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L’évolution psychiatrique 82 (2017) 307–321

Article original
Qu’est-ce qu’une fiction ? Anatomie des fictions de
Freud à Lacan夽
What is a fiction? An anatomy of fictions from Freud to Lacan
Gilles Bourlot (Docteur en psychologie clinique et psychopathologie,
Psychologue clinicien) ∗
4, rue Blasco-Ibanez, Le Ramosta entrée A, 06100 Nice, France
Reçu le 3 novembre 2015

Résumé
Objectifs. – Lorsqu’il est question d’envisager les rapports entre psychanalyse et fiction, celle-ci est bien
souvent considérée à partir de l’art et de la littérature. Cette perspective est essentielle, pourtant il convient
de ne pas sous-estimer un autre aspect peu exploré : l’épistémologie de la fiction, qui renvoie à la fois
à la fiction comme forme de savoir et à la théorie des fictions. En ce sens, l’intention de notre article est
d’identifier différentes fictions et de repérer en quoi elles se sont constituées dans des héritages philosophiques
distincts. Ces héritages traversent les conceptions psychanalytiques de la fiction de Freud à Lacan. Dans
ce contexte, l’objet de cette réflexion est de relier les sens possibles du mot « fiction » dans la pensée
psychanalytique et les théories classiques de la fiction. Cette approche comporte ainsi une dimension critique,
qui interroge différents types de fictions – « fictions esthétiques », « fictions heuristiques », « constructions »,
« spéculations » et « fictions symboliques ».
Méthode. – Ce texte correspond à une recherche critique sur les fictions et les théories des fictions, à travers
l’analyse épistémologique et historique des positions freudiennes et lacaniennes. La théorie des fictions est
envisagée dans son rapport à ses modèles et à l’histoire de la philosophie occidentale.
Résultats. – Cet article souligne dans quelle mesure les fictions ont différents sens et modes d’existence : les
fictions esthétiques, les fictions théoriques, les spéculations métapsychologiques et les fictions linguistiques
font l’objet d’un questionnement spécifique. Lacan a ouvert de nouvelles voies pour penser la dimension

夽 Toute référence à cet article doit porter mention : Bourlot G. Qu’est-ce qu’une fiction ? Anatomie des fictions de Freud

à Lacan. Evol Psychiatr 2017; vol (no ): pages (pour la version papier) ou URL [date de consultation] (pour la version
électronique).
∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : gilles.bourlot@yahoo.fr

http://dx.doi.org/10.1016/j.evopsy.2016.06.003
0014-3855/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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symbolique des fictions, offrant ainsi une reformulation de la position freudienne et une subversion de l’ordre
symbolique.
Discussion. – La définition freudienne de la fiction au sens « esthétique » est un point de départ déci-
sif. Toutefois, la fiction ne peut se réduire au champ de l’art et de la littérature. Il y a différents types
de fictions : un concept de physique comme l’atome, ou encore un « concept fondamental » comme la
pulsion, peuvent être considérés, sous certaines conditions, comme des fictions. La notion de fiction est
alors discutée d’un point de vue « théorique ». La spécificité des fictions heuristiques est reliée aux princi-
paux précurseurs du fictionalisme freudien : Kant et Vaihinger. La complexité de la notion de fiction tient
aussi à l’existence de différents « modèles », qui ont évolué de Freud à Lacan. Ainsi, alors que le modèle
freudien de la fiction théorique est fondamentalement « heuristique », l’approche de Lacan s’inscrit dans
une autre dimension, essentiellement « linguistique ». Ce déplacement épistémologique est interrogé et
discuté.
Conclusion. – Le statut épistémologique des fictions n’est pas une donnée atemporelle, ni une structure
arrêtée, il renvoie à des champs conceptuels hétérogènes et à l’équivocité de cette notion. D’un point de
vue épistémologique, la fiction n’est pas un concept homogène. Le détour par la tradition philosophique est
essentiel pour mettre en relief différents « modèles » possibles et définir la logique propre à chaque type de
fiction.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Vie psychique ; Inconscient ; Épistémologie ; Psychanalyse ; Freud S. ; Lacan J. ; Fiction ; Langage ;
Médiation ; Pensée

Abstract
Aims. – When the issue is the relationship between psychoanalysis and fiction, fiction is often envisaged
from the point of view of art and literature. This perspective is essential, yet it is important not to unde-
restimate another little explored aspect: the epistemology of fiction, which relates at once to fiction as
a form of knowledge and to the theory of fiction. Thus, the aim of this article is to identify different
types of fiction and to determine how they took shape in different philosophical traditions, from Freud to
Lacan. In this context, this text sets out to link the possible meanings of the word “fiction” in psychoana-
lytic thought and classic theories of fiction. This approach thus has a critical dimension, exploring various
types of fiction – “aesthetic fictions”, “heuristic fictions”, “constructions”, “speculations” and “symbolic
fictions”.
Method. – This text is the result of critical research on fictions and theories of fiction, entailing the episte-
mological and historical analysis of Freudian and Lacanian positions. The theory of fiction is considered in
its relationship with its models and the history of Western philosophy.
Results. – This article shows how fictions have different meanings and modes of existence: aesthetic fictions,
theoretical fictions, meta-psychological speculations and linguistic fictions are successively explored. Lacan
opened up new ways of thinking about the symbolic dimension of fictions, offering a reappraisal of the
Freudian position and a subversion of the symbolic order.
Discussion. – Freud’s definition of fiction in the “aesthetic” sense is a clear starting point. However, fiction
cannot be reduced to the field of art and literature. There are different types of fiction: a concept in physics
such as the atom, or a “fundamental concept” such as drive, can in certain conditions be considered as fictions.
The concept of fiction is then discussed from a “theoretical” viewpoint. The specificity of “heuristic” fiction
is linked back to the main precursors of Freudian fiction: Kant and Vaihinger. The complexity of the concept
of fiction also results from the existence of different “models”, which evolved from Freud to Lacan. So while
the Freudian model is “heuristic”, Lacan’s approach explores another dimension, essentially linguistic. This
epistemological shift is examined and discussed.
Conclusion. – The epistemological status of fiction is not a timeless “given” nor an arrested structure, it is
linked to heterogeneous conceptual fields and to the ambiguity of the concept itself. From an epistemological
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perspective, fiction is not a homogeneous concept. The detour via the philosophical tradition is essential to
distinguish different “models” and define the logic of each type of fiction.
© 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Psychic life; Unconscious; Epistemology; Psychoanalysis; S. Freud; J. Lacan; Fiction; Language; Mediation;
Thought

1. Introduction

Lorsqu’il est question d’envisager les rapports entre psychanalyse et fiction, celle-ci est bien
souvent assimilée à l’art et à la littérature [1] ; cette perspective, centrée sur la dimension esthétique,
est essentielle, mais il convient de ne pas sous-estimer une autre dimension, peu explorée :
l’épistémologie de la fiction, qui renvoie à la fois à la fiction comme forme de savoir et à la théorie
des fictions. En ce sens, l’intention de notre réflexion est d’identifier différentes dimensions de la
fiction et de repérer en quoi elles se sont constituées dans des héritages philosophiques distincts,
qui traversent les conceptions psychanalytiques de la fiction de Freud à Lacan.
La récurrence de contenus fictionnels (développés dans le registre des concepts-limites ou des
récits mythiques. . .) est d’autant plus significative dans les œuvres de Freud et de Lacan, qu’elle
touche aux concepts psychanalytiques et aux enjeux psychopathologiques les plus décisifs : la
pulsion, la libido, la répétition. . . Pourtant, une question préalable demeure aussi importante que
peu investie : qu’est-ce qu’une fiction ?
Dès 1907–1908, dans Le créateur littéraire et l’activité imaginative, Freud relie le jeu de
l’enfant et l’œuvre du poète, en mettant en relief les processus psychiques qui peuvent façonner
et modeler des fictions [2] ; il repère alors dans les récits littéraires quatre aspects connexes :

• la fiction relève de l’imaginaire, elle présuppose une ressource psychique : l’activité imaginative
(« das Phantasieren »), dont le modèle est le jeu spontané de l’enfant. Cette activité est proche,
par ses contenus et ses thèmes, des fantasmes inconscients, ce qui relie substantiellement fictions
et fantasmes. Une fiction romanesque, par exemple, correspondrait alors à une re-présentation
(« Darstellung »), plus ou moins déformée et voilée, des fantasmes et impressions infantiles de
son créateur, que celui-ci offre en partage à son public. Dans le même sens, Freud développe les
liens qui se déploient entre l’œuvre picturale de Léonard de Vinci, le motif récurrent du sourire
notamment, et les premières impressions du petit enfant face au visage maternel ([3], p. 141).
La création artistique, très proche en cela de la scène du rêve, permettrait ainsi de réfracter à la
surface d’une œuvre des souvenirs, des fantasmes et des désirs infantiles ;
• la fiction s’oppose à la réalité. L’irréalité (« Unwirklichkeit ») est le propre de la fiction, qu’il
s’agisse d’un jeu d’enfant, d’un récit littéraire ou d’un tableau de Léonard de Vinci ; elle crée
un espace spécifique. Les formes et les supports de la fiction peuvent changer selon les époques
et les cultures, demeure toujours son côté « irréel ». En ce sens, la fiction, dans ses dimensions
ludiques et artistiques, joue aussi un rôle de « soupape de sûreté » face aux épreuves de la
« réalité » ;
• la fiction crée un « monde » à part. L’enfant qui joue, comme le poète qui écrit, s’apparente
à un créateur qui invente « son propre monde » (« seiner Welt ») ([2], p. 234). Une fiction se
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constitue fondamentalement en tant que « monde », au sens d’un territoire délimité ayant sa
logique propre (comme tel jeu qui a ses règles spécifiques. . .) ;
• la fiction ouvre un champ d’expériences. En effet, dans le « monde » d’une fiction des expé-
riences psychiques tout à fait singulières deviennent possibles, comme : jouer, s’identifier à tel
personnage, éprouver avec intensité du plaisir, des émotions, des sentiments profonds (comme
les sentiments de sécurité et d’invulnérabilité), ou encore « jouir désormais de nos propres
fantasmes, sans reproche et sans honte » ([2], p. 263).

Cependant, la notion de fiction renvoie aussi à une dimension épistémologique, qui marque un
seuil spécifique dans le travail théorique : Freud emploie ainsi le mot « fiction », notamment dans
L’interprétation du rêve, lorsqu’il est question de « fiction « théorique » (« theoretische Fiktion »)
[4] ; il ne s’agit plus alors d’explorer des fictions dans leur dimension esthétique. En ce sens,
notre réflexion entend développer l’enjeu de la fiction dans ce registre épistémologique, sur deux
plans :

• concernant les « fictions théoriques » : de quelles fictions s’agit-il ? Depuis Freud, la psy-
chanalyse a créé des « concepts fondamentaux » au sein desquels les fictions, les références
mythologiques notamment, occupent une place nodale. Dans quelle mesure donc une fiction
peut-elle être utilisée pour conceptualiser ce qui touche à l’Inconscient ? Cet axe de réflexion
nous conduira à mieux déterminer dans quel sens l’inventeur de la psychanalyse nous propose
des fictions heuristiques ;
• en se situant au niveau de la « théorie des fictions » : qu’en est-il de la théorie des fictions chez
Freud ? Plus radicalement, y a-t-il une modélisation ou différentes conceptions de la fiction à
l’œuvre dans la pensée freudienne ? Dans quel contexte Freud a-t-il fait un usage « théorique »
de la fiction ? En explorant cette question des « modèles » de la fiction en psychanalyse, il sera
aussi pertinent de se demander si la notion de fiction reste la même de Freud à Lacan. Nous
verrons à cette occasion que les sens possibles du mot « fiction » changent entre son acception
freudienne et son registre lacanien, des références philosophiques différentes se trouvant en
amont de ces sens. Notre intention n’est donc pas d’unifier la notion de fiction sous un sens
univoque, mais d’en remarquer l’étonnante hétérogénéité : cette notion sera, ainsi, délimitée
avec plus de rigueur.

2. La valeur subjective des fictions

La fiction ne concerne pas seulement l’œuvre d’art et le récit littéraire, elle concerne aussi
bien l’activité de penser elle-même. La radicalité de l’épistémologie freudienne consiste, pour
une part essentielle, à intégrer la fiction dans l’élaboration théorique. Pourtant, la fiction semble
bien souvent s’apparenter à une représentation imaginaire, qui s’écarte de ce qui existe, et qui, du
même coup, fait un pas de côté par rapport au souci d’objectivité. Il est donc utile d’articuler au
mieux la dialectique de la subjectivité et de l’objectivité, qui est aussi, à certains égards, celle de
la fiction et du savoir.

2.1. Ce qui échappe à l’objectivité, ce qui relève de la subjectivité

Un roman, un mythe grec, un concept de physique comme l’atome, ou encore un « concept


fondamental » comme la pulsion, peuvent être considérés, sous certaines conditions, comme des
fictions. Qu’est-ce que cela signifie ? Notre réflexion va s’efforcer de mettre en relief les liens
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qui se déploient entre fiction heuristique et pensée théorique. Nous avons déjà démontré par
ailleurs que, dans les écrits métapsychologiques en particulier, l’appellation « fiction théorique »
intervient dans le cheminement d’une pensée qui se développe aux limites du représentable :
l’épistémologie freudienne de la fiction repose donc sur une aporie au cœur de la possibilité
même de la représentation théorique [5]. Cette aporie peut se définir comme une contradiction
presque insoluble : comment se représenter les processus « inconscients » s’ils impliquent fon-
damentalement « quelque chose d’inconnu » ? Freud utilise des notions essentielles comme des
« fictions théoriques », en visant notamment sous ce registre certains aspects du pulsionnel, comme
les « processus primaires » [4]. Dans ce contexte s’ouvre alors un champ spécifique de fictions (qui
n’est pas celui du domaine esthétique) : celui d’une pensée théorique en quête de représentations.
En quoi consiste ce type de fictions ?
La démarche de Freud s’inscrit dans un contexte historique, philosophique, et épistémologique
qui a largement favorisé l’usage théorique de fictions ; il faut ainsi souligner qu’en faisant un emploi
« heuristique » des fictions, Freud prolonge un héritage philosophique qui remonte à Kant.
En effet, les paradigmes modernes de la fiction théorique se sont déployés à partir de Kant
essentiellement, ils sont indissociables d’une approche critique de la pensée, de ses limites et de ses
ressources. La fiction du « noumène », par exemple, émerge en un point spécifique du travail de la
pensée, ce qui renvoie à la façon dont une théorie s’élabore lorsqu’elle rencontre « quelque chose
d’inconnu », expression kantienne par excellence ([6], p. 985). Une des dimensions stratégiques
du noumène consiste à repérer, dans la faculté de penser, une ressource inédite, celle de façonner
des fictions heuristiques, précisément au moment où cet inconnaissable se révèle comme une
limite au désir de savoir. Nous pouvons ainsi souligner quatre aspects fondamentaux de la fiction
dans cette dimension proprement heuristique :

• au plan épistémologique, une fiction est une « construction » qui peut jouer un rôle décisif
dans le déploiement d’une pensée. Plus précisément, il y a fiction heuristique lorsqu’une cons-
truction intellectuelle est reconnue et assumée comme telle dans une démarche théorique :
cette représentation vise à penser quelque chose, tout en acceptant un écart entre ce qui est
« supposé » et le Réel en jeu. « Fiction » prend ici le sens moderne de « représentation auxi-
liaire », de « supposition provisoire », sens fréquemment présents chez Freud, en particulier dans
L’interprétation du rêve [4]. La mise en place d’une telle « construction » implique d’accepter
un principe d’incertitude au cœur de la représentation. De la même manière, Freud parlera
d’ailleurs de « construction » lorsqu’une incertitude touche la possibilité de se représenter, en
tant que psychanalyste, ce qui a eu lieu, ou pas, dans le passé du sujet. L’analyste peut suppléer
à l’impossibilité de savoir « objectivement » ce qui a eu lieu jadis, par la fiction de ses propres
« constructions » [7], il ne s’agit pas alors de retrouver, par exemple, le souvenir d’un fait réel,
mais de forger une supposition. De ce point de vue, la fonction heuristique de la fiction se
révèle aussi essentielle dans le cheminement théorique que dans la pratique psychanalytique ;
• certaines de nos représentations se présentent comme des fictions au sens où elles nous sont
subjectivement nécessaires. Elles ne sont introduites que dans une prudence mesurée, sous la
forme de suppositions, et c’est bien souvent sur le mode du « comme si » qu’elles rendent
possible une pensée ; il ne s’agit donc pas de chercher une valeur objective à de telles fictions,
elles tiennent leur valeur d’un point de vue subjectif. C’est bien dans ce sens que Kant introduit
certains concepts, comme la notion de « noumène » ou celle de « finalité » dans la nature :
la « finalité » n’est qu’une « idée » de notre raison, dont le fondement n’est pas objectif
mais subjectif ([8], p. 1194–1195). C’est notre condition subjective (notamment notre désir
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de spéculation au-delà du champ phénoménal et du donné objectivable) qui nous pousse vers
certaines représentations fictionnelles ;
• soulignons qu’une telle fiction ne tient pas sa valeur d’une vérification ultérieure (en cela elle
se distingue de l’hypothèse) mais du fait qu’elle permet de rendre pensable, sous la forme d’un
modèle inédit par exemple, « quelque chose » de l’ordre des processus inconscients [4]. Le
sens du mot « penser » se modifie de façon substantielle à ce moment-là, notamment lorsque
certaines notions sont présentées comme des « concepts-limites » ([6], p. 984–985). La fiction
peut être intégrée dans les processus subjectifs de la pensée comme un détour, où rationalité et
imagination se conjuguent de façon féconde ;
• il y a de l’Inconnu, et il y aura toujours, dans ce modèle épistémologique, « quelque chose » qui
échappera à l’objectivité. Nous approchons alors un paradoxe plus précis : dans quelle mesure
ce qui est « inconnaissable » peut-il être fictionné, voire « conceptualisé » ?

2.2. Fictionnalité de certains concepts

La fiction intervient dans la « fabrique » des concepts les plus fondamentaux, ceux qui
demeurent essentiellement « problématiques ». La fiction d’un « concept problématique » (le
« noumène » chez Kant ou la « pulsion » chez Freud. . .) présuppose une méthode pour continuer
à penser l’« Inconnu », celui-ci étant irréductible. Cet aspect de l’épistémologie kantienne consti-
tuera, pour Freud, l’essentiel permettant de caractériser sa propre approche de l’Inconscient :
élaborer une théorie du psychisme inconscient, c’est faire l’épreuve des limites de la pensée et
faire sien cet héritage de l’« inconnaissable » ([9], p. 212–213). Dans ce contexte, les chemine-
ments théoriques de Freud et de Lacan vers leurs conceptions de l’Inconscient, conçu sur le modèle
kantien de la « chose en soi », sont profondément liés à l’assomption de fictions heuristiques dans
l’activité de penser la vie psychique.
Le contexte du début du XXe siècle a favorisé la légitimité des fictions conceptuelles, comme
l’emploi explicite du mot « fiction » d’un point de vue théorique. En ce sens, il revient à un
contemporain de Freud, Hans Vaihinger (1852–1933), d’avoir condensé ce contexte, et d’avoir
produit une théorie des fictions particulièrement consistante dans son ouvrage La philosophie
du comme si, paru initialement en 1911 [10]. Cette approche originale de la fiction entend à la
fois nommer la « fiction » partout où elle se déploie, et montrer en quoi les fictions concernent
potentiellement tous les champs de la représentation : mythologies, œuvres d’art, mais aussi
philosophies du droit, philosophies politiques, concepts scientifiques. . . Vaihinger fait aussi un
pas de plus par rapport au fictionalisme de Kant, allant parfois jusqu’à donner l’impression
que la plupart des grands systèmes philosophiques de Platon à Nietzsche, et que le savoir, y
compris dans sa dimension scientifique, sont fondamentalement fictionnels. Avec Vaihinger, la
conceptualisation la plus rigoureuse, en mathématiques par exemple, implique la présence de
fictions, si bien que « pensée scientifique », « concepts fondamentaux » et « fictions » ne sont pas
contradictoires [10].
S’il est difficile de mesurer l’impact et les traces profondes du fictionalisme néo-kantien de
Vaihinger dans la pensée moderne, notamment en raison de la relative rareté des études en la
matière, sa philosophie et son vocabulaire se retrouvent dans de nombreux écrits contemporains,
aussi bien chez le juriste Hans Kelsen, que chez Freud, lorsqu’ils s’inscrivent, dans leurs champs
respectifs, dans la modalité du « comme si » [11]. Ce n’est donc pas un hasard si Freud mentionne
explicitement Vaihinger comme le philosophe de la fiction ([12], p. 17). Freud a manifestement
lu cet auteur, et a su intégrer son fictionalisme dans sa propre manière de penser le psychisme
inconscient : il s’agit en quelque sorte d’une méthode, qui se retrouvera également chez Lacan,
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notamment dans le libre jeu des métaphores poétiques, des références littéraires et mythologiques,
qui caractérise une part décisive de son élaboration. Mais la notion de fiction est loin d’être uni-
voque. Après avoir différencié la fiction au sens « esthétique » et la fiction au sens « heuristique »,
nous allons maintenant faire un pas de plus, en confrontant des « modèles » philosophiques
hétérogènes, et en repérant leurs résurgences chez Freud et Lacan.

3. Les sens possibles de la fiction

La fiction n’est pas un concept homogène. Si peu de philosophes ont tenté d’élever la fiction
à la dignité d’un concept, deux penseurs se démarquent dans ce domaine : Jeremy Bentham
(1748–1832) et Vaihinger. Ces deux figures majeures de l’épistémologie des fictions sont investies
d’une façon particulière, chez Lacan comme chez Freud. Après avoir mis au jour les liens entre
Freud et Vaihinger, il s’agit maintenant d’interroger ce que Lacan entend par « fiction » : lorsqu’il
parle de « fiction », il évoque constamment Bentham. Qu’est-ce que cela implique ?

3.1. Bentham/Lacan : la fiction des mots

C.K. Ogden a souligné un point décisif dans son introduction à Bentham’s Theory of Fictions :
la différence entre Bentham et Vaihinger constitue une ligne de démarcation radicale ; Bentham
s’est principalement attaché aux aspects linguistiques qui conditionnent l’existence des fictions
[13]. Pour Bentham, la fiction implique fondamentalement les mots.
Chaque mot peut en effet se révéler comme le vecteur de différentes fictions, selon les défini-
tions, les phénomènes rhétoriques ou les contextes de langues dans lesquels il se déploie. Ainsi,
parler n’est pas nécessairement parler de ce qui existe dans la réalité : c’est au déploiement de la
parole et du langage qu’une fiction doit, selon Bentham, son existence [13]. Cet auteur n’a cessé
d’insister sur ce qui détermine la possibilité même des fictions (qu’elles soient poétiques ou bien
juridiques. . .), c’est-à-dire l’existence des mots. En prenant appui sur des exemples juridiques
et politiques, cette exploration des fictions pouvait alors se transformer en une encyclopédie des
impostures verbales et des sophismes en tous genres.

3.1.1. Une logique du soupçon


Certains énoncés n’ont d’autre « réalité » que linguistique. Ainsi, la notion de « Contrat »
utilisée en philosophie politique aux XVIIe et XVIIIe siècles, en particulier chez Thomas Hobbes
et Jean-Jacques Rousseau, peut être considérée comme une pure fiction. À ce titre, le « contrat
originaire » des philosophes constitue le paradigme de la fiction pour Bentham [13]. Cet auteur a
voulu démontrer que les philosophies du pouvoir, par le choix de certains mots, sont en quelque
sorte des artifices aussi puissants qu’inaperçus : des fictions donc, qui organisent, bien souvent à
notre insu, une représentation du monde, des autres et des événements, ou encore les jugements
sur ce qui a de la valeur. De sorte qu’une fiction n’est pas sans effet : une fiction (comme le
« contrat » selon Hobbes par exemple) est un élément du discours, qui certes n’a pas d’existence
en réalité, mais qui produit des effets sur les hommes (croire que l’« État » est ou doit être institué
pour telles ou telles finalités. . .).
En droit constitutionnel, la fiction de l’« État » ou du « suffrage universel » commence dès sa
définition. De tels exemples tirés de l’histoire du Droit pourraient montrer à quel point le pouvoir
des fictions tient effectivement au pouvoir des mots, le Droit pouvant être considéré comme un
système complexe de codes, de lois, d’articles, c’est-à-dire un ensemble de discours, d’écritures,
de réécritures, et de définitions plus ou moins fictives. Ainsi, pour Bentham, de la même manière
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qu’une loi renvoie aux présupposés d’une écriture et aux spécificités d’une langue, une entité
fictive est fondamentalement une entité verbale [14].
De ce point de vue, une constante de la position de Lacan consiste à s’inscrire explicitement
dans le sillage de Bentham, en reliant « fiction » et « langage », comme si le fait d’être parlant,
de se représenter le monde avec des mots ainsi que l’action de produire des récits impliquaient
nécessairement des fictions. L’activité narrative d’un sujet dans la cure pourrait alors s’apparenter
aussi bien à un travail de symbolisation qu’à une production de fictions. Lacan insiste sur la
matière fictionnelle des « histoires » dont la cure est l’espace de déploiement : les chemins
par lesquels un sujet peut trouver les mots pour dire son « passé » sont des « réécritures » et des
« reconstructions », si bien que la fiction peut être considérée comme le centre de gravité des récits
en analyse [15]. Dans ce sens, il semble essentiel de souligner que « la fabrique de l’histoire » dans
la cure repose à la fois sur la fiction des récits et sur l’impossible adéquation des discours au Réel
(« scène primitive », rencontre traumatique. . .) : ce que les « histoires » racontées dans la cure
peuvent nous apprendre, c’est qu’elles sont des lieux de perpétuelles « réécritures », de variations
infinitésimales, où se conjuguent des fantasmes sous-jacents et des transformations narratives.
Les récits d’un événement traumatique ou d’une « scène primitive » sont essentiellement des
« (re)constructions ». Nous retrouvons ici la notion, essentielle d’un point de vue clinique, de
« construction ».
Si de telles approches du discours s’inscrivent dans le sillage de Bentham, c’est qu’elles situent
la source des fictions, disons leur condition de possibilité, dans le registre symbolique des mots.
Cette approche des fictions peut être considérée comme une « herméneutique du soupçon » qui
met au jour le pouvoir de fictions, pouvoir qui se perpétue à travers les mots [16]. Dans cette
logique, la première fonction du langage peut être redéfinie : « Loin que la désignation des objets
extérieurs soit sa fonction première, il [le langage] est d’abord, en effet, une machine à créer des
fictions. Celles sur lesquelles repose notamment, selon Bentham, l’ordre juridique. Mais c’est là
une thèse que nous pouvons généraliser, en allant jusqu’à dire que, au-delà du seul ordre juridique,
c’est tout l’ordre humain de nos relations morales, affectives, etc., qui repose sur de telles fictions »
([17], p. 244). La psychanalyse échappe-t-elle pour autant à un souci de vérité ?

3.1.2. La question de la vérité


Langage et fiction sont structurellement imbriqués : la fiction n’est pas un élément contingent
du discours humain, elle est constitutive de l’ordre symbolique [18]. Dès lors, dans la mesure où
la vérité d’un sujet est celle d’un être parlant, cette vérité s’apparente à une fiction. Bien au-delà
du champ « esthétique » donc, tout ce qu’un sujet énonce en parlant ou en écrivant n’est-il pas
alors de la fiction ? La radicalité de la notion de fiction chez Lacan se joue en ce point crucial : la
fiction est à l’œuvre dans l’ordre du langage, cela touche donc au statut des échanges symboliques
et de la vérité du sujet, en tant qu’il s’agit d’un sujet parlant.
Cette approche de la fiction renouvelle la conception du Symbolique, et retrouve aussi la
problématique de l’invention narrative, dans un sens proche du « roman » : ainsi, la cure serait,
d’une part, un champ ouvrant la possibilité de « réécrire » son histoire, c’est-à-dire de produire des
fictions, notamment celles liées au « roman familial », et, d’autre part, l’occasion de reconnaître
les liens à partir desquels certaines fictions symboliques et logiques signifiantes (les mots entendus
ou dits jadis par exemple) ont pu organiser nos représentations internes, nos fantasmes infantiles
comme nos souffrances intimes. L’enjeu d’une psychanalyse serait moins alors la remémoration
du « passé » ou d’une « scène primitive », fondamentalement perdus et inconnaissables, que la
possibilité de « fabuler », de « reconstruire » symboliquement, par des récits, ce qui échappe au
sujet [15].
G. Bourlot / L’évolution psychiatrique 82 (2017) 307–321 315

3.1.3. Le site des fictions


Si Lacan se tourne vers la problématique des fictions, et nous renvoie constamment à Bentham,
c’est précisément dans la mesure où celui-ci a développé une approche « linguistique à proprement
parler », ce qui peut subvertir à la fois notre écoute des mots déployés en séance et notre conception
de la vérité elle-même ([18], p. 21). L’articulation Bentham/Lacan peut ainsi se condenser en trois
points décisifs :

• l’ordre symbolique est un champ de fictions. La fiction au sens lacanien demeure essentiel-
lement benthamienne, y compris d’ailleurs lorsqu’il s’agit de reconnaître dans les « concepts
fondamentaux » le travail de la fiction ([19], p. 149). Un concept est avant tout une convention,
et celle-ci ne prend forme que dans les discours qui la soutiennent. Lacan, héritier de Bentham
et lecteur de Ogden, situe fondamentalement les fictions dans l’espace du langage, y compris
la fiction théorique, qui donc devient une fiction du discours ;
• cette intrication Symbolique/fictions n’exclut pas que Lacan reconnaisse aussi la valeur heu-
ristique des mythes, il va ainsi, par exemple, repenser le concept de libido à partir du discours
d’Aristophane dans le Banquet de Platon : il prolonge alors un récit mythique par une conceptua-
lisation où la théorie peut prendre une forme poétique [19]. Le paradigme benthamien n’exclut
pas la dimension heuristique des fictions ;
• il n’y a pas d’opposition entre fiction et vérité. Dans la mesure où les fictions sont constitutives
du champ symbolique, la vérité ne peut se déployer qu’en tant que fiction. Dans ce contexte,
le mot « fiction » ne vise pas le faux, l’illusoire ou la tromperie, mais le Symbolique comme
tel [18].

De Freud à Lacan, la notion de fiction s’est ainsi transformée, en mettant en relief la dimension
« linguistique ». Ce déplacement révèle un changement de perspective complexe, qui tient à des
choix épistémologiques et des contextes historiques différents. S’il n’est pas possible de dissocier
langage et pensée, une théorie du langage touchant nécessairement la problématique de la pensée,
il revient à Vaihinger et, dans son sillage, à Freud, d’avoir choisi un autre point de vue que celui
du langage pour penser la fiction. Cette question de la fiction va nous permettre de montrer en
quoi Freud n’a cessé d’explorer l’énigme de la pensée.

3.2. Vaihinger/Freud : une pensée à l’œuvre

Nous avons souligné plus haut que le type de fiction que Vaihinger entend définir n’est pas la
fiction comme entité linguistique, mais la fiction comme modalité heuristique, propre à l’acte de
penser : une pensée se traduit dans un ensemble d’opérations et d’événements psychiques (douter,
calculer, imaginer une hypothèse. . .), c’est un processus qui s’élabore pour atteindre ses propres
fins ; produire de nouvelles représentations [10]. Le choix d’un concept ou d’un modèle est avant
tout une question « pratique », ainsi le choix d’un modèle euclidien en géométrie, par exemple,
dépend des questions spécifiques auxquelles il s’agit de répondre. En ce sens, il est possible
de parler d’un pragmatisme chez Vaihinger, qui reconnaît une part fondamentale au choix des
modèles et à l’imagination dans la condition de théoricien. Dans ces processus, la dimension
linguistique n’est pas le problème central, et même lorsque Vaihinger évoque Bentham, il ne
semble pas prendre la mesure de la spécificité de l’approche de la fiction par les mots ([10],
p. 176). Il s’agit bien de deux « modélisations » distinctes de la fiction. D’ailleurs, comme le
316 G. Bourlot / L’évolution psychiatrique 82 (2017) 307–321

suggère C.K. Ogden, il est fort probable que Vaihinger n’ait pas lu directement Bentham, et qu’il
ait atteint ses propres conclusions indépendamment de cet auteur [13].

3.2.1. La créativité d’une pensée


À certains moments de la recherche théorique, « penser » et « imaginer » sont très proches, et la
condition de théoricien, en mathématiques par exemple, implique le recours à des fictions, c’est-
à-dire à ce que nous pouvons seulement imaginer. « Fiction » indique ici la dimension imaginaire
d’une invention conceptuelle, la nécessaire création d’un modèle. Avec Vaihinger, « fiction »
devient le nom générique de l’inventivité théorique, au sens où elle correspond à une méthode qui
permet à une pensée d’aller le plus loin possible ; la force de cet auteur a été de mettre en relief la
créativité à l’œuvre dans l’acte de penser, acte qui peut produire des modèles et des concepts. Là
encore, soulignons que le contexte scientifique de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle a
joué un rôle crucial dans sa réflexion, tant cette période a été marquée par différents changements
radicaux dans la modélisation et la fictionalisation des concepts scientifiques, notamment les
concepts de temps et d’espace [10].

3.2.2. Fictions théoriques et vie psychique


Fictionner, c’est s’autoriser à façonner des modèles, s’autoriser à associer, à imaginer, c’est
supposer quelque chose d’inédit pour pouvoir penser et se représenter l’irreprésentable : c’est, par
exemple, accepter de suivre des fictions littéraires ou intégrer des récits mythologiques pour en
faire des outils théoriques. C’est ce que fait Freud avec le mythe platonicien de l’androgyne, qu’il
a notamment utilisé dans Au-delà du principe de plaisir, pour penser l’intrication pulsionnelle
Eros/Thanatos et le désir de retour à l’inanimé [20]. Le destin des pulsions demeure impensable
sans de telles fictions. Un récit mythologique peut alors servir de fiction théorique, il y a ainsi un
transfert du registre mythologique vers le champ métapsychologique, qui permet de former des
pensées, et qui tient sa légitimité des opérations qu’il rend possibles ; se représenter par exemple
le Destin, c’est-à-dire le temps psychique de la répétition.
« Spéculer » (au sens de pouvoir « fictionner », « imaginer » quelque chose d’aussi étonnant
que le mythe platonicien de l’androgyne) implique des franchissements de seuils psychiques
dans les processus de pensée. Rappelons que Freud, au moment même où il est sur le point de
s’engager dans ce qu’il appelle une « spéculation », nous prévient d’une difficulté : « ce qui suit
est spéculation, une spéculation remontant souvent bien loin et que tout un chacun prendra en
compte ou négligera selon sa position particulière. . . » ([20], p. 295). Qu’est-ce que cette remarque
implique ?

3.2.3. Qu’est-ce qu’une « spéculation » ?


Le mot « spéculation » (« Spekulation ») traduit à la fois, pour Freud, un seuil dans l’abstraction
théorique, et un degré de fiction spécifique : disons qu’il s’agit d’une fiction particulièrement
complexe à imaginer et difficile à accepter. Freud sait qu’il va surprendre ses lecteurs en passant
dans le registre mythologique, et qu’il s’agit d’un récit aux limites de l’imaginable, tant il paraît
étrange, voire « fantastique » ([20], p. 331). En outre, la possibilité de « prendre en compte »
une « spéculation » n’est pas une ressource universellement partagée, mais un positionnement
fondamentalement subjectif, donc singulier et aléatoire. L’auteur de Au-delà du principe de plaisir
formule, à plusieurs reprises dans son cheminement, une sorte de mise en garde : d’un côté donc,
il y a bien ce qu’il faut nommer une « spéculation », mais d’un autre côté, c’est à chacun, selon
ses aptitudes propres, de pouvoir la suivre, ou pas. . . Lorsque Jacques Derrida interroge cette
position critique de Freud, il en vient à souligner ceci, qui est essentiel pour comprendre les destins
G. Bourlot / L’évolution psychiatrique 82 (2017) 307–321 317

possibles des spéculations : « Il [Freud] ne cherche pas à vous convaincre d’une vérité. Il ne veut
rien soustraire au pouvoir, aux investissements propres, voire aux associations et projections de
chacun. . . » ([21], p. 366). Freud entend bien ici se dégager d’une posture rhétorique qui viserait
à convaincre ses lecteurs.
Le statut freudien de la « spéculation » peut donc être précisé à partir de trois remarques
essentielles pour notre sujet :

• la « spéculation » s’apparente au degré le plus élevé de la fiction théorique. Elle implique à la


fois des cheminements associatifs, des investissements subjectifs et des vecteurs pulsionnels,
comme la « curiosité de voir où cela mènera », la question du « voir » étant indiquée par Freud
lui-même comme un élément sous-jacent à la position épistémique du sujet [20] ;
• au cœur de la « spéculation », les mythes se présentent à la fois comme des récits de fiction,
des structures d’intelligibilité et des formes de savoir : ils sont en quelque sorte ce qui donne le
plus à penser. Sur ce point décisif, Freud et Lacan se rejoignent : les mythes entretiennent des
rapports particulièrement profonds avec la vérité et la condition tragique de l’humain. À propos
des mythes justement, Lacan formule sa position en ces termes : « La vérité a une structure,
si l’on peut dire, de fiction » ([22], p. 253), le mythe incarne en effet le rapport structurel qui
existe entre fiction, langage et vérité ;
• à ce niveau de « spéculation », il semble bien difficile de distinguer une « imagination de
fantaisie », qui concernerait les mythes, et une « imagination heuristique », qui procèderait à
des fins théoriques. Ainsi, Lacan comme Freud nous rappellent-ils qu’un mythe peut avoir une
valeur de « théorie » [20]. Une fiction au sens « mythologique » peut très bien être transférée dans
le champ « théorique », de par le potentiel heuristique qu’elle recèle. C’est donc notre conception
de la pensée qui se trouve en question : ce jeu des fictions (« récits mythologiques »/« concepts
théoriques ») tend à nous faire reconnaître la nécessaire « fantasmatisation » qui se déploie
dans une pensée créatrice de concepts.

4. Conclusions

Le statut épistémologique des fictions n’est pas une donnée atemporelle, ni une structure
arrêtée, il renvoie à des champs conceptuels hétérogènes et à l’équivocité du mot : qu’il n’y ait
pas une définition univoque de « la » fiction nous rappelle que l’émergence et le déploiement
d’« une » fiction peuvent impliquer des champs épistémologiques différents, ainsi qu’une activité
de penser qui demeure singulière. Cette équivocité tient aussi à l’histoire de la langue.
Ainsi, le Dictionnaire de la langue française de Littré précise qu’il y a deux champs princi-
paux de significations : le mot « fiction » peut désigner, en premier lieu, tout ce qui concerne
l’« invention de choses fictives », ce qui renvoie notamment à la poésie, aux romans, aux fables,
aux mythologies. . . Parmi ces « choses fictives », Littré mentionne les fictions du droit, les fictions
de la loi, et ce qui vaut « par convention ». « Fiction » peut désigner, en second lieu, ce qui relève
du mensonge et de la dissimulation, c’est-à-dire la dimension de la feinte et de la tromperie ([23],
p. 1664). Notre réflexion a privilégié le premier champ de significations, si bien que l’usage trom-
peur ou frauduleux de la fiction a été en quelque sorte mis entre parenthèses. La fiction utilisée,
consciemment ou inconsciemment, pour (se) tromper aurait probablement, pour nous, des noms
plus précis comme : le mensonge, l’affabulation, la mythomanie. . ., qui comprennent des nuances
complexes, et des degrés plus ou moins pathologiques. Nous n’avons pas ouvert ces chapitres
dans la mesure où nous avons voulu considérer la fiction dans sa complexité épistémologique et
dans sa valeur heuristique.
318 G. Bourlot / L’évolution psychiatrique 82 (2017) 307–321

La notion de convention est en ce sens essentielle pour mieux départager la fiction heuris-
tique de la feinte trompeuse. En effet, le rapport subjectif aux fictions théoriques implique une
attitude critique, notamment envers les « concepts-limites » de la psychanalyse : il ne s’agit
pas d’y « croire » [5]. Proposer des « concepts-limites », comme les concepts de pulsion et de
répétition, repose sur une convention qui maintient une position critique dans la pensée. Cette
convention peut s’exprimer de multiples manières, cela peut être une formule telle que : « Je
vais parler de quelque chose que j’imagine. . . », ou encore : « Je vais vous proposer un récit
qui pourrait paraître invraisemblable. . . ». Chez Freud et Lacan, la référence explicite au champ
mythologique participe d’une telle convention. Ce mot est bien souvent formulé comme le seuil
des concepts fondamentaux et des fictions conceptuelles [19], ce qui éloigne de telles fictions
à la fois de la croyance illusoire et de l’intention trompeuse. Dans les processus d’une pen-
sée, le seuil de la fiction tient parfois à une formulation, aussi essentielle que dense, comme
l’expression « faire comme si » : Vaihinger souligna cet élément, en montrant que Kant utilisait
cette expression pour indiquer une nouvelle façon de penser des Idées en tant que simples fictions
([11], p. 22).
Dans le champ de la culture, dans l’espace littéraire par exemple, cette dimension de convention
peut prendre de multiples formes et variantes, d’un simple mot (« roman », « contes ». . .) écrit
sur la couverture d’un livre à une préface ou une phrase explicite qui avertit le lecteur potentiel de
la fictionnalité du texte, ainsi comme le remarque Gérard Genette : « la forme la plus fréquente
aujourd’hui, peut-être empruntée à une pratique familière au cinéma, est celle d’un avis séparé
du type : « Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance
avec des personnes ou des situations existantes ne saurait être que fortuite. Une telle formule, on
le sait, a une fonction juridique, puisqu’elle vise à éviter des procès en diffamation, qu’elle n’évite
pas toujours. Il s’agit alors d’un véritable contrat de fiction. . . » ([24], p. 220). De ce point de vue,
une convention a une fonction de seuil entre réalité et fiction, elle marque une frontière, et semble
donc séparer nettement le champ des fictions artistiques et heuristiques de la feinte trompeuse.
Ajoutons enfin qu’une convention peut présenter un caractère structurel, par exemple lorsqu’il
est question du langage comme tel, comme Ferdinand de Saussure l’a souligné à propos du signe
linguistique : l’association du signifiant et du signifié est fondamentalement conventionnelle [25].
L’histoire de la langue nous rappelle aussi que le mot « fiction » est lié à « fictilis », ce qui
est modelé par l’argile, et qu’il vient du latin « fingere », qui veut notamment dire « modeler »,
« façonner » [26]. Les différentes significations de ce mot dépendent, en outre, des contextes
historiques, comme le suggère le Dictionnaire Historique de la langue française : « Fiction
reprend d’abord le sens de « tromperie », bien vivant au XVIIe siècle, aujourd’hui sorti d’usage. Il
désigne parallèlement (XIIIe siècle) un fait imaginé, opposé à réalité – par extension le domaine
de l’imaginaire (XVIIIe siècle) – et s’emploie en droit pour nommer un fait qui résulte d’une
convention (1690 ; fiction de droit). . . » ([27], p. 848).
« Fictio », « fingere » renvoient fondamentalement à l’activité de « fabriquer », d’« inventer »
[27], ce qui concerne potentiellement différents niveaux de la vie psychique. Nous avons ainsi
tenté de montrer en quoi la dimension heuristique des fictions correspond à la créativité d’une
pensée en quête de concepts, comme elle participe de la fonction créatrice de la parole et du récit.
Sur un plan épistémologique, nous avons voulu souligner en quoi l’histoire des notions et
des approches philosophiques est indispensable pour saisir la pluralité des significations et des
modélisations possibles du concept de fiction en psychanalyse. Des travaux récents ont parfois
tenté d’explorer les tenants et les aboutissants de « la » fiction en écartant aussi bien Bentham que
Vaihinger ([28], p. 16). Or, un détour par ces héritages philosophiques nous paraît essentiel pour
mettre en évidence l’existence de différents « modèles » possibles et définir la logique propre à
G. Bourlot / L’évolution psychiatrique 82 (2017) 307–321 319

chaque type de fiction. Bentham et Vaihinger n’ont pas seulement tenté d’élever la fiction à la
dignité d’un « concept philosophique », ils ont ouvert la voie à une réflexion sur la place des
fictions dans la vie psychique, c’est bien ce qui se rejoue dans les approches de Freud et de Lacan.
Dans ce sens, nous ferons quatre remarques pour conclure.
Tout au long de notre réflexion, nous avons rencontré plusieurs sens possibles, et notamment
ces quatre sens ; la fiction comme production imaginaire, la fiction comme procédé heuristique,
la fiction comme identique à l’ordre symbolique, et la fiction comme spéculation aux limites de
l’imaginable. Nous n’avons pas opté pour un sens exclusif, qui viendrait recouvrir les autres : le
principal risque, dans la recherche d’« un » sens, étant l’oubli de la richesse et de la multiplicité
des fictions. Ainsi, lorsque Dorrit Cohn, essayant d’échapper à la pluralité des significations du
terme, fait le choix de définir « la » fiction en tant que « récit littéraire non référentiel » ([7],
p. 2), le paradigme du roman vient en quelque sorte exclure du champ des fictions, à la fois
les abstractions conceptuelles, les spéculations théoriques, les jeux d’enfants, et des pans entiers
de l’art. Ainsi, la réduction de « la » fiction à un aspect (la dimension littéraire et narrative par
exemple) perd la richesse sémantique du terme, au moment même où elle se focalise sur un sens. À
l’inverse, nous avons tenté de montrer que les différentes dimensions de la fiction ne s’excluent pas
mutuellement ; ainsi un mythe peut être à la fois considéré dans ses dimensions imaginaires (c’est
un récit « non référentiel » au sens où il se donne lui-même comme « fantastique », « irréel »,
ou plus explicitement comme « quelque chose d’imaginé »), symboliques (c’est une structure
langagière qui se répète et se transmet dans ses narrations successives) et heuristiques (il peut y
avoir une intrication entre récit mythique et concept théorique).
La radicalité de Lacan consiste à déplacer sur une autre scène – linguistique – les fictions,
qui constituent l’ordre symbolique comme tel. En d’autres termes, le langage n’est pas le miroir
du monde et des choses, il en est la trame symbolique [18]. Dès qu’il est question de situer
un auteur par rapport à un autre (Lacan par rapport à Freud), la tentation est bien souvent de
former, de façon plus ou moins implicite, des « sentences hiérarchisantes » ([21], p. 380). Pour
déjouer cette tentation, il faudrait souligner qu’il s’agit moins, dans notre réflexion, de présenter
une alternative entre deux « modèles » de la fiction que de mettre en jeu un renouvellement
déplaçant le site où elle se joue. L’instauration et l’usage des fictions, chez Freud comme chez
Lacan, se déploient à partir de choix épistémologiques, de sources philosophiques et de contextes
différents. Chacun a abordé cette question de la fiction à sa manière, avec ses propres références et
ses investissements spécifiques. Le « mouvement » de déplacement d’une dimension heuristique
vers un champ linguistique est aussi la preuve par le devenir qu’une pensée psychanalytique est
vivante lorsqu’elle se renouvelle. Ce ne sont parfois que les résurgences de la pulsion de mort
dans la pensée qui rivent celle-ci à la fascination pour des définitions figées, ce qui ne peut que
nous éloigner de l’activité de recherche [29].
Une fiction n’est jamais donnée « une fois pour toutes ». Le statut d’une fiction se joue en effet
entre un sujet épistémique et ses objets, selon des modalités relationnelles complexes (degrés
de doute, acceptation de l’inconnu, désir de spéculer. . .) : ce n’est donc pas le contenu qui fait
le propre d’une fiction, c’est une manière de penser, avec ses incertitudes et ses doutes. Freud
lui-même a connu plusieurs positionnements à l’égard de sa théorie, et lorsqu’il s’est situé au sein
du mouvement psychanalytique en tant que « chef d’école », il n’a pas échappé à « un certain
dogmatisme » ([17], p. 82). Il n’est donc pas exclu qu’une recherche, faite au départ de questions
critiques et de fictions complexes, puisse s’échouer dans des dogmes, dès lors que l’« esprit
d’orthodoxie » envahit tel ou tel champ du savoir et que des rapports de pouvoir traversent ce
champ [30]. De ce point de vue, une fiction demeure une entité subjective, qui ne peut être réifiée
avec des critères objectivants sans perdre son essence même.
320 G. Bourlot / L’évolution psychiatrique 82 (2017) 307–321

Enfin, pour mieux articuler sujet du récit et fictions narratives, il serait nécessaire d’interroger,
de façon plus approfondie, la question de la narration. De ce point de vue, la notion de « cons-
truction » demeure décisive. La prise en compte du positionnement des historiens dans la
« (re)construction » du passé est ici essentielle, comme l’indiquait Michel de Certeau, pour
mieux penser les fictions [31]. Pour faire un pas de plus, il nous faudra donc prolonger notre
réflexion, en reprenant les enjeux de la narration comme processus d’historisation et de subjecti-
vation, processus par lesquels un sujet peut, non seulement parvenir à « raconter » son histoire,
mais aussi laisser sa propre parole élaborer, penser et représenter ce qui se joue aux limites de la
narration et de l’événement. Un point essentiel tient au fait que la narration n’est pas une entité
figée, elle peut être un processus d’exploration, susceptible de multiplier les interprétations et les
variations. Une question cruciale avait été formulée dans ce sens par Paul Ricoeur : dans quelle
mesure un récit peut-il constituer la médiation par laquelle un sujet parvient à « refigurer » son
expérience [32] ? Nous retrouvons en quelque sorte l’origine du mot « fiction » : il s’agit bien,
dans un récit de fiction, de « modeler », de « donner une forme » à une part de notre expérience.
Ricoeur proposait de penser l’« identité narrative » du sujet comme un processus incluant une
multiplicité de récits, une succession d’interprétations, un jeu potentiellement ouvert de variations,
c’est-à-dire un devenir du sujet lui-même [32]. Ce chapitre spécifique, aux implications décisives
d’un point de vue clinique, impliquera donc des prolongements dans notre réflexion sur la valeur
des fictions en psychanalyse. Or, le sujet qui parle en analyse, le sujet qui produit les récits de ses
expériences, de ses symptômes, de ses rêves. . ., ce sujet s’adresse fondamentalement à un Autre,
qui prend forme opératoire dans le transfert. Et, comme le formule Lacan ; « dans le transfert,
le sujet fabrique, construit quelque chose. Et dès lors, il n’est pas possible, me semble-t-il, de
ne pas intégrer tout de suite à la fonction du transfert le terme de fiction. . . » ([33], p. 207). La
fin ouvrante de notre texte nous conduit donc au seuil de cette question : de quelles fictions le
transfert est-il le nom ?

Déclaration de liens d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

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