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THÉRAPIE DE GROUPE SYSTÉMIQUE EN ONCOLOGIE: FAIRE FACE

À LA CRISE RELATIONNELLE
Sophie Beugnot et Linda Roy

De Boeck Supérieur | « Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de


réseaux »

2009/2 n° 43 | pages 239 à 259


ISSN 1372-8202
ISBN 9782804102555
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familiale-2009-2-page-239.htm
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Thérapie de groupe systémique en oncologie:
faire face à la crise relationnelle 1
Sophie Beugnot 2 & Linda Roy 3

Résumé
Le cancer bouscule l’arrangement relationnel des patients et de leurs pro-
ches. Rappel implacable des exigences de la condition humaine, la maladie grave

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se pose en assemblage avec une histoire et un contexte singulier. Quand la menace
et l’incertain surgissent et se font insistants, l’attente bien légitime d’être accueilli,
entendu et rassuré est exacerbée. Cette expérience de vie rappelle l’importance du
partage, du soutien et de la solidarité humaine. Les auteurs décrivent une inter-
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vention de groupe et les outils proposés aux participants afin de soutenir la per-
sonne atteinte de cancer et ses proches lors de cette période de perturbation.

Abstract: Systemic group therapy and oncology: confronting relatio-


nal crisis
Cancer perturbs the relational arrangement of patients and their relatives.
Implacable reminder of the human condition’s requirements, the serious illness
relies on a specific history and a singular context. When the threat and the uncer-
tainty appear and became insistent, the legitimated expectation to be welcomed,
heard, and reassured is exacerbated. This life experience reminds us of the impor-
tance of sharing, supporting and displaying human solidarity. The authors describe
a group intervention and the tools proposed to the participants to support the can-
cer patient and his/her relatives during this period of perturbation.

Mots-clés
Cancer – Groupe thérapeutique – Approche systémique – Turbulence rela-
tionnelle.

Key words
Cancer – Therapeutic group – Systemic approach – Relational turbulence.

1 Les auteurs remercient Pierre Asselin, Jean-Pierre Gagnier, Suzanne Mongeau et


Johanne Poitras d’avoir généreusement accepté de lire et commenter ce texte avant
publication.
2 Docteur en psychologie, Centre Intégré de cancérologie en Montérégie, Canada.
3 Travailleuse sociale, thérapeute conjugale et familiale, Centre Intégré de cancérolo-
gie en Montérégie, Canada.

DOI: 10.3917/ctf.043.0239
240 Sophie Beugnot & Linda Roy

Introduction

Les personnes atteintes de cancer témoignent du désarroi que suscite


l’arrivée de la maladie dans leur vie. Le diagnostic de cancer bouscule le quo-
tidien des personnes atteintes, les confrontant, entre autres, à une période de
grande incertitude. Dès ce moment, les points de repères familiers sont perdus
et l’inconnu s’installe. Même la façon de se relier les uns aux autres est remise
en question et un malaise apparaît souvent autour de ce qu’il est permis de
dire, de demander, ou d’attendre entre les patients et les proches.
L’expérience de la maladie, telle que le cancer, peut donc parfois pro-
pulser les personnes atteintes et leurs proches dans une crise relationnelle
(Duhamel, 2007; Gagnier et Roy, 2006, 2009). Ainsi, avec les changements

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liés à la maladie, tels que la capacité à assumer les rôles habituels ou la perte
d’autonomie face aux proches, les patients et ceux-ci sont amenés à remettre
en question leurs modes de fonctionnement habituels. Ces changements ont
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aussi un impact sur les réactions des proches qui tentent de s’y adapter ou de
préserver le fonctionnement perçu comme satisfaisant avant la maladie.
Combien de ces personnes ont exprimé leur difficulté à accepter de recevoir
des soins de leurs proches alors qu’ils assument normalement ce rôle? Com-
bien disent vivre avec tension le rapprochement familial provoqué par le dia-
gnostic après une vie passée à tenter d’établir des frontières sécurisantes avec
leur famille d’origine.
La maladie induit, selon Murray Bowen (1978), une onde de choc au
sein du système familial. Ceci peut entraîner une remise en question des
règles familiales établies et répétées, entre autres, au-delà de la famille d’ori-
gine. C’est un temps de crise qui déclenche une réflexion sur les enjeux liés
à la différenciation 4 et qui ouvre la possibilité d’un réaménagement des liens
permettant ainsi de s’écarter des répétitions intergénérationnelles.
À titre de cliniciennes oeuvrant dans le service d’oncologie d’un centre
hospitalier, nous avons donc souhaité développer une intervention psycho-
thérapeutique aidant les personnes atteintes de cancer à mieux composer avec
la crise et les enjeux de relation et de différenciation qui apparaissent. Nous
avons choisi une approche de groupe et le modèle théorique systémique pour

4 Ce concept caractérise les personnes selon leur degré de fusion ou de différenciation


de leur fonctionnement émotif et de leur fonctionnement intellectuel. Cette caracté-
ristique est si universelle qu’elle peut être utilisée pour ranger tous les êtres humains
selon un même continuum. » (Bowen, 1978-1984).
Thérapie de groupe systémique en oncologie: faire face à la crise relationnelle 241

soutenir les personnes atteintes et leurs proches dans leur quête de nouvelles
façons de se relier les unes aux autres.
Dans ce texte, nous élaborerons dans un premier temps le cadre de
l’intervention mise en place avec les personnes atteintes et les membres signi-
fiants de leur vie. Dans un second temps, nous préciserons les raisons qui
nous ont conduites à privilégier l’approche systémique et l’intervention de
groupe. Nous décrirons ensuite les thèmes abordés durant chaque rencontre
en éclairant les aspects théoriques par le recours à des vignettes cliniques.

Le cadre

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L’intervention systémique de groupe est offerte à tous les patients en
oncologie et leurs proches, individuellement ou ensemble. Certains proches
de personnes atteintes ont ainsi fait le choix d’assister au groupe malgré
l’absence du patient atteint de cancer, de même que certains patients partici-
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pent au groupe sans être accompagnés par un membre de leur réseau. Les
patients sont informés de la tenue du groupe par tous les membres de l’équipe
d’oncologie, en particulier par les infirmières qui ont un lien étroit avec eux
et par les bénévoles. Ils peuvent s’inscrire sans évaluation préalable. L’inter-
vention s’échelonne sur six rencontres de quatre-vingt-dix minutes et est
habituellement offerte à un maximum de six à huit personnes à la fois. Ce
nombre restreint de participants permet aux deux animatrices (une travailleuse
sociale et une psychologue) d’accorder un temps suffisant à chacun pour
explorer leur histoire singulière.
Chaque séance est consacrée à l’exploration d’un thème particulier
visant à cerner la structure et la nature des liens et à mieux comprendre le ter-
rain émotionnel, relationnel et le contexte dans lequel la maladie est apparue.
Cette organisation autour de thèmes agit par ailleurs comme contenant dans
le contexte anxiogène de la confrontation à la maladie et comme condition
structurelle favorable aux échanges menés dans le groupe. Des outils de tra-
vail sont utilisés pour faciliter l’exploration de ces thèmes avec les patients.
Les animatrices travaillent en groupe avec chaque individu tour à tour au
sujet du thème de la rencontre et guident les échanges qui en découlent. Le
rôle des animatrices est de proposer les exercices, de poser des questions per-
tinentes au thème et d’offrir des pistes de réflexion pour chacun selon l’his-
toire qui émerge, en respectant son souhait de parler ou non. Elles sont
soucieuses par ailleurs de mesurer l’intensité des retombées de ce qui est dis-
cuté en permettant au début des rencontres de faire un retour sur les réflexions
242 Sophie Beugnot & Linda Roy

de chacun entre les séances. Dès la formation du groupe les intervenantes pré-
cisent les règles de fonctionnement et commentent la question de ce qui doit
être dévoilé au groupe. Bien que les animatrices puissent, lors des exercices,
inviter parfois les participants à parler, et ce, évidemment sans les contraindre
aucunement, nous insistons sur le fait qu’à tout moment, chacun peut décider
de garder privé des éléments de vie.

L’approche systémique

L’approche systémique est une approche globale qui tente de saisir un


phénomène ou symptôme dans sa complexité en le situant dans son contexte.
Elle s’intéresse aux conduites et réactions des individus non seulement

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comme résultantes d’un phénomène intrapsychique mais aussi comme liées
au contexte relationnel dans lequel ils évoluent. Ainsi, les règles et modes de
fonctionnement au sein du système relationnel se construisent à partir des
interactions des individus qui constituent ce même système, chacun mettant
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à l’avant, dans la relation avec l’autre, des finalités individuelles évoluant


dans le temps. Les symptômes peuvent ainsi être compris comme étant des
signaux de malaise à la fois de l’individu et du système relationnel, et à l’inter-
section de ce qui se joue entre l’individu et son contexte (Elkaïm, 1989, 1995).
Dans cet écrit, nous parlons de symptôme pour faire référence à l’ensemble
des comportements et réactions des individus et non pour parler de la maladie
du cancer.
La maladie, comme l’exprime Salvador Minuchin (Minuchin et al.,
1978), est « un défi à notre expérience quotidienne ». L’approche systémique
offre une porte d’entrée particulière pour aider les personnes atteintes à com-
prendre ce que la maladie provoque comme tensions et changements dans
leurs relations. La structure familiale et celle du réseau primaire élargi font
l’objet d’une désorganisation (plus ou moins contenue ou exprimée) des
modes de relation établis antérieurement. Ce phénomène est souvent vécu
avec angoisse par les patients et leurs proches. Par l’exploration des liens et
des règles familiales, les personnes atteintes et leurs proches peuvent donner
sens aux tensions relationnelles et aux remises en question vécues suite à
l’annonce du diagnostic ou en cours de traitement, et ainsi réfléchir aux choix
et stratégies qui s’offrent à eux pour mieux composer avec ces changements.
L’approche systémique vise aussi à mieux cerner les réactions ou comporte-
ments de chacun dans le contexte de la maladie et du système familial et à
faire ressortir l’aspect adaptatif de certains symptômes au sein du système.
Ainsi, un regard systémique sur le développement d’une phobie scolaire chez
Thérapie de groupe systémique en oncologie: faire face à la crise relationnelle 243

l’enfant d’un parent malade peut interroger l’utilité de ce symptôme pour


l’enfant qui cherche peut-être à rester proche et à prendre soin de son parent
malade. Construire des hypothèses sur le sens et la fonction du symptôme et
des réactions des patients et/ou de leurs proches dans le contexte du système
mis en crise par la maladie, permet d’intervenir et de soutenir un assouplisse-
ment essentiel à une meilleure adaptation et à un apaisement de l’angoisse.
Pour le patient et les proches, le désir de trouver un sens aux expérien-
ces affectives et relationnelles qui apparaissent lorsqu’une crise telle que la
maladie survient est intense. Ainsi, le groupe d’approche systémique vise
aussi à aider le patient et ses proches à comprendre la crise dans le contexte
spécifique du patient et de sa famille. Cependant, nous précisons dès la pre-
mière rencontre du groupe que cette exploration du contexte relationnel dans

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lequel les personnes évoluent ne suggère aucunement qu’un lien de cause à
effet simple existe entre le cancer et les relations ou tensions du patient avec
les membres de son réseau ; nous comprenons le cancer comme une maladie
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multidimensionnelle et il est difficile d’isoler des causes spécifiques pour sai-


sir cette maladie malgré les nombreuses recherches menées à ce sujet (Servan-
Schreiber, 2007; Stewart & Kleihues, 2003). Même si plusieurs recherches
récentes et validées indiquent que la diminution du stress et l’adoption de sai-
nes habitudes de vie auraient des effets positifs appréciables sur le système
immunitaire, méfions-nous de l’idée selon laquelle il suffirait de puiser en
soi, de vouloir guérir et de pacifier sa vie pour survivre à un cancer. Tant
mieux si le cheminement intérieur et la guérison de l’âme font naître l’espoir,
la mobilisation et un mieux être global chez certains patients (Gagnier & Roy,
2006). Le fait d’énoncer cette prise de position permet souvent aux patients et
à leurs proches de clarifier les agendas de guérison qui reposent sur ce travail
sur soi et sur ses relations, de les aider à composer avec l’impuissance et la
perte de sens vécue face à la maladie et de travailler à trouver l’équilibre sou-
haité entre préserver ou modifier certains liens tout en revendiquant un espace
d’autonomie souvent ressenti comme essentiel durant la maladie. L’objectif
de l’intervention est de tenter de saisir les réactions des uns et des autres
durant la crise de la maladie et de faciliter les changements qui s’imposent et
ce, en les éclairant de leur contexte : quelles sont les règles qui existaient au
sein des systèmes avant la maladie? Comment ces règles sont-elles bousculées
par la maladie? Et que signifient les changements pour les uns et les autres dans
ce contexte?
De plus, nous croyons que de soutenir l’adaptation du patient et de ses
proches aux changements inévitablement mis en branle par la maladie, faci-
lite la traversée des transitions. Lorsque par exemple, l’épisode de soin est
244 Sophie Beugnot & Linda Roy

terminé, et qu’ainsi survient le moment du retour à la vie quotidienne, le


patient et ses proches pourront profiter des acquis d’expérience et de solida-
risation pour migrer du réseau médical vers le réseau familial et social.

L’approche de groupe

L’objectif de l’intervention de groupe telle que nous l’avons mise en


pratique était d’utiliser les forces du processus de groupe pour faciliter le tra-
vail spécifique de chacun dans son système familial et social. La validation et
le renforcement mutuels qui prennent place entre les participants sont des
aspects importants du groupe, qui potentialisent le cheminement individuel
des participants et qui facilitent l’assouplissement des tensions individuelles

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face au changement. Par exemple, la difficulté d’individuation est souvent
apparue comme un thème commun aux participants. En effet, la crise de la
maladie active fréquemment des enjeux de différenciation soit qu’elle ampli-
fie le besoin d’exister pour soi, ou paradoxalement, le besoin de fusion. Ainsi,
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nous avons pu observer le pouvoir du groupe pour stimuler le processus de


différenciation, les uns et les autres se renforçant mutuellement dans leur ten-
tative de se démarquer par de nouveaux comportements, même lorsque ceux-
ci bousculent les règles établies au sein du système familial. En résumé, le
groupe permet aux participants d’être en contact avec des réactions éloignées
de leurs propres stratégies, ce qui stimule le processus de différenciation sou-
vent déjà amorcé. Selon Murray Bowen, le plus grand avantage de la thérapie
de groupe est le fait qu’elle puisse être utilisée pour un travail thérapeutique
à court terme. Aussi, « dans les années 1990, John Rolland, l’un des pion-
niers de la thérapie familiale médicale, préconise le regroupement de familles
vivant des maladies différentes mais avec le même type d’exigences psycho-
sociale… L’intérêt du modèle systémique de santé et de maladie de Rolland
est d’insister sur les adaptations réciproques entre la maladie avec ses caracté-
ristiques psychosociales singulières, le patient avec son histoire et son organi-
sation psychique, et la famille avec ses propres processus intergénérationnels,
son fonctionnement actuel et son système de croyance… » (Cook-Darzen,
2007)
De plus, le groupe constitue un terrain relationnel où chacun rejoue ses
propres règles familiales tout en offrant la possibilité qu’elles se modifient ou
s’assouplissent. Ainsi, il offre un milieu propice pour pratiquer le change-
ment, entre autres, celui d’assumer son unicité tout en appartenant au groupe.
Et enfin, grâce aux réflexions et expériences relationnelles qui s’inscrivent
entre tous ses membres, un sentiment de solidarité se crée. Ceci a pour effet
Thérapie de groupe systémique en oncologie: faire face à la crise relationnelle 245

de faciliter et soutenir le travail singulier de chacun dans la période de chan-


gement que traversent tous ceux qui appartiennent à un réseau familial bous-
culé par la maladie.
L’intensité du processus de groupe dans lequel se revivent les enjeux
relationnels des participants nécessite par ailleurs un cadre clair et sécurisant.
C’est pourquoi, nous choisissons de travailler autour de thèmes spécifiques
en offrant un contenant, celui d’outils pratiques qui guident le travail indivi-
duel à chaque rencontre. Ceci rassure les participants souvent habités par la
peur du débordement affectif que pourrait déclencher le travail en groupe.
L’exemple qui suit en témoigne.
L’approche de groupe a été bénéfique pour Jacqueline, une jeune

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patiente de 27 ans, atteinte d’un cancer du sein, qui se présente avec sa mère
Madeleine. Jacqueline nous avise dès la première rencontre qu’elle ne par-
lera pas. Nous l’avons donc accueillie en lui proposant de participer en
silence tout en travaillant sur les exercices. Nous nous questionnons alors sur
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la loyauté invisible qui empêche Jacqueline de parler librement en présence


de sa mère et sur les motifs de changement qui l’amènent malgré tout à par-
ticiper au groupe. Graduellement, en travaillant l’élaboration de son propre
génogramme et en écoutant sa mère raconter son histoire familiale, Jacque-
line commence à s’ouvrir sur sa difficulté à se séparer de ses parents. C’est
tout d’abord en parlant de la manière dont la maladie l’a contrainte à retour-
ner habiter chez eux, qu’elle élabore sur maintes tentatives de départ de chez
ses parents avant la maladie. Les conflits entre elle et son père l’aidaient à
s’éloigner alors que son désir de prendre soin de sa mère la ramenait sous
des prétextes de soucis financiers ou d’attaques d’anxiété incontrôlables.
Au cours des rencontres, les questions et expériences similaires par-
tagées par d’autres participants facilitent pour Jacqueline son travail de
séparation de ses parents et allègent son sentiment de culpabilité à l’idée
« d’abandonner » sa mère. Ainsi, Jacqueline écoute attentivement les propos
de Geneviève, une autre participante, qui nous parle de ses efforts de longue
date et avec un soutien psychologique, de se séparer de son père déprimé et
lâcher prise sur le besoin de l’encourager constamment. Cette distance pro-
tectrice conquise par Geneviève avec son père, validée et renforcée par les
animatrices et les autres participants, est aussi celle recherchée par Jacque-
line. Celle-ci intègre donc graduellement le droit à ce même espace et évolue
enfin vers sa propre autonomie par rapport à sa mère.
Grâce aux révélations d’une autre patiente qui a grandi avec un
parent alcoolique, Jacqueline nous parle de son secret familial, celui du père
246 Sophie Beugnot & Linda Roy

colérique qui boit trop et de qui elle pense devoir protéger sa mère en restant
là, entre les deux. Avec les encouragements bienveillants de sa mère et ceux
des participants du groupe eux-mêmes aux prises avec des enjeux de différen-
ciation, elle apprivoise avec délicatesse les enjeux de son désir d’autonomie
et réalise les ressources de sa mère qui compose très bien avec les emporte-
ments de son père. À la dernière rencontre, Jacqueline nous annonce qu’elle
déménage de chez ses parents et sa mère lui exprime tendrement : « je suis
heureuse de te voir faire ta vie, et moi la mienne ». Cette mère a aussi saisi
au sein du groupe le sens des choix que sa fille tentait de faire, ce qui les a
rendus moins tragiques pour elle-même comme mère.
Pour Jacqueline et sa mère, le dialogue avec les autres participants a
contribué à identifier leurs enjeux communs comme celui de devoir prendre

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soin et protéger, même au prix du bien-être individuel. De plus, le secret
familial de l’alcoolisme du père a été dévoilé grâce à une autre participante
qui avait elle-même connu ce problème.
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Un regard sur l’histoire familiale

Murray Bowen (1978) a développé une conception des systèmes fami-


liaux à partir de diagrammes tri-générationnels annotés et nommés géno-
grammes. Il a ainsi contribué à mettre en relief la manière dont les problèmes
et symptômes peuvent être des tentatives d’adaptation à un moment particu-
lier de la vie.
Selon McGoldrick & Gerson (1990) qui ont formalisé la pensée de
Murray Bowen, le génogramme est une illustration graphique de la famille
qui permet d’obtenir une image rapide de la complexité des liens. Le géno-
gramme offre un moyen simple de saisir l’histoire de la famille nucléaire et
de la famille d’origine en mettant en évidence les relations entre les diverses
personnes qui les composent. Il permet d’appréhender une riche source
d’hypothèses qui relient un problème clinique au contexte individuel familial
et social et de faire en sorte que la maladie ne soit plus uniquement considérée
comme un simple corps à réparer; au contraire, le génogramme permet de
récupérer le sens global de l’expérience de la maladie, une personne à soigner
(Onnis, 1989). Par exemple, il fait ressortir les transmissions intergénération-
nelles, les phénomènes de répétitions, et les règles familiales sous-jacentes
aux frontières et aux alliances au sein de la famille. McGoldrick & Gerson
(1990) définissent six composantes, reliées les unes aux autres, qui consti-
tuent les différents angles de prise du génogramme : la structure familiale, les
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cycles de vie, les modèles répétitifs, le fonctionnement familial, les modèles


relationnels et les triangles, l’équilibre et les déséquilibres familiaux.
La première rencontre du groupe est donc vouée à l’élaboration du
génogramme avec chaque participant. Lorsque plusieurs personnes d’une
même famille sont présentes, chacune est invitée à faire son génogramme
selon son expérience personnelle du vécu de sa famille. Les informations
recueillies grâce à cet outil précieux seront utilisées tout au cours des rencon-
tres pour décrire l’histoire du patient et de ses proches et comprendre le con-
texte relationnel dans lequel la maladie s’inscrit. Les participants construisent
donc leur génogramme avec l’aide des animatrices et grâce aux outils expli-
catifs fournis. Ils sont ensuite invités à décrire leur histoire familiale dans

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leurs propres mots et en respectant leur choix de ce qu’ils désirent livrer ou
non.
Le génogramme permet de prendre en compte les évènements mar-
quants (décès, naissances, accidents, maladies) de l’histoire de la personne et
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de sa famille d’origine. Ceux-ci peuvent être mis en relation avec la façon


dont est vécue la maladie. Ainsi, l’utilisation de cet outil clinique permettra
tout au long des rencontres d’apporter des clarifications aux difficultés rap-
portées à partir des hypothèses alors élaborées. En quoi les difficultés singu-
lières de chacun dans la maladie sont-elles reliées à leur histoire? Peuvent-ils
se défaire de rôles établis ou de certaines règles afin de mieux préserver leur
énergie pour composer avec les changements provoqués par la maladie?
Julie, en rémission d’un cancer du sein, nous décrit son histoire. Sa
mère décède à sa naissance, son père se remarie assez rapidement à la cou-
sine de sa mère et peu est dit par la suite sur le décès. Le lien de parenté entre
la mère de Julie et la nouvelle épouse de son père est connu de tous mais reste
un sujet tabou dans la famille et dans la petite communauté. Julie apprend
vite que le silence doit protéger les secrets de famille et taire les pertes dou-
loureuses. Le lien avec sa belle-mère sera donc, pour Julie, vécu dans l’ambi-
valence. Tiraillée entre deux sentiments contradictoires, elle tente de protéger
la place affective de sa mère biologique d’une part, et de reconnaître la géné-
rosité de sa belle-mère envers elle ainsi que son besoin d’une mère, d’autre
part.
En réfléchissant à ces évènements marquants de son histoire, Julie
comprend mieux sa difficulté à nommer la souffrance associée à la maladie
qu’elle traite comme un nouveau secret à ne pas divulguer. Elle prend cons-
cience aussi de la tristesse qu’elle ressent face au besoin de se faire materner
248 Sophie Beugnot & Linda Roy

dont elle se coupe constamment, répétant ainsi son lien distant avec sa belle-
mère par loyauté envers sa mère biologique. Elle dit aussi mieux saisir sa ten-
dance à repousser tout le soutien offert au cours de la maladie par son mari
et ses fils. Touchée par sa loyauté à la règle familiale de taire les pertes et
envers sa mère biologique à qui elle attribue seule le droit de la materner, elle
peut maintenant trouver un sens à ses réactions affectives et relationnelles à la
maladie. Cette compréhension sera un point de départ pour que Julie apprenne
que ses besoins d’affection et de soutien, validés comme légitimes, n’ont pas
à être vécus comme une menace envers son lien de loyauté envers sa mère
biologique et sa mère d’adoption.

La cohésion familiale et l’adaptabilité

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Au cours des deux rencontres suivantes, les participants sont invités à
décrire la structure familiale que nous explorons selon les deux dimensions
du modèle d’Olson et al. (1979), soit celles de l’adaptabilité et de la cohésion.
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L’adaptabilité est définie comme étant la capacité d’un système fami-


lial ou conjugal à changer sa structure de pouvoir, ses rôles, et ses règles, en
réponse à des stress développementaux ou situationnels. Sur l’axe de l’adap-
tabilité, une famille peut se situer entre deux positions extrêmes allant du
rigide au chaotique, selon la rigidité ou la souplesse avec laquelle les liens sont
organisés autour, entre autres, des règles familiales, des rôles ou du processus
de prise de décision. Cette structure familiale aura d’ailleurs un impact sur sa
capacité à se réorganiser avec plus ou moins de flexibilité autour du change-
ment (étapes de vie de la famille, évènements marquants). Ainsi, avec l’arri-
vée de la maladie qui bouscule la façon habituelle de s’organiser, les patients
et leurs proches sont amenés à réfléchir à la manière dont le contexte familial
d’origine ainsi que celui de la famille actuelle influencent les réactions de
chacun (opposition rigide ou réorganisation flexible).
Jeanne nous parle de son expérience familiale qu’elle caractérise
comme plutôt rigide selon les critères du modèle d’Olson. Les rôles familiaux
de chacun des membres étaient déterminés par le rang dans la fratrie et le
sexe. Ainsi, étant l’aînée, elle devait prendre soin de ses frères et sœurs cadets
et, plus tard, assumer le rôle de « bâton de vieillesse » pour ses parents. Ses
frères avaient reçu le rôle de pourvoyeurs et contribuaient au fonctionnement
de la ferme familiale, alors que ses sœurs faisaient le ménage ou gardaient
des enfants dans d’autres familles. Malgré les compétences ou intérêts diver-
gents de chacun, les rôles attribués étaient tenus fermement. Jeanne a d’ailleurs
Thérapie de groupe systémique en oncologie: faire face à la crise relationnelle 249

fait preuve d’une grande loyauté envers ces règles de fonctionnement fami-
lial, jusqu’au décès de ses parents dont elle avait pris soin.
Elle se marie tardivement à un agent de voyage, cadet d’une fratrie de
quatre et qui, venant d’une famille plutôt flexible, n’a que faire des rôles ou
règles établies; d’ailleurs, depuis longtemps, celui-ci s’emporte quand Jeanne
manifeste une difficulté à laisser aller certaines responsabilités, en particu-
lier face à sa fratrie. Jeanne nous exprime qu’étant malade et souffrant de
beaucoup de fatigue, elle se sent tiraillée entre son désir de maintenir son
rôle habituel d’aidante auprès de sa fratrie et celui, encouragé par son mari,
de penser à elle. Elle ressent la tension de ses frères et sœurs devant une aînée
qui, dans leur vision, ne tient plus la fonction attendue. C’est en explorant la
structure familiale que Jeanne donne sens à ses difficultés et réfléchit à la

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manière de parler avec sa fratrie de la tension engendrée par sa tentative de
se différencier des rôles établis. Elle peut aussi comprendre et vivre plus serei-
nement autant les pressions de sa fratrie que celles opposées de son mari face
à ses responsabilités de sœur aînée. Elle est par ailleurs sensibilisée par une
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participante du groupe, au danger que son mari soit perçu comme le


« méchant » ou « l’empêcheur » d’assumer des rôles familiaux habituels, ce
qui pourrait étonnamment amplifier sa propre tendance à se rallier à sa fratrie.
La cohésion familiale selon le modèle d’Olson se définit comme la
résultante du lien émotionnel qui relie les membres de la famille et le degré
d’autonomie permis pour chacun. Ainsi, les liens familiaux peuvent être qua-
lifiés entre deux extrêmes : des relations enchevêtrées, très proches, qui offrent
beaucoup de soutien mais laissent peu de place à l’autonomie, et des relations
désengagées qui offrent peu de soutien, mais favorisent une grande autono-
mie des membres de la famille distants les uns des autres. Les concepts de
frontières familiales, d’indépendance, de coalitions parents-enfants sont dis-
cutés pour aider chacun des participants à se situer sur cette dimension. Le
thème de la différenciation si chère à Murray Bowen est repris par le biais du
travail sur la dimension de la cohésion.
L’arrivée de la maladie peut affecter le degré de cohésion des liens tout
comme celui-ci peut aussi influencer la façon dont le patient et ses proches
réagissent à la maladie. Ainsi, de nombreux patients décrivent les tensions
familiales causées par leur besoin de ré-évaluer leurs priorités suite à la mala-
die et d’apprendre à « vivre pour soi ». Pourrait-on qualifier ces tensions de
crise de différenciation? À l’opposé, nos patients venant de familles plutôt
désengagées nomment parfois leur désarroi face aux attentes déçues de rece-
voir des manifestations d’amour et des offres de soutien de la part de leurs
proches.
250 Sophie Beugnot & Linda Roy

Françoise est référée au groupe par sa thérapeute individuelle qui la


rencontre pour des symptômes dépressifs depuis le début de ses traitements
de chimiothérapie. Elle a travaillé en thérapie la capacité à se créer un
réseau de soutien qui réponde à ses besoins pratiques et affectifs car ses liens
familiaux sont distants. Elle verbalise sa souffrance face au manque de con-
tacts chaleureux, sécurisants et aux besoins apparus de façon plus pressante
depuis l’arrivée de la maladie. Avant son diagnostic, Françoise travaillait
comme cadre dans une grande compagnie en technologie informatique et
était peu préoccupée par son réseau social limité.
Avec la construction de son génogramme dans le groupe, Françoise
commence à donner sens au développement des liens familiaux distants qui
avaient pour fonction de protéger chacun des membres, mais en particulier

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ses parents, de la douleur de la perte. Elle se rappelle la dépression et le
retrait affectif qu’elle sentait chez sa mère. Celle-ci avait perdu son premier
fils « François » à la naissance, ce qui semblait avoir restreint sa capacité à
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s’investir dans ses enfants nés par la suite, même dans la petite « Françoise »
de remplacement née 18 mois plus tard. D’ailleurs, Françoise réalise pour la
première fois que le sentiment ancien de son incapacité à être satisfaisante
pour ses parents est lié à son histoire de vie. Comment pouvait-elle l’être
alors qu’elle ne pourrait jamais réellement remplacer son frère François?
C’est grâce à l’élaboration de son histoire que Françoise apprend à mieux
vivre avec la difficile nouvelle proximité de sa famille dans la maladie, tout
en validant ses besoins affectifs légitimes qu’elle peut combler en se tournant
vers d’autres personnes de son entourage. De plus, Françoise est touchée par
le fait que le cancer, maladie qui signifie pour plusieurs le danger de mort, lui
permette de revenir sur des sentiments de perte et de peur présents dans sa
famille d’origine.

L’éthique relationnelle et la dette : un éclairage


sur la difficulté d’offrir et de demander

Au cours de nos nombreux contacts avec les patients, les thèmes de la


culpabilité et de la difficulté de demander ou/et de recevoir sont apparus
comme des enjeux fréquemment éveillés par la maladie. C’est pourquoi nous
avons tenté, à travers le groupe, d’aider les patients et leurs proches à mieux
cerner ces difficultés, à en comprendre le sens en lien avec leur contexte fami-
lial afin de pouvoir vivre des échanges relationnels (donner et recevoir) plus
satisfaisants. À cet égard, une participante d’un groupe nous a d’ailleurs témoi-
gné que les discussions sur l’éthique relationnelle et sur le sentiment de dette
Thérapie de groupe systémique en oncologie: faire face à la crise relationnelle 251

avaient été une expérience marquante pour elle car elle avait pu se libérer
d’une responsabilité qui lui semblait ne plus lui appartenir, celle de devoir
satisfaire les besoins toujours inassouvis de sa mère. Ce thème important est
donc au centre de la quatrième rencontre du groupe.
Notre inspiration sur la notion d’éthique relationnelle nous vient prin-
cipalement des travaux d’Ivan Boszormenyi-Nagy (1986) et de son modèle
appelé la thérapie contextuelle. Ce modèle préconise que le principe de l’équité
est central à toute relation à l’intérieur de laquelle chacun a la responsabilité
de satisfaire de façon raisonnable et réaliste les besoins de l’autre (Michard,
2005).
Cette capacité de répondre aux besoins de l’autre crée un sentiment de

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fiabilité, de justice et d’équité dans la relation. La réciprocité est essentielle à
l’équité : celui qui reçoit doit aussi redonner de façon réaliste. Chacun se défi-
nit donc dans ses liens aux autres en regard de ce qu’il donne et de ce qu’il
reçoit. Ainsi, il est entendu qu’un enfant, surtout petit, reçoit en apparence
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plus de ses parents que ce qu’il est en mesure de leur redonner, sachant qu’il
peut cependant redonner à ses parents à la mesure de ses capacités. Il sera
important pour l’enfant plus tard, d’avoir l’occasion de redonner à sa façon à
ses parents, par exemple en prenant soin d’eux en fin de vie, soit en les recon-
naissant dans ce qu’ils lui ont donné, ou encore en leur permettant d’être
grands-parents. Il pourra sinon redonner à d’autres, en étant un parent ou un
conjoint dévoué par exemple, en devenant bénévole ou encore peut-être, en
choisissant une profession de soignant. Le besoin de redonner ou de repren-
dre ce qui est dû peut donc être reporté dans le temps et agi avec d’autres per-
sonnes que celles avec qui la réciprocité n’a pas eu lieu. Ainsi, il peut arriver
qu’un parent qui a peu reçu de ses propres parents, place son propre enfant
dans une position de parent nourrissant face à lui, tentant alors de recevoir de
celui-ci ce qui lui a manqué. Une répétition intergénérationnelle peut ainsi
quelquefois être amorcée dans ce processus. Par ailleurs, dans un article sur
les relations de couple, Philippe Caillé (2009) a aussi abordé la question de ce
qu’il nomme « une justice de solidarité ou justice systémique » en faisant
référence aux travaux de Marcel Mauss chez les Maoris de Nouvelle-
Zélande. Mauss a travaillé autour d’un type d’échange selon lui fondamental
pour la cohésion d’une société, et qu’il a appelé le cycle du don.
Les enjeux d’éthique relationnelle deviennent donc particulièrement
saillants chez les familles confrontées à une situation de fin de vie, comme
c’est le cas pour certains patients en oncologie. Ainsi, le besoin de rétablir
l’équité en redonnant à la personne mourante dont on a beaucoup reçu ou en
252 Sophie Beugnot & Linda Roy

cherchant un dernier signe de reconnaissance de ce qu’on lui a donné devient


plus pressant. Certains symptômes apparaissant au sein de la famille confron-
tée à la maladie peuvent donc être mieux compris lorsque mis en lien avec la
question d’éthique relationnelle. De même, des réactions de la part de mem-
bres de la famille des patients, comme les disqualifications envers le person-
nel soignant, peuvent aussi être comprises dans le contexte de l’éthique
relationnelle; ils mettent une énorme pression sur les soignants en réclamant
qu’ils donnent à la personne malade ce qu’eux-mêmes n’arrivent pas à assu-
mer dans leur relation à elle.
Dans certaines familles, l’un des membres peut avoir eu le sentiment
d’avoir trop reçu et contracté une dette, ou d’avoir trop donné sans avoir été
reconnu (Boyer, 2001) et ces tensions peuvent se rejouer dans la crise asso-

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ciée à la maladie. Comment se permettre de penser à soi, de recevoir ou de
demander, face aux besoins de la maladie, alors qu’on est habité d’un senti-
ment de dette, de ne pas avoir assez donné, de ne pas avoir pu réparer? Que
faire face à cette croyance que la maladie a été provoquée par le fait de s’être trop
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oublié, d’avoir trop donné et qu’elle est liée à toute la colère qui en découle ?
Le concept d’éthique relationnelle peut apporter un éclairage sur ces difficul-
tés et par ailleurs éviter les répétitions entre les générations comme l’exemple
suivant le démontre.
C’est suite à l’apparition de crises de panique que Roger est référé au
groupe de soutien, quelques mois après que ses médecins lui aient annoncé
que son cancer s’était propagé au foie et aux os. Avec ce diagnostic, Roger
est conscient du pronostic sombre et du peu de temps qui lui reste à vivre. Il
nous parle de son état de panique face à cette réalité dans laquelle il se sent
piégé, et exprime plus particulièrement sa hantise de devenir un fardeau pour
ses proches. Le sentiment de culpabilité l’étouffe.
Roger nous apprend qu’il est le cadet de trois enfants, le « petit
dernier » de ses parents, venu un peu par surprise lorsque ses frères aînés
avaient six ans et huit ans. Il décrit la distance que la différence d’âge a cau-
sée dans son lien avec ses frères qui étaient proches l’un de l’autre, alors
qu’il était plus soudé à ses parents. Surprotégé par ces derniers qu’il sentait
facilement inquiets, il apprend à rester proche d’eux pour les rassurer et à
assumer plus de tâches ménagères que ses frères pour les libérer de ce far-
deau alors qu’ils vieillissent. Roger exprime porter en lui le sentiment d’avoir
été une charge pour ses parents qui selon lui, auraient peut-être souhaité être
libérés plus tôt du rôle parental. Notons dans cette même logique, que Roger
est devenu un ergothérapeute hors pair et très apprécié pour son dévouement
envers les personnes âgées de la résidence où il travaille.
Thérapie de groupe systémique en oncologie: faire face à la crise relationnelle 253

Pendant les rencontres, Roger pose la question suivante : « Comment


est-ce que le sentiment de dette envers mes parents pour leur sacrifice de
m’avoir mis au monde et élevé m’a-t-il forgé dans mon besoin de me dévouer
et de ne pas être une charge pour les autres? » C’est en réfléchissant à cette
question dans le groupe, que Roger prend conscience de l’aspect protecteur
et bénéfique pour lui d’avoir pu « redonner », tout d’abord à ses parents, et
ensuite à ses proches immédiats et à son travail. Il peut ainsi envisager l’idée
de laisser ses enfants prendre soin de lui à leur tour durant sa maladie, et con-
cevoir cet élan comme protecteur aussi pour eux, ces derniers se libérant
ainsi de leur dette envers lui, ce qui facilitera leur deuil. Il peut aussi, en le
nommant dans le groupe et en recevant validation des autres participants,
prendre conscience de ce qu’il a donné et du droit de recevoir à son tour. A

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partir de ce moment, Roger nous décrit qu’il envisage l’idée de se détériorer
physiquement avec moins d’angoisse, et il apprend graduellement à laisser
ses proches prendre soin de lui en leur montrant sa reconnaissance au lieu de
les repousser. Il confirmera par la suite comment cette prise de conscience lui
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aura permis de se rapprocher de ses enfants, et eux de lui dans les dernières
phases de sa maladie, ce qui aura été bénéfique pour tous.

Le réseau social

La cinquième rencontre porte sur le réseau social. Il est maintenant


clairement établi dans la littérature que la qualité et la disponibilité du soutien
social a un impact important sur la capacité de s’adapter aux périodes de
stress et aux crises de vie. La présence de soutien protège les individus de
l’impact négatif du stress, diminuant ainsi les séquelles sur leur bien-être psy-
chologique et sur leur santé physique (Cohen, Gottlieb & Underwood, 2000;
Cohen & Pressman, 2004). L’objectif de cette rencontre centrée sur le réseau
social élargi est donc d’aider les patients et leurs proches à identifier leurs diver-
ses ressources de soutien social et de prendre conscience de leurs besoins rela-
tionnels. Tout comme le réseau social est toujours en mouvement selon le
contexte et les étapes de vie, les besoins relationnels peuvent évoluer ou chan-
ger avec la maladie. Ceci est donc pris en considération pour comprendre
l’apparition de tensions et de questionnements rapportés dans la relation aux
amis, connaissances, et proches durant l’épisode de maladie. Cet exercice
permet donc, entre autres, de soutenir les proches en facilitant, selon leur
désir, la demande de soutien auprès du réseau social élargi.
Bien entendu, chaque personne construit son réseau social selon ses
particularités individuelles et en relation étroite avec son histoire familiale.
254 Sophie Beugnot & Linda Roy

Ainsi, Roger dont nous avons parlé, s’est construit un large réseau d’amis au
sein duquel il est reconnu comme celui qui organise les activités et sur qui on
peut toujours compter. Par contre, Françoise qui était habituée aux liens dis-
tants dans sa famille, a développé un réseau social plus limité à qui elle deman-
dait peu.
Pour guider cette réflexion pendant le groupe, nous représentons les
liens à l’aide d’une carte des relations développée par une équipe d’interven-
tion en réseau au Québec (Desmarais, Lavigueur, Roy & Blanchet, 1987).
Cette illustration graphique catégorise les liens sociaux de la façon suivante:
les membres du réseau primaire constitué de personnes réunies sur une base
d’affinités personnelles (la famille nucléaire et la famille étendue, les collè-
gues de travail, les amis, les voisins, les compagnons de loisirs, les liens spi-

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rituels et les liens de services tels que la gardienne d’enfants, le coiffeur, le
garagiste etc… tout en incluant des personnes décédées) et les membres du
réseau secondaire composé essentiellement de personnes dont les liens sont
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définis par des règles institutionnelles (par exemple, médecins, infirmières et


professionnels oeuvrant auprès des personnes malades). Les personnes signi-
fiantes dans chaque catégorie sont identifiées et le niveau d’intimité avec cha-
cun des membres est indiqué (très intime, intime, ou peu intime).
Le réseau social est abordé pendant les dernières rencontres, car les
thèmes explorés précédemment et l’histoire familiale aident à comprendre
comment chacun construit ses relations. Les tensions et changements induits
par la maladie dans les relations élargies peuvent ainsi être clarifiés et explo-
rés dans le groupe. La maladie grave révèle bien souvent le réseau de soutien
affectif et concret dont chacun dispose, ou croyait disposer. Une des consé-
quences de la maladie et des traitements sur l’organisation du réseau social
primaire est la place que viennent à occuper dans la vie du patient, les mem-
bres du réseau secondaire, en particulier le grand nombre de professionnels
de la santé en lien avec le patient et sa famille. Ces professionnels peuvent,
sans le vouloir ainsi, prendre la place des membres du réseau primaire. Le tra-
vail du groupe vise donc à aider le patient et les membres de son réseau pri-
maire à s’adapter à cette situation de crise de façon à ce qu’ils puissent rester
liés après l’épisode de soin si cela s’avère pertinent.
Le cas de Maurice illustre bien l’importance du réseau social primaire
pour le développement de la résilience face aux difficultés de la vie telles que
la maladie. Celui-ci, originaire de la Jamaïque et atteint d’un cancer de la
vessie, nous raconte avoir été élevé pas ses grands-parents après la mort de
ses parents lorsqu’il avait 8 ans. N’ayant pas de cousins ou autre parenté en
Thérapie de groupe systémique en oncologie: faire face à la crise relationnelle 255

dehors de ses aïeuls, il décrit avoir appris dès ce jeune âge à forger de nom-
breuses amitiés avec des camarades de classe et des voisins. Son groupe
d’amis lui donne ainsi un sentiment d’appartenance et d’identité qui restera
toujours important pour lui. Lorsqu’il émigre au Canada pour étudier, il con-
tinue de démontrer la même facilité pour tisser de nouveaux liens et, au cours
des années, il développe un large réseau social de compagnons de classe, de
collègues de travail, et autres. Maintenant marié sans enfants et composant
avec un cancer, il exprime se fier beaucoup à son réseau social, autant pour
se confier que pour préserver un sentiment de normalité grâce à ses nom-
breux amis avec qui il continue à partager ses activités favorites. D’ailleurs,
Maurice nous raconte avec beaucoup d’émoi comment son épouse a organisé
pour lui une fête avec ceux qu’il a croisés au fil de sa vie, y compris dans son

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pays d’origine, dans le but de le ressourcer et de le soutenir après des traite-
ments de chimiothérapie éprouvants. Il est clair dans les propos de Maurice,
que son réseau social primaire a toujours été source d’identité et de soutien
durant les périodes difficiles de sa vie. Ses amis lui ont permis de composer
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avec le décès de ses parents et l’adaptation chez ses grands-parents, avec


l’immigration au Canada et l’installation dans un nouveau pays, et mainte-
nant avec le cancer. Après avoir aussi développé un certain attachement aux
professionnels de la santé qui prennent soin de lui actuellement, il est rassu-
rant pour Maurice et pour nous, les intervenants, de le voir retourner vers
son réseau social avec souplesse. C’est d’ailleurs l’un des buts de notre
groupe, de faciliter ce retour au réseau une fois les traitements terminés, et
ce, autant pour les patients que pour leurs proches.

La séparation : se dire au revoir

La dernière rencontre offre l’occasion aux participants de partager


l’expérience qu’ils ont vécue dans le groupe et de faire le bilan des réflexions
amorcées ou des changements personnels et relationnels observés au sein du
groupe et de leur réseau. Ce que chacun retient de son expérience du groupe
est exploré. C’est aussi le moment important de quitter ce contexte de soutien
institutionnel et de s’appuyer sur leur réseau primaire, tout comme ils auront
à le faire avec le personnel soignant une fois l’épisode de maladie terminé. La
question de la réinsertion dans le cours normal de la vie après la maladie
devient pertinente à ce stade-ci. Cette discussion prépare les patients à laisser
aller les liens construits avec leurs soignants pour réinvestir leurs liens natu-
rels préexistant à la maladie ou de nouveaux liens. Le thème de la séparation
et de la manière de se quitter au sein du groupe peut aussi servir comme méta-
256 Sophie Beugnot & Linda Roy

phore puissante de la séparation anticipée et angoissante d’avec leurs proches


pour ceux qui sont atteints d’un cancer avancé.
Quelques grands thèmes ressoertent des témoignages de nos partici-
pants. Le sentiment d’avoir reçu du groupe en se sentant inclus, vus et accep-
tés, a souvent été réparateur en soi. Des enjeux d’éthique relationnelle ont pu
ainsi être apaisés simplement par l’expérience relationnelle au sein du groupe.
La capacité de se différencier et d’oser faire des choix individuels, a souvent
été exprimée par les participants comme un apprentissage important fait grâce
au soutien du groupe. Finalement, beaucoup ont dit avoir trouvé les moyens de
mieux comprendre et réagir face aux tensions individuelles et familiales appa-
rues ou amplifiées avec la maladie. Selon les participants, le travail a été
accompli à la fois grâce aux exercices qui ont fourni un contenant émotionnel

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et grâce au partage des réflexions et solutions pendant les rencontres.

Conclusion
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Les personnes atteintes de cancer et leurs proches sont confrontés à de


multiples changements dans leur quotidien et dans leur façon d’être ensem-
ble. Les demandes auxquelles les patients font face à cause de la maladie et
des traitements (par exemple, pertes physiques et image de soi ébranlée, réa-
ménagement des rôles, émergence de besoins de soutien ou de nouvelles
frontières avec leurs proches) propulsent les uns et les autres dans ce qu’on
pourrait appeler une crise émotionnelle et relationnelle. C’est dans ce con-
texte que les règles familiales (frontières, règles de communication, allian-
ces) et les répétitions intergénérationnelles sont remises en question. La crise
de la maladie peut donc devenir l’occasion d’un processus de différenciation.
C’est pour faciliter le passage au travers de cette crise relationnelle que
nous avons mis en place le groupe d’approche systémique. En aidant les par-
ticipants à identifier leur mode de fonctionnement individuel, familial et rela-
tionnel à l’aide des thèmes abordés au cours des rencontres, le groupe leur
permet de placer dans son contexte l’arrivée bouleversante de la maladie et
d’en saisir mieux l’impact. Nous avons observé à quel point cette compréhen-
sion de ce qui leur arrive a pu soulager l’angoisse et les tensions individuelles,
familiales et sociales vécues durant la maladie. Dans un deuxième temps, les
enjeux relationnels soulevés et clarifiés au sein du groupe ont permis aux par-
ticipants de profiter de la crise pour effectuer des changements ressentis
comme essentiels pour eux avant la maladie, mais qu’ils n’arrivaient pas à
mettre en action. Ainsi, avec le soutien du groupe et les éclairages de compré-
Thérapie de groupe systémique en oncologie: faire face à la crise relationnelle 257

hension systémique, ils ont pu se sortir de répétitions et redéfinir leur propre


façon différenciée de se lier aux autres. Par exemple, certains ont pu réamé-
nager des frontières moins ouvertes avec leurs proches ou encore, se permet-
tre de recevoir un soutien auquel ils ne croyaient pas avoir droit auparavant.
D’autres ont pu se sortir d’un climat de secret qui prévalait dans leur famille
d’origine et communiquer plus librement leur douleur, détresse, et besoins
avec leur famille et amis.
En facilitant ces changements, le groupe de thérapie a aussi joué un
rôle essentiel dans la préparation de la transition du patient et de ses proches
qui se détachent du réseau de soutien médical institutionnel et réinvestissent
leurs liens sur de nouvelles bases, une fois les traitements terminés. Ainsi, en
permettant une réorganisation adaptative des relations entre le patient et le

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réseau familial et social durant la maladie, l’intervention facilite l’adaptation
du patient et des membres de son réseau après l’épisode aigu de traitement.
Ce même processus, celui de s’approprier ses liens, peut aussi enrichir le pro-
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cessus de fin de vie et faciliter le deuil chez les proches des patients atteints
de cancer incurable.
Ce travail de groupe n’a pas été sans défis pour nous. Nous ne détaille-
rons pas tous les pièges inhérents au travail de groupe, mais nous pensons
qu’il serait pertinent d’en souligner certains. Tout d’abord, cette intervention
de groupe exige de la part des animatrices une participation active autant pour
présenter les thèmes, pour les explorer avec chacun des participants, que pour
guider les discussions de groupe qui découlent des réflexions individuelles
Ce travail actif repose sur une bonne maîtrise de l’approche systémique, du
concept de résonance afin de saisir ce qui se rejoue entre les participants et les
intervenants (Elkaïm, 1989) et une compréhension approfondie des thèmes
présentés. De plus, nous avons cherché à développer un équilibre entre inviter
les participants à s’investir suffisamment dans le groupe pour que ce soit utile
pour eux, tout en démontrant de la flexibilité et de la sensibilité envers ceux
qui ne souhaitaient pas s’ouvrir davantage à certains moments. Enfin, étant
donné notre choix de ne pas présélectionner les participants du groupe et de
travailler avec les patients intéressés et/ou leurs proches, nous avons été mises au
défi non seulement de nous adapter au style de relation de chacun des partici-
pants, mais aussi de contribuer à ce que pendant les rencontres, ces réactions
prennent sens pour les uns et les autres en fonction de leur histoire de vie.
Ceci, bien qu’exigeant pour les animatrices, a contribué à créer un climat de
compréhension et d’ouverture parmi les membres du groupe; plusieurs ont dit
avoir apprécié que la forme du groupe mette en lumière le fait que la maladie
est une expérience qui nous rejoint tous. Finalement, en tant qu’animatrices,
258 Sophie Beugnot & Linda Roy

nous avons été particulièrement attentives aux répétitions des enjeux relation-
nels qui se développaient au sein du groupe et avec nous, ainsi qu’à notre pro-
pre capacité d’être cohérentes tout en restant suffisamment différenciées
l’une de l’autre.
En conclusion, notre travail auprès des patients et de leur famille nous
a appris qu’à travers toute crise, quelle qu’en soit la cause, il y a aussi occa-
sion de changement; les personnes concernées le ressentent et en témoignent.
C’est souvent un moment pendant lequel elles cherchent un soutien et se ques-
tionnent sur leur avenir. Selon nous, cette intervention de groupe est un levier
puissant de changement, car une telle démarche, en ouvrant le champ des pos-
sibles (comme dit souvent Mony Elkaïm) permet de ne plus être uniquement
déterminé par les répétitions et les transmissions intergénérationnelles dans

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cette recherche d’adaptations mutuelles et d’ajustements créateurs.

Références
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