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Annick CRAIGNOU
Présidente de l’AFTCC
100, rue de la Santé, 75674 Paris Cedex 14
L’an passé, à l’occasion d’un projet de loi relatif à la politique de santé publique, un
amendement est proposé par le député Accoyer pour réserver l’usage du titre de
psychothérapeute aux personnes présentant des garanties de formation. Quelques
lacaniens et quelques intellectuels se sont alors emparés bruyamment d’une dizaine
d’estrades médiatiques pour récuser par avance tout contrôle de leur pratique, au
nom de la liberté et de la psychanalyse. Dans l’ivresse du discours, plusieurs ont cru
utile de vilipender les TCC ou au moins de faire savoir que leur art, étant
incommensurable à nos techniques, n’avait pas à être soumis à l’appréciation d’un
tiers. Sur les TCC, rien de nouveau, ils ont repris les refrains des années soixante
faisant preuve des mêmes ignorances et du même mépris.
Je répondrai, en écho aux propos de Patrick Légeron (1) dans son précédent
éditorial du JTCC, «Un peu de culture, s’il vous plaît ! ». J’aurais cru que des
philosophes comme Mme Elisabeth Roudinesco ou M. Bernard-Henri Lévy étaient
gens à s’astreindre au devoir d’information … et voilà qu’ils nous condamnent sans
dossier ! Si M. Jacques-Alain Miller et quelques lacaniens s’instituent grands
défenseurs de la psychanalyse, cela ne les autorise en rien à requérir le bûcher pour
« ceux qui dérangent ». Les grands inquisiteurs n’ont pas de place dans ce qui
devrait rester un débat entre psychothérapeutes au service du patient. Il est vrai que,
si nous avons tous été nourris de psychanalyse dans nos universités, vous n’avez
guère eu la chance, Mesdames et Messieurs les philosophes et universitaires, de
vous former aux TCC tant les portes de l’université leur sont fermées. Cette
hégémonie peut expliquer votre ignorance, mais votre ignorance originelle n’excuse
pas votre arrogance agressive. Vous auriez tout de même pu vous informer, pendant
vos études et depuis, en lisant quelques-uns des ouvrages parus depuis 40 ans. Il
est à croire que vous n’écoutez pas, non plus, la parole des patients qui, eux,
s’informent sur l’évolution des TCC.
Ne nous y trompons pas, cet acharnement contre les TCC n’est le fait que de
quelques agités inquiets pour leur confort personnel. La guerre psychanalyse – TCC
n’existe pas. Entre professionnels dignes de ce nom, le dialogue est ouvert depuis
longtemps, dans le respect des uns et des autres, ainsi que des pratiques
réciproques, au service du seul intéressé : le patient. Je rends ici hommage à ceux
qui, hommes de science, universitaires et psychanalystes, ont osé, dans les débuts,
ouvrir les portes de leurs services hospitaliers aux jeunes comportementalistes que
nous étions, en dépit de notre inexpérience et de nos maladresses d’alors. Ils ont eu
le courage d’affronter des collègues opposés à cette nouvelle approche
thérapeutique. Loin du tumulte médiatique, ils ont eu la grandeur et la générosité
d’accepter et favoriser la diversité. Souhaitons qu’ils aient des continuateurs pour
introduire franchement les TCC dans les universités françaises, comme c’est le cas
dans tous les pays européens depuis longtemps.
Soigner implique des valeurs et des normes. Le thérapeute doit l’accepter. Alors,
lorsqu’un patient vient nous consulter pour retrouver la liberté de se déplacer où il
veut, quand il veut, avec qui il veut, arrêter de vérifier, de se laver les mains 70 fois
par jour, retrouver du plaisir aux activités de sa vie quotidienne, oser faire des choix
personnels et les imposer sans rupture de la relation, dans une communication
positive mais affirmée, est-il éthique de refuser de répondre à cette demande
précise ? Est-il éthique de lui répondre que cette souffrance qu’il exprime n’est pas
« sa vraie souffrance », que ce ne sont que les symptômes d’une souffrance
inconsciente ? Existerait-il de vraies et de fausses souffrances psychiques ; des
nobles, celles que l’analyse mettrait au jour ou dont elle ferait, enfin, accoucher le
patient, et de moins nobles, réservées aux TCC ?