INTERCOMPREHENSION
à des choix constants), le degré de finesse du
retour (feed-back) dans le cas des didacticiels,
la signification que l"utilisateur peut donner ä
ses choix, l'implication de ce dernier dans le
scénario proposé. Les deux derniers critères
dépendent en partie du contrat énonciatif
prévu par les auteurs.
2 MULTIMEDIA, TIC-TICE.
INTERCOMPREHENSION I Ce concept a
été mis en avant au cours de l'evolution
.if
récente de Fenseignement des langues étran-
gères aux adultes. Il s'agit de développer, par
une méthodologie appropriée, la compréhen-
sion réciproque de sujets locuteurs de langues
génétiquement apparentées (ou langues
voisines) comme les langues romanes, à partir
de l'usage par chacun de sa propre langue.
Les idées-forces de cette méthodologie peuvent
se résumer ainsi :
* sélectionner et hiérarchiser les objectifs
d'apprentissage;
*I inciter les sujets à s"appuyer sur l'ensemble
de leurs compétences culturelles autant que
linguistiques, que celles-ci aient été acquises
ou non en milieu scolaire (musique, voyages,
fréquentations, etc.) ;
P construire les rudiments d'une grammaire
de la compréhension en dégageant les points
de convergence translinguistiques (règles de
passage) et en soulignant les pièges à éviter
(règles de vigilance);
*I entrainer, ainsi, progressivement l'apprenant
ä dynamiser son potentiel cognitif.
Les orientations ainsi définies se sont concré-
tisées, au cours de la décennie 1990-2000,
par une série de réalisations méthodologiques
multimédias internationales dans le domaine
des langues romanes, appuyées par les insti-
tutions européennes.
2* LANGUE voIsINE
INTERCULTUREL I Le mot d'interculturel
a été forgé au début des années 1970 en une
époque où la massification scolaire, enfin
officielle, rendait l'ecole plus sensible aux pro-
blèmes éducatifs propres aux enfants d'origine
136
étrangère. Tous les enfants, en effet, étaient
porteurs de leur culture propre, incomparable,
mais I'action de la Troisième République avait
contribué à l'illusion que l'écoIe dispensait à
tous, par-dessus les différences individuelles,
une culture commune : savoir lire, écrire,
compter; la géographie et l'histoire de la
France; la morale et l"éducation civique.
Or, avec les enfants étrangers et leur immer-
sion dans la grande masse scolaire, il n'était
plus possible de faire l'économie des cultures
différentes présentes dans l'enceinte éduca-
tive. Il devenait de plus en plus clair aux
regards progressistes que, comme la société,
la citadelle scolaire devenait multiculturelle et
qu'il incombait à cette institution de faire
participer tous et toutes à une même réfé-
rence culturelle sans que chacun perde de
vue la sienne propre.
Or une société pouvait être multiculturelle
par simple juxtaposition des cultures qui
vivaient en son sein, sans qu'il y ait de com-
munication entre celles-ci. C'était ce qu'incar-
naient les ghettos ou la vie communautaire
séparée de la vie proprement commune. Une
société simplement multiculturelle restait
dans sa rigidité. Un point positif cependant
consista, à l'époque, à considérer que toute
société était bel et bien devenue, désormais,
multiculturelle. Toutefois la simple juxtapo-
sition ne constituait en rien une solution au
fonctionnement social cohérent. Le multi-
culturalisme, fondamental, ne suffisait pas.
C'est alors que quelques-uns, une extrême
minorité d'aiIleurs vilipendée de toutes- parts,
fondèrent le concept d'interculturel qui, ä leurs
yeux, possédait un sens radicalement différent.
Et d'ailleurs, les opposants ne s'y trompèrent
pas et dénoncèrent I'intercuIturalisme comme
un mythe d'une part et un danger d'autre part.
C'est que l'interculturalisme affirmait que
l'important était le préfixe inter-, qui permet-
tait de dépasser le multiculturel. L'intercultureI,
en effet, suppose l'échange entre les diffé-
rentes cultures, l'aIticulation, les connexions,
les enrichissements mutuels. Loin d'etre un
appauvrissement, comme les conservateurs
 137
Faffirmaient, le contact effectif de cultures
différentes constitue un apport où chacun
trouve un supplément à sa propre culture (à
laquelle il ne s'agit bien sûr en rien de renon-
cer).
L'interculturalisme est donc né dans l'école
même et à propos des enfants de migrants.
Pendant plusieurs années, on s'efforça de
I*'enfermer dans le réduit d'une « culture
scolaire inventée pour les migrants », alors que,
justement, il n'était pas question de cela : la
pédagogie interculturelle était conçue par ses
promoteurs comme s"adressant à tous les
élèves sans exception, y compris, bien entendu,
les indigènes, qui avaient, comme les autres,
à y gagner.
Puis, peu à peu, par la puissance propre du
concept même d'interculturel, les frontières
éclatèrent et la didactique des langues étran-
gères s"intéressa de plus en plus à cet inter-
culturalisme auquel elle se trouvait chaque
jour confrontée, sans jusque-là en avoir
conscience. Aujourd'hui le mot a fait florès :
on ne trouve plus un discours didactique qui
n'y fasse référence et il est même devenu une
spécialité en soi, à laquelle on consacre
thèses, colloques, cursus officiels. L'intercul-
turalisme repose sur le principe fondamental
que les cultures sont égales en dignité et que,
sur le plan éthique, elles doivent être traitées
comme telles dans le respect mutuel.
Concrètement, en revanche, leur puissance
est différente et, dans leurs rapports de force,
les minorités se trouvent fréquemment
réduites au silence. L'interculturel, dès lors,
devient une revendication, une lutte et, de ce
point de vue, c'est bien qu"il tienne le haut
du pavé.
Certes, beaucoup de ceux qui s'en réclament
ne le font que parce que la chose est à la
mode, mais, justement, cette mode traduit
un sentiment significatif. Les progrès verti-
gineux de la mondialisation, dans le com-
merce, le tourisme, les médias, la culture, et,
à un degré moindre, l'école, font que toutes
les cultures se trouvent soumises ä une série
de mélanges de diverses natures et doivent
INTERCULTUREL
bien trouver leur chemin pour gérer cette
abondance et cette mixité.
Le développement technologique des médias
(la satellisation des chaines de télévision qui en
laisse plus d'une centaine à la disposition de
quiconque pour un prix modique, le dévelop-
pement très rapide d'lnternet qui abolit les
frontières et construit des groupes d'échanges
qui n'ont plus d'assise géographique) a fait de
l'interculturalisme une denrée de consomma-
tion quotidienne, une sorte d'État au sein
duquel se meuvent les populations, notam-
ment jeunes. Un problème se pose, cependant,
précisément ici : toutes ces communications
internationales n'ont pas fait disparaitre le
racisme et la xénophobie, loin de là. C'est
plutôt de l"inverse qu'il s'agit : l'inégaIité des
pays du monde entre eux transforme l'intercul-
turalisme en un ingrédient potentiellement
explosif. La tentation de l'uniformisation par la
puissance et I'argent tend à transformer la
planète en un «village global» et les dominés
entreprennent de se faire entendre alors qu'on
cherche à les étouffer. La situation d'aujourd'hui
ne permet pas un optimisme béat. Nous vivons
un affrontement interculturel, le premier du
monde dans I'Histoire, où, loin d'échanger
leurs vertus, de partager leurs valeurs comme
souhaiterait un interculturalisme du discours,
les cultures se voient plutôt essayer de réduire la
voix de I"autre. Ce sont les principes mêmes de
I'interculturel qui se trouvent mis en cause et,
plus que jamais, il convient donc de les rap-
peler et de marquer leur clarté.
L'altérité fait partie de ma subjectivité, autrui
fait partie de mon je. je suis un sujet, respon-
sable de moi et d"autrui, et, comme tel, je ne
peux exister que par d'autres sujets. L'inter-
subjectivité est ce qui, seule, rend possible,
l'existence d'un je. II n'y a pas de pour-soi
sans pour-autrui. Tout ego est un alter ego
et, réciproquement, symétriquement, tout alter
est un ego. je suis une personne indispensable
à l'autre pour être une personne comme il
me permet d'en être une.
En même temps, cependant, on sait parfaite-
ment que, sous cette égalité des sujets dans
INTERDISCIPLINARITÉ
l'altérité, vit une autre fonction du rapport à
autrui. Dans la rencontre entre deux sujets,
chacun des deux cherche, à chaque instant,
à transformer l'autre en chose, ä l'annuler
comme personne, à établir sa domination en
éteignant la responsabilité de chaque sujet.
Les deux faces sont toujours présentes
ensemble : je fais être l'autre qui me fait être,
mais, en même temps, nous cherchons à
nous anéantir. L'interculturel se situe précisé-
ment au coeur de cette tension et il lui appar-
tient de mettre en évidence que l'échange
égalitaire est plus fructueux, pour les deux
partenaires, qu'un affrontement. En somme
l'interculturalisme se trouve au coeur même
de la lutte entre I'éthique et la puissance,
entre les valeurs et la guerre. C'est pourquoi,
à n'en pas douter, il est l'objet d'interprétations
multiples, oû chacun cherche à se l'appro-
prier. L'espoir doit ici prendre le pas sur le
réalisme pessimiste.
La vérité se situe sans doute, pour I'inter-
culturel, dans l'inéluctabilité du dialogisme
parce que celui-ci est constitutif des relations
entre les hommes. L'école, dans ces condi-
tions, et l'éducation en général, recèlent une
fonction d'apaisement par l"expIication,
l'échange des points de vue qui, seuls, per-
mettent l'instauration d'un dialogue où les
cartes ne seront pas biaisées. Probablement
est-ce par l'éducation et la discussion que la
violence peut être éradiquée.
Comme l'a lumineusement montré Bakhtine,
il ne s'agit pas d'être anti, si l'on est en désac-
cord, il faut plutôt être contre. Anti suppose la
suppression de l"autre, contre implique au
contraire que, malgré les divergences, on
cherche à intégrer les deux visions anta-
gonistes pour qu'elles parviennent au moins
à se côtoyer sans se réduire l'une l'autre. Ce
n'est pas une théorie du compromis, mais
I'élaboration d'une entente qui dépasse les
différences sans les effacer.
Il convient que I"interculturel s'échappe de ce
flou qui caractérise souvent, aujourd'hui, les
analyses qu'on en mène. Il faut affirmer qu"iI
est source de réconciliation, c'est-à-dire de
138
maintien des antagonismes dans la pacifica-
tion des relations. En ce sens, comme au tout
début, il y a trente ans, il demeure une
option. Sa présence en didactique, pour I'ins-
tant, reste plutôt une simple affirmation et
une manière de se donner bonne conscience
parla simple parole. Or il ne suffit pas de sou-
haiter pour que les relations entre les
hommes deviennent semblables, réellement,
aux voeux dont on s'abreuve. Quand les
«grandes langues ›› (de large extension)
respecteront les petites et que les autorités
respecteront pareillement les unes et les autres,
on aura déjà accompli un pas considérable.
Peu de symptômes, malheureusement, auto-
risent à penser qu'on emprunte ce chemin-
là. Comme d'habitude, l'interculturalisme
reste d'abord une lutte.
2 AGCULTURATION, ALTERITE, CAPITAL, CIAssErvIENT,
CULTURE, DEcENTRATIoN, DEcuLTURATIoN, HARITUS,
LEGITIMITE.
INTERDISCIPLINARITÉ I Nécessaire en
didactique des langues, la mise en relation des
disciplines scientifiques exige rigueur et mai-
trise quant à l'appartenance de base et à la
circulation des concepts et des démarches.
Pour les définir dans leur complexité et leurs
relations, jean Piaget a montré que la classifi-
cation positiviste des sciences devrait être
revue dans une approche constructiviste. L'in-
terdisciplinarité désigne les échanges et les
interactions entre disciplines permettant un
enrichissement et une fécondation' mutuelle.
Production d'une synthèse à partir de diffé-
rentes sources de savoirs, la transdisciplinarité
désigne ce qui est emprunté à différentes
sciences pour constituer un concept qui les
dépasse. Par exemple le concept transdiscipli-
naire de l'autonomie est issu de la biologie, de
la philosophie, de l'éthique, de la sociologie,
etc. Enfin, la multidisciplinarité ou pluridiscipli-
narité désigne la coexistence de plusieurs disci-
plines conservant chacune leur théorie et leur
méthodologie monodisciplinaire. Il s'agit donc
de collaboration et d'interactions entre spécia-
lités de champs différents.