronale
définit l’habileté du cerveau de se façonner soi-même à travers une conti-
nuelle transformation des vieilles synapses et de la création de nouvelles con-
nexions.
La plasticité neuronale est plus importante pendant les stades précoces
du développement, mais elle demeure un phénomène à l’œuvre dans le cer-
veau de l’adulte. Il a été démontré que chez l’adulte un certain degré de trans-
formations des connexions survient à la suite d’expériences marquantes
(Siegel, 2001).
Ansermet & Magistretti (2004) proposent une rencontre originale

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entre deux disciplines souvent considérées comme antagonistes : la psycha-
nalyse et les neurosciences. Le point de rencontre entre ces disciplines est
représenté par les mécanismes de plasticité neuronale grâce auxquels le sujet
reste ouvert aux changements et aux transformations véhiculées par l’expé-
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rience psychothérapeutique.
L’intérêt de leurs hypothèses consiste en ceci : c’est la parole, instru-
ment essentiel de la cure, qui peut agir en dernière instance sur les synapses
et transformer “plastiquement” les bases anatomo-fonctionnelles de centres
cérébraux qui interviennent dans les changements de la personnalité de l’ana-
lysé et dans la relation intersubjective avec le thérapeute5.
Le langage verbal ne suffit cependant pas pour construire la relation ;
le verbe est accompagné d’un co-texte, d’indices para-verbaux (la prosodie,
la gestuelle) et il est prononcé dans un contexte, au sein de rapports hiérarchi-
ques (Cosnier, 1981) ; la parole, l’expression verbale suit – et non précède –
la réalisation de la proximité émotionnelle, de l’intuition de l’autre qui vont
moduler son sens. Dans la relation humaine, dans le face à face entre théra-
peute et patient, la communication implique l’ensemble du corps, des expres-
sions faciales, des postures, du mouvement et des gestes, de la distance
adoptée, etc. C’est la raison pour laquelle nous postulons que la nature de
cette relation est intercorporelle et ne se limite pas au verbe.

5 Passer de la plasticité neuronale aux changements psychothérapeutiques constitue


un saut énorme, eu égard à la complexité du vivant et de ses racines culturelles et
sociales ; pourtant, des avancées intéressantes ont été ouvertes par Paris (2008),
Ratcliffe (2008) et Kandel (2005).
104 Marco Vannotti & Roberto Berrini

Les neurones miroirs et l’imitation


L’homme est un être social qui, pour grandir et vivre, a besoin de la
relation avec ses semblables. Un des mécanismes fondamentaux de l’interac-
tion consiste dans l’imitation. Les récentes découvertes relatives à la population
neuronale des neurones miroirs (Ratcliffe, 2008 ; Rizzolatti & Sinigaglia,
2006) soulignent l’aspect moteur imitatif de nos apprentissages. Nous com-
mençons par imiter le geste de l’autre.
C’est par le corps que nous explorons le monde, c’est par imitation que
nous apprenons à commercer avec notre interlocuteur. Par rapport aux modè-
les classiques des sciences cognitives qui se basent d’ordinaire sur les aspects
de la perception et donc sur le voir 6, les neurones miroirs nous apprennent

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qu’à la base de certaines formes de connaissance, il y a l’action.
Ceci demeure vrai aussi dans le domaine de la psychothérapie. Comme
déjà évoqué (Real del Sarte & Vannotti, 1991), le travail thérapeutique s’arti-
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cule tout aussi bien sur la représentation (de la souffrance, de l’histoire, de la


relation) que sur l’agir. Même du point de vue psychogénétique, le faire est la
condition préalable au processus de représentation.
Dans la réalité, nous arrivons à imiter des gestes, mais nous ne savons
pas comment il devient possible de les exécuter. Lorsque nous observons un
autre accomplir une certaine action, s’activent dans notre cerveau les mêmes
neurones qui se mettent en marche lorsque c’est nous qui accomplissons cette
même action. Nous pouvons imiter l’action de l’autre parce que notre cerveau
est préprogrammé à résonner en syntonie avec celui de la personne que nous
observons. Il s’agit là d’une communication non linguistique entre activités
mentales.
La subjectivité humaine naît au travers d’un fonctionnement mental
façonné par des processus d’imitation. L’aspect le plus important d’un point
de vue psychologique et philosophique de ces découvertes est que la subjec-
tivité humaine est en réalité une intersubjectivité originelle 7.
Les phénoménologues (Merleau-Ponty et Biswanger) ont certaine-
ment été les premiers à introduire cette notion qui s’oppose à la mise en avant

6 Nous nous référons ici à la place importante qu’a la vision dans l’ensemble des
perceptions ; elle n’est cependant pas exclusive (Merleau-Ponty, 1945).
7 Cette intersubjectivité est liée aussi au sentiment d’appartenance à une même
communauté : si « ce que tu fais est similaire à ce que je fais ou que je pourrais faire,
alors je deviens d’une certaine manière ton semblable ».
L’essence relationnelle 105

de l’individualisme d’une partie importante de la psychologie contempo-


raine. La neurobiologie, par des recherches basées sur la méthode qui lui est
propre, apporte quelque preuve de cette intersubjectivité originelle.

Discontinuité, croissance et traumatisme

Par traumatisme, nous n’entendons pas nous référer nécessairement à


des expériences de mauvais traitements ou d’abus pendant l’enfance. Ces
expériences représentent des conditions de désorganisation majeure des com-
pétences mentales et une profonde atteinte du Soi. Nous aimerions plutôt
faire référence à une conception du développement qui considère la stratifi-
cation des expériences dans le vécu du sujet comme étant le produit des rela-

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tions qui procèdent par des passages successifs de rupture et de réparation.
Les transitions et les changements qui interviennent dans le milieu
intersubjectif vont créer une connaissance relationnelle implicite toujours
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plus cohérente 8. Stern (1998) affirme que dans la progression de la connais-


sance relationnelle se répètent “des schèmes, des modalités d’être avec
l’autre, schèmes micro-interactifs qui comprennent la gestion des erreurs, des
ruptures”, des malentendus et qui permettent aussi une attitude de réparation
et de restauration. Il s’agit là des éléments de base des modèles opérationnels
internes de Bowlby : ils ne sont pas présents sur un plan de conscience, mais
ils sont intrapsychiquement distincts de ce qui est refoulé. En suivant ce par-
cours théorique on arrive à la considération que la vie biologique du sujet peut
se modifier par rapport aux événements défavorables, aux conditions et
même aux dispositions désavantageuses selon deux modalités préféren-
tielles :
1. À travers les mécanismes de refoulement du souvenir, de la cons-
cience qui concerne la nécessité de cacher, déformer ou minimiser la percep-
tion de la souffrance. Un tel refoulement peut cependant être verbalisé grâce
à la patiente reconstruction des histoires du sujet.
2. À travers les mécanismes de dissociation de soi en ce qui concerne
les conditions traumatiques qui rentrent dans le domaine de la mémoire
implicite.

8 La théorie générale des systèmes postule que les éléments d’un système se réorga-
nisent en fonction de l’introduction du sujet dans des nouveaux contextes.
106 Marco Vannotti & Roberto Berrini

Bromberg (1994) nous dit que le processus de la dissociation est à la


base du fonctionnement mental humain pour la stabilité et la croissance de la
personnalité. La dissociation est un mécanisme fortement adaptatif.
Bromberg soutient encore que le processus évolutif qui facilite la tran-
sition entre état et conscience dérive de la capacité qu’a une personne en
bonne santé de rendre acceptable la conscience des changements. Il s’agit
d’une conquête fortement facilitée par la présence d’un soignant qui, à travers
un processus de régulation réciproque, aide l’enfant à atteindre les transitions
d’états non traumatiques au travers de réponses adéquates accueillantes et
empathiques du sujet.

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Dimension relationnelle du soin

Le devenir de l’être humain, dès la naissance, est constamment façonné


par les expériences bienfaisantes et traumatiques qui traversent sa vie rela-
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tionnelle. Toutes induisent des modifications des circuits neuronaux corticaux


et sous-corticaux du sujet, mais les expériences nocives, subites, inattendues,
survenant de la part d’un semblable, engendrent des effets d’une ampleur
d’ordinaire plus marquée que ceux qui sont produits par une expérience ras-
surante.
C’est la raison pour laquelle, à la suite d’un traumatisme même unique,
des expériences relationnelles et émotionnelles peuvent devenir correctrices
seulement dans leurs répétitions, dans leur reproductibilité. Cette correction
est rendue possible, entre autres, grâce à la plasticité neuronale et à ce système
fantastique d’apprentissage qu’est l’imitation. Les expériences bienfaisantes
peuvent activer des circuits neuronaux alternatifs ; ces circuits deviennent
plus stables à mesure que les expériences structurantes se répètent dans le
temps.

Le temps de la thérapie
Les expériences structurantes s’inscrivent alors dans une double
dimension du temps : d’abord celui du moment présent, celui des instants
d’empathie et d’accueil qui émergent avec immédiateté dans la séance. Il
s’agit de courts moments, de la durée de quelques secondes, qui ponctuent
l’une ou l’autre séance, mais qui n’arrivent pas nécessairement au niveau de
conscience dans toutes les séances. Malgré leur brièveté, il s’agit de stimuli
qui agissent répétitivement sur les soubassements biologiques de notre cer-
veau.
L’essence relationnelle 107

Il y a ensuite le temps long du processus de thérapie. C’est le temps de


la répétition d’expériences réparatrices, de la réassurance et de la compréhen-
sion. La permanence d’un cadre thérapeutique, source d’expériences correc-
trices, contribue fortement à la construction d’une relation caractérisée par la
“continuité” et la “fiabilité”. Le changement induit par ce processus prolongé
n’est pas décodable de fois en fois, mais il est façonné par l’activation, répétée
dans le temps, de circuits neuronaux alternatifs qui doivent être progressive-
ment "entraînés".
Comment faire, alors, pour que la rencontre thérapeutique devienne
une source de bonnes expériences ?

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Rôle actif du thérapeute
Une première voie réside assurément dans l’implication personnelle
du soignant à l’égard du patient. Cette attitude devrait l’amener à abandonner
le mythe de la neutralité à la faveur de la recherche de l’authenticité et de
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l’accueil des formes multiples de la vie, et non seulement des chemins tor-
tueux de la souffrance.
L’encouragement adressé au thérapeute d’assumer un rôle actif peut
être compris sur deux plans. Le premier consiste dans les références aux
savoirs et au savoir-faire propres du thérapeute. La dimension spontanée de
la rencontre s’articule avec un travail d’ordre cognitif, c’est-à-dire avec la
réflexion autour de la théorie que le thérapeute doit posséder et autour des
techniques qu’il emploie. Le thérapeute est, en principe, consciemment actif.
Le deuxième concerne plutôt l’intentionnalité morale : il s’agit d’orien-
ter le traitement en discriminant le nocif du bienfaisant, de suivre le para-
digme de la responsabilité.
Le psychothérapeute, d’autre part, s’insère activement dans le champ
de la relation de manière non nécessairement consciente. Son interaction avec
le patient est façonnée par son histoire personnelle, par ses propres résonan-
ces. Celles-ci sont activement stimulées par le patient ou par sa famille. Le
thérapeute subit l’influence de la mémoire implicite qui concerne des schè-
mes intercorporels, sensori-moteurs et émotionnels non conscients de ses
propres relations d’attachement et de ses expériences de soins reçus. L’his-
toire du thérapeute a un retentissement dans la rencontre avec les patients,
retentissement auquel il doit activement prêter attention.
108 Marco Vannotti & Roberto Berrini

Rencontrer intersubjectivement le patient


La relation thérapeutique constitue une figure particulière de la rela-
tion intersubjective. Celle-ci est considérée comme un processus à travers
lequel des liens se nouent entre les êtres humains, liens qui contribuent à créer
l’identité du sujet et sa dimension sociale. Dans la relation, nous apprenons
qui nous sommes : notre sentiment d’identité est fondé sur la manière dont
nous interagissons et sur l’appréciation que les autres nous adressent. C’est la
voie par laquelle nous faisons l’expérience que notre subjectivité est originel-
lement une intersubjectivité.
L’intersubjectivité est le sens de l’expérience partagée, qui émerge de
la réciprocité. Ce sens détermine une différenciation de base entre soi et l’autre

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à travers la capacité à comparer son expérience propre à celle de l’autre, et, en
même temps, à se projeter dans la position l’un de l’autre pour arriver à
l’émergence d’une conscience de soi intégrée à celle d’autrui (Rochat, 2003).
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L’intersubjectivité doit être considérée comme l’expérience qui se co-


construit lorsque deux ou plusieurs personnes se rencontrent. Dans la rela-
tion, une série d’ajustements se met en œuvre pour que thérapeutes et patients
puissent communiquer et se répondre l’un à l’autre. Ces ajustements sont ren-
dus possibles justement par les capacités d’entrer en syntonie et de fournir des
réponses corporelles spontanées et de ré - élaboration émotionnelle et cogni-
tive.
Lorsque cela advient, se crée un moment particulier que Stern appelle
le moment présent. Ces moments surviennent le plus souvent de manière non
consciente. Ils sont l’expression de notre mémoire procédural. Il importe
pourtant, pour reprendre les termes de Stern (1997), que le thérapeute par-
vienne à saisir ces "moments présents" où émerge, chez le patient comme
chez lui, une émotion significative, et qu’il cherche à en faire un “moment de
rencontre”. Il y a – soutient Stern – une sorte d’adaptation immédiate, un ajus-
tement à la singularité de la situation inattendue qui survient de manière non
consciente et qui fait que le thérapeute, au moment du surgissement d’une
émotion, donne une réponse personnelle et authentique. Cette réponse résulte
de sa propre sensibilité et de sa propre expérience, elle porte la propre signa-
ture du thérapeute.
Et c’est par ces réactions verbales et non verbales – surprenantes et
immédiates – que chaque partenaire apporte quelque chose d’unique – et
d’authentique – lui appartenant en propre en réponse au “moment présent”.
Aucune technique ni aucune théorie, précise Stern, ne peut donner compte ou
L’essence relationnelle 109

apprendre à répondre de la sorte. C’est une expérience que l’on vit. Probable-
ment l’habileté du thérapeute consiste à rendre conscient, dans l’après-coup,
cette émergence en en acceptant la surprise et l’émerveillement.
Il se peut que la qualité ou l’adéquation des réponses du thérapeute se
révèlent insuffisantes. Il ne risque cependant pas forcément de compromettre
l’issue du traitement. Dans une rencontre qui procède par essais et erreurs, par
intuitions et égarements, il est inévitable que cela arrive. La relation est arti-
culée par des ruptures et des processus de correction et de réparation. Seule-
ment si l’inadéquation des réponses se produit trop souvent, les soins peuvent
devenir inutiles et nocifs en réactivant le dommage traumatique jusqu’à son
niveau neurobiologique, dommage pour lequel le sujet avait cherché un
remède.

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L’approche empathique
L’empathie est à la fois un mouvement pulsionnel, pré-réfléchi et une
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compétence de réélaboration de ce qui émerge dans l’immédiateté de la rela-


tion avec l’autre.
Nous faisons d’abord l’hypothèse que l’élaboration de l’émotion ne
dépend pas uniquement de la qualité de son émergence ni de celle de son arti-
culation aux représentations, mais de la réceptivité de l’autre à cet affect et à la
réponse que, dans la relation intersubjective, l’autre est capable de nous donner.
La dimension empathique qui nous habite est préprogrammée dans
nos gènes et inscrite dans notre biologie ; elle nous prend en même temps
qu’elle prend notre interlocuteur. Les émotions surgissent à notre insu, nous
laissant souvent impréparés à cet événement. Nous postulons que l’émotion
est au départ corporelle et que la réflexion suit dans l’après-coup.
Pouvons-nous opérer une distinction entre ce qui est automatique,
immédiat, spontané, pulsionnel et pré-réfléchi, comme une contamination
affective, de ce qui est intentionnel et réfléchi ?
L’effort de décoder sommairement ce qui est à l’œuvre de manière
mystérieuse et complexe dans la relation intersubjective peut être inscrit dans
une dimension intentionnelle réfléchie. Nous, les thérapeutes, faisons preuve
d’empathie lorsque nous rencontrons les personnes et lorsque nous accueillons
leur souffrance dans sa dimension pathique et dans sa valeur de vie.
Fait encore partie de la dimension intentionnelle l’action, de saisir les
moments d’authenticité qui émergent de manière inattendue et imprévisible
dans la relation et qui suscitent l’émerveillement.
110 Marco Vannotti & Roberto Berrini

Même si l’émotion émerge spontanément, pour approcher et compren-


dre le sujet de manière empathique, nous avons à mettre intentionnellement
en acte une intelligence de l’autre, de son vécu ; nous avons à nous interroger
sur la manifestation émotionnelle de notre interlocuteur et – d’ordinaire avec
plus de peine – à chercher à élaborer l’émotion par laquelle nous avons été
saisis.
Un tel processus est certes conditionné par les épreuves qui ont marqué
notre histoire et celle de notre famille. Ces manifestations dépendent en
somme de l’histoire et des expériences précoces inscrites dans le corps de
chaque membre du système en interaction et elles émergent en un moment
particulier dans l’interaction elle-même. Nous, les thérapeutes, assumons une
attitude authentiquement empathique dès lors que nous promouvons la recon-

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naissance du patient dans sa singularité, et dès que nous reconnaissons chez
nous-mêmes nos propres réactions émotionnelles.
Dans la relation de soins, nous entendons par empathie ce sens qui per-
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met au thérapeute à la fois de ressentir et de comprendre le mode de l’affec-


tion du patient en le mettant en relation au sien. L’exercice d’un tel sens de
l’empathie suppose l’aptitude du thérapeute à s’engager personnellement et à
répondre en son nom à celui qui lui confie sa souffrance, sa révolte ou sa
demande de soins (Vannotti, 2006). Lorsque nous comprenons avec empa-
thie, nous favorisons la construction d’une dimension fondamentale de la
relation, celle de sa fiabilité.

L’accueil
Pour Roustang (2002), la relation thérapeutique ne serait pas le lieu du
soin, mais le soin lui-même, ainsi que la seule source de changement. Elle
serait également l’actualisation de la singularité du patient, de par la prise en
compte de la totalité de sa personne. Pour cet auteur, cette posture serait une
manière d’approcher le « facteur thérapeutique non spécifique », ce « quelque
chose d’insaisissable qui circule entre un thérapeute et son patient 9». Pour
lui, chaque thérapeute pourrait faire le constat que ni sa personnalité ni ses
caractéristiques propres ne sont en jeu, mais les dimensions humaines qu’il
incarne, et qui constitueraient le fondement du soin (Jobin, 2009).
Pendant les séances de thérapie, le patient (et le cas échéant, les mem-
bres de sa famille), expérimente dans son propre corps la valeur d’un milieu

9 Roustang (2002)
L’essence relationnelle 111

protecteur, d’un encadrement sûr qui l’aide à se situer sans honte avec ses
propres vulnérabilités et à faire valoir ses propres ressources. Mais de quelle
manière accueillir avec bienveillance la vulnérabilité du patient ? Comment
lui apprendre à avoir confiance en ses propres ressources ?
Il y a certes une condition préalable : celle de comprendre la souf-
france, la douleur qui ont marqué le patient dans la texture de son corps, dans
le déroulement de son histoire. Le thérapeute, à travers l’accueil de la dimen-
sion pathique de son patient, amène celui-ci à considérer sa vulnérabilité non
pas comme une blessure innommable, mais plutôt comme l’une des caracté-
ristiques de la condition humaine.
Un tel accueil constitue l’une des tâches majeures du thérapeute. Il

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s’inscrit dans un paradigme de la responsabilité, qui puise ses sources dans
l’œuvre philosophique de Jonas et de Lévinas. La perspective éthique que
l’on préconise a d’importants retentissements sur le plan de l’intervention
(Benaroyo, 2006). Elle implique notamment que le thérapeute, renonçant à se
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réfugier à l’égard des patients dans une position de puissance de soignant,


développe des facultés d’accueil pour participer, comprendre – au sens phé-
noménologique du mot – la souffrance du patient ; pour l’encourager dans
son parcours thérapeutique, pour mieux en prendre soin.
Un tel chemin exige une deuxième condition : celle de travailler sur les
ressources. Stern estime que les thérapeutes sont formés pour devenir des
experts dans l’identification, la classification et la compréhension de tous les
types de psychopathologies. Au contraire, dit Stern, ils ne possèdent pas une
terminologie codifiée et significative pour les aspects positifs de la vie et doi-
vent recourir aux vertus classiques présentes dans nos cultures. Celles-ci ont
toujours existé, même en l’absence de la psychologie : le courage, l’honnê-
teté, la curiosité, la persévérance, le sens de l’humour et, ajoutons-nous,
l’esprit de solidarité et un solide sentiment de responsabilité. Au fond, Stern
nous invite à considérer que même la grave souffrance d’un sujet délirant est
une expression de vie, de désir de rapprochement et de relation. Si, à la place
de l’accueillir pour ce que ce symptôme est, nous sommes obnubilés par le
besoin de formuler un diagnostic, de définir le type de psychopathologie,
nous ne nous approchons pas de la personne, mais au contraire, nous la réi-
fions comme étant différente de nous, nous thérapeutes apparemment sains.
Les manifestations pathiques que nous rencontrons lors du traitement
d’un patient grave ne devraient plus être seulement perceptibles comme un
déficit d’existence de l’individu, mais elles seraient mieux comprises dans
112 Marco Vannotti & Roberto Berrini

une perspective relationnelle élargie. En allant encore plus loin : “il y a, en cli-
nique, toute une attention à avoir, toute une pratique à exercer pour soigner
la vie psychique à ce niveau de perturbation qui est si proche du phénomène
de la vie comme telle” (Gennart, 2008).

Conclusion

Nous avons vu que le développement des phénomènes mentaux est en


lien avec les modalités à travers lesquelles se forment et se généralisent les
schèmes relationnels unissant l’enfant aux figures d’attachement, aux per-
sonnes qui l’entourent, le soignent et y prêtent attention. Si nous avons fait ce
lien entre l’expérience sociale, relationnelle et le fonctionnement mental,

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l’inverse pose quelques problèmes en raison de la complexité des éléments
qui interférent dans la construction de la relation.
La compréhension du fonctionnement neurobiologique des relations
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humaines peut-elle vraiment contribuer à penser différemment l’exercice de


la psychothérapie ? Il s’agit là d’une question qui interpelle enseignants et
formateurs. Nous croyons que le psychothérapeute peut bien se représenter le
cerveau du patient, mais cela ne peut pas vraiment l’aider à faire son travail.
Une telle préoccupation pourrait même le distraire de la rencontre avec la
subjectivité de l’autre. Lorsqu’il cherche à se “syntoniser avec l’esprit (au
sens de mind) du patient”, il tente de comprendre la manière particulière de ce
dernier de souffrir et de désirer, de dominer ou de se soumettre, mais il ne
réfléchit pas spécialement au fonctionnement de ses réseaux neuronaux.
Nous postulons pourtant que la connaissance des corrélats neurobiolo-
giques des schèmes relationnels du patient (Siegel, 2001) peut se révéler
d’une certaine aide pour l’accomplissement d’un travail psychothérapeutique
phénoménologiquement fondé.
Quels rapports pourraient-ils exister alors entre les récentes acquisi-
tions de la neurobiologie et le modèle relationnel et psychothérapeutique qui
s’inspire de la phénoménologie ?
La réponse s’esquisse en suivant trois plans. Le premier serait celui de
la “normalité” des processus pathologiques ; le deuxième celui de la simila-
rité et de l’intersubjectivité ; le troisième celui du temps.
La perspective phénoménologique invite d’abord le thérapeute à
renoncer à une représentation déficitaire de l’autre, marquée entre autres par
une altération biologique de son fonctionnement mental. Et peu importe si
L’essence relationnelle 113

une telle altération est génétiquement déterminée ou si elle est la conséquence


d’interactions répétitivement négatives avec l’environnement. L’étroite
interdépendance entre expérience existentielle et ajustements synaptiques
fait référence à un modèle de développement normal.
En deuxième lieu, la notion de similarité, comme présupposé pour la
compréhension entre les êtres humains, s’enrichit d’aspects d’une plus
grande spécificité. En effet, ce n’est pas seulement la conviction que nous
sommes faits d’une même matrice organique qui nous permet d’approcher le
vécu de l’autre. Pour que nous puissions, dans notre itinéraire personnel,
apporter au patient notre solidarité dans un sentiment de compassion pour sa
souffrance inscrite dans son itinéraire personnel, il faut d’abord que nous
soyons mû par une expérience qui nous enseigne que nous sommes menacés

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sur un plan existentiel, par les mêmes risques.
Les composantes innées, pré-câblées de notre substrat neuronal con-
tiennent des principes régulateurs spécifiques qui interagissent continuelle-
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ment avec ceux de l’autre. Ces phénomènes régulateurs partagés et mutuels


sont rendus possibles par la nature même des cellules nerveuses (p.ex. les
neurones miroirs) et par leur manière de s’ajuster par rapport aux stimuli rela-
tionnels (p.ex. plasticité neuronale).
C’est un pas en avant dans la connaissance de la nature intime de l’être
humain qui accroît la conscience de l’appartenance commune à une même
humanité dans une profonde identité et en constant commerce avec l’autre.
C’est la voie empruntée par le psychothérapeute dans la construction d’un
lien visant le changement qui se révélera forcément réciproque.
En troisième lieu, la connaissance du fonctionnement neuronal du
patient met en avant la nécessité du temps et de l’intensité émotionnelle dont
les soignants et les soignés ont besoin pour l’avancement du processus théra-
peutique. Dans cette optique, les résistances, les défenses, les rechutes peu-
vent être comprises non seulement par rapport à leur signification psychique
de stratégies d’évitement de la conscience et de la douleur, mais elles peuvent
encore être saisies à la lumière de leur substrat biologique.
Enfin, nous avons avancé que la recherche de l’authenticité, l’accueil
de la souffrance d’autrui, l’émergence de moments de rencontre, l’approche
empathique, sont autant de moments qui nous indiquent comment une appro-
che phénoménologique ne peut se baser ni sur la communication verbale, ni
sur celle non verbale, mais sur le partage d’un vécu qui apparaît dans un
moment particulier et qui résonne et s’amplifie chez le thérapeute en fonction
de sa propre histoire.
114 Marco Vannotti & Roberto Berrini

La composante implicite de la mémoire relationnelle ne peut pas être


approchée uniquement par un processus d’introspection. Le problème exis-
tentiel du patient n’est pas inscrit dans un code crypté qui nécessite de trouver
une clef de traduction dans des mots compréhensibles. L’accent mis sur
l’expérience réciproque s’offre à une conception du patient comme malade
mental et, comme tel, prêt à répondre à la magie de l’introspection.
Non, c’est vraiment une rencontre intersubjective, inter-corporelle, qui
peut amener vers un processus de co-construction mutuelle. La tâche du thé-
rapeute est celle de favoriser un échange humain tout au long du processus
thérapeutique. Ce processus au sein d’une relation thérapeutique rigoureuse
peut conduire, avec le temps, à modifier d’une manière significative le vécu
des expériences et leur fondement neurobiologique chez tous les sujets en

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présence, et donc aussi chez le thérapeute.
Ce postulat implique une responsabilité supplémentaire pour les
thérapeutes : celle d’évaluer en eux-mêmes la croissance de la dimension de
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l’être favorisée par le travail thérapeutique. Cela revient à dire la responsabi-


lité pour le thérapeute de parcourir avec le patient un cheminement lent et
escarpé vers l’accomplissement de sa propre existence. 10

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10 Nous remercions chaleureusement les personnes qui ont relu le manuscrit et qui
nous ont fait bénéficier de leurs critiques et de leurs encouragements : M. Gennart,
C. Marin, Z. Stokart.
L’essence relationnelle 115

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